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Xueli Abbing, mannequin albinos engagée

Texte Virginie Dolata

XUELI ABBING

MANNEQUIN ENGAGÉE

Xueli Abbing, mannequin néerlandaise atteinte d’albinisme, met désormais sa notoriété et sa différence au service d’une cause : la lutte contre les discriminations et le racisme. Elle devient (la plus jeune) ambassadrice de bonne volonté nommée par l’UNESCO. De Chine, où elle fut abandonnée, aux Pays-Bas, où elle fut adoptée, la jeune fille de 18 ans nous raconte son histoire, son combat. De l’ombre à la lumière.

HUGUES LAURENT

oût 2022, Paris VIIe, siège de l’UNESCO : auréolée de ses longs cheveux blancs, Xueli Abbing apparaît dans le hall de l’imposant immeuble 70’s. Lunettes de soleil, canne blanche, elle est vêtue d’une petite robe noire, doublée d’un voile noir, soigneusement choisie pour l’occasion : « Mais j’ai d’autres tenues dans mon sac si vous préférez pour la photo », ajoutet-elle timidement. La jeune fille est accompagnée de sa mère et de sa grande sœur, qui veillent sur elle tout en se tenant en retrait, car « c’est à Xueli de parler ». Et Xueli parle, s’enthousiasme de ce nouveau rôle d’ambassadrice de bonne volonté qui lui tient tant à cœur. Qui mieux qu’elle pour comprendre le fléau qui touche les albinos du monde ? Hier encore, dans le journal : un père mozambicain a été arrêté par la police pour avoir voulu vendre ses trois enfants albinos âgés de 9 à 16 ans. Dans certains pays d’Afrique, les superstitions selon lesquelles leurs morceaux de corps apporteraient richesse, pouvoir, conquêtes sexuelles… sont tenaces, et dévastatrices. Au Malawi notamment, pays le plus dangereux au monde pour ses 7 à 10.000 albinos, en Tanzanie, au Mozambique ou au Burundi, ils sont kidnappés, assassinés sauvagement, et leurs dépouilles vendues à des sorcier·e·s. « Il faut mettre les personnes atteintes d’albinisme en sécurité et j’apporterai toute mon expérience et ma notoriété à leurs services », s’exclame Xueli. De Chine aux Pays-Bas, racontez-nous votre parcours. J’ai été abandonnée à huit mois dans le jardin d’un orphelinat en Chine et adoptée à 3 ans par ma mère originaire des Pays-Bas, et sa fille biologique, Yara, ma sœur, qui avait 8 ans à l’époque. Ma mère voulait donner une chance à un enfant différent. Mon adoption a été un long parcours pour elle. Elle a dû remplir des tonnes de questionnaires, passer des tests, participer à de nombreux entretiens… Puis elle a reçu une photo de moi. Et elle est venue me chercher en Chine, avec ma sœur.

AOn vous sent extrêmement soudées toutes les trois. Oui, nous sommes très proches, très complices avec ma sœur. Il y a un vrai lien entre nous. Ma mère appelle ça « le fil rouge », comme dans la fameuse légende chinoise. Que vous reste-t-il de vos origines chinoises ? Mon prénom, donné par l’orphelinat. Ma mère a voulu que je le garde en souvenir de mes racines. Xue signifie « neige » et Li, « belle ». J’apprends le chinois depuis 4 ans et je suis très motivée, d’autant que ma sœur et ma mère s’y sont également mises ! Vous êtes atteinte d’albinisme. Quelles en sont les caractéristiques ? C’est une maladie génétique. Mon albinisme est de type OCA. J’ai moins de pigment, j’attrape des coups de soleil au moindre rayon, mes cheveux sont blancs par manque de mélanine, mes yeux supportent mal la lumière et je ne vois que de 8 à 10 %. Il y a différents albinismes. Nous n’avons pas tous la peau blanche et les yeux rouges. Ils ne le sont d’ailleurs pas, ce sont juste les vaisseaux sanguins dans les yeux. Lors de la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme le 13 juin 2022, Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, vous a nommée à la fonction d’Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour la lutte contre les discriminations et le racisme. Que ressentez-vous ? Je suis extrêmement honorée. Nous partageons la même conviction que la diversité est précieuse et qu’en toutes circonstances, et en tous lieux, chaque individu doit être respecté, protégé et capable d’exprimer tout son potentiel. Jamais je n’aurais imaginé que suite à mes photos de mode parues dans un « JE SUIS CONTRE LES magazine et à l’interview donnée STÉRÉOTYPES ET J’ESPÈRE ÊTRE à la BBC, je me UNE SOURCE D’INSPIRATION » retrouverais là. Je ne connaissais pas grand-chose de l’UNESCO avant, à part son importance pour le patrimoine mondial, mais j’ai beaucoup lu et appris depuis !

