Le Scribe
Remerciements À tous les écrivains et poètes du Scribe Aux correctrices et correcteurs Responsable éditorial et mise en page Bruno Mercier Président du jury du 14ème concours du Scribe d’or brmercier@bluewin.ch Dessins et illustrations Dea el Foutayeni, Marrakech © Association Le Scribe Présidente : Filomena Campoli infolescribe@gmail.com
Site internet Responsable : Hélène Williamson-Blanc www.lescribeassociation.com
© Éditions Soleil Blanc – 2017 ISBN 978-2-940605-21-7 Livre n°122 – novembre 2017 www.soleil-blanc.ch – info@soleil-blanc.ch Route du Cotar 3, CH-1969 Suen / St-Martin
Le mot de la Présidente. Chers membres, L’année 2017 est presque achevée, avec les joies et les peines de nos vies. Le moment est venu de vous remettre le nouveau livre « Le Scribe ». Il contient vos poésies, nouvelles, extraits de romans, nés de votre verve créatrice. Je suis fière de vous les proposer pour lecture. Je remercie tous les membres du comité qui m’ont assistée, tout particulièrement M. Bruno Mercier, responsable d’édition qui s’est beaucoup investi. Mes remerciements vont aussi à tous les sponsors qui nous ont soutenus financièrement. Je vous encourage à continuer de créer les plus beaux textes et de nous les proposer pour parution dans le prochain « Le Scribe ». Bonne lecture et à vos plumes !
Filomena Campoli, Présidente
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Mousse Boulanger Adieu Christiane Christiane Bonder a quitté la souffrance qui la harcelait depuis des mois, mais elle n’a pas quitté la générosité de cœur qui l’habitera bien au-delà du séjour terrestre. Elle m’avait envoyé un texte intitulé « La Balance et l’équilibre ». Elle écrit : « Les humains sont des poussières d’étoiles, nous dit Hubert Reeves, d’infimes particules intégrées dans le grand tout. Cette diversité qui, pour exister, doit accepter l’autre et s’y adapter, est l’image parfaite d’éléments se complétant dans un équilibre réalisé. Autrement dit : Il faut de tout pour faire un monde ! Pourtant sur notre terre qui perdit un jour ses lustres et ses paillettes puisqu’elle fut d’abord une étoile, tout sujet à discrimination et à petites chicanes bas de gamme lorsqu’il s’agit de l’homme. Tant qu’il y aura ce regard critique, ce jugement face à une couleur de peau, de culture ou de religion, de jeunes, de vieux, de minces ou bien en chair, il n’y aura jamais de paix sur la planète. » Ses kilos en trop chez elle c’était de la tendresse, et de la bonté de ses pensées toujours pleines de dévouement, de gentillesse, d’humanité. Elle accueillait l’étranger, elle aimait les enfants, elle savait écouter les plaintes, conseiller et consoler. Elle avait gardé en elle la lumière de la Méditerranée qu’elle avait sillonnée avec son fils Olivier alors petit enfant. Elle savait faire briller la lumière de ses souvenirs dans ses yeux mais aussi dans le regard de ceux qui l’écoutaient. Elle a écrit pour les enfants l’histoire de Linette et Jacky et pour nous un poème qui dit tout pout nous assurer qu’elle ne nous a pas quittés : « Faites silence… Voilà qu’elles dansent Ces créatures aériennes Suspendues au long doigt du ciel 6
Faites silence… Tout dans cette élégance Porte à la transcendance La vie ne vaut que par ce geste Levé vers le monde céleste » Faites donc silence pour mieux entendre la voix de Christiane qui nous parle dans le ciel de ce printemps en fleurs.
