Manifeste pour la ville biodiversitaire

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pour la ville biodiversitaire

Changer pour un urbanisme inventif, écologique et adaptatif

Pour atteindre une durabilité, la ville ne peut pas se contenter de l’urbanisme actuel. Il lui faut intégrer plus fondamentalement la biodiversité et les services écologiques qu’elle fournit. Il y va des régulations thermiques, des limitations de pollutions… mais aussi des ambiances et qualités de cadre de vie. Seule une reconsidération de la place et de la qualité de la nature en ville peut rendre acceptable les densifications et les suppressions de voiture en ville. « La biodiversité ne doit pas être seulement un accessoire indispensable à l’urbanisme, comme l’éclairage public par exemple, mais un véritable élément de planification au même titre que la mobilité ! »

Philippe Clergeau est professeur au Muséum national d’histoire naturelle et

Philippe Clergeau

Manifeste

pour la ville biodiversitaire

9 € TTC ISBN 978-2-84398-481-5

9 782843 984815 apogéedef2.indd 1

Éditions Apogée

Manifeste

expert-consultant en écologie urbaine.

pour la ville biodiversitaire

Manifeste

Philippe Clergeau

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Éditions Apogée 17/09/2015 17:14


Philippe Clergeau

Manifeste pour la ville biodiversitaire Changer pour un urbanisme inventif, écologique et adaptatif

Éditions Apogée


Sommaire

1. Rien ou presque !

7

2. Du désurbanisme à la charte d’Athènes !

10

3. De l’environnement à l’écologie !

12

4. Les services écologiques en première ligne !

17

5. Quelle nature pour la ville de demain ?

24

6. La ville du futur ?

31

7. Les acteurs  ? 38 8. Comment avancer  ? 44 9. De l’invention à l’adaptation !

54

10. La ville biodiversitaire !

62

-5-


1. Rien ou presque ! L’urbanisme n’a pas évolué depuis 50 ans. Alors que l’architecture, entre art et technique, imagine, crée et recherche des formes de bâtiments et des matériaux nouveaux en permanence, l’urbanisme n’invente plus rien. Il se contente de saupoudrer les projets urbains de nouveautés à la marge pour répondre maladroitement et sans froisser les cultures philosophiques et urbanistiques aux nouveaux défis du développement durable. L’histoire montre que même s’il y a toujours continuité des tracés, il y a rupture et discontinuité historique des fonctionnements de la ville et de ses objectifs. Il y a eu la ville antique avec ses forums, ses cirques, son organisation autour des agoras ; il y a eu la ville médiévale avec de nouvelles centralités comme les cathédrales, l’hôtel de ville et les halles ; il y a eu la ville industrielle avec ses usines et ses quartiers ouvriers à proximité ; il y a eu la ville automobile avec ses périphériques, ses zones -7-


commerciales décentrées, ses grands boulevards et ses parkings. Et depuis, rien. On est toujours dans une aire de l’automobile dictant la forme urbaine. Pas de nouvelles villes porteuses d’autres objectifs et d’organisations complètement différentes, par exemple pour répondre au magnifique projet de société que pourrait être le développement durable. Pas de projet exemplaire sur une autre relation à la nature et au bien-être. Pas de création de forme urbaine mêlant efficacité technologique et amour du vivant. Rien. Suite aux idées d’Arturo Soria, Le Corbusier, dans les années 1950, a promu le zoning et réorganisé la rue, écartant les alignements d’habitations et de commerces pour promouvoir des habitations collectives, les immeubles. À l’origine, son projet était une cité composée d’immeubles communautaires avec des services intégrés, très espacés dans de grands espaces verts. Depuis, rien. Oh, on injecte un peu plus d’écologie en changeant la gestion des parcs urbains, en conservant des sites pour des espèces spontanées, en se demandant comment on va pouvoir faire des trames vertes et bleues ou placer de nouveaux transports en commun, mais pas de proposition de nouvelle planification, pas de formes urbaines et de stratégies différentes depuis 50 ans. On commence à imaginer des évolutions, des révolutions, en énergie, en biodiversité, en mobilité mais seulement au niveau -8-


