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C A H I E R S
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L ’ H I S T O I R E
L O C A L E
VAL D’AN N I V I E R S TR A D ITI O N E T M UTATI O N S Martin Fenner
VAL D’AN N I V I E R S T R A D I T I O N E T M U TAT I O N S
Ce cahier est la traduction française de «Val d’Anniviers Tradition und Wandel» par Stéphane Andereggen
Conception et réalisation Schoechli Impression & Communication SA, Sierre Photos couverture et dos © Valérie Giger et © Marco Volken © 2015 – Editions Monographic SA, CH-3960 Sierre www.monographic.ch ISBN 978-2-88341-230-9
V A L D ’A N N I V I E R S TR A D I TI O N E T M UTATI O N S Martin Fenner
Ta b l e d e s m a t iè re s Introduction
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Un pays de contrastes Invisible et inaccessible ? Mots-clés Les images de la vallée vers 1900 Tradition et mutations
15 17 19 23 27
Un univers autogéré
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Un grand espace de vie diversifié L’accès difficile à la vallée Peuplement, maisons d’habitation et bâtiments ruraux Prés, champs et vignes Les énergies de l’ancienne société Les derniers témoins de l’ancienne société Entre liberté individuelle et obligation sociale Bourgeoisie et municipalité Egalité dans la pauvreté ? La santé des Anniviards La fascination de l’autarcie et du remuage Emigration, Alusuisse et automobile
31 33 39 45 53 57 61 65 69 75 77 85
Le renouveau à la fin du XIXe siècle
91
Le Valais en mouvement Les hôtels, symboles du changement Touristes, alpinistes et guides Le rêve de la ligne Sierre-Zinal-Zermatt Les mines Pas de changement radical de la société
93 95 111 117 123 125
Le saut dans le XXIe siècle
131
Le défi des années cinquante L’espoir placé dans les Forces Motrices de la Gougra Le tourisme : salut et menace La route de la vallée: un éternel défi La société change sans rejeter la tradition
133 139 145 161 169
En route pour l’avenir
175
Le centre scolaire à Vissoie Genèse de la commune d‘Anniviers L’initiative sur les résidences secondaires
177 185 193
Bibliographie
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Vallon de Zinal et le Besso, 2015 © Valérie Giger
Page suivante : Au cœur du val d’Anniviers, les Forces Motrices de la Gougra, 2013 © Valérie Giger
INTRODUCTION
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AVANT-PROPOS Val d’Anniviers : un nom, une appellation, une destination qui renvoie aux plus majestueuses montagnes du Valais et à une histoire marquée par l’autosubsistance économique jusqu’au début du XXe siècle et qui s‘ouvre avec succès au tourisme. L’ancienne civilisation anniviarde a fait l’objet de nombreuses publications dès les années 1970. L’évolution de la vallée depuis le début du XXe siècle restait à écrire. Ce livre rappelle dans son premier chapitre les deux grands défis de l‘ancienne société: comment organiser le travail collectif et le travail individuel dans une économie qui a besoin de tous et de toutes, et comment y établir une égalité de droit et de traitement. Nous établirons le lien entre les activités économiques principales (l’élevage, la culture des champs et le travail des vignes) et les déplacements saisonniers de la population (le remuage). Le deuxième chapitre est consacré aux débuts du tourisme d’été à la fin du XIXe siècle. On évoquera la construction des hôtels et des cabanes d’altitude et la découverte de la vallée par des visiteurs. Nous tirerons un bilan de l’impact réel et symbolique du développement touristique dans le chapitre final. Après 1950, la vallée change de visage. Le déclin rapide de l’ancienne culture, la transformation des structures et le choix des nouvelles orientations font l’objet du troisième chapitre. Nous mettrons l’accent sur l’amélioration et l’extension du réseau routier et la construction du barrage de Moiry, avec une analyse complétée par l’étude du nouvel essor du tourisme d’été, suivi dès 1960 de celui du tourisme d’hiver lié à la construction des remontées mécaniques. Une évolution qui aura permis d’inverser les flux de la migration : le recul démographique endémique depuis 1910 a pu être stoppé dans les années 1970. L’immigration, la diversification des activités professionnelles et l’arrivée d’une nouvelle génération de touristes marquent aujourd’hui le paysage, sans pour autant avoir fait disparaître le poids et la vitalité des traditions.
