le bo
s a d s
d sous
et autres histoires Conthées
Les éditions du Lumignon vous proposent de feuilleter cet extrait pour découvrir le premier conte du recueil Le Bois Sans Dessus Dessous. Textes : Clémentine Ferry Illustrations : Sanoe À paraître le 9 octobre 2017.
Sommaire
le Loir dans la théière page 6 le bal des chauves-souris page 4 les collections de Lilas page 22 les jumelles de Blaireau page 30 la chasse au trésor de Ciboulette page 38 la balade aérienne du vénérable Mélèze page 46 l’ingrédient secret d’Aconit page 54 la fabrique à thés de Reinette page 62 les violons de la famille Lapin page 70 le remède de Tilleul page 78 l’herbier du Bois page 86
le loir dans la
Théière
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le bois sans dessus dessous
S
aule avait hérité du salon de thé familial. Dans le Bois
Sans Dessus Dessous, le thé était sacré et on se précipitait au Saule Pleureur pour y déguster les breuvages les plus raffinés ! Si Loir faisait le service, sa délicate épouse Noisette, elle, s’occupait des tartes et autres biscuits. Mais Saule avait un gros problème. Le vide le tétanisait ! Quel est le rapport, me direz-vous ?
Eh bien le Saule Pleureur, haut lieu du goûter, possédait la particularité d’être un salon ambulant en forme de théière délicatement ciselée. Une myriade de ballons multicolores le soutenaient, le déplaçant ainsi en continu à travers Sans Dessus Dessous, évitant toute jalousie entre les habitants. D’ailleurs, les différentes familles d’oiseaux nichées dans les hauts arbres du Bois ne s’en plaignaient pas : elles étaient les premières servies ! 5
C’était fort plaisant, sauf pour Saule qui ne supportait pas l’altitude. Chaque journée de travail lui demandait des efforts. Depuis quelque temps déjà, il pensait à changer de métier et céder la théière ambulante au premier repreneur. Mais ses parents et sa charmante Noisette refusaient de voir partir entre les mains d’un quelconque novice le bien le plus précieux de la famille. Le jour où Saule eut un malaise en servant Basilic le Hérisson, Noisette prit en considération la possibilité de vendre le salon. On arrima le Saule Pleureur dans une clairière et la famille Loir se réunit pour prendre une décision. Avertis, les 6
animaux de Sans Dessus Dessous ne l’entendaient guère de la même façon : ils refusaient catégoriquement la fermeture de ce paradis du quatre-heures ! Pendant plusieurs jours, Lapins, Taupes, Chevreuils et autres animaux du Bois manifestèrent devant le salon ambulant afin de prouver leur attachement à ce lieu si charmant. 7
le bois sans dessus dessous
Saule, s’étant remis de ses émotions, réfléchissait activement à la meilleure façon de poursuivre ses activités. Sa tendre Noisette le trouvait bien pensif et finalement beaucoup plus malheureux que dans les airs… Les semaines suivantes, on veilla le Saule Pleureur, comme si le vent l’avait emporté vers d’autres horizons. On alluma même des bougies autour de la théière. Attirée par les petites lumières, une colonie de lucioles s’installa près des ballons, amusée par ces étranges décorations. Saule n’arrivait pas à prendre de décision et Noisette s’affolait au sujet de la conservation de leurs thés. Trois mois étaient déjà passés et les belles boîtes renfermant les précieuses feuilles prenaient la poussière. Un jour, Mimosa, le dernier-né de la famille Hiboux s’écria : « Regardez ! Regardez tous ! Le lierre commence à pousser ! » En effet, le lierre vorace s’étalait déjà autour de la porte d’entrée.
À ces mots, et à ces mots seulement, Saule sortit de sa torpeur. Il lui était dorénavant presque impossible de passer la porte d’entrée ! Horrifiés, les animaux s’activèrent pour couper la plante envahissante, mais tous savaient qu’elle repousserait bientôt… 8
le bois sans dessus dessous
C’est alors que le Loir eut une brillante idée. Une idée lumineuse comme les lucioles virevolant chaque soir autour des ballons de son salon. Oh oui, une idée révolutionnaire qui rendrait tout le monde content ! Le Saule Pleureur se dressait dans toute sa splendeur au cœur de la clairière. Un petit jardin de plantes aromatiques l’entourait et une magnifique pergola fleurie menait à l’entrée. Saule et Noisette avaient aménagé un jardin d’hiver et une petite terrasse toujours impeccablement entretenue. Des ballons multicolores se balançaient au gré du vent, attachés à la cheminée. Et pourtant, le salon ne déambulait plus. Soudain, une théière, réplique miniature du salon, s’envola par l’une des fenêtres, propulsée par deux lucioles ! Soutenue par des ballons rouges, on y avait collé une étiquette dentelée où l’on pouvait lire :
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le bois sans dessus dessous
Thé « confort » à la cannelle pour Mlle Châtaigne du hameau des Blaireaux.
Rejoignant sa cliente, la petite théière flottait doucement dans les airs, accompagnée par le bruissement joyeux des lucioles. Dans son salon, Mlle Châtaigne patientait tranquillement en reprisant les chaussettes de son père Frêne dont la vue déclinait. Alors qu’elle passait pour la dixième fois son aiguille au travers de l’épaisse laine, la théière miniature vint servir la demoiselle Blaireau dans la tasse négligemment posée sur sa table de travail. En échange, celle-ci laissa tomber quelques piécettes d’or au fond de l’objet afin de payer sa consommation. Et la théière aux ballons rouges reprit son chemin vers le salon qui n’avait plus d’ambulant que ces petits contenants à thé. Saule avait eu la bonne idée de créer un service à domicile, satisfaisant ainsi tous ses clients. Mais personne n’était plus heureux que Loir qui avait enfin rejoint la terre ferme, tout en continuant avec passion ses activités ! Sa terrasse était maintenant très prisée et l’on y organisait goûters d’anniversaire et réunions de famille - sans oublier d’y allumer quelques petites bougies en l’honneur des lucioles. Depuis ce jour, les thés du Saule Pleureur ont un goût un peu différent, un goût d’air pur sûrement…
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