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MODE Vu à la télé

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HOROSCOPE

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Barbie Ferreira, Cat dans Euphoria.

Vu à la télé

Les personnages de séries devenus icônes de mode sont légion. Pensez à Sex and the City, Mad Men ou encore Dynasty… Autant de sagas qui influencent la mode de la rue depuis des décennies. L’arrivée des services de streaming tels que Netflix et Streamz n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Pleins feux sur une tendance qui connait aussi ses ratages.

En seulement quatre semaines, avec 1,19 billion d’heures de visionnage au compteur, la série Wednesday a été élue « deuxième série anglophone la plus populaire sur Net ix ». TikTok a grandement contribué à ce succès. La danse - déjà culte -  que l’actrice Jenna Ortega a elle-même élaborée pour la célèbre scène de bal de la série n’est pas seulement la choré la plus copiée de l’appli. Ses looks d’inspiration gothique sont également les plus scrutés du moment. Les séries influencent nos choix de vêtements et notre style. Chaque génération se reconnaît dans son personnage préféré. Qu’il s’agisse des robes corset victoriennes de Bridgerton ou du combo chandail/ cycliste années 90 de Lady Diana Spencer dans The Crown. Ce que nous voyons à la télé ou sur l’écran de notre ordinateur portable nous interpelle et nous fait acheter. En 2022, le moteur de recherche de mode Lyst a constaté une

1. Defilé automnehiver 2022 Diesel. 2. Hunter Schafer pour Prada.

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croissance de 194 % des recherches relatives aux pièces mode vues dans les séries et les lms. L’impact de leurs personnages übercool sur la mode est avéré. Les retombées commerciales aussi, on s’en doute. L’exemple ultime : Euphoria. Les tenues et les maquillages inspirés de l’an 2000 portés par les protagonistes de cette série gurent au cœur de toutes les convoitises. Les looks de Rue, Jules, Maddy, Lexi, Kat et Cassie ont non seulement eu un impact sur la garde-robe des dèles téléspectateurs de la génération Z, mais aussi sur les collections qu’ont lancé les designers établis. À l’occasion de son premier dé lé pour Diesel en février 2022, Glenn Martens a fait dé ler une véritable armée d’Euphoria sur les podiums, tandis que l’actrice Hunter Schafer (Jules dans la série) a été choisie pour dé ler pour Prada dont elle est aussi devenue l’égérie.

MODE ET CULTURE, UN CONCEPT

La psychologue de la mode Leen Demeester ne voit pas le lien entre mode et culture comme un phénomène, mais bien comme un concept à part entière. « Depuis les années 2000, les jeunes stars de la culture pop comme Britney Spears, Madonna et Lady Gaga a chent des looks détonants qui ont marqué leur génération. La musique, le cinéma, les séries et la littérature ont façonné la jeunesse et déterminent aussi ses looks. Ces éléments contribuent à façonner l’expression de notre culture : depuis l’adolescence et ses tâtonnements jusqu’à la vingtaine, une décennie durant laquelle les jeunes sont plus aisés, pragmatiques et sûrs de leurs choix. Comme le prouve la série culte Euphoria, notre jeunesse est le début de notre vraie vie ; un moment où l’on fait un choix sur qui on est et ce qu’on veut. Dans cette série, aucun thème actuel n’est passé sous silence : fluidité des genres, surpoids et automutilation, amour lesbien ou transgenres : tous les jeunes en quête d’identité se posent ce type de questions. Clins d’œil à la génération grunge et Y2K (années 2000), les vêtements des personnages • • •

Emily in Paris : pas l’hystérie attendue, mais un succès mondial pour Essentiel Antwerp, grâce au pull porté par le personnage principal Emily Cooper.

Wednesday: l’histoire à succès de l’année sur Netflix et TikTok.

“ La musique, le cinéma, les séries et la littérature façonnent la jeunesse et déterminent aussi ses looks. ”

Leen Demeester, psychologue de la mode.

• • • d’Euphoria sont à la fois portables et immédiatement reconnaissables. Ou, comme le dit un père dans Euphoria à son enfant: “Je suis envieux de ta génération parce que tu te ches du pourquoi.”

LIBERTÉ DE CHOIX !

Bien avant Euphoria, Carrie Bradshaw dans Sex and the City encourageait les femmes à échanger leurs ballerines contre des Manolos et à porter des tutus pour déjeuner. Tout le monde connaissait le nom de la styliste responsable des looks de Carrie. La designer Patricia Field a d’ailleurs vu sa carrière prendre un nouveau départ à Sex and The City. Pendant vingt ans, elle a été considérée comme un véritable gourou mode, capable de transformer, d’un coup de cintre magique, n’importe quelle série en un concept branché. Et si cette recette a fonctionné pendant deux décennies, avec Emily in Paris, tout ne s’est pas passé comme prévu. À la base, l’idée des producteurs était de lancer un programme destiné à une nouvelle génération de téléspectateurs. Patricia Field a été invitée à créer les looks des personnages principaux. Contre toute attente, la sauce n’a pas pris. Un peu comme si le style des personnages semblait forcé. Si les tenues branchées et organiques d’Euphoria ont fait un carton, Emily Cooper et ses looks trop mode n’ont pas inspiré les jeunes à se ruer dans les boutiques. Peu de gens ont eu envie, à l’instar d’Emily, de faire du shopping dans des bottes vert vif en peau de serpent et mini-jupe argentée assortie. Même si, on s’en doute, les créateurs et les marques en rêvaient, la série n’a pas fait le buzz. Beaucoup y ont vu une caricature de ce à quoi devrait ressembler une série à succès sans grande originalité. « Quelle lle dans la vingtaine a le budget pour se procurer toutes les pièces tendances et les accessoires coûteux portés par Emily ? Le prix élevé des pièces en question et leur caractère non durable ont forcément déplu à de nombreux jeunes », précise Leen Demeester. « La mode actuelle ne nait plus dans les studios, mais bien dans la rue. C’est ce qui explique la démocratisation du secteur ; une démocratisation instaurée par les jeunes eux-mêmes. » En 2023, ce qui compte, c’est le sentiment que nous procure une série, plus que le style. Nous nous intéressons maintenant à l’image globale, dans laquelle, par exemple, la bande son est tout aussi importante que le scénario. Considérez, par exemple, la musique des années 1980 de Kate Bush. Depuis le succès de Stranger Things, elle est redevenue extrêmement populaire. « La littérature d’Emily Bronte (connue surtout pour Les Hauts de Hurlevent) séduit les jeunes, très nostalgiques du passé », précise Leen Demeester. La série nous replonge dans une époque où « tout allait mieux ». Une autre raison qui explique l’obsession de la nouvelle génération pour les années 2000, avant la pandémie ou la récession mondiale. La mode, par essence, a pour objectif de nous plonger dans le même monde que celui du personnage principal de la série que nous aimons. La mode fait rêver et donne de l’espoir. Et si vous ne pouvez pas vous permettre ce haut court à 800 € que vous avez vu à l’écran, entrez dans une friperie et vous dénicherez la version originale de 2002. Plus authentique et meilleur pour l’environnement, c’est évident.

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