4 minute read
Portrait de Francis Kurkdjian, parfumeur d'âme
Texte Marie-Noëlle Vekemans
RANCISF PARFUMEUR D’ÂME
KURKDJIAN
On ne présente plus Francis Kurkdjian. Son parcours professionnel est impressionnant, ses créations justes et impactantes, certaines sont même devenues intemporelles. Rencontre avec l’un des maîtres de la parfumerie.
Il collabore depuis le début de sa carrière avec de grandes maisons, mais assoiffé de liberté, il décide – il y a plus de 10 ans déjà – de créer sa maison éponyme. Sa dernière création est un écho au tourbillon de la vie, celle des grandes capitales, là où l’énergie est infinie.
Vous avez beaucoup voyagé et même vécu plusieurs années dans différentes grandes villes à travers le monde. Qu’est-ce qui vous attire dans l’idée de parcourir les quatre coins de la planète ? J’ai la chance en effet d’avoir pu évoluer dans des cultures différentes, de beaucoup voyager. Ces voyages étaient avant tout effectués pour des raisons professionnelles. Je parle au passé, car depuis la crise Covid, j’ai drastiquement réduit le nombre de mes déplacements. Mais il est vrai que la beauté
FRANÇOIS ROELANT, PRESSE
n’a pas la même expression dans toutes les parties du globe. L’apport de mes nombreux voyages et de mes rencontres est une indéniable source d’inspiration et de création.
Quels voyages vous ont le plus marqué ? Mes plus belles rencontres ont été l’île de Naoshima au Japon et les roches orangées des ruines de Pétra, en Jordanie.
Y a-t-il une ville dans laquelle vous pourriez vivre sans jamais vous lasser ? Paris, sans aucune hésitation. Elle représente le cœur de mon inspiration, c’est la seule ville au monde où je me sens libre. Pour être créatif, il faut se sentir libre.
Votre nouvelle création rend hommage à New York. Que représente cette ville pour vous ? Bien plus que New York, 724 est un parfum urbain. Ce n’est pas un hommage à la ville, c’est un parfum qui permet d’être en ville, un parfum protecteur. Le parfum est le premier vêtement. Mais j’aime New York, son e ervescence, son énergie exaltante, palpitante. Je l’ai découverte pour la première fois en 1993. Je cherchais un emploi et j’ai obtenu un entretien dans le New Jersey pour un poste d’apprenti parfumeur. J’ai pris l’avion depuis Paris, c’était la première fois que je prenais un vol pour un si long voyage.
Quels sont les ingrédients de cette nouvelle création qui traduisent le mieux l’énergie de cette ville emblématique ? 724 ne s’inspire pas seulement de la vie urbaine new-yorkaise, mais de toutes les grandes villes du monde et ce qu’elles ont en commun : leur énergie, leur électricité, la sensation que tout est possible. J’ai imaginé la composition de 724 comme des nuances de blanc, venues se superposer entre elles. En note de tête, on perçoit un accord urbain frais, censé traduire la sensation d’une fraîcheur propre et énergisante comme celle qui émane des blanchisseries newyorkaises au petit matin. On y retrouve la bergamote d’Italie et la verticalité des aldéhydes avec leurs facettes sophistiquées, légèrement métalliques et effervescentes. Au cœur de cette architecture très verticale, on ressent une aura aérienne grâce à un bouquet de fl eurs structuré par l’absolu de jasmin d’Égypte, le pois de senteur et le seringa. En fond, on ressent la sensation enveloppante et réconfortante d’une bulle de blancheur, grâce à un accord de bois de santal et des muscs blancs. Je voulais que cette eau de parfum soit comme un doudou, un oreiller que l’on emporte au milieu de la ville. C’est très rassurant, mais en même temps, il porte une certaine élégance. Un chic sophistiqué.
Vous avez créé des fragrances pour des maisons très prestigieuses. Quelles ont été alors les raisons qui vous ont poussées à créer votre propre marque ? Maison Francis Kurkdjian s’inscrit dans la suite logique de ma carrière débutée il y a plus de 25 ans, sachant que j’avais déjà exprimé ce besoin de liberté en ouvrant mon atelier de création de parfums sur mesure dès 2001. L’univers olfactif de Maison Francis Kurkdjian va au-delà des conventions, j’ai une totale liberté de créer et de tenir des partis pris artistiques forts. Je voulais ancrer le parfum dans mon époque contemporaine tout en conservant l’exigence de la tradition qui a fait la renommée de l’École française de haute parfumerie : la qualité sans concession. Qu’ont les parfums Maison Francis Kurkdjian que les autres n’ont pas ? L’un des éléments clés qui nous di érencie des autres maisons, c’est tout d’abord que nous sommes conduits par la créativité, et non par une stratégie marketing. Lorsque je crée, je ne veux pas plaire aux gens, je veux les séduire avec des émotions authentiques, uniques et sophistiquées, à travers des produits de haute qualité. En créant ma maison de parfums, j’ai voulu partager ma vision du parfum, des ingrédients et du luxe avec un large public. Je crée parce que j’ai quelque chose à dire.
Quel est votre plus grand plaisir dans votre métier de parfumeur ? Ma liberté ! Celle de créer, d’entreprendre les projets qui me font envie et de m’entourer ou de collaborer avec celles et ceux qui m’attirent.
Comment entretenez-vous la passion pour votre métier au fil des ans ? Repousser les limites de la création, essayer d’ouvrir de nouvelles voies créatives olfactives. Me surprendre moimême. Je ne m’ennuie jamais et suis sans cesse sur de nouveaux projets. Je ne travaille pas seulement pour Maison Francis Kurkdjian ou Dior, mais aussi pour d’autres marques. Sans parler des nombreux projets artistiques et associatifs dans lesquels la maison s’engage dorénavant.
Eau de parfum 724, famille floral musqué, 70 ml, 180€ en vente chez Senteurs d’Ailleurs, Bruxelles. senteursdailleurs.com