Psychologie et spiritualité

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Dominique Struyf est pédopsychiatre et psychothérapeute. Mariée et mère de cinq enfants, elle anime des sessions pour des personnes consacrées et enseigne à l’Institut Lumen Vitae ainsi qu’à l’Institut d’études théologiques.

ISBN: 978-2-87299-220-1

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Diffusion : cerf www.editionslessius.be

Illustration : « Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile » (2 Co 4,7).

Bernard Pottier, jésuite, est théologien, philosophe et psychologue. Il enseigne à l’Institut d’études théologiques de Bruxelles et a été durant vingt ans curé d’une paroisse de la diaspora portugaise.

Dominique Struyf Bernard Pottier

Psychologie et spiritualité Enjeux pastoraux

donner raison

I

mages de Dieu, attraits amoureux, blessures et pardon, croyances et visions : autant de thématiques que deux spécialistes traversent en dialoguant, à l’aide de nombreux exemples vécus. Destiné à une élucidation théorique aussi bien qu’à une formation pratique, ce livre s’adresse à ceux qui, croyants ou non, s’intéressent aux recherches contemporaines en psychologie et s’interrogent sur la dimension spirituelle de l’homme.

Psychologie et spiritualité • D. Struyf, B. Pottier

donner raison 35

cv Psycho et spirit 16_Struyf Pottier 12/07/12 14:50 Page1


© 2012 Éditions Lessius, 24, boulevard Saint-Michel, 1040 Bruxelles www.editionslessius.be Donner raison, 35 ISBN : 978-2-87299-220-1 D 2012/4255/7 Diffusion cerf


INtroDuctIoN Dominique Struyf et Bernard Pottier

Dans ce livre, les auteurs reprennent certains thèmes qu’ils enseignent ensemble depuis une dizaine d’années à l’Institut d’études théologiques de Bruxelles (I.É.t.), Faculté de théologie de la compagnie de Jésus. L’objectif des cours et des séminaires de « Psychologie, spiritualité et pastorale », et donc de ce livre, est d’aider les prêtres, les religieux et religieuses, et les laïcs qui ont des responsabilités pastorales, à réfléchir aux liens qui existent entre la vie psychique et la vie spirituelle. outre leurs cours à l’Institut d’études théologiques, les auteurs ont pu expérimenter l’intérêt de cette approche pour différentes congrégations religieuses qui les ont requis pour un temps de formation et de réflexion, en Belgique, en France et en Afrique. Ils ont aussi animé une post-formation pour les accompagnateurs spirituels. Le cours a également été donné en soirée pour un public plus large. Il a permis des débats impliquant les jeunes, les plus âgés, les laïcs et les consacrés. cet ouvrage s’est construit en dialogue. Les auteurs proviennent d’horizons différents. Le P. Bernard Pottier s.j. est philosophe, théologien et psychologue. Il est professeur de dogmatique, de patristique, d’anthropologie, d’épistémologie et de psychologie à l’I.É.t. Il est également accompagnateur spirituel et donne des retraites individuellement guidées, notamment les « trente jours » de saint Ignace et les Exercices spirituels dans la vie courante. Il est formateur à l’intérieur de son ordre. Il a travaillé un an dans une prison, comme stagiaire psychologue. Pendant deux ans, il a enseigné la philosophie en Amérique latine.


