Hans-Rudolf PFEIFER, né en 1949, originaire de Zurich, a fait ses études de géologie à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich. Après son diplôme en 1972, il poursuit ses études en géochimie et pétrologie à l’Université de Berkeley, Californie (1973-74) et défend sa thèse de doctorat à Zurich en 1979 sur l’interaction des roches du manteau terrestre avec des solutions hydrothermales. Engagé à l’Université de Lausanne la même année pour monter un laboratoire d’analyse de roches, il reste à Lausanne pour toute sa trajectoire professionnelle, comme géochimiste des roches vertes et des pollutions de l’environnement. Pour ce livre, il s’est occupé surtout des carrières de pierre ollaire, une roche qui le passionne depuis ses études.
L’exploitation des carrières en Valais a marqué son paysage, les roches extraites ont façonné ses constructions et ont été exportées pour la réalisation de bâtiments et d’œuvres d’art à travers l’Europe. Si, aujourd’hui, le béton a remplacé la pierre dans la plupart des constructions, on pouvait encore avant la Deuxième Guerre mondiale, dénombrer plus de deux cents carrières en activité dans le canton. Actuellement, on en compte plus qu’une dizaine. La mémoire collective s’efface, la nature masque rapidement les balafres témoignant de l’activité humaine. Il est donc grand temps de référencer et de présenter ce patrimoine au public avant qu’il ne soit complètement oublié.
ROCHES ET CARRIÈRES DU VALAIS
Michel F. DELALOYE, né en 1936, il est originaire d’Ardon. Diplômé en géologie, il a soutenu une thèse de doctorat à l’Université de Genève sur le gisement de fer sédimentaire de Chamoson. Son intérêt pour la géochimie isotopique l’a amené à développer à Genève un laboratoire de géochronologie et réaliser des recherches en Turquie, Oman, Colombie, Venezuela, France et Italie. Il a participé entre 1960 et 1965 puis entre 1992 et 1997 aux comités de deux programmes du FNRS. De 1992 à 1998, il a assumé la charge de directeur scientifique de l’Institut universitaire Kurt Bösch à Sion. De 2000 à 2010, il a animé le musée des Sciences de la Terre de Martigny au titre de conservateur et d’organisateur de cours et de conférences pour le grand public.
Daniel A. Kissling Michel F. Delaloye Hans-Rudolf Pfeifer
Daniel A. KISSLING, né en 1941, est originaire de Genève où il a effectué toutes ses études achevées par l’obtention d’un doctorat de géologue. Doctorat en poche, il conduit de courts projets de recherche minérale dans plusieurs pays d’Afrique et aux USA avant de diriger un programme de prospection d’uranium au Brésil. Il est ensuite mandaté par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour participer à des projets de prospection en Afrique et en Asie. Il poursuit sa carrière dans un bureau de géologues-conseils pour l’industrie pétrolière où il est rédacteur de rapports sur les activités dans une vingtaine de pays autour du monde. Il terminera sa carrière en tant que journaliste et reporter photographe dans une maison d’édition.
Roches et carrières
DU VALAIS Daniel A. Kissling Michel F. Delaloye Hans-Rudolf Pfeifer
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Le Chablais de St-Gingolph à Evionnaz Le synclinal carbonifère du Châtelard à Dorénaz Martigny et le Mont-Chemin Les Dranses De Saxon à Conthey Sion, Bramois et le val d’Hérens De St-Léonard à Loèche Sierre, Chippis et le val d’Anniviers De Loèche à Viège Viège et les vallées des Vièzes Brig et Simplon La vallée de Conches
ISBN 978-2-88341-238-5
9 782883 412385
Page de couverture : carrière de St-Léonard
ROCHES ET GEOLOGIE DU VALAIS
SOMMAIRE
Préface de Jacques Melly, conseiller d'Etat 10
INTRODUCTION
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Préambule
ROCHES ET GÉOLOGIE DU VALAIS 19
Les roches rencontrées dans les carrières 21 La géologie du Valais 53
TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES 61
Les techniques 63 Les artisans de la pierre 83
LES CARRIÈRES VALAISANNES ET L'ÉCONOMIE 107
LES CARRIÈRES PAR RÉGIONS ET COMMUNES
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Région 1 – Le Chablais de St-Gingolph à Evionnaz 121 1.1 Champéry – Le calcaire du Champ de Barme 122 1.2 Collombey – Le calcaire de La Croire 127 1.3 Massongex – Le grès de Champ Bernard 129 1.4 Mex – L’ardoisière de Mex 138 1.5 Monthey – Collombey - Le calcaire de La Barme 143 1.6 Monthey – Collombey - Le granite erratique de Collombey-Monthey 146 1.7 Monthey – Carrières Dionisotti 154 1.8 St-Gingolph – Les grès du Fenalet 160 1.9 Vionnaz – Le gypse de Beffeux 165 Région 2 – Le synclinal carbonifère du Châtelard à Dorénaz 171 2.1 Collonges – Le conglomérat rouge de Plambuis 172 2.2 Dorénaz – Les ardoisières de Dorénaz 177 2.3 Salvan-Vernayaz – Les ardoisières du Mont Biolen au Marecot 187 2.4 Salvan – Le conglomérat vert de La Plane 194 2.5 Vernayaz – Le granite de Miéville 198
ROCHES RENCONTRÉES DANS LES CARRIÈRES
