Patricia Wyssenbach, La druidesse et le peuple cheval

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Patricia WYSSENBACH Avec la collaboration de Magali Marti

La Druidesse et le Peuple Cheval

Editions Ă la Carte


Illustration : © Sara Mottet, CH-Bex, 1880 www.marawa.ch Préface : © Joëlle Eoriañ Chautems , CH-Bôle, 2014 www.eorian.ch Texte, poèmes et photos © Patricia Wyssenbach, CH-Chermignon, 3971 www.terredecoeur.ch © Magali Marti, CH-Auvernier, 2012 www.taraka-coaching.ch Photos © Myriam Miro, CH-Vouvry, 1896 myriamrohmiro.wix.com/metmsphotos © Julien Dresselaers, CH-Granges, 3977

Editions à la Carte, CH-Sierre www.edcarte.ch Imprimerie Calligraphy.ch No. 1655 - Novembre 2015 ISBN 978-2-88924-239-9


A Christian, mon mari A Isaline, notre fille A Sara Mottet pour la couverture du livre A Joëlle Chautems pour son introduction A Magali Marti, ma Petite Sœur de Cœur A Myriam Miro et Julien Dre pour les magnifiques photos A mes chevaux et tous les animaux qui m’accompagnent au quotidien Aux Esprits de la Nature A mes professeurs A la vie A mes ancêtres et au clan, à Gaïa



Le cosmos est ma mémoire, les étoiles, fenêtres du monde, Aux mille cliquetis et scintillement m’ouvrent la voie, Mon cheval balance mon âme, le vent et la liberté abondent Et transmettent par la connaissance et les choix, Les sens profonds et essentiels qui me correspondent.

Magali Marti


Préface Innocemment, secrètement, du bout des doigts, Patricia nous emmène dans cet ouvrage à la rencontre d'un monde magique parsemé de synchronismes et d'évidences. Ce monde est celui que nous côtoyons tous, tous les jours, mais le percevez-vous? A travers les rencontres avec le cheval, l'oiseau ou l'arbre, la femme se dévoile et nous parle d'elle. Femme chamane, sourcière, guérisseuse ou mère, elle nous enchante avec ses récits qui défilent comme le fil sur le fuseau entre ces mains flétries, qui, autrefois, contaient les histoires au coin de l'âtre. Au rythme du temps et des croyances ancestrales, la femme s'interroge en nous invitant à nous questionner nous-aussi sur le véritable sens de ce que nous faisons ici et maintenant. Avec un verbe rebondissant, de chapitre en chapitre, Patricia est cette guide qui chuchote au coin de l'oreille le chemin que nous pourrions emprunter. La nature, celle qui l'inspire et la façonne, reste toujours à ses côtés pour rendre son discours tangible et palpable. Elle nous invite au voyage intérieur, source de qui nous sommes vraiment, afin de dépasser nos masques et nous percevoir réellement.

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Intime est la rencontre avec la femme contée dans ses lignes. Elle nous parle d'elle un peu, avec simplicité, courage et parfois une peu de rudesse, à l'image des paysages qu'elle décrit au fil de ses histoires, comme si pour apprendre à être elle-même, elle a du se confronter aux éléments et aux événements. Ces derniers l'ont façonnée afin de la rendre telle qu'elle est au moment de l'écriture des lignes qui vous attendent. La vie dure et abrupte décrite ici pourrait être perçue avec le regard de la fatalité. Mais toujours, avec la même curiosité de l'enfant qui vibre encore en elle, elle transforme l'expérience en leçon positive qui lui enseigne les enseignements les plus profonds. Ses professeurs? Ses proches; humains, animaux, végétaux ou élémentaux. Toujours là pour lui montrer sa voie, ils sont ses maîtres à chaque instant. La vie serait-elle alors simplement cela? Être présent à tout ce qui nous est offert de vivre, et en tirer la nourriture nécessaire à l'élévation de notre âme? Et si c'était vraiment aussi simple que cela? C'est d'une certaine façon ce que Patricia tente de nous dépeindre au gré de ses récits. Voyages chamaniques, communication animale et végétale, regards posés sur les synchronismes, toutes ces facultés lui semblent si naturelles. Elle nous raconte comment elle se sort des situations les plus improbables grâce à ses perceptions du monde, propres à elle-même. Là où le lecteur,

