Les Araignées

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Nature

Espace des sciences

Les Araignées Alain Canard et Frédéric Ysnel

Les Araignées

Éditions Apogée ISBN 978-284398-319-1 9,80 euros TTC en France

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Nature

La France est le pays d’Europe qui accueille la plus grande diversité d’araignées… mais la coexistance est rarement pacifique. La peur ou la fascination que suscitent les araignées sont souvent le fruit d’une méconnaissance et de clichés tenaces. Avec rigueur et simplicité, découvrez au fil de ces pages la biologie et les mœurs de ces êtres étonnants qui pourraient bien devenir nos alliés grâce à leur venin et ses applications médicales ou encore grâce à leur soie, aussi solide que l’acier !

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Beaucoup d’idées fausses ! Les araignées nous laissent rarement neutres. Nous avons beaucoup d’idées les concernant, mais ces idées sont souvent fausses. Un animal pourvu de longues pattes, velu, sombre, de taille relativement grande et par exagération, parfois considéré comme gigantesque, alimente forcément les fantasmes. Il présente aussi quelques caractères inquiétants : rapide, agressif et certainement dangereux. En réalité, les araignées n’ont pas toutes l’aspect des Tégénaires des maisons et leur biologie ne se résume pas à celles des veuves noires ou des mygales dont la dangerosité est plus légendaire qu’effective. Certaines espèces présentent des couleurs et des formes d’une élégance certaine et le venin des araignées ne correspond pas au poison que l’on croit. Les invasions d’araignées, dans les maisons, à l’automne, correspondent à la période de reproduction des Tégénaires. Les mâles recherchent les femelles et essaient de pénétrer dans tous les interstices qu’ils rencontrent. Ils se déplacent vite ce qui augmente encore la crainte qu’ils inspirent. Mais ils ne Araignée-crabe (Synema globosum).

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Toile d’Épeire diadème.

Épeire alsine (Araneus alsine), animal qui serait très visible s’il n’était caché dans une feuille repliée.

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Quelques caractéristiques originales Un univers sensoriel particulier L’environnement sensoriel des araignées est visuel pour quelques espèces mais il est surtout tactile, vibratoire et odorant. Les araignées possèdent presque toutes six (Haplogynes) ou huit (Mygales, Entélégynes) yeux. Il s’agit d’yeux simples constitués de lentilles, renflements translucides du tégument et, sous ces lentilles, d’une couche de cellules avec une rétine. Les yeux sont souvent organisés en deux rangées de quatre, permettant de les nommer suivant le croisement des lignes (antérieure-postérieure, latérale-médiane, droite-gauche). D’une façon générale, les yeux servent principalement à détecter les ennemis, et peuvent percevoir une grande partie de l’espace devant, sur les côtés, en arrière et au-dessus des araignées. Ils sont sensibles à la lumière polarisée et permettent à plusieurs espèces de s’orienter lors de leurs déplacements. Parmi les araignées chasseresses, les Salticidés ont des yeux médians antérieurs particulièrement grands et leur rétine, munie de nombreuses cellules, peut être déplacée par des muscles latéraux ce qui augmente leur angle de vision. En regardant les yeux d’une araignée, on peut en déduire, lorsque certains sont beaucoup plus grands que d’autres, que l’espèce utilise la vue pour la chasse et lorsque les médians antérieurs sont très brillants, que l’espèce est nocturne. Les cavernicoles sont souvent aveugles ou ont des yeux en nombre réduit.

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Les yeux antérieurs d’une araignée chassant à vue, le mâle de la Salticide Saitis barbipes.

CHAMPS DE VISION (SALTICIDE) zone de perception des distances

Ci-dessus : Champs de vison d’une Salticide. Ci-contre : Les yeux, petits, d’une araignéecrabe (Thomisus onustus) chassant à l’affût.

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PATTES AMBULATOIRE & ORGANES SENSORIELS 2 mm

Sur les pattes-mâchoires et les pattes ambulatoires, il existe des soies dont certaines reconnaissent par contact diverses substances chimiques (chémorécepteurs). Elles correspondent

organe lyriforme

au sens du goût (contact) et indiquent aux araignées si les proies sont appétissantes ou à rejeter (ex. : punaises, mille-pattes, fourmis,…), ou si des phéromones (messagers chimiques entre individus) sont présentes dans les fils de déplacement (ex. : araignées-loup). Il existe d’autres chémorécepteurs, à raison d’un sur

trichobothrie

la face supérieure de chaque tarse (organes tarsaux). Ils permettent aux araignées de reconnaître à distance les odeurs, c’est-à-dire les substances volatiles telles les phéromones que libèrent

organe tarsal

les femelles. Des structures en fente

Pattes ambulatoires et organes sensoriels.

disposées isolément (lyrifissures) ou en série (organes

lyriformes) sur le tégument, surtout près des articulations, renseignent l’araignée sur la position de son corps dans l’espace (propriocepteurs). Des soies dressées renseignent sur les contacts du corps avec l’environnement (thigmotactisme). D’autres récepteurs mécaniques (mécanorécepteurs) sont constitués de soies particulièrement longues, dressées sur une membrane tendue dans une cupule du tégument, innervées par en dessous ; ce sont les trichobothries. Elles sont sensibles aux mouvements de l’air et plus précisément aux vibrations telles celles que peuvent provoquer des insectes ailés, en particulier les Diptères.