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Introduction

Pendant vingt ans, il a été curé d’une paroisse de langue portugaise au centre de Bruxelles. Mme Dominique Struyf est médecin, pédopsychiatre et psychothérapeute. Elle a suivi une formation en systémique et en psychanalyse d’enfants et adolescents. Elle a assumé la responsabilité thérapeutique d’un hôpital psychiatrique pour enfants et adolescents pendant neuf ans. Durant ce temps, elle a cherché à mettre en place un accompagnement spirituel pour les enfants et les adolescents et les familles qui le souhaitaient, avec les responsables pastoraux des différentes religions et avec les représentants de la laïcité. Elle enseigne depuis 1998 à Lumen Vitae et depuis 2002 à l’Institut d’études théologiques. Son activité principale reste la psychothérapie d’enfants, d’adolescents, de couples, de familles, de personnes consacrées, de séminaristes et de prêtres. cette expérience lui a fait prendre conscience de l’influence qu’exercent les croyances religieuses ou laïques sur le fonctionnement psychique, relationnel et culturel des personnes, et réciproquement. Les auteurs ne cherchent pas à créer ensemble une nouvelle théorie. Ils ont une base de formation commune en psychologie. Ils ont aussi, chacun, une formation spécifique liée aux fonctions très différentes qu’ils exercent. La psychologie et la spiritualité sont toutes les deux sous-tendues par une anthropologie, qui n’est pas toujours explicitée dans la littérature. Elles ont chacune quelque chose à dire sur l’être humain, en partant d’un point de vue différent. La psychanalyse et les théories systémiques font partie des sciences humaines. Elles étudient le fonctionnement psychique et relationnel de l’homme par des méthodes qui se veulent objectives, hors de la dimension de la foi. Le savoir qu’elles proposent doit pouvoir être partagé avec d’autres, quelle que soit leur appartenance religieuse et philosophique. Le discours d’un théologien, par contre, se situe à l’intérieur de la foi chrétienne. La foi du croyant agit pour lui comme un englobant qui donne un sens particulier à sa vie intérieure, qui oriente son désir, ses actes et ses relations. Mettre en dialogue les deux discours, sans leur faire perdre leur identité, sans confusions, ni clivages, n’est pas chose aisée. Nous nous y essaierons de la façon suivante : les exposés vont se suivre dans une alternance à peu près régulière, même si chaque section est signée par


Introduction

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l’un des deux auteurs. Pour permettre une interactivité plus grande encore, à l’intérieur des exposés, s’inséreront de brefs dialogues. ★

Voici à présent les différents thèmes qui seront abordés dans cet ouvrage, ainsi que le fil rouge qui les relie. Nous partirons de la question suivante dans le premier chapitre : peut-on définir la vie psychique et la vie spirituelle de manière indépendante l’une de l’autre ? Il ne nous semble pas. Et pourtant, tracer les frontières, ou esquisser les interactions, suppose des options très nuancées que nous élaborerons dans cet ouvrage. Partant de ces réflexions, nous comparerons le travail qui se fait dans ces deux domaines. Nous verrons d’ailleurs qu’il existe des méthodes très différentes, tant pour les psychothérapies que pour l’accompagnement spirituel. chacun des auteurs explicitera les choix qu’il a opérés dans son domaine propre. Dans un deuxième chapitre, nous réfléchirons à la manière dont notre psychisme s’est construit, en relation. Dans ce chapitre, nous essayerons de comprendre en même temps la vie psychique intérieure et la relation qui lui permet de se construire et de traverser certaines angoisses. Nous verrons aussi comment différentes images de Dieu se construisent à partir des angoisses, des désirs et des relations. ces images de Dieu se trouvent en travail dans la Bible, la liturgie et le cheminement spirituel. Les connaissances psychologiques peuvent éclairer ce travail spirituel de transformation des images de Dieu dans le chemin relationnel de la foi. Le troisième chapitre étudiera le lien entre le mal et la souffrance, la culpabilité et le travail psychique du pardon. Là encore, nous verrons comment la réflexion psychologique et la réflexion spirituelle peuvent s’éclairer mutuellement : la question du mal est omniprésente dans une thérapie comme dans notre religion chrétienne de salut. La paix et le bien-être psychiques ne peuvent se nourrir de haine. Le pardon est un travail psychique de guérison. Le sacrement de réconciliation ne se limite pas à une démarche psychologique. Le repentir et la contrition devant Dieu, qui mènent à