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Emilie Salamin-Amar Big brother (extrait du recueil de sketchs «Un p’tit vélo dans la tête» Editions Planète Lilou 2015) Certains jours, je me demande si la paranoïa n’est pas une sorte de maladie virale, contagieuse. Le monde tourne à l’envers, il me semble, j’en suis même certaine depuis que j’ai été convoquée, par lettre recommandée, à l’Ambassade des Etats-Unis à Genève. Je suis accusée d’espionnage par la CIA qui filtre mon courrier électronique et mes conversations téléphoniques. Selon eux, je suis dangereuse pour leur pays. Ce qu’ils désirent savoir, c’est comment j’ai fait pour décrypter leur code secret. J’ai l’impression de vivre un cauchemar invraisemblable, d’être devenue malgré moi la star d’un mauvais film policier à la sauce américaine. Je sens que je vais finir par devenir folle! J’ai beau crier mon innocence, leur expliquer que tout est le fruit du hasard, ils ne veulent rien entendre, ils parlent de procès du siècle, ils veulent connaître mes complices, j’ai beau leur dire que mon seul compagnon c’est l’homme qui partage ma vie, ils ne me croient pas. Ils veulent tout savoir sur les combattants maliens, iraniens, turcs et afghans. Ils exigent les noms des chefs rebelles algériens, égyptiens, tunisiens, syriens avec qui, selon leurs sources émanant de la NSA et de la CIA, je serais en relation ininterrompue. Ils disent qu’ils ont des preuves, des vidéos et des photos sur lesquelles on me voit en leur compagnie. J’ai vu ces clichés, je ne me reconnais pas! Ce n’est pas du tout moi. Je ne ressemble pas, ni de près, ni de loin, à cette femme voilée.
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Dans l’un de vos courriels, vous avez utilisé le mot «cacatoès», c’était le 2 mai 2013, le message a été envoyé à vingt-trois heures, très précisément. Pouvezvous nous révéler leurs plans?
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Comment voulez-vous que je sache où ces oiseaux ont l’intention de migrer!
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Vous savez très bien que lorsque l’on parle de «cacatoès», en fait il s’agit des salafistes. Qui vous a mis au parfum?
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Je ne comprends rien! Vous faites une grave erreur, je n’ai rien à voir avec les services secrets des Etats-Unis.
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Alors, comment expliquez-vous que le mot «caléidoscope» apparaisse dans la réponse de votre interlocuteur, qui n’a pas encore été identifié, d’ailleurs...
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Je ne me souviens plus du contenu de mes courriels. J’en écris tous les jours, j’ai beaucoup d’amis qui habitent un peu partout dans le monde. Il n’est tout de même pas interdit de s’écrire!
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Le problème, chère Madame, c’est que dans notre jargon, le mot «caléidoscope» est utilisé pour annoncer qu’une vidéo est envoyée à la chaîne «Al Jazeera». Et dans ce même courriel, vous proclamiez «aimer l’été». Ce qui nous laisse sous-entendre qu’il y aura des explosions en chaîne. Ce que nous voulons savoir est simple: où, quand, comment et par qui?
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J’ai soif, je suis fatiguée et j’ai faim!
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Pourtant, le 25 mai 2013, nous avons intercepté un nouveau courriel et dans celui-ci, vous parlez de «redingote».
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Ah bon? J’ai écrit ce mot, moi?
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Et lorsque l’on utilise ce nom de veste, cela veut dire, dans notre langage codé, qu’il s’agit des Frères musulmans…
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Mais, dites-moi que je rêve, c’est du délire tout ça! Vous pouvez interpréter ce que vous voulez, j’y comprends rien!
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Je vais vous rafraîchir la mémoire. Le 31 mai 2013, vous avez utilisé deux fois le mot «castagnettes». Ce qui veut dire, si nous traduisons: attentats ciblés…
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Mais vous êtes complètement parano!
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Des vies humaines sont en jeu, nous ne plaisantons jamais avec la sécurité.
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Je ne comprends rien! Existe-t-il une liste de mots interdits et d’autres, libres d’être utilisés par tout un chacun?
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Vous vous défendez bien! Alors, pour qui travaillezvous? La France ou bien la Russie? A moins que ce soit la Chine?
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Si seulement je pouvais savoir à qui je ressemble! Je ne suis pas une espionne!
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Alors, pourquoi avoir utilisé, une fois de plus, encore un autre mot de notre répertoire secret? Le 20 juin 2013, vous écrivez textuellement: un «risotto» géant. Vous savez très bien ce que cela signifie: alerte mondiale pour cause d’attentats.
