POJAR 14 пожар
Novembre 2021 Paris ISSN 2741-5058 les artistes conservent l’intégralité des droits de leurs œuvres revuepojar@gmail.com https://sites.google.com/view/revuepojar/accueil?authuser=0
Rédaction Jean Lacave Irina Kaplin Sophie Aron Sébastien de Monbrison
as of some kind of an introduction Is my ass chicken Tandoori? That is the big question… heliothrope I don’t want to speak with you about my anus, it’s private matter…. so go and fuck your sister. please sir! what? I do not have a sister. Me too. then the kissed and fucked all night long and it was the beginning of a beautiful love-story between cats and dogs Sacha Jarachewski
mais nous n'avons pas dit notre dernier mot. parce que c'est un journal qui n'a pas de sens. la vie n'as pas de sens non plus. si ce n'est casser nos couilles.
но мы еще не сказали своего последнего слова. потому что это ерундовая газета. Жизнь тоже бессмысленна. кроме как разбить наши яйца.
la rédaction
Однажды старая керосиновая лампа, потерявшая свой стеклянный плафон, пробку, ушко и рычаг, спросила у своего соседа по чулану-чугунный горшок с дырками: - если бы ты был целым , без дырок, ты до сих пор варил бы щи в печке? Тебя бы мыли и снова наполняли, ставили бы ухватом в печь! И ты с пылу с жару, подносил бы хозяевам сытный суп…! Чудные были времена - прошептала лампа, скрепя языком фитиля , который давно высох, забыл вкус керосина и превратился в гнилушку. Чугун молчал. Он знал, что дырки в самой узкой части его «тулова» напоминают «сапог и троеточие » и что однажды он ещё сверкнёт своей пяткой! Ирина Каплин
Un jour, une vieille lampe à paraffine, qui avait perdu son plafond en verre, son bouchon, son ergot et son levier, a demandé à son voisin de placard, un pot en fonte avec des trous : - si tu étais en une seule pièce, sans trous, serais-tu encore en train de faire de la soupe dans le poêle ? Vous seriez lavés et remplis à nouveau, mis dans la cuisinière avec une tambouille ! Et vous servirez quand même à vos hôtes une soupe consistante… ! Merveilleuse époque », murmura la lampe, dont la langue de la mèche s’était depuis longtemps desséchée, avait oublié le goût de la paraffine et était devenue une chose pourrie. La fonte était silencieuse. Il savait que dans la partie la plus étroite de sa silhouette il y avait des trous en formes de une botte, suivie de points de suspension… et qu’un jour, elle ferait encore briller son talon! Irina Kaplin
photographies Irina Kaplin
Un type un jour
Un type un jour. Un type un jour est entré. Un type un jour est entré dans un arbre. Un type un jour est entré dans un arbre ou un magasin. Un type un jour est entré dans un arbre ou un magasin ou une boutique. Un type un jour est entré dans un arbre fruitier ou une boutique d’accessoires de farces et attrapes. Un type un jour est magasinier, le lendemain il est acteur. Il fait croire qu’il entre dans une boutique ou dans un prunier. Il y croit lui-même car c’est un bon acteur. Un type entre et s’empare des accessoires dans une boutique de magazines ou d’arbres fruitiers. Il achète un chapeau, un arrosoir, un colt 45. Un type un jour sort d’une boutique de chapeaux avec un Stetson et un colt 45.
C’est le magasinier, celui de la boutique. Il est sorti alors que l’acteur entrait chercher son costume de jardinier ou de maraîcher. C’est à la mode, maraîcher. On fait pousser des arbres, on peut attendre longtemps, longtemps. 100 ans peut-être, 200, 1000 ans, on se réveille, on se lève de son transat, hop, on récolte les fruits. Un boulot sympa se dit le type au Stetson et au colt 45 qui sort de la boutique. Un type un jour sort d’une boutique avec un colt 45 et un chapeau de cowboy sur la tête. Ce n’est pas un costume. Ce n’est pas un rôle. C’est sa façon de vivre. C’est une façon d’être qu’il prend soin de travailler tous les jours, dans sa vie de tous le jours, dans les moindres détails, au travail, avec les amis, à la plage, à la montagne. Il sait prendre des poses devant son miroir avec son colt 45. Tout est dans la façon de tenir le colt 45 et de porter le Stetson.
