Pierre Lefèvre
Pierre Lefèvre
L’association Xsitu a pour objet de faire connaître les pensées et les travaux des acteurs de l’architecture, des arts, du design, du paysage, de la ville et des territoires par des expositions et des éditions. Animée par Philippe Guillemet & Marc Vaye, enseignants à l’École spéciale d’architecture, elle a notamment produit « Dessins d’architecture/Shin Takamatsu » 1988, « Luis Barragan architecte du silence » 1992, « Séquences d’études/Christian de Portzamparc » 1996, « Impressionnisme urbain/Roland Castro, Sophie Denissof » 2000, « Allons en ville / François Grether » 2004, « Le client, l’architecte et le menuisier/Fabienne Bulle » 2008.
À travers une présentation approfondie de quarante-cinq édifices exemplaires et d’autres réalisations urbaines riches de potentialités, l’auteur a voulu partager les connaissances acquises ces vingt dernières années au contact des architectes européens précurseurs de l’architecture urbaine durable, en Angleterre, Allemagne, Hollande, Espagne, Italie et bien sûr, en France. Le choix a été opéré de manière à couvrir les secteurs de construction et les champs d’expérimentation les plus significatifs : équipements scolaires, habitats, bureaux, îlots urbains, écoquartiers, agences de l’environnement et centres culturels. Parce que les territoires urbains ne peuvent gagner en économie de ressources et en qualité d’usage qu’à partir d’une architecture et d’un art de bâtir profondément novateurs, ce livre affirme la nécessité de rompre avec une conception bucolique, nostalgique et fragmentaire d’une architecture durable se limitant à une série de résidences secondaires ou d’équipements décoiffants construits dans de merveilleux sites naturels ou loin de la ville.
www.xsitu.net
Ressources de l’architecture pour une ville durable
Ressources de
l’architecture
pour une ville durable
Pierre Lefèvre est architecte praticien, animateur d’ateliers d’habitants de 1974 à 1987 et enseignant chercheur à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris la Villette de 1975 à 2007. En 2000, il initie avec l’ARENE le concours « L’Esquisse verte ». En 2005, il participe à l’exposition « Nouveaux paris » à l’Arsenal. De 1995 à 2005, il est consultant HQE des ateliers Jean Nouvel. Il a notamment publié Voyages dans l’Europe des villes durables (éditions PUCA/CERTU, 2007) et Les Écoquartiers (éditions Apogée, 2009).
25 € TTC Éditions Apogée ISBN 978-2-84398-404-4
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Cet ouvrage accompagne l’exposition « Ressources de l’architecture pour une ville durable » Producteur : ENSA Paris-Belleville Avec le soutien de MEDDTL, CNRS, Saint-Gobain Exposition proposée par Pierre Clément Auteur : Pierre Lefèvre Conception graphique et scénographique : Xsitu/Philippe Guillemet & Marc Vaye ---------------------------------------------------------------------------------Mes remerciements vont aux véritables auteurs de ce livre que sont les cinquante équipes de créateurs qui ont bien voulu mettre à disposition les plans, coupes et photographies illustrant leurs œuvres. Sans l’aimable coopération des équipes de concepteurs, ce livre n’aurait pas pu exister. Si ce livre incite de jeunes générations d’architectes, d’ingénieurs ou d’universitaires à profiter de l’ère de créativité qui s’ouvre à eux, ni l’exposition ni ce livre qui en constitue le catalogue n’auront été vains.
En couverture : © Mario Cuccinella, Agence de l’énergie de Ningbo. © Alan Short, Maison de la construction à Pékin. © Éditions Apogée, 2012 ISBN 978-2-84398-404-4
Pierre Lefèvre
Ressources de l’architecture pour une ville durable
Éditions Apogée
Sommaire Préface. Pierre Clément Introduction. Jean-Pierre Bobenriether, directeur de l’ENSA Paris-Belleville
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Éditorial. La ville des quatre saisons Quatre décennies d’architecture bioclimatique Hiver. S’insérer en ville Hiver. S’isoler Printemps. Espaces tampons Printemps. Double peau Été. Se protéger Été. Structure creuse Été. Microclimats Automne. Construction hybride Automne. Réhabilitation
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Écoquartier Reconstruire la ville sur elle-même La nature en ville Ressources humaines
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L’enseignement de l’architecture et les question environnementales, Christian Enjolras 120 Les enseignements de l’ENSA Paris-Belleville, Christian Enjolras 121 Maquettes « climats et enveloppes », Christine Simonin 122
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Quatre décennies d’architecture bioclimatique Les années 70
Les années 80
En Occident, les années 70 sont marquées par un début de prise de conscience des risques d’épuisement des ressources de la planète. Une jeunesse contestataire se révolte contre la société de consommation et se mobilise La Gueule ouverte en faveur de la planète. Des décideurs de l’industrie, de l’économie et experts en prospective lancent une alerte argumentée : le club de Rome s’inquiète de la gravité d’un télescopage imminent à l’échelle de la planète, entre la croissance démographique, le développement économique et celui des pollutions environnementales. Face aux crises écologiques et économiques annoncées, quelques militants quittent la ville pour inventer une nouvelle société durable en rase campagne. L’architecture bioclimatique sort de terre dans le désert californien ou en province française, sous le double signe de la maison autonome et de la contre-culture. En 1974, de retour d’un voyage d’étude en Californie, deux jeunes français étudiants en architecture, Marc Vaye et Frédéric Nicolas, alternent les calculs et les personnages de la BD pour convaincre du bien-fondé de l’architecture bioclimatique. Bientôt rejoins par Jean-Pierre Traisnel, ils publient La Face cachée du soleil qui connaît un grand succès éditorial. Fin 1973, la première crise du pétrole commence à crédibiliser les prévisions du Club de Rome. En 1974, à la suite d’une première réduction de la production de pétrole, le prix du baril a quintuplé. En Europe, l’architecture bioclimatique attendra la décennie des années 80 pour avoir pignon sur rue. Quatre réalisations précurseurs en témoignent ci-dessous.
Banque ING, Amsterdam Ton Alberts & Max Van Huut, 1983/1986 Les dirigeants de la grande banque NMB (devenue ING depuis) choisissent, en 1983, une équipe de jeunes architectes anthroposophes, Ton Alberts & Max Van Huut, pour construire leur nouveau siège à Amsterdam, en limite sud-est du centre ancien. Plutôt que d’implanter une barre d’immeubles le long du périphérique sud d’Amsterdam, les architectes ont fractionné le programme en créant dix tours de dix étages chacune. Chaque niveau est configuré en forme de vertèbre. Selon l’architecte Ton Alberts, « les formes organiques peuvent offrir des solutions aux problèmes techniques ». Les orientations des façades sont diversifiées afin d’éviter les parallélismes qui génèrent des phénomènes de réverbération. Les façades légèrement inclinées renvoient le bruit du boulevard périphérique vers le ciel. La fragmentation de l’ensemble en différentes facettes permet d’augmenter le nombre des façades ensoleillées. Elle permet également de briser l’impact du vent. Selon Ton Alberts, « ce modèle biologique conduit naturellement à un niveau favorable de consommation énergétique » : 96 kW/h/m2/an au lieu des 700 kW/h/m2/ an de consommation moyenne d’énergie en Hollande, à l’époque, dans le secteur tertiaire. Les architectes ont donné à la banque des formes fluides, de préférence construites en matériaux naturels comme la brique et le bois, le tout agrémenté de jardins et de jeux d’eau créés au-dessus des parkings par Jorn Copijn, un des paysagistes et horticulteurs les plus réputés de Hollande.
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Banque ING, Amsterdam
Des placettes intérieures ont été ménagées au centre de chaque tour. Elles servent à la fois de puits de lumière et de cheminées de ventilation ponctuant une rue intérieure qui dessert une grande salle de conférence et quatre restaurants. Cette rue est devenue une galerie d’art où sont exposées des œuvres de créateurs réputés. Les mains courantes des escaliers d’entrée sont en bois creusé en forme de rigole où circule de l’eau comme dans les jardins de Grenade. Cet édifice qui symbolise la synthèse des arts, compte, chaque année, des milliers de visiteurs. Lors d’un référendum organisé par la presse en 1989, cet édifice a été désigné comme étant le bâtiment hollandais le plus intéressant construit depuis 1970. Les critiques le considèrent comme étant un exemple d’expressionnisme rationaliste s’inscrivant dans la tradition de Bruno Taut. Schafbrühl, Tübingen Joachim Eble, 1984/1985 À 60 km au sud de Stuttgart, le premier chantier européen d’écoconstruction s’ouvre en 1984, au Schafbrühl à Tübingen, ville universitaire du sud de l’Allemagne. Comme la banque ING d’Amsterdam, le Schafbrühl se réfère à la philosophie anthroposophique de Rudolf Steiner qui plaide en faveur d’une relation étroite et harmonieuse entre l’homme et la nature. Cette philosophie a inspiré une architecture et un urbanisme qui ont clairement anticipé sur les exigences environnementales certifiées d’aujourd’hui. Le Schafbrühl est un ensemble de 110 logements implantés sur 1,3 hectare. Bien que sa densité, de 85 logements à l’hectare, soit comparable à celle du
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Schafbrühl, Tübingen Joachim Eble, 1984/1985
centre d’une petite ville européenne traditionnelle, le visiteur a le sentiment de se promener dans une campagne ombragée, le long d’un ruisseau qui suit la pente du terrain. Ce parcours aquatique mis en place par le sculpteur d’eau Herbert Dreiseitl, structure l’implantation des immeubles. Les eaux pluviales collectées depuis les toits sont stockées dans un bassin à ciel ouvert riche d’une grande biodiversité. L’automobile est stationnée en périphérie et sur un parking mutualisé avec le groupe scolaire riverain. Les appartements sont répartis en neuf immeubles de quatre à seize logements chacun. Le chantier vert fut un laboratoire de l’écoconstruction. Le corps des bâtiments est construit en briques monomur revêtues d’enduits à la chaux. Des duplex occupent les deux derniers niveaux dont l’un placé sous la charpente du toit. La toiture protège les façades nord tandis qu’au sud, elle s’arrête plus haut pour exposer à l’ensoleillement ses jardins d’hiver vitrés. L’architecture se voulait moderne mais avec des citations médiévales, inscrite dans une continuité historique riche en irrégularités « rien de trop droit, rien de trop régulier ». À partir d’une approche artisanale, Eble, l’architecte voulait retrouver l’atmosphère d’un village de vacances. École d’Architecture de Lyon, Vaulx-en-Velin Jourda & Perraudin, 1981/1987 En France, au début des années 80, la pratique des concours se généralise pour les édifices publics. En 1981, l’équipe Jourda & Perraudin gagne le concours organisé pour la réalisation de l’école d’architecture du Grand Lyon au centre-ville de Vaulx-en-Velin. Les deux architectes ont 25 ans. Ils font face à un programme classique qui énumère les salles et leurs dimensions dont la minutie surprend d’autant plus que personne ne savait, à l’époque, ce que devait être l’enseignement de l’architecture. Les deux architectes décident de faire du projet un instrument pédagogique en soi qui témoignera de ce que devrait être l’exercice de l’architecture après l’écroulement du système académique des BeauxArts. Pour résoudre l’écartèlement entre les contraintes techniques, le rêve immatériel et la commande sociale, l’équipe choisit le mythe d’Icare et Dédale, celuici symbolisant l’enfermement tandis que celui-là
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symbolise le désir d’envol. Le projet se compose d’un socle lourd où se trouvent les salles d’enseignement, la bibliothèque et les services, au-dessus duquel une structure arachnéenne abrite les ateliers. Le métier d’architecte comprend un troisième aspect important : le facteur humain. « L’architecte bien qu’étant un créateur sinon un artiste, est confronté aux autres en permanence et doit répondre de sa vision du monde vis-à-vis de la société. C’est un homme public », nous rappelle Hélène Jourda. Le plan de l’école est organisé de part et d’autre d’une rue intérieure qui mène à une placette autour de laquelle sont regroupés les bureaux de l’administration. Ces deux espaces semipublics sont très vite devenus des lieux de rencontre et d’échange essentiels dans la vie de l’école. « La question que nous nous étions posée était celle de École d’Architecture de Lyon, Vaulx-en-Velin
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Hiver S’insérer en ville Les synergies La ville existante offre ses ressources à tout projet qui s’y construit : accès aux réseaux d’assainissement, accès aux transports publics (métro, tramway, bus), accès aux réseaux d’eau, de gaz et de chaleur, sans compter la qualité de vie en société. L’environnement construit, notamment l’épannelage des immeubles préexistants et les mitoyennetés, contribuent à protéger le nouvel édifice de la violence des intempéries. On sait que, en hiver, le microclimat urbain est moins froid en centre-ville qu’en périphérie. Par contre, en été, la température du centre-ville, victime de ce que les géographes appellent « l’îlot de chaleur », excède de 5 à 8 °C la température des campagnes environnantes. Il faut donc veiller à casser l’îlot de chaleur, principalement grâce à des plantations. En contrepartie de ses avantages, le contexte urbain génère des contraintes de vis-à-vis, d’ombres portées et de niveau sonore. Par sa configuration en plan masse, le nouvel édifice réussit ou pas à capter l’ensoleillement, la lumière extérieure, l’air non pollué (en toiture ou en façade donnant de préférence sur un square ou un espace planté). Toute nouvelle construction profite des ressources du cadre urbain dans lequel elle s’insère. Par les plantations qu’elle installe, elle réintroduit une certaine biodiversité. Les végétaux ou les toits verts absorbent une quantité notable de poussières et combattent l’îlot de chaleur qui nuit à la santé des personnes les plus fragiles, enfants et personnes âgées. Tout nouveau bâtiment a une incidence sur les microclimats urbains. La ville de Stuttgart l’a compris et interdit l’implantation
d’édifices de grande hauteur susceptibles de faire écran aux flux d’air qui ventilent parcimonieusement la cuvette du centre-ville en été. Cette même ville oblige les constructeurs à traiter en toit vert une partie des toitures de façon à combattre l’îlot de chaleur par l’évapotranspiration des plantations. Dans les éditoriaux consacrés aux écoquartiers, on verra que la réhabilitation des friches urbaines telles que d’anciennes casernes, des entrepôts ou des sites industriels délaissés, contribue à réduire l’étalement urbain et à requalifier l’environnement dans lequel il s’insère. En contrepartie, elle doit apporter une plus value au site urbain qui l’accueille.
