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Bold Woman Award. Ce sont les reines

BOLD WOMAN AWARD

LES REINES DE LA LOGISTIQUE EN BELGIQUE

MurielBernard PaulineV an O s t a ey en

« NOUS ESSAYONS D’AIDER LES ENTREPRISES À SE DIGITALISER POUR SE CONCENTRER DAVANTAGE SUR LA STRATÉGIE PLUTÔT QUE SUR LE TRAVAIL RÉPÉTITIF. ELLES PEUVENT ALORS ÊTRE PLUS COMPÉTITIVES FACE À DES GÉANTS COMME AMAZON»

our sa première édition du Bold Woman Award en Belgique, P la maison Veuve Clicquot a vu grand en récompensant des femmes d’ambition. Nous avons rencontré Pauline Van Ostaeyen et Muriel Bernard, deux entrepreneures qui ont fait le pari de révolutionner leur secteur. Au premier abord, il n’était pas facile de comprendre ce que Pauline faisait exactement: une histoire de blockchain et de secteur maritime. Pourtant, l’assemblée de cette première cérémonie des Bold Woman Award a rapidement été conquise par la passion et la détermination de cette jeune femme. À seulement 23 ans, elle a lancé avec, deux cofondateurs, Michiel Valee et Troy Muyshondt, la plateforme Dockflow. Le principe est simple: traquer les conteneurs en direct, comme un colis DHL (en un peu plus gros). Pour beaucoup d’étudiants en économie anversois, il est naturel de faire des recherches dans le secteur maritime. Le port fait tourner la ville. « Chaque semaine, nous faisions du badminton avec Michiel, il me tenait au courant du déroulement de sa thèse sur la blockchain dans la logistique maritime », explique Pauline qui, à l’époque, a également un job dans ce secteur. « Nous avons tous les deux remarqué que ce que l’on nous apprenait en cours sur la transformation numérique était très différent de la réalité. Là où je bossais, par exemple, ils copiaient toute la journée les éléments d’un PDF dans un document Word ou imprimaient le PDF et utilisaient du T-pex pour changer les dates ! Cela m’a fait comprendre que la technologie pouvait faire tellement de choses dans cette industrie. »

Orientée solutions

En 2018, Pauline et Michiel commencent à proposer leurs services de consulting sur la blockchain, avant même d’être diplômés. « Ce qui est bien avec le conseil, c’est que vous n’avez pas besoin d’être un expert, mais juste d’en savoir plus que la personne qui vous embauche (rires) ! Ce fut une excellente expérience d’apprentissage, car nous sommes entrés en contact avec tant de personnes incroyables du secteur.» La blockchain, on y revient. « La partie intéressante de la blockchain dans la logistique maritime, c’est qu’elle est capable de combler le fossé de la confiance. Le deuxième aspect, c’est qu’il y a beaucoup d’informations qui doivent être partagées entre de nombreux partenaires différents. S’il y a un vase fabriqué en Asie que vous devez expédier jusqu’en Belgique, vous aurez probablement une trentaine d’entreprises impliquées. Toutes ces différentes entreprises ont besoin de connaître les informations sur l’expédition pour l’acheminer de son origine à sa destination. » Concrètement, c’est comme une très longue liste qui comprend tous types d’informations et qui, lorsqu’elle est soumise, ne peut être modifiée par personne. Tous les participants en reçoivent une copie. Et c’est là que Pauline identifie un manque. « J’avais des clients qui avaient des conteneurs réfrigérés avec des capteurs de température pour le transport des avocats. Ils devaient avoir accès aux informations de température en direct. Mais ils avaient également besoin des mises à jour de localisation pour savoir si le conteneur avait été chargé ou pas. Il n’existait aucun logiciel capable de centraliser tout ça. » En 2019, elle lance la plateforme Dockflow. « Nous avons commencé par agréger les données de différentes sources. La plupart des transporteurs ont un portail de suivi. Le problème, c’est qu’un bateau aura peut-être 20 transporteurs différents. Le client doit se connecter tous les jours sur tous ces différents portails pour chaque conteneur. Nous le faisons donc automatiquement. Nous collectons également les températures et les données de localisation grâce à des trackers. Et nous utilisons un réseau satellite qui suit les bateaux. Nos clients apprécient ce service parce qu’il est très facile de partager ces informations avec leurs partenaires. » Dockflow compte déjà douze clients qui fonctionnent comme un réseau avec 60 partenaires dans le monde entier. Ils payent un abonnement annuel avec une offre qui débute à 399€ jusqu’à 1.500€ par mois. « Nous essayons d’aider les entreprises à se digitaliser pour se concentrer davantage sur la stratégie plutôt que sur le travail répétitif. Elles peuvent alors être plus compétitives face à des géants comme Amazon. »

Texte Marie Guérin

Des bulles plein la tête

« Je n’avais jamais bu autant de champagne qu’à la cérémonie Bold Woman Award (rires)! » Pauline est fière de montrer son prix, le Bold Future Award. « C’est une reconnaissance incroyable et j’apprécie particulièrement que l’idée derrière soit de mettre l’accent sur les femmes entrepreneures comme moi. Je crois que le fait d’avoir des role models et d’avoir cette visibilité est important pour l’empowerment féminin. Le moyen le plus simple pour soutenir les femmes, c’est de montrer leurs succès. Si vous ne voyez pas une femme comme vous réussir dans quelque chose, vous commencez à douter de ce que vous pouvez faire. Ça m’a manqué ! » Une réflexion qu’elle partage avec l’autre gagnante de la soirée avec son Bold Champion Award, Muriel Bernard: « On dit toujours qu’il n’y a pas assez de femmes dans l’entrepreneuriat. Elles ne doivent pas hésiter à se lancer dans des entreprises qui ont de l’ambition. Pauline, ce qu’elle fait, c’est dingue. Ces femmes y vont, •••

