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a philosophie, et en particulier la phénoménologie, se trouve aujourd’hui en France dans une situation pour le moins paradoxale dans son vis-à-vis avec la théologie. Alors que les uns accusent les phénoménologues d’un prétendu tournant théologique et que les autres s’en défendent comme si toute théologisation devait entacher leur intégrité, nul ne tente délibérément la traversée en prenant en charge les deux disciplines comme telles.

Diffusion : cerf

philosophie

9 782872 992348

donner raison

ISBN : 978-2-87299-234-8

Passer le Rubicon • Emmanuel Falque

Emmanuel FALQUE, marié, père de quatre enfants. Professeur et doyen de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, il enseigne la philosophie médiévale, la phénoménologie et la philosophie de la religion, qui sont aussi la matière de ses ouvrages. Professeur invité à l’Université Catholique d’Australie, il est aussi l’un des philosophes français de sa génération les plus lus en France et aux États-Unis.

Passer le Rubicon Philosophie et théologie : Essai sur les frontières

Illustration de couverture : César franchissant le Rubicon. Faits des Romains d’après Suétone et Salluste, enluminure du XVe siècle (1480), Musée de Condé, Chantilly. Crédit photographique : rmn.

En osant « passer le Rubicon » avec cette conviction que « plus on théologise, mieux on philosophe », cet ouvrage tente donc de mettre fin à la trop fréquente position de « chiens de faïence » et propose un « choc en retour » de la théologie sur la phénoménologie. Loin des philosophies du « seuil » ou du « saut », une véritable rencontre des disciplines est ici revendiquée, dans l’assurance qu’elles seront mieux distinguées si elles acceptent d’être davantage assumées. Alea jacta est : « le sort en est jeté », avec audace et peut-être témérité mais en sachant que nul ne pense s’il ne vient à s’exposer.

Emmanuel Falque


du même auteur Le Passeur de Gethsémani, Angoisse, souffrance et mort, Paris, Cerf, coll. « La nuit surveillée », 1999. Saint Bonaventure et l’entrée de Dieu en théologie, Paris, Vrin, coll. « Études de philosophie médiévales », 2000. Métamorphose de la finitude, Essai sur la naissance et la résurrection, Paris, Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2004 (traduit en anglais). Dieu, la chair et l’autre, D’Irénée à Duns Scot, Paris, PUF, coll. « Épiméthée », 2008 (traduit en espagnol). Les Noces de l’Agneau, Essai sur le corps et l’eucharistie, Paris, Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2011.

sur l’œuvre de l’auteur A. Saudan, Penser Dieu autrement, L’Œuvre d’Emmanuel Falque, Paris, Germina, 2013.

© 2013 Éditions Lessius 24, boulevard Saint-Michel, 1040 Bruxelles www.editionslessius.be Donner raison, 42 ISBN : 978-2-87299-234-8 D 2013/4255/8 Diffusion cerf


En hommage Ă Blandine Larnaud (1938-2012).


Remerciements : À Yves Roullière et Paul Gilbert, aiguillons par lesquels ce livre fut initié ; à Jérôme Alexandre et Jérôme de Gramont, pour leur relecture toujours fidèle.


La philosophie est la servante de la théologie, c’est entendu. (Marie est bien la servante du Seigneur [Lc 1,38]). Mais que la servante ne querelle point la maîtresse et que la maîtresse n’objurgue point la servante. Un étranger viendrait, qui les mettrait rapidement d’accord. Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes » (juillet 1914 [texte posthume]), dans Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, Pléiade, 1992, p. 1458.



Ouverture LA GRANDe tRAVeRSÉe

« Puisque la notion d'une substance individuelle enferme une fois pour toutes tout ce qui lui peut jamais arriver […], on voit une raison pourquoi Jules César a plutôt résolu de passer le Rubicon que de s'y arrêter, et pourquoi il a plutôt gagné que perdu la journée de Pharsale1. » Le mot de Leibniz dans son Discours de métaphysique est assez connu pour qu’il ne soit pas besoin de s’y arrêter, la « monade » important moins pour nous ici, que la nécessité de rédiger le « plaidoyer philosophique » à même de justifier une entreprise de longue date commencée. Le Rubico, « rivière » (flumen) ou « petit fleuve côtier » de l’Émilie-Romagne au nord de l’Italie, connut en effet un destin particulier qu’il nous revient aujourd’hui de méditer. Frontière interdite à franchir, au risque de violer les lois du Sénat romain, un général en armes prit cependant la décision, avec l’ensemble de ses légions, de passer la limite qui séparait l’Italie de la Gaule cisalpine, marchant sur Rome jusqu’à vouloir renverser Pompée. Ainsi traversa-t-il, en date du 12 janvier 49 av. J.-C., le « petit cours d’eau » dont le franchissement transforma le destin de l’humanité. Le jeune César ne se doutait certes pas des enjeux qu’une telle décision allait engager. Alea jacta est — « le sort en est jeté », se serait proclamé le futur empereur, dont l’historien Suétone 1. G.-W. Leibniz, Discours de métaphysique (1686), Paris, Garnier-Flammarion, 2001, § 13, pp. 218-221 (« La notion individuelle de chaque personne [ou monade] ») ; citation, p. 220.


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nous raconte par le menu comment la chose s’est probablement passée. Certes, l’ambition du général d’armée ne fut pas immédiatement récompensée, perdant même nombre de fantassins imprudemment embarqués. Reste que l’histoire était en marche, la « journée de Pharsale » venant bien vite réparer ce que le « passage du Rubicon » n’avait pu tout à fait accomplir2.