L’unité de voisinage La première ressource est le sol de la ville, ses réseaux et sa capacité à stocker les eaux pluviales (avec ou sans nappe phréatique), sa chaleur en hiver et sa fraîcheur en été. La géothermie et les puits « canadiens ou provençaux » utilisent la température du sol pour préchauffer l’air extérieur en hiver et le rafraîchir en été. Depuis que les urbains se soucient d’économiser les ressources de la planète, tout renouvellement urbain « durable » se doit d’exploiter les ressources de son environnement proche : les mitoyennetés, les orientations, les densités et leurs ombres portées, les modes d’accès, les plantations, la nature des sols, la présence ou non d’une nappe phréatique, la proximité d’un cours d’eau, sont autant de paramètres dont le concepteur doit tirer le meilleur parti.
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Membres d’une équipe qui a initié le projet « Home for Change » réalisé à Manchester en 1997-1998 dans le cadre du City Challenge lancé par le gouvernement de Margaret Thatcher, David Rudlin et Nicolas Falk ont publié en 1999 un livre qui participe de l’évolution environnementale de l’urbanisme anglais à partir des années 90. L’objet central du livre est l’étude de la Sustainable Urban Neighbourhood qui peut se traduire par « unité de voisinage durable ». Le problème posé par la terminologie anglaise provient du fait qu’elle contient la notion de voisinage aux deux sens du terme, à la fois sociologique et physique. Au seul niveau physique, Rudlin et Falk pensent qu’une urbanisation ne peut être techniquement durable qu’à partir de 10 000 habitants, notamment à cause du seuil de rentabilité du tramway mais aussi pour acquérir une mixité et une identité urbaine nettement perceptibles. Mais si l’on s’en tient au seul concept social, les urbanistes de l’agence Urbed assimilent l’îlot urbain durable qu’ils ont réalisé à Manchester à une Sustainable Urban Neighbourhood sans pour autant le dissocier des 45 hectares du faubourg de Hulme et de ses 4 500 habitants à terme. L’estimation chiffrée de la « communauté durable » s’avère très élastique. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui le caractère durable d’une opération urbaine dépend fondamentalement de son mode d’implantation identitaire à l’intérieur de la ville existante.
La trame urbaine Aux yeux du thermicien, l’orientation des bâtiments est essentielle alors qu’aux yeux des urbanistes, c’est leur insertion dans la trame urbaine qui compte avant tout. Pour réussir la configuration d’un projet, personne n’ignore qu’il faille, au préalable, identifier la trame urbaine préexistante, en analyser les modifications successives au cours de l’histoire puis l’adapter aux exigences du temps présent sans hypothéquer son évolution. C’est aux concepteurs de déterminer en quoi l’insertion d’un nouveau programme va devoir conforter le tissu urbain existant ou le modifier dans une perspective de développement plus durable. Qu’il s’agisse d’espaces publics, de cœurs d’îlot ou d’atriums intérieurs, tout nouvel ensemble construit
peut améliorer, par l’aménagement de ses abords, le quartier où il s’insère. Ceux qui reprochent à l’urbanisme solaire de banaliser la ville en privilégiant la trame nord-sud, sont mal informés ou de mauvaise foi. Rares sont les immeubles du fameux quartier Vauban de Fribourg-sur-le-Main qui ont une façade exposée en plein sud. L’orientation de la plupart des capteurs solaire disposés en toiture est indépendante de celle des bâtiments qui les portent. Rudlin et Falk s’interrogent sur le dimensionnement, « le grain » du ou des nouveaux îlots à construire. Se référant à leur îlot « Home for Change » de Manchester, mais aussi à la trame qu’ils préconisent à l’échelle des 45 hectares du faubourg de Hulme, ils ont une préférence pour un « grain urbain » d’environ 50 m d’épaisseur sur 120 m de longueur, ceci dans le cadre d’une densité optimale de 115 units/hectare, incluant les logements et les activités. Au-delà de cette dimension, ils estiment que les piétons ont trop de difficulté à contourner l’îlot, à moins que des passages transversaux n’en améliorent la perméabilité. Dans son projet du Port Marianne, à Montpellier, Nicolas Michelin propose un îlot d’un hectare qui, au lieu d’avoir un cœur renaturalisé comme en Scandinavie ou dans le vieil Amsterdam, est urbanisé par une version moderne de la médina constituée de groupements de logements imbriqués entre eux et de moindre hauteur que les immeubles périphériques. Cette urbanisation intérieure à l’îlot est desservie par des ruelles et des placettes étroites qui multiplient les ombrages bienvenus en climat méditerranéen.
Une typologie biodiversitaire Ces quinze dernières années, quatre îlots urbains conçus dans une perspective de développement durable apportent des réponses architecturales différentes à une problématique analogue. Situés à Neuchâtel, Hanovre, Manchester et Nuremberg, ils témoignent d’une grande latitude d’interprétation du concept d’îlot. Il n’existe pas une seule typologie caractéristique d’aujourd’hui, pas plus qu’il n’en a existé par le passé. L’îlot ouvert présenté comme étant caractéristique du dernier des trois âges de l’humanité constitue un raccourci sans fondement. Ce discours normatif rassure les administrations mais
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Norddeutsche Landesbank, Hanovre Stefan Behnisch, 1997/2002 Le projet de Stefan Behnisch a été retenu en 1996 parce qu’il était le seul à dégager un grand cœur d’îlot plutôt que plusieurs courettes étriquées et parce qu’il intégrait des dispositions environnementales convaincantes. Il correspondait au souhait du client de rompre avec la monumentalité attachée à ce type de programme, pour lui préférer une échelle humaine. Au stade des études, le client a demandé une extension. L’architecte a créé une tour qu’il a placée à l’intérieur de l’îlot de façon à éviter de lui donner une allure trop monumentale. Les vingt étages ont été traités de façon sculpturale. Cette tour qui monte à 80 m devient un signal qui enrichit la silhouette de l’îlot. La surface de plancher de la banque correspond à cinq terrains de football. Le bâtiment a été inauguré en 2004. Il est construit en structure métallique et verre (40 000 m2 de vitrage). L’architecte déclare avoir voulu faire un édifice qui soit à mi-chemin d’un green building et d’un pur high-tech. La caractéristique environnementale majeure de la Norddeutsch Landesbank est la création d’un microclimat en cœur de l’îlot. Il s’agit d’une volonté architecturale fondatrice à partir de laquelle l’ingénierie (ici, le bureau d’études Transolar Energie Technick Gmbh) peut faire des choix technologiques. Une ceinture continue d’immeubles de bureaux protège le cœur d’îlot de la pollution sonore et aérienne générée par une voie rapide à six voies, la Friedrichstrasse, située au droit de la façade nord de la banque. L’architecte a conçu le cœur d’îlot comme une oasis : un plan d’eau et un toit vert densément végétalisé créent un havre de fraîcheur en été. Sous ce toit vert central se trouve le restaurant, ouvert sur un bassin périphérique qui agrémente la vue sur l’extérieur et tempère l’îlot de chaleur. En façade nord, une double peau sert d’écran aux bruits de la voie rapide. Elle passe sous l’immeuble pour puiser l’air sain en cœur d’îlot puis le distribuer dans les bureaux exposés au bruit et aux gaz d’échappement du trafic routier. La température locale ne dépasse les 22 °C que pendant 5 % de l’année. Dans les planchers, de l’eau froide (géothermie) circule en période estivale pour éviter la surchauffe. Pendant les nuits d’été, l’air des bureaux est renouvelé cinq fois, ce qui contribue également à refroidir le bâtiment. La banque n’est donc pas climatisée. Il n’y a pas de capteurs photovoltaïques mais des capteurs thermiques pour chauffer l’eau utilisée en cuisine. En hiver, le chauffage par le sol des bureaux est desservi par le réseau de chauffage urbain. Par rapport aux bâtiments tertiaires réglementaires, les systèmes en place permettent d’économiser 1 920 tonnes de CO2 par an. En façade sud, des stores adaptables par chaque occupant permettent d’arrêter l’ensoleillement direct tout en orientant la lumière vers les plafonds réfléchissants. Les espaces intérieurs sont baignés de lumière. Les 1 500 personnes qui travaillent dans la banque se repèrent notamment grâce à la coloration différentiée des quelques rares cloisons opaques qui ponctuent les couloirs.
