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MOI LECTRICE « Je suis tombée amoureuse avant notre première rencontre »
Après un divorce et une ultime désillusion sentimentale, Audrey, 39 ans, n’attend plus rien de l’amour ni des hommes. Devant l’insistance de ses amies, elle accepte malgré tout de s’inscrire sur un site de rencontres… Où, alors qu’elle s’apprête à fermer son compte, quelques échanges vont bouleverser le cours de sa vie…
Par Alexandre Duyck
MOI LECTRICE
EN 2014, JE SUIS SÉPARÉE depuis six ans d’avec mon ex-mari. J’ai mes deux enfants en garde alternée, je vis à Paris. Bien sûr, depuis ma séparation, j’ai eu des relations avec des hommes. Des histoires pour la plupart sans lendemain. Ayant connu un divorce et tout ce qui va avec, je n’ai aucune envie de me replonger dans une histoire longue. Le célibat me va très bien, j’ai toujours été très bien avec moi-même et je retrouve une véritable liberté. Je ressens aussi une forme de pression de la part d’une société qui veut que, entre un divorce et l’établissement d’un nouveau couple, il faille prendre son temps, un peu comme après un décès. Comme si cela ne se faisait pas d’enchaîner deux histoires sérieuses si vite. Au bout d’un certain temps, j’essaie tant bien que mal de reconstruire une vie à deux avec un homme de mon âge. On s’entend bien, ça devient sérieux, je lui présente mes enfants, il emménage même chez nous trois. Certes, me retrouver tous les soirs en tête-à-tête avec lui me fait revivre le passé mais je suis prête à passer outre, c’est confortable sentimentalement. Mais un soir, comme dans la chanson de Gainsbourg chantée par Jane Birkin, il me fait réellement le coup d’aller acheter des cigarettes. Il sort en disant qu’il revient dans cinq minutes. Sauf que les clopes, c’est une de ses aventures et qu’elle va le retenir toute la nuit. Il rentre le lendemain matin en tentant de s’expliquer. Pendant son absence, j’ai emballé toutes ses affaires dans des sacs-poubelles. Il retrouve tout sur le palier. Pendant que j’y suis, j’ai modi é le mot de passe de son ordinateur. Il a une réunion importante le lendemain matin, il m’appelle en urgence. Je vais le laisser me supplier en rigolant, je l’imagine devant ses collègues. Le nouveau mot de passe est “BÂTARD” et je suis prise d’un fou rire en l’imaginant l’écrire devant les autres.
JE RESTE À NOUVEAU CÉLIBATAIRE PENDANT
PRESQUE UNE ANNÉE ENTIÈRE. Je ne veux plus rencontrer qui que ce soit, même pour une nuit. Personne ne m’inspire confiance, tout ceci ne rime à rien. Je ne crois plus en mon jugement et encore moins en les hommes. Mais au bout d’un moment, mes copines s’inquiètent pour moi et commencent à m’inviter à des soirées, en espérant que je rencontre quelqu’un. J’ai alors 39 ans. Je repars toujours seule de leurs fêtes, par choix. À cette période, tout le monde commence à s’inscrire sur des sites de rencontres, mais cela reste un peu honteux, plus vraiment tabou mais c’est considéré comme une marque de faiblesse, comme si on n’était pas capable de se débrouiller dans la vraie vie sans y avoir recours. Toutes mes copines sont pourtant inscrites sur des sites. On se fait des soirées “fiches”, on débouche une bonne bouteille, on va sur “Adopte un mec” et on passe du temps à rigoler en épluchant les pro ls des gars qui nous ont envoyé des petites “baguettes magiques”, des likes nous incitant à entrer en contact avec eux. Le site est bien fait : les garçons peuvent juste nous demander de com-
muniquer avec eux mais si nous ne donnons pas suite, il leur est impossible de nous contacter. Invariablement, ça finit par mes copines qui passent au crible, plus sérieusement, les ches des hommes qui peuvent éventuellement me plaire. On regarde tout ça ensemble mais on utilise le compte d’une de mes amies. Moi, je n’apparais nulle part.