Comment se passe votre scolarité ? Avez-vous souffert de harcèlement ? Je viens de passer mes examens de fin de lycée dans un établissement adapté qui fut assez compliqué à trouver. J’ai eu de la chance. Je n’ai pas vraiment souffert de harcèlement. Mais une fois, par erreur, on m’a oubliée dehors et ce fut douloureux. Ma vie quotidienne n’est pas si difficile que ça. C’est juste que je lis difficilement, je dois porter des lunettes de soleil et mettre de la crème solaire. J’ai une plus forte probabilité d’être atteinte d’un cancer de la peau. Mais en se faisant contrôler régulièrement, les risques sont plus faibles. Je dirais plus globalement que

« JE SOUFFRE PLUS DE RACISME QUE D'INTOLÉRANCE ENVERS LES ALBINOS »

j’ai parfois expérimenté une triple discrimination : être femme, avec un handicap et d’origine chinoise. Les gens ne voient pas tout de suite mon albinisme. Mais quand ils apprennent que je suis chinoise, ils se moquent parfois de mes petits yeux. C’est plus du racisme qu’un manque de tolérance vis-à-vis des albinos !

Comment êtes-vous devenue mannequin ? Un peu par hasard, vers l’âge de 11 ans, à Hong-Kong. Angela Fung, une designeuse que ma mère avait rencontrée, m’a proposé de participer à son défilé intitulé « Imperfections parfaites ». Son fils, qui a une fente labiale, défilait aussi. Elle voulait que les gens le regardent en se disant « quel joli vêtement » et pas « comme il est bizarre ». Ensuite, Brock Elbank m’a photographiée, il a mis ma photo sur Instagram. Une agence de mannequins, Zebedee, m’a engagée. C’est parfois compliqué lorsque je pose pour un shooting car je dois expliquer au photographe qu’il ne peut prendre que quelques photos de moi les yeux ouverts. Après, je ne supporte plus. Mais cela fonctionne ! Les personnes différentes sont de plus en plus présentes aujourd’hui dans la mode. C’est super, mais cela devrait être normal. Et on ne devrait pas seulement utiliser un mannequin avec des différences parce que c’est hype ! Je suis contre les stéréotypes et j’espère être une source d’inspiration.

« Être différente », ressentez-vous cela comme une malédiction ou une bénédiction ? C’est juste un désordre génétique, cela ne me définit pas. Je veux mettre ma notoriété à profit pour changer les mentalités afin que l’albinisme, au même titre que d’autres particularités, ne soit plus considéré comme une malédiction. En Afrique, les personnes albinos sont tellement persécutées. Les gens pensent que leurs os sont magiques. Naturellement, c’est faux ! Il faut aider ces personnes et les mettre à l’abri des dangers. Qu’aimeriez-vous faire après le mannequinat ? J’adore être mannequin, faire les séances de photo, rencontrer de nouvelles personnes... Plus tard, j’aimerais aider les gens, devenir thérapeute. Je voudrais étudier le corps humain et apprendre à le soulager. Mon sens du toucher est assez développé, je ressens très bien les tensions des muscles par exemple.

Quelles sont vos prochaines missions pour l’UNESCO ? Je suis nommée pour deux ans pour mener des actions de sensibilisation de l’opinion internationale aux droits de l’homme et à la dignité des personnes les plus vulnérables, notamment celles atteintes d’albinisme. J’utiliserai différents moyens pour créer ou contribuer à des contenus : vidéos, interviews, podcasts... Je participerai en novembre au Global Forum against Racism and Discrimination et au Gala de collecte de fonds afin de mobiliser des ressources pour renforcer les actions. En mars 2023, je serai à la Global edition of the Master Class against Racism and Discrimination en tant que speaker. Et je dois me rentre au Burundi prochainement. Je contribuerai également à la campagne de l’UNESCO « Les arts pour la dignité, la justice et la paix ».