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Région 3 – Martigny et le Mont-Chemin 203 3.1 Bovernier – Le granite de Plan de l’Au 204 3.2 Charrat – Le quartz du Botzi 209 3.3 Martigny – Les ardoisières du Mont d'Ottan 213 3.4 Martigny-Combe – Le granite erratique de Ravoire 218 3.5 Vollèges – Le marbre de Chez Larze 224 Région 4 – Les Dranses 229 Les dalles de Sembrancher, Vollèges et Saxon 230 4.1 Bagnes – La pierre ollaire de Bocheresse 232 4.2 Bagnes – La prasinite de Fionnay 238 4.3 Orsières – Les ardoisières du Darbellay à Issert 242 4.4 Sembrancher – Les dalles calcaires des Vaux 247 4.5 Vollèges – Les dalles calcaires du Dzardy 251 Région 5 – De Saxon à Conthey 257 5.1 Ardon – Le calcaire du Scex de Grü 258 5.2 Isérables – Les ardoisières d'Isérables 261 5.3 Leytron – Les calcaires de la Salentze 266 5.4 Leytron – L'ardoisière Lantermoz à l’Ardève 270 5.5 Saillon – Le calcaire de La Sarvaz 278 5.6 Saxon – Les dalles calcaires de l’Arbarey 284 5.7 Saxon – Les ardoises de Pré des Champs 288 Région 6 – Sion, Bramois et le Val d’Hérens 293 6.1 Bramois – Le quartzite du Creux de Nax 294 6.2 Evolène – La prasinite de Martémo, la pierre d'Evolène 300 6.3 Evolène – La pierre ollaire de la Forclaz « Bagnards » 304 6.4 Evolène – La pierre ollaire de la Palanche de la Cretta 308 6.5 Sion – Les marbres siliceux de Platta 312 6.6 Sion – Le quartzite de Sous-le-Scex 315 Région 7 – De St-Léonard à Loèche 321 7.1 Granges – La Plâtrière de Mangold 322 7.2 St-Léonard – Les calcaires et marbres de MTA 327 Région 8 – Sierre, Chippis et le Val d’Anniviers 335 8.1 Chippis – Le gypse et le quartzite de Chippis 336 8.2 Grimentz-Moiry – La pierre ollaire de Sous l’Aiguille de la Lé 341 8.3 Loèche – Le gypse de Finges (Pfyn) 344 8.4 Sierre et Salquenen – La dolomie d’Ochsenboden et Mörderstei 348 Région 9 – De Loèche à Viège 353 9.1 Blatten-Lötschen – La pierre ollaire de Nestgletscher-Gletschertossen 354 9.2 Gampel – Le calcaire de Chalchofe 356 9.3 Hohtenn – Le calcaire de Lowine 361 9.4 Loèche – Le calcaire de Rufi à Loèche 363 9.5 Niedergesteln – La pierre ollaire de Mällischhorn-Seetal 367 9.6 Raron – Les calcaires de Raron 370 9.7 Turtmann – Le marbre de Kastleren 376
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ROCHES ET GÉOLOGIE DU VALAIS
Région 10 - Viège et les vallées des Vièzes 381 10.1 Eisten-Saas – Les gneiss plaquetés d'Eisten 382 10.2 Embd – Les quartzites d'Embd 386 10.3 Stalden – La pierre ollaire de Breiterbach 390 10.4 St-Nicolas – Les quartzites de St-Nicolas 394 10.5 Zermatt – La pierre ollaire de Dossen-Gletschergarten 398 Région 11 - Brig et le Simplon 403 11.1 Brig-Glis – Le gypse de Gamsen 404 11.2 Naters – Les gneiss de la Massa, Naters 407 11.3 Naters – La pierre ollaire de Hegdorn-Trämel 410 11.4 Simplon-Village – Le marbre de Alte Kaserne 414 11.5 Termen – Les ardoisières de Termen-Brigerberg 416 Région 12 - La Vallée de Conches 423 12.1 Binn – La dolomie du Lengenbach 424 12.2 Grengiols – La pierre ollaire de Rothorn/Roter Sulz 429 12.3 Oberwald – Le gneiss d'Oberwald-Bärfel 432 12.4 Ulrichen – La pierre ollaire de Kittbrigg/Aeginenbach 435
ANNEXES
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Glossaire * 440 Liste des carrières 444 Bibliographie 458 Remerciements 463
* Dans le texte les termes définis dans le glossaire sont marqués d'un astérisque *
LES ROCHES RENCONTRÉES DANS LES CARRIÈRES
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La carrière des Râpes à Vérolliez (St-Maurice) qui a alimenté la cimenterie de l’endroit durant de longues années. A l’arrière plan, la Cime de l’Est.
INTRODUCTION
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ROCHES ET GÉOLOGIE DU VALAIS
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PRÉAMBULE Il semble évident qu’une relation privilégiée lie l’homme avec les roches et ce depuis des temps immémoriaux. C’est très vraisemblablement un réflexe intuitif qui a conduit nos lointains ancêtres à ramasser une pierre, la première fois qu’ils se sont trouvés face à face avec des bêtes sauvages. Par la suite, le galet plus ou moins travaillé est devenu outil de chasse et les rochers ou les évidements dans les parois rocheuses se sont mutés en abris contre les éléments extérieurs. Cette dépendance de l’homme envers la pierre s’est poursuivie au cours des millénaires et perdure encore. Bien sûr, au cours du temps, l’éventail des utilisations s’est considérablement étoffé, les roches n’ont pas seulement été utilisées telles quelles mais ont été assimilées avec d’autres éléments, ont été traitées mécaniquement et / ou chimiquement. Dans tous les cas, les roches ont dû être extraites d’endroits souvent bien circonscrits, que l’on nomme carrière. Ces exploitations avaient dans chaque cas pour objet de prélever un type de roche particulier pour un usage bien souvent unique. Le Valais n’a pas fait exception et a donc vu, au cours des siècles, s’ouvrir de nombreuses carrières à l’existence plus ou moins longue. Sans remonter à l’époque romaine, sait-on combien de carrières furent ouvertes? Par qui ? Pour quels usages ?