Le type sort du magasin avec son Stetson et son colt 45 et tire sur le premier venu. Le premier venu c’est un acteur. C’est le type qui entre dans un arbre ou dans une boutique. Il vient pour le rôle de maraîcher. Mais là, il ne sait pas vraiment que c’est le rôle de sa vie. Il prend la balle comme elle vient, simplement. Il ne fait pas d’effet. Il tombe comme un arbre abattu.
Sylvain Milliot
2021
Oeuvre Paola Leone
La femme rouge épouse ou mère mégère ou fée dame ou commère créature à minou grosses fesses... " Prisonnière "
Paola Leone
Ангелы
Забыть всё что вчера хотели, но видеть небеса воочью Оставить нимб свой на постели, услышать ангелов молитвы ночью. На облаке лежать и петь, по звездам босиком бежать. Жить вечно и не постареть, всё тайны мира познавать. Увидеть по собой комету, на хвост легонько наступить, чтоб сгладить горестей примету и об ушедших погрустить. Увидеть две войны в туманах, войну миров войну людей и кровь свою на чужих ранах и не родившихся детей. Земля на стали и акрилах забыла всё свои мечты, кровь засохла на могилах и войны топчут в них кресты. Застряли в наших крыльях пули но нам не больно в чем секрет-ах да, не чувствуем мы боли, мы умерли нас больше нет…
Виктория Грязнова
Anges
Oubliez tout ce que nous avons voulu hier, mais voyez le ciel avec vos propres yeux. Pour laisser votre auréole sur votre lit, Pour entendre les prières des anges dans la nuit. S’allonger sur un nuage et chanter, courir pieds nus dans les étoiles. Pour vivre éternellement et ne jamais vieillir, Pour connaître les secrets du monde. Voir une comète croiser mon chemin, fouler sa queue avec légèreté, apaiser les présages de chagrin et pleurer les disparus. Voir deux guerres brumeuses, une guerre des mondes, une guerre des hommes, et mon propre sang sur les blessures des autres et les enfants à naître. La terre sur l’acier et l’acrylique a oublié tous ses rêves, le sang est séché sur les tombes et les guerres y piétinent les croix. Il y a des balles plantées dans nos ailes mais nous ne ressentons aucune douleur, quel est le secret, ah oui nous ne ressentons aucune douleur, nous sommes morts, nous sommes partis….
Victoria Gryaznova
Я смотрю в даль, где стелит туман Кровать для стадов что пасутся с утра, Вот также проходит людей караван В туманный путь где дорога длина. Огромное поле-не окинуть и взором, Дом справа стоит-там проходят работы, Собака соседская спит под забором, Недавно вернулась из леса с охоты. Коров к вечеру сменит табун, Вон детки бегут по тропинке все к речке, Кормя лошадей они что то поют, Сосед топит баню в большой очень спешке. Кто то напротив сажает айву, К Вере сестра приехала с дочкой, Евгений косит у грядки траву, Вон мальчик упал, запнулся о кочку. Звонит телефон-это друг мой Ренат А я всё сижу у окна и смотрю, Как детки с речки вернулись, кричат, Как старик везёт сено и гонит козу. Я пошла прогуляться по улице нашей, Свернула к колодцу-там собаки борзые, Цыганка детей во дворе кормит кашей, Они не хотят, убегают босые. К вечеру вышел народ на прогулку, Старушки уселись на большое бревно, Мальчишки кормят хлебушком гульку, Мой знакомый идет домой из кино. А я наблюдаю как будто бы зритель, Хоть я каждый день вижу всех их, А может быть кто то , какой то любитель, Наблюдает за мной из окошек своих. Виктория Грязнова
Je regarde au loin, là où le brouillard roule. Un lit pour les troupeaux qui paissent le matin, Ici, aussi, la caravane des hommes passe Sur une route sombre où la route est longue. Un vaste champ – à ne pas manquer, La maison sur la droite là où l’on travaille, Le chien du voisin dort sous la clôture, De retour d’une chasse dans les bois. Les vaches au soir changeront de troupeau, Il y a les enfants qui courent sur le chemin vers la rivière, En nourrissant les chevaux, ils chantent quelque chose, Un voisin plonge dans son bain en toute hâte. Quelqu’un de l’autre côté de la rue plante des coings, La sœur de Vera vient avec sa fille, Eugène tond l’herbe près du lit, Il y a un garçon qui est tombé, il a une bosse. Le téléphone sonne – c’est mon ami Renat. Et je m’assieds toujours près de la fenêtre pour regarder, Les enfants sont revenus de la rivière en criant, Comment le vieil homme porte le foin et conduit la chèvre. Je suis allé faire un tour dans notre rue, Je me suis tourné vers le puits et il y avait des chiens lévriers, La femme gitane nourrit les enfants dans la cour avec du porridge, Ils n’en veulent pas, ils s’enfuient pieds nus. Le soir, les gens sont sortis se promener, Les vieilles femmes s’assoient sur un grand rondin, Les garçons donnent du pain à un goule, Mon ami rentre chez lui après le cinéma. Et je regarde comme si j’étais un spectateur, même si je les vois tous les jours. Et peut-être quelqu’un, une sort de curieux, m’observe lui-même de sa propre fenêtre. Victoria Gryaznova
Opossum d’Amérique transportant ses petits sur le dos Американский опоссум несёт детенышей на спине
et maintenant ...