§ 1. Une percée. Qu’on se le dise donc. « Passer (aujourd’hui encore) le Rubicon », et rédiger un « essai sur les frontières » entre des disciplines pour le moins délimitées, comporte le risque de perdre la bataille, quand bien même ne s’y jouerait pas nécessairement la guerre. Le rapport entre « la philosophie et la théologie » a, aujourd’hui en France, récemment bougé — et le nier serait faire acte de « mauvaise foi », ou d’un tel aveuglement que plus rien ne nous conduirait, sinon l’ignorance de ce qui, autour de soi, s’est déjà passé. Sous les coups de boutoir de l’herméneutique, mais aussi de la phénoménologie, certaines portes fermées ont déjà plié, et c’est d’abord à en faire le constat que ce livre voudrait donc s’employer. Ayant par ailleurs marqué un point d’étape sur le rapport entre « philosophie médiévale et phénoménologie », et dans l’attente de faire voir dans une large disputatio avec les phénoméno-

2. Suétone, Vie des douze Césars, chap. XXXI-XXXII, Paris, Belles Lettres, 1954, t. 1, pp. 22-23 (« Comment César franchit le Rubicon ») : « Vers l’aube, César trouva un guide [duce reperto] et parvint à son but à pied, par des sentiers tout à fait étroits. Ayant rejoint ses cohortes au bord du Rubicon, rivière (flumen) qui marquait la limite de sa province, il s’arrêta un moment et, songeant à la portée de son entreprise, il dit en se tournant vers sa suite : “Maintenant, nous pouvons encore revenir en arrière, mais une fois que nous aurons franchi ce petit pont [ponticulum], tout devra être réglé par les armes.” Comme il hésitait [cunctanti], il reçut un signe d’en haut. Un homme d’une taille et d’une beauté extraordinaires apparut soudain, assis tout près de là et jouant du chalumeau […]. Cet homme prit la trompette de l’un des soldats, s’élança vers la rivière et, sonnant la marche avec une puissance formidable, passa sur l’autre rive [pertendit ad alteram ripam]. Alors César dit : “Allons où nous appellent les signes des dieux et l’injustice de nos ennemis. Le sort en est jeté [iacta alea est — le plus souvent transcrit par : alea jacta est].” »


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logues contemporains ce qu’il en est de la relation entre « phénoménologie et théologie », il restait maintenant à indiquer, dans un « discours de la méthode » simple mais pour le moins « incisif », ce qu’il en est de l’ancestrale relation entre « la philosophie et la théologie3 ». entreprendre de passer le Rubicon engage donc ici à une « grande traversée », courte dans son itinéraire comme l’est aussi le fleuve, mais lourde dans la conscience de son enjeu, à l’instar d’un César hésitant encore à franchir le gué (ou à reconnaître qu’en réalité, et depuis longtemps, il l’a déjà traversé). On n’entraînera certes pas une « cohorte de fantassins » dans la conquête, pouvant d’ailleurs et tout aussi bien se solder par une défaite. La bataille sera-t-elle gagnée ou non, peu importe. Le risque pris « pour soi » ne l’est « pour autrui » que dans la mesure où il acceptera lui-même de « lire », et donc aussi de s’y livrer. tout n’est pas d’abord affaire de « guerre » dans la confrontation de la philosophie et de la théologie, mais plutôt de prise de décision, voire de position — laissant à la « parole jetée » le soin de mourir d’elle-même ou de se déployer plus avant : « Dieu ne nous demande pas de réussir, mais de travailler, rappelle avec beaucoup de justesse Jean Chrysostome. Or notre travail ne sera pas moins récompensé, parce qu’on ne nous aura pas écoutés4. » tel sera donc le sens, humble, mais néanmoins nécessaire, de la « percée » ici tentée. Plus modestement bien sûr, mais néanmoins à l’instar de saint Bonaventure qui, en 1259, résume dans un Itinerarium en six étapes la démarche qu’il a depuis si longtemps effectuée, ce libellum ou « petit livre » suivra l’ambition médiévale du 3. Pour le rapport entre « philosophie médiévale et phénoménologie », voir : Dieu, la chair et l’autre, D’Irénée à Duns Scot, Paris, PUF (coll. Épiméthée), 2008, pp. 1342 (Introduction) : « Fons signatus : La source scellée ». Quant à la relation entre « phénoménologie et théologie », une série de contributions sur des phénoménologues contemporains en dresse le tableau (à paraître prochainement sous le titre Disputes phénoménologiques. Entre phénoménologie et théologie). D’où l’étude, présentée ici, du rapport entre « philosophie et théologie », incluant la question de l’herméneutique (Passer le Rubicon. Philosophie et théologie : essai sur les frontières). 4. Jean Chrysostome, Homélie sur la Cananéenne (PG 51, col. 458ss.), cité et traduit par dom Willibrord Witters, « La Prière », dans Cahiers de la Pierre qui Vire, Paris, DDB, 1954, pp. 176-177.


