Les Français à Singapour

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DE 1819 À NOS JOURS 33

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LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS EN COUVERTURE

Vue de Singapour, Barthélemy Lauvergne, 1837.

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ingapour est une nation multiculturelle. Dès la prise de contrôle de l’île par sir Stamford Raffles et la Compagnie britannique des Indes orientales, de nombreux étrangers sont venus s’installer au côté des populations locales. Quelques Européens, dont des Français, ont joué un rôle important dans la création de la cité-État. Très tôt, la présence de la communauté française marque de son empreinte la Singapour coloniale. Des religieux, puis des négociants, des planteurs et des aventuriers participent à l’essor de la cité portuaire. Aujourd’hui, la présence française – une communauté de près de dix mille personnes – contribue au développement du pays dans les domaines économique et culturel. À travers de nombreuses anecdotes, Les Français à Singapour est le premier ouvrage thématique qui rend compte de la vie de la communauté française à Singapour et de sa participation à l’évolution de la « cité du Lion ». ISBN

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Danièle Weiler est une ancienne élève de l’École supérieure des Arts décoratifs de Paris. Enseignante à Tahiti, elle s’intéresse à l’histoire des Polynésiens, collabore à la réalisation d’un livre sur les plantes médicinales locales et travaille avec le musée de Tahiti. De retour en France en 1987, elle obtient un master en sciences de l’information et des bibliothèques, puis un poste d’enseignante-bibliothécaire au Lycée français de Hong-Kong. Elle s’installe à Singapour en 2001, où elle est décorée des Palmes académiques. Elle est l’auteur de nombreux articles sur Singapour.

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LES ÉDITIONS DU PACIFIQUE

1 L’Église protestante, par Barthélemy Lauvergne, 1837 2 Gecko 3 Avion Air France B777 4 Coq de la grille d’entrée de l’entreprise A. Clouët and Co 5 Panneau signalétique 6 Saint Joseph’s Institution, c. 1930 7 Évêque Jean-Baptiste Boucho 8 Frégate RSS Steadfast de la marine de Singapour, un transfert de technologie de la société française DCNS 9 Évêque Esprit Marie Joseph Florens 10 Père Jean-Marie Beurel 11 Henri Fauconnier 12 Père Charles-Bénédicte Nain 13 Brochure de la Quinzaine commerciale française 14 Logo de la société A. Clouët and Co 15 Lycée français de Singapour 16 Pascal Rey-Herme, cofondateur d’International SOS 17 Joseph Ducroux 18 Alfred Clouët, fondateur de la société Ayam 19 Arnaud Vaissié, cofondateur d’International SOS 20 Mère Mathilde 21 Marie Fauconnier 22 Georges Clemenceau 23 Père Émile Mariette 24 Clara Malraux 25 André Malraux 26 Victor Segalen 27 Jacky Deromedi 28 Adolphe Combanaire 29 MRT, train construit par Alstom 30 Pierre Boulle 31 La Gazette française, publication de la French Association of Singapore 32 Lien, publication de l’Alliance française de Singapour 33 Évêque Laurent Marie Joseph Imbert 34 Évêque Adrien Devals 35 Le Bibendum Michelin

Maxime Pilon est né en 1970 à Boulogne-sur-Mer. Diplômé d’un master d’histoire de l’université Lille III, il part pour Ho Chi Minh-Ville, où il enseigne l’histoire-géographie à l’École française comme coopérant. Puis viennent Bombay et Copenhague, toujours comme enseignant, et enfin Singapour, où il s’installe en 2001. Il y enseigne au Lycée français et devient résident permanent. Maxime Pilon a été élevé au rang de chevalier de l’ordre des Palmes académiques en 2008. Ses articles ont paru dans de nombreux guides de voyage et publications en ligne.