très local, c’est-à-dire au niveau de l’architecture, mais pas au niveau du projet urbain. Bien sûr, on rétorquera que la ville ne peut être que mutation lente et que c’est l’histoire et le social qui déterminent le tissu urbain. On a tous entendu parler de cette nécessaire inscription progressive et prudente des actions à mener sur l’habitat urbain. Mais en s’enfermant dans ce genre de paradigme, les urbanistes, voire les paysagistes, se réfèrent sans arrêt à un passé qu’ils n’osent pas bousculer et ne proposent rien de neuf même quand ils ont à créer ou à requalifier un bout de ville. L’intérêt d’examiner le passé réside essentiellement dans le fait d’éviter de nouvelles erreurs. Mais pourquoi cette frilosité à l’innovation ? Est-ce que cela pourrait être encore compris comme une suite aux désillusions subies par de nombreux architectes et urbanistes en France juste après-guerre, période pendant laquelle le conventionnel et le conservatisme avaient bloqué tous les projets innovants et d’ampleur ? Est-ce qu’aucune idée de forme urbaine ne peut être proposée pour répondre à une nouvelle société durable, ou tout au moins plus vivable, et non pas seulement économique ? Pourtant nombreux sont les projets urbains où s’inscrivent des volontés de nouvelles urbanités (jusqu’aux villes offshores ou sous-marines) mais on ne voit pas beaucoup de propositions se concrétiser  ! La seule démarche -9-


significative semble concerner une échelle supérieure administrative d’aménagement, la métropole. À cette échelle, dès les années 1970, on promeut des centralités périphériques qui seront les bases de la ville archipel (j’y reviendrai), mais on y a repris tous les standards classiques de l’urbanisme.

2. Du désurbanisme à la charte d’Athènes ! Dès la fin du 19e siècle, l’hygiénisme et le mythe de l’espace vert tendent à proposer la cité jardin. La pensée, surtout anglo-saxonne (mais qui sera quand même influencée par les phalanstères de Fourier), propose le remplacement des grandes cités industrielles par une « synthèse de la ville et de la campagne ». Ebenezer Howard en a été le précurseur avec ses projets près de Londres où la structuration de la ville devait intégrer maîtrise d’un foncier à faible densité et espaces publics organisés. On a appelé ce type de projet urbain, le « désurbanisme ». Il est dommage que cette utopie qui consiste à inverser les flux vers la ville attractive et de développer des cités nouvelles (cités satellites vertes) soit désignée par un terme négatif. En fait, l’idée a alors été de s’opposer à un urbanisme progressiste où le logement est l’unique centre - 10 -


d’intérêt. Les formes de ces projets de désurbanisme ont été variées mais peu mises en œuvre. Les villes linéaires (projets de Soria en Espagne ou « les bandes de colonisation » des pays nordiques), les cités satellites (par exemple autour de Londres, de Phoenix, ou à Stains près de Paris) ou encore les ceintures vertes de Jacques Gréber n’ont pas eu le succès escompté et, en 1930, c’est l’universalité des grands ensembles et des « banlieues » qui est reconnue. La charte d’Athènes qui prônait la ville verte avec son hygiénisme (espace vert, soleil, etc.) a été traduite d’emblée par Le Corbusier à travers un zonage fonctionnel. Le découpage de la ville en quartiers selon des fonctionnalités différentes (vie, loisirs, travail) a été un massacre dans le concept d’aménagement cohérent et des multifonctionnalités attendues des espaces pour une durabilité des organisations. C’était la porte ouverte à la suprématie des transports (et surtout des voitures) et à un étalement permis par les mobilités. Deux exemples extrêmes illustrent cette réalité : celui des « banlieusards » vivant dans des cités à l’est de Paris mais travaillant journellement à l’ouest ou bien celui de Lisbonne qui a perdu presque 30 % de ces habitants en 30 ans mais qui double sa population pendant la journée. On ne s’étonnera pas de découvrir que des lobbyistes automobiles comme Ford ont activement participé à l’urbanisme américain. - 11 -


pour la ville biodiversitaire

Changer pour un urbanisme inventif, écologique et adaptatif

Pour atteindre une durabilité, la ville ne peut pas se contenter de l’urbanisme actuel. Il lui faut intégrer plus fondamentalement la biodiversité et les services écologiques qu’elle fournit. Il y va des régulations thermiques, des limitations de pollutions… mais aussi des ambiances et qualités de cadre de vie. Seule une reconsidération de la place et de la qualité de la nature en ville peut rendre acceptable les densifications et les suppressions de voiture en ville. « La biodiversité ne doit pas être seulement un accessoire indispensable à l’urbanisme, comme l’éclairage public par exemple, mais un véritable élément de planification au même titre que la mobilité ! »

Philippe Clergeau est professeur au Muséum national d’histoire naturelle et

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