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Breviloquium, de présenter ici dans une sorte de « bref traité » ce qui suffit au voyage, ou à tout le moins à ceux qui se font fort de le suivre comme aussi de l’emporter. À l’instar donc du Docteur séraphique, mais plus modestement bien sûr, nous-même aussi avons été sollicité, par quelques amis philosophes là encore « bien intentionnés » (cf. Remerciements). L’écriture ne se « prend » pas, elle se « reçoit », en particulier lorsqu’elle est au bon moment requise, voire aussi invoquée. « tournant » davantage que « marche en avant », autre « point de fuite » et non pas simplement « poursuite », peu importe ici. Seul compte dans l’acte de « passer le Rubicon » l’éclaircissement d’une « pratique » que nous n’aurions peut-être pas par nous-même osée, mais dont le résultat fait voir qu’à tout le moins il fallait le tenter : « Prié par des confrères de dire avec notre pauvre petite science quelque chose de bref, dans une somme, sur la vérité [de la philosophie]et de la théologie, et cédant à leurs prières, faut-il avouer à la suite du Docteur franciscain, j’ai consenti à écrire un Breviloquium, dans lequel j’ai traité brièvement non pas toutes les vérités à croire, mais seulement les plus utiles, y ajoutant quelques explications selon les circonstances5. » Non moins que d’autres qui font profession de philosopher, on aura certes pu nous accuser de ne pas suffisamment « vulgariser », et de ne pas se soumettre davantage, dit-on, à l’exigence de « bien communiquer ». C’est pourtant ne pas voir qu’à la hauteur des questions, en particulier en philosophie comme en théologie, doit aussi répondre un certain mode de conceptualisation. Déplorer la « difficulté » est aussi parfois refuser de s’y élever, comme si la compréhension pouvait se gagner sans l’effort pour y arriver. Davantage que la « complexité », on craindra donc plutôt, et à nos propres yeux, l’illusion de se croire le premier venu dans la pensée, voire la fausse suppression des références, comme si la vulgarisation masquant l’histoire rendait la chose plus aisée. Il convient selon nous de distinguer l’« acte de penser », identique à celui de « créer », in5. Saint Bonaventure, Breviloquium (V, 208b), Paris, Éd. franciscaines, 1966, Prologue, § 6, n° 5, p. 121 ; ainsi que notre commentaire Saint Bonaventure et l’entrée de Dieu en théologie, La Somme théologique du Breviloquium, Paris, Vrin, 2000, Introduction, pp. 19-27 : « L’hypothèse phénoménologique et le Breviloquium ».


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ventant, distinguant, déchiffrant, etc., et qui revient à ceux dont c’est le métier ; et celui de « vulgariser », qui appartient à d’autres, ou aux mêmes, à condition toutefois qu’ils n’évacuent pas par là toute nouveauté, à force de vouloir trop schématiser. La difficulté n’est évidemment pas de « populariser », selon le leurre de ceux qui attendent seulement qu’on leur simplifie la tâche, mais de continuer à penser, avec certes le souci de communiquer, mais surtout en faisant méthodologiquement le point sur cela qu’on est en train d’effectuer6. L’essai ici présenté dans sa « simplicité », son caractère bref et son ton décidé, ne renoncera donc pas à l’exigence de cela qui est explicité. L’excès de technicité aura certes été ici délibérément « réduit », ou « mis entre parenthèses », les ouvrages publiés par ailleurs suffisant à faire voir, croyons-nous, le bien-fondé de la démarche de longue date entreprise. Reste qu’on suivra pas à pas la voie ici proposée, selon une succession de chapitres moins juxtaposés que dûment agencés. On ne « passe pas le Rubicon » sans courir un risque, nous l’avons souligné — attendant d’ailleurs de la journée de Pharsale (victoire) qu’elle puisse aussi se substituer à la trop grande assurance de l’empereur en cette première traversée (défaite). « Penser, c’est décider », nous l’avons souvent souligné à la suite de Martin Heidegger. Vient maintenant le temps de l’expliciter, selon une « confession » d’autant plus philosophique qu’elle appartient ici à l’acte le plus commun de ce que signifie penser.

§ 2. Une traversée. Reprenant ainsi, étape par étape, l’itinéraire de ce qui définit un autre et nouveau rapport de la philosophie et de la théologie — dans un souci attentif de leur conjonction (« et ») plutôt que de leur 6. On renverra ici, en y rendant hommage, à l’ouvrage récent d’Alain Saudan, Penser Dieu autrement, L’Œuvre d’Emmanuel Falque, Paris, Germina, 2013. essai qui servira de véritable complément, et de parfaite entrée en matière, au présent ouvrage comme à sa prise de position.


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disjonction la plus souvent pratiquée aujourd’hui (« ou ») —, ce « bref » Discours de la méthode indiquera donc ce qu’il en est d’abord de l’acte de « déchiffrer », puis de « choisir », et enfin de « franchir ». (a) Interpréter, (b) décider, (c) passer, question herméneutique, enjeu kérygmatique, et frontières des disciplines : autant d’interrogations dont la traversée marquera aussi bien le fait de « disputer » avec ceux qui nous ont précédé, que d’en sortir soimême aussi transformé. (a) Débat avec Paul Ricœur d’abord, mais aussi prise de position qui n’est pas de condamnation mais de juste discernement. — « L’herméneutique est-elle fondamentale ? ». À cette interrogation (chap. I), on répondra certes que la « compréhension » demeure l’horizon du dire, comme aussi de toute question. Mais tout dépend de ce que l’on entend « par » comprendre (décrire ou interpréter), voire « ce que » l’on comprend (des textes ou la vie), et « comment » on le comprend (voie courte ou voie longue). Quand la théologie catholique s’est unanimement engouffrée dans la brèche de l’herméneutique textuelle, ouvrant d’ailleurs à une rare fécondité qu’il convient ici de souligner, on s’interrogera cependant sur le renouvellement, pour aujourd’hui, de cette voie presque exclusivement empruntée. Si la phénoménologie trouve maintenant tant à faire dans le corpus de la théologie, peut-être est-ce en cela que la « descriptivité » prend peu à peu le relais du seul acte d’« interpréter », et la « vie » sa revanche sur un « texte » devenu quasiment comme le seul mode de l’incarné. L’hypothèse d’une « herméneutique (dite catholique) du corps et de la voix » (chap. II) ne viendra pas en ce sens contester tout ce que l’inspiration protestante a pu lui apporter, en particulier dans le retour vers la textualité qui renouvela sa manière de penser (théologie biblique). Reste cependant que le « catholicisme » a ceci en propre, dans sa confession comme aussi dans sa vocation, qu’il trouvera dans le « corps » (eucharistique) le cœur de sa pratique, et dans la « voix » (professée) le ressort de sa conceptualité. Mode absolu de la « présence charnelle », de l’incarnation à la résurrection en passant par le hoc est corpus meum de la passion, la « pratique catholique » a cela de spécifique que jamais elle ne quitte l’« épais-


