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Les jĂŠsuites et les sciences
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es jÊsuites ont contribuÊ à l’Êmergence des sciences modernes, en offrant une manière singulière de les envisager. En se concentrant sur trois domaines — mathÊmatiques, astronomie et biologie —, ce livre montre que, tout en les pratiquant avec le plus grand sÊrieux, ces religieux avaient et ont toujours pour but d’aider leurs contemporains sur le plan spirituel. Cette histoire unique en son genre nous est ici racontÊe depuis ses origines jusqu’à nos jours. Une rÊflexion Êclairante et stimulante sur les rapports des jÊsuites avec les sciences exactes conclut ce parcours.
FRANÇOIS EUVÉ
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, BIOLOGIE ET SOIN DES ÂMES
jÊsuite français, agrÊgÊ de physique, est thÊologien, enseignant au Centre Sèvres à Paris. Il est depuis 2013 rÊdacteur en chef de la revue Études.
ISBN : 978-2-87299-226-3
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Diffusion : cerf www.editionslessius.be
François EuvÊ
Les jĂŠsuites et les sciences
François EuvÊ
9 782872 992263
LES JÉSUITES ET LES SCIENCES
MathÊmatiques, astronomie, biologie et soin des âmes
Petite Bibliothèque JÊsuite
Collection « Petite Bibliothèque Jésuite » dirigée par Yves Roullière et Pierre Sauvage s.j. Les jésuites ont participé à la naissance et à l’évolution des Temps modernes. Dès leurs débuts jusqu’à nos jours, il est peu de domaines où ils n’aient laissé leur empreinte. Cette collection se propose de présenter les multiples facettes de cette tradition. Constituée d’une sélection de thèmes reconnus comme étant spécifiques aux jésuites, elle couvre trois champs : la vie spirituelle, la mission, la culture. DANS LA MÊME COLLECTION :
Mark Rotsaert, Les Exercices spirituels. Le secret des jésuites Benoît Vermander, Les jésuites et la Chine. De Matteo Ricci à nos jours
Du même auteur : Penser la création comme jeu, Cerf, 2000 Science, foi, sagesse : faut-il parler de convergence ? Éditions de l’Atelier, 2004 Darwin et le christianisme : vrais et faux débats, BuchetChastel, 2008 Crainte et tremblement. Une histoire du péché, Seuil, 2010 © 2012 Éditions Lessius, 24, boulevard Saint-Michel, 1040 Bruxelles www.editionslessius.be Petite bibliothèque jésuite ISBN : 978-2-87299-226-3 D 2012/4255/12 Diffusion : cerf
TABLE DES MATIÈRES
Introduction ………………………………… e
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I. L’enseignement des sciences au XVI siècle …
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II. Christoph Clavius (1537/38-1612) ou la défense des mathématiques ………
27
III. Galilée et les jésuites (1583-1632)
……
37
IV. Athanase Kircher (1601-1680) ou la science totale ………………………
47
V. Roger Boscovich (1711-1787), un physicien des Lumières ………………
57
VI. La mission scientifique en Chine (XVIe-XXe siècles) ……………………………
67
VII. Du ciel à la terre ou l’aventure des observatoires (du XVIe à nos jours) ………
85
VIII. L’histoire de la nature (du XVIe à nos jours) ………………………
97
IX. Une science jésuite ? …………………… 121 Conclusion …………………………………… 137 Index des noms propres …………………… 143 Ouvrages et articles cités …………………… 147
INTRODUCTION
La mécanique des Jésuites a été active et puissante ; mais elle n’a rien fait de vivant ; il lui a manqué constamment ce qui, pour toute société, est le plus haut signe de vie, il lui a manqué le grand homme… Pas un homme en trois cents ans ! Jules Michelet, Des jésuites (1845).
Cette citation du célèbre et influent historien français Michelet dit bien la manière avec laquelle était abordé habituellement le rapport de la Compagnie de Jésus à la science moderne. Si l’on voulait bien créditer l’apport des jésuites dans le champ de l’éducation, grâce au vaste réseau de leurs collèges, on leur reconnaissait davantage une fonction de reproduction (« mécanique ») que d’invention (« signe de vie »). Défenseurs de la tradition, fidèles supports de l’orthodoxie ecclésiastique, ils ne pouvaient rien apporter de substantiellement nouveau à l’aventure de la pensée moderne, dont la science constitue une composante fondatrice. Ceux qui voulaient contribuer à cette aventure ne pouvaient que se détourner d’un système rigide, arc-bouté sur la défense du passé.
