Automne, une saison chez les sorcières T.1

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Les éditions du Lumignon présentent dans cet extrait à feuilleter en ligne le premier chapitre du livre

Automne, une saison chez les sorcières,

premier tome de la série Une saison chez les sorcières. Initialement paru en 2014, les pages ici présentées sont extraites de la nouvelle édition augmentée, à paraître le 9 octobre 2017. Texte et illustrations : Anaïs Goldemberg



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Il était une fois une maison vieille comme le temps. C’était un endroit calme, fait de rêves et de rires, de contes et d’ombres.

C’était un endroit fait de magie.


La porte de cette maison était toujours entr’ouverte, pour y accueillir quiconque souhaitait y faire une halte, qu’il soit un ogre égaré ou un renard en vadrouille. Dans l’entrée, des paniers débordaient de champignons et de noisettes. Des fleurs séchées étaient suspendues aux poutres du salon. Des marmites sifflaient et soufflaient doucement dans la grande cheminée de la cuisine aux murs de brique. S’il pleuvait, l’eau gambadait joyeusement dans les gouttières et le lierre qui dévorait les murs étincelait comme mille émeraudes. Si le soleil décidait de se montrer, ses rayons s’amusaient avec les vitraux des fenêtres et des éclats de couleur dansaient dans toutes les pièces. Il était bon de vivre dans cette maison, et aucune sorcière ne s’en éloignait pour longtemps.



Une saison chez les sorcières

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La course à la Feuille d’Or

Notre histoire commence au tout petit matin du premier jour de l’automne. Tout était calme dans la forêt endormie. Les chouettes avaient regagné leurs abris avant que l’aube n’arrive, et le vieux coq qui avait élu domicile au sommet d’un sapin (personne ne savait pourquoi) n’avait pas encore ouvert l’œil. Pas un souffle n’agitait les feuilles, pas un brin d’herbe ne frémissait sous le poids d’un insecte. Rien ne bougeait. Des nappes de brouillard s’étendaient paresseusement sur le sol laissant apparaître ici ou là un sombre tronc d’arbre ou un rocher moussu. Si vous étiez perdu dans un endroit pareil, vous n’auriez que peu de chance de trou-

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ver un chemin, surtout un qui vous amène à destination. Et pourtant, chaque piste, chaque empreinte, chaque éclaircie parmi les arbres semblait mener vers une large clairière en plein cœur des bois. À cet endroit, la forêt s’ouvrait soudain sur une pente douce verdoyante parsemée de buissons sauvages. Dans un coin, de petits arbres noueux poussaient les uns à côté des autres, tous plus chargés de pommes ou de poires juteuses, et des paniers reposaient à leurs pieds, encore vides. À quelques pas, une large clôture entourait un grand potager où semblaient pousser toutes les plantes possibles et imaginables. Un vieil épouvantail surveillait d’énormes citrouilles et des rangs de poireaux, de fenouils et de choux-fleurs. Des outils étaient éparpillés à travers tout le potager, et au milieu des pelles et des râteaux, quelques curieux objets avaient été oubliés : ici une guitare dans les carottes, là une loupe attachée aux haricots verts. Une petite cabane était plantée à l’extrémité du potager, et à travers la porte entr’ouverte, on devinait des étagères chargées de livres. C’était un étrange jardin. Mais le plus curieux, dans cette clairière perdue dans la forêt endormie, c’était la grande maison dressée en plein milieu, ses nombreux toits s’élevant au-dessus des brumes. Un matin ordinaire, nous aurions pu prendre le temps de nous émerveiller devant les vitraux multicolores, ou du fait que les tourelles et les balcons semblaient jaillir de partout, ou encore de l’assemblage bizarre de planches de bois, de murs en briques et de toits de chaume et d’ardoise. Mais c’était le premier matin d’automne dans les bois dormants, et cette maison était le seul endroit de la forêt qui échappait à la tranquillité ambiante. En fait, la maison toute entière bruissait d’excitation et ses occupants étaient on ne peut plus réveillés. Derrière les volets clos, on entendait des bruits étouffés de coups et de chutes. Parfois, un rideau s’agitait et un rond de fumée sortait d’une cheminée avec un petit « pouf ! ». Il se passait quelque chose derrière ces murs et il paraissait extrêmement important de le cacher à quiconque essaierait de fureter. Après une série 10