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Introduction

une conversion véritable, ne doivent pas être confondus avec diverses sortes de culpabilité psychologique, qui entravent le fonctionnement normal d’une personne équilibrée. Le quatrième chapitre abordera les états de vie : le célibat consacré ou non et la vie de couple. Dans chacun de ces états de vie, l’être humain est confronté au travail psychique de sublimation. comment ne pas tomber malade à cause des renoncements que la vie nous impose, ou à cause de ce que nous avons choisi, si nous désirons rester fidèles ? Nous verrons que les consacrés, par leur engagement dans les trois vœux, ont beaucoup à nous apprendre sur les possibilités psychiques de l’être humain, pour autant qu’ils soient heureux dans leur état de vie. Le cinquième chapitre abordera l’eucharistie, le sacrement qui est la source et le sommet de notre vie chrétienne. Nous réfléchirons au travail psychologique et relationnel auquel nous invite ce sacrement. Le dernier chapitre abordera la question des croyances qui imprègnent la vie spirituelle et la vie psychique. Nous chercherons à comprendre leurs fonctions. Nous tenterons également de comprendre comment la foi chrétienne et le matériel symbolique qui la nourrit peuvent devenir un support pour la traversée des croyances-illusions et pour un travail d’appropriation subjective du matériel symbolique religieux. Saint Ignace, dans son itinéraire personnel, nous aidera à baliser ce chemin. Pour conclure, nous nous inspirerons de l’ouvrage du P. Emilio Brito s.j., Philosophie moderne et christianisme1. cet auteur analyse le rapport entre les philosophes et le christianisme. Il finit par dégager quatre attitudes relationnelles possibles qui peuvent nous éclairer sur les différentes façons de faire dialoguer deux disciplines, en l’occurrence pour notre ouvrage : la psychologie et la spiritualité. Sur le plan de la méthode, Dominique Struyf utilise beaucoup d’exemples cliniques. Les histoires cliniques permettent d’écouter, avec le cœur et pas seulement avec l’intelligence, certaines idées théoriques. Bernard Pottier donnera également des exemples concrets pour illustrer 1.¥Emilio Brito, Philosophie moderne et christianisme, 2 vol., Louvain, Peeters (BEtL 225 A et B), 2010, 1514 + XXI p.


Introduction

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son propos. Le lecteur est invité à entrer ici dans une écoute particulière et respectueuse. Nous lui demandons de ne pas rechercher des ressemblances avec des personnes qu’il pourrait connaître. Nous lui demandons d’écouter et de se laisser interroger dans sa propre vie par la vie de ces personnes qui nous ont inspirés. Que ces personnes sachent, qu’en partageant avec nous leur questionnement, elles nous ont permis de le faire nôtre. Qu’elles soient remerciées pour ce chemin parcouru ensemble, dans un désir partagé.



Chapitre 1 Qu’ESt-cE QuE LA VIE PSychIQuE ? Qu’ESt-cE QuE LA VIE SPIrItuELLE ?



I APProchE ANthroPoLogIQuE Et thÉoLogIQuE Bernard Pottier

A. LES QuAtrE NIVEAuX ANthroPoLogIQuES

Pour un psychiatre ou un psychologue, la vie spirituelle fait partie de la vie psychique ; elle en constitue une partie ou un secteur, si l’on peut dire. Si l’on est un psychologue croyant, on définira la vie spirituelle comme cette part de la vie psychique qui concerne notre relation à Dieu. Si l’on ne croit pas, la vie spirituelle peut exister quand même ; dans ce cas, elle concerne notre relation aux questions ultimes, aux questions qui nous dépassent (l’origine, la mort, le mal, la souffrance) et qui fondent le sens que nous donnons à notre vie. La vie spirituelle peut donc concerner, de soi, tout être humain, c’est notre point de départ. En tant que théologien et philosophe, je définirai la différence entre la vie psychique et la vie spirituelle en faisant appel à une réflexion anthropologique globale sur ce qu’est l’homme. À cet effet, je présenterai ci-dessous un tableau qui reprend à différents auteurs la description de l’homme selon quatre niveaux anthropologiques. Si ce tableau revêt sans doute une certaine valeur théorique, nous l’utiliserons surtout pour notre pratique : nous allons vérifier s’il a une utilité pragmatique pour élucider les questions que nous nous posons. Nous chercherons aussi à le nuancer progressivement. comment ce tableau s’est-il constitué ? Au cours de lectures psychologiques et philosophiques, qui se sont étalées sur plus d’une trentaine d’années, j’ai finalement trouvé, assez souvent, chez des auteurs très éloignés les uns des autres, la mention, complète ou non, de quatre niveaux anthropologiques qui me semblent à peu près universels. J’ai souvent été étonné de les retrouver sous diverses formes et dans des