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seur du sensible » — rejoignant en cela tout aussi bien les justes condamnations de la gnose par les premiers pères (en particulier Irénée et tertullien), que l’absolue unité du corps et de l’âme enseignée par thomas d’Aquin (l’hylémorphisme revu à la lumière de l’évangile), ou encore la doctrine des « sens spirituels » retrouvée par Hans Urs von Balthasar (l’évidence subjective), voire le « retour vers la sensation » innervé par Maurice Merleau-Ponty (à la suite d’un Paul Cézanne par exemple). Bref, loin de nier le bien-fondé de l’herméneutique, fût-elle textuelle, le présent traité tient donc plutôt à la renouveler. On ne renonce pas à « comprendre », et encore moins à accepter qu’il faille toujours « déchiffrer ». Mais on se demandera seulement si les voix du langage (en particulier écrit) sont les seules par laquelle le Verbe vient à s’incarner. À la sola scriptura dont l’« herméneutique textuelle » demeure somme toute l’héritière sans toujours l’avouer, on opposera un corpus totum de l’« herméneutique du corps et de la voix » que le catholicisme a aujourd’hui à retrouver. Relisant certains de ses meilleurs traités (et en particulier Henri de Lubac), et faisant fond sur la phénoménologie, voire la philosophie classique, on apprendra aussi de la théologie « ce que peut le corps », cela même que « nous ne savons pas encore » (Spinoza). (b) Débat avec Maurice Merleau-Ponty et Rudolf Bultmann ensuite. — L’expression « toujours croyant » (chap. III) n’indique certes pas que tous « croient » (en Dieu), et même aient à (y) croire. Mieux, on « croit » d’autant plus confessionnellement que l’on « croit » d’abord humainement. À tout ceux qui voudraient à tort « catapulter » la foi sur un socle en manque d’humanité, au seul motif que celle-ci doit toujours demeurer inconditionnée, ce chapitre a pour vocation d’enraciner ladite « herméneutique » (du corps et de la voix), dans un « fond commun » toujours donné. Nul ne « croit » en Dieu s’il ne « croit » d’abord au monde, voire à autrui. Contre tous les leurres du « doute hyperbolique », voire de la « réduction phénoménologique », un « quelque chose » ou un « il y a » demeure toujours, irréductible aussi bien qu’incompressible. Moins de l’ordre du « donné » que de la simple « factualité », cet « il y a » (es gibt en allemand) impose une « con-fiance » originaire, là


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où la philosophie classique enseigne plutôt la méfiance (le doute), et la naissance de la phénoménologie la prudence (la réduction). On « croit toujours », et comme par avance, au monde voire en autrui, quand bien même l’expérience nous aurait appris à le suspecter, ou mieux à s’en méfier. Sur cette « croyance originaire » (Urglaube), et en elle seulement, la « foi religieuse » (credo) peut se greffer. Le « socle commun d’humanité » attend d’être philosophiquement fondé pour être ensuite théologiquement métamorphosé. Le « croyant » désespère souvent d’être (le) seul « à croire ». À reconnaître en l’autre un « autrement croyant » davantage qu’un « athée » ou un « in-croyant », et s’il s’abstient de le baptiser secrètement (« chrétiens anonymes »), il verra qu’un « croire commun » fonde aussi la « spécificité » de sa propre croyance, lui permettant donc de ne pas fuir le « commun » de notre humanité. Loin de regretter l’amphibologie du « croire » (avoir foi en autrui ou en Dieu), l’homme confessant y trouvera plutôt une chance pour respecter, voire se laisser lui-même changer, par celui dont le « croire » ne rejoint pas directement sa propre identité. Mais se découvrir ainsi « toujours croyant », fût-ce de façon confessionnelle ou non, n’ôte rien, bien sûr, au juste fondement de la foi religieuse elle-même, en particulier lorsqu’elle maintient ensemble, et comme d’un seul tenant, « kérygme et décision » (chap. IV). On aurait tort en effet de prendre la vieille querelle sur la « démythologisation » pour passée, voire dépassée — comme si l’entrée en scène du symbolique (Ricœur) et le débat sur l’inculturation (Hans Küng/Aloïs Grimeiller) avaient suffi à eux seuls à résoudre la question. Revenir maintenant sur cette proposition n’est pas simplement réactiver le mythe d’une « foi pure » dont la phénoménologie n’est d’ailleurs pas exempte, jouant à nouveau le « saut » d’une révélation dont le logos ne le partagerait plus en rien avec « l’humaine et naturelle » raison. S’interroger sur la « décision de la transformation » revient plutôt à accepter une « transformation nécessaire du concept de décision ». Ce qui est vrai de l’événement ici, et en particulier de la naissance reçue avant que d’être choisie (Cl. Romano), l’est plus encore à nos yeux de la foi confessionnelle elle-même. « Y a pas le choix » d’avoir le choix, et dans ce choix du non-choix réside paradoxalement le plus fort de notre