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particulièrement impressionnante de chocs retentissants, ce fut le silence. Soudain, à l’arrière de la maison, une petite porte s’ouvrit dans un grincement et quelqu’un apparut. C’était une sorcière, sans aucun doute. Elle avait un chapeau pointu, voyez-vous. Elle scruta le jardin et la forêt encore sombre. Il n’y avait personne, et cela sembla la rassurer au plus haut point. « Venez ! Il est l’heure ! » Elle s’avança, suivie d’une petite foule de chapeaux pointus qui encombra bientôt le pas de porte. Les sorcières portaient toutes une masse de rubans et de tissus colorés, des paniers de bruyère et des bouts de ficelle. Elles se dispersèrent dans le jardin, puis chacune s’arrêta au pied d’un arbre. Elles restèrent là, en se regardant avec impatience. « Êtes-vous prêtes ? À la une, à la deux, à la trois ! » Toutes les sorcières levèrent les bras en même temps, à la fois pour lancer dans les airs tout ce qu’elles portaient et pointer une baguette droit dessus. Il y eut des éclairs, des nuages de fumée et beaucoup, beaucoup de bruit tandis que les tissus, les rubans et les ficelles s’enroulaient autour de chaque branche en se liant ensemble. Les fleurs jaillissaient des paniers et rebondissaient partout pour finir par s’accrocher aux toits et aux fenêtres, aux gouttières et aux cheminées. Le jardin était transformé. Alors que l’aube arrivait enfin, les premières lueurs tombèrent sur les décorations qui couraient à travers toute la clairière. C’était tellement beau, tellement joyeux ! Même l’épouvantail, qui était maintenant entouré d’une guirlande de fanions multicolores et dont le chapeau était surmonté d’une couronne de bruyère, avait l’air prêt à faire la fête. Et c’était bien de cela qu’il s’agissait, puisque le moment des derniers préparatifs pour la grande fête de l’automne était enfin arrivé. 12


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Changer de saison n’était pas une petite affaire dans les bois. Du plus modeste moucheron au chêne le plus majestueux, toute la forêt se préparait à un nouveau grand cycle. Les rythmes de chacun devaient s’y adapter : il y avait des réserves à faire, des bulbes à planter, des nids à vider, des terriers à aménager. Mais surtout, ce passage était marqué par la folle fête organisée par les sorcières, celle où tous les habitants de la forêt étaient invités. Qu’on y vienne pour déguster les derniers légumes d’été ou pour s’échanger les potins les plus frais, chacun se réjouissait d’y participer. L’automne était d’autant plus attendu qu’à cette occasion, la fête des sorcières était précédée par le plus grand événement de toute l’année (ou en tous cas le plus palpitant) : la Grande Course à la Feuille d’Or ! Mais n’allons pas trop vite, et revenons auprès de nos sorcières. Maintenant que le jardin était décoré, d’autres sorcières sortaient de la maison en portant des planches de bois. L’une d’elles traînait une énorme caisse débordant des plus improbables outils, qu’elle laissait tomber en courant trop vite. Après avoir semé derrière elle un harmonica, une brosse à dent, un tuyau coudé, un parapluie, une clé à molette et un tournedisque, elle s’arrêta et posa la caisse. « Là : c’est l’emplacement parfait pour l’estrade ! » Aussitôt, les autres sorcières lui apportèrent les planches de bois. L’une d’elles demanda : « As-tu besoin d’aide, Katastraboum ? » « Moi ? Mais pas du tout ! Je suis experte en bricolage, je vais vous construire ça en un clin d’œil ! » Katastraboum attrapa un marteau et un clou, se concentra