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surpris, découvre des facultés qu'il croyait relégué aux personnes les plus farfelues ou aux mythes ancestraux, Patricia développe ses interrogations fondamentales et avec un langage clair nous expose la gestion des événements qui se présentent à elle avec fidélité et simplicité, deux valeurs qui la décrivent si bien! Que de chemin parcouru pour la cavalière farouche pour oser s'exposer ainsi, telle qu'elle est, étendue sur ses lignes. N'est-ce pas finalement en étant nous-mêmes que nous permettons à l'autre de le devenir aussi? Le récit deviendrait-il alors vecteur du changement? C'est ce que je souhaite à toutes les fables initiatiques tissées discrètement à partir du rouet magique de la simple existence contée dans cet ouvrage. Merci Patricia d'être qui tu es. Joëlle Chautems

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Mise en bouche Lors de la sortie du livre « Omani danser avec la vie », il n’a pas été rare que l’on me qualifie de chamane, de guérisseuse ou de ...sorcière. Tout en souriant intérieurement, j’ai toujours démenti ces croyances : - Non. Ce cheval exceptionnel a en lui la force de guérir, la force de la vie. Je l’ai simplement accompagné. - Oui, mais vous parlez aux animaux, vous magnétisez... Omani, cet ami, ce guide, ce frère magnifique a croisé ma route, en a modifié le cours. Il a donné à mon existence une nouvelle impulsion, me nourrissant d’une force flirtant avec les limites de la passion pour aller à la rencontre de mon histoire, celle pour laquelle je suis ici, incarnée sur cette terre que j’aime et honore. A mon insu, m’a-t-il conduite sur un chemin connu mais oublié au fil de mes histoires ? Druidesse se nourrissant aux mamelles du celtisme originel de nos ancêtres ?

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En 2015, en Suisse, est-il possible de dire « Oui, je suis chamane » ? Dans notre société est-ce toujours possible et honnête de se dire animiste et totalement acquis à cet art de vivre, à cette philosophie née de la Terre et du Ciel, de l’union du tout ? Je m’interroge. Mes épaules et mon esprit sont-ils prêts à soutenir cet héritage tant honorifique que culturel, lourd de responsabilités vis-à-vis de l’autre ? Certes je suis consciente de la Toile de Vie, parle aux arbres tout comme aux minéraux, canalise les Esprits du Cercle des Anciens. J’aime me faire caresser par l’Esprit du vent et galoper en chevauchant mon tambour dans les différents mondes. Il m’arrive de soulager de mes mains les maux de mes frères et sœurs de tous les règnes et peuples. Etre « artisane-géobiologue » me transcende, me fait vibrer au rythme du pouls de Gaïa mais ...je suis enfant du XXème siècle, enfant né dans le monde consumériste de notre société européenne, l’esprit formaté par son environnement mercantile. Cette spiritualité animiste respirant la terre, le feu, l’éther trouve-t-elle un terreau suffisamment fertile dans nos villes et nos vies; ma vie ? J’aime à le croire lorsque je perçois un bio-champs, lorsque le chant des licornes me berce, que les entrailles de notre Terre me parlent tremblement de terre en

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gestation ou encore que l’énergie des arbres me signale l’imminence de l’arrivée du vent. Mais je doute aussi lorsque talonnée par l’arrivée du futur, oubliant la réalité quantique des lignes du temps, je cours dans les allées d’un supermarché. Mon esprit occupé par les prix, les couleurs et les odeurs des produits, je suis à mille lieux des problématiques qui nous étouffent, tous. Déforestation, huile de palme, calvaire des orangsoutans brûlés vifs, derniers soupirs des peuples premiers, appel au secours des ours polaires, soubresauts de notre Terre et de ses râles, filets dérivants et pluies acides, enfants tendant une main décharnée vers nos cornes d’abondance, femmes violées dans des guerres faites au nom de l’amour des religions des hommes. Oui, je ramasse mon papier d’emballage tombé au sol lorsque je grignote une barre de chocolat mais non je n’arrête pas l’eau chaude de ma douche pendant que je me savonne ...alors ? Alors je ne sais pas et au final, est-ce que cela a de l’importance d’obtenir une réponse qui par la nature même de la question sera subjective ? Avec le recul, je pense que la seule et unique chose qui soit primordiale est le chemin. Chemin vers l’ouverture, la spiritualité, l’empathie, le contrôle de l’ego, la reconnaissance et la reconnexion avec son âme. Se redresser et vivre debout, dans la lumière et l’amour, sans aucune attente et sans jugement.