LES RAISONS DE CETTE ÉTUDE ET SES LIMITES Si l’on en croit un dicton bien connu, le Valais serait riche en mines pauvres. C’est probablement cet aphorisme qui a conduit les prospecteurs de tous genres à tenter leur chance dans ce canton, pensant qu’ils étaient plus malins que leurs prédécesseurs qui, depuis des siècles, avaient exploité avec plus ou moins de bonheur ces ressources naturelles. De très nombreux permis de recherche furent déposés, mais aucun Eldorado ne fut découvert. Cependant, cette multitude d’indices minéraux a eu comme corollaire d’attirer l’attention d’écrivains de tous ordres, qui ont publié un grand nombre d’articles et quelques ouvrages didactiques. Mais, pour ce qui a trait aux roches, à part quelques chapitres de présentation dans des ouvrages de vulgarisation concernant la nature en Valais, qu’a-t-on écrit sur leur nature, qui s’est intéressé à leur emploi, à l’histoire de leur exploitation, aux hommes qui les ont travaillées ? Seules quelques brèves mentions sur l’existence de carrières émaillent certains ouvrages dédiés à la présentation d’une commune ou d’une région. Deux exceptions à ce constat. En premier lieu l’ouvrage remarquable d’Henri Thurre sur le marbre de Saillon (2009), un livre qui connut un tel succès qu’il fut rapidement épuisé et fut suivi,
(1) La Pierre Avoi depuis Fully ; (2) Pierre à cupules, col du Lein ; (3) Statue-stèle anthropomorphe en marbre gris (Stèle 25), Nécropole de Sion, Petit-Chasseur. Néolithique final, 2500-2200 av. J.-C. Haut. 158 cm ©Musées cantonaux du Valais, Michel Martinez, Sion ; (4) Clocher de l’église de Chippis.
INTRODUCTION
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en mai 2014, d’un ouvrage complémentaire recensant d’innombrables découvertes faites à postériori. En 2011, Dominique Travaglini, pour sa part, publiait un ouvrage sur les granitiers de Ravoire. Ces exceptions d’intérêt régional mises à part, aucune étude ne s’intéressait à l’utilisation de la pierre sur l’ensemble du territoire valaisan. Aurions-nous déjà oublié que, jusqu’au milieu du XXe siècle, la pierre a joué un rôle primordial dans la construction d’édifices de toute nature, dans l’exécution de digues contre les éléments naturels et dans la réalisation des infrastructures ferroviaires et routières. Les carrières comblaient des besoins indispensables au développement du canton car il était impensable d’importer un matériau si lourd et d’aussi faible valeur marchande. Grâce à l’extraordinaire diversité des roches rencontrées en Valais, les nombreuses carrières qui furent ouvertes n’ont pas uniquement approvisionné le canton mais ont contribué au rayonnement de celui-ci en Suisse, voire à l’étranger, par le biais de ses produits naturels tels que les marbres de Saillon, les calcaires de St-Léonard, le granite de Monthey-Collombey, les dalles de Sembrancher et St-Nicolas ou les ardoises de Dorénaz et Termen, sans oublier le conglomérat vert de Salvan. Certaines traces de ces activités extractives étaient encore nettement discernables jusque dans les années 1970 lorsque l’on parcourait le Valais entre le Léman et la Furka. Ces «blessures» dans le paysage et la forêt ont, de nos jours, presque toutes disparu et l’on ne remarque plus que les quelques carrières encore en activité. Parallèlement à cette perte de visibilité dans le paysage, la mémoire de ces lieux d’activité et des entreprises qui les ont fait vivre s’efface très rapidement au fur et à mesure de la disparition des exploitants, des ouvriers ou de leurs descendants. Le souvenir de ces lieux d’intense activité qu’étaient les carrières s’efface d’autant plus vite qu’après l’arrivée du béton, de la brique industrielle et des métaux non ferreux, le marché de la pierre a vu et voit encore déferler les productions étrangères, ce qui ne laisse que peu de place aux exploitations locales. De quelque 50 carrières en activité vers 1914, on n’en
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INTRODUCTION
dénombrait plus que 35 en 1980 alors que, de nos jours, on n’en compte qu’une quinzaine. Nos recherches, malgré leur ampleur, ne sont pas exhaustives mais ont cependant permis de démontrer que plus de 570 carrières ont été ouvertes en Valais durant les trois derniers siècles. A noter que nous estimons qu’un nombre important de petites carrières manquent à l’appel lorsque l’on considère le nombre de fours à chaux et de fours à plâtre mentionnés dans les archives, installations qui impliquent, aux environs, l’exploitation de calcaire ou de gypse et qu’aucune carrière n’est mentionnée dans le secteur. D’un autre côté, nous avons dû regrouper certaines petites carrières qui, même si elles avaient été accordées à des personnes différentes, étaient trop près d’autres exploitations. Ce fut en particulier le cas pour Salvan où, dans la région des Planards, plus d’une quarantaine de carrières firent l’objet de baux entre 1850 et 1880. Ces exploitations étaient souvent situées à moins de cinquante mètres les unes des autres.
