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INTRODUCTION
En France, une étude de 2016 soutenue par le Ministère des Droits des femmes révèle qu’au cours de sa vie, 1 femme sur 26 est violée et 1 sur 7 est agressée sexuellement. Et que les 3/4 des femmes victimes de viol et de tentative de viol ont été agressées par un membre de leur famille, un proche, un conjoint ou un ex-conjoint (enquête « Violences et rapports de genre » de l’Institut national d’études démographiques – INED). Toujours en France, selon Le Défenseur des Droits , seulement 10 % des femmes victimes de viol portent plainte et seuls 3 % des viols débouchent sur une condamnation. Le harcèlement au travail touche 1 femme sur 5 et seuls 30 % des cas sont transmis à la connaissance de l’employeur. En Suisse, sur le site de l’État de Vaud, on apprend qu’1 femme sur 5 subit de la violence physique ou sexuelle au moins une fois dans sa vie de la part de son partenaire ou ex-partenaire. Et qu’en moyenne 2 femmes par mois sont tuées par leur partenaire ou ex-partenaire. Une femme sur 10 porte plainte après un viol ? Un chiffre qui dit le travail qui reste à accomplir. Et en Inde, où je me rends chaque année ? Impossible de savoir… 1 sur 3000… 8000 ? Là-bas, le tabou est bien plus lourd encore. Une femme victime d’une agression sexuelle ne veut dire à personne qu’elle est « sale » et par là entacher sa réputation et celle de sa famille. En Inde (et dans de nombreux autres pays), c’est mieux d’avoir une chèvre qu’une fille. Une chèvre, on peut la traire et la manger. Une fille, sa dot va coûter un bras à papa. Une femme, elle se tait et, aux yeux de la société, elle est responsable de ce qui lui est arrivé. C’est un matraquage tellement ancré que les victimes le croient elles aussi. Je n’aime pas les statistiques qui ramènent invariablement les femmes à l’idée qu’elles subissent, qu’elles sont victimes « éternelles », qu’il n’y a pas grand-chose à faire, que les hommes sont plus forts physiquement. Et les chiffres mentent, les chiffres varient d’une étude à l’autre, les chiffres on peut leur faire dire ce que l’on veut. Que ce soit en Suisse, en France ou en Inde, ça ne m’intéresse pas de savoir si, en 2018, on a recensé 1 % de viols en plus ou en moins et si les urgences des hôpitaux ont enregistré une légère diminution ou une légère hausse des arcades brisées, yeux pochés, commotions, dents cassées, bras cassés, coups de couteau, brûlures à l’acide ou des bleus sur le corps des femmes qui leur ont rendu visite.
Nos sociétés n’avancent pas dans la direction de moins de violences à l’encontre des femmes… pas besoin de consulter des statistiques pour le sentir. Si les femmes portent plainte plus « facilement » lorsqu’elles sont victimes de violences, si le tabou tombe un peu, si les affaires Strauss-Kahn, Weinstein et Cosby participent à délier quelque peu les langues, à faire avancer la cause, tant mieux, mais en parler plus va-t-il permettre de diminuer le nombre de victimes ? Je ne crois pas. On ne peut rien contre la frustration et dans nos sociétés, les hommes (et les femmes) ne vont pas vers moins de frustrations. Nos sociétés sont plutôt des machines à fabriquer des frustrations, tous les corollaires d’un libéralisme exacerbé : toujours plus de précarisation, de chômage, de très riches, de très pauvres, d’humiliations, de solitude, de pressions, de matérialisme, d’égoïsme, d’agressivité, de repli communautaire, de repli sur soi, de provocations, de nudité, de pornographie, de chosification des femmes (et des hommes), d’abrutissement, de perte de valeurs, de perte de contrôle, de déresponsabilisation, de troubles psychiatriques, d’excuses, etc. Et quand ça va mal, ce sont les femmes qui ramassent les premières. Les hommes à la main leste, les agressions, les viols, les vols avec violence, les coups, les menaces, les insultes, les perversions, les manipulations. ont de beaux jours devant eux. Et même s’ils diminuaient un peu, qu’est-ce que ça changerait ?
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Il y a et il y aura toujours des violences à l’encontre des femmes. Certains hommes sont frustrés, violents, malades, manipulateurs, pervers, ou très lâches. Même si certaines femmes reproduisent des schémas qu’elles devraient identifier, c’est un peu une loterie pour celles qui pourraient se retrouver un jour face à un homme violent. Les frustrations et l’agressivité sont là et c’est plus facile de taper sur sa femme à la maison que de taper sur son petit chef au travail. On risque moins son pouvoir d’achat et sa « place » dans la société. Et si on n’a pas de travail, alors on a une autre excuse pour se soulager sur sa femme.
Il est plus efficace de s’attaquer à un problème à sa source mais concernant notre sujet – la violence de certains hommes – je ne vois pas de sortie du tunnel, de traitement éradicateur. Alors j’ai choisi de focaliser sur le domaine où la marge de progression est phénoménale : la capacité des femmes à sauver leur peau. Seules. Comme l’ourse, la louve, le hamster femelle, la loutre ou le varan femelle. La formidable capacité du mammifère humain femelle au combat est une des choses les moins connues, les moins dites et les moins comprises sur cette planète.