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choix. Non pas, loin s’en faut, que Dieu imposerait sa croyance au disciple, comme si toute liberté ne consistait qu’à se reconnaître déterminé (Spinoza). Mais en cela seulement que l’homme confessant n’est alors plus « seul » à décider, se tenant toujours à « deux », voire avec « trois », pour trancher — en cela que le « colloque trinitaire » (Ignace de Loyola) ne saurait chrétiennement s’absenter de la proclamation kérygmatique au Dieu ressuscité. (c) Débat avec la phénoménologie contemporaine enfin. — On parle souvent de méthodologie et de distinction des disciplines, et les théologiens se font fort de rappeler aux philosophes qu’ils n’ont de cesse de dépasser les bornes que l’humaine raison leur a fixées. Les phénoménologues en effet, loin de penser une révélation qui leur serait interdite (qu’il s’agisse des événements de la quotidienneté ou du Dieu de la sacramentalité), en font plutôt leur objet préféré, prétendant revivifier ce que les théologiens n’auraient pas su, par eux-mêmes, renouveler. On reconnaîtra certes et en premier lieu l’immense fécondité de la phénoménologie pour la théologie, au point de requérir sur ce point davantage de débats avec ceux qui en font leur métier. Reste que le « choc en retour » de la théologie sur la phénoménologie demeure à nos yeux non questionné, voire non entrepris. tout se passe en effet comme si l’on pouvait, et devait, se contenter d’une « phénoménologie théologique » usant des outils du phénoménologue pour décrire les objets du théologien, sans s’interroger en même temps sur le sens d’une « théologie phénoménologique » remettant en cause, dans sa descriptivité elle-même, les poncifs de la phénoménologie. Point n’est question ici d’être théologien plutôt que philosophe, ou de montrer que les objets de la théologie font simplement mieux voir, ou de façon paradigmatique, ce qu’aperçoit exclusivement de loin la phénoménologie. La radicalité du propos veut plutôt indiquer que la prise en compte de la théologie comme telle fait parfois paraître, d’un rare éclat, les limites de la phénoménologie elle-même. L’horizon de la finitude et son assomption par le Christ au jour du vendredi saint, l’acte de naître et son renouvellement dans la « naissance d’en haut » par la résurrection, l’éros humain et sa transformation par l’agapê de l’eucharistie, la prise en compte de la « matérialité du corps » au seul titre de la


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réalité, anti-gnostique, du Christ incarné, sont autant de motifs pour ne pas s’en tenir au simple « usage » de la phénoménologie, fût-ce pour renouveler la théologie. La théologie elle-même, dans son contenu (incarnation, résurrection, eucharistie…), voire dans ses méthodes (en particulier la nécessaire prise en compte de l’historicité), possède les moyens de « faire retour » vers la phénoménologie, selon un « contre-coup » pouvant être aussi revendiqué par la figure d’un philosophe, ne cachant pas quant à lui la nécessité d’une « pratique commune et ecclésiale » de la théologie. Bref, l’« essai sur les frontières » ici tenté ne définit pas a priori les bornes de la philosophie et de la théologie, mais les découvre plutôt a posteriori, selon un travail déjà effectué dont le présent essai veut seulement évaluer la méthode, tout autant que le bien-fondé7. L’hypothèse d’un « tuilage et conversion » (chap. V) de la philosophie par la théologie voudrait en ce sens dégager, sur le modèle cette fois d’un véritable « discours de la méthode », ce qu’une réflexion sur le « passage des frontières » peut précisément délivrer. Il faut bien le reconnaître, la distinction entre philosophie et théologie, en particulier dans la phénoménologie contemporaine, n’est pas ou plus de l’ordre des « objets ». On a vu avec bonheur la « prière » (J.-L. Chrétien), la « liturgie » (J.-Y. Lacoste), l’« eucharistie » (J.-L. Marion), ou encore l’« incarnation » (M. Henry), appartenir nouvellement au champ de la phénoménologie, selon un critère de descriptivité rarement égalé. On tiendra donc la différence entre philosophie et théologie moins en « cela » qui est étudié (l’objet), que dans la spécificité de leurs « départs » (d’en bas ou d’en haut), leurs propres « façons » de procéder (point de vue heuristique ou didactique), et le « statut des objets » analysés (possibilité ou effectivité). Reste que l’horizon de la finitude, en philosophie comme en théologie, demeurera toujours premier, au moins en fonction de ce à quoi, en tant qu’hommes, nous sommes d’abord confrontés. Avec Duns Scot s’ouvre en effet une 7. Nous renvoyons ici à notre « triptyque » : Le Passeur de Gethsémani, Angoisse, souffrance et mort, Cerf (coll. La nuit surveillée), 1999 ; Métamorphose de la finitude, Essai philosophique sur la naissance et la résurrection, Cerf (coll. La nuit surveillée), 2004 ; Les Noces de l’Agneau, Essai philosophique sur le corps et l’eucharistie, Cerf (coll. La nuit surveillée), 2011.