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Table des matières

Préface 6 Introduction : « Sincapour » 11

I. Raffles et la fondation de Singapour

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II. L’âge des aventuriers : 1819-1869

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III. La colonie de la Couronne entre 1869 et 1914

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IV. Une époque tourmentée : 1914-1965

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V. Des relations consolidées : 1965-2011

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Annexe 1 Ambassadeurs de France et de Singapour

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Annexe 2 Présidents et directeurs de l’Alliance française

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Annexe 3 Directeurs de l’École française

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Annexe 4 Quelques églises catholiques construites par des missionnaires français

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Annexe 5 Recensement de la population française à Singapour (1819-juin 2011)

Bibliographie Remerciements

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Crédits photographiques Index

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I Raffles, l’homme des Lumières, et la fondation de Singapour

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ir Thomas Stamford Bingley Raffles débarque le 28 janvier 1819 sur l’île de Singapour. Il est accompagné de William Farquhar et de quelques Européens, dont deux Français. Il n’y reste que dix mois, en trois séjours différents. Pourtant, il marquera de son empreinte la Singapour coloniale, tout autant que le contemporain. Et cet amoureux de la nature, qui travaille pour la Compagnie anglaise des Indes orientales, gardera tout au long de sa vie un certain attachement pour la France.

Raffles, l’homme des Lumières Né en mer le 6 juillet 1781 à bord du vaisseau Ann, non loin des côtes jamaïquaines, il est le fils de Benjamin Raffles, capitaine d’un navire marchand, et d’Anne Lyde. À l’âge de 14 ans et grâce à son oncle, il est recruté à Londres comme commis de bureau pour la Compagnie anglaise des Indes orientales. Ce qui ne l’empêche pas, de 19 à 24 ans, de consacrer beaucoup de temps au jardinage et à l’observation de la nature. Contemporain de la Révolution française, Raffles s’intéresse aux idées de son époque, se cultive, participe à de nombreuses discussions et apprend le français – cette lingua franca des classes dirigeantes internationales. Il écrit : « Je continuais cependant de consacrer mon temps libre aux études que j’aimais le plus, et avec le peu que me permettait mon argent, je parvins à maîtriser pleinement le français et à poursuivre mes recherches en littérature et en science ; néanmoins, ce n’étaient qu’instants volés avant les heures de bureau le matin, ou bien le soir. » Une langue qu’il maîtrise bien comme le rapporte Démétrius Boulger, son premier biographe : lorsqu’il gouvernait Java, lors d’une soirée donnée dans la résidence officielle de Bengkulu, une femme entonna la mélodie de Moore, Riches et rares étaient les pierres précieuses qu’elle portait, en présence de deux messieurs français, les naturalistes Diard

portrait de sir Thomas Stamford Bingley Raffles (1781-1826) en 1817, année au cours de laquelle il a été anobli et a publié son livre Histoire de Java.