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Chapitre 1

contextes très différents, chez les auteurs les plus variés. Au point de départ, une citation de saint Paul dans sa première lettre aux thessalonissiens, paraît essentielle, bien qu’elle ne présente que trois des quatre termes de notre subdivision : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche pour l’avènement de notre Seigneur Jésuschrist » (1 th 5,23). L’homme se composerait donc d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Sur cette tripartition paulinienne, un grand théologien comme de Lubac a écrit un article qui fit date : « Anthropologie tripartite1 », dans lequel il montre, avec son sens habituel des nuances, qu’il faut l’entendre de manière souple. De plus, il ajoute une réflexion capitale qui sera le plus souvent omise dans notre réflexion psychologique présente, sans cesser de constituer cependant un horizon intéressant, surtout du point de vue de la spiritualité : de Lubac réfléchit sur la différence entre l’esprit humain et l’Esprit saint qui est Dieu ; selon lui, l’esprit humain est précisément cette faculté de l’homme en laquelle l’Esprit saint se trouve chez lui, car Dieu est le créateur de l’homme, et plus particulièrement de ses facultés les plus élevées. Par l’esprit humain, Dieu se trouve chez lui en l’homme ! un auteur comme origène (mort vers 254), dans son célèbre traité Sur les Principes (Peri archôn2), utilise également différentes catégories très semblables qui lui permettent de découvrir les différents sens de l’Écriture sainte. Je n’entrerai pas dans les détails de cette description, mais c’est chez lui que se trouve le schéma le plus complet. une prière essentielle des Exercices spirituels de saint Ignace (n° 234), dont le soubassement est davantage l’anthropologie augustinienne, permet de distinguer la mémoire, l’intelligence et la volonté, comme convergeant ensemble dans la liberté. Enfin, dans la morale de Kant et son rapport à la religion, nous trouvons une triple distinction assez proche, en fonction de l’engagement de l’être humain vis-à-vis de l’impératif catégorique3. 1.¥Il s’agit de la deuxième partie de l’ouvrage d’henri de Lubac, Théologie dans l’histoire, I : La Lumière du Christ, Paris, DDB, 1990, pp. 113-199. 2.¥origène, Traité des principes, trad. harl, Dorival et Le Boulluec, Paris, Études Augustiniennes, 1976. 3.¥Immanuel Kant, La Religion dans les limites de la simple raison (1793), trad. J. gibelin, Paris, Vrin, 1968, pp. 45-47.


I Les croyances en psychothérapIe Dominique struyf

IntroDuctIon

Dans le cadre d’un enseignement donné à des personnes appelées à remplir une mission d’église, il est nécessaire parfois d’utiliser le langage de la foi pour montrer les enjeux psychologiques à l’intérieur même d’une vie spirituelle chrétienne. Dans un enseignement destiné à de futurs psychothérapeutes, j’utilise un autre langage pour faire comprendre les mêmes réalités. Dès que l’on parle de croyances religieuses, on touche à la question de l’illusion, à la frontière entre l’imaginaire et la réalité. nous allons approfondir cette question dans ce chapitre. La manière dont sont définies la réalité et l’imaginaire dépend de la culture. Les définitions de cette frontière diffèrent selon les croyances. nous avons vu que pour robert neuburger, le mythe culturel est l’ensemble des croyances conscientes et inconscientes présentes dans la culture, et qui influencent les familles et les individus. ces croyances forgent l’identité. Le mythe culturel est l’ensemble des valeurs et des représentations du bien et du mal, et du sens de la vie. Il forme une véritable peau identitaire pour le groupe social. nous sommes donc pris dans une identité collective à notre insu. Les croyances font partie intégrante du psychisme de tout individu, qu’il croie en Dieu ou non. certaines croyances deviennent pour nous des vérités ininterrogeables parce qu’elles font partie des fondements sur lesquels nous avons construit notre identité. Lorsque nous sommes confrontés à la parole de quelqu’un qui heurte de plein fouet nos convictions profondes, il se produit un blocage relationnel.