Comment aimeriez-vous que l’on appréhende la différence ? En ne pensant pas que nous sommes différent·e·s ou d’une autre espèce. Nous sommes des personnes comme tout le monde avec des qualités et des défauts. Je connais quelqu’un d’aveugle qui joue merveilleusement bien du piano. Est-ce qu’il faut le regarder parce qu’il est génial ou parce que c’est un aveugle qui joue du piano ? On doit vraiment changer le regard des gens.

HUGUES LAURENT

J u lie tte Debruxelles

ARACHNOPHOBE ET SEULE AU MONDE

Comme 6 %* de la population, je suis arachnophobe. Pas du genre « Oups j’ai eu un petit peu peur, allez zou, vilaine bestiole ».

Non, plutôt du genre à sortir de la douche et à courir nue dans la rue les bras en l’air pour arrêter une bagnole dans l’espoir que l’on vienne à mon secours si une araignée se pointe dans la salle de bains (situation vécue). Je serais capable de faire entrer un·e psychopathe dans ma cuisine si, avant de me manger, il ou elle promettait de s’occuper de la tégénaire coincée sous l’évier. Les employé·e·s à la livraison de La Poste, d’Amazon, de Hello Fresh, du Delhaize, d’UPS, de Deliveroo et d’Uber Eats connaissent (mieux que moi) les moindres recoins de ma maison. Car d’août à novembre (période critique), chaque commande en ligne livrée à domicile est l’occasion de demander à ces inconnu·e·s de me sauver en sortant ces monstres de mon habitation. Elles sont là, dans nos villes, dans nos campagnes, velues, pattues, furtives et terrifiantes. J’ai même créé un groupe de voisin·e·s dans lequel j’ai proposé à « des gens qui n’ont pas peur » d’aider « des gens qui ont peur » contre troc ou petite rémunération. Une sorte de réseau Tinder qui, au lieu de te permettre de niquer, te permettrait de les éradiquer, ces saloperies. Le plan a foiré. Surtout parce que les personnes invitées ne pouvaient s’empêcher de partager des solutions à la con. Parmi les conseils, commentaires et remarques non sollicités et pourtant reçus : « Les petites bêtes ne mangent pas les grosses. » « Tu prends un verre, et une feuille de papier et tu n’as plus qu’à l’emmener dehors pour la libérer. » « Aspirateur. » « Eau bouillante. » « Tu lui lances un dictionnaire dessus pour l’écraser. » « Les phobies, ça se soigne ! » Les gars, si je savais approcher ma main munie d’un verre à 3 centimètres de la bête, je ne m’urinerais pas dessus régulièrement en confondant un pédoncule de tomate avec une bête à huit pattes. Je saurais à quoi ressemble ma cave dans laquelle des gens vivent peut-être à mon insu vu que je n’ose pas y foutre les pieds. Je ne pousserais pas des hurlements de Céline Dion à la vue d’un bout de ficelle, d’une peluche un peu sombre, d’une brindille un peu sèche. Si le tuyau de l’aspirateur était long de plusieurs mètres, je craindrais quand même une remontada de la bête vers l’intérieur de ma manche. Si je voulais ébouillanter des êtres vivants, je serais écaillère à la mer du nord. Je ne pratique pas le lancer de dictionnaire, trop hasardeux, et puis, de toute façon, on ne tue pas. Question thérapies, parlons-en : toucher des photos d’araignées sous la surveillance d’un hypnotiseur à la vieille haleine de café/estomac me susurrant à l’oreille des « vous n’avez pas peur » façon ASMR, j’ai essayé, ça ne m’a rien fait. Quant aux petites bêtes qui ne mangent pas les grosses, pardon, mais c’est mal connaître l’Amazonie. Comprenez-vous que c’est insurmontable, ir« SI JE VOULAIS rationnel et paralysant ? ÉBOUILLANTER DES Et que ce dont nous avons tou·te·s besoin, ÊTRES VIVANTS, JE c’est que la recherche, la SERAIS ÉCAILLÈRE À science et la technologie soient mises au service LA MER DU NORD » de cette cause au lieu de nous casser les noix avec des évolutions vers les internets mobiles 5G ? Génies du monde entier, je vous en conjure, agissez  (sinon, laissez-moi toute seule sur mon groupe de sauvetage. Je vous hais) !

*Source non fiable appelée « internet »

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