Pascal Glais - Textes Michel Dugué Photographies Éditions Apogée ISBN 978-2-84398-439-6 26 euros TTC en France
L’Âme du cidre
Des pommes et des hommes, du cidre… Un reportage photographique réalisé dans un petit village de l’ouest de la France.
Photographies de
Pascal Glais
avec des textes de Michel Dugué
L’Âme du cid e r Éditions Apogée
© Éditions Apogée, 2013 ISBN 978-2-84398-439-6
Photographies de Pascal Glais Textes de Michel Dugué
L’Âme du cidre
Éditions Apogée
Pascal Glais dédie ce livre à Jean-Pierre Le Bihan
qui m’a ouvert les yeux à François Quinio
qui a ajouté des nuances de couleur
L’apesanteur
Il y a, on le sait, quelque chose de léger dans le geste et dans les mouvements. Un moment précis où l’on se détache de là d’où l’on vient et où l’on n’est pas encore arrivé là où l’on doit se rendre. Quelque chose d’aérien. Toute la grâce de la photographie est de pouvoir surprendre cet instant d’apesanteur. Toute la finesse du photographe est de mémoriser cette fraction de seconde : celle qui décrit ce qui vient de se passer et déjà précise ce qui va survenir. Les photos comme des points de suspension. Car c’est une chose de suivre du regard les lenteurs du ramassage, les pas de tango entre hommes et barriques, les effleurements des doigts sur le châtaignier ou l’acier, les corps embrumés de vapeur, les manches empoignés — c’en est une autre de décider du bout du doigt. Et Pascal Glais a un doigt qui obéit à l’œil. Et il s’agit bien de cela dans la pelletée de pommes projetées en l’air avant de s’entasser, de s’agglutiner : d’une figure de ballet improvisée, d’un dernier salto satellisé, d’une virevolte de parade, d’un salut pour le panache. Parce qu’après ça se brouille, s’entasse, s’étripe, s’écrase, se concasse, se triture et se pressure dans une bouillie odorante spongieuse, mêlée de paille et lourde de jus. Oubliés les douces lumières du verger, les scintillements de juillet. C’est dans la pénombre qu’un autre travail commence. Un vrai boulot à contre-jour pour que jaillisse de l’entrejambe du pressoir ce filet ambré, presque orangé à certaines heures.
Jean-Pierre Le Bihan photographe
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La lame du coupe-marc, cette fois assombrie, forme un angle avec les couches de marc enrobées de paille, avec son ombre aussi, signe imprimé sur l’épaisseur dorée des strates. C’est la lumière, je crois, qui répand au fond du tableau comme un aplat de couleur et fait ressortir au premier plan les sombres lignes de l’instrument. De sorte que c’est autour d’elles que s’organise la composition. Je vois à cause du tranchant recourbé de la lame la légèreté d’un oiseau assez haut sur pattes et posé sur un pailler. Mais nul n’est obligé de me suivre, ces photographies présentent plusieurs entrées. Chacun est à même d’en élire une plutôt qu’une autre. Pénétrer dans l’intimité d’une toile ou d’une photographie, c’est sans nul doute opérer des choix. Ce qui se dévoile nous accueille en même temps que nous l’accueillons. Cela signifie certainement se déprendre des écrans, discours, explications accumulés entre soi et le réel. Ne seraitce pas le connaître autrement, c’est-à-dire naître à soi tandis qu’il se dévoile ? Entre moi et l’outil il n’y a rien sinon sa présence à lui qui infuse en moi et m’ouvre un espace le débordant largement. Les objets, les êtres, les paysages acquièrent un degré de réalité que d’ordinaire nous négligeons par habitude ou distraction.
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Charger le coffre d’une brouette, la pousser vers l’extérieur, déposer sur l’herbe le marc et la paille, reprendre le manège, vider en quelque sorte l’intérieur, dégager le bâtiment de ce qui n’a plus d’utilité, n’est-ce pas rendre à la nature ce qui fut précieux, ne l’est plus hormis pour les bovins qui s’en nourrissent ? La vache blanche, la prairie, les pommiers, et au loin le vallonnement de la campagne. Scènes champêtres. Je peux y déceler la fin d’un jour que les travaux auraient laissé après eux.
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