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LIVRE Stefan Liberski la jubilation rieuse

LIVRE

STEFAN LIBERSKI

Par Aurélia Dejond

La jubilation rieuse

Il explore l’humain sans rien s’interdire. Quitte à montrer le tragi-comique de l’existence. Avec Teo, personnage aussi inquiétant qu’attachant, on s’aventure dans une grille de lecture décalée et jouissive. Et on pose ensuite un regard différent sur tout, à commencer par soi-même.

Est-ce votre humour sarcastique qui vous permet de traiter des sujets dramatiques avec un semblant de légèreté?

Ce mélange me fait rire, le tragique n’est jamais loin du grotesque. Si je ris en écrivant ou en me relisant, je me dis très modestement que c’est donc un peu réussi. J’aime rire de beaucoup de choses, mais il ne faut pas confondre avec la moquerie. Voir quelqu’un glisser sur une peau de banane ne m’amuse pas du tout (rires) ! Je peux rire de joie ou de frayeur, mais aussi de tout: de la beauté, de la virtuosité, du dramatique. Et aussi de mes personnages ou de moi-même. Le rire allège. J’aime provoquer cette jubilation rieuse chez le lecteur.

L’univers de Teo est flippant: il vit enfermé dans un appartement immense, ancien cabinet d’avocats déserté, il masse son front contre les murs, a des tocs, erre parfois nu, perd la mémoire.

J’aime organiser une situation de départ. Cet enfermement évoque sans doute les confinements. J’ajoute des ingrédients, j’épice, je vois mon personnage évoluer sous ma plume, je sculpte le ton, j’interroge sa monstruosité potentielle, physique comme morale. On se pose tous cette question un jour, à l’adolescence notamment: suis-je comme tout le monde? Teo est dans une certaine introspection, à travers sa mémoire qui se défait. Est-il «normal» ou pas du tout?

Comme dans votre précédent roman, Une grande actrice, la figure maternelle est très présente. Source de fascination, de peur, de fantasmes?

Ce n’est sans doute pas un hasard. Mon père ne parlait pas, ma mère était un moulin à paroles ! Teo est-il victime de sa mère ou s’en venge-t-il? C’est ambigu. Je n’aime pas trop aller vers le réalisme dans ce genre de récit. On peut tout interpréter et lire ce qu’on a envie d’y voir. J’aime que les lecteurs soient impliqués et actifs. Un peu à la manière des nouvelles de Kafka, s’agit-il d’une grande métaphore ou est-ce littéral? Chacun jugera.

Teo nous plonge dans un certain vide, dans une forme d’attente d’un dénouement qui ne vient pas. Vous-même, vous savez ce qui lui arrive après le point final?

(Rires). Non, pas vraiment! J’aime assez l’idée que l’on cherche soi-même une signification. C’est une dialectique étrange et qui échappe à l’injonction d’une n forcément claire et nette. Comme quand Teo se demande si le robinet d’eau chaude était bien le bon ou s’il n’a pas confondu avec celui d’eau froide en se convaincant pourtant que l’eau était chaude…et il faut vérifier. Ce que l’on voit est-il vraiment ce que l’on voit? Et ce que l’on entend, vit, ressent? La fin ouverte d’un roman implique forcément le lecteur…

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