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« indépassable immanence » dont hérite notre modernité, quand bien même, et nous n’avons cessé de le souligner, seul le Christ ressuscité aurait les moyens de l’ouvrir à une dimension d’éternité. Certes, et d’aucuns ne cessent de le regretter, le croyant voudrait bien poser directement la « transcendance », se défaire tout de go de sa pure et simple humanité, voire de ses « frères humains » (Bernanos) et du parvis des « Gentils » (gentes) qui ne cessent de l’entourer. C’est confondre pourtant le « point de départ » et le « point d’arrivée », et ne pas voir que commencer par la finitude n’est pas immédiatement s’y enfermer. Le catholicisme souffre parfois d’un « irénisme naïf » remettant en cause sa crédibilité, comme si l’émerveillement du nouveau-né était toujours donné, et qu’un pathos de l’existence n’était pas aussi, et dès l’abord, à traverser. Si le surnaturel demeure certes « nécessaire et inaccessible », qu’on le dise en philosophe (Blondel) ou en théologien (Lubac), il ne se gagnera qu’au prix d’une action de Dieu lui-même qui, dans sa résurrection, prend la décision d’ouvrir les portes qui, jusque-là, nous demeuraient fermées. À ne pas « nous délivrer de la mort » (2 Co 1, 10), le Christ n’aura rien fait — ni de nous défaire des chaînes du péché, ni de transformer ce qui jusque là nous demeurait « mortellement » bouché. La résurrection « change tout » en cela donc qu’elle est le lieu de la conversion de la philosophie par la théologie, du passage de la finitude constatée au Christ ressuscité. S’appuyant sur le « tuilage », comme nœud de la rencontre de l’humain et du divin selon une structure de « recouvrement » (thomas d’Aquin), et refusant délibérément le « saut » comme il en va le plus souvent dans la phénoménologie contemporaine, le « servant philosophe » se fera ainsi un honneur d’être accueilli, ou « appelé sur les hauteurs » (Pr 9, 3), dans la demeure du théologien, y voyant une diaconie ou un « service », là où l’histoire de la philosophie ultérieure dénoncera un esclavage ou un « servage ». La « conversion de la philosophie par la théologie », faisant suite ici à l’« horizon premièrement ouvert de la finitude » (Duns Scot), et à la « structure de recouvrement » découverte dans le Christ incarné et ressuscité (thomas d’Aquin), trouvera alors son point d’achèvement dans la « monadologie trinitaire », intégrant cette fois l’ensemble des actes humains, et tout


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ce que nous sommes, dans le Dieu trinité, en guise de creuset pour tout métamorphoser (Bonaventure). « Rien ne se produit en l’homme qui ne se produise d’abord en Dieu, hormis le péché » (Hans Urs von Balthasar à propos de saint Bonaventure). L’adage n’est pas seulement de confession dogmatique, mais aussi le haut lieu d’un « discours de la méthode » à la fois philosophiquement et théologiquement mené. en effet, à s’arrêter au seuil d’une discipline — l’immanence pour la philosophie et la transcendance pour la théologie par exemple —, on ne peut voir ni comprendre comment, et en quoi, les matières sont profondément liées, en l’Homme-Dieu capable de les unir et de les incorporer dans le mystère de la trinité. « enfin la théologie » (chap. VI). Certes, le mot résonne peutêtre, et de façon ultime, comme le « cri » d’un philosophe qui aurait « laissé là » ses prérogatives, abandonné l’humain pour plonger dans le divin, et se défaire de tout un passé fait d’obscurité pour une transparence tellement désirée qu’il se croirait maintenant immaculé. La lectio facilior du passage de la philosophie à la théologie n’aura cependant pas cours. « enfin la théologie » revient certes aussi pour le philosophe à accepter d’y être invité, dans un « soupir de soulagement » où les barricades faussement érigées n’auront plus à être ainsi dressées. Mais « enfin la théologie » consiste encore à entrevoir la théologie « à la fin » (« en-fin la théologie), selon un « passage du Rubicon » qui ne revient pas à tout oublier, mais plutôt à peser le poids de ce qu’il en fut de la traversée, selon une humanité certes transformée, mais non pas amnésique de sa charge jamais effacée. L’homme arpente le monde en guise de « phénomène limité », selon l’adage thomasien du principe proportionné selon lequel « rien ne peut se recevoir au-delà de sa mesure » (III Sent. d. 49, q. 2, a. 1). Finitude indépassable certes, le philosophe aura pour tâche de la traverser. Mais aimée, désirée et portée par Dieu lui-même jusque dans la trinité pour la convertir ou la métamorphoser, le théologien aura pour vocation de l’y offrir, laissant cette fois à la Révélation elle-même le soin d’opérer. Nul n’est « davantage philosophe » parce qu’il se tient au « seuil » des disciplines ou « sépare » nettement les corpus, bien au contraire. Les questions de « frontières » exigent aussi qu’on ac-


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cepte l’ensemble des « matières ». Passer le Rubicon est effectuer la traversée, et n’inspecter les rives que pour mieux les distinguer. Loin de s’en tenir donc à son seul réquisit disciplinaire (demeurer philosophe plutôt que théologien, phénoménologue plutôt que métaphysicien, etc.), l’enjeu de la philosophie et de la théologie « à venir » se veut existentiel, ou mieux expérientiel : soit des existentiaux à la fois à décrire en phénoménologie et à faire travailler en théologie, jusqu’à être intégralement transformés et « métamorphosés », comme dans un « choc en retour », sous l’action de la trinité.