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Disposition des yeux caractéristique des araignées loups (Arctosa fulvolineata).

Pour se nourrir : seulement du « liquide » Les araignées n’ingèrent que de la nourriture liquide et rejettent les particules de taille supérieure au micron. Il y a une prédigestion de la proie hors de l’araignée assurée par le venin (composante digestive) et par une salive parfois abondante. Certaines espèces n’aspirent ensuite que le résultat de cette prédigestion et la proie peut sembler alors intacte, mais vide. D’autres malaxent les proies au moyen de leurs chélicères et les découpent grâce à une scie présente sur les lames masticatrices des pattes-mâchoires (serrula). Un filtre de soies dressé de part et d’autre de l’ouverture buccale (scopula) empêche les particules de fortes tailles de franchir la bouche. Puis dans le pharynx, en fente très large et plate, un tapis multidenté filtre aussi les particules. L’aspiration du bol alimentaire est assurée par l’intestin antérieur. Une large poche, formée de plaques, constitue le « jabot aspirateur » qui fonctionne en pompe aspiranterefoulante. Le jeu combiné des plaques animées par des muscles et de deux valves stomacales permet ce fonctionnement. À l’élargissement du jabot, la

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L’araignée sauteuse Menemerus semilimbatus s’attaque à plus gros qu’elle.

Les araignées-lynx (Oxyopes) chassent le jour dans la végétation.

Actives la nuit, les Miturgides (Cheiracanthium erraticum) chassent dans la végétation.

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griffes mais sont incapables de s’accrocher aux surfaces lisses d’où le piégeage de ces araignées dans les lavabos ou les baignoires. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, elles en ressortent car l’on peut trouver dans le commerce des échelles à araignées ou avoir des indications pour les construire ! Les araignées sont toutes prédatrices. Elles sont opportunistes et les spécialisations strictes sur un type de proies sont très rares. Parmi les quelques espèces spécialisées, les Zodarion (Zodariidés) se nourrissent exclusivement de fourmis et quelques genres comme Zora (Zoridés), Ero, et Mimetus (Mimétidés), cannibales, ne capturent que d’autres araignées. Lorsqu’une araignée repère une proie, elle évalue dans un premier temps sa taille. Si les proies sont trop grandes ou se défendent trop violemment (araignées à toile) ou si elles sont trop petites, il n’y pas d’attaque. Dans les autres cas, il y a essai de capture et contact. Certaines de ces captures sont rejetées après contact car elles émettent des produits répulsifs ou toxiques (glandes répugnatoires ou autres sécrétions). Si le processus se poursuit, il y a immobilisation par le venin et/ou par « emmaillotage » (l’araignée entourant sa proie de couches épaisses de soie). Les modes de chasse des araignées sont assez nombreux. Il est possible de les présenter en suivant une typologie pratique mais qui n’est en rien le reflet d’une quelconque évolution. On peut distinguer des araignées errantes qui ne construisent pas de toile de celles dites « sédentaires » qui en construisent.

Araignées errantes Les errantes se déplacent pour attraper leurs proies ou effectuent des affûts. Les repérages s’effectuent au cours de déplacements, en utilisant la vue pour les diurnes ou plutôt par contact pour les nocturnes.

La chasse à la course Elle concerne des espèces aux déplacements rapides qui poursuivent leurs proies après les avoir détectées visuellement. Ce sont au sol les araignées-loup (Lycosidés) et dans la végétation, les araignées-lynx (Oxyopidés) et les araignées-sauteuses (Salticidés). En période d’inactivité, les individus se blottissent

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Araignée-crabe (Misumena vatia) et sa proie.

au sol ou dans des anfractuosités, certains (Salticidés) construisent une loge de soie épaisse pour se protéger. Plusieurs espèces sont constamment errantes (Pardosa spp.) mais d’autres restent pratiquement toujours aux mêmes emplacements (Pisaura mirabilis).

La chasse nocturne Cachées le jour, souvent au sol et parfois dans la végétation (écorces, rameaux), protégées à ces moments par une loge de soie lâche (Dysdéridés, Miturgidés, Gnaphosidés) ou épaisse (Clubionidés), ces araignées sortent la nuit. On les trouve alors errantes au sol (Dysdéridés, quelques Gnaphosidés) ou dans la végétation (Miturgidés, Clubionidés), souvent les pattes antérieures levées, auscultant devant elles. Elles peuvent parcourir en une nuit des distances de plusieurs centaines de mètres si elles ne trouvent pas de proies. Leurs yeux, lorsqu’ils sont éclairés par une forte lumière, réfléchissent cette lumière (yeux réfringents) ce qui permet de les repérer de loin.