S’insérer en ville
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De Bonne, Grenoble Charron & Rampillon, 2007/2010 L’aménageur de l’écoquartier De Bonne, la société d’économie mixte SAGES, a lancé un concours pour la construction d’un immeuble tertiaire à très faible consommation d’énergie finale. Le maître d’ouvrage, la Foncière innovation, et les architectes Charon & Rampillon ont proposé un BEPOS qui produit plus d’énergie qu’il n’en dépense. C’est ce projet qui a été réalisé au cœur de l’écoquartier De Bonne et achevé fin 2009. Son volume cubique de 19 m de côté, se compose de quatre niveaux sur rez-de-chaussée, et d’une terrasse couverte. Les architectes se sont concentrés sur trois outils de la performance : une isolation par l’extérieur complétée par des fenêtres équipées de stores extérieurs et de volets intérieurs, une structure béton à forte inertie, une centrale photovoltaïque et une ventilation mécanique double flux avec pompe à chaleur. Les murs en béton de 16 cm d’épaisseur sont isolés par 20 cm de laine de verre. Ce manteau isolant est revêtu d’une membrane d’Alucobond tendu sur des gabarits en aluminium. Les architectes ont dû renoncer à créer une paroi luminescente pendant la nuit. Les fenêtres, dont la surface correspond à 22 % de celle des planchers, sont équipées d’un store extérieur et d’un volet intérieur basculant entre plafond et fenêtre (à l’instar d’une porte de garage). En se fermant la nuit, ce volet permet d’obtenir la même résistance thermique qu’une paroi pleine pendant la demi-journée la plus froide. Ce volet thermique réduit de 15 % la consommation d’énergie. Un système de fibres optiques optimise l’éclairage naturel au centre du bâtiment. La surface des faux plafonds est minimisée de façon à mettre en contact direct la masse des planchers avec l’air ambiant. Les planchers peuvent ainsi stocker les frigories apportées par la surventilation nocturne. Au-dessus de la terrasse un plateau de 425 m2 de panneaux photovoltaïques génère 47 500 kW/h/an, soit 28,74 kW/h/m2/an. Cette production est supérieure à la consommation totale d’énergie qui est de 24,5 kW/h/m2/an. En raison des subventions obtenues, le surcoût d’investissement n’est que de 10 %. L’eau de la nappe phréatique existant sous la ville de Grenoble sert au refroidissement d’été grâce à une pompe à chaleur. La ventilation mécanique contrôlée à double flux récupère 80 % des calories de l’air extrait en hiver. Les architectes ont voulu réaliser un bâtiment vivant, sensible, réactif, qui puisse percevoir les variations du contexte pour s’y adapter. En façade, les architectes ont souligné le rôle déterminant des fenêtres en les insérant dans des caissons en bois de formes diversifiées. Située à l’interface entre dehors et dedans, la fenêtre capte le soleil et s’en protège, éclaire sans éblouir, ventile tout en étant étanche. Chaque soir, le volet thermique est fermé par la gestion technique centralisée. Chaque matin c’est l’occupant qui l’ouvre.
S’isoler
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Printemps Espaces tampons Un amortisseur climatique Les variations climatiques caractérisent le printemps. Cette saison intermédiaire hésite entre la prolongation de l’hiver et le commencement de l‘été. Adossé à un édifice, l’espace tampon encaisse les chocs thermiques de courte durée et le protège des intempéries. Il joue le rôle d’un amortisseur destiné à réduire les écarts de température entre l’extérieur et l’intérieur. Que le climat soit continental ou tempéré, au printemps, quand les variations climatiques se succèdent à un rythme rapide, il faut veiller à ce que l’architecture, par ses volumes et ses matériaux, n’amplifie pas ces variations mais au contraire, les absorbe en partie. L’efficacité des espaces tampons vitrés culmine au printemps. En hiver ou en été, sur la longue durée, l’espace tampon perd sa capacité d’amortissement et son rôle de régulateur. En hiver, il finit par être presque aussi froid dedans que dehors. En été, il a tendance à s’échauffer d’autant plus vite que les surfaces d’aération s’avèrent souvent sous dimensionnées. Mal ventilé et en période de forte chaleur, l’espace tampon vitré devient plus chaud à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’éditorial consacré à la structure creuse expose quelques-unes des dispositions à prendre pour éviter l’inconfort estival dû à l’effet de serre. Sur la courte durée, les matériaux utilisés (selon qu’ils sont légers ou lourds, conducteurs ou non) amplifient ou réduisent les contrastes thermiques qui se succèdent. La température d’un espace construit en structure métallique va passer très rapidement du chaud au froid dès qu’un important nuage cache le soleil, et inversement du froid au chaud dès que le soleil réapparaît. Ce
qui est le cas, par exemple, des salles d’activités du lycée Jules-Verne réalisé en parois métalliques à Cergy-leHaut. Prétendant anticiper sur les temps futurs, certains équipements high-tech négligent la qualité de vie du temps présent. Les constructions en bois dotées d’un isolant à moyenne ou forte inertie s’échauffent moins vite. Moins il y a d’écart entre la température extérieure et la température de confort intérieur, moins l’espace tampon se justifie. Il est utile en climat continental, là où le contraste est important entre la nuit et le jour, entre un ciel ensoleillé ou couvert. En climat méditerranéen, les espaces tampons sont superflus et dangereux. L’effet de serre risque d’y être inévitable et redoutable. Dans les pays du sud, les espaces tampons sont d’autant plus inopportuns que les gens vivent dehors une grande partie de l’année. Par contre ils sont très utiles en climat océanique là où les intempéries sont fréquentes. Ainsi, dans le campus réalisé à Nottingham en l’an 2000 par les architectes Michael Hopkins & Partners, une série d’aulas vitrées disposées entre les bâtiments d’enseignement abrite des espaces de rencontre informelle et d’exposition de travaux universitaires.
Un amortisseur économique En termes de coût global, la notion d’amortissement financier s’avère d’autant plus pertinente que bon nombre de grandes verrières n’ont pu être réalisées qu’à partir du moment où elles jouaient un rôle de centrale de production d’électricité.
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Les verrières du campus de Nottingham portent des capteurs photovoltaïques qui produisent de l’énergie renouvelable tout en protégeant l’espace intérieur d’un excès d’ensoleillement. Au nord de la Ruhr, la grande serre du Mont-Cenis en grande partie couverte de piles photovoltaïques intercalées entre les vitrages, est devenue une centrale électrique qui produit 2 MW/an. L’usage de cette serre d’un hectare portée par une forêt de poteaux en bois massif est double. La grande serre, en partie couverte de piles photovoltaïques, abrite un vaste déambulatoire qui dessert toutes les composantes du programme privé et public. Le coût de la serre a pu être rentabilisé par la production de la centrale thermique qu’elle porte. L’atrium de l’Agence fédérale de l’environnement à Dessau, au sud de Berlin, comme la verrière de l’académie du Mont-Cenis, a été construit au nord de l’Allemagne. Dans les deux cas, ces espaces tampons vitrés de grande dimension bénéficient des déperditions des bâtiments intégrés. Au printemps, en cas de risque de surchauffe due à un ensoleillement passager mais intense, l’espace tampon absorbe la chaleur et limite la montée en température. C’est en plein été que le pire est à craindre et que l’espace tampon doit pouvoir s’ouvrir largement sur l’extérieur. Si l’espace tampon a une dimension climatique évidente et plus récemment, une dimension énergétique donc économique, cela ne doit pas occulter la troisième dimension qui est sociale : les verrières accompagnent le citadin dans son passage de l’extérieur à l’intérieur ou vice versa et favorisent les relations humaines dans un espace public protégé.
L’espace public couvert Lorsque le temps est variable, l’espace tampon devient un espace de rencontre plus convivial que ne l’est la rue ou la place, toutes deux exposées aux intempéries. Il peut être, tour à tour, un espace de détente réservé aux personnels d’une collectivité, ou un espace public formant parvis à des équipements collectifs. L’atrium de l’Agence fédérale de l’environnement remplit ces deux fonctions. Une moitié de la serre est utilisée comme lieu de détente et de communication des personnels, l’autre moitié est ouverte au public qui se rend à un spectacle
Campus Millenium, Nottingham Michaël Hopkins, 2000 ou à la bibliothèque spécialisée attenante à l‘agence. Lorsqu’il n’est plus adossé mais véritablement inclus dans l’édifice, l’espace tampon se transforme en galerie, en jardin d’hiver ou en patio vitré : autant de lieux susceptibles de réconcilier les employés du tertiaire avec leur espace de travail et leur entreprise. De nombreuses études anglo-saxonnes ont démontré qu’une part de
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l’absentéisme observé dans le secteur tertiaire est due aux mauvaises conditions de travail. Les halls traversant le siège de Genzyme ou la promenade intérieure de l’académie du Mont-Cenis ou de la banque NMB/ ING d’Amsterdam favorisent l’art de vivre sur les lieux de travail. Ces espaces de déambulation favorisent également le brassage des populations entre le grand public, la clientèle et les personnels des différents équipements ou grandes entreprises dont ils assurent l’accès. Certes, il existe le précédent des centres-commerciaux qui sont eux aussi des espaces semi-publics protégés. Pour être repensées en termes de développement durable, les grandes surfaces commerciales devraient être réintégrées dans la ville (à l’instar du nouveau centre commercial construit au cœur de Liverpool) et passer de la consommation illimitée des ressources à une gestion économe de l’éclairage, de l’énergie et de l’eau. Stefan Behnisch a ouvert le plan de rez-de-chaussée du siège d’Unilever sur les quais de l’Elbe d’un côté et sur la ville de Hambourg de l’autre. Mario Cucinella, invité à concourir pour le nouveau centre de recherche de la société Michelin, a proposé d’urbaniser le site en reliant entre eux les bâtiments traditionnellement posés sur le sol comme autant de boîtes isolées les unes des autres. Au concept d’un département de recherche fédérateur, Mario Cucinella a donné la forme urbaine d’une rue couverte par une verrière. Ce projet n’a pas été retenu et pourtant, en termes de développement durable, la rue réinventée pourrait revitaliser bon nombre de campus universitaires ou industriels. Concours centre recherche, société Michelin Mario Cucinella
Unilever, Hambourg Stefan Benisch
Académie du Mont-Cenis, Herne-Sodingen Jourda & Perraudin, 1993/1999 L’équipe Jourda & Perraudin gagne le concours organisé par l’IBA Emscher Park en 1993 en vue de construire un centre de formation à Herne-Sodingen. Ce centre ne sera réalisé qu’en 1999. Il aura fallu six années pour étudier la fiabilité du programme fonctionnel, du partenariat et de l’enveloppe microclimatique qui couvre les différents bâtiments : centre de formation, immeuble hôtelier, bibliothèque municipale, salle polyvalente et restaurant. Les architectes ont réussi à démontrer qu’il était possible de créer, au nord de l’Allemagne, un microclimat équivalent à celui de Nice. L’hiver, dans la serre qui
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n’est pas chauffée, la température ne descend jamais en dessous de zéro grâce notamment aux déperditions caloriques des bâtiments intégrés et à l’ensoleillement. En été elle n’excède pas celle de Nice. L’équipe de maîtrise d’œuvre a répondu au programme européen Joule et obtenu un contrat de recherche pour calculer avec précision les mouvements d’air à l’intérieur de la serre. Des études en soufflerie ont permis de déterminer à quelle hauteur des façades il fallait installer des ouvrants pour créer des flux traversant. En haut de la serre, la couche d’air chaud est résorbée par l’ouverture de châssis à projection. L’imperméabilité de la serre a fait l’objet d’études approfondies, notamment avec les entreprises concernées. Une hésitation perdurait quant à la répartition entre double et simple vitrage. Après modélisation, la serre est en simple vitrage tandis que les bâtiments sont dotés de double vitrage. Le rapport entre le volume de la serre et celui des bâtiments qu’elle abrite, le rapport entre la hauteur de la serre et sa largeur, ont fait l’objet d’études approfondies. Pour éviter la surchauffe estivale, la serre du Mont-Cenis a été dotée d’un important bassin d’eau et d’un épandage volumineux de galets au pied des bâtiments construits à l’intérieur de la serre. Ces masses peuvent être rafraîchies la nuit par une ventilation forcée. Elles rétrocèdent leurs frigories dans la journée. Des escaliers de secours qui desservent les locaux techniques en sous-sol sont utilisés comme puits canadiens. En temps normal, au Mont-Cenis, le principe de la ventilation naturelle consiste à capter l’air en partie basse des façades par de nombreux ouvrants, et à l’extraire par de nombreux châssis à projection ménagés dans la toiture, à 15 m du sol. Le quartier environnant est chauffé par le gaz méthane qui provient de l’ancienne mine de charbon sur laquelle l’académie a été construite. En plein été, il n’y a aucun système de climatisation hormis dans la partie basse (semi-enterrée) de la bibliothèque pyramidale. Les eaux de pluie récupérées en toiture alimentent les sanitaires et servent à l’entretien du bâtiment. Cette académie constitue l’une des réalisations les plus spectaculaires de l’IBA Emscher Park initiateur de la réhabilitation de la Ruhr de 1989 à 1999.