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INTRODUCTION
Nous découvrons les perspectives d’avenir de la vallée dans le domaine scolaire, politique et touristique. Nous retraçons la mise en place du centre scolaire commun, la fusion des six communes anniviardes et le débat sur les résidences secondaires, l’initiative Weber qui en demande la limitation. Les thématiques tirées de l’histoire de la vallée sont mises en relation avec des évolutions plus générales, nous permettant de mettre en doute le discours sur le « cas particulier » d’Anniviers. En allant à la recherche des regards des « gens du dedans » et des « gens du dehors », notre livre permet de découvrir l‘image de la vallée avec une grande diversité de visions.
Page de droite : Bella-Tola, Balade le long de la frontière linguistique, 1988 © Albert Savioz
T R A D I T I O N S E T M U TAT I O N S
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I NTRODUCTION
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Sierre et le Val d’Anniviers, 1915 © Phototype Co, Neuchâtel
INTRODUCTION
INTRODUCTION
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UN PAYS DE CONTRASTES Les particularités du canton du Valais, évoquées par l’écrivain Maurice Chappaz peuvent surprendre. Les Valaisans vivent sous l’influence simultanée d’une géographie contrastée et d’un climat particulier. Le Valais se situe dans l’endroit le plus sec de la Suisse, ses cultures peuvent rivaliser avec celles de la Provence, alors qu’on y vit au pied des plus hauts sommets des Alpes. De plus, la moitié des glaciers et les plus grands barrages de Suisse se trouvent sur son territoire, ce qui lui permet de jouer le rôle de châteaud’eau de tout le pays, malgré l’aridité de ses terres. Ils sont indissociables de l’image de ce canton.2 Un autre contraste marque ce pays : la vallée du Rhône et les vallées latérales, deux mondes différents. Le val d’Anniviers illustre bien ce propos, il s’étire sur 30 km au sud de Chippis, situé à 550 m d’altitude, jusqu’aux neiges éternelles du Weisshorn, qui culmine à 4500 m. Les reliefs de la vallée influencent le climat, l’intensité des précipitations et les températures. Si Chandolin, à proximité de la vallée du Rhône, subit un climat relativement sec, le centre de la vallée, Vissoie et Saint-Luc, connaît un régime plus humide, et les villages du fond du val d’Anniviers, enregistrent un taux de précipitations de 25 % plus élevé qu’à Sierre. En moyenne les températures baissent d’un demi-degré Celsius tous les 100 mètres. A l’Hôtel Weisshorn (2330 m) elles sont de six degrés inférieures à celles de Vissoie (1200 m). Entre Sierre et Zinal, la proximité des hautes montagnes provoque également une baisse de température de cinq degrés environ. La géographie de la vallée induit de grandes différences dans la durée de l’ensoleillement. Ce dernier est nettement plus long sur son flanc est, à Chandolin et Saint-Luc, qu’au creux de la vallée à Vissoie et bien sûr qu’au fond de la vallée de Zinal.
«Le Valaisan est un méridional des glaciers.» Maurice Chappaz, Portrait des Valaisans. 1
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INTRODUCTION
La végétation subit l’influence du climat et de l’altitude à l’image de l’implantation des forêts d’aroles et de mélèzes, dont la lisière supérieure se situe entre 2100 et 2200 m. L’arole est un arbre à croissance lente qui peut résister à des températures de moins 40° Celsius. Il possède un bois tendre, peu adapté à la fabrication de planchers, par exemple, contrairement au mélèze, dont le bois dur a servi à la construction des chalets dans toute les régions de montagnes. Le val d’Anniviers a été relativement préservé des catastrophes naturelles (avalanches, éboulements et inondations) fréquentes en Valais, hormis l’avalanche de 1817 : une partie du glacier, sous le Roc d’Orzival, s’est détachée et a détruit cinq maisons d’habitation et un grand nombre de granges et d’écuries à Mayoux. Les villages se situent en majorité là où la vallée est la plus large, à une altitude entre 1100 et 1600 m. La plupart des Anniviards cultivaient des vignes dans les environs de Sierre, ce qui a fait dire à certains, paraphrasant la formule de Maurice Chappaz, que les Anniviards vivaient entre la Dôle blanche et la DentBlanche.