§ 3. Une expérience. Les six étapes de notre propre Itinerarium s’achèvent ici, à l’instar de saint Bonaventure, sur une sorte d’apex affectus ou d’union intime de l’homme avec Dieu, mais entendue cette fois comme totale incorporation et transformation de l’humain dans le divin. La théologie certes (Ignace de Loyola), mais aussi la philosophie (P. Hadot), ont toujours été de fait, ou à tout le moins dans leurs origines, des « exercices spirituels8 ». C’est à l’avoir trop oublié qu’on a séparé à tort la métaphysique et la phénoménologie, ou encore la théologie dogmatique et la théologie biblique, voire mystique. Plutôt que de débattre sur le bien-fondé d’un « dépassement de la métaphysique » selon nous largement dépassé, ou de marquer encore et toujours les frontières d’une « onto-théologie » à nos yeux impossible à trouver, on attendra donc de la philosophie qu’elle décrive plutôt la « grande traversée » de l’« expérience », comme mise 8. Ignace de Loyola, Exercices spirituels (1547), Paris, DDB, 1985, Première annotation (I, 3), p. 27 : « De même, en effet, que se promener, marcher et courir sont des exercices corporels, de même appelle-t-on exercice spirituel toute manière de préparer et de disposer l’âme pour écarter de soi toutes les affections désordonnées » ; ainsi que P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Paris, Gallimard (coll. Folio-essais), 1995, p. 276 : « tout au long de notre enquête, nous avons rencontré dans toutes les écoles, même chez les sceptiques, des “exercices” (askêsis, meletê), c’est-à-dire des pratiques volontaires et personnelles destinées à opérer une transformation du moi » (nous soulignons).


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Ouverture

en danger de soi (Erfahrung) et non pas simple vécu auto-affecté (Erlebnis). La « grande traversée », ou l’« apprentissage de soi par la souffrance » pour reprendre le mot d’eschyle (pathei mathos), nous enseignera comment nous-même nous avons bougé, accusant seulement « le coup » de ce qui en nous, mais presque « à notre insu », s’est aussi passé. Nous recevons parfois les concepts, comme aussi la méthode ou le chemin, par quoi nous avons avancé. Nous croyant le plus souvent faussement capable de « tout décider », il nous faut bien reconnaître que le plus souvent nous n’avons pas d’autre choix que d’assumer nos choix, nous laissant aussi « ceindre par un autre » là où on ne pensait « pas aller » (Jn 21,18). telle est l’audace du philosophe, mais aussi du théologien, ou encore du croyant « et » de l’homme tout court, dès lors qu’ils font ensemble et dans l’unité d’un même être, acte de « penser » comme de s’« exposer9 ». « Plus on théologise et mieux on philosophe. » tel est l’adage par nos soins maintes fois répété, et que, « philosophe avant tout », nous ne cesserons de revendiquer10. Reste que retrouver la « conjonction des disciplines », par-delà la « disjonction » ou le « saut » aujourd’hui le plus souvent opéré, revient à savoir se situer, d’autant plus précisément que la « traversée du Rubicon » aura été effectuée, après avoir tenté l’aventure de se tenir de l’un et l’autre côté. Loin de se regarder encore et toujours en « chiens de faïence », ou cachées « sous le masque de Janus », la philosophie et la théologie feront donc, une fois n’est pas coutume, acte de se « retourner », ou mieux de « voyager », pour enfin se rencontrer et le philosophe, en son 9. Cf. H.-G. Gadamer, Vérité et méthode (1960), Paris, Seuil, 1996, pp. 369-384 (« Le concept d’expérience [Erfahrung]et l’essence de l’expérience herméneutique ») : « “Instruit par la souffrance” (pathei mathos). Cette formule d’eschyle ne veut pas dire seulement qu’on n’acquiert de jugement qu’à ses dépens […]. Ce que l’homme doit apprendre de la souffrance, ce n’est pas ceci ou cela, c’est le discernement des limites de la condition humaine, du caractère irrévocable de la limite qui sépare du divin […]. L’expérience (Erfahrung) est donc l’expérience de la finitude humaine […]. L’expérience véritable est celle qui donne à l’homme la conscience de sa finitude » (pp. 379-380, nous soulignons). 10. expression formulée pour la première fois, et mise en œuvre dans le cadre de la philosophie médiévale, dans notre ouvrage Dieu, la chair et l’autre, D’Irénée à Duns Scot, Paris, PUF (coll. Épiméthée), 2008, pp. 34-37 : « Philosophie et théologie ».


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« pays natal », toujours mieux habiter : « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, ou comme cestuy-là qui conquit la toison, et puis est retourné, plein d’usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge11 ! »

11. Joachim du Bellay, Les Regrets (1558), sonnet 31, Paris, Livre de poche, 2002, p. 72.



Table des maTières

Ouverture : la grande traversée ………………………………

9

§ 1. Une percée ……………………………………………………… § 2. Une traversée …………………………………………………… § 3. Une expérience ……………………………………………………

10 13 21

Première partie interpréter

Chapitre I : l’herméneutique est-elle fondamentale ? …………

27

§ 4. la relève herméneutique ………………………………………… la relève herméneutique en théologie ………………………… la relève herméneutique en philosophie ……………………… Une herméneutique fondamentale ? ……………………………

30 30 35 38

§ 5. Herméneutiques confessionnelles ……………………………… l’herméneutique protestante ou le sens du texte ……………… l’herméneutique juive ou le corps de la lettre ………………… l’herméneutique catholique ou le texte du corps ………………

42 42 46 49

§ 6. Vers une phénoménalité du texte………………………………… des vécus intentionnels ………………………………………… intersubjectivité ………………………………………………… intercorporéité …………………………………………………