Académie du Mont-Cenis, Herne-Sodingen
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Agence fédérale de l’environnement, Dessau Sauerbruch & Hutton, 1997/2005 En 1997, après avoir gagné le concours pour la construction de l’Agence fédérale de l’environnement à Dessau, l’équipe Sauerbruch & Hutton a pris le temps d’intégrer tous les paramètres de l’exemplarité écologique recherchée pour un tel projet. Le chantier a commencé en 2002, pas très loin du Bauhaus construit en 1926 par Walter Gropius. Les architectes s’étaient demandé en quoi leur art avait pu changer en 70 ans. L’agence a ouvert ses portes en 2005. Aujourd’hui, 800 personnes travaillent dans les bureaux qui se succèdent dans un bâtiment linéaire de trois étages, de 460 m de long et de 12 m de large. Ce linéaire se retourne autour d’un vaste atrium couvert d’une verrière, à 15 m de hauteur. Trois ensembles de trois passerelles créent des communications entre les parties du « serpent » qui se font face de part et d’autre de l’atrium. Des escaliers relient les passerelles des différents étages entre elles. La FEA est construite sur une ancienne friche ferroviaire et industrielle, entre le centre-ville et les boisements qui entourent une ancienne ferme. En avancée dans le grand parc (qui est en cours d’aménagement à l’ouest du nouvel ensemble) se trouve le restaurant, un peu à l’écart. Les plantations de l’atrium matérialisent la pénétration de la nature dans les replis du « serpent ». La moitié nord de l’atrium est réservée à la détente des personnels. L’autre moitié accueille le grand public et sert de parvis à deux équipements publics : un amphithéâtre et une bibliothèque spécialisée dans le domaine de l’écologie, placée en limite sud de l’agence. La consommation globale d’énergie est limitée à 30 kW/h/m2, soit 50 % de moins que la réglementation allemande de 1995. En hiver, l’atrium réduit les pertes caloriques des bâtiments qui le délimitent. En été, les sheds de la verrière s’ouvrent. S’ouvrent également d’étroits vantaux aménagés dans les façades extérieures et dans le cloisonnement qui sépare chaque bureau du couloir. La ventilation transversale nocturne rafraîchit les bureaux grâce au stockage du froid dans les dalles de plancher en béton apparent. En conséquence il n’y a pas de climatisation. En été l’air neuf, avant d’entrer dans les bureaux, passe dans un puits provençal puis dans un échangeur thermique fonctionnant sur la géothermie. En hiver le même dispositif préchauffe l’air neuf. Des stores incorporés au triple vitrage assurent la protection solaire des bureaux exposés au sud. Les occupants peuvent moduler le système général de ventilation en ouvrant les fenêtres en façade extérieure grâce à des vantaux dotés, chacun, d’une chambre de décompression qui évite toute entrée brutale de vent. D’inévitables capteurs photovoltaïques sont posés sur les versants sud des sheds de l’atrium. Conformément à la directive européenne à échéance 2020, 20 % de l’énergie consommée est d’origine renouvelable. L’atrium diffuse la lumière dans les bureaux grâce aux façades intérieures vitrées à 60 % tandis que les façades extérieures ne le sont qu’à 35 %. Les architectes ont fait appel à la couleur pour casser la répétition monotone des bureaux. La coloration des panneaux de façades posés entre les allèges linéaires en bois lamellé-collé, est structurée en sept grandes familles, avec une gamme de trente-trois coloris en tout. Dans toutes leurs réalisations, Sauerbruch & Hutton attachent une grande importance à la couleur et restent fidèles à la tradition du Bauhaus fondée sur la synthèse des arts.
printemps Espace tampon
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Été Se protéger Les protections solaires L’été est la saison de l’équilibre. Le beau fixe n’est pas forcément sans inconvénient. En climat méditerranéen mais aussi en climat continental (Strasbourg, Grenoble, Berlin, Stuttgart), le beau fixe peut correspondre à de fortes chaleurs et générer un inconfort difficile à endurer lorsque l’architecture n’y remédie pas, et parfois même y contribue. L’isolation renforcée pour l’hiver peut s’avérer utile en été lorsqu’il faut se protéger des fortes températures extérieures. En plein été, il est contre-performant d’ouvrir les fenêtres et de laisser la chaleur entrer à l’intérieur d’un édifice. L’architecture peut, selon les cas, contribuer au rafraîchissement des ambiances intérieures ou au contraire à leur surchauffe. Jean-Louis Izard a créé et animé un laboratoire de recherche sur le confort d’été dans le cadre de l’école d’architecture de Marseille-Luminy. En 1993, il a publié un livre remarquable sur les Architectures d’été qui reste une référence irremplaçable s’agissant de « construire pour le confort d’été ». Dans cet ouvrage, l’auteur passe en revue tous les dispositifs architecturaux qui permettent de se protéger du soleil et des fortes chaleurs, en Europe mais aussi au Moyen-Orient. Pour diminuer la montée en température des espaces intérieurs, le premier réflexe est de protéger le bâtiment du rayonnement solaire d’été, lorsque le soleil se rapproche du zénith en milieu de journée. La gamme des protections est étendue. Elle va des stores, persiennes et volets roulants (à condition qu’ils soient disposés à l’extérieur des façades pour éviter de se transformer en capteur solaire) jusqu’aux
effets d’auvent des avancées de toiture qui arrêtent le rayonnement dès que le soleil s’élève dans le ciel. La conception bioclimatique consiste à calculer précisément la profondeur d’une avancée pour que celle-ci laisse le soleil entrer en hiver et l’intercepte en été. Les tableaux en saillie dans le cas de murs épais et de vitrage en renfoncement peuvent suffire à empêcher le rayonnement solaire d’entrer dans une pièce, en été. Les ombres portées par des parois latérales formant œillères protègent du soleil de fin d’après-midi qui est le plus à craindre. Pour éviter que le rayonnement solaire estival n’échauffe les toits terrasses, des architectes, notamment Le Corbusier à Ahmedabad, ont mis en place un toit parasol. L’air circule entre le toit terrasse et à l’ombre du toit parasol. Aujourd’hui, le recours à la terrasse végétalisée permet de rafraîchir la toiture grâce au phénomène d’évapotranspiration. Au début des années 90, un premier bilan institutionnel de l’architecture scolaire bioclimatique de la première génération construite en France, fit apparaître un défaut majeur : certes, les façades entièrement vitrées et exposées au sud allégeaient notablement la facture annuelle de chauffage, mais dès les premières périodes ensoleillées du printemps, elles créaient des surchauffes difficilement supportables. Après avoir été parmi les premiers à réaliser des écoles bioclimatiques dotées de grandes verrières orientées plein sud, les Anglais ont cherché à remédier à la surchauffe des classes et à l’intensité excessive de la lumière diffusée à proximité des vitrages. Ils ont
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mis en place, au milieu des années 90, les premières étagères de lumière destinées à protéger d’un ensoleillement trop intense les élèves assis le long des ouvertures. Ces étagères, disposées à mi-hauteur des baies vitrées, portent ombre aux rangées de tables les plus exposées et renvoient la lumière du jour au fond de la classe, là où celle-ci est souvent insuffisante. Les architectes du lycée HQE du Pic Saint-Loup (réalisé dans la partie nord-ouest de l’agglomération montpelliéraine) ont intégré aux façades sud les deuxième étagères de lumière réalisées en France — les premières ayant été réalisées à Caudry dans le lycée Jacquard dont Lucien Kroll est l’architecte. Il existe une protection plus flashy qui est à manier avec circonspection : la pixellisation sérigraphiée. Sur les façades en verre, elle tamise l’ensoleillement mais elle contribue à l’échauffement des vitrages. Une façade plein sud édifiée dans une rue parisienne est en bonne partie protégée par les effets de masque des immeubles bâtis en vis-à-vis. Ce sera le cas du futur siège de la Compagnie des transports publics parisiens, rue des Pyrénées. Les pixels colorés et disposés en dégradés donneront du dynamisme à l’édifice sans en compromettre la température intérieure. Dans un contexte plus ensoleillé, les pixels risquent de causer quelques surfacturations d’air conditionné. Une chose est sûre, l’architecte peut tirer le meilleur effet des protections solaires dès lors qu’il choisit d’en théâtraliser la présence physique. On se souvient des impressionnants pare-soleil du lycée de Fréjus conçu par l’architecte anglais Norman Foster. L’Agence de l’énergie imaginée par Mario Cucinella à Ningbo est un miracle du genre. L’Institut national des énergies solaires en cours de construction à Chambéry tire une partie de sa plasticité sobre mais sculpturale d’une démonstration quasi pédagogique. Chaque façade a son propre mode de protection directement lié aux variations de l’incidence du rayonnement solaire, de l’aube jusqu’à son coucher. A contrario, quand un édifice présente un traitement identique des façades dont, pourtant, chacune se tourne vers l’une des quatre directions cardinales, on peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit les architectes à faire abstraction du mouvement du soleil. Chaix & Morel associés, les architectes
Maison d’Alsace, Strasbourg, Chaix & Morel de la maison de la Région d’Alsace réalisée de 2000 à 2003 à Strasbourg, ont préféré mettre en avant l’unité de l’institution en utilisant le même mur rideau tout autour de l’édifice, que l’on soit au nord ou au sud, à l’est ou à l’ouest. Mais pour ne pas livrer cet ensemble de bâtiments en peigne à la surchauffe estivale caractéristique du climat continental, ils l’ont coiffé d’un immense parasol horizontal qui n’a véritablement été mis au point que par tâtonnements successifs. Il fallait protéger les cours vitrées sans pour autant plonger les bureaux dans la pénombre. Le confort d’été dépend de deux dispositions principales, la protection contre les apports solaires excessifs et le rafraîchissement des ambiances intérieures. Pour rafraîchir un espace intérieur, il existe quatre solutions : soit faire appel à la climatisation, soit tirer parti de la ventilation naturelle nocturne, soit puiser l’air frais dans un puits provençal ou le rafraîchir par un système d’évaporation. La première est énergivore, les
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trois autres pas. En climat méditerranéen ou continental comme dans l’ensemble des pays chauds, le confort d’été est devenu le principal poste de consommation d’énergie. Comment se passer d’elle ?