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Chapitre 6

en thérapie, ou en accompagnement spirituel, si quelqu’un nous parle de ses croyances ou de l’interprétation de son vécu, nous pouvons ressentir parfois le même blocage, qui empêche d’écouter vraiment. Il faut alors s’interroger sur la raison de ce blocage en nous-mêmes. Il est lié à nos propres croyances, auxquelles nous tenons comme à des vérités ininterrogeables, parce qu’elles ont une fonction. comme psychothérapeute, il est très important de s’interroger sur ses propres croyances, pour pouvoir écouter quelqu’un qui nous parle de ce qui est important pour lui, et que nous ne partageons pas forcément. Les croyances religieuses mettent mal à l’aise notre société, surtout lorsqu’il s’agit de croyances en des phénomènes surnaturels. Dans le mythe culturel occidental aujourd’hui, on peut repérer : — d’une part, une fascination, un désir par rapport aux phénomènes paranormaux, aux pouvoirs magiques, au surnaturel religieux ; — d’autre part, un rejet tout aussi absolu de l’inexplicable sur le plan scientifique. Dans l’ouvrage collectif dirigé par stéphane allix et paul Bernstein1, des sociologues, psychiatres, psychologues, psychanalystes, etc., s’interrogent sur cette limite entre l’imaginaire et la réalité, entre psychopathologie et normalité chez des personnes ayant vécu des expériences extraordinaires, notamment les expériences de mort imminente. Ils suggèrent de ne pas trop vite mettre l’étiquette de pathologies hallucinatoires sur ces expériences et proposent des critères de diagnostic différentiel très approfondis. Beaucoup de personnes en fin de vie et certaines personnes réanimées après un arrêt cardiaque, racontent des visions qu’elles ont eues et qui, souvent, changent totalement leur vécu ultérieur. Mais ces récits soulèvent souvent des débats et des conflits de croyances chez les professionnels de la santé. certains ne veulent pas croire qu’il puisse exister des perceptions extra-sensorielles qui ne soient pas hallucinatoires. Quoi qu’il en soit, il est important de s’interroger sur les effets produits par une telle expérience sur la personne. par exemple, une dame raconte qu’elle a vu sa mère, décédée récemment, en paix et heureuse dans l’au-delà. cette dame a été apaisée par cette vision, ainsi que sa famille. 1.¥stéphane allix et paul Bernstein (dirs), Manuel clinique des expériences extraordinaires, paris, Intereditions-Dunod, 2009.


Croyances, psychothérapie et accompagnement spirituel

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pour le thérapeute qui ne croit pas à la vie après la mort, ce genre de témoignage est difficile à entendre sans qu’immédiatement il ne soit tenté de l’étiqueter comme une « illusion collective », de « l’auto-persuasion », voire du délire. Il est important pour le thérapeute de ne pas changer l’interprétation du sujet, alors que vraisemblablement cette tentation est motivée par le conflit intérieur qu’il traverse lui-même. revenir de ce conflit intérieur à une position neutre plaçant le bienêtre du sujet au centre de l’acte d’accompagnement sera bien plus utile à tous les deux. s’il pressent qu’adopter cette attitude est trop difficile pour lui, son intégrité professionnelle doit le conduire à adresser son patient à un autre thérapeute plutôt que d’imposer sa propre vision quant au déroulement de la vie future de cette personne2.

D’où vient ce conflit intérieur qui existe même et surtout chez les thérapeutes et les accompagnateurs spirituels ? ce paradoxe entre rejet de l’inexplicable et attirance pour le surnaturel existe parfois chez les mêmes personnes, quel que soit leur niveau intellectuel, leur formation scientifique, leur religion ou leurs convictions philosophiques. ce paradoxe trouve son origine dans ce temps de l’enfance que nous avons tous connu : le temps de la pensée magique. ce temps n’est jamais tout à fait dépassé. c’est le temps de la confusion entre l’imaginaire et la réalité. cette confusion peut être source de folie délirante et nous en avons peur. elle peut être aussi une tentative désespérée de donner du sens à une réalité trop dure à vivre et nous avons peur de l’illusion. elle peut être un désir et une recherche d’une toute-puissance extérieure à nous, qui pourrait résoudre nos difficultés. elle peut être une tentation de s’emparer de ce pouvoir magique pour échapper à l’angoisse de l’impuissance. et nous nous méfions à juste titre de ces désirs de pouvoir. ce désir de pouvoir peut être le désir d’un pouvoir positif, capable de faire du bien, mais il peut être aussi le désir d’un pouvoir négatif sur les autres, comme dans la magie noire. OBSERVATION N° 41 David, 24 ans, est athée et d’origine juive. C’est un scientifique. David souffre d’angoisses de mort. Il a une bonne culture religieuse. Il pratique 2.¥Ibid., pp. 15-16.


