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LAURENCE BIBOT “ 30 ANS DE CARRIÈRE, C’EST UNE HISTOIRE LONGUE ”
Son nouveau spectacle, Je playback, n’aurait pas vu le jour sans Instagram. Laurence Bibot y incarne une série de femmes de tous milieux, tous âges et même de différentes époques modernes. Et d’une certaine manière, c’est un « all-women-show». Interview.
Laurence Bibot possède une collection impressionnante de perruques, vêtements et accessoires pour endosser les personnages de ses capsules vidéo. Son Je playback, titre de son nouveau spectacle, est entièrement basé sur ce concept. Sans Instagram, il n’aurait pu voir le jour.
Mais oui, il y a toujours un côté Miss Bricola chez Laurence Bibot… Capable avec quelques bouts d’archives audio de monter des capsules vidéo, puis, une expo, et même un spectacle entier. On en a donc causé autour d’un divin Earl Grey.
Votre nouveau spectacle s’intitule Je playback. Vous avez inventé un verbe? Oui, je playback, tu playback, nous playbackons. Tout le monde peut playbacker. En réalité, je fais du lipsync, je mime des personnes en train de parler. Je n’imite pas leur voix. J’incarne leur attitude, leur regard.
Ce show s’inspire directement des capsules vidéo que vous postez sur YouTube ainsi que sur les réseaux sociaux depuis 2017. En effet, au début, j’en postais une par semaine. Un peu moins les derniers temps parce que mes sources, les archives de la Sonuma et des interviews sur Auvio, se sont un peu asséchées. J’ai d’abord fait une expo au Musée de la Photographie de Charleroi et puis, j’ai eu envie de les exploiter autrement. La plupart du temps, ces capsules, on les regarde seul.e et on rit seul.e. J’ai pensé que ce serait chouette de les découvrir ensemble et de rire ensemble. Le spectacle sera constitué de la projection de ces capsules, d’une part et de leur histoire, d’autre part. J’ai réalisé près de deux cents capsules. Et elles seront triées en fonction de leurs thématiques. Ces vidéos disent beaucoup de l’évolution de la condition des femmes comme de leur représentation dans les médias puisqu’elles commencent dans les années 60 pour se terminer en 2008.
Avant les réseaux sociaux, vous n’auriez pu imaginer un tel format. Absolument. En fait, c’est venu de deux facteurs. D’abord, celui de l’ennui qui me pousse à chercher, fouiller et créer. Je trouve que c’est vertueux de s’ennuyer. Puis, j’ai découvert Instagram grâce à mon ami Thierry Struvay et à ma fille Angèle. J’ai immédiatement compris le côté ludique de ce réseau. J’ai commencé par un petit playback de trente secondes et j’ai eu de bons retours. Donc, oui, c’est l’outil Instagram qui a permis de di user ces capsules.
C’est votre art de comédienne qui vous permet d’interpréter ces personnages réels. Et vous ne faites jamais du copier-coller.
Je choisis les moments dans ces interviews, trouvées dans les archives de la Sonuma ou sur Auvio, qui m’amusent, me touchent ou me révoltent. Mon but est d’incarner ces femmes et de leur rendre justice. Je vais mettre une loupe sur ce qu’elles veulent nous dire. Parfois, c’est troublant. Dans mes précédents spectacles, je partais toujours de la réalité pour créer des personnages. Pour ces capsules, j’ai tout tourné chez moi. J’ai exploité chaque pièce et chaque recoin de mon appartement. J’en ai très peu fait à l’extérieur à cause du bruit. J’avais l’impression d’être Méliès. Je bricolais, je m’occupais moi-même de l’éclairage, je faisais mes décors et le stylisme. Et tout ça m’éclate !
Cela vous pousserait-il à imaginer la mise en scène d’un long format?
Je ne pourrais pas parce que je ne suis pas directive. Je n’aime pas trop recevoir des ordres et je n’aime pas en donner. C’est pour ça que je travaille seule.
Je n’ai pas de problème à être dirigée mais je suis rétive à l’autorité.
Ce que vous recherchez encore dans ce métier, c’est de pouvoir faire des choses ludiques?
Ah oui, si je ne m’amuse pas, je ne peux pas le faire ! Il faut qu’il y ait du plaisir.
Et vous avez ressenti cela tout au long de votre carrière?
Oui, ma chance, c’est que j’ai un public qui m’a suivie. Alors, je ne suis pas du genre à dire : « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous » parce que le lyrisme, ce n’est pas mon truc. Mais trente ans et quelques de carrière, c’est une histoire longue.
Vous êtes également chroniqueuse radio sur La Première et sur France Inter. Comment expliquez-vous que les radios soient aussi friandes de comédien.ne.s?
Elles sont surtout friandes d’humoristes. Et de beaucoup de gens qui viennent du stand-up et qui sont habitués à un format court. Et ce sont souvent des personnes qui écrivent ellesmêmes leurs sketches.
