sous la direction de Nathalie Boulouch
Nathalie Boulouch
Voyager en couleurs
En 1907, la commercialisation de l’autochrome Lumière provoque une révolution dans la pratique photographique : elle ouvre la voie de la photographie couleur. Parcourant la Bretagne, les photographes saisissent alors les lumières et atmosphères changeantes des paysages, les voiles et coques colorées dans les ports, les motifs des costumes traditionnels comme autant de prétextes à explorer les qualités de leur nouveau moyen d’expression. Amateur, professionnel, ou opérateur au service du projet des Archives de la planète, chacun se lance dans l’aventure où l’attrait du pittoresque croise l’approche documentaire et ethnographique sans négliger la recherche d’une esthétique parfois inspirée de la peinture. Pour la première fois, la Bretagne se révèle dans ses couleurs « naturelles ».
sous la direction de
Éditions Apogée ISBN 978-284398-320-7
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Voyager en couleurs
Photographies autochromes en Bretagne (1907-1929)
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© Éditions Apogée, 2008 ISBN 978-2-84398-320-7
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sous la direction de Nathalie Boulouch
Voyager en couleurs Photographies autochromes en Bretagne (1907-1929)
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3. Jules Gervais-Courtellemont, Jeune Breton, vers 1911. 4. Georges Chevalier, Côtes du nord [sic], Paimpol, vue d’ensemble de Paimpol prise de Kerroc’h, 1er juin 1920.
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5. Georges Chevalier, Finistère, Roscoff, le départ pour la pêche, M. Masson fils avec s/ équipe de marins pêcheurs [sic], 6 avril 1920.
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Sommaire Les chercheurs d’images en Bretagne Denise Delouche
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La couleur pour horizon Nathalie Boulouch
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Voir en couleurs Nathalie Boulouch
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L’ailleurs breton de Jules Gervais-Courtellemont Emmanuelle Devos
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Les Archives de la planète d’Albert Kahn 51 Gilles Baud-Berthier Une Bretagne de plein vent 69 Pascal Aumasson La troménie Jean-Pierre Gestin
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L’autochrome : présentation technologique et technique Ronan Guinée
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Biographies des photographes : Charles Adrien, Georges Chevalier, Roger Dumas, Jules Gervais-Courtellemont, Léon Gimpel, Auguste Léon, Fernand Monpillard, Camille Sauvageot, Nathalie Clet-Bonnet, Emmanuelle Devos, Carole Trouffleau-Sandrin
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Postface Philippe Ifri, Marc Rapilliard
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Liste des œuvres Repères bibliographiques Les auteurs Remerciements
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a commercialisation de l’autochrome permet de cerner un moment important de l’évolution de la vision photographique : celui où les yeux se sont dessillés sur la couleur. Ainsi, c’est dans une fascination du regard
offert à la relation immédiate d’un monde en couleurs que se comprend l’ensemble de la démarche autochromiste : « Combien de fois, dans la mise au point […] d’une scène quelconque de la nature éblouissante de couleurs, ne me suis-je pas retiré de dessous ma couverture avec le désir ardent, que je croyais devoir rester toujours insatisfait, de pouvoir fixer toutes les teintes infinies qui frappaient mon œil projetées sur le verre dépoli ! Et bien ! Cette volupté, je l’éprouve maintenant avec les plaques autochromes 1. » Avec l’autochrome, les photographes accèdent en effet à un nouveau moyen d’expression. Leur pratique en est renouvelée. La couleur apporte un surplus de fidélité et de vérité dans la représentation photographique, en ouvrant de surcroît des perspectives esthétiques inédites. Les photographes sélectionnent différemment leurs sujets, privilégiant la présence de couleurs vives ou, au contraire, les nuances les plus subtiles. La Bretagne, aisément accessible par le chemin de fer depuis Paris, leur offre alors l’occasion d’exploiter les qualités particulières de leur procédé. Le choix des motifs, les points de vue, les cadrages, le traitement de la lumière, la maîtrise des rapports chromatiques sont autant d’éléments qui trahissent des personnalités, des finalités, des regards photographiques différents. Autochromistes C’est dans les rangs des amateurs, membres de sociétés photographiques, que se recrute le plus grand nombre d’autochromistes. Intéressés par les questions techniques, ils affichent quelques prétentions esthétiques et se distinguent autant des « presse-boutons » — qui n’ont aucune connaissance des procédés — que de l’élite des photographes pictorialistes revendiquant une reconnaissance artistique 2. La photographie est pour eux un loisir, qui se pratique en groupe lors d’excursions en train, en voiture ou à bicyclette et s’agrémente souvent 14. Jules Gervais-Courtellemont, [Port de voiliers], vers 1911.