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Introduction
On pouvait bien évoquer quelques personnes de savants, plus ou moins célèbres, Christoph Clau, dit «Clavius», Athanase Kircher, Roger Boscovich ou plus près de nous Pierre Teilhard de Chardin, on suspectait que ces religieux étaient des marginaux dans leur ordre, plus ou moins persécutés par une Église à laquelle ils s’obstinaient à appartenir. Le « cas Teilhard » suffirait à illustrer ce dossier, lui qu’une certaine opinion, à l’encontre des documents, s’obstine à voir «condamné» par l’Église. Longtemps, les recherches sur les relations entre les jésuites et la science sont restées l’affaire d’apologètes internes à la Compagnie, mettant en exergue quelques grandes figures faisant le prestige de la corporation. La dimension défensive et justificatrice rendait suspecte l’objectivité des travaux. Depuis quelques décennies, la situation a radicalement changé. Travaillant sur des documents oubliés dans les archives des siècles durant, de plus en plus d’historiens des sciences se rendent compte qu’il a bien existé une « science jésuite », et non pas simplement quelques scientifiques qui se trouvaient par ailleurs appartenir à un ordre religieux, et que cette science particulière s’est associée à sa manière à l’émergence de la science moderne◊. Si la recherche scientifique n’appartient pas comme telle à la mission de la Compagnie, qui est de nature religieuse, elle ne lui est pas pour ◊¥Cf. Mordechai Feingold, The new science and Jesuit science : seventeenth century.
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autant étrangère. Il y a une certaine connivence, peut-être paradoxale, entre la spiritualité ignatienne et la science moderne. Quelques chiffres suffiront à montrer l’importance de la pratique scientifique, au moins dans les premiers temps de la Compagnie. Elle fut indéniablement le premier groupe ecclésial investi dans les sciences au début des Temps modernes. La moitié des ecclésiastiques, séculiers comme réguliers, engagés en science aux XVIIe et XVIIIe siècles étaient jésuites, alors que les effectifs de la Compagnie étaient sensiblement inférieurs aux deux grands ordres de l’époque qu’étaient les franciscains et les dominicains, sans mentionner le clergé diocésain. Dans un domaine plus spécifique, plus d’un quart des physiciens ayant contribué à l’électromagnétisme au XVIIe siècle étaient jésuites. Dans ce champ, selon l’historien de l’électricité John Heilbron, l’encyclopédie publiée par Francesco Lana fut « l’exposé sur l’électricité le plus complet et le plus pertinent publié au XVIIe siècle◊ ». Et, selon l’historien des sciences William Ashworth, tous les traités importants d’optique publiés dans ce même siècle ont été écrits par des jésuites◊. Il est maintenant largement admis, même en dehors du cercle des spécialistes, que les mathématiciens jésuites ont joué un rôle significatif dans l’émergence progressive d’une nouvelle science au ◊¥Electricity in the 17th and 18th Centuries, p. 190. ◊¥Cf. «Catholicism and Early Modern Science », p. 154.
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Introduction
début des Temps modernes. Pour s’en tenir à des ouvrages de vulgarisation, on peut mentionner Pierre Thuillier qui reconnaît cette contribution, en particulier dans le domaine de l’expérimentation, où les jésuites font « preuve d’originalité », ou, dans un champ plus théorique, le fait que, grâce à eux, les disciplines mathématiques deviennent autonomes◊. L’influence sur Galilée des méthodes pratiquées en particulier dans le Collège romain a été largement documentée : c’est là qu’« à l’initiative du père Clavius, s’est développée l’idée de mesurer quantitativement les phénomènes physiques et d’utiliser les mathématiques pour les représenter », affirme, d’ailleurs un peu trop généreusement, Claude Allègre, peu suspect de sympathie cléricale◊. Il se trouve en effet que la naissance du nouvel ordre religieux, au milieu du XVIe siècle, coïncide avec la période où se dessine une nouvelle représentation du monde. L’œuvre de Copernic, De revolutionibus orbium celestium, qui propose une cosmologie héliocentrique attribuant à la terre un double mouvement, paraît après la mort de son auteur en 1543. Il faut attendre les observations de Tycho Brahé (1546-1601), livrées au public en 1588 dans son ouvrage De Mundi Aetherei Recentioribus Phaenomenis, pour que s’accélère la mise en question de la science d’Aristote. Celles de Galilée, ◊¥D’Archimède à Einstein, p. 167. ◊¥Dieu face à la science, p. 24.