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et Duvaucel, qui regrettèrent de ne pas en comprendre les paroles. Instantanément Raffles traduisit ce poème en français. En mars 1805, il est nommé secrétaire-assistant du nouveau gouverneur de Penang, Philip Dundas, et pendant les six mois que dure la traversée il apprend le malais. De Penang, où il séjourne quelques années, il se rend fréquemment à Malacca et, en 1807, il y rencontre William Farquhar, surnommé le « raja Melaka », un officier écossais au service également de la Compagnie anglaise des Indes orientales. De 1811 à 1816, il contrôle l’île de Java, mais il est destitué de ses fonctions par lord Moira, le nouveau gouverneur général du Bengale, la Compagnie et la Couronne britannique trouvant que Java ne rapporte pas assez. Pendant son séjour, Raffles, homme des Lumières, instaure une législation sociale, réalise une réforme agraire et met fin aux travaux forcés. Il quitte Java pour l’Angleterre sur le Ganges le 25 mars 1816 et, pendant cette traversée, rencontre l’un des hommes les plus influents du siècle : Napoléon, l’empereur déchu des Français. Le 13 mai 1816, le Ganges, commandé par le capitaine Falconer, passe sans difficulté le cap de Bonne-Espérance. Le 18 mai, à environ trois heures du matin, le navire accoste l’île de Sainte-Hélène où Napoléon est retenu prisonnier depuis octobre 1815. Après avoir obtenu les autorisations nécessaires, Raffles rencontre Napoléon dans les jardins de Longwood. Il est déçu par son peu de courtoisie – l’empereur le regarde à peine, l’assomme de questions et n’attend pas de réponses – au point de trouver que cet être qui « avait toujours suscité son admiration » est un « monstre » lui inspirant désormais « horreur, dégoût et frayeur ». De son côté, le capitaine Travers, compagnon de voyage de Raffles, décrit cette rencontre à laquelle il assiste comme « une réception absolument vulgaire ». Le 27 mai, le Ganges quitte Sainte-Hélène. Il touchera Londres le 16 juin. Pendant son séjour dans la capitale anglaise Raffles écrit son Histoire de Java, ce qui ne l’empêche pas de mener une vie mondaine et de fréquenter la haute société britannique. Lors d’une réception, le 20 février, il revoit mademoiselle Sophia Hull et, deux jours plus tard, l’épouse en secret. En compagnie de sa jeune femme et de quelques membres de sa famille, il se rend sur le continent. De ce voyage de sept semaines, Thomas Raffles, son cousin, écrit un texte qu’il publie, en 1818, sous le titre de During a Tour Through Some Parts of France, Savoy, Switzerland, Germany and the Netherlands, in the Summer of 1817. On apprend ainsi que du 6 juin au 25 juillet 1817, les Raffles visitent la Normandie avant de se rendre à Paris où ils admirent le Louvre, le Jardin des Plantes, le palais du Luxembourg, le Palais-Royal, Montmartre, Versailles… Ils dînent dans les restaurants les plus en vue, assistent à une grande messe donnée dans la chapelle des Tuileries en présence de Louis XVIII, et Stamford Raffles rencontre à l’Institut de France des lettrés de renommée mondiale, 20

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tel le baron de Sancy et le chevalier Langles, tous deux orientalistes de grand renom. Le voyage se termine par la Suisse et la Belgique, d’où ils embarquent pour la cité balnéaire anglaise de Ramsgate. En 1818, la Compagnie anglaise des Indes orientales envoie sir Stamford à Bencoolen (ou Bengkulu, province située au sud-ouest de l’île de Sumatra) pour occuper les fonctions de lieutenant-gouverneur. Après avoir pris la mesure des problèmes de la région, Raffles se rend à Calcutta pour convaincre lord Hastings, gouverneur général des Indes, d’établir un nouveau comptoir dans le sud du détroit de Malacca.

La fondation de Singapour Le 28 janvier 1819, huit navires sous pavillon anglais mouillent non loin de l’embouchure de la Singapore River. Accompagné de William Farquhar, Raffles débarque. Puis, profitant des dissensions au sein de la cour malaise, il obtient du temenggong, le responsable militaire du territoire, l’autorisation d’installer un comptoir à Singapour. En contrepartie, le temenggong peut compter sur la protection anglaise et se voit octroyer une rente de 3 000 dollars. La Compagnie anglaise des Indes orientales débarque alors des hommes, des vivres, hisse son pavillon et, le 6 février 1819, signe le traité. Le capitaine Crawford raconte : « Le traité fut lu en anglais par le capitaine Crossley, afin d’en informer les Européens – Anglais, Hollandais, Français et Danois – présents. Puis le traité fut signé et scellé par sir Stamford, au nom de la Compagnie anglaise des Indes orientales, et son secrétaire malais apposa son sceau ainsi que les sceaux officiels du sultan et temenggong (les princes malais ne signent jamais). »

PAGE DE GAUCHE, EN HAUT :

portait du major général William Farquhar (1774-1839) en 1830. Il a été le sixième Résident de Malacca et le premier à occuper cette fonction à Singapour. PAGE DE GAUCHE, EN BAS :

Napoléon dans son cabinet de travail, Jacques-Louis David, 1812. Il s’agit d’une commande de l’Écossais Alexander Hamilton, un admirateur de Napoléon. CI-CONTRE : carte indiquant l’endroit où fut signé le traité entre sir Stamford Raffles et les autorités locales, le 6 février 1819.

