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CINÉMA Jean-Pierre et Luc Dardenne une fratrie mythique
JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE, UNE FRATRIE MYTHIQUE
Dans le milieu du cinéma belge, on les appelle couramment «Les Frères». Champions des récompenses à Cannes, les Dardenne se sont vus offrir le Prix Spécial du 75e anniversaire pour Tori et Lokita. Un film politique
poignant. Par Joëlle Lehrer
Pour Jean-Pierre et Luc, Tori et Lokita est un flm sur l’amitié. «Quelque chose d’indestructible qui lutte contre tout le reste». Pour nous, c’est une histoire terrible d’enfants migrants, non accompagnés, qui aboutissent en Belgique après une traversée de plusieurs pays qu’on imagine épique. «On a lu une revue qui traitait de ces enfants et des maladies dont ils pouvaient être atteints en raison de la solitude », explique Luc. Ensemble, les Frères ont donc songé à une amitié inébranlable. « Notre film dénonce l’existence de ces MENA (enfants mineurs non accompagnés) qui disparaissent dans les sous-sols de la société pour travailler dans l’esclavage contemporain. Quand ces mineurs s’aperçoivent qu’ils ne correspondent pas à tous les critères pour obtenir les papiers leur permettant de rester sur le territoire belge, ils disparaissent. Ces enfants sans famille sont les personnages les plus fragiles qui puissent exister», insiste Jean-Pierre.
LA COULEUR DU CINÉMA BELGE
L’enfance maltraitée est un thème récurrent chez eux. «Cela dit l’état du monde. Et c’est quelque chose qui nous touche.» Pour ce flm, les Frères n’ont pas choisi de stars. «On ne voit pas bien qui, parmi les stars, auraient pu jouer ces rôles. Cela ne se mettait pas. Et puis, on a découvert, outre les rôles principaux tenus par des non-professionnels, des acteurs néerlandophones comme Charlotte De Bruyne et Tijmen Govaerts. » Tori, le petit garçon, est incarné par Pablo Schils dont les réalisateurs admirent les capacités athlétiques. Quant à Lokita, c’est Joely Mbundu qui lui donne son punch comme sa douceur. La combativité de Lokita évoque un peu celle de Rosetta, un autre grand personnage des Dardenne. « Elle reçoit des coups mais elle sait aussi en rendre.» Le cinéma belge demeure un cinéma très blanc. Ce que contredit Tori et Lokita où les rôles-titres sont assurés par des afro-descendants. «C’est vrai que les comédiens, qui ne sont pas “ caucasiens”ont moins de rôles. Que les choses changent, c’est bien. À mes débuts, raconte Jean-Pierre, les étudiants en art dramatique étaient tous issus de la bourgeoisie. Aujourd’hui, c’est plus mixte. On voit que l’attribution des rôles ne doit pas être déterminée par la couleur de peau ou par l’origine sociale.»
ADMIRATION
On le sait peu, mais les Frères possèdent beaucoup d’humour, ce qui n’apparaît pas dans leurs films. Ils aiment citer Charlie Chaplin, fort intéressé comme eux par les sujets sociaux, voire politiques qu’il traitait sur le mode de la comédie. Et ils vouent une grande admiration à Clint Eastwood, cet autre acteur-réalisateur, qui à nonante-deux ans, se montre toujours actif. «Il a une énergie phénoménale», s’enthousiasment-ils. Et qui l’aurait cru qu’on se retrouverait à parler de Charlot et de Clint avec les Dardenne?