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Comment voulez-vous que je sache que même le mot risotto fait partie du codage américain? Ce n’est qu’une sorte de riz, ça ne veut rien dire pour moi en dehors du plat qu’il désigne. Fatiguée!
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Nous n’en avons pas fini avec vous! Le 11 juillet 2013, vous envoyez le même courriel à cinq personnes dont les noms apparaissent comme étant des pseudos. Dans ce courriel collectif, vous utilisez le mot «chêne». Or, vous n’êtes pas sans ignorer qu’il signifie: Américains. Ce qui voudrait dire probablement que lesdits attentats devaient se produire aux USA?
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Je me souviens d’avoir raconté à des amis que j’ai acheté une table en chêne. C’était dans un magasin suédois…
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Vous voulez dire que les Suédois sont au courant? Pourquoi n’ont-ils rien dit? Est-ce donc eux qui vous font écrire le 13 juillet au soir, le mot «antagoniste»? Que viennent faire les Palestiniens dans cette vague d’attentats programmés? Le lieu ciblé était donc Jérusalem?
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Mais, je ne sais pas! J’en sais rien! Je me tue à vous dire que je me contente d’écrire à des amis. Je ne connais pas le code crypté utilisé par les Etats-Unis, je ne parle même pas l’anglais!
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Expliquez-moi la raison pour laquelle le 27 du même mois, vous écrivez en gras le mot «costume» dans un message sur Skype. A la NSA, ainsi qu’à la CIA, nous savons bien que cela veut dire que le plan est parfait. Qui devait l’exécuter?
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Je vous assure que je ne regarde pas les séries américaines à la télé et donc, je ne comprends pas ce que je fais ici et à quoi rime tout cet interrogatoire. Je ne suis pas de la police, je ne travaille pas pour les services secrets d’aucun pays.
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Pourtant, le 9 août 2013, une fois de plus, vous empruntez un nouveau mot codé de notre agence. Cette fois-ci, vous parlez de «bibliothèque», vous n’allez pas me faire croire que vous ignoriez que ce mot-là désigne pour nous une centrale nucléaire. Vous êtes faites comme un rat. Vous avez été trop méthodique dans votre correspondance. Voulez-vous une preuve supplémentaire? Vous êtes sur écoutes téléphoniques depuis le début de cette affaire et nous avons enregistré une de vos conversations. Dans celle-ci, vous avez prononcé le mot «réflexion», ce que nous traduisons comme: opération reportée. Et ma question est simple: à quand, où et pourquoi? Répondez!
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Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat. Si chaque mot que je dis ou que j’écris a pour vous un double sens, comment voulez-vous que je m’en sorte? Puisque les mots usuels suscitent en vous la suspicion, alors je me tais!
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Pierrette Kirchner Le travail fut sa vie La lune tarde à se coucher, ce matin. Sa manière d'accueillir le printemps avec poésie... qui sait ? J'admire sa présence et je la salue en ce jour d'équinoxe et première aube de ma retraite. Ciel, la retraite ! Il fallait bien qu'elle arrive, celle-là, après 44 ans de bons et loyaux services de bas en haut de l'échelle hiérarchique de l'entreprise. Ah l'entreprise ! Je lui ai tout donné. Et maintenant, quoi ? La retraite ! Ce mot sonne désagréablement, j'en reste les bras ballants. Je n'admirerai plus les fleurs bordant le chemin qui m'a conduit si longtemps du domicile au bureau ; je n'aurai plus « mon personnel » à saluer le matin, mes secrétaires à houspiller ou à taquiner, etc, etc.... Le piment de cette nouvelle situation, soyons positif, sera le parapluie suspendu à mon bras sans craindre le ridicule, ou la promenade en pull sans souci de perdre le prestige de mon rang. Ça me fait une belle jambe, aujourd'hui ! J'avance donc, ce matin, sans cravate, sur un chemin de campagne. Je me pousse à marcher à défaut de travailler. Mais je sens un frein, comme une inquiétude devant l'immense plage de liberté offerte par cette mise à la retraite, qu'on dit repos bien mérité. Je verrais plutôt cette liberté-là comme un monstre à dompter.