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pour bien viser, prit de l’élan et... VLAN ! Le fer du marteau se détacha du manche pour aller s’écraser sur le chapeau pointu de la sorcière qui tomba immédiatement dans les pommes. « Et voilà, je me disais bien que quelque chose de ce genre allait arriver... » grommela l’autre sorcière, qui sortit de sa besace une petite fiole remplie de fumée verte. Elle la passa sous les narines de la sorcière évanouie, qui ouvrit aussitôt les yeux. « Hein ? Quoi ? Rafistole, sais-tu pourquoi je suis par terre ? » « Parce que, ma chère, tu as été victime d’un cas de martonite aiguë. » dit Rafistole en rangeant sa fiole. « Je te conseille de te reposer un peu avant de continuer une activité aussi dangereuse que celle-là. » « Ooh, tu as raison, ma tête résonne étrangement... Dis aux autres de faire bien attention à cette martonite, hein ! C’est peut-être contagieux... » Sur ces mots, Katastraboum s’étendit dans l’herbe et se mit à ronfler doucement.

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Autour d’elle, les sorcières s’activaient toujours. Bientôt, une petite estrade fut montée, et une banderole peinte de couleurs vives, qui avait été hissée au-dessus, annonçait fièrement « Grande Course à la Feuille d’Or ». Des tables étaient déjà chargées de fruits et de pâtisseries sortant du four. Tout était prêt. Et ce n’était pas trop tôt : de plus en plus de monde se bousculait autour de la maison. Aux côtés des sorcières se pressaient maintenant des renards et des cerfs, des blaireaux et des écureuils. D’autres arrivaient de la forêt, et la clairière fût bientôt remplie de tous les animaux à poils et à plumes que comptaient les bois. Une sorcière escalada l’estrade et le silence tomba sur la foule. « Bienvenue, chers amis ! Ce soir aura lieu la grande fête de l’automne. Mais vous savez tous qu’on ne peut quitter l’été sans trouver la feuille d’Or ! » Une grande clameur accueillit ces mots. Tout le monde se frottait les mains, sautait sur place ou tout simplement buvait les paroles de la sorcière, qui continua. « Dans quelques instants, nous allons commencer la grande course. Que ceux qui veulent participer prennent un dossard. Mais attention ! Cette course est réservée aux plus braves... aux plus courageux... aux plus farouches... aux plus... » « Oh, mais ce n’est pas bientôt fini, Extravaga ? » l’interrompit une voix dans la cohue. « Oui, on veut commencer, nous ! » renchérit quelqu’un d’autre. Deux petites sorcières au premier rang tapaient du pied par terre en lançant des regards noirs à la sorcière sur l’estrade. « Bon, si, comme Irritantine et Jaloustine, vous vous impatientez, laissez-moi juste vous rappeler les règles de la course. Pas de triche ! Pas de dispute ! Vous n’avez qu’un seul but : trouver la toute première feuille de la forêt qui aura abandonné sa couleur verte pour devenir dorée en honneur de l’automne. » Il y eut un grand murmure : c’était une course très compliquée. La forêt était immense et il fallait chercher à travers le feuillage de chaque arbre, de chaque buisson pour trouver une seule feuille. 15


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« Le vainqueur aura... » Extravaga avait repris la parole, et le silence dans la foule devint absolu « … une citrouille magique d’Oignonne ! » La clairière explosa de joie. Oignonne était la sorcière la plus douée en plantation, et on parlait de ses légumes à travers toute la forêt. Mais c’étaient ses citrouilles qui lui avaient valu une renommée sans limite. On disait qu’elle enchantait les énormes courges qui trônaient, luisantes, au milieu du potager. Une fois ouverte, une citrouille pouvait nourrir une famille entière pendant des mois et des mois. Gagner la course signifiait ne pas avoir le ventre creux cet hiver. Une grande confusion s’ensuivit, le temps que chacun prenne un dossard et se place sur la ligne de départ qui bordait toute la clairière. « À vos marques ! Prêts ? Partez ! » Tous les participants se ruèrent entre les arbres et disparurent dans les ombres de la forêt. Il ne resta plus dans la clairière qu’Extravaga, qui descendit de l’estrade en souriant.

