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TOUT CE QUI VA FAIRE VIBRER MAI & JUIN

La qualité devient le nouveau bien du monde contemporain, alors même que sa notion est tellement subjective », explique le philosophe belge Simon Brunfaut. Pourtant, beaucoup jouent le jeu de cette mise en abyme volontaire, alors même que la notion de libre arbitre individuel s’en voit estompée. Car si notre faculté à juger nos compétences devrait avant tout être propre à chacun, les partager sur les réseaux sociaux ou sur un site dédié entraîne un autre phénomène, source potentielle de dérives: la comparaison. « S’il s’agit au départ de la possibilité d’un regard, voire d’un plus grand contrôle sur soi-même, c’est en réalité aussi un regard sur les autres : suis-je à la hauteur de ma communauté ou non, suis-je aussi bien qu’eux ? Avec des autoinjonctions du type ‘ Reprends-toi en main ’, ‘ Autoresponsabilise-toi, fais des efforts ’… Tout devient travail, même le sport, qui n’est alors plus un loisir. Ces autobilans constants de soi-même peuvent devenir étou ants, avec une grande culpabilité à la clé », déplore le spécialiste.

L’AUTOAPPRÉCIATION EST POURTANT LOIN D’ÊTRE UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU. Elle existait déjà chez les Stoïciens et à l’époque de Marc Aurèle, qui enjoignait à s’autoévaluer régulièrement. « Il s’agissait de

« J’ai réussi à faire de mon bracelet connecté un allié et non un ennemi qui me fait la morale. »

Alicia, 43 ans

réels examens de conscience. Aujourd’hui, se mesurer du matin au soir est une autoévaluation de surface, cela n’a rien d’une démarche profonde, on ne va pas plus loin. On se rassure sur le plan individuel, dans un système capitaliste qui joue sur nos défauts et nos peurs. Mais qu’est-ce que cela dit de nous, hormis que l’on accepte sans broncher une injonction supplémentaire?», interroge Simon Brunfaut. Si l’objet connecté, bien utilisé, peut s’avérer un précieux allié pour savoir où on en est sur le plan de sa forme physique, notamment, le vrai défi est en effet de ne pas subir le diktat du dépassement de soi à tout prix. « Je suis devenue orthosomniaque : l’obsession d’un sommeil parfait m’a complètement dominée. Avec des scores de 8 ou 9/20 tous les jours, je culpabilisais de rater mes nuits. Aujourd’hui, j’ai réussi

MA SEMAINE EN MODE CONNECTÉ

Les promesses quotidiennes qui m’ont intéressée a priori*: la surveillance avancée de ma santé 24 h/ 24 et 7 j/7 (fréquence cardiaque, sommeil, pouls, stress, hydratation, suivi du cycle menstruel, etc.), une forme physique personnalisée (25 applis sportives extérieures et intérieures, entraînements prédéfinis ou personnalisables parmi 1400 exercices, etc.), des fonctions intelligentes au poignet (musique intégrée, paiements sans contact, fonctions de sécurité et envoi d’un message aux contacts d’urgence en cas d’incident) et la possibilité de répondre à un appel et d’envoyer un message depuis son poignet.

*Modèle testé : Garmin Venu 2 Plus,

MON VERDICT

Les plus: une vraie valeur ajoutée à ma vie quotidienne. Savoir que j’effectue les 10 000 pas quotidiens recommandés par l’OMS est rassurant, les messages de félicitations font du bien à l’égo. Les applis pointues font office de coach à domicile, on se sent pris en main, j’ai diversifié mes activités (Pilates et yoga). Les moins: hypocondriaques, s’abstenir! Il s’agit de ne pas paniquer lorsqu’on constate une tension ou un pouls faible ou élevé ou un déficit de sommeil. Je me suis également surprise à trop souvent vérifier mes données sur une journée, petit côté obsédant à bien maîtriser. Conclusion: à condition d’en rester maître, la montre intelligente permet de savoir si on en fait trop ou trop peu, de varier les sports grâce aux applis et d’avoir une vue plus nuancée de son état au quotidien, d’éventuellement s’alerter. à faire de mon bracelet connecté un allié et non un ennemi qui me fait la morale. J’ai réappris à dormir sans me fixer d’objectif », explique Alicia, 43 ans.

Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans le numérique, insistait, lors de la 13e conférence TechnoArk(2), sur la notion d’économie de la pensée en évoquant notamment « ces outils qui répondent à notre place à des questions que l’on ne se pose même pas». La spécialiste invite à se se demander « si l’on est (encore) capables de poser un regard sur nous-mêmes sans l’aide d’un outil, sans avoir à disposition une mesure précise de data visualisation de ce que l’on est censés être». Et les comportements, même s’ils sont nuancés, d’être encore assez genrés en la matière. « Les femmes ont tendance à utiliser ces objets de quantification car elles tendent à plus prendre soin d’elles, ce sont les notions de bien-être et de développement personnel qui l’emportent, elles sont davantage centrées sur elles-mêmes, c’est comme si elles avaient un coach personnel. Elles partagent moins leurs exploits, c’est pour elles. Les hommes sont plus dans une notion de performance, de compétition ou de comparaison», constate la psychologue, qui rappelle également que devenir expert de soimême peut poser question, un bracelet connecté ne remplaçant jamais une consultation médicale en bonne et due forme, notamment. « Papa adore voir que ses copains ont de moins bons scores que lui après le footing, ça le met de bonne humeur, comme s’il avait réussi un examen. Tout le monde s’en che, non ?», sourit Samya, 12 ans. Et si la vérité numérique sortait de la bouche des enfants ?

1. Étude Deloitte 2019. 2. Le Quantified Self, quelles répercussions sur nos comportements et notre société?, 2018

LES UKRAINIENNES AU CŒUR DU COMBAT

Elles sont majoritaires sur les routes de l’exil, mais aussi très actives sur le terrain, armes à la main ou engagées dans les opérations logistiques. D’un courage inouï, elles jouent un rôle central dans ce conflit, comme nous l’explique Anna Colin Lebedev, chercheuse en sciences politiques spécialiste de l’Ukraine et de l’espace post-soviétique. Ses propos éclairent avec acuité les témoignages de femmes ukrainiennes recueillis dans ce dossier.

Propos recueillis par Laure Marchand

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1. Kyiv, 5février 2022: des Ukrainiennes participent volontairement à un entraînement militaire organisé par l’armée ukrainienne dans le quartier dortoir de Dniprovskiy. 2. Des Ukrainiens fuient le chaos sur la route de Lviv, le 3mars dernier. Un grand nombre de personnes qui quittent leur maison sont des femmes et des enfants. 3. 25février 2022: dans les décombres de Kyiv, au deuxième jour de l’attaque massive de la Russie.

BAUT/AGENCE VU. JUSTYNA MIELNIKIEWICZ/MAPS. ANDRIY DUBCHAK. GUILLAUME HER BERNAT ARMANGUE/AP PHOTO/SIPA. En février dernier, à Lviv, des volontaires ukrainiennes chantent l’hymne national du pays après s’être réunies pour confectionner des filets de camouflage.

En agressant l’Ukraine, la Russie ne s’attendait pas à une telle résistance de la part de sa population. Quelle part occupent les femmes dans ce mouvement?

Vladimir Poutine pensait avoir à faire à des forces armées qu’il s’agirait de désarmer et ensuite à une société civile qui accepterait passivement l’entrée de l’armée russe. Or, il a été confronté à une opposition à l’invasion de la société tout entière. Dans cette résistance, le rôle des femmes est absolument central.

Ce rôle se voit-il concrètement dans la composition de l’armée?

Tout à fait. Aujourd’hui, plus de 15 % des combattants de l’armée sont des femmes et elles représentent 22,8 % de l’ensemble des militaires, y compris ceux aux postes administratifs et logistiques, selon les derniers chi res. Bien sûr, ce n’est pas proportionnel au nombre de femmes dans la population mais leur augmentation rapide dans l’armée a été impressionnante. On a là un changement de paradigme conscient et une volonté affichée du gouvernement ukrainien d’assurer cette intégration des femmes. L’Ukraine cherche à se rapprocher des normes européennes et occidentales en termes d’égalité femmes-hommes. Les e orts au sein de l’armée font partie de l’e ort général.

“Cette année, les messages o ciels de l’État ukrainien pour souhaiter un bon 8mars étaient des images de combattantes. On passe du talon aiguille au treillis de combat.”