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Dorénavant, ce 6 février 1819 sera considéré comme le jour de la fondation de Singapour. Ce jour-là, Raffles laisse aussi au résident de Singapour, William Farquhar, des instructions en vingt-trois points pour lui permettre de gérer au mieux la nouvelle possession de la Compagnie des Indes orientales. Puis, le 7 février au matin, Raffles reprend la mer à bord de l’Indiana afin de rejoindre Bencoolen. Il aura fallu seulement neuf jours à sir Raffles pour fonder, au nom de la Compagnie anglaise des Indes orientales, le port de Singapour. Le 31 mai 1819, Raffles y séjourne trois semaines pendant lesquelles il enverra plusieurs lettres en Angleterre afin de convaincre ses correspondants du fait que Singapour est vraiment une « bonne affaire » qu’il faut garder à tout prix. Il rencontre le résident Farquhar à plusieurs reprises et lui donne diverses instructions, aussi bien pour gérer l’aménagement du port que pour attribuer des terrains constructibles. Le 28 juin, il reprend la mer. Une troisième fois, le 10 octobre 1822, Raffles débarque à Singapour avec une fois encore de nombreux projets en tête. Il veut rédiger une constitution afin d’assurer à la ville, qui a pris déjà beaucoup d’importance, un avenir plus prospère. Il met en place un plan d’urbanisme et fonde, en juillet 1823, la Singapore Institution, destinée à accueillir et à éduquer les enfants des populations locales. En avril, Raffles suspend Farquhar de ses fonctions de résident, lui reprochant de ne pas avoir suivi ses instructions et d’être trop proche des Malais et des Chinois ; il le remplace deux mois plus tard par le docteur John Crawfurd. Raffles développe également un arsenal juridique, censé apporter un climat de paix aux diverses communautés ethniques. Afin d’éviter tout crime, il pense qu’il faut supprimer les causes de celui-ci – il interdit donc le jeu et les combats de coqs. 22

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Quant à l’opium, il l’autorise car il est facile de surveiller la population et de punir les abus par des peines appropriées. La prostitution n’est pas interdite elle non plus, en revanche toute forme d’esclavage est proscrite dans la colonie. Grâce à l’aide du lieutenant Philip Jackson, il met aussi en place un plan d’occupation de l’île où chaque communauté ethnique possédera un quartier ; il prévoit l’installation d’un centre administratif, de sites religieux et d’un jardin botanique. Avant de repartir, Raffles déclare que Singapour doit rester un port franc, et il signe un nouvel accord avec les autorités locales. Parmi les dispositions prévues, le sultan et le temenggong recevront une pension plus élevée en échange d’un contrôle des Britanniques sur leur territoire. Le 9 juin 1823, après un séjour de huit mois, Raffles quitte Singapour sur le Hero of Malown, en direction de Bencoolen à nouveau. Raffles souhaite désormais rentrer en Europe. Difficultés familiales et problèmes de santé – des maux de tête de plus en plus violents – le poussent à préparer son retour. Le Fame prend la mer le 2 février 1824, avec à son bord les objets de valeur, les collections et les animaux (entre autres un tapir, des faisans, un tigre) des Raffles. Par manque d’argent, la cargaison n’est pas assurée et, le 4 février, un incendie se déclare à bord vers 8 h 20. En moins de cinq minutes, tout le navire est en flammes. La cargaison est détruite, mais les passagers et l’équipage, sains et saufs, rament en direction de Bencoolen. Et c’est à bord d’une barque que Stamford Raffles voit son travail partir en fumée. Au début de l’après-midi du lendemain, les rescapés débarquent à Sumatra. Pendant qu’un nouveau voyage se prépare, Raffles apprend le 17 mars qu’un traité anglo-néerlandais, prévoyant le transfert des colonies entre ces deux pays, est signé à Londres. La péninsule malaise passe sous le contrôle des Britanniques, y compris Singapour, et la sphère d’influence des Hollandais s’étend aux Indes néerlandaises (l’Indonésie).