La ventilation naturelle assistée Au Moyen-Orient, les résidences ancestrales étaient dotées de tours à vent qui allaient capter en hauteur la moindre brise susceptible de rafraîchir les espaces intérieurs. Cet air devait emprunter une cheminée où il était rafraîchi par l’évapotranspiration d’une jarre remplie d’eau, avant de pénétrer dans les pièces. C’est en Angleterre, ce pays si souvent balayé par les vents, que la version contemporaine de la ventilation naturelle nocturne s’est développée. D’une façon générale, les cloisonnements intérieurs doivent laisser passer la ventilation naturelle lorsque l’air extérieur est le plus frais, c’est-à-dire à la fin de la nuit. Pour cela, des panneaux en imposte ou verticaux inclus dans les cloisons et les façades doivent pouvoir s’ouvrir la nuit, au petit matin, lorsque la température est la plus basse. Elle est souvent de 8 à 12 °C inférieure à la température moyenne de la journée. La seule exception concerne le bord de mer, là où la masse thermique de la mer aplanit les écarts de température. Partout ailleurs, la ventilation transversale nocturne, renforcée ou non par ventilateur, vide les espaces intérieurs de la chaleur accumulée durant la journée. Rappelons en passant qu’il est déconseillé de capter l’air neuf au ras d’un parking. À Londres, face à Big Ben, le Portcullis réalisé par l’architecte Michaël Hopkins pour les parlementaires, capte l’air neuf sur les toits, au niveau des cheminées, là où il est le plus pur. À Worcester, la toiture de la bibliothèque universitaire s’ouvre vers le ciel, ce qui magnifie la ventilation et l’éclairage naturels. Dans le tertiaire et en climat océanique, compte tenu du taux d’occupation et du taux d’équipement en informatique, les risques de surchauffe apparaissent dès le mois de mars. Au fil des années, et au fur à mesure que le niveau d’isolation des bâtiments neufs progresse, les émissions de chaleur dans les ambiances intérieures sont difficiles à dissiper. Le réflexe hérité des temps modernes consiste à faire appel à la climatisation pour éviter la surchauffe.
Si la climatisation permet d’éviter l’inconfort estival, en contrepartie, elle augmente la facture énergétique. Les Anglais, qui ont les yeux traditionnellement tournés vers les États-Unis, avaient importé la climatisation bien avant et bien plus que les autres pays européens. Pour progresser dans le domaine des économies d’énergie, ils sont aujourd’hui parmi les premiers à devoir faire marche arrière en privilégiant la ventilation naturelle assistée. En France, la réglementation thermique 2005 a déjà un caractère dissuasif en obligeant à compenser l’usage de la climatisation par des économies d’énergie supplémentaires. Avec la réglementation 2012 la climatisation sera, de fait, interdite dans la construction neuve, à l’exception des édifices dérogatoires tels que les laboratoires ou les musées. En été l’air neuf doit être le plus frais possible. Aussi est-il préférable de le capter à l’ombre de la façade nord. Une fois entré à l’intérieur, il doit être rafraîchi encore lors de son passage le long d’éléments constructifs (planchers, plafonds, ossature, cloisons à forte inertie) dont la température a été abaissée grâce à la surventilation nocturne. Avant de se tourner vers des technologies sophistiquées (comme par exemple la production de froid à partir du rayonnement solaire), il serait avisé de se demander en quoi la conception architecturale peut, la plupart du temps, et notamment dans la conception de petits édifices, permettre d’éviter la surchauffe, notamment grâce à la présence de protections solaires qui peuvent être à la fois expressives et efficaces, mais aussi par un système de rafraîchissement nocturne de la structure du bâtiment grâce à la ventilation naturelle assistée. Ces recommandations basiques n’entraînent aucun surcoût, la consommation des ventilateurs étant bien inférieure à celle de la climatisation. Centre-bus RATP/Bureaux, Paris Brigitte Métra, 2005/2014 L’opération Paris Pyrénées regroupe dans un même bloc urbain d’un hectare, 44 000 m2 de dépôt RATP, 30 000 m2 de bureaux et 3 500 m2 de collège. Brigitte Métra a gagné le concours d’architecture en 2005, obtenu le permis de construire en 2007, ouvert le chantier fin 2011 avec l’objectif de l’achever à la fin 2014. Il lui aura fallu attendre deux ans pour qu’une
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procédure de vente du terrain par la Région Îlede-France au syndicat des transports parisiens soit trouvée. Le centre d’entretien et de dépôt de 200 bus est implanté dans le XXe arrondissement pour éviter aux bus parisiens de retourner en banlieue en fin de journée. Les bureaux bénéficient d’un jardin exubérant d’une centaine de mètres de long qui communique avec le quartier environnant par des failles. L’accès principal du jardin se fait au sud par deux escalators montant à 6 m au-dessus du niveau du sol, au-dessus du dépôt de bus. L’énergie consommée sera conforme au BBC de 2012. Les façades sont à 50 % vitrées et à 50 % opaques. Les strates colorées sont alternativement en tôle émaillée et en verre sérigraphié.
Centre-bus RATP/Bureaux, Paris
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Agence de l’énergie, Ningbo Mario Cucinella, 2008 Construit à Ningbo, une ville située à 300 km au sud de Shanghai et 150 km de Hangzhou, ce centre des énergies renouvelables, d’une surface de 1 300 m2 utiles, se compose d’un espace d’exposition à moitié enterré accueillant le public et d’une tour où sont regroupés les laboratoires, les bureaux et les salles de réunion d’un centre de recherche. La tour s’ouvre au sud par une double peau vitrée. Dans sa partie nord-ouest, elle englobe un puits de lumière qui sert aussi de cheminée de ventilation. Une double peau opaque protège la façade nord des vents froids. Les coupes mettent en évidence la gestion des flux d’énergie, d’air et de lumière qui varie selon les saisons. L’hiver la double peau du sud fonctionne comme une serre qui préchauffe l’air neuf avant de l’envoyer dans les bureaux. L’ample puits de lumière situé dans l’angle nord-ouest de la tour extrait l’air usé. L’été, l’air neuf est capté au sommet de ce volume creux vertical pour être envoyé dans les bureaux. L’air usé est extrait par la double peau de la façade sud qui fonctionne alors en cheminée thermique. Cette gestion des flux ne serait suffisante ni en hiver, la température moyenne étant de -5 °C, ni en été, l’air extérieur étant à 28 °C en moyenne. Un dispositif complémentaire a consisté à intégrer aux dalles de plancher en béton un réseau tubulaire où circule de l’eau froide en été et de l’eau chaude (basse température) en hiver. Selon la saison, l’eau est chauffée par 114 m2 de tubes solaires ou refroidie par une pompe à chaleur (PAC) couplée avec la géothermie. De plus, en été la masse de la structure en béton est rafraîchie par une ventilation nocturne assistée. La composante horizontale du centre, celle qui accueille le public, est rafraîchie en été par un puits canadien qui fait chuter la température et l’humidité de l’air. Le toit vert évite la montée en température du grand hall d’exposition éclairé par des lanterneaux. Seuls les laboratoires affectés aux manipulations chimiques sont nécessairement équipés d’une ventilation mécanique contrôlée branchée sur la PAC. L’éclairage artificiel, le matériel informatique et la pompe à chaleur sont alimentés par 300 m2 de panneaux photovoltaïques. Enfin une isolation efficace appliquée à l’extérieur des parois en béton contribue à une neutralisation de l’empreinte carbone de l’édifice. Les stratégies environnementales utilisées ont été étudiées en association avec l’école d’architecture de l’université de Nottingham. Cet édifice a des allures de grand lampion érigé au milieu d’un parc. À partir de l’idée d’assembler plusieurs éventails entre eux, l’architecte a composé une tour emblématique qui reflète sa luminosité diaphane dans le fleuve voisin. Cet édifice est une réussite esthétique qui puise à la fois dans une culture spécifique et dans une compréhension exemplaire des dispositions permettant une réduction drastique de l’impact environnemental de la construction.
Se protéger
été
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Été Structure creuse L’optimisation de l’inertie
Le rafraîchissement nocturne
Les historiens du début du xxe siècle tel que Choisy, préoccupés par l’évolution des techniques de construction décrivaient un processus d’allégement des bâtiments allant des pyramides jusqu’au Cristal Palace en passant par les cathédrales gothiques. Les structures métalliques industrielles ont fortement contribué à la dématérialisation de l’architecture en franchissant des portées grandissantes avec de moins en moins de matière. De 1962 à 1964, l’architecte Édouard Albert a construit le campus de Paris VII à Jussieu en structure tubulaire. Le tube présente le meilleur rapport entre la résistance aux charges et l’économie de matière. Les structures creuses qui assurent à la fois la stabilité d’un édifice et son confort d’ambiance participent de ce processus historique de dématérialisation. Il existe toutefois une limite à ne pas franchir : éliminer la masse au point de supprimer l’inertie si utile à la régulation des ambiances intérieures. Le bâtiment du siège de l’Organisation mondiale de la météorologie à Genève est porté par des piliers creux en acier. Les flux d’air chauds en hiver, frais en été, circulent à l’intérieur de ces piliers. L’Agence de l’énergie de Séville est, elle aussi, portée par sa double peau. Autre exemple déjà cité, l’école d’ingénieurs The Queen’s, à Leicester, utilise des cheminées monumentales pour assurer tout à la fois le tirage de la ventilation naturelle assistée et la stabilité de l’édifice. Chaque cheminée construite en brique pèse une centaine de tonnes, ce qui donne une inertie au bâtiment que certains jugent excessive. La montée en température du bâtiment, au début de l’hiver, consomme beaucoup d’énergie. Dans ce domaine comme dans tous les autres, il importe de trouver un juste équilibre.
