Pojar 13 revue littéraire

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POJAR 13 ПОЖАР


Direction Jean Lacave

Octobre 2021 Paris, ISSN 2742-2658

les artistes et poètes conservent l’intégralité des droits de leurs œuvres revuepojar@gmail.com site: https://sites.google.com/view/revuepojar/accu


Sommaire

Jean de la Fontaine (1621-1695) Fable Joseph Alexandrovich Brodski (1940-1996) poème Karen Cayrat Tankas Sandrine Davin poème Dossier Paola Leone Dessins et poèmes Sylvain Milliot poèmes Irina Kaplin photographies Vladimir Vladimirovitch Maïakovski (1893-1930) poème Colin James Poems


Hiroshima mon amour, 1959, Alain Resnais, affiche japonaise.


LE CHIEN QUI LÂCHE SA PROIE POUR L’OMBRE

Chacun se trompe ici-bas. On voit courir après l'ombre Tant de fous qu'on n'en sait pas La plupart du temps le nombre. Au chien dont parle Ésope il faut les renvoyer. Ce Chien, voyant sa proie en l'eau représentée, La quitta pour l'image, et pensa se noyer; La rivière devint tout d'un coup agitée. À toute peine il regagna les bords, Et n'eut ni l'ombre ni le corps.

Jean de La Fontaine (Fables 1678)


Я вас любил. Любовь еще (возможно, что просто боль) сверлит мои мозги. Все разлетелось к черту на куски. Я застрелиться пробовал, но сложно с оружием. И далее: виски: в который вдарить? Портила не дрожь, но задумчивость. Черт! Все не по-людски! Я вас любил так сильно, безнадежно, как дай вам Бог другими — но не даст! Он, будучи на многое горазд, не сотворит — по Пармениду — дважды сей жар в крови, ширококостный хруст, чтоб пломбы в пасти плавились от жажды коснуться — «бюст» зачеркиваю — уст!

Иосиф Александрович Бродский


Je t’ai aimé. L’amour encore (peut-être est-ce juste de la douleur) me creuse la cervelle. Tout a été mis en pièces. J’ai essayé de me suicider, mais c’est dur avec les armes à feu, et en plus le whisky: Sur lequel tirer? Ce n’est pas le fait de trembler qui a tout fait rater, mais à force de cogiter … Merde! C'est inhumain tout ça! Je t’ai tellement aimée, désespérément, Comme Dieu ne l’accorde qu'une seule fois! Il n’accordera pas – selon Parménide – deux fois, cette fièvre dans le sang, ce craquement des grands os, les plombages dans la bouche qui fondent sous l’effet de la soif de toucher les seins - je rature - les lèvres!

Joseph Alexandrovich Brodsky


Karen Cayart

Abîme épars

seuls nos cartilages entreprennent de lier nos béances et fissures au delà des douleurs sourdes qui nous appartiennent

Doux les chants du monde comme de nos souvenirs résonnent à basse mer dans la profonde tendresse d'un veule nautile


devant ces traces biffées la douce catalepsie de l'émotion serrée contre soi dans l'embrasure d'un geste

l'attente s'abîme dans la brume pellucide l'espoir se fissure sur le perré roule seul l'élan des larmes déchues

Avaler le sel comme l'horion des astres Maintenir le cap au simple chant des sirènes l'ombre en avant du vertige


Rien qu'une fois colmater ce qui s'épand — reprendre courant

dans la course folle de ce que tu fuis — recomposer ses silences

une brèche s'ouvre vaillance de tes mots — dans un puit de doutes

Délinéé le rivage l'estampe avivée de nos souvenirs ondoyant le long des vagues face aux effluves de sel


Affiche de Pojar


Sandrine Davin

écorce lacérée racine de rouille herbes tentaculaires et pierres entre les troncs. - engouffrement de la terre dans la paume d'une feuille devant mes yeux, l'entière présence du monde.


Dossier Paola Leone

Dessins et poèmes On se verra demain derrière les tourbillons entre les masses drues qui entourent les arbres … Au coin de la rue juste à l’angle du marbre les cloches sonneront. Aux mains l’étoile bleue et la nuit va éclore. Un chemin escarpé me guide jusqu’a toi On se verra demain oui ! je le sais, je le sens … Entre le chemin bleu et l’étoile dorée. Attends-moi bien au chaud


je ne saurais tarder au verre le vin chaud fumera sous ton nez je te ferai un signe tu verras ça s’ra chouette et on fera claquer une pauvre allumette pour allumer la clope celle qui fait du bien celle qui réunit le confus, le soucieux l’esclave, la girouette les amis et les bêtes l’horizon et la terre. Ensemble nous irons sur une autre planète et nous renverserons le vin sans même nous brûler et nous rirons de ceux qui sont restés en bas … Je te ferai des bises