LES ENJEUX DU PROJET Lors de précédentes recherches (2009-2010), nous avions pu constater la disparition rapide de nombreuses informations, souvent à caractère officiel. Ces données, que l’on croyait soigneusement conservées, car faisant partie intégrante de notre patrimoine, avaient parfois été jugées sans intérêt et éliminées. Cependant, ce ne sont pas que les informations officielles qui disparaissent, mais en grande partie les données historiques détenues par les particuliers. Au décès d’un proche, la famille est souvent débordée et n’attache pas d’importance aux paperasses et autres photos conservées par le défunt. Durant les trois premières années de nos recherches, nous avons ainsi appris la destruction d’archives par des particuliers. Dans certains cas, les personnes avaient choisi de tout incinérer avant de partir en EMS afin de ne rien laisser derrière elles. Si la disparition de documents historiques est un problème de perte de patrimoine, il ne concerne bien évidemment pas que les carrières. Au sujet de ces dernières, nous avions constaté que l’Etat
disposait de fort peu de données. Au cours de nos recherches, nous avons découvert que certaines communes « oublient » d’aviser les instances cantonales qu’elles ont octroyé une concession, la centralisation des informations ne peut donc pas fonctionner correctement. Pour avoir un état des lieux complet, il eut été souhaitable d’aller consulter les procès-verbaux des séances des conseils communaux de toutes les communes, un travail de bénédictin qui pouvait se poursuivre sur plus de dix ans. Nous avons opté pour une consultation des archives des communes sur le territoire desquelles des carrières sont mentionnées dans la littérature ou dans certaines archives au niveau fédéral. En effet, la Commission géotechnique suisse, à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, dispose d’archives, ce qui nous a permis de découvrir des cartes topographiques constellées de symboles figurant les carrières. Des mini-fiches donnant le type de roche exploitée et, parfois, des informations complémentaires, sont associées à chacune de ces cartes. A Berne, le Service géologique national de Swisstopo dispose également d’archives importantes. Avantage significatif, une partie des ressources de ces deux services est accessible on-line. Une fois toutes les données recueillies, il s’agissait de les confronter avec la réalité, c’est-à-dire aller sur le terrain pour localiser les vestiges d’exploitation, un repérage pas toujours évident, car outre les modifications survenues dans le domaine bâti ou dans la nature, les informations sont quelquefois erronées, suite à des erreurs de transcription. Afin de compléter la somme d’informations recueillies, nous avons aussi interrogé les journaux numérisés qui ont déjà été mis en ligne. Ce sont toutes ces données, qu’il a fallu intégrer dans notre tentative de sauvegarde d’une partie de notre patrimoine. Ayant, à de rares exceptions près, limité nos investigations aux deux derniers siècles, nous n’avons fait qu’écrémer les Archives de St-Maurice, une source inestimable pour remonter le temps. Nous sommes bien conscients que, pour être encore plus complets, il aurait été indispensable de parcourir tous les bulletins officiels pour connaître les détails de certaines enchères, poursuites et autres faillites d’exploitation. En outre, la lecture de la Gazette
du Valais, du Journal du Haut-Lac et du Walliser Bote auraient apporté de nombreux éclaircissements et des détails concrets sur l’activité des carrières et des hommes qui y travaillaient, mais là encore les délais auraient encore retardé de plusieurs années la publication. Nous ne doutons pas qu’un jour, grâce à la numérisation et la mise en ligne de ces informations, notre travail pourra être heureusement complété.
PRÉCISIONS ET MISE EN GARDE Au vu du nombre de carrières et lieux d’exploitation de la roche répertoriés, il eut été irraisonnable de vouloir tous les présenter ainsi que nous l’avions pensé au début de nos recherches. Abandonnée également l’idée de présenter les carrières classées par type de roche, car des communes seraient apparues à cinq ou six reprises dans des chapitres différents. Nous avons donc opté pour la division du Valais en une douzaine de régions et, pour chacune d’elle, sélectionné une série de carrières significatives faisant l’objet d’une présentation détaillée. Dans plusieurs de ces régions, outre les carrières décrites en détail, un ou plusieurs lieux d’exploitation de la roche d’importance locale ou anecdotique font l’objet d’une description simplifiée. Toutes les carrières d’une région sont incluses dans une liste générale en fin d’ouvrage. Nous venons de mentionner les communes, à ce sujet il faut préciser que les noms utilisés sont ceux en vigueur jusque dans les années 1990, avant l’engouement des communes pour fusionner. En effet, les documents conservés dans les archives et que certains lecteurs pourraient vouloir consulter sont classés de cette manière. En outre, bien souvent, les bourgeoisies n’ont pas suivi l’élan des communes. Pour chacune des carrières décrites en détail, des indications sont données sur les possibilités d’accès. Il est toutefois nécessaire de préciser que ces anciennes exploitations ont été quelquefois abandonnées du jour au lendemain et n’ont donc pas été sécurisées. Il est indispensable de prendre toutes les précautions avant de pénétrer dans le périmètre et de ne pas se risquer à l’intérieur des bâtiments pouvant se trouver sur le site.
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ROCHES ET GÉOLOGIE DU VALAIS
Les lacs de Fenêtre et le Val Ferret. Ce dernier suit approximativement la limite entre le Massif cristallin du Mont Blanc (à gauche et au fond) et les séries sédimentaires.
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ROCHES ET GÉOLOGIE DU VALAIS
LES ROCHES RENCONTRÉES DANS LES CARRIÈRES
INTRODUCTION Sur notre planète, la croûte terrestre continentale, la croûte terrestre océanique et la partie supérieure du manteau terrestre, sont constituées de roches extrêmement diversifiées. Les roches sont des agrégats de minéraux. Leur diversité est extrême de sorte que de nombreuses classifications ont été proposées prenant comme point de vue leur composition ou leur mode de formation ou encore leur valeur marchande. L’étude des roches constitue une vraie discipline, enseignée dans les universités, nommée pétrologie ou pétrographie. Par sa situation au cœur de la chaîne alpine, le Valais est riche de roches variées si l’on s’attache à leur provenance, leur âge, leur aspect, leur abondance ou, à l’inverse, leur rareté. Les roches peuvent contenir un ou plusieurs minéraux. En règle générale, un minéral est un élément ou un composé chimique, habituellement cristallisé, dont la formation résulte de processus géologiques. Sur le terrain, le géologue qui choisit un échantillon de roche le décrit brièvement en notant sa couleur, son aspect massif ou lité, sa dureté, sa cassure franche ou conchoïdale, son touché sableux, savonneux ou rocheux. Il essayera de déterminer les minéraux présents. Dans les roches sédimentaires, il recherchera la présence de fossiles.