Vous êtes la maman de deux stars, Angèle et Roméo Elvis. Vous devez être super fière!
Je suis très contente que mes enfants fassent ce qu’ils aiment et que ça fonctionne. Ils auraient choisi un autre métier, j’aurais été tout aussi contente. L’idée est que les enfants s’émancipent et partent, même si on se sent très démunis quand ils s’en vont. Je suis contente qu’ils se soient envolés bien haut.
Et vous, après ce spectacle Je playback, allez-vous vous remettre à l’écriture d’un one-woman-show?
Pour l’instant, je n’en ai pas envie. J’ai l’impression d’avoir dit beaucoup. Et puis, physiquement, c’est lourd. Après ce spectacle, je trouverai des choses différentes à faire. Et quand j’aurai des petits-enfants, je crois que je leur écrirais des histoires. Cela me plairait beaucoup.
Musique
Ce mois-ci, on retrouve de vieilles connaissances et on découvre Yves Tumor, un phénomène venu de Miami qui a bien ce qu’il nous faut pour accueillir le printemps.
Par Joëlle Lehrer
ON AIME dEUS
Oups, on n’avait pas eu de nouvel album de dEUS depuis dix ans ! Bien sûr, il y a eu la pandémie et des projets parallèles mais tout de même. Alors, voici que réapparait l’un de nos meilleurs groupes l’année où la vie semble reprendre des couleurs. Ce huitième album pose la question de savoir comment ne pas changer une marque de fabrique tout en proposant quelque chose de neuf. D’où le titre How To Replace It. Alors, il y a une chose que le groupe ne semble pas trop vouloir mettre en avant, c’est tout de même la présence de Lise Lorquet, une chanteuse flamande que l’on entend, avec Tom Barman, sur deux morceaux, 1989 et Le Blues polaire. Ce dernier titre est entièrement chanté en français, car, d’après Tom, cette langue permet le « parlando ». Ailleurs, pourtant, dans l’intro de Dream Is A Giver, il s’y essaie avec succès. 1989 et Never Get You High font partie des meilleurs moments de ce nouveau dEUS. dEUS, How To Replace It, PIAS, en concert du 14 au 17 mars à l’AB, le 25 juin au Live /s Live à Anvers et le 15 juillet à Dour.
ERRATUM Dans notre numéro de février, page48, nous avons malencontreusement écrit que YellowStraps était, dorénavant, porté uniquement par Alban Murenzi. Il fallait, bien sûr, comprendre Yvan Murenzi. Qu’ils nous excusent l’un comme l’autre.
On Retrouve
La Grande Sophie
Elle craint d’être balayée mais il n’est certainement pas temps de lui dire Dégage ! à La Grande Sophie. Une artiste complète qui a, en plus des chansons, réalisée elle-même la pochette de ce neuvième album intitulé bien justement La Vie moderne. Avec sa poésie, son humour et sa tendresse aussi, La Grande Sophie reste une valeur sûre de la chanson française. La Grande Sophie, La Vie moderne, Universal Music, en concert le 9 mars au Cirque Royal.
On D Couvre
Yves Tumor
Son vrai nom est Sean Bowie, on comprend qu’il ait cherché un pseudo…Cet Américain, de Miami, aime le post-punk, les lyrics et vidéos plutôt explicites, la pop qui se réinvente et les titres d’albums longs comme ses deux bras. Produit par Noah Goldstein (connu pour son travail avec Rosalia et Rihanna), ce nouvel opus sera testé en live sur le public de Coachella. Et il aligne quelques titres puissants et innovants comme Echolalia et Fear Evil Like Fire. Yves Tumor, Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume (Or Simply, Hot Between Worlds), Warp/V2, sortie le 17 mars.
ON LIT Stromae
Notre confrère et ami, Thierry Coljon, du journal Le Soir, signe un document reprenant le phénomène Stromae. Soit dix années intensives souvent, dépressives parfois (comme on le sait) et qui représentent un succès belge comme jamais (depuis Jacques Brel) la chanson de chez nous ne l’avait connu. À lire tout en réécoutant le dernier album du Maestro, Multitude et/ou en allant l’applaudir les 16 et 17mars au Palais 12 ou plus tard sur d’autres dates de sa tournée.
Thierry Coljon, Les dessous d’un phénomène, Ed. Mardaga.
ON EST ÉMU.E.S
Sam Mendes rassemble plusieurs thèmes dans Empire of Light. Son amour du cinéma (dans les salles), le problème de la bipolarité, mal dont sa mère était atteinte, le racisme dans l’Angleterre des années 80, l’amour entre personnes d’âge et de couleur différents… Se déroulant sur la côté anglaise, dans le Kent, Empire of Light réunit la magnifique Olivia Colman et le jeune acteur à suivre, Michael Ward. La connexion entre ces deux-là est particulièrement touchante. Ce film est nominé à l’Oscar de la meilleure photographie.