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Dans les bois, c’était une joyeuse course-poursuite. Les belettes fouillaient les branches basses, les moineaux volaient de brindille en rameau et les sorcières plongeaient confusément dans tout ce qui ressemblait à un tas de feuilles. Un blaireau surgissait soudain d’une touffe de fougères et des loirs retournaient chaque feuille d’un grand châtaigner. Mais les heures passaient, et tout ce qu’on pouvait voir, c’était l’étendue de la gamme de verts déployée dans les feuillages. Certains commençaient à trouver le temps long et se réunissaient pour bavarder le long d’un ruisseau ou à l’ombre d’un saule. Des goûters étaient partagés, et on vit même Ploumpouding sortir de son tablier un service à thé, un grand thermos et une boîte de petits biscuits (qui eurent beaucoup de succès). La course n’était pas oubliée par tous, et les plus tenaces cherchaient encore la Feuille d’Or. Deux sorcières tenaient particulièrement à la trouver : Irritantine et Jaloustine n’avaient jamais remporté la course, ce qui les mettait toujours en colère. Mais cette année, c’est sûr, la victoire était pour elles ! Les deux sorcières s’étaient éloignées des autres coureurs pour s’enfoncer encore plus dans la forêt, et tout le monde les avait perdues de vue. La sorcière Hémisphie avait un jour essayé de tracer la carte des bois. Le Ruisseau aux Grenouilles, la Grande Souche, le Vallon des Jonquilles et bien d’autres lieux étaient connus de tous. Mais certaines parties de la forêt étaient peu visitées. Il suffisait de suivre une empreinte ou de marcher en direction d’un cri d’oiseau et l’on se retrouvait au milieu d’arbres inconnus. C’était précisément le plan d’Irritantine et Jaloustine qui avaient décidé de partir dans des régions des bois peu explorées, où elles ne tomberaient pas sur d’autres participants. Après avoir fouillé un châtaigner millénaire et un bosquet de noisetiers, elles passèrent la crête d’une colline couverte de mousse et... Devant elles, les arbres avaient changé de couleur. Mais leurs feuillages n’avaient rien à voir avec les couleurs chaudes de l’Automne. Ici, pas de petite feuille dorée. Au contraire, 17


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des feuilles poisseuses, verdâtres qui semblaient dégouliner jusqu’au sol recouvraient les branches des arbres qui avaient l’air malades. « Que se passe-t’il ici ? » s’exclama Jaloustine. « Ça alors, je n’ai jamais vu ça ! » ajouta Irritantine. Les deux sorcières frissonnèrent. Le soleil n’arrivait pas jusqu’à cette partie de la forêt. Il faisait froid, et on aurait dit que le temps s’était arrêté. « C’est peut-être grave... » murmura Irritantine. « Prenons une branche pour la montrer aux autres. » Elle s’approcha d’un arbre et coupa une petite branche. Une terrible odeur de pourriture se dégageait des feuilles. « Ramenons-la vite à la maison. Tant pis pour la course, nous laisserons la victoire à quelqu’un d’autre... » En jetant des coups d’œils inquiets sur les arbres autour d’elles, les sorcières repartirent vers la clairière. Pendant ce temps, la course à la Feuille d’Or s’était plus ou moins transformée en grande balade dans la forêt. Trouver une toute petite feuille demandait beaucoup trop de patience et d’attention, et tout le monde était finalement bien plus intéressé par la fête à venir. La clairière autour de la maison se remplissait à nouveau des participants qui souhaitaient accueillir le vainqueur (et déguster une tarte aux champignons en l’attendant). Parmi les arrivants, une sorcière remontait la clairière, le nez en l’air. Elle avait passé l’après-midi à ramasser des fleurs des bois, et de ses bras dépassait le plus gros bouquet jamais vu. « Hé Mam’Nésie ! Aurais-tu oublié de chercher la feuille d’or ? » La sorcière fronça les sourcils. « La feuille d’or ? De quoi parlez-vous ? » Mam’Nésie était perplexe. « Attendez, je crois que j’en ai ramassé une... Regardez, elle va bien avec mes fleurs, non ? » Il y eut un grand tumulte. On se pressa autour de la sorcière et de son bouquet. Là, au milieu des colchiques et des dahlias, se trouvait une petite branche de houx sur laquelle poussait... une minuscule feuille dorée. 19