Derborence. Premier plan: gypse du Trias; second plan: série stratigraphique de la nappe des Diablerets: schistes noirs et calcaires gris
Au laboratoire, plusieurs types d’analyses sont possibles. La plus élémentaire se fait sous le microscope polarisant après avoir confectionné une tranche de roche épaisse de trente microns collée sur une lame de verre. La roche est alors translucide. Les minéraux présents peuvent être parfaitement identifiés, leur abondance relative établie, leur attitude spécifiée. L’étape suivante consiste en une analyse chimique des éléments majeurs pour pouvoir classifier la roche et lui donner un nom et des éléments en traces pour tenter d’élucider son histoire. Enfin, les roches peuvent être datées soit de manière relative grâce aux fossiles qu’elles contiennent soit de manière absolue grâce à la présence de certains d’éléments radioactifs. Le temps des événements géologiques est infiniment plus long que le temps des hommes c’est pourquoi l’unité utilisée en Sciences de la Terre est le million d’années, en abrégé Ma*. Les roches se divisent en trois grandes catégories reflétant leur mode de formation : les roches ignées (ou magmatiques), les roches sédimentaires et les roches métamorphiques. Les roches ignées résultent du refroidissement et de la cristallisation d’un magma* (voir sous-chapitre granite). Ce processus peut se réaliser soit à une profondeur entre trois et plusieurs dizaines de km, soit en surface lors de l’éruption d’un volcan. Le refroidissement en profondeur se fait très lentement ce qui permet aux cristaux de se développer
LES ROCHES RENCONTRÉES DANS LES CARRIÈRES
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La carrière du Lessus (VD) vers 1901 par Albert Morérod-Triphon. TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES 60 sur toile, 143 Huile x 120 cm. Coll. privée
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TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES
TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES
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Représentation schématique et nomenclature d’une carrière. Le gradin est formé de l'ensemble du front (vertical) et de la banquette (horizontal)
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TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES
QU’EST-CE QU’UNE CARRIÈRE ET QUELQUES DÉFINITIONS En général, une carrière est destinée à l’exploitation d’une substance minérale abondante et de relativement peu de valeur tandis qu’une mine sert à l’exploitation d’un minerai, une substance minérale rare et/ou de grande valeur. Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, une carrière n’est pas nécessairement à ciel ouvert, de même qu’une mine n’est pas obligatoirement formée de boyaux souterrains. Pour le Valais, on se doit d’ajouter un type de carrière non conventionnel et assez rare ailleurs en Suisse. Il s’agit de l’exploitation de blocs de roche ayant été extraits de leur environnement par des phénomènes naturels. Dans cette catégorie, on trouve deux sortes de blocs : d’une part, les blocs erratiques arrachés de leur milieu par les glaciers et, d’autre part, des rochers s’étant détachés de falaises situées en altitude et ayant dévalé le long de pentes escarpées. Les techniques d’exploitation des blocs erratiques sont décrites dans le chapitre consacré au granite de Collombey-Monthey (voir : 5.1.6). Signalons pour terminer que l’on trouve des accumulations de fragments de roches plus ou moins arrondis de tailles diverses : de galets, graviers et sables. Ces accumulations sont exploitées soit hors de la nappe phréatique, soit dans la nappe phréatique ou dans des cours d’eau. Il s’agit de gravières
et elles ne sont pas prises en considération dans cet ouvrage. Non prises en considération également les rares tourbières ayant été exploitées en Valais. Une fois qu’une masse de roche exploitable est circonscrite, il faut, avant de pouvoir l’exploiter, enlever la découverte, c’est-à-dire l’ensemble de la masse de terrains et de roche altérée qui recouvre la roche fraîche. On parle aussi de morts-terrains ou de découvert. Avant la mécanisation, ce travail se faisait à la pelle et au pic. La terre et autres matériaux étaient ensuite transportés à quelques dizaines de mètres afin de totalement dégager la zone à exploiter. Dans la région de Monthey-Collombey, où les concessions d’exploitation des blocs erratiques étaient contigües, cette pratique a conduit à de nombreuses disputes, les nouveaux exploitants n’ayant aucun endroit proche où déverser les déblais. De nos jours, le décapement s’effectue à la pelle hydraulique ou au bouteur (bulldozer). La partie de la carrière où la roche est attaquée, généralement verticale ou fortement inclinée, s’appelle le front (de taille). Il résulte de l’abattage de la roche (autrefois débitée au trou à trou, aujourd’hui généralement sciée par diverses méthodes). Plusieurs fronts superposés peuvent être organisés en gradins séparés par des banquettes horizontales. Ces dernières sont souvent larges de plusieurs mètres et servent à déposer et déplacer les équipements et les engins. On nomme gradin l’association d’un front et de sa banquette.
TECHNIQUES D'EXPLOITATION DES CARRIÈRES
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Partie inférieure de la carrière des Râpes à Vérolliez (St-Maurice) VALAISANNES ET ÉCONOMIE 106 dans le CARRIÈRES ouverte Malm.
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CARRIÈRES VALAISANNES ET ÉCONOMIE
CARRIÈRES VALAISANNES ET ÉCONOMIE
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CARRIÈRES VALAISANNES ET ÉCONOMIE
L'IMPORTANCE DE LA PIERRE Depuis toujours, les gisements de roches ont été exploités pour assurer la fourniture des matériaux de construction nécessaires à l’habitat, à l’aménagement des voies de communication, aux ouvrages de fortification et aux terrasses de cultures. La pierre ollaire, facile à travailler, a été extraite en de nombreux endroits du Valais, pour fabriquer, dès la Préhistoire, des vases funéraires, des pots et des lampes à huile et, dès le XVIe siècle, des fourneaux. Le gypse, transformé en plâtre, a toujours servi pour cimenter les pierres et recouvrir les parois intérieures ou les murs extérieurs des maisons. A Martigny par exemple, la construction des habitations romaines utilisait les éboulis du Mont Chemin ou les alluvions de la Dranse. Quelques monuments publics du Forum Claudii Vallensium, qui était un centre commercial important, ont été réalisés en marbre de St-Léonard et en calcaire du Jura provenant des carrières de Concise, sur les rives du lac de Neuchâtel (Paccolat, 1998). A cette époque-là déjà, les Valaisans tiraient de substantiels revenus du transit des marchandises par les cols (Wiblé, 2002). Au Moyen Age, contrairement aux ressources minières telles que l’or, l’argent ou le cuivre, contrôlées par les seigneurs, les utilisateurs de pierres en disposaient librement, qu’il s’agisse de bâtir des murs, de couvrir des toitures ou de produire du plâtre. A la fin du XIIIe siècle et durant tout le
suivant, la région de Liddes et d’Orsières produit et exporte des meules de moulin jusque dans le Valais central (Paccolat, 1998). L’évolution démographique a nécessité la construction d’habitations, de bâtiments commerciaux et administratifs, d’églises, de routes, de digues pour se protéger des crues du Rhône et des rivières latérales. Ces activités ont occasionné une demande importante et continue en pierre de taille, en ardoises pour couvrir les toits, en plâtre, en chaux et en pierres décoratives pour les monuments. Ces matériaux étant lourds à transporter et les routes souvent mauvaises, une foule de petites carrières se sont ouvertes à proximité des agglomérations pour réduire les déplacements. Ceci explique pourquoi il a été possible d’en identifier plus de 500 au cours de cette recherche. Elles ont cependant été abandonnées lorsqu’elles se sont épuisées ou que leur exploitation est devenue trop difficile, voire dangereuse.