PAGE DE GAUCHE, EN HAUT :

plan de la ville de Singapour, réalisé à partir des instructions de Raffles et dessiné par le lieutenant Philip Jackson en 1828. PAGE DE GAUCHE, EN BAS : fac-similé d’une page du traité d’Amitié et d’Alliance, signé le 6 février 1819 par Raffles, le sultan Hussein et le temenggong Abdul Rahman. CI-DESSUS : portrait du Dr John Crawfurd (1783-1868), médecin et administrateur colonial écossais. CI-DESSOUS : Le Fame part en flammes, tiré du Stationer’s Almanack, 1825.

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CI-DESSOUS : Unterbrochene Strassenmessung auf Singapore, 1835. Un tigre bondit sur l’architecte G.D. Coleman et des bagnards indiens, alors qu’ils défrichaient une route à travers la jungle.

d’engrais, et que le giroflier n’a aucune chance de pousser ! Cependant, les plantations prennent de l’extension et des routes sont construites pour accéder au centre de l’île. Eugène Chaigneau, consul de France à Singapour, décrit en 1841 la construction de ces voies de communication : « Singapour est un lieu de déportation pour les malfaiteurs indiens de Bombay et de Madras condamnés aux travaux forcés, réunis à ceux qui sont condamnés dans l’île à la même peine et qui sont presque tous chinois. Ils forment une chaîne d’environ mille cinq cents prisonniers, dont le gouvernement tire surtout avantage pour la confection des

LE TIGRE ATTAQUE…

En 1850, au moins un coolie est tué par jour par l’un de ces félins attirés par le nombre croissant de travailleurs dans la jungle singapourienne. Eugène Chaigneau, consul de France, note dans un rapport envoyé au ministre des Affaires étrangères : « Les Chinois exploitent le poivre et le gambier, exploitent les bois et font des défrichements au mépris des tigres qui viennent souvent interrompre leur travail. Cinq de ces animaux féroces ont été tués par les Chinois dans les neuf premiers mois de 1841, après avoir enlevé une cinquantaine de personnes. On a acquis la certitude que ces tigres traversent à la nage le détroit qui sépare Singapour de la péninsule. » Auguste Haussmann, lors de son escale à Singapour, parle également des tigres : « Ils ne s’annoncent par aucun bruit, et pénètrent souvent dans les fermes, et même quelquefois, dit-on, jusque dans les faubourgs de la ville. Une personne digne de foi, l’un de nos missionnaires, m’a assuré que l’évêque de Singapour s’était un jour trouvé face à face avec un de ces terribles animaux, qui était venu lui rendre visite dans son salon. Il eut la politesse de se retirer, sans faire aucun mal au maître de la maison. »

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routes ; l’amélioration journalière des chemins et les facilités de communications en font foi. »

Des missionnaires au cœur de la jungle Les missionnaires catholiques espèrent, en s’installant dans les plantations convertir les Chinois qui vivent dans la pauvreté. La chapelle Saint-Joseph-deKranji du père Mauduit est déplacée à l’intérieur des terres à Bukit Timah (elle sera ensuite reconstruite en 1905, puis en 1965). La vie dans les plantations est dure : les travailleurs sont pauvres, les dangers constants. Un rapport des MEP précise : « À Singapour, l’Église chinoise se trouve au cœur de la forêt. Le zèle dont le père Mauduit fait preuve finit par terrasser tous les obstacles et la petite troupe qui se réunit autour de lui grandit chaque jour. Ses catéchumènes sont admirables, emprunts de simplicité et de ferveur. Ils sont pauvres, et leur prêtre l’est davantage que tous réunis ; il s’estime chanceux lorsqu’il a suffisamment de riz et de plantain pour ses repas. » Le père Augustin Périé des MEP rejoint, le 13 août 1860, la paroisse de Bukit Timah, et dans ses Souvenirs de Malaisie, il nous laisse des récits très imagés de ses nombreuses aventures avec les animaux de la jungle : « Un samedi soir, par une nuit très sombre, un chrétien se précipite chez moi en s’écriant, tout effaré : “Père, père, un serpent énorme !” » Le père Périé prend son fusil pour donner la chasse au serpent monstre… Il poursuit : « À l’angle de la maison, j’aperçois un magnifique boa, lové et occupant au moins deux mètres carrés. Un petit chien avait été saisi par le monstre et la tête du pauvre animal était tout entière dans la gueule du serpent. » Le récit de la lutte avec le boa est une véritable épopée, le serpent ne se laissant pas abattre facilement. « Il pesait soixante kilos et mesurait cinq mètres de long, sur trente-trois centimètres de circonférence », dit Périé à la fin de sa description. Le boa fut dépecé, partagé et cuisiné. « Je me réservai la peau, qui m’a servi utilement à réparer ma malle, lors de mon départ pour la France », conclut-il. Tigres, serpents, singes, lézards, insectes peuplent cette jungle épaisse. « Mon presbytère délabré », écrit le père Périé, « était littéralement envahi par une espèce toute particulière de petit scorpion couleur café, dont le chant a quelque rapport avec celui du grillon. Il naît et vit dans les jointures des planches. Sa piqûre ressemble à une pointe de feu et produit dans tout le corps une douleur insupportable. Il y a aussi le grand scorpion d’un bleu noirâtre… »