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Chapitre 6 le spiritisme pour tenter de sortir de ses angoisses de mort. Il croit en une vie après la mort mais il ne croit pas en Dieu. Il désire parler à son grand-père, décédé récemment. Il a très peur des fantômes et des esprits malveillants. Il pense qu’à la mort de ses parents, il mourra de douleur. Il souffre d’une grande dépendance affective par rapport à sa mère. Il a régulièrement des visions sans paroles de son grand-père décédé. Il les désire et il en a peur.

en psychothérapie, on ne peut pas corriger de l’extérieur les croyances des personnes que l’on écoute, même si ces croyances sont sources de souffrance. Il faut travailler à l’intérieur de la croyance de la personne. Il faut rechercher avec la personne le sens de ces croyances et comment ce sens s’est construit. sur le plan culturel collectif, au-delà des contradictions individuelles, le conflit entre croyants et incroyants se pose souvent comme un conflit entre croyances magiques et science. comme si, grâce à la science, on pouvait échapper aux croyances et atteindre un savoir objectif sur la vie et sur le monde. La difficulté que je rencontre dans la formation des psychothérapeutes athées, est leur croyance qu’ils n’ont pas de croyances. Les chrétiens savent qu’ils ont des croyances et on peut en parler. Les athées croient souvent qu’ils sont objectifs et qu’ils n’ont pas de croyances. croire en la science est une croyance. croire que Dieu n’existe pas est une croyance.

a. croyances et résILIence

Michel Delage consacre un chapitre de son livre La Résilience familiale3, aux croyances, comme ressource dans le processus de résilience. Les traumatismes graves viennent déchirer les liens relationnels et attaquer les processus de pensée. 3.¥Michel Delage, La Résilience familiale, paris, odile Jacob, 2008.


TABLE DES MATIÈRES

Introduction, par D. Struyf et B. Pottier

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Chapitre 1 qu’est-ce que la vie psychique ? qu’est-ce que la vie spirituelle ? I. Approche anthropologique et théologique, par B. Pottier ……… A. Les quatre niveaux anthropologiques ………………………… B. La vie spirituelle, réalité vécue par tout être humain …………… C. La vie spirituelle, pour un chrétien …………………………… D. L’accompagnement spirituel ………………………………… 1. Le Père spirituel …………………………………………… 2. L’accompagnement ……………………………………… E. Dieu nous appelle tous à la sainteté ……………………………

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II. Que sont la vie psychique et la vie spirituelle pour un « psy » ?, par D. Struyf ……………………………………………………… Introduction …………………………………………………… A. Conflits théoriques et créativité ……………………………… B. Conflits entre psychanalyse et foi ……………………………… C. Vie spirituelle et conflits d’appartenance religieuse …………… D. Psychothérapie et/ou accompagnement spirituel ………………

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Table des matières Chapitre 2 développement psychique, attitudes spirituelles et images de dieu

Introduction …………………………………………………………

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I. Développement psychique et images de Dieu, par D. Struyf …… A. Angoisses de la première année de vie ………………………… 1. Les angoisses schizo-paranoïdes …………………………… 2. Les angoisses de séparation ……………………………… B. Les angoisses orales …………………………………………… C. Les angoisses anales …………………………………………… D. Les angoisses œdipiennes ……………………………………… E. Angoisses, désirs et images de Dieu ……………………………

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II. Attitudes spirituelles et représentations de Dieu. Réflexions à partir du développement psychique de l’enfant, par B. Pottier ………… A. Stade fusionnel ……………………………………………… B. Stade oral …………………………………………………… C. Stade anal …………………………………………………… D. Stade œdipien …………………………………………………