54 54 55 57


206

Table des matières

Chap. II : Pour une herméneutique du corps et de la voix ……

61

§ 7. la pensée aphone ………………………………………………… la phénoménologie sans voix…………………………………… de la voix nue à la voix crue …………………………………… Théologie de la voix ……………………………………………

64 66 69 72

§ 8. la voix est le phénomène ………………………………………… le langage de la voix …………………………………………… le pathos de la voix ……………………………………………… le phénomène de la voix ………………………………………

75 77 78 80

§ 9. la voix corporante ……………………………………………… la voix du corps ou la signifiance de la voix …………………… l’eucharistie ou le corps de la voix……………………………… le Verbe en voix …………………………………………………

81 81 83 84

Deuxième partie décider

Chap. III : Toujours croyant ……………………………………

89

§ 10. Une croyance à l’origine ……………………………………… 94 l’irréductible croyance au monde ……………………………… 94 de la foi philosophique ………………………………………… 97 réduire et comprendre ………………………………………… 100 § 11. le préjugé de l’absence de préjugés …………………………… l’impossible neutralité ………………………………………… Sum credendus ……………………………………………………… Croire avec certitude ……………………………………………

102 102 103 105

§ 12. Foi et non foi …………………………………………………… Foi philosophique et foi confessante …………………………… des préambules pour la foi ……………………………………… « il y a » : de la nature brute au monde du silence ………………

106 106 111 114

Chap. IV : Kérygme et décision ……………………………… 121 § 13. Philosophie de la décision ……………………………………… décision et démythologisation ………………………………… Philosophie de la religion et philosophie de l’expérience religieuse l’expérience facticielle de la vie …………………………………

123 123 128 131


Table des matières

207

§ 14. Théologie de la décision ……………………………………… le choix du choix ……………………………………………… se choisir choisissant …………………………………………… Choisir d’être choisi ……………………………………………

133 133 135 137

§ 15. ensemble à décider …………………………………………… Y a pas le choix ………………………………………………… deux, voire trois, à décider ……………………………………… l’en-commun du croire …………………………………………

139 139 142 144

Troisième partie passer

Chap. V : Tuilage et conversion ……………………………… 149 § 16. l’horizon de la finitude ………………………………………… expérience de l’homme et expérience de dieu ………………… différence des voies……………………………………………… de la contingence ………………………………………………

150 150 153 157

§ 17. du tuilage ou du recouvrement ……………………………… de la servante …………………………………………………… Nature et surnature ……………………………………………… dieu à l’initiative …………………………………………………

159 159 161 162

§ 18. de la conversion ou de la transformation …………………… le principe monadologique …………………………………… de la méta-physique …………………………………………… dépasser le dépassement…………………………………………

164 165 167 169

Chap. VI : enfin la théologie

………………………………… 173

§ 19. du seuil au saut ………………………………………………… les philosophies du seuil ……………………………………… l’illusion du saut ………………………………………………… le phénomène limité ……………………………………………

175 175 180 183

§ 20. le principe proportionnel ……………………………………… Plus on théologise, et mieux on philosophe …………………… le choc en retour………………………………………………… la « libération de la théologie par la philosophie » ……………

187 187 189 191


208

Table des matières

§ 21. Un soupir de soulagement ……………………………………… enfin la théologie………………………………………………… en-fin la théologie ……………………………………………… Alea jacta est …………………………………………………………

193 193 194 194

Épilogue : et après? …………………………………………… 197 § 22. d’abord vivre …………………………………………………… 197 § 23. l’après de l’après ……………………………………………… 198 § 24. À visage découvert ……………………………………………… 199 index nominum ……………………………………………………… 203 Table des matières …………………………………………………… 205

Imprimé en Belgique Avril 2013 Imprimerie Bietlot.



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cv Falque Rubicon 03_cv Knauer 28/08/13 14:18 Page1

L

a philosophie, et en particulier la phénoménologie, se trouve aujourd’hui en France dans une situation pour le moins paradoxale dans son vis-à-vis avec la théologie. Alors que les uns accusent les phénoménologues d’un prétendu tournant théologique et que les autres s’en défendent comme si toute théologisation devait entacher leur intégrité, nul ne tente délibérément la traversée en prenant en charge les deux disciplines comme telles.

Diffusion : cerf

philosophie

9 782872 992348

donner raison

ISBN : 978-2-87299-234-8

Passer le Rubicon • Emmanuel Falque

Emmanuel FALQUE, marié, père de quatre enfants. Professeur et doyen de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, il enseigne la philosophie médiévale, la phénoménologie et la philosophie de la religion, qui sont aussi la matière de ses ouvrages. Professeur invité à l’Université Catholique d’Australie, il est aussi l’un des philosophes français de sa génération les plus lus en France et aux États-Unis.

Passer le Rubicon Philosophie et théologie : Essai sur les frontières

Illustration de couverture : César franchissant le Rubicon. Faits des Romains d’après Suétone et Salluste, enluminure du XVe siècle (1480), Musée de Condé, Chantilly. Crédit photographique : rmn.

En osant « passer le Rubicon » avec cette conviction que « plus on théologise, mieux on philosophe », cet ouvrage tente donc de mettre fin à la trop fréquente position de « chiens de faïence » et propose un « choc en retour » de la théologie sur la phénoménologie. Loin des philosophies du « seuil » ou du « saut », une véritable rencontre des disciplines est ici revendiquée, dans l’assurance qu’elles seront mieux distinguées si elles acceptent d’être davantage assumées. Alea jacta est : « le sort en est jeté », avec audace et peut-être témérité mais en sachant que nul ne pense s’il ne vient à s’exposer.

Emmanuel Falque


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