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1 Les chats, ces infatigables travailleurs

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Préambule

Préambule

Tout le monde le sait, c’est connu depuis Mathusalem, les chats sont des gros fainéants qui passent les trois quarts de leurs journées à dormir. Cependant, ils peuvent parfois s’avérer de bons travailleurs, sans le savoir bien sûr. Pour être tout à fait honnête, les métiers auxquels ils peuvent prétendre sont limités. Hormis testeurs de matelas, bien souvent, ces félins ont été et sont encore employés pour deux raisons : chat-sser et tuer les rongeurs, et pour le côté sentimental et affectueux.

Brayou, pas peu fier d’écrire un livre avec le Dr Dauty, dont il est fan depuis qu’il a dévoré son ouvrage, Réconcilier l’homme et l’animal.

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Si les chats ne sont pas aussi dociles que les chiens – et d’autres animaux –, ils peuvent tout de même (ou pas) remplir certaines missions. En effet, des idées de génie, mais aussi d’autres un peu tirées par les cheveux, voire par les poils, ont émergé de cerveaux humains pour se « servir » des félins : c’est ce que nous allons voir dans ce chat-pitre.

Le chat, prédateur dévoyé par les sofas et les agapes que l’humain met à sa disposition, a conservé de ses ancêtres chasseurs un grand besoin de sommeil : selon son mode de vie, errance ou cocooning, il dormira une dizaine d’heures ou quasiment vingt. L’un se choisira un coin tranquille tout en restant sur le qui-vive, l’autre pourra s’étaler au vu et au su de tous sans risquer l’attaque d’un congénère. À l’endormissement succède le sommeil paradoxal, celui des rêves et des énigmes.

Le chat de maison dort souvent la nuit, il s’adapte à nous ; le chat des champs, lui, se repose surtout le jour. Carnivores, les prédateurs sauvages doivent fournir de gros efforts ponctuels et parfois infructueux pour se nourrir, ce qui explique leur besoin impératif de récupération énergétique et de repos musculaire, qu’ils aient été récompensés ou non dans leurs chasses. Ainsi, lynx comme loup doivent souvent rester le ventre vide et le remplir abondamment quand l’opportunité se présente. À l’inverse, les herbivores, ruminants, chevaux ou lapins doivent s’alimenter en continu pour faire fonctionner leur « chaudière » que constitue panse ou cæcum, sortes d’usines à transformer la cellulose végétale en protéines : l’herbivore mange une grande partie du temps, les vaches ruminent, généralement couchées, tandis que les chevaux, quand ils dorment, peuvent stationner debout !! Notre chat des villes, lui, chasseur d’occasion, a gardé l’appétit de son ancêtre, tout en doublant ses siestes, sans se soucier de l’embonpoint qui en résulte !

On pourrait voir en notre chat un épicurien invétéré, ami des plaisirs, pleutre et paresseux à souhait. Il n’en est rien. Maman chatte est d’une dévotion totale à ses rejetons, d’un courage admirable pour les défendre et les soustraire aux dangers, comme aux incendies ou aux risques de noyade, quitte à y laisser sa vie. Le lion mâle de la savane se montre tout aussi vaillant à défendre son groupe : vieillissant, il finira à tous les coups misérable, blessé à mort par des concurrents dont la testostérone leur monte à la tête. Qu’importe, son travail est accompli, la chute du roi félin s’inscrit dans l’ordre de la nature.

Domestiqué par l’Homme au début du Néolithique (une tombe abritant les squelettes d’un humain et d’un chat enterrés ensemble fut mise au jour à Chypre, datée de 8000 ans avant notre ère), le chat est vite embauché, si l’on peut dire, à la protection des récoltes convoitées par les rats et les souris. Il y trouve son intérêt, mais reste en intérim, à l’inverse du chien qui devient totalement dépendant de l’homme. Idolâtré chez les Égyptiens, parfois cloué aux portes durant le Moyen Âge ou brûlé par grappes à la Saint-Jean, le chat connaîtra des fortunes diverses selon les croyances et les époques : la nôtre lui est favorable, il investit les maisons et leurs couettes, s’installe dans notre cœur et devient un membre de la famille. Son travail ? Nous bercer de son ronron réparateur, flatter notre regard, nous amuser de son humour et de ses fantaisies, exproprier les vagues à l’âme que notre monde génère ! Ce faisant, il continue à faire le gendarme auprès de nos souris, peut nous défendre, être visiteur médical, anticiper un cancer et bien d’autres soucis, tout comme le chien qui peut savoir qu’une crise d’épilepsie ou une hypoglycémie guette son maître. Bref, le chat est sous-employé au regard de ses immenses talents ; à qui la faute ?

Nos autres animaux domestiques fournissent un travail plus probant, certes, parce qu’ils sont plus malléables, davantage sous contrôle, voire éduqués ou dressés. Le chien, dont la domestication remonte à près de 50 000 ans, forme avec l’humain un surprenant binôme, à tel point que ces derniers se ressemblent. Quand le loup s’obstine à vouloir atteindre un repas que l’on a volontairement rendu inaccessible, le chien, lui, tourne son regard vers l’homme et l’appelle à la rescousse au bout de deux ou trois tentatives infructueuses. Le travail animal est inhérent à la vie. Si nous nous intéressons aux animaux sauvages, nous voyons bien qu’ils ne cessent de travailler, les castors à leurs barrages, les oiseaux à la construction de leur nid. Avec la domestication, nous nous accaparons le labeur animal, moyennant gîte et couvert ! Chevaux à la traction dans l’agriculture ou bien attelés aux calèches, chiens de troupeaux, de garde ou d’avalanche, rats de Gambie détecteurs d’explosifs, éléphants au débardage, la liste des services qu’ils nous rendent est longue. Aujourd’hui, ils pansent aussi nos blessures en adoptant le rôle de visiteur médical. Même le cheval, malgré son imposante stature et contre quelques aménagements de la structure qui l’accueille, peut endosser cette fonction : tous les animaux domestiqués, imprégnés de et par l’homme, lui portent spontanément de l’amitié. Mais quand l’humain prend sa propre route et se coupe de ses perceptions sensorielle et intuitive originelles, l’animal garde son ancrage à la terre, son ressenti de « l’autre » qui le rend médium et soigneur. Voilà pourquoi ils font tant de bien à ceux qui les aiment et les respectent.

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