d’un banquet. La photographie participe ainsi d’une forme de sociabilité associative, dont échange et émulation sont les vertus premières. Ingénieur des arts et manufactures, membre de plusieurs sociétés 23
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photographiques dont la Société française de photographie, la Société d’excursion des amateurs photographes et l’Association des amateurs photographes du Touring-Club de France, Charles Adrien incarne parfaitement la figure de l’excursionniste. Le procédé Lumière lui offre, comme à ses confrères, un moyen de satisfaire le plaisir de conserver des souvenirs de ses excursions : « La photographie des couleurs est le summum que peut atteindre tout amateur ayant des loisirs, et un peu d’instruction et de goût. Tout autre genre doit s’incliner devant la photographie des couleurs, qui seule donne la réalité 3. » C’est un luxe, car l’autochrome coûte presque trois fois plus cher que les plaques noir et blanc. À l’inverse, peu de professionnels vont pratiquer l’autochromie. En France, le reporter Léon Gimpel et l’explorateur Jules Gervais-Courtellemont, convaincus de la supériorité documentaire d’un cliché en couleurs sur son équivalent en noir et blanc, font le choix de ce procédé malgré les contraintes qu’il présente : image unique, fragile, coûteuse et difficile à reproduire dans la presse. L’autochrome répond à leur souci de témoigner du temps présent. Par la publication dans des grands journaux illustrés comme L’Illustration ou le National Geographic, par les conférences publiques illustrées de projections qu’ils donnent à Paris et parfois en province, ils ont permis la diffusion des photographies couleurs auprès du grand public. Témoigner est également ce qui anime la démarche des opérateurs du projet des Archives de la planète imaginé en 1909 par le banquier Albert Kahn afin de collecter et conserver par l’image (fixe et animée), l’archive d’un monde en pleine mutation. En 1912, il recrute le géographe Jean Brunhes pour donner une assise scientifique à cette entreprise visant à dresser un « tableau réel de la vie à notre époque, qui demeure le monument par excellence de consultation et de comparaison pour ceux qui viendront après nous 4. » Envoyés en missions aux quatre coins du monde, les opérateurs appliquent la démarche inculquée par Jean Brunhes. Le choix des prises de vue suit des thèmes définis dans une perspective analytique et comparative. L’objectif est de constituer des ensembles de documents d’ordre géographique et ethnographique : sur les types et les activités humaines, les costumes, les phénomènes religieux, les fêtes diverses, l’habitat, les routes, les monuments civils et religieux, l’agriculture, etc. Peu éloignée de Paris, à la différence de destinations plus exotiques, la Bretagne fait l’objet de plusieurs déplacements de courte durée au cours de campagnes photographiques dans l’ensemble du nord-ouest de la France. Ainsi, en 1920, Georges Chevalier combine son expédition en Bretagne avec une autre en Normandie. Après une courte mission d’Auguste Léon à Vitré en 1915, Georges Chevalier, Stéphane Passet, Roger Dumas et Camille Sauvageot sont envoyés dans le Finistère, les Côtes-d’Armor, le Morbihan (1920, 1924, 1929) et la Loire-Atlantique (1924) 5. Un procédé pour tous Conçue pour conquérir le marché des amateurs, la plaque Lumière est simple d’utilisation. Elle ne nécessite pas l’emploi d’un matériel spécifique, si ce n’est quelques précautions d’usage comme celle de charger les plaques à l’envers dans l’appareil de manière à ce que l’écran de fécules soit près de l’objectif pour remplir son rôle de filtre interposé devant l’émulsion. L’usage d’un filtre jaune-orangé est par ailleurs indispensable afin de compenser l’excès de sensibilité de l’émulsion aux radiations bleues. Une fois la prise de vue réalisée, le photo15. Charles Adrien, [Groupe de quatre jeunes Bigoudènes], vers 1910-1920. 16. Georges Chevalier, Côtes du nord, Lannion, un coin du marché le jeudi, place du Marchallach [sic], 6 avril 1920.
graphe procède lui-même au traitement chimique dans une chambre noire portative puis en pleine lumière. Au bout de quinze minutes environ, la plaque positive définitive est entre ses mains. Il lui suffit alors de la doubler d’un verre de protection et de maintenir l’ensemble par une bande de papier noir. L’un des inconvénients majeurs de l’autochrome réside dans son caractère d’image unique. En outre, elle est très difficile à reproduire. Ceci constitue l’une de ses principales limites ; bien vite oubliée cependant 25
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17. Jules Gervais-Courtellemont, Pêcheurs de Douarnenée [sic], vers 1911. 18. Roger Dumas, Finistère, Locronan, la Grande troménie, reposoir St Elleau [sic], 14 au 21 juilt/29,1929. 27
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44. Georges Chevalier, C么tes du nord [sic], Lannion, groupe de petites filles, 9 ao没t 1920.
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45. Georges Chevalier, Côtes du nord, Guingamp, un coin de la place du Centre avec la fontaine de l’église, 30 mai 1920.
46. Georges Chevalier, Finistère, Roscoff, un Breton et une Bretonne avec leur petit-fils [sic], 4 avril 1920.
Pages suivantes : 47. Georges Chevalier, Morbihan, Auray, la rue du Lait et l’église Saint-Gildas, 15 juin 1920. 48. Auguste Léon, Ille-et-Vilaine, Vitré, rue de la Baudrairie, 22 septembre1915. 56
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51. Georges Chevalier, Finistère, la rade de Brest, vue prise des hauteurs du passage vers Brest, 10 mars 1920. 52. Georges Chevalier, Finistère, Plogoff, un vieux Breton de Plogoff, 17 mars 1920.
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119. Georges Chevalier, Finistère, Roscoff, la petite chapelle Sainte-Barbe, 6 avril 1920.
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