te prendrai dans mes bras et la chemise tachée de vin et de bisous je te ferai chanter comme chantent les oiseaux entre les champs de blé et les tiges roseaux. Tu oublieras enfin, ta douleur et ta peine je te détacherai de toutes ces chaînes épaisses qui t’ont cloué ici, incapable de fuir et la pluie tombera et tes yeux brilleront comme brillent les toits au soleil des maisons et des sentiers fleuris s’ouvriront sous tes pieds. Et tu renaîtras là, sous mes yeux ébahis assommée j’ oublierai la machine du temps et des wagons entiers de pivoines rosées rouleront en cadence. Les jours de la semaine n’auront plus d’importance à nous le carnaval et les paillettes bleues


nous rirons à la vie, sous un mistral fleuri et tu renaîtras, là sous l’écorce des arbres On se verra demain, je le sais, je le sens …


dessin Paola Leone


poème

Il se leve comme ça juste pour se lever pourquoi resterait-il couché ? Il lit son journal il boit son café il mange il marche, comme ça juste pour marcher il saute il se traîne, comme ça juste pour ce traîner puis, il pleure il danse il tourbillonne, comme ça juste pour tourbillonner


il s’essouffle il s’effondre puis, il s’écroule il chantonne il tricote, comme ça juste pour tricoter il se pique il pique et il ricane ah ah ah !!! comme ça juste pour ricaner il se moque, comme ça, juste pour ce moquer il navigue il se traîne, comme ça juste pour ce traîner puis, il se dépêche comme ça, juste pour ce dépêcher et il se multiplie, comme ça hop !


juste pour ce multiplier il coupe les arbres il vide les forêts comme ça ! hop ! et les oiseaux meurent et les bateaux encrassent les villes et les rats bouffent les restes et les poissons avalent du plastique bleu et les vagues ressemblent à des poubelles et les enfants n’ont plus rien à becqueter et il se couche il compte les moutons il tourne en rond et il se lève il lit son journal il boit son café …


dessin Paola Leone


Sylvain Milliot

C’était mieux avant

Trois grammes le samedi matin

Cet endroit était mieux avant avant les parasols Coca-Cola la musique inepte trop forte

Il y avait les boules de métal qui s'entrechoquaient pour unique musique quelques oiseaux et la rumeur de la rue

C'était bien mieux


Un insecte traverse une page de Reznikoff Je lève les yeux et le ciel est toujours le même ni plus beau ni moins juste ni moins bleu

toutes choses étant égales Pars ailleurs


Une rue

Le violon se répand dans la rue depuis la fenêtre ouverte

Il cherche une note qu'il ne trouve pas

(plus haut)

qu'il ne trouvera jamais

(plus bas)

Mon coude, lui, a trouvé appui dans l'espace du mur


très adéquat comme fait pour ça

Le jogger me juge quand trois gars passent en gueulant qu'ils sont bretons la 8.6 universelle depuis la main rouge gouttes de sang breton folklore de roues, sur asphalte en dentelle Une femme va du bas vers le haut en souriant, des poids sur elle ses côtes abritant du sable pur

Un autre jogger fait du stretching contre un pilier qui a trois siècles de plus


Et il me juge aussi

Envahissement de joggers des joggers partout joggers multiples avec des visages liquides chaussures à mille œillets dents rangées en tiroir tee-shirts miroirs où brille mon échec

Puis troupeau d'abbés déferlant sur la femme de sable crabes noirs sans plage brûlante

Gamine au skate ses roues vacillent prises dans la corde usée du violon qui meugle encore son élégie vespérale


Photographies Kargopol (Russie) Irina Kaplin



Maïakovski en 1924


Есть тёти как тёти Есть дяди как дяди Есть люди как люди Есть бл*ди как бл*ди Но в жизни бывает порой по другому Есть дяди как тёти Есть тёти как дяди Есть бляди как люди И люди как бляди.

Маяковский


Il y a des tantes comme des tantes Il y a des oncles comme des oncles Il y a des gens comme des gens Il y a des enc’lés comme des enc’lés Mais parfois dans la vie les choses se passent autrement Il y a des oncles comme des tantes Il y a des tantes comme des oncles Il y a des enculés comme des gens Et des gens comme des enculés.

Maïakovski choix du poème Irina Kaplin


Colin James Poems

Opportunities For Reparation

You can see the trapeze in the old Tarzan films nudity has its embellishments, always. Lets hear it for the white guy bringing civilized "ungowas". One word should, all these modifiers are unnecessary. The put upon poet's party trick was to stand on a flat roof and piss on his guests as they headed home. Typically expecting some rain usually cooler and less guttural.