quatre Textes de
tirés de
Alain Lasverne
Technopoétique
Spirale
La spirale est un mécanisme astucieux. Elle tourne autour du pot sans cesser de grimper. La spirale est à l'apaisement ce que la balle de fusil est à la tête. Mouvement hypnotique parce que fatal. Les corbeaux pratiquent instinctivement au-dessus des champs labourés. Ignorés des nuages, ils cartographient de plus en plus finement la progression des gros vers. Ces gros vers violacés qu'on accroche à l'hameçon, sûr que leurs boucles douloureuses attireront les carpes patientes mais gourmandes. Les vers, dérangés par la lame de la charrue, ouvrent des meurtrières dans les mottes. Qu'est-ce qu'il se passe ? Juste un V noir qui passe et qui s'en va. Le V noir file la spirale à l'envers, cette fois. Il descend toujours, attentif à garder le soleil derrière. Ce vers là est ciblé avec la démentielle précision des prédateurs. Qui s'éloignent toujours, descendent toujours. On a souvent usé de la spirale pour évoquer l'élévation, une ascension raisonnée, irrésistible. Qui dira que la première pierre dans la vitrine d'un magasin des beaux quartiers n'est pas irrésistible ? D'ailleurs, l'envol du pavé brut, encore maculé de ciment par un ouvrier malien renvoyé la veille pour n'avoir pas su s'adapter au légendaire retard de la ligne B du RER
parisien... Le projectile décrit superficiellement un arc. Sa destination à grand fracas élève le débat par un détour matérialiste de l'ordre de la spirale. Les événements ont un sens, au moins celui d'une connivence transcendante qu'on a pu appeler synchronicité chez les mystiques, ceux qui doutent de la capacité humaine à tracer des mantras dans la nuit chaude, avec rien qu'un bout de bois enflammé par des rêves récurrents. Le policier qui ramassera le pavé pour les collègues de la scientifique entamera fatalement une recherche spiralée autour du bris, en sortant préliminairement son tonfa. Lequel tonfa appellera quelques LBD amis. On verra alors monter au ciel les cris colorés de rage du corps formé des manifestants. Un beau corps à milliers de têtes. Les manifestants avanceront puis reculeront, en siamois avec leurs négatifs caparaçonnés et armés, pour mieux repartir de l'avant, et ainsi de suite. On la trouve belle, en même temps on se demande pourquoi. Elle n'est pas belle du tout, elle est. Comment accepter cette indépendance d'un brin de laine torsadé, d'une œuvre d'art déployée ? La spirale, pas plus que l’œuvre, n'est art. Elle existe, en tout et pour tout. Elle existe et l'esprit, ou l'âme des dévots, ne cesse de chercher dans sa giration, dans l'aura de l’œuvre qu'ils inventent, ce qu'elle ne donne pas mais qu'ils trouvent quand même. Avec l'assurance qu'ils pourront rejouer ce jeu si intime, si primordial, quand ils le voudront. D.C. a coda.