Je finis par créer mon profil. Un texte plus drôle qu’aguicheur pour me décrire, un pseudonyme tiré de l’univers de la bande dessinée et des photos sur lesquelles je ne suis pas franchement “Miss Sourire” . Je crois être tranquille et, en même temps, je fais plaisir à mes copines. J’attire d’abord toute la fine fleur des chacals à la recherche d’une proie nouvelle qui commencent invariablement leurs messages par : “Kikou t’es tro belle la Miss !” Jusqu’au monsieur de 65 ans qui me trouve “rafraîchissante” et me vante les mérites des voyages en caravane. Je fais tout de même quelques rencontres sympathiques mais je coupe toujours court dès que je sens que l’autre peut commencer à devenir trop sérieux. Finalement, je recherche comment me désabonner et je recommence dans le même temps à aller dans des soirées en me disant que les rencontres dans la vraie vie, c’est sans doute mieux.
UN JOUR, JE FAIS UN DERNIER TOUR SUR
MON COMPTE avant de le fermer. Je refuse toutes les demandes. J’ai juste une hésitation au moment d’en e acer une. Je décline tout de même et je me dis : je déciderai demain. Le lendemain, je retourne consulter mes messages en me disant : voyons s’il a relancé ou pas ! Il a renvoyé une invitation à discuter. J’épluche donc ses photos et son profil. Celui-ci me plaît bien, mais trois photos sur cinq ne me vont pas. Je ne réponds pas. Deux jours après, je retourne sur l’appli, décidée à fermer mon compte. Il m’a laissé une nouvelle demande de discussion. Je regarde à nouveau les photos et décide de ne retenir que les deux que j’aime. Et je me dis : ah oui, quand même… Je repose mon téléphone. Je me donne une heure de réflexion. Deux minutes après, je suis de nouveau en train de regarder les photos avant d’accepter sa requête. D’expérience, je m’attends à ce qu’il saute sur l’occasion pour engager la conversation. Et là, rien. Je me liquéfie de ne pas avoir de réponse dans l’instant et j’attends, comme une andouille. Et je m’en veux d’y avoir cru car après tout, visiblement, c’est juste un mec comme les autres.
JE ME SUIS PEUT-ÊTRE TROMPÉE. Je reçois une noti cation, il vient de m’envoyer un message. Il est heureux que j’aie accepté mais ne peut pas me parler plus longtemps car il part en week-end avec ses enfants à la campagne. Je rentre dans une colère noire, persuadée que c’est un prétexte et qu’il a changé d’avis. Or moi, je regarde mon téléphone en permanence en espérant avoir de ses nouvelles. Bingo ! Dès qu’il a pu trouver du réseau, le soir, il m’écrit à nouveau et mon cœur s’emballe. Ses messages sont simples et touchants, et derrière eux se dessine un homme que je commence déjà à aimer. Je n’arrive plus à poser mon téléphone et à la fin de la journée, quand il me dit : “Je suis désolé, je dois y aller”, c’est un vrai déchirement. Il me dira plus tard être tombé amoureux de moi avant même de m’avoir rencontrée. Je ne me souviens plus précisément de notre premier appel téléphonique, deux jours après, le dimanche. Je pense que c’est lui qui m’a appelée. Je me souviens simplement de la poussée d’adrénaline quand j’ai vu son numéro s’a cher. J’avais le cœur qui battait à cent mille quand j’ai décroché, j’ai bredouillé et j’ai dû faire dix mille pas dans mon petit salon le temps de notre conversation. On allait se voir le jour d’après, et j’étais morte de trouille. Je jouais gros : j’étais déjà amoureuse. Je savais instinctivement que c’était lui. Il n’y avait rien de rationnel, rien n’était sûr, si ce n’est qu’il ne fallait pas que je rate cet homme-là. Je n’en ai pas dormi de la nuit et j’ai passé la journée au travail, montée sur pile électrique, à imaginer tous les scénarios et à me demander comment j’allais m’habiller le soir. Je ne voulais pas repartir de ce rendez-vous sans lui. Il m’a dit à quelle station de métro il m’attendait. Quand je suis sortie, je l’ai vu de l’autre côté de la rue, j’ai traversé, il s’est penché vers moi pour me faire la bise et sans réfléchir, je l’ai embrassé sur la bouche. Je me suis excusée tout de suite, il avait l’air heureux et étonné tandis que je me répétais : mais pourquoi tu as fait ça ?
NOUS NOUS SOMMES PACSÉS DEUX ANS
PLUS TARD puis, comme je le lui avais demandé, comme il me l’avait promis, nous nous sommes mariés, entourés de nos familles et de nos amis. On ne s’est jamais quittés. Finalement, il est bien plus beau que sur ses photos. Reste une chose que je n’explique toujours pas : comment avons-nous pu tomber aussi amoureux l’un de l’autre en même temps, sans s’être rencontrés, sur la base de quelques messages, d’un appel téléphonique et d’une poignée de photographies ? »
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