L’engagement des femmes se traduit militairement mais également au sein de la société civile…

Dans l’espace post-soviétique, le 8 mars est un jour de célébration de la féminité plus que des droits des femmes. Généralement, les pouvoirs publics communiquent avec des eurs, en célébrant la beauté… Cette année, les messages officiels de l’État ukrainien pour souhaiter un bon 8mars étaient des images de combattantes. On passe du talon aiguille au treillis de combat. Clairement, le message change car il re ète une situation déjà existante. La société se trouve dans cet état d’esprit où hommes et femmes combattent. Ce ne sont pas les femmes qui se sont militarisées mais la société tout entière, préparée à la guerre.

Pouvez-vous expliquer cette préparation et cet esprit de résistance?

La société est mobilisée depuis 2014, année de la révolution de Maïdan et du début de la guerre dans le Donbass. Depuis, il y a eu un apprentissage, des rôles ont été distribués. Les fonctions sont effectivement sexuellement différenciées. Globalement, on retrouve plus de femmes dans les fonctions de soin, de soutien… Mais si, nous, nous avons découvert la guerre le 24février dernier, les Ukrainiens se savent en guerre depuis 2014. Il y a huit ans, quand le conflit a éclaté dans le Donbass, la société s’est

d’autant plus mobilisée que la défaillance militaire ukrainienne était totale au début. L’armée n’était pas capable de combattre. Ceux qui le font dans une première phase sont donc les civils ; ceux qui leur donnent la possibilité de combattre sont aussi des civils, restés à l’arrière. Ils vont être activement engagés et les femmes sont déjà très présentes. Ainsi, lorsque la Russie attaque en février2022, hommes et femmes avaient une place dans cette guerre.

Quel impact a cette militarisation des femmes? Accélère-t-elle une émancipation?

La question de l’émancipation des Ukrainiennes ne se pose pas : elle remonte à 1917, au moins pour la partie de l’Ukraine qui était dans l’Empire russe. Dès cette époque, les femmes ont l’obligation de travailler, sont encouragées à faire les mêmes études que les hommes, font des carrières à égalité avec eux, ont leur indépendance financière. Cet égal accès à l’éducation et à la carrière pendant l’ère soviétique a vraiment façonné les rapports entre les sexes. Même si les mécanismes de plafond de verre – le terme n’est pas approprié car il est anachronique – fonctionnaient aussi, bien évidemment. Mais on a un modèle très particulier aux pays de l’ex-URSS et donc à l’Ukraine : quand un jeune couple a un enfant, la grand-mère, paternelle ou maternelle, part très souvent à la retraite à ce moment-là a n de s’occuper intégralement de la vie domestique et de l’enfant. La grand-mère permet ainsi à la mère de mener sa carrière. Par ailleurs, les infrastructures de prise en charge collective des enfants sont très développées. En revanche, il y a une inégalité au sein du foyer car les femmes prennent en charge la totalité des fonctions domestiques. Cela dit, elles vont toujours avoir l’indépendance nancière pour partir. Le taux de divorce est d’ailleurs extrêmement

ANASTASIIA, RÉFUGIÉE D’UKRAINE EN FRANCE

“C’est difficile d’accepter que je vais changer de vie...”

Par Juliette Hochberg

LUNDI 7 MARS 2022, AU DÉPART DU TGV

MARSEILLE-PARIS. Une jeune femme au teint blafard assise sur le siège d’en face envoie des notes vocales dans une langue étrangère. Je crois reconnaître un mot: «Poutine.» Je lui demande alors d’où elle vient, si tout va bien. «Ukraine», répond Anastasiia, avant de rembobiner ces derniers jours cauchemardesques. Qu’a-t-elle pu bien vivre, cette fille de mon âge, quand je profitais de tendres instants auprès de ma sœur et de ma nièce née il y a quelques jours? Anastasiia me confie qu’elle deviendra bientôt tante à son tour: «Je suis inquiète de savoir où et comment l’enfant viendra au monde.» Peut-être que sa sœur accouchera dans un bunker, où elle se réfugie depuis que la guerre a pulvérisé leur quotidien. C’était il y a douze jours, une éternité pour Anastasiia qui a traversé depuis de nombreuses frontières, avec pour tout bagage un sac à dos et une petite valise. Ce 24février, à Kyiv, l’étudiante de 27 ans et sa colocataire Tetiana sont réveillées à 5h du matin par l’appel qui suit.