« LES COMPÉTENCES EN LOGISTIQUE ONT ÉNORMÉMENT DE VALEUR. DANS L’E-COMMERCE, C’EST ESSENTIEL. C’EST LÀ QUE NOUS AVONS LE PLUS SOUVENT DE MAL À RECRUTER. C’EST UNE NOUVELLE COMPÉTENCE, IL N’Y A PAS D’ÉTUDES POUR CELA »

elles créent de l’emploi, une boîte qui génère du chiffre d’affaires.» En 2013, elle a lancé une épicerie en ligne qui propose des produits locaux et bio, eFarmz. Après avoir bossé douze ans pour des multinationales, elle cherchait un nouveau challenge. « J’ai hésité à faire un troisième enfant. Mais je n’avais pas tellement envie, finalement (rires). Donc j’ai voulu faire un truc pour moi, qui me ferait vraiment plaisir, qui a du sens et auquel je crois. J’aime vraiment bien manger et ma famille aussi. Habitués aux courses Click & Collect et aux repas répétitifs, je me suis demandé s’il n’était pas possible pour les gens un peu pressés, les citadins, d’avoir accès en quelques clics à une large gamme de produits bio.C’est l’idée fondatrice du projet.» C’est en grosse voiture et talons hauts que la Bruxelloise débarque chez un producteur à Marche-en-Famenne, la fromagerie du Gros Chêne, sans rien connaître à l’industrie. Comme dans un film Netflix. « Il m’a regardée un peu bizarrement, mais en discutant, on a eu un super bon contact. Il m’a expliqué comment fonctionnait le monde de la production alimentaire en Belgique. Il aimait mon projet. Il m’a donné les contacts d’autres producteurs de la région. Et comme c’est un producteur assez influent, son soutien m’a permis d’ouvrir d’autres portes. J’ai donc créé une sorte de couloir logistique de Marche jusqu’à Bruxelles sur la N4. »

L’e-commerce, sous-développé en Belgique ?

D’après l’étude annuelle du cabinet-conseil Retis sur l’e-commerce, seuls 47 pure players emploient plus de dix personnes en Belgique. Parmi ceux-ci, eFarmz. « J’avais vraiment envie de lancer mon e-commerce. Je me suis donc inscrite à une formation et j’ai construit moi-même mon premier site internet. C’est assez intéressant quand tu n’y connais rien, de le faire toi-même. En construisant, tu comprends tout ce dont tu as besoin. Mais le gros inconvénient, c’est que j’ai vite été débordée. Je n’avais pas assez anticipé ce qui se passerait si ça marchait. J’ai très vite eu 100 ou 200 commandes et quand tout arrive, il faut tout traiter. Très vite, nous avons eu beaucoup de problèmes opérationnels. » En 2017, HelloFresh propose des box repas à cuisiner chez soi. C’est un bouleversement sur le marché alimentaire belge. Avec leur force marketing incroyable, ils convertissent les gens à acheter en ligne, en format «box». « Quand on a vu ça, on s’est dit que nous avions tous les produits à disposition, que nous proposions déjà des paniers avec des recettes. Il suffisait d’aller un chouïa plus loin en faisant la même chose qu’HelloFresh, mais avec du bio et du local. Notre stratégie est vraiment celle du challenger. Nous n’aurons jamais leur budget marketing, par contre, se positionner comme une alternative permet de convertir les gens qui veulent changer d’air. Chaque fois qu’ils font de la pub, nos ventes augmentent. » Quatre ans plus tard, eFarmz livre entre 3.000 et 5.000 clients par semaine. En 2020, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, avec une cinquantaine de travailleurs. Avec uniquement des livraisons en Wallonie et à Bruxelles.

Le génie des opérations

« Les grands défis sont liés à la logistique. Celle de produits ultrafrais. Si j’avais su, j’aurais vendu des chaussettes (rires) ! Quand on vend une salade, elle est encore dans le champ du producteur. On consolide la commande, on l’envoie au producteur qui la cueille le matin afin qu’elle parte le jour même chez le consommateur. S’il y a une invasion de limaces, nous disposons de deux heures pour trouver une solution. C’est pour ça aussi que nous avons peu de concurrents. Tout le monde ne peut pas assurer cette logistique à flux tendu. Nous n’arrêtons pas de réfléchir à comment améliorer le processus des commandes, des emballages, etc. Les compétences en logistique ont énormément de valeur. Dans l’e-commerce, c’est essentiel. C’est là que nous avons le plus souvent de mal à recruter. C’est une nouvelle compétence, il n’y a pas d’études pour cela», explique Muriel. Au début, c’est elle qui faisait tout, la préparation des commandes, le contact avec les producteurs, l’emballage, l’envoi. Elle a aujourd’hui la chance d’avoir une équipe complète qui lui permet de se concentrer sur le management et le développement de l’entreprise qui a de grands projets. « Je voudrais continuer à grandir, parce que l’idée c’est quand même d’avoir un impact. J’aimerais pouvoir dire qu’une grande partie des familles belges a un jour essayé eFarmz. Devenir beaucoup plus mainstream et convertir les gens aux produits bio et locaux. Conquérir la Flandre et s’exporter à l’international, pourquoi pas ? » Des envies d’expansion également partagées par Pauline: « J’espère que dans cinq ans nous agrandirons notre équipe, avec beaucoup de clients satisfaits. Ce qui est très important pour moi, c’est que les utilisateurs se disent “OMG, Dockflow rend ma vie tellement plus efficace”. J’espère que j’aurai beaucoup de clients qui penseront ça (rires)! » On n’en doute pas !

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