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WOMAN @ WORK L’avenir est féminin
L’avenir est féminin
En 2022, les femmes ne représentent toujours qu’un cinquième des sièges répartis dans les conseils d’administration des 500 plus grandes entreprises du monde. La situation est encore plus grave pour les travailleuses issues de minorités ethniques. La bonne nouvelle: de plus en plus de femmes gardent les yeux rivés sur ce fameux plafond de verre. Leur objectif: le faire exploser. À force de volonté, mais aussi grâce au soutien d’autres femmes dont le parcours exemplaire est un moteur et une source d’inspiration infinie.
Fin mars, The Bicester Collection et le World Travel & Tourism Council (WTTC) ont organisé une table ronde – la première du genre – baptisée Unlock Her Future Women. Programmée dans la C-Suite de Maasmechelen Village, ce premier grand rendez-vous depuis la pandémie visait à réfléchir aux différents moyens de pallier le manque de représentation féminine aux niveaux politique et administratif. Maribel Rodriguez, présidente de Women Leading Tourism, la créatrice de contenu Anna Nooshin et Vera Taks, membre du Parlement européen, figuraient parmi les personnalités inspirantes qui ont pris la parole pour évoquer les défis et obstacles qui tiennent, aujourd’hui encore, les femmes éloignées des postes clés et des conseils d’administration des entreprises. À ce sujet, nous avons longuement échangé avec l’inspirante Desirée Bollier, Présidente et Global Chief Merchant de The Bicester Shopping Collection.
Pensez-vous vraiment que toutes les femmes sont destinées à atteindre les sommets de la hiérarchie de leur entreprise?
Ma réponse pourrait susciter la controverse. Si l’idée vous plait et vous rend heureuse, il est tout à fait acceptable d’être mère au foyer. Il y a une grande différence entre le fait de vivre la vie que vous choisissez ou celle que les gens imaginent pour vous. Mon bonheur à moi impliquait que je devienne mère, épouse et patronne. Me demander de choisir un de ces rôles ne m’aurait pas permis de devenir la femme que je suis
aujourd’hui. Ma meilleure amie voulait être mère. Faire carrière ne l’intéressait pas. Je ne l’ai jamais jugée pour ça. En fait, c’est la femme la plus heureuse que je connaisse. Trouver sa voie est un combat quotidien, non pas parce que vous êtes une femme, mais parce que vous restez fidèle à votre vision de la vie et aux choses que vous aimeriez réaliser. Si vous voulez conserver une relation saine avec les gens qui vous entourent, vous devez avoir établi un rapport sain avec vous-même. Lorsque vous ne vous connaissez pas, cela entraine une forme de déconnexion, source de frictions, mais aussi de la colère, de l’amertume, et de la jalousie. Comme si vous n’étiez pas au bon endroit au bon moment. Je dis toujours aux femmes qui m’entourent : ancrez-vous, sachez qui vous êtes et aimez-vous. Une fois que vous atteignez ce point, vous pouvez conquérir le monde. C’est un voyage continu.
Comment êtes-vous vous-même arrivée à occuper ce poste au sein de The Bicester Collection?
J’ai la chance que le fondateur de notre entreprise est un homme visionnaire et avant-gardiste. Il est lui-même père de 4 filles qui ont toutes étudié à Harvard. En m’engageant, il a pris un risque, c’est certain. Je ne venais pas du monde de l’immobilier, mais du commerce de détail, et j’adore la mode… Mais nous étions complètement en phase. Nous avions la même vision. Je ne le voyais pas comme un homme, mais comme un génie. Il ne me voyait pas comme une femme, mais comme une excentrique avec un sens aigu des affaires. C’est comme ça que ça s’est passé. Une fois que vous savez qui vous êtes, vous osez donner votre avis. Que cet avis soit mesuré, respecté ou controversé. Tant que vous avez une approche respectueuse de la vie, c’est tout à fait normal de ne pas penser comme tout le monde.
Comment avez-vous vécu ces 2 dernières années?
Pour moi, la pandémie n’a pas été bénéfique aux femmes. Le Covid a obligé certaines d’entre nous à faire face à de nombreuses obligations. Pour moi, un partenaire signifie un partenaire… de vie. Les tâches doivent être partagées. Pendant le confinement, les femmes ont fait face à un stress terrible. Du jour au lendemain, elles se sont transformées en prof pour les enfants. Elles ont dû cuisiner trois fois par jour pour tout le monde et nettoyer la maison. Pourquoi ne pouvions-nous pas imaginer un partage plus équitable des tâches? Quoi qu’il en soit, les vraies questions sont les suivantes : comment les femmes peuvent-elles devenir l’égal des hommes, tant à la maison, que dans une salle de conférence, sur le plan économique et à l’échelle de la planète? Pour moi, les tables rondes comme celles que nous avons organisées aujourd’hui sont presque cathartiques. Elles rassemblent les gens et les incitent à aborder les problèmes de manière pragmatique. De telles conversations ne sont pas toujours agréables, mais elles ont le mérite de nous faire prendre conscience que nous ne sommes pas les seules à penser de cette façon.
Selon vous, que faut-il pour améliorer la situation des femmes?
Il faut se poser les bonnes questions. Pensez-vous que vous auriez atteint vos objectifs si vous étiez née dans une société différente? Dans une famille qui ne vous aurait pas envoyée à l’école et qui aurait attendu de vous que vous fassiez le ménage dès l’enfance? Je ne veux pas pointer du doigt un pays en particulier. Cette réalité, c’est celle de très nombreux pays aujourd’hui. Il y a 320 millions de filles dans le monde qui sont contraintes de se marier alors qu’elles ne sont encore que des enfants. Et de l’autre côté, nous partons à la conquête de Mars. Tout cela n’est-il pas incroyablement paradoxal? Il me semble évident qu’en matière d’émancipation, tout commence par l’éducation. La solution, elle est là. Les secteurs privé et public doivent travailler ensemble pour changer les mentalités et protéger l’avenir des jeunes générations. J’ai grandi au Liban avec un père qui ne m’a jamais traitée comme une fille. Nous parlons ici des années 60. À l’époque, son attitude était vraiment progressiste. Ma mère n’a jamais travaillé un seul jour de sa vie, mais elle était dotée d’un esprit très libre. L’association de ces deux personnes a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Mes parents attendaient de moi que j’aille aussi loin que mes deux frères. C’était très exceptionnel pour l’époque.
Par le biais de The Bicester Collection, quel message voulez-vous véhiculer?
Notre philosophie consiste à faire vivre des moments magiques à nos visiteurs en mixant l’art, la mode et le design. La narration et l’expérience d’achat deviennent de plus en plus importantes. Je préfère aussi le mot destination à outlet. La mondialisation et le numérique ont complètement éliminé la notion de saisons. Nous portons tous des couleurs printanières en hiver. Tout dépend de ce que vous ressentez aujourd’hui en tant qu’individu et de ce que vous voulez porter. Tout est possible. Cette ouverture donne à nos clients la liberté de faire leurs achats où et quand ils le souhaitent. L’individualité prime sur tout le reste. Les marques avec lesquelles nous concluons un partenariat sont aussi nos clients. La disparition des saisons traditionnelles dans le secteur de la mode leur a permis de se concentrer sur l’innovation et non sur les tendances. Parce que nos villages offrent un niveau de qualité semblable au leur, les marques haut de gamme nous font suffisamment confiance pour faire affaire avec nous.