La grande majorité des édifices particulièrement adaptés au printemps et à l’été, utilisent le rafraîchissement nocturne pour abaisser la température du gros œuvre pendant la nuit, ce qui retarde d’autant la montée en température du bâtiment au cours de la journée. Dans l’immobilier tertiaire, il est intéressant de décaler les risques de surchauffe du début à la fin de l’après-midi, jusqu’au moment où les employés quittent leur travail. Plus la structure du bâtiment est lourde, plus son inertie thermique est grande. Mais l’efficacité de la masse peut être améliorée par l’optimisation des surfaces de contact entre la structure lourde et l’air. Ce qui est précisément le cas des structures creuses où les flux d’air circulent à l’intérieur de la structure porteuse, qu’il s’agisse de poteaux creux en acier (OMM), de faux plafonds, de parois ou de planchers creux. Puisque le rafraîchissement d’un bâtiment est d’autant plus efficace que sa masse structurelle est exposée directement au passage des flux d’air, il importe de supprimer les faux plafonds qui font écran au stockage thermique nocturne ainsi qu’au déstockage diurne des frigories. Dit comme cela, le propos risque de susciter l’objection des acousticiens qui s’opposent, à juste titre, à la suppression des surfaces absorbantes. En Angleterre, la suppression des faux plafonds est compensée par la présence de revêtements absorbants au dos des luminaires suspendus ou sur les parois latérales des pièces. Dans l’école zéro énergie de Limeil-Brévannes les frères Goldstein ont ménagé des vides entre le faux plafond acoustique et les parois des classes, de sorte que l’air
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puisse circuler entre ceux-ci et la dalle d’étage. Les solutions sont multiples. L’important est que les structures lourdes soient exposées directement à l’air intérieur pour que la régulation thermique puisse se faire. La construction du BRE (l’équivalent anglais du CSTB français) a été la première expérimentation de ce principe. Le plancher creux construit entre le rez-de-chaussée et l’étage démontre comment il est possible d’agrandir la surface de contact entre l’air et la structure. La structure creuse remplace les réseaux de gaines. Le BRE a forcé le trait pour atteindre son objectif pédagogique, ce qui justifie le léger surcoût de l’ouvrage et explique aussi pourquoi le principe du plancher creux n’a pas été reproduit tel quel, dans les autres équipements tertiaires conçus ultérieurement par la même équipe d’architectes. Dans les différents bâtiments tertiaires allemands qui ont recours au rafraîchissement nocturne, les concepteurs se contentent d’exposer les planchers sur une seule de ses deux faces, l’autre étant doublée soit d’un faux plafond soit d’un double plancher partiel ou total répondant aux critères acoustiques ou contenant la câblerie. Stefan Behnisch a adopté cette voie médiane : la climatisation mécanique n’est installée que dans les rares espaces spécialisés où elle est nécessaire. British Research Establishment, Watford Felden Clegg
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Bibliothèque universitaire, Worcester, Felden Clegg Bradley, 2011
Logements, Saint-Nazaire Philippe Madec + Tribu conseil, 2011 Judson College, Chicago Alan Short + K. J. Lomas ingénieur, 2004/2006 Cette école d’art adjointe à une bibliothèque universitaire a été construite dans le campus d’Elgin, à une soixantaine de kilomètres de Chicago. Alan Short a gagné le concours en 2001. Le collège a ouvert ses portes à ses 1 200 étudiants en 2006. Il se compose de deux bâtiments accolés : la bibliothèque du campus (un cube de 37 m de côté) et l’école d’art, de design et d’architecture (Dada : un immeuble de 35 x 9,7 m). En façade nord du collège, huit salles de classes (deux par niveau) sont positionnées de part et d’autre d’une
circulation allant du collège à la bibliothèque. Deux petits patios triangulaires séparent l’école de ses amphithéâtres. La bibliothèque organise ses quatre niveaux (R + 3) autour d’un patio de 8 m de côté. Dans le climat continental qui caractérise cette partie nord des ÉtatsUnis, la température extérieure peut descendre à -20 °C l’hiver. La ventilation naturelle assistée ne suffit plus à assurer le confort d’hiver. Elle a donc été combinée avec la VMC double flux qui récupère une partie des calories de l’air extrait. La température estivale dépasse les 25 °C les deux tiers du temps de travail. Une climatisation mécanique apporte l’appoint de fraîcheur nécessaire. La coexistence des deux systèmes mécaniques et naturels génère une économie d’énergie de 45 % par rapport au standard des États-Unis. La raison en est simple, la ventilation naturelle permet de réduire de moitié le temps de recours à la VMC et à la climatisation. Il s’agit là comme ailleurs d’une technologie hybride. Ce sont les mêmes gaines qui servent soit à la ventilation naturelle soit à la ventilation mécanique contrôlée, ce qui en réduit fortement le coût. Le renouvellement d’air à l’intérieur de la bibliothèque est semblable au système utilisé à Coventry. Comme dans la bibliothèque Lanchester, le patio éclaire abondamment les espaces de lecture et extrait une partie de l’air vicié. Mais la double peau a remplacé les cheminées périphériques. La façade épaisse (1,2 m) rassemble à la fois les gaines d’extraction et les gaines de distribution. Ces gaines ont une section très grande de manière à diminuer leur résistance à la
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circulation de l’air. Elles extraient l’air intérieur en l’acheminant dans des cheminées en toiture. Ces cheminées captent la lumière zénithale (par un oculus horizontal de 1 m2) et extraient l’air vicié par des vantelles périphériques. Ce type de cheminée est apparu à peu près au même moment dans la bibliothèque de Forteguerriana à Pistoïa (Pica-Ciamarra Associati). Les gaines qui distribuent l’air neuf à partir d’une centrale de gestion de l’air (Air Handling Unit) disposée au rez-de-chaussée, ont elles aussi des dimensions imposantes. La double peau qui enveloppe les deux bâtiments et rassemble l’ensemble des gaines est isolée sur ces deux faces. La peau extérieure est portée par de fines poutrelles en treillis métallique. Du côté intérieur, les parois et les planchers
Judson College, Chicago
préfabriqués sont en béton pour donner de l’inertie à l’édifice. Cette inertie est mise à profit grâce au rafraîchissement nocturne (Night Cooling). Les fenêtres sont posées en creux dans la double peau, la plus petite est coiffée d’une étagère de lumière. Elle s’ouvre manuellement tandis que la plus grande qui monte jusqu’au plafond s’ouvre automatiquement en fonction de la gestion techniques des ambiances. En 2008, cette réalisation a reçu le label d’or de l’évaluation LEED. Alan Short façonne son architecture à partir d’une gestion complexe des flux qui régulent les espaces intérieurs. La modénature des façades, des toits et des cheminées transformées en puits de lumière témoignent d’une puissance d’invention plastique exceptionnelle.
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Agence de l’énergie, Séville Ruiz Larrea + SAMA + CENER, 2007/2011 Le siège de l’Agence andalouse de l’énergie est en chantier sur l’île de La Cartuja, là où a eu lieu l’exposition universelle de Séville de l’été 1992, dédiée à Christophe Colomb. Jaime Lopez De Asiain, l’urbaniste chargé de la planification de l’exposition, avait créé des microclimats dont la température s’échelonnait de 35 °C (la moyenne de la température estivale de la ville la plus chaude d’Europe) à 28 °C dans les allées et sur le parvis d’accès des principaux pavillons nationaux. À partir de l’année 1997, date du concours, jusqu’à l’ouverture de l’Agence de l’énergie à l’automne 2011, Jaime Lopez De Asiain, animateur du Séminaire d’architecture et d’environnement (SAMA) et le Centre de recherche sur les énergies renouvelables (CENER) ont été associés à la conception de ce projet dont Ruiz Larrea et son équipe sont les architectes. De Asiain a coordonné la direction du chantier jusqu’à la fin des travaux. Cet édifice de 11 000 m2 s’étend sur sept niveaux coiffés d’une toiture technique, cinq au-dessus du sol et deux niveaux en sous-sol, l’un occupé par le parking et l’autre réservé aux installations techniques lourdes. Le rez-dechaussée est entièrement consacré à l’accueil du public qui y trouve un hall d’exposition temporaire, une bibliothèque et une salle polyvalente de 250 places. Des verrières, des arbres et des plans d’eau créent une continuité entre l’extérieur et l’intérieur. Les jardins humides et ombragés qui se succèdent à chaque niveau rafraîchissent l’ambiance de façon passive sans climatisation mécanique. Les étages sont affectés aux bureaux. Le quatrième étage est destiné à l’administration andalouse de l’environnement. Le cinquième étage est muré en réserve pour un usage ultérieur. La toiture constitue un sixième étage à ciel ouvert, réservé aux installations techniques légères et aux laboratoires chargés de les tester et d’en évaluer les performances. La technologie occupe deux niveaux sur sept : deux niveaux qui font partie du parcours pédagogique ouvert au public, notamment au public scolaire. Les bureaux sont répartis autour d’un atrium principal de 10 x10 m de côté qui traverse le bâtiment du rez-dechaussée jusqu’à la sous-toiture, sur une hauteur de 20 m. Son éclairage zénithal arrête le rayonnement solaire thermique tout en laissant passer la lumière naturelle, grâce à un jeu de miroirs placés sur toute la hauteur de l’étage technique. Un ensemble de seize prismes appelé Mocarabes (nom donné aux plafonds du palais de Grenade) cache ce dispositif et en diffuse la lumière. Trois patios de taille plus modeste (de 8 à 12 m de hauteur) ont été ménagés dans le volume global de l’agence. Les deux plus petits sont disposés en angle au nord-ouest (au 3e et 4e étage) et au sud-ouest du bâtiment (rez-de-chaussée et 1er étage). Le troisième se trouve le long de l’entrée principale, dans l’angle sud-est de l’agence. Il s’enfonce d’un niveau en sous-sol pour constituer un évidemment d’angle (sud-est) sur trois niveaux. Il est coiffé d’un balcon qui bénéficie d’une belle vue sur Séville et la Cartuja. Le promeneur qui circule dans l’agence passe d’une ambiance lumineuse à une autre, de l’ombre à la lumière, dans une succession d’espaces dont la hauteur sous plafond change de façon rythmée. Pour éviter une fragmentation des espaces intérieurs, les architectes les ont tous peint en blanc. Au cœur de l’agence, dès qu’on s’éloigne des façades vitrées, l’éclairage naturel est assuré par l’un ou l’autre des trois doubles cylindres de lumière qui traversent
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l’édifice de haut en bas. Ces colonnes lumineuses se composent d’un premier cylindre de fibres optiques doublé d’un deuxième cylindre en verre luminescent. Elles ont été installées à titre expérimental par la société LLEDO. Les architectes Ruiz Larrea et Jaime Lopez De Asiain considèrent le volume compact de l’agence comme étant une matrice énergétique définie à partir de trois critères : l’orientation solaire, la géométrie urbaine dans laquelle il s’insère et enfin, la direction des vents dominants ; ces derniers, en provenance du sud-ouest, traversent l’édifice en diagonale grâce à la perméabilité des façades sud-ouest et nord-est. Ils contribuent, avec les plantations et les bassins intérieurs, au rafraîchissement de l’ambiance intérieure. La peau bioperformante qui enveloppe l’édifice se retourne en toiture de sorte que la cinquième façade prolonge les quatre autres, sans rupture. Cette double peau réagit en fonction des conditions climatiques extérieures. Des panneaux industrialisés nommés pixels, sont réalisés sur une trame d’1 x 1 m, cette unité de mesure étant considérée comme propre à la civilisation européenne. Assemblés bord à bord avec un simple vide de dilatation, les panneaux en acier inox sont de trois types. Dans la partie haute de la façade sud sont placés les capteurs thermiques. Les deux autres types de panneaux sont soit pleins, soit perforés afin d’assurer la bonne ventilation du vide intérieur qui les sépare de la structure porteuse. Les baies vitrées constituent un quatrième type de pixel. Au dos des pixels pleins, une laine de chanvre de 10 cm d’épaisseur assure une première isolation. Une deuxième isolation est constituée de 4 cm de polyuréthane projetés sur la tôle de contreventement des parois intérieures. Des colonnes faites de profilés IPN portent l’édifice sur une trame de 5 m. Elles sont contreventées par deux fines parois en tôle ondulée (doublée d’une plaque de plâtre côté intérieur). Cette double peau dotée d’un vide d’1 m de large constitue une coque qui enveloppe l’édifice et le porte. Le vide qui sépare la peau intérieure de la peau extérieure évite la transmission de la chaleur de l’extérieur à l’intérieur. Les pixels perforés vers l’extérieur assurent le renouvellement des flux d’air qui circulent entre l’enveloppe extérieure et l’enveloppe intérieure. Dans une partie de l’agence une double peau translucide, remplie d’eau, sera expérimentée. Étant englobée dans la double peau, la structure porteuse n’apparaît ni à l’extérieur ni à l’intérieur du bâtiment. L’espace intérieur est libre de tout poteau, ce qui lui confère une grande flexibilité. Les gaines diverses sont regroupées dans quatre cylindres opaques qui traversent l’édifice à l’instar des cylindres de lumière. Vue de l’extérieur, l’Agence andalouse de l’énergie est perçue comme étant une grande boîte métallique fermée. Vue de l’intérieur elle baigne dans une lumière douce et s’ouvre abondamment sur l’extérieur à la fois par de grandes baies vitrées et par ses multiples patios qui font entrer la nature dans les espaces intérieurs. La fluidité des espaces intérieurs invite les visiteurs à la déambulation aussi bien verticale qu’horizontale.