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Se reconnecter et s’aligner avec La Source dans l’étincelle du moment présent. Mais est-ce cela « être chamane » ? Et puis la question m’est arrivée par un message privé sur facebook : « C’est quoi être chamane ? Je mets dans ce mot la vie et la mort. Je le refuse. Je tremble. J’ai mal.». Ma petite sœur de cœur me crie son désarroi. La peur l’a saisie à l’énoncé du mot, de son énergie, de sa connotation lors d’une de nos conversations. Elle y voit un pouvoir total sur l’existence des autres. Tu vis, je prends ton souffle ...je te sacrifie sur l’autel des rituels. Je reçois son appel ...je réalise que je n’ai pas la réponse et dois bien admettre que les mêmes formes de refus crient au fond de mon être. Un reportage télévisé fait sa rediffusion dans ma tête : un peuple d’Afrique du Sud. Un site mégalithique et des chamanes sont là. Des femmes surtout. Elles reçoivent en consultation, chantent, dansent, entrent en transe. Un rituel est filmé. Gros plans. Un mouton bêle sa terreur. Il est agrippé par sa toison, ses yeux sont révulsés. Autour de lui des chants, de la musique. Je le sais, je suis le mouton. Je le sens devenir sourd, se perdre dans un brouhaha informe et dense. Gris cotonneux. Sa tête est tirée en arrière sans la moindre douceur.

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Une femme-chamane enfonce son couteau sacrificiel dans la gorge. Le sang gicle de la carotide. La vie s’écoule dans le sable aride de la grotte, s’éteint dans le sous-sol, sur la peau de notre Terre. Je tressaille en revivant ces images fortes. Puis-je m’identifier à cela et est-ce que je le souhaite réellement? Puis-je cautionner et aimer ces dieux et entités demandant la vie de l’innocent ? Par canalisation avec l’esprit d’un druide, j’ai reçu moult informations et sais que le chamanisme ancien était avant tout affaire de femmes, différent de l’image perçue actuellement. Le sang menstruel, le sang de l’accouchement, la matrice y étaient honorés. Ils étaient une force de guérison et de régénération de toutes les cellules, la femme vivant un échange régulier entre les puissances internes et externes, en équilibre. Le mystère du cycle de l’enfantement, de la mort et de la renaissance appartient à la femme tout comme il appartient à la lune qui change, meurt et renaît chaque mois. La mue du serpent en est le symbole. Attribut de la Déesse. Renvoyant au revêtement de la paroi utérine qui se régénère, au fil des mois et des lunaisons.

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Le sang sur les autels était celui des femmes, obtenu de la manière la plus vivante et naturelle qui soit. Mais à l’époque je n’avais guère fait de recherches plus approfondies. Le temps est venu pour moi d’aller à la rencontre de la Déesse-Mère pour m’orienter, découvrir une partie de ce qui se cache sous le terme tant à la mode de « féminin sacré ». J’ouvre dans mon quotidien un espace pour les recherches et la lecture. Mon esprit se pacifie, se nourrissant du miel de la connaissance. Jusqu’à une période récente, une femme en temps de saignement était vue comme se trouvant dans un état de conscience élevé, dans la sagesse. Au sein de certaines cultures, elle se retirait alors naturellement sous terre, à l’écoute de ses capacités psychiques, innées, durant ces moments magiques, s’ouvrant aux messages oraculaires des esprits. Ces lectures intérieures étaient alors faites dans l’intérêt de la communauté, dans un état de don total. Nous sommes au cœur du chamanisme ...celui d’avant les sociétés patriarcales, celui d’avant la fragmentation entre les hommes et les femmes.