DURÉE DE VIE D’UNE CARRIÈRE Le destin des carrières valaisannes a été infiniment variable. Les plus éphémères n’ont duré qu’une ou deux saisons, le temps d’épuiser leurs ressources. A notre connaissance, certaines carrières ont eu une longue période d’activité : par exemple celle de Saillon entre 1832 et 1981 (Thurre, 2009),
Carrière de Saint-Léonard dans la variété dite « Brèche » CARRIÈRES VALAISANNES ET ÉCONOMIE C’est de cette carrière que proviennent, entre-autres, les bassins de la fontaine des aigles et de celle du chamois à Sion Les photos ont été prises par Albert Nichini dans sa carrière au début des années 1950
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Rive gauche de la Borgne en-dessous de Vex. Quartzites de la Zone Houillère interne datée du Trias inférieur.
LES CARRIÈRES PAR RÉGIONS ET COMMUNES Avertissements : La géologie régionale et la topographie nous ont guidés pour subdiviser le canton en une douzaine de régions réparties entre le Léman et le col de la Furka. Chaque chapitre présentant une région débute par une carte topographique sur laquelle ont été reportés, au moyen de pastilles de couleur et de tailles différentes, les emplacements précis des carrières. Les grandes pastilles identifient les carrières qui sont décrites en détail tandis que les petites pastilles représentent les autres carrières de la région dont on peut trouver les données de base dans l’inventaire général en fin de volume. Les numéros inscrits sur les pastilles correspondent aux numéros figurant dans l’inventaire. En raison de l’échelle de la carte topographique, des pastilles peuvent, par endroit, se superposer, par exemple à Monthey, Chippis ou Raron. En conséquence et afin de ne pas charger les cartes, les localisations de toutes les carrières peuvent être visualisées sur des cartes se trouvant sur le site suivant : http://www.crealp.ch
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RÉGION 1
LE CHABLAIS DE ST-GINGOLPH À EVIONNAZ
La région 1 est entièrement située sur la rive gauche du Rhône. Elle s’étend du lac Léman, au nord, à Evionnaz, au sud. Du nord au sud, on rencontre les unités géologiques suivantes : après un mince bandeau d’Autochtone (molasse) c’est la nappe des Préalpes médianes plastiques, coupées de passages de flysch, qui couvre environ la moitié de la région jusqu’à la hauteur de Vionnaz. Plus loin vers le sud, les choses se compliquent énormément. Après une grande extension de flyschs divers, dont celui à lentilles de Couches rouges, se trouvent côte à côte la nappe de la Brèche, à l’ouest, et une importante masse de Préalpes médianes rigides reposant sur la nappe de Bex-Laubhorn, à l’est. Entre Muraz et Monthey, puis vers St-Maurice, on retrouve l’Autochtone et le parautochtone sur lesquels repose la nappe de Morcles. La limite sud est représentée par le flanc nord-ouest du massif cristallin des Aiguilles Rouges.
L’inventaire des carrières contient plus de quatrevingt références parmi lesquelles ce sont les calcaires – parfois appelés marbres – qui sont le plus largement représentés. Viennent ensuite les grès de divers types, dont une carrière, celle de la Famsa à Massongex, est encore en pleine activité, et les exploitations de blocs erratiques. Au sujet de ces dernières, bien plus nombreuses que ce que laisserait entendre l’inventaire, nous avons considéré comme une seule carrière les zones où plusieurs exploitations de blocs erratiques se côtoyaient. Ceci explique pourquoi, dans le listing, il n’y a pas de nom d’exploitant. La région comportait plusieurs exploitations de lauzes, improprement appelées ardoises. Le tuf a été extrait dans de très nombreux endroits, mais les carrières de ce type étant éphémères elles n’ont pas pu être toutes localisées. Enfin, trois carrières au moins ont extrait le gypse.
LE CHABLAIS, DE ST-GINGOLPH À EVIONNAZ
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1.6
MONTHEY-COLLOMBEY
LE GRANITE ERRATIQUE DE COLLOMBEY– MONTHEY
La Pierre à Muguet
SITUATION GÉOGRAPHIQUE
Coordonnées médianes : 561.520 / 123.080 Altitude : 530 m La zone dans laquelle étaient localisée la majorité des blocs erratiques qui ont été débités par les granitiers forme une bande de 400 à 500 m de large, s’étendant sur environ 3 km selon un axe nord-sud, de la rive droite de la Vièze dans la région d’Outrevièze (où seul un gros bloc a été exploité) jusqu’au sud de Muraz, où se situe le bloc Studer. Les coordonnées indiquées, si elles pointent non loin du centre géographique décrit ci-contre, ont le grand avantage de correspondre à la position d’un des seuls blocs erratiques n’ayant pas été débité : la Pierre à Muguet. Second avantage, il est facilement accessible.