Variance
Les nuages s'appellent, se groupent et s'amoncellent, pluie suspendue en plein cœur, devant la glace dans tes yeux. Le feu entre nous qui palpitait, s’éteint. Chaque jour le voir s'épuiser un peu plus. Tu me tournes le dos. Je te giflerai un jour, j'écraserai ce malheur barbouillé sur ton visage. Encore un peu, rien qu'un instant, brûler, brûler encore, nous deux. Oseras-tu serrer tes mains, refuser l'escalade si douce vers tes seins. Je connais ta peau par cœur, ton cœur bat à la place du mien, Tu me connais pour m'avoir fait naître à notre amour. Ni pour toi, ni pour moi il n'y a eu d'avant, ni d'autre réalité, ni d'autre espérance. Jamais d'autre serments, ni d'autre langue pour caresser nos nerfs. Ni d'autres angoisse que l'attente de nous. Je pourrais te percer, je pourrais te tuer, là. Là où l'univers se replie en moi, eau morte de solitude. Ma lame jouirait une dernière fois de toi, pour toi. Au bord du vide, il existe une marche bleue et fêlée. On l'appelle la marche des morts-vivants. Ni tout à fait solide, ni tout à fait stable, elle sent l'usure, elle tremble de disparaître bientôt. Elle affûte cette mélodie, tu sais, pour chaque seconde qui s'avise de s'éloigner. Cette mélodie en toi, je l'entends. C'est l'atroce gong de la vie qui mute, qui me devient étrangère. Gong, terrible gong d'un cœur en partance.
Au creux humide de ta lumière demeure une perle. Une perle qui n'a plus de nom, que ne traverse plus aucun signal. Son silence me chuchote un mystère que je ne peux entendre. Comment se fait-il que si mes doigts cherchent encore à te dessiner, ils ne trouvent qu'un air embaumé...Je continuerai encore à créer du bout des doigts, sur les murs, sur la vie qui s'en va. Sur l'ourlet de ton oreille ou le pli de tes fesses, je cueillerai une fois encore quelque chose qui est plein et s'épanche toujours vers toi pour t'accueillir sans cesse, quelque chose qui s'appelle moi. Arrache-moi les yeux et tu ne verras plus rien.
Variance (fig.) : capacité à prendre des valeurs de plus en plus éloignées de l'espérance initiale
Cordes*
Sur les quais, on voit des cordages, des tressages épais aux brins encollés, qui tiennent les navires en laisse. On voit des packs sous blister, des containers de produits tagués de gros numéros missionnés par une comptabilité ésotérique, des masses modulables sous cerclage d’acier, prêtes à naviguer.
On voit des chaînes aux maillons gros comme des têtes de nouveaux-nés, retenir du fond des eaux les coques mafflues des cargos. On voit une toile d’araignée de câbles électriques segmentant l’espace pour que tout s’anime sous les doigts de la fée qui irrigue la civilisation.
On perçoit les rapports complexes et occultes des lignes noires, minces et pulsantes, traversant les territoires de l’histoire pour recombiner toujours la matrice artificielle.
Au loin, les chairs s’écrasent et le sang continue à couler sur les murs de bunkers exotiques où l’on repousse les limites des
tranchoirs. Ainsi, les navires soigneusement appareillés aborderont en paix sur les quais de la vie programmée.
Tant de cordes, et si peu de liens.
*Cordes : les particules ponctuelles de la physique sont représentées par des objets unidimensionnels appelés cordes.
Carré
Les amulettes gouttent sous le poids de la gravité. La gravité se cogne au ciel comme les méduses se fondent au sable. Dans les reflets de mon enfance perdue, nagent encore des restes d'amulettes étirées par le temps. Sais-tu qu'il y a dans l'impeccable forme carrée une dernière défense ? Contre le désordre miraculeux de l'amour qui entre sans frapper. Contre la misère dans les yeux de ta vie. Contre celles qui, peut-être, sont parties chercher de l'or ou finir avec d'autres ce que tu n'étais pas destiné à. Tu n'aimes pas les poésies carrées, les poèmes avec accoudoirs, ces glaires de gamins gavés, auxquelles toi-même, parfois tu rends grâce. Car, dans l'impeccable carré il y a une ultime défense.
Sur la plage on ramasse des coquillages qui n'ont rien à faire là. Alors, ils écoutent le vent. Sar la plage on ne dessine pas des carrés mais des rectangles. En tissu. Sur la plage, on a les yeux bronzés par les belles qui passent. Sur la plage. Finalement, sur la plage.
Sur la plage, finalement, on ramasse des coquilles sans âge. Le vent n'en a rien à faire des coquilles creuses et des carrés invités. Le sable, seul le sable l'inspire.
Pojar numéro 14 – Éditions Minces, Novembre 2021, Paris.