Les possibilités de dédommagement

Vous pouvez voir le trapèze Dans les vieux films de Tarzan La nudité a ses fioritures, toujours. Applaudissez l’homme blanc Qui apporte des « ungowas » civilisés. Un mot devrait, Tous ces modificateurs sont inutiles. Le truc à la fête du poète mis à l’index Était de se tenir sur un toit plat Et de pisser sur ses invités Alors qu’ils rentraient chez eux. On attend le plus souvent la pluie Généralement plus fraîche et moins gutturale.


DAREDEVIL

There were trees And now there is a field, The foundation of a house. Interviews were probably held In the larger room at the back. Hollyhocks visible from the window. Walls, there is little evidence left. A few bricks, nothing much survived. Yet I am still soaring, And all indications are on my next pass I will land safely in the frame provided.


Casse-cou

Il y avait des arbres Et maintenant il y a un champ, Les fondations d’une maison. Les entretiens avaient probablement lieu Dans la grande pièce du fond. Des roses trémières visibles par la fenêtre. Des murs, il reste peu de traces. Quelques briques, il ne reste pas grand-chose. Pourtant, je plane toujours, Et tout indique qu’à mon prochain passage J’atterrirai en toute sécurité dans le cadre prévu à cet effet.


Machiavellian Mantras For The Meek

The closest Video Arcade Of Historical Context slit-eyes for lights, calls us to us despite homey diversions inhospitable to many. A few musky odors emitted from dark corners I can ignore because you are so fucking interesting. My girlfriend, however carries a scented handkerchief soaked in eau de cologne proportionalising her theism, my deism, your highest score.


Mantras machiavéliques pour le docile

Le Video Arcade le plus proche Du Historical Context Yeux plissés à cause des lumières, nous rappelle à nous-mêmes Malgré les diversions conviviales Inhospitalières pour beaucoup. Quelques odeurs fortes Emises par des coins sombres Que je peux ignorer parce que Tu es tellement intéressant, putain. Ma petite amie, cependant Porte un mouchoir parfumé Imbibé d’eau de Cologne Proportionnel à son théisme, Mon déisme, ton meilleur score.


THE ACCOMPLISHMENTS OF EXCELLENT MCPHERSON

My drying-pole accreditations swelling Invariably conceived by some savvy twinks, I spent the night in a hunting shack Big enough for a bear to sleep. Wall written notices smudged No longer utilitarian Greek. So there is leftover meat for breakfast That should last a day at least. By then I will have reached the high ridge, Walked along its telescopic dependent feet. These tremors are a byproduct like kink And other things you may want to keep.


LES ACCOMPLISSEMENTS DE L’EXCELLENT MCPHERSON

Mes accréditations de bâton séchant gonflant Invariablement accordées par de petits ingénieux, J’ai passé la nuit dans une cabane de chasse Assez grande pour qu’un ours y dorme. Les avis écrits sur les murs sont tachés N’ont plus rien d’un Grec utile. Il y a donc des restes de viande pour le petit-déjeuner Qui devrait durer un jour au moins. D’ici là, j’aurai atteint la haute crête, Marché le long de ses pieds tributaires et télescopiques. Ces tremblements sont un sous-produit pervers , Et d’autres choses que vous pourriez vouloir garder.


Throwing Shade On The Bump Nasties

The street slang dignitaries Denied my requests For a writer’s block euphemism. « Seems more like a sexual innuendo » Was not the reaction I expected. Sour grapes from the Colachagua region. Seriousness can be misconstrued, Most often exceptionalism rules. While trying to describe Those humanitarian mannerisms, I misidentified your sneakers As under wraps. The charmingly Egalitarian can refute the proletariat, Bring some prey home still alive Purely for training purposes.


Jeter de l’ombre sur les méchants de la bosse

Les dignitaires de l’argot de la rue Ont refusé mes demandes prétextant l’euphémisme de la page blanche. « Ça ressemble plus à un sous-entendu sexuel » N’était pas la réaction que j’attendais. Raisins acides de la région de Colachagua. Le sérieux peut être mal interprété, Mais le plus souvent, c’est l’exception qui prime. En essayant de décrire Ces maniérismes humanitaires, J’ai mal interprété vos chaussures de sport comme étant encore sous emballage. Le démocrate charmant peut rejeter le prolétariat, Ramène quelques proies à la maison encore vivantes juste pour nous entraîner.


publié par les éditions Minces à Paris en Septembre 2021



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