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RÉGION 1
LE CHABLAIS, DE ST-GINGOLPH À EVIONNAZ
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CADRE GÉOLOGIQUE Les blocs erratiques de Monthey tiennent une place importante du point de vue historique puisqu’ils ont servi d’exemples aux premiers tenants de la théorie glaciaire, comme Jean De Charpentier, pour expliquer la présence de roches « exotiques », c’est-à-dire n’ayant aucun rapport avec les terrains sous-jacents. Les blocs erratiques de la région correspondent presque tous au même type de roche, un granite particulier, que l’on peut trouver dans le flanc oriental du massif du Mont-Blanc, dans le val Ferret suisse. D’après Schneider (2009), leur impressionnante concentration à Monthey pourrait s’expliquer par un important éboulement ayant eu lieu dans le val Ferret au-dessus du glacier lors de la dernière glaciation dite du Würm. Les glaciers descendant de l’extrémité nord ainsi que des flancs est et nord-nord-ouest du massif du Mont Blanc n’ont pas pu librement s’étendre vers le nord suite à la confluence avec le glacier du Rhône qui occupait le fond de la vallée. Ils ont été repoussés vers l’ouest et canalisés sur rive gauche de la vallée du Rhône, ce qui explique pourquoi les blocs erratiques sur cette rive proviennent essentiellement du Mont Blanc alors que sur rive droite l’on trouve des blocs erratiques calcaires. Il est généralement admis que les blocs ont été déposés durant le stade de stagnation de Monthey, lors du retrait glaciaire, il y a de cela entre -18’000 et -15’000 ans. Les témoignages du début du XIXe siècle traduisent tous le caractère exceptionnel de la moraine à blocs de Monthey. Ainsi, en 1841, De Charpentier écrit, « Le dépôt de ce genre le plus remarquable que je connaisse se trouve à 400 pieds au-dessus du Rhône, sur le flanc d’une montagne calcaire près de Monthey. C’est une bande de gros blocs qui a de 500 à 800 pieds de largeur et 3/4 de lieue de longueur. (….) Elle est entièrement formée de blocs de granite à gros cristaux de feldspath, venant tous de la haute chaîne de montagnes qui borde la vallée de Ferret du côté nord-nord-ouest ». Il émet déjà ses préoccupations suite à l’utilisation du granite pour la construction et l’ornementation. C’est dans cette zone que se trouvent les quatre plus célèbres et imposants blocs erratiques encore
CHAPITRE 5
entiers: la Pierre des Marmettes, la Pierre à Dzo, la Pierre à Muguet ou Pierre des Mourguets et le Bloc Studer. Ils ont été « sauvés » de la destruction par l’appel de scientifiques relayé par les autorités. Ces blocs rescapés font l’objet d’un sentier didactique dont le point de départ est la Pierre des Marmettes près de l’hôpital de Monthey.
CONCESSIONS Les droits ayant permis l’exploitation des blocs de granite sont de trois types. Soit l’exploitant possédait ou achetait un terrain sur lequel existaient des blocs, soit il achetait le ou les blocs situés sur le terrain d’un particulier, soit il signait un contrat de location et payait une redevance annuelle. Par rapport à d’autres régions où les blocs de granite erratique ont été exploités, le territoire de MontheyCollombey se particularise par le fait que les blocs erratiques reposent sur des séries calcaires ayant également fait l’objet de contrats pour leur exploitation. En conséquence, les cahiers des charges des conventions signées pour l’exploitation des calcaires mentionnent expressément que les éventuels blocs de granite se trouvant dans le périmètre d’exploitation sont exclus du contrat. Dans le cahier des charges de l’accord signé en 1904 par la Société des carrières de St-Triphon et Collombey pour l’exploitation du calcaire au Creux de l’Enfer, les blocs erratiques sont également exclus du contrat. Cependant, une clause subséquente précise que ces blocs seront vendus au concessionnaire au prix de sept francs le m3, mesurage effectué par un granitier agréé. Il semble que la Bourgeoisie s’attendait à des rentrées importantes puisqu’elle exige un versement de 2’500 francs la première année ; le solde au fur et à mesure de l’exploitation des blocs. A toute règle existent des exceptions, on découvre ainsi qu’en 1864, la commune de Monthey autorise le tailleur de pierres Louis Breganti à fendre des blocs de granite dans la Vièze et à sa carrière, ceux-ci étant cédés gratuitement. Il faut reconnaître que les blocs dans le lit de la Vièze pouvaient présenter un danger lors de fortes crues et que, avec ce cadeau,
LE CHABLAIS, DE ST-GINGOLPH À EVIONNAZ
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7.1
GRANGES
LA PLÂTRIÈRE DE MANGOLD
Vue de la carrière actuelle et d’une partie de l’usine de transformation du gypse en plâtre et de l’unité de recyclage du plâtre
SITUATION GÉOGRAPHIQUE
Coordonnées : 601.440/123.765 et 600.900/123.465 Altitude : 510 m Le long de la route cantonale, entre St-Léonard et Granges, deux carrières soulignent le pied du mont. A la sortie de St-Léonard, on longe la carrière de marbre MTA et, une fois dépassé l’usine électrique de la Lienne, on aborde la carrière de gypse de Mangold et son usine de transformation du gypse en plâtre. C’est la seule exploitation du Valais et l’un des quatre gisements suisses de gypse actuellement exploités. On peut déjà mentionner ici la présence de la fameuse grotte de Vaas, chère aux spéléologues de la région. On verra qu’elle a une incidence notable sur l’exploitation industrielle du gypse.
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RÉGION 6 7
CADRE GÉOLOGIQUE
CONCESSIONS
Le gypse de Granges fait partie de la Zone de SionCourmayeur (Pennique inférieur) et plus particulièrement de l’unité de la Pierre-Avoi qui se présente comme un mélange de roches diverses (schistes, quartzites, gypse, dolomie, calcaires, cornieules et brèches) dont les âges s’étendent du Carbonifère au Jurassique. Le gypse qui nous intéresse ici est daté du Trias moyen à tardif. Ce mélange s’est formé par coulées de débris durant l’Eocène supérieur-Oligocène inférieur. Une quinzaine de gisements de gypse ont été reconnus en Valais, les plus importants seront décrits en détail.