Muraz, le quartier sierrois des Lucquérands, 2014 © Stéphane Andereggen
INTRODUCTION
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INVISIBLE ET INACCESSIBLE ? En arrivant à la gare de Sierre, le voyageur ne peut imaginer l’existence d’une vallée derrière le rideau de montagnes qui lui fait face. Il voit la barrière rocheuse et les gorges étroites où coule la Navizence, mais il n’y a nulle trace de chemin d’accès. Un pic enneigé et un hôtel de montagne sont les seuls indices dont il dispose. Il devra passer les nombreux virages de la route qui mène à Niouc, avant d’avoir un aperçu de la vallée, et parcourir encore quelques kilomètres au pied des falaises avant d’atteindre le cœur du val d’Anniviers. Cet accès difficile a contribué à façonner l’image d’une région coupée du monde. L’origine et l’histoire de ses habitants restent obscures. On parle d’une civilisation nomade, qui aurait réussi à vivre en autarcie de manière exemplaire, avec peu d’échanges commerciaux, et ce jusqu’aux grands changements survenus vers 1950 et en une seule génération.
Route du val d’Anniviers – Tunnel Collection Elie Zwissig © Phototype Co, Neuchâtel
Charrette devant la maison du remuage, Sierre, 2014 © Stéphane Andereggen
La maison du remuage servait autrefois d’habitation de plaine aux familles anniviardes. Construite en 1726, elle était constituée d’une cave et d’une pièce à l’étage. Elle se situe à Sierre dans le quartier de la Tservettaz.
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INTRODUCTION
L’HISTOIRE DU NAIN MISSIONNAIRE ZACHEO Une légende fort connue raconte que les Anniviards ont été les derniers à embrasser le christianisme. Ils auraient été insensibles aux tentatives de conversion jusqu’à la fin du Moyen-Age, le jour où l’Evêque de Sion confia au nain Zachéo ce travail de missionnaire. L’Evêque comptait sur lui et ses connaissances de l’idiome parlé en Anniviers, dialecte appris lors d’un précédent séjour alors qu’il était capturé. Zachéo s’exécuta, prêcha, une grande bible sous le bras. Il rencontra un certain succès, mais il fut saisi par ses ennemis, et précipité dans une crevasse du glacier de Zinal. La première secousse passée, il arriva à se glisser dans l’eau du fond du glacier et à en sortir. Son apparition stupéfia les habitants qui reconnurent la puissance du Sauveur et acceptèrent le nain comme leur premier prêtre. Portail du glacier de Moiry, 2014 © Valérie Giger
INTRODUCTION
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MOTS-CLÉS LA COMMUNE D’ANNIVIERS EN CHIFFRES Habitants : 2629 (année 2014)
Source : Commune d’Anniviers
Superficie : 243 km 2 Constitution de la commune le 1 janvier 2009, par un vote populaire de plus de 87 % des citoyens, qui acceptent qu’Ayer, Chandolin, Grimentz, St-Jean, St-Luc et Vissoie fusionnent pour devenir la Commune d’Anniviers.
Vissoie, 2014 © Valérie Giger
Martin Fenner voit le jour à Berne en 1948. Après des études universitaires, il enseigne l’histoire et l’allemand tant au gymnase qu’au sein de la Haute Ecole Pédagogique du canton de Berne. L’histoire des Alpes, plus spécifiquement celle du val d’Anniviers, l’a toujours fasciné. A l’heure de la retraite il réalise son rêve de retracer dans un livre la vie et l’évolution de cette vallée mythique. L’auteur retrace l’évolution générale du val d’Anniviers : vallée invisible et inaccessible, ancrée dans ses traditions, dont les habitants vivaient en autarcie dans un espace de vie rythmée par les remuages, et qui dès 1950 amorce son évolution à l’arrivée de l’industrie. La vallée s’ouvre, et dès lors le tourisme devient son moteur économique. Ces bouleversements touchent tout l’environnement de la population, mais n’altérera ni son identité, ni l’authenticité des Anniviards. Ces qualités devraient leur permettre d’affronter les défis du futur avec foi et conviction.
9 782883 412309