“LA GUERRE A COMMENCÉ.” «Bonne blague! Bonne nuit!» raccrochent-elles. Il a fallu une seconde sonnerie pour quitter le monde des rêves: les bombes commencent à pleuvoir sur la capitale. «Durant dix minutes, nous sommes restées figées, en état de choc», se rappelle la jeune Ukrainienne. Dix minutes, et puis… Il faut agir. La priorité? Quitter leur appartement proche de la zone ciblée par les premiers bombardements. «Tout le quartier était dehors. Tout le monde semblait choqué et criait: “Go, go, go!” » Dans le bunker où les amies ont trouvé refuge, impossible de s’endormir. «Vous savez, quand vous entendez des bombes sans cesse, vous développez des angoisses, de la paranoïa…» Au deuxième jour de la guerre, Anastasiia et Tetiana rejoignent des amis qui souhaitent quitter le pays. Cinq voitures, onze futurs réfugiés. Les grands axes étant saturés, le groupe tente de rejoindre un village ukrainien à la frontière moldave par des petites routes. «Il y avait tellement de soldats russes…» Au volant, Anastasiia est prise d’une crise de panique. Arrivés sur place, les exilés, accueillis par la grand-mère d’un ami, s’endorment à onze dans une chambre. Au matin, le groupe se divise. Chacun suit son plan: certains roulent en direction de la Pologne, d’autres vers la République tchèque. Anastasiia et Tetiana optent pour Budapest, en Hongrie. Là-bas, elles sont prises en charge par la famille d’une amie. «Je suis allée au restaurant, j’ai bu du café… alors que mon pays a difficilement accès à l’eau. Je me suis sentie comme une traître de vivre une vie normale», confie Anastasiia.

“JE NE SAIS PAS SI C’ÉTAIT LE BON CHOIX

DE PARTIR. J’aime l’Europe, j’aime voyager, j’aime les gens… Mais j’aime surtout mon pays et ma famille», poursuit celle qui ignore encore quel sera son terminus. Londres peut-être, car quelques copains y sont installés. «C’est difficile d’accepter que je vais changer de vie…» Qui plus est seule. Ses parents et sa sœur ont refusé de la suivre. Tandis que Tetiana est restée en Hongrie, Anastasiia a pris l’avion pour Marseille. Son petit ami travaille sur un bateau qui est actuellement amarré au port. «Il vit très mal le fait d’être bloqué ici. Il veut retourner en Ukraine mais je lui ai dit que c’était trop dangereux… Toutes les nuits, je me réveille car j’entends les bruits des bombardements et des sirènes dans ma tête. Je ne peux pas rester seule. Je ne peux plus dormir ou manger normalement.»

POUR QUE JE RÉALISE L’HORREUR,ELLE ME

TEND SON TÉLÉPHONE. À l’écran, une vidéo montre le visage déchiqueté d’un soldat ukrainien. Une vidéo, parmi celles qu’elle reçoit de ses proches ou qui surgissent sur Instagram. Les réseaux sociaux, indispensable source d’information en temps de guerre, mais impitoyable source d’anxiété. Parmi les suggestions de contenus sur son feed: des vidéos du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Un bref sourire se dessine sur son visage: «Il a des “big balls”. Sa détermination nous donne de l’espoir» . Dans sa coque de portable, Anastasiia a rangé quelques billets, 2000 dollars. La solitude, l’inquiétude pour les siens, l’avenir incertain sont plus anxiogènes que le manque d’argent, assure-t-elle. «Nous verrons ce qui arrive… C’est la vie. Une vie un peu différente…» Loin des menaces et des chars russes, ce sera désormais sa vie.

COLLECTION PERSONNELLE.

élevé. Dans ce modèle, ce qui est important pour s’accomplir en tant que femme, ce n’est pas d’être en couple mais d’avoir eu au moins un enfant. Qu’il y ait un homme ou pas est secondaire.

Les femmes plus âgées ne sont-elles pas plus attachées à un rôle domestique?

Au contraire, car elles sont imprégnées du modèle soviétique. Elles ont souvent fait des carrières importantes. Parce qu’elles étaient médecin, ingénieure, directrice d’usine, elles ont laissé leurs enfants se débrouiller un peu tout seuls dans les institutions, à l’école, à la garderie… Alors qu’après la chute de l’empire soviétique, l’économie de marché a introduit une nouveauté totale : le corps des femmes a pu devenir une marchandise, celles-ci ont pu monnayer leurs attraits physiques.