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Chapitre 3 le mal I. La définition du mal par rapport aux quatre niveaux anthropologiques, par B. Pottier ……………………………………………… II. Mal et souffrances en psychothérapie, par D. Struyf

……………

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A. Le mal normal, lié au développement psychique ……………… 1. « J’ai mal, mais personne ne m’a fait du mal » ……………… 2. « J’ai mal et on me fait du mal. » On m’a fait du mal, ou il y a une situation qui me fait du mal ………………………… 3. « Je n’ai pas mal, mais on me fait du mal » ………………… 4. « J’ai mal, mais je crois que c’est pour mon bien » ………… B. Le mal extérieur, contagieux …………………………………… 1. Le mal contagieux horizontal ……………………………… 2. Le mal contagieux vertical …………………………………

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III. Relecture théologique, par B. Pottier …………………………… A. Le mal normal intérieur et les sept péchés capitaux …………… B. Le mal extérieur, contagieux …………………………………… 1. Le mal horizontal, groupal : péché collectif et structures de péché …

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2. Le mal vertical, transgénérationnel : péché originel au sens strict ………………………………………………………

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Table des matières IV. Culpabilité et repentir, par D. Struyf …………………………… Introduction …………………………………………………… A. Comment le mal psychique et la culpabilité s’expriment-ils en psychothérapie ? ………………………………………………… 1. Le mal subi et la culpabilité ………………………………… 2. Le mal commis et la culpabilité …………………………… a) Le mal et la culpabilité inconsciente, narcissique : le « faux mal commis » ………………………………………… b) Le mal vraiment commis ou désiré et la culpabilité consciente ou inconsciente maladive …………………………… B. Culture et culpabilité : religion et culpabilité ……………………

V. Une vision chrétienne du péché. Remords, repentir et contrition, par B. Pottier ……………………………………………………… A. Le péché. Crise du sens du péché ……………………………… B. La culpabilité ………………………………………………… 1. Les niveaux de constitution de la conscience morale ……… a) Le niveau psychique : Surmoi défensif (négatif) et Idéal du Moi (positif) ………………………………………… b) Le niveau moral ……………………………………… c) Le niveau religieux et spirituel ………………………… 2. L’expression de la culpabilité à ces différents niveaux ……… a) Le remords, au niveau psychique ……………………… b) Le repentir moral …………………………………… c) La contrition ou le sens authentique du péché ………… C. Motivations psychiques pour renoncer au péché ……………… D. La religion rend-elle malade de culpabilité ou guérit-elle les culpabilités pathologiques ? ……………………………………………

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VI. Travail psychique du pardon, par D. Struyf …………………… Introduction ……………………………………………………

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A. Une demande de psychothérapie est-elle toujours une demande de faire un travail psychique de pardon ? ………………………… B. Peut-on guérir sans pardon ? ………………………………… C. Les fausses conceptions du pardon …………………………… D. Éthique relationnelle et pardon ………………………………

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VII. Sacrement de réconciliation, par B. Pottier …………………… A. La puissante symbolique du sacrement ………………………… B. La confession à un tiers, le prêtre ……………………………… C. Les dangers possibles de la confession ………………………… D. La confession (régulière) : travail psycho-spirituel de guérison … E. Le pardon, sacrement d’Église et de communauté ………………

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Table des matières Chapitre 4 vie affective et sublimation

I. Célibat consacré et travail psychique de sublimation, par B. Pottier … Introduction …………………………………………………… A. Histoire du célibat chrétien …………………………………… B. Renoncement et sublimation des désirs ………………………… C. Embûches et accidents de parcours ……………………………

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II. Compléments, par D. Struyf ……………………………………… Introduction ……………………………………………………

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A. Réflexions complémentaires sur le travail psychique de sublimation …………………………………………………………… B. Réflexions complémentaires sur le célibat consacré …………… C. Les autres types de célibat ……………………………………… D. Les jeunes et le célibat ………………………………………… E. Fonction positive de l’idéal ……………………………………

209 211 212 213 215

III. Choix amoureux et alliance avec Dieu, par D. Struyf …………… Introduction …………………………………………………… A. Couple et adolescence ………………………………………… B. Le choix amoureux …………………………………………… 1. Le mythe familial transgénérationnel ……………………… 2. Les enjeux inconscients dans le choix amoureux …………… C. Quand le lien est impossible à construire ……………………… a) La sexualité sans visage ou l’impossible confiance ………