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Bon Dieu, que faire de mes journées? Comment vivre sans avoir quelque chose à faire? Et cela jour après jour ! Je ne peux quand même pas dormir jusqu'à midi et me promener le reste de la journée. Oui, que ferai-je de mes dix doigts et de mes énergies ? Telles n'auraient pas été les plaintes des ancêtres qui n'avaient pas idée des caisses de Pension vieillesse ni des loisirs, ces générations pour qui « le travail était leur vie » !
L’espérance de l'aube La lie des jours Organise l’espérance Au long des années Et tapisse le cœur d’innocence. Chaque matin Je la désire Au cœur de l'aube Franche et claire Pour tous.
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Jacqueline Borel-Freymond L’artifice Pour attirer l’attention, dans ma folle jeunesse : du fond de teint pas du tout nude, trop foncé, pour cacher mes cernes et l’horrible acné ravageant mon teint assez terne… Puis de la couleur sur les paupières, selon la mode, qui ne cadrait ni avec mes yeux bruns, ni avec mes cheveux blond foncé. Que venait faire en ces lieux ces teintes vert Véronèse ou bleu des mers du Sud, je me le demande ? Puis un trait noir à ras les cils supérieurs, s’étirant sur les tempes, comme à l’époque des nobles égyptiennes ! Je me le redemande, mais pour quoi faire ? Et ces cils empâtés de mascara, tant ceux d’en haut que ceux d’en bas, interdisant toute émotion bonne ou mauvaise, sans parler des larmes de honte ou de plaisir. Puis du rouge pétant à mes lèvres pulpeuses, un peu orangé, un peu cyclamen, selon l’humeur ou la saison, selon la mode ou les occasions qui ne sont que des occasions. Un ruban dans mes cheveux toujours longs, sauf lors de mon époque Jean Seberg -blonds comme blés coupés- la meilleure et la pire de mon existence à tous points de vue. Comment peut-on être soi-même derrière un masque aussi peu discret ? Un chignon bas sur la nuque pour faire danseuse étoile. Une tresse enroulée autour de la tête pour faire princesse russe. Je voyageais tellement dans mes rêves. Hélas, les princes charmants ne l’étaient pas tous… Je ne m’en accommodais point parce que, au moment crucial, mes rêves se connectaient à la vraie vérité et je cessais d’affabuler. Alors mon jumeau, celui avec lequel j’ai passé davantage de temps qu’avec quiconque sur cette terre, tambourinait à la porte de la salle de bains avec wc parce qu’il voulait faire pipi. 15
Quand je vous dis que la réalité me ramenait sur terre, moi qui avais passé une heure à me maquiller devant le miroir biseauté, seul luxe de cet endroit.
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Liste des auteurs
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- Mousse Boulanger - Emilie Salamin - Pierrette Kirchner - Jacqueline Borel - Béatrice Labarthe - Alfred Herman - Laura Ackerman - Loraine Peitrequin - Filomena Campoli - Graziella Assalve - Bruno Mercier - Amalita Hess - Eric Giuliana - Alaa Kaid Hassab - Mathias Murset - Jean Mathys - Christiane Bonder - Alain Debarge - Roselyne Broussard - Sabine Dormond - Doug LeBorgeau - Ayoub Maliji - Béatrice Dufey Corbaz - Manuel Ackerman Repond - René Déran - Jean-Charles Rossi - Frédy Richard - Michel Dizerens Poget - Narcisse Niclass - Alain Layat - Francis George Perrin - Isabelle Daulte - Marco Bucher - Annette Guibert
6,17 8,55 13 15 20 22 24 25 27 29 30 40 42 48 49, 112 50 54 57 58 60 62 66 70,82 72 76 79 85 89 94 96 98 106 115 119
Liste des auteurs
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- Marie Brulhart - Jean-Claude Martin - Ai Kiun Tai
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© Toutes les aquarelles sont de Dea Foutayeni, Marrakech, 2016.
Editions Soleil Blanc ISBN 978-2-940605-21-7 Livre n°122 – novembre 2017
© Le Scribe 79, novembre 2017