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C’est la prise de pouvoir des hommes dans le religieux qui amena avec lui une question fondamentale : où trouver le sang de l’autel ? Ce fut le début des sacrifices de tant d’animaux et d’humains. Oui, je suis femme. Femme qui a donné la vie. Mon questionnement initial est nourri, satisfait, plein d’assurance. La réponse m’est devenue évidente, limpide comme l’eau d’un torrent de montagne, en adéquation avec tout mon être. Je suis femme. Je suis druidesse, prêtresse de la nature au plus profond de moi et de mon être. Mes doigts courent sur mon clavier pour répondre à ma petite sœur : « Les responsabilités d’un chamane d’aujourd’hui sont multiples. Si certains d’entres eux s’octroient toujours un pouvoir de vie et de mort sur autrui, tout comme des guérisseurs officiant dans nos campagnes sacrifient encore un coq pour soigner un zona, je vois le chamanisme d’un autre regard, axé sur les origines de cette spiritualité. Une chamane fait le lien entre les gens de sa communauté et le monde spirituel, la Toile de Vie. Mettre les gens devant leur réalité en les réconciliant avec eux-mêmes, en les aidant à se comprendre, à se

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décrypter fait aussi partie de son rôle de femmemédecine et de thérapeute. Mais cela étant, en toute humilité, je pense qu’aucun chamane ne guérit réellement, ni aucun thérapeute ou médecin. Tous nous ne faisons que donner une impulsion de guérison tout en sachant que le seul et unique guérisseur est le patient. C’est lui qui a tout pouvoir sur son corps, son âme et son esprit, choisit ou non de suivre le chemin de la santé. Un autre de ses rôles, au chamane de notre temps, de notre siècle, est aussi la réconciliation des règnes entre eux dans un esprit pacificateur et d’Amour inconditionnel. Faire prendre conscience aux uns et aux autres de la réalité d’autrui, de la non-existence d’une suprématie supposée des uns sur les autres, lutter contre le spécisme. Faire surgir dans la lumière la réalité de l’inexistence d’une hiérarchie des valeurs mais du droit commun et non négociable à la vie. Amener à la compréhension de tous que le tout est en nous, que nous sommes bel et bien interconnectés les uns aux autres, dépendants indéfectiblement du sort de l’autre, de sa souffrance ou de sa joie, son bonheur ou sa douleur se stigmatisant dans nos chairs. Une druidesse est au service de la Terre et du Ciel. Une druidesse harmonise les gens avec les énergies de la nature.

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Une druidesse est une conteuse, une femme-médecine, une médium, un lien entre les mondes ...une druidesse est une femme vivante, libre, sauvage. Et surtout, la chamane, la druidesse, la prêtresse de la nature n’oublie jamais qu’elle n’est pas un être humain ayant une certaine spiritualité, mais bel et bien un être spirituel expérimentant le fait d’être incarné! ». En frappant le point final et la fermeture des guillemets, je prends brutalement conscience que lors de mes précédents écrits, j’ai très souvent fait référence à la spiritualité de nos origines, mais sans en avoir disséqué les fondements, avec parfois et inévitablement un relent de malaise quelque part, de non-dit. Je redresse la tête. Mon âme vibre fort à l’idée de vous accompagner sur le chemin magnifique de la communion du tout, derrière en quelques sortes les coulisses de mon vécu officiel. Un vécu partiellement publié mais parfois traité aux douceurs de la guimauve pour ne pas heurter, apeurer les lecteurs. Tout est différent cette fois.