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b) La sexualité papillonnante ou l’impossible renoncement à la fusion ………………………………………………… c) La sexualité totalisante ou l’impossible perte …………… d) La sexualité et l’amour de mutualité, vers une réconciliation possible : l’attachement qui pacifie les pulsions ………… D. Évolution du couple. L’épreuve de la durée …………………… E. La place de Dieu dans le couple …………………………………

232 233 234 235 237

Chapitre 5 l’eucharistie I. L’Eucharistie, sacrement de l’Église, par B. Pottier ……………… Introduction …………………………………………………… A. L’institution eucharistique …………………………………… B. La religion, immense système symbolique ……………………… C. Une définition du symbole …………………………………… D. Application à l’eucharistie …………………………………… 1. Premier paradoxe : présence et absence ……………………

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Table des matières

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2. Deuxième paradoxe : structure du temps …………………… 3. Troisième paradoxe : mise à mort, sacrifice et pardon ……… 4. Quatrième paradoxe : la nourriture …………………………

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II. L’eucharistie : du désir psychique à la communion spirituelle, par D. Struyf …………………………………………………………… Introduction ……………………………………………………

261 261

A. Nécessité d’un matériel symbolique pour construire son psychisme ………………………………………………………… B. Réveil des angoisses et des désirs face aux symboles religieux …… C. L’eucharistie, un jeu symbolique ? ………………………………

261 264 265

Chapitre 6 croyances, psychothérapie et accompagnement spirituel I. Les croyances en psychothérapie, par D. Struyf …………………… Introduction …………………………………………………… A. Croyances et résilience ………………………………………… B. Une croyance est une représentation que l’on se fait de la réalité … C. Modèles théoriques et cliniques ……………………………… 1. Modèle systémique ……………………………………… 2. Les théories ethnopsychiatriques ………………………… 3. Les théories psychanalytiques ……………………………… D. Croyances et illusions : du symptôme aux ressources …………… E. Apparitions et révélations : questions d’un psychiatre …………

273 273 276 279 282 282 283 284 284 287

II. Apparitions, révélations… et théologie, par B. Pottier …………… A. Apparitions… et Révélation biblique ………………………… B. Mode de traitement des hallucinations ………………………… C. Des hallucinations non pathologiques ? ………………………… D. L’exemple d’une vision de saint Ignace ………………………… E. L’expérience d’Ignace vue par Louis Beirnaert ………………… F. Le travail de la grâce surnaturelle ………………………………

289 289 290 291 292 295 299

G. Critères pour accepter l’authenticité des apparitions, visions, révélations… ………………………………………………………

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Conclusion, par D. Struyf et B. Pottier ………………………………

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Bibliographie …………………………………………………………

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Table des matières ……………………………………………………

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Dominique Struyf est pédopsychiatre et psychothérapeute. Mariée et mère de cinq enfants, elle anime des sessions pour des personnes consacrées et enseigne à l’Institut Lumen Vitae ainsi qu’à l’Institut d’études théologiques.

ISBN: 978-2-87299-220-1

9 782872 992201

Diffusion : cerf www.editionslessius.be

Illustration : « Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile » (2 Co 4,7).

Bernard Pottier, jésuite, est théologien, philosophe et psychologue. Il enseigne à l’Institut d’études théologiques de Bruxelles et a été durant vingt ans curé d’une paroisse de la diaspora portugaise.

Dominique Struyf Bernard Pottier

Psychologie et spiritualité Enjeux pastoraux

donner raison

I

mages de Dieu, attraits amoureux, blessures et pardon, croyances et visions : autant de thématiques que deux spécialistes traversent en dialoguant, à l’aide de nombreux exemples vécus. Destiné à une élucidation théorique aussi bien qu’à une formation pratique, ce livre s’adresse à ceux qui, croyants ou non, s’intéressent aux recherches contemporaines en psychologie et s’interrogent sur la dimension spirituelle de l’homme.

Psychologie et spiritualité • D. Struyf, B. Pottier

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