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NEWS La pionnière oubliée

MARC MEGANCK

« La tendresse n’est pas genrée »

Parce que grandir sans affection nuit à la santé mentale, à l’épanouissement et à la construction de soi, Marc Meganck a décidé d’explorer l’amour parental sous l’angle très particulier de la relation père-fils. Un récit bouleversant sur les blessures d’enfance qui poursuivent à l’âge adulte. Par Aurélia Dejond

Père manquant, fils manqué, êtes-vous d’accord avec cette affirmation du grand analyste Guy Corneau?

Je n’avais jamais envisagé le thème sous ce prisme particulier. Mais cela colle assez bien au propos de mon roman, oui. J’y interroge sur les ravages de l’absence d’un père, pourtant présent, voire omniprésent physiquement. Le manque total de communication, de gestes, de marques d’a ection, même bénignes, de signes de tendresse, de dialogue… cela impacte considérablement un enfant en devenir. Être seul, alors que l’on vit en famille, c’est une façon d’être orphelin. Les dégâts sont colossaux : les blessures se tissent au fur et à mesure, s’immiscent, sournoises, grandissent et font mal. Sans a ection, un enfant ne se construit pas, mais se détruit. C’est lourd, noir, sombre, encombrant. En guérir ne va pas de soi.

Au point de devoir mettre des mots sur les maux pour survivre?

Le narrateur est au milieu de sa vie, il vient de rompre, sa mère est morte… Comme son père, il est seul. Il est temps pour lui de se débarrasser du poids de l’enfance, de s’en libérer, de poser en e et les questions embarrassantes et de sortir du silence qui isole. C’est le moment opportun pour tuer le père symboliquement. Il le sort de sa zone de confort, l’emmène en voyage dans l’Atlantique Nord, dans un climat qui ressemble à leur relation: glacial, pesant, gris. Une sorte de voyage-vérité, un besoin de créer un lien dans l’urgence.

Vous êtes vous-même fils et père, cette relation filiale particulière vous semble-t-elle aller moins de soi que pour le sexe opposé?

J’ai peut-être eu tendance à le penser vaguement avant de devenir père. Mais je suis convaincu que la tendresse n’est pas genrée. Elle est plus ou moins compliquée à explorer, selon les milieux socio-culturels et les époques, mais elle n’est en aucun cas liée au fait d’être homme ou femme. L’émergence des « super papas » actuels montre à quel point ces relations évoluent. Il était peut-être davantage tabou pour un père de dire à son ls qu’on l’aimait dans les années 50… Mon fils a 8 ans et je suis autant fusionnel avec lui que l’est sa maman, nous sommes un trio très soudé. Pour moi, la règle numéro un est la communication. Ne pas câliner son fils, l’embrasser, le consoler quand il pleure ou ne pas l’encourager sous prétexte que je suis un homme et qu’il est un garçon n’aurait aucun sens. S’interdire toute sensibilité au nom du genre m’est incompréhensible. Paterner est un acte nécessaire et magni que.

PRESSE.

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