Ce livre que vous avez entre les mains n’est pas un traité de chamanisme. C’est simplement l’histoire d’un cheminement personnel sur une voie qui m’est propre mais qui, sans nul doute, ressemblera à celle de bien d’autres personnes par de multiples facettes. Une voie qui s’écrit à cheval entre deux siècles, dans une société où les grands guides spirituels s’appellent trop souvent internet, e-book, stages, ateliers de

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développement personnels ...effaçant à grande eau l’expérience personnelle et le vécu. Le verbe de l’autre fait foi. Il devient réalité nous berçant d’illusions lumineuses qui demanderaient à être conscientisées et ressenties pour se transformer en chemin réel et emprunté vers notre lumière individuelle et divine. Cet écrit est aussi un hymne à la joie de la découverte, un encouragement face à cette envie pionnière, née de nos ventres de créer justement notre propre cheminement, d’aller à la rencontre de son intériorité non pas seulement dans la lumière, mais aussi apprivoiser ses ombres et ses peurs pour les transcender, grandir, guérir. Caresser le vent, sentir l’énergie d’une vouivre nous enraciner, recevoir l’enseignement d’un arbre maître, devenir élève d’un cheval, se soigner avec un animaltotem est un savoir existant dans les entrailles de chaque être, mais souvent oublié, renié, relégué dans la case des croyances enfantines, du monde magique de Walt-Disney ou de l’onirisme. Et pourtant cette magie-là est opérationnelle, elle nous entoure, dans la réalité de l’éther. Souvent invisible aux yeux physiques mais palpable, présente dans le cœur et l’âme, nous parlant et nous guidant tout au long de notre vie, de nos existences ...dès le moment où nous en émettons le souhait profond.

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De manière consciente, le chemin a débuté pour moi il y a plusieurs dizaines d’années déjà. A vingt ans, j’étais écorchée vive par la vie. Blessée et pansant mes plaies seule, fière et démunie dans ma solitude intérieure et spirituelle. Je venais de quitter mon Jura Bernois natal, en rupture avec la société, pour des contrées aux reliefs abrupts et sans concession. J’avais besoin de montagne, de rudesse, de dureté pour me révéler. La douceur ? Elle me faisait peur, me rendait agressive. Réaction primale face à mes angoisses dont j’ignorais les raisons, annihilant jusqu’au fait que cela me faisait mal, me détruisait. J’avais besoin d’avancer face au vent, de suffoquer en m’offrant au blizzard. Je défiais le froid et l’hiver avec jouissance. Inconsciemment, j‘étais à la quête des limites de mes douleurs physiques, psychiques. Je n’existais qu’à travers elles. Je n’aimais les levers et les couchers de soleil que pour le combat des contraires que je pensais y deviner. Je n’y voyais qu’une lutte viscérale, perpétuelle pour le pouvoir. A mes yeux, la complémentarité n’était qu’un mythe créé de toutes pièces par des adeptes de croyances tant exotiques qu’ésotériques, colorées et sulfureuses.

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J’aimais la dureté, l’idolâtrais tant pour moi que pour les autres. Seuls les hommes âpres, rudes, machistes savaient faire siller mon regard, ceux à la virilité suant de chaque pore de leur peau. Alors seulement je pouvais être femme portant jarretelles et soutien-gorge pigeonnant, alors seulement ...dominée, je me laissais conduire au bout de la nuit. Je me retrouvais, me reconnaissais, n’existais que dans les soirées où l’on riait haut et fort, où le verbe et le geste étaient puissants, incisifs, où le vin déliait les langues, faisait et défaisait les couples sans aucune vergogne, où les voix étaient rauques sous l’effet de la fumée dense des cigarettes. Je me plaisais et arrivais à vibrer dans ce pays rude, dans ces hautes terres alpines où le soleil n’existait plus durant de longs mois. Où les maîtres incontestés étaient alors le blanc, le froid, le gris et ses dégradés. Mes seuls instants d’émotions vraies étaient ceux vécus en forêt avec mon appareil de photo et lorsque je prenais ma plume pour écrire, des nuits entières. Sous la couverture de la canopée, du matelas des ombres, criait mon âme. Un appel que je muselais très vite jusqu’au jours où la vie me bouscula, me fit vaciller sur mon socle de certitudes construites par mon ego en détresse, par les parties blessées de mon être, mes chairs à vif.

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J’étais prête à franchir un seuil, à aller au delà de ma réalité construite pour en découvrir une autre, à la rencontre de qui j’étais, réellement, en-dessous des cicatrices et de ma carapace soigneusement entretenue par les peurs.

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