Structure creuse
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La Salvatierra, Rennes Jean-Yves Barrier, 1998/2001
Automne Construction hybride
La diversification des matériaux La saison d’automne est à la fois celle de l’âge d’or du paysage et de la vie humaine. Elle est celle aussi qui précède la fin de vie et inspire le dépouillement. L’attrait des matériaux réputés naturels incite certains architectes à enrichir leur palette, parfois jusqu’à une explosion de couleurs et d’effets de matière. La variété des vêtures et des revêtements se prête à ce jeu. Mais pas seulement, remplir une ossature en bois avec de la paille compressée nécessite le recours à l’innovation technique et implique la mise en place de nouvelles filières de production comme c’est le cas avec l’école du Fort en construction à Issy-les-Moulineaux, dont Sonia Cortesse est l’architecte. Un autre architecte, Yves Perret, a réalisé les parois du siège de la Maison de l’habitat d’Auvergne à Clermont-Ferrand, un immeuble de ville, en structure béton avec remplissage en béton de chanvre. Ces édifices anticipent sur les pratiques des jeunes générations d’architectes plus enclins que les générations précédentes tournées vers l’international, à utiliser les savoir-faire et les matériaux locaux. Ils prennent le risque d’utiliser des matériaux qui faisaient partie de l’architecture vernaculaire d’autrefois mais qui doivent aujourd’hui s’adapter à des approches réglementaires nouvelles et respecter des niveaux de performance bien plus élevés. Certaines régions prennent conscience des enjeux économiques de l’écoconstruction. Par exemple, la Région PACA subventionne des essais et des études destinés à la mise en place d’une filière de recyclage de la paille de
lavande utilisée comme matériaux isolant. Yves Perret pense qu’à long terme les matériaux cultivés vont se substituer, en grande partie, aux matériaux extraits des carrières ou issus de la pétrochimie. En réalité, l’écoconstruction fait appel à la fois à des produits traditionnels et à des matériaux industriels. Les maisons tout en paille, tout en terre, tout en brique, tout en bois relèvent du royaume des contes. L’acier, le béton, le verre, le bois, la brique cohabitent harmonieusement dans le lycée Jacquart de Caudry comme dans la plupart des bâtiments durables. Certes l’architecte est libre de peindre d’une même couleur pastel les vêtures bois, les enduits maçonnés et les parois en béton afin d’unifier son projet comme l’a voulu Jean-Yves Barrier à la Salvatierra, en s’inscrivant à la fois dans une certaine tradition locale et dans celle du charme discret de la bourgeoisie. Lorsque Fernand Léger projetait de peindre la ville, ce n’était certainement pas en monochrome ni en teintes pastel. Sans verser nécessairement dans le coloriage révolutionnaire ni dans une architecture d’enseignes à l’instar de Las Vegas, l’animation urbaine traditionnelle se fonde sur la diversité des façades comme on peut l’observer un peu partout dans le monde. L’habitat est un espace de vie, pas un espace de représentation. La biodiversité de l’architecture relève rarement de la pure fantaisie individuelle. La clinique réalisée à Lyon par Hélène Jourda exprime son identité qui est plurielle. Le rez-de-chaussée entièrement vitré s’ouvre au public, à l’étage le plateau technique
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La maison d’Auvergne, Clermont-Ferrand Yves Perret manifeste sa modernité et sa technicité par une façade en panneaux d’aluminium. Enfin les deux niveaux d’hébergement des malades, au 2e et 3e étages, se réfèrent au confort chaleureux d’une résidence en bois posée dans la prairie. Ce pluralisme architectural exprime le pluralisme des préoccupations des différents usagers de l’équipement. La ville est hétérogène par définition. Il est logique que les équipements du pouvoir se réclament de l’unité et aspirent à instituer un ordre. Mais il ne faut pas oublier que cette unité est d’autant plus lisible qu’elle s’affirme en contraste avec un environnement bigarré, irrégulier, hétérogène qui, lui, exprime la vie sous ses formes les plus diversifiées.
La diversification des technologies Un autre champ d’investigations s’ouvre avec le recours aux technologies hybrides qui associent plusieurs dispositifs pour en réduire la consommation énergétique finale. Ainsi, les dix-sept logements conçus et réalisés par Pascal Gontier, en 2011, dans l’îlot Fréquel Fontarabie à Paris, font appel à une cascade de technologies innovantes. Cette expérimentation prouve que pour faire progressivement monter en température l’air neuf, il est possible d’associer des équipements de faible puissance dont les économies énergétiques se cumulent.
Dix-sept logements, Fréquel Fontarabie, Paris Pascal Gontier + MTC, 2008/2010 Sur une même parcelle, l’architecte a choisi de traiter un programme de 1 600 m2 de SHON, en deux bâtiments séparés par une cour, de façon à multiplier les ouvertures et à optimiser l’éclairage naturel. La passerelle qui relie les deux bâtiments permet de n’avoir qu’une seule cage d’escalier et un seul ascenseur. La cour pavée est ponctuée d’une demi-douzaine de regards correspondant chacun à un puits francilien. Le chauffage est assuré par une montée progressive en température dont chaque palier est assuré par un équipement de faible puissance. La somme des équipements est peu énergivore. En saison froide, le chauffage et la ventilation sont traités conjointement. Six puits franciliens (une boucle tubulaire) descendent à moins 15 m dans le sol pour faire circuler de l’eau glycolée à 12 °C. Une prise d’air dans la cour amène l’air neuf qui gagne 5 °C en passant dans un premier échangeur. Cet air passe ensuite dans un deuxième échangeur où il capte les calories provenant de l’air usé avant que celui-ci ne soit évacué en toiture. L’air neuf est ainsi porté à une température d’environ 16 °C. Avant d’être insufflé dans chaque appartement, cet air passe dans un troisième échangeur où circule l’eau chaude en provenance de la chaudière à gaz (68 kW/h) installée en rez-de-chaussée. Il gagne ainsi les derniers degrés manquants par rapport à l’affichage réglé par les locataires. L’air vicié est repris dans les pièces humides et renvoyé au rez-de-chaussée dans le deuxième échangeur. La centrale de traitement d’air le reprend pour l’extraire en toiture où sont disposés 37 m2 de capteurs solaires thermiques pour produire l’eau chaude sanitaire.
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Clinique Mermoz, Lyon Hélène Jourda, 1998/2010 En 1998, Hélène Jourda a gagné le concours de la clinique privée Mermoz, à Lyon. La réalisation s’est achevée en 2010. Le projet associe trois mondes. Au rez-de-chaussée se trouve l’accueil du public et d’une façon générale tous les services ouverts au public. Le hall entièrement vitré est protégé du soleil d’été par un retrait sous le niveau supérieur. Ouvert sur l’avenue, il abrite une cafétéria, quelques boutiques dont une pharmacie, les comptoirs d’accueil des patients et des visiteurs. À l’étage, le plateau technique s’étend sur toute la longueur du bâtiment. Il rassemble tous les équipements de la médecine high-tech. C’est le moteur de la clinique que l’architecte a enveloppé d’une peau en aluminium. La dernière strate est affectée à l’hébergement. Des pavillons en bois regroupent les chambres des malades sur deux niveaux. Ils ont un caractère plus chaleureux et bénéficient du toit vert qui couvre le plateau technique. Des patios répartis tout au long de l’édifice inondent de lumière naturelle un établissement de 72 m de profondeur. Ces patios sont plantés d’essences sélectionnées de façon à éviter toute diffusion de pollens allergisants. Il n’y a pas de ventilation naturelle car celle-ci aurait posé trop de problèmes insolubles dans un équipement hospitalier. Toutefois l’ouverture partielle des fenêtres des chambres permet à chaque occupant de respirer à sa convenance. Des volets roulants permettent une occultation à la carte. Une ventilation mécanique à double flux vient alléger la consommation calorique du bâtiment alimenté par le chauffage urbain. Le gros œuvre de la clinique est en poteaux et dalles béton. L’attention des concepteurs a porté sur la flexibilité du bâtiment et l’emploi de matériaux sains et recyclables. Par exemple, l’aluminium pourra être recyclé puisqu’il n’est pas collé aux autres composants de la façade. Tous les composants intégrés ont été écartés. Les protections solaires sont en lamelles de bois fixes. Entre les lamelles et le triple vitrage, un passage sur caillebottis facilite l’entretien. En dehors du complexe hospitalier mais très proche, un bâtiment en verre a valeur de signal, il abrite un cabinet médical et un centre de cancérologie. En façade, une sérigraphie apposée au triple vitrage fait office de store. Mais attention, la sérigraphie ne suffit pas à rafraîchir les espaces intérieurs car elle n’évite pas l’échauffement du verre. Une protection intérieure vient compléter l’écran sérigraphique.