A notre connaissance, la première mention écrite, concernant le gypse de la région, date de 1602. Chermignon-Dessus ayant révisé les limites de son territoire, le procureur demande alors que cet ajustement ne porte aucun préjudice au droit qu’ont les hommes de Lens à extraire du gypse de la Vertolière, droit consacré par un usage de plusieurs siècles. Le gypse de la région était donc déjà exploité au Moyen Âge ! En 1662, une nouvelle lettre testimoniale admet en faveur de la cité et du village de Lens le droit d’extraire du gypse à la Crête de la Vertolière. Il s’agit très certainement d’une exploitation en carrière.
LA GROTTE DE VAAS
La première convention connue est celle datée du 22 novembre 1936 par laquelle la Bourgeoisie de Granges accorde à la Fabrica di Gessi Ticinesi SA à Airolo les droits d’exploitation du gypse sur les terrains de la Bourgeoisie. La Fabrica vend en 1943 l’usine de Granges à Gipsunion SA qui reprend la concession.
Les entrées de la grotte de Vaas sont situées presque au niveau de la plaine, à l’est de l’exploitation actuelle du gypse. Cette cavité a connu le même mode de formation que le lac souterrain de St-Léonard. Il s’agit d’une succession de salles et de galeries. On y trouve trois lacs dont les eaux proviennent d’infiltrations superficielles. Cette superbe grotte, reconnue d’intérêt national pour la spéléologie, crée une rupture dans le gisement de gypse exploitable, car une zone de protection a dû être définie pour éviter tout effondrement du toit des salles et des galeries. Elle réduit ainsi l’extension souhaitée vers l’est de la carrière à ciel ouvert.
Une nouvelle convention est signée en avril 1962 entre la Bourgeoisie de Granges et Gipsunion SA. En effet, la Bourgeoisie de Sierre est devenue propriétaire des terrains ayant appartenu à la Bourgeoisie de Granges. Le 4 décembre 1990, le Conseil Municipal de Sierre accepte formellement l’étude du site et de son exploitation présentée par Gipsunion SA.
Spéléologues dans la grotte de Vaas. Observez la stratification du gypse ainsi que les nombreuses enclaves roses ou jaunâtres qui parsèment la roche (photo D. Masotti)
DE ST-LÉONARD À LOÈCHE
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Hans-Rudolf PFEIFER, né en 1949, originaire de Zurich, a fait ses études de géologie à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich. Après son diplôme en 1972, il poursuit ses études en géochimie et pétrologie à l’Université de Berkeley, Californie (1973-74) et défend sa thèse de doctorat à Zurich en 1979 sur l’interaction des roches du manteau terrestre avec des solutions hydrothermales. Engagé à l’Université de Lausanne la même année pour monter un laboratoire d’analyse de roches, il reste à Lausanne pour toute sa trajectoire professionnelle, comme géochimiste des roches vertes et des pollutions de l’environnement. Pour ce livre, il s’est occupé surtout des carrières de pierre ollaire, une roche qui le passionne depuis ses études.
L’exploitation des carrières en Valais a marqué son paysage, les roches extraites ont façonné ses constructions et ont été exportées pour la réalisation de bâtiments et d’œuvres d’art à travers l’Europe. Si, aujourd’hui, le béton a remplacé la pierre dans la plupart des constructions, on pouvait encore avant la Deuxième Guerre mondiale, dénombrer plus de deux cents carrières en activité dans le canton. Actuellement, on en compte plus qu’une dizaine. La mémoire collective s’efface, la nature masque rapidement les balafres témoignant de l’activité humaine. Il est donc grand temps de référencer et de présenter ce patrimoine au public avant qu’il ne soit complètement oublié.
ROCHES ET CARRIÈRES DU VALAIS
Michel F. DELALOYE, né en 1936, il est originaire d’Ardon. Diplômé en géologie, il a soutenu une thèse de doctorat à l’Université de Genève sur le gisement de fer sédimentaire de Chamoson. Son intérêt pour la géochimie isotopique l’a amené à développer à Genève un laboratoire de géochronologie et réaliser des recherches en Turquie, Oman, Colombie, Venezuela, France et Italie. Il a participé entre 1960 et 1965 puis entre 1992 et 1997 aux comités de deux programmes du FNRS. De 1992 à 1998, il a assumé la charge de directeur scientifique de l’Institut universitaire Kurt Bösch à Sion. De 2000 à 2010, il a animé le musée des Sciences de la Terre de Martigny au titre de conservateur et d’organisateur de cours et de conférences pour le grand public.
Daniel A. Kissling Michel F. Delaloye Hans-Rudolf Pfeifer
Daniel A. KISSLING, né en 1941, est originaire de Genève où il a effectué toutes ses études achevées par l’obtention d’un doctorat de géologue. Doctorat en poche, il conduit de courts projets de recherche minérale dans plusieurs pays d’Afrique et aux USA avant de diriger un programme de prospection d’uranium au Brésil. Il est ensuite mandaté par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour participer à des projets de prospection en Afrique et en Asie. Il poursuit sa carrière dans un bureau de géologues-conseils pour l’industrie pétrolière où il est rédacteur de rapports sur les activités dans une vingtaine de pays autour du monde. Il terminera sa carrière en tant que journaliste et reporter photographe dans une maison d’édition.
Roches et carrières
DU VALAIS Daniel A. Kissling Michel F. Delaloye Hans-Rudolf Pfeifer
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Le Chablais de St-Gingolph à Evionnaz Le synclinal carbonifère du Châtelard à Dorénaz Martigny et le Mont-Chemin Les Dranses De Saxon à Conthey Sion, Bramois et le val d’Hérens De St-Léonard à Loèche Sierre, Chippis et le val d’Anniviers De Loèche à Viège Viège et les vallées des Vièzes Brig et Simplon La vallée de Conches
ISBN 978-2-88341-238-5
9 782883 412385
Page de couverture : carrière de St-Léonard