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« C’est Mam’Nésie qui a gagné ! » « Youpi ! Vive Mam’Nésie ! » La sorcière se rappela soudain de la Course à la Feuille d’Or et, comprenant enfin qu’elle avait gagné, elle rougit des pieds à la tête. Quand on lui apporta le grand prix, la plus belle des citrouilles d’Oignonne, elle décida que c’en était trop. « Non non, n’insistez pas ! Je voulais juste faire un bouquet ! J’ai une idée : partageons cette citrouille, nous serons tous gagnants ! » Des hourras et des cris de joie saluèrent la proposition de la sorcière étourdie. Puis, comme la course était finie, on se rendit compte que le moment de passer aux choses sérieuses était arrivé : la grande fête de l’Automne pouvait commencer ! Si vous n’avez pas encore été invité à une fête chez des sorcières, il faut vous imaginer une ambiance déchaînée. Sonatina avait sorti tous ses instruments de musique, et on dansait des valses folles aussi bien que la samba. Le lait de châtaigne coulait à flots, les petits gâteaux aux pommes étaient gobés dès qu’ils étaient posés sur les tables. Au fur et à mesure que la soirée avançait, les lampions s’allumèrent

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en clignotant, et jetèrent leurs couleurs joyeuses sur la foule. Un gros monstre couvert de poils ne quittait plus la table des petits fours. « Grogragrou, ne mange pas tout ! » rouspétaient les sorcières. « Laisses-en pour nous ! » Il y eut des jeux, du bruit et beaucoup de pagaille : de l’avis de tous, ce fut une fête très réussie. Seules Irritantine et Jaloustine manquèrent la soirée. Les deux sorcières s’étaient enfoncées tellement loin dans la forêt qu’elles mirent des heures à revenir. Quand elles arrivèrent enfin dans la clairière, la fête battait son plein. Les deux sorcières, qui étaient pourtant de superbes chipies, ne voulaient pas gâcher la soirée avec leur étrange découverte. La branche qu’elles ramenaient dégageait une odeur de plus en plus forte. « Que faisons-nous, maintenant ? » demanda Jaloustine. « On ne peut pas arriver comme ça, avec cette branche malade... » « Mettons-la discrètement à l’intérieur. Nous attendrons que la fête soit finie pour en parler. » dit Irritantine. Personne ne les vit entrer dans la maison. De nombreuses heures plus tard, les derniers invités quittèrent la clairière. Les guirlandes étaient emmêlées, les épis de bruyère éparpillés sur le sol et il ne restait plus qu’un demi-pichet de jus de pomme. Grogragrou ronflait sous une table. Il était temps pour les sorcières d’aller se coucher. Mais dans la maison, Irritantine et Jaloustine les attendaient, l’air grave, de chaque côté de la branche mystérieuse. On oublia la fête en un instant. Et, malgré la fatigue, il n’était plus question d’aller dormir.

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