La chasse à l’affût ou en embuscade Ces espèces effectuent de longs affûts sur des sites particuliers très fréquentés par des proies : lignes de passage au sol, fleurs,… Les araignées-crabe (Thomisidés) chassent de cette façon, leurs deux paires de pattes antérieures particulièrement longues par rapport aux postérieures, augmentent leurs

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possibilités de captures mais ne leur autorisent qu’une marche latérale comme les crabes. Les espèces au sol sont brunes (Xysticus, Ozyptila) et se placent au bord des lignes (« chemins ») que suivent les arthropodes à la base de la végétation et y capturent les « passants ». Celles situées sur la végétation, parées de couleurs vives, sont capables d’adaptations chromatiques. Ces adaptations sont assez lentes, ainsi la plus rapide, la transformation vers une couleur jaune, nécessite plusieurs heures. Il apparaît que lorsque certaines espèces sont présentes sur les fleurs, il y a un plus grand nombre d’insectes à venir sur ces fleurs. Au moment de la maturité des étamines, les fleurs sont plus colorées dans la gamme des ultraviolets et la couleur de certaines araignées-crabes, émettant dans cette gamme, miment les fleurs à étamines matures, ce qui attire plus les insectes.

Quelques types particuliers d’errantes L’araignée-cracheuse (Scytodes thoracica, Scytodidés) dispose de glandes à venin qui, en plus de leur sécrétion habituelle, élaborent une substance collante que l’araignée projette à distance sur ses proies qu’elle immobilise ainsi. Elle est active la nuit, son aire de distribution, méridionale, est étendue vers le Nord dans les constructions humaines (habitations, hangars,…) protégées des rigueurs de l’hiver.

L’araignée cracheuse (Scytodes thoracica) est commune dans les constructions humaines.

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Que ferions-nous sans elles ? Si les araignées sont parfois peu appréciées, c’est plus en raison d’a priori négatifs que de critères objectifs. Et, lorsqu’elles sont mieux connues, une objectivité minimale nous contraint à reconnaître que non seulement ce ne sont pas les êtres dangereux que prétend la rumeur collective mais des animaux dont l’écologie, la biologie ou le comportement sont intéressants. Une brève initiation au groupe indique que leur aspect, loin d’être uniforme, comprend même des espèces que l’on peut trouver très esthétiques. Ce sont aussi des animaux bien plus important qu’il n’y paraît. Dans tous les milieux terrestres qu’elles colonisent, leurs différentes adaptations permettent la coexistence, dans un même biotope, de nombreuses espèces soit car elles se remplacent au cours des cycles annuels ou nycthéméraux, soit du fait qu’elles exploitent les ressources en proies de façon très différentes (modes de chasse). Leur importance dans les équilibres écologiques est donc particulièrement grande car ce sont aussi les plus importants régulateurs des populations d’insectes. En raison à la fois de cette large distribution et de leur abondance, elles se révèlent être de très bons bio-indicateurs pour évaluer les milieux, leur état et les modifications qu’ils subissent. Les recherches à but appliqué qui se poursuivent à travers le monde à leur propos sont très prometteuses pour nos sociétés car si leur emploi en protection des cultures est encore peu développé, l’étude de leurs venins a permis et permettra encore de fabriquer des molécules utiles pour la lutte contre certaines maladies. Enfin, lorsque la course actuelle à la fabrication d’une soie identique à celle des araignées aura abouti, nous disposerons d’une matière exceptionnelle aux usages multiples.

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Sommaire Qu’est-ce qu’une araignée?

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Beaucoup d’idées fausses!

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Depuis quand et où les trouve-t-on?

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Quelques caractéristiques originales Un univers sensoriel particulier Pour se nourrir : seulement du «liquide» Un double système respiratoire et un système circulatoire ouvert

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Le venin et l’aranéisme

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La soie et les industries de l’araignée Les filières et la sécrétion de soie L’usage de la soie par l’homme

37 37 39

L’accouplement et la ponte Encore des carcatères originaux Un accouplement à haut risque Des soins à la ponte ou aux jeunes Une croissance entrecoupée de mues Cycles et durée de vie

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Locomotion et modes de chasse 49 Araignées errantes 51 La chasse à la course 51 La chasse nocturne 52 La chasse à l’affût ou en embuscade 52 Quelques types particuliers d’errantes 53 Araignées à toile 55 Les toiles en réseau 55 Les toiles en nappe 55 Les toiles en tube 56 Les toiles géométriques 56 Pour vivre heureuses, elles se cachent... ou s’exposent

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Que ferions-nous sans elles?

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Éditions Apogée 11, rue du Noyer 35000 Rennes T 02 99 32 45 95 • F 02 99 32 42 98 apogee.rennes@wanadoo.fr www.editions-apogee.com Dépôt légal : septembre 2008 Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie Barnéoud, Bonchamps-lès-Laval, Mayenne.


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