Une différence générationnelle est-elle alors perceptible dans l’attrait pour l’Occident?

Cela pouvait être valide avant mais la guerre a gommé cette di érence générationnelle. Certes, les femmes plus âgées vont être sensibles à une vision plus nuancée de l’époque soviétique, notamment à cause de leur accomplissement professionnel. L’agression de la Russie a rebattu les cartes entre les générations, comme elles ont également été rebattues au niveau territorial. Avant, on pouvait avoir une sensibilité de l’Ouest et une sensibilité de l’Est. Ce n’est plus pertinent.

Comment s’est construite la répartition genrée en Ukraine?

De façon assez particulière. Elle remonte à l’époque soviétique et est encore présente aujourd’hui. En devenant indépendante en 1991, l’Ukraine a hérité de cette répartition. L’idée d’une égalité dans la vie professionnelle et dans la vie publique cohabite avec celle d’une di érence biologique fondamentale. Ce modèle est difficile à comprendre pour nous : du fait de leurs spécificités biologiques, hommes et femmes ont des rôles sociaux différents et essentiels. La femme cumule ainsi sa carrière, son investissement dans la sphère publique et un rôle central dans l’entretien de la famille et le

Aux côtés de l’équipe du Marie Claire Ukraine

MARIE CLAIRE UKRAINE EST UNE ÉDITION QUI EXISTE DEPUIS 2008, D’ABORD EN RUSSE. EN MARS 2021, L’ÉQUIPE DÉCIDE DE PASSER À L’UKRAINIEN. UN AN PLUS TARD, C’EST LA GUERRE. TÉMOIGNAGES À CHAUD D’IRINA TATARENKO, RÉDACTRICE EN CHEF, ET DE KATERINA LAGUTINA, BRAND MANAGER, RECUEILLIS LE 10 MARS,

QUINZE JOURS APRÈS LE DÉBUT DU CONFLIT. Par Galia Loupan

Quand la nouvelle est tombée, nous nous sommes tout de suite inquiétées pour notre petite sœur, Marie Claire Ukraine. Nous les avons contactées et avons reçu, impuissantes, leur désarroi. Irina nous disait: «C’est l’enfer. Je vous en supplie, il faut dire ce qui se passe.» La déflagration des bombes est aussi intérieure. Depuis ce jour, Katerina compte en «jours de guerre». Quand nous lui avons parlé pour cet article, elle en était au 14e. Elle a fini par quitter Kyiv pour la région de Dnipro, mais n’envisageait pas de quitter le pays. Irina, elle, n’a pas supporté les caves, la peur. Elle a rejoint la Pologne, seule, car les hommes ne pouvaient plus partir. «Je ne pense qu’à mon mari, mes parents, ma ville, mon pays.» Elle nous a Katerina Lagutina. dit que leur informaticien Denys s’était engagé dans l’armée et qu’Olga, éditrice beauté, avait conduit ses parents et sa fille en Moldavie avant de revenir à Kyiv pour s’engager. «Il y a trois jours, elle donnait du sang pour les soldats blessés.» Deux semaines après le début du conflit, le reste de l’équipe continuait à travailler. «Nous faisons une réunion tous les matins», a expliqué Irina. Elle voulait convaincre la directrice mode de quitter Kyiv avec sa famille. Cela faisait sept jours qu’ils étaient dans une cave. Le reste de l’équipe travaillait sur l’édition digitale et percevait ses salaires. Pour combien de temps? Quand nous leur avons demandé ce que nous pouvions faire, Katerina a suggéré des dons à la Croix-Rouge* tandis qu’Irina s’est écriée: «Il faut parler, expliquer, raconter. Oui la guerre est physique, mais c’est aussi une guerre de l’information!» 2mars 2022: les soldats de la Garde nationale ukrainienne Olesya et Alexander se sont mariés dans la mairie barricadée de Sarny. Selon la Garde nationale, qui a publié cette photo sur les médias sociaux, le mariage s’est déroulé sans robe blanche, sans amis, sans parents, mais avec un bouquet de la mariée.

(*) icrc.org/en/donate/ukraine

KATARINA LAGUTINA. GARDE NATIONALE D’UKRAINE/EYEPRESS/AFP. DisruptingDiamonds

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