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publiées en 1610, permettent de faire un pas de plus : la lunette braquée vers le ciel révèle des phénomènes inédits comme la surface irrégulière de la lune, l’existence de satellites de Jupiter, les phases de Vénus ou le nombre plus considérable d’étoiles dans le ciel, en laissant supposer que le monde est plus vaste qu’on ne le pensait. Le zèle de Galilée à défendre le système copernicien entraîne la réaction bien connue des autorités ecclésiastiques : mise à l’Index des « livres coperniciens » en 1616, condamnation de Galilée lui-même en 1633. Les débats se poursuivent au cours du siècle. C’est seulement grâce à la parution des Principia mathematica de Newton (1642-1727), en 1687, que le système héliocentrique est définitivement adopté par le monde savant. Ces brefs rappels indiquent que la transition n’est pas aussi brutale qu’on ne se l’imagine avec le recul du temps. L’appellation commune de «révolution copernicienne» exprime la profondeur de la mutation qui s’opère entre le milieu du XVIe et la fin du XVIIe siècle. Mais l’historiographie scientifique plus récente s’est rendue davantage sensible au caractère graduel de la transition : la nouveauté apparaît sur fond de continuité. Les intuitions nouvelles s’expriment en reprenant les catégories anciennes. C’est là qu’une réflexion sur la science jésuite contribue à mieux comprendre les enjeux de l’émergence d’une vision du monde qui reste encore, à bien des égards, la nôtre aujourd’hui. Il y a bien une tension, sur laquelle nous aurons
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l’occasion de revenir, entre, d’une part, la fidélité à un héritage, la continuité d’une tradition, et, d’autre part, la perception d’une mutation culturelle sans précédent, l’intuition de saint Ignace que des temps nouveaux requéraient une intelligence nouvelle des choses de la foi et du monde. Il n’est pas possible dans un volume aussi limité d’aborder toutes les questions relatives aux activités des jésuites dans le champ des sciences de la nature. Ce qui semble ressortir de ce parcours à travers quelques figures et champs d’activité est la perception d’une certaine connivence entre la « manière de faire » ignatienne et l’ouverture d’un esprit de recherche, caractéristique de la science moderne. Au seuil de ce parcours, il est opportun de rappeler les paroles de Teilhard qui, en décrivant son expérience vécue lors de la première guerre mondiale, évoquait « la passion de l’inconnu et du nouveau », portée par « le “moi” de l’aventure et de la recherche, celui qui veut toujours aller aux extrêmes limites du monde, pour avoir des visions neuves et rares, et pour dire qu’il est “en avant◊” ». L’aventure n’est pas sans risque. Les impasses, les dévoiements, les erreurs furent nombreuses. Ces pionniers n’ont pas manqué d’adversaires, même au sein de la Compagnie, pour en faire le relevé méticuleux. Mais c’est sans doute le prix à payer pour accompagner l’aventure humaine. Il ◊¥« La nostalgie du front », dans Écrits du temps de la guerre, pp. 174175.
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peut être plus confortable de s’en tenir à une « spiritualité » tout intérieure, dégagée des aléas du « monde ». Ce ne fut pas la voie choisie par ces religieux qui s’efforcèrent, et s’efforcent toujours, de « voir Dieu en toutes choses », même dans le fonctionnement d’un « univers infini » qui semble de plus en plus loin du « monde clos » dans lequel se déployait à l’aise la religion de leurs ancêtres. Il se pourrait qu’à travers ces engagements profanes, ce soit un nouveau visage de Dieu qui se révèle.
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MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, BIOLOGIE ET SOIN DES ÂMES
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