Construction hybride
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Maison de l’écocitoyenneté, Bordeaux Olivier Lehmans, Henrich Fitger, 2009/2010 L’ancien bureau central de main-d’œuvre à Bordeaux, autrefois centre d’embauche des dockers, situé en secteur sauvegardé, quai Richelieu, a été reconverti en maison de l’écocitoyenneté. La mairie de Bordeaux a souhaité en faire un lieu exemplaire d’information, de formation et de communication sur l’écocitoyenneté. L’équipe de l’architecte Olivier Lehmans a été sélectionnée en juin 2008. Le projet a fait évoluer le bâtiment existant en transformant sa toiture. La nouvelle couverture est constituée de trois ondulations successives qui s’inscrivent dans la dynamique du paysage urbain et font écho au flux des grandes marées, le mascaret sur la Garonne. Cette forme crée le lien entre les monuments symboliques de la ville : la façade du xviiie siècle et la flèche Saint-Michel, les berges du fleuve et les arches du pont de Pierre. L’orientation de la couverture vers le sud favorise l’utilisation optimale du soleil. Le toit, végétalisé et recouvert d’un tissu de cellules photovoltaïques, est à la fois jardin et producteur d’énergie. Les plantes, fétuques, graminées et sédums, sont irriguées par l’eau de pluie récupérée. Les ruches, les abris et les nichoirs accueillent les abeilles, les papillons et les oiseaux. Les trois ondulations apportent également de la lumière naturelle pour les activités de la maison écocitoyenne. À l’intérieur, la charpente en bois est faite d’éléments de bois enchevêtrés qui rythment l’espace et l’articulent, comme autant de connexions et de liens complexes, à l’image de l’écosystème et de ses multiples interactions écologiques. Le volume central s’appréhende immédiatement. Le Carré, décaissé d’1 m au centre, accueille les débats, les conférences et les ateliers pédagogiques. Il est perceptible depuis les quatre galeries périphériques où sont abordés, au fil du parcours, les thèmes de l’Agenda 21 et de l’écologie : l’eau, l’air, l’énergie, la gestion des déchets, la vie des associations, la biodiversité, l’écoconception. Un espace de restauration à l’angle nord-est, ouvert sur l’extérieur, propose des produits de l’agriculture biologique. La fréquentation attendue est de 200 personnes/jour : professionnels et particuliers, classes et ateliers pédagogiques. La réalisation du projet s’est heurtée à une réglementation inadaptée ou inexistante pour certains produits ou procédés utilisés dans la construction écologique. Il a suscité des débats et un long travail de recherche, notamment avec les bureaux d’études, pour trouver des solutions constructives et acceptables dans le budget et les délais impartis. Mais il a, dans l’ensemble, suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme à la fois de part de la maîtrise d’ouvrage et des entreprises locales.
automne Réhabilitation
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Écoquartier Reconstruire la ville sur elle-même Un nouvel urbanisme L’un des objectifs majeurs de cette exposition est de mettre en évidence les synergies entre la ville, ses espaces publics et l’architecture durable. Un premier appel à projet lancé par le ministère du Développement durable (MEEDDM) en 2008 a reçu 160 propositions d’écoquartiers disséminées dans toute la France. Le deuxième appel lancé par le MEDDTL en début 2011 a eu encore plus de succès avec 390 projets déposés. La mutation de l’urbanisme français est désormais clairement axée sur quelques objectifs majeurs : lutter contre l’étalement urbain (économiser le sol agricole), diversifier les moyens de transports, restructurer les territoires urbanisés par la conjonction d’une trame verte et d’une trame bleue (redéploiement de la biodiversité), mettre en réseau et diversifier les énergies renouvelables (épuisement des gisements de pétrole), réduire les consommations d’énergie dans le secteur du bâtiment, le plus énergivore de tous. Formulée par les urbanistes depuis des décennies, la lutte contre l’étalement urbain est devenue la priorité des priorités en matière de développement urbain durable. Elle consiste à densifier la ville centre et ses pôles périurbains de façon à préserver les territoires naturels et agricoles enclavés ou limitrophes de l’urbanisation existante. L’aménagement de lotissement de maisons individuelles (France), comme la duplication de cités jardin à faible densité (Royaume-Uni) sont condamnés à brève échéance. Les écoquartiers devraient avoir une densité minimale de quarante-cinq logements à
l’hectare. En cœur d’écoquartier, l’immobilier dépassera les cent logements à l’hectare auxquels s’ajouteront les équipements et locaux d’activités. Cette densification favorisera une grande mixité fonctionnelle et sociale et le développement des transports en commun. Dans leur grande majorité, les projets d’écoquartiers français prévoient l’occupation systématique des rez-de-chaussée par des activités : boutiques, services, équipements de proximité. On sait aujourd’hui que la seule résidentialité ne génère pas de la ville, mais de la ségrégation. Les deux écoquartiers cités ici font partie intégrante de la ville. L’écoquartier De Bonne a été construit sur le site d’une ancienne caserne absorbée par l’extension du centre-ville de Grenoble. L’écoquartier de l’Union projeté par la communauté urbaine de Lille, est adossé à l’implantation d’un Centre européen des textiles innovants et à son parc d’activités. Il porte sur la rénovation d’un quartier sinistré. Ces deux exemples vont à l’encontre d’un préjugé tenace selon lequel l’écoquartier serait un îlot résidentiel privilégié, à l’écart de la ville. Il s’agit au contraire de rendre la ville, elle-même, plus durable. Le contexte urbain dans lequel les concepteurs de demain interviendront est en pleine mutation. Les friches industrielles, militaires, ferroviaires sont à réurbaniser. Les espaces périurbains victimes de l’étalement pavillonnaire sont à restructurer et densifier. Les projets d’écoquartiers réussiront-ils à véritablement limiter les extensions de la grande ville ? Comment savoir s’étendre sans se répandre ? Dès 2007, la communauté urbaine de
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pour Paris. Lors du Grenelle de l’environnement il a été convenu de multiplier des couloirs de biodiversité associant trame verte et trame bleue. Cette double trame traversera les territoires urbanisés pour les relier aux aires protégées des campagnes environnantes. À l’autre bout de l’échelle, à celle du bâti, les concepteurs sont invités à inclure des serres plantées dans les volumes construits avec l’objectif de les utiliser à la régulation des ambiances intérieures des immeubles riverains. Écoquartier des Capucins, Angers Castro Denissof Cassi, 2003/2022 L’écoquartier des Capuçins mis en place sur la période de 2003/2022 couvre un plateau bocager de 100 hectares délimité au sud par le faubourg de la Doutre et au nord par le nouveau tracé autoroutier Paris Nantes. Le projet est structuré en trois archipels construits et séparés les uns des autres par des espaces verts en lanière occupant 2/3 du site. Pour la première fois, en France, les urbanistes ont dessiné un plan de gestion des eaux pluviales. La trame bleue irrigue les jardins avec les eaux pluviales qui tombent sur l’ensemble du site. La nature en ville s’urbanise au service de la qualité de vie des citadins. Cette nature n’a plus rien à voir avec la forêt primaire. Elle est urbanisée. Écoquartier du Raquet, Douai SEURA, 2005/2020 La densité de cet écoquartier qui est de quarante logements à l’hectare, trame verte exclue, peut paraître faible, elle n’en n’est pas moins quatre fois supérieure à celle des lotissements pavillonnaires habituels construits en milieu périurbain. La typologie de cet écoquartier associe des immeubles de cinq niveaux le long des avenues principales, des immeubles bas et des villas disposées en limite des parcs. D’une façon générale le concept d’écoquartier a généré une typologie d’îlot en U, cette évolution est particulièrement frappante au Raquet. Le long des quatre principales avenues qui relieront les villes périphériques de Sinle-Noble et de Lambres-lez-Douai, les immeubles de cinq niveaux seront occupés en rez-de-chaussée par des activités et des services. Côté parc, les immeubles
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HQE. Dans le monde artisanal coexistent les résistances les plus ringardes avec les initiatives les plus créatives. Comme de tout temps, la véritable architecture d’avantgarde est indissociable de l’innovation constructive au service d’une nouvelle culture. Le passage de la culture de la société de consommation à la culture de la société durable crée l’opportunité d’un renouvellement de l’art de construire et de l’art de concevoir l’architecture.
Les nouveaux savoir-vivre Une deuxième ressource réside dans la capacité de la population à gérer au mieux les outils qui lui sont proposés. Les professionnels savent tous que les performances tant attendues en matière d’économie d’énergie, d’eau, de transports collectifs, de matières premières, de gestion des déchets ne se concrétiseront durablement que si les utilisateurs, les gestionnaires, les habitants, une fois convaincus de leur bien-fondé, s’efforcent d’adopter de nouveaux comportements. Fort heureusement l’écoresponsabilité est de moins en moins un devoir imposé et de plus en plus une aspiration partagée. En matière d’architecture et d’urbanisme, Commune de Tübingen, Allemagne
les ressources humaines vont compter autant que les ressources techniques. Les premiers signes d’un changement de société se manifestent. Des projets coopératifs d’écohabitats émergent en nombre de plus en plus grand, en France comme dans les pays riverains : Scandinavie, Angleterre (Sustainable Urban Communities), Allemagne (Baugruppen). À ce titre la politique urbaine de Tübingen est prémonitoire. Cette ville universitaire, située à 60 km au sud de Stuttgart, lance périodiquement depuis 1995, un appel aux citadins en quête de logement pour les inviter à constituer des groupes
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d’habitants maîtres d’ouvrage. Ces groupes d’autopromotion sont sélectionnés en fonction de leur intérêt écologique et social pour la collectivité, puis réalisés en concertation avec le service municipal d’urbanisme. Les appels à l’écocitoyenneté font partie intégrante de la vie de la cité. Les opérateurs, qu’ils soient aménageurs, urbanistes ou architectes, sont amenés à travailler avec leur client véritable, le citadin. Toutes les formes de concertation et de participation sont les bienvenues. Pas d’économie effective de ressources sans consensus social. D’un côté les aménageurs des écoquartiers font appel à un changement des comportements des futurs habitants, d’un autre les projets d’autopromotion cherchent des opportunités pour concrétiser leur désir de vivre durablement dans un écohabitat. Au moment où le logement tend à devenir un produit financier destiné aux investisseurs, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à s’interroger sur les modes de coopération souhaitables entre les professionnels de l’habitat et les candidats au logement. En France, la ville de Strasbourg, à l’occasion des journées nationales de l’habitat groupé de la fin novembre 2010, a diffusé une brochure rendant compte d’une action initiée en 2009 : « Dix terrains, dix immeubles durables ». Comme l’écrit Laurent Ries, sénateur maire de Strasbourg : « L’autopromotion, c’est en effet un peu se réapproprier la construction de son logement et donner forme à de nouveaux modes de vie ensemble dans la ville. » À l’instar de la municipalité de Strasbourg, la ville de Lille a lancé un appel à l’écoresponsabilité des citadins en les invitant à concevoir des projets en autopromotion sur quatre terrains dont elle a la maîtrise foncière. L’impact architectural de ces approches participatives est observable d’ores et déjà à Tübingen ou à Freiburg-sur-le-Main. La diversification et la personnalisation de petits projets rangés le long des rues redonnent vie au paysage urbain. Buisson Saint-Louis, Paris Bernard Kohn, 1979/1983 Dans le quartier de Belleville, une demi-douzaine de familles achètent, en 1979, un lavoir à l’abandon de 1 400 m2, situé en fond de cour d’immeuble. L’architecte, Bernard Kohn, a scindé le volume charpenté d’un grand hangar préexistant, en deux volumes de grande hauteur
Buisson Saint-Louis, Paris