Des pionniers planteurs Si le poivre et le gambier sont laissés aux Chinois, les aventuriers européens, dont quelques Français, essaient d’autres cultures. Jules Itier note, en 1843 : « Un populeux compong s’est établi dans l’intérieur de l’île, que des routes carrossables traversent en tous sens. Des défrichements considérables reculent chaque jour la limite des forêts vierges qui couvraient le sol ; les cultures de toutes espèces prennent leur place, et les envahissements de la colonisation sont si rapides que l’ancien habitant de ces jungles, le tigre, a à peine le temps d’opérer sa retraite. » 59

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Dès 1825, une législation est mise en place pour réguler l’exploitation des terres. Le bail concédé doit être renouvelé et augmenté tous les quinze ans. Ces mesures sont impopulaires, car certaines cultures, comme la muscade, demandent une vingtaine d’années pour rapporter et la terre cultivée avec le poivre et le gambier est épuisée après une quinzaine d’années d’exploitation.

La muscade : développement intensif et arrêt brutal Pour John Crawfurd, second résident de Singapour, l’engouement pour la culture rentable du muscadier, qui s’étend de plus en plus sur l’île, est une vraie « manie ». Entre 1841 et 1848, les plantations ont doublé et, pour la première fois, les Européens se déplacent et s’installent près de leurs exploitations. Victor Fontanier, consul de France à Singapour en 1846, a une vision poétique des muscadiers : « D’autres collines gracieusement ondulées […] étaient plantées de muscadiers, arbustes délicats qui exigent autant de soins que chez nous l’oranger, et dont la fraîche verdure donnait à la campagne l’apparence d’un vaste jardin. » En 1848, on compte cinquante-huit plantations, dont la plupart appartiennent à des Européens – y poussent soixante mille arbres. Mais, dès 1849, les prix baissent et une maladie se répand très vite qui ravage une grande partie des arbres : des plantations qui donnaient vingt mille noix par jour n’en produisent plus que deux mille cinq cents. Et, en 1860, il n’y a plus un muscadier sur l’île. Le père Jean-Marie Beurel perd ainsi une partie de son investissement. De nombreux planteurs se sont ruinés.

Le poivre et le gambier : l’or de Singapour au

XIX

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siècle

Singapour se développe surtout en tant que port, entrepôt, lieu d’échange et de commerce. Mais la population augmente, le chômage avec, et c’est ce qui redonne un élan à l’agriculture. Le sol et le climat sont bons pour la culture du

LES MISSIONNAIRES ET LES SOCIÉTÉS SECRÈTES Quand ce ne sont pas les animaux de la jungle et les maladies qui rendent difficile la vie dans les plantations, ce sont les bandits qui ont fui les autorités de la Chine ou les membres de sociétés secrètes (hoey) qui empoisonnent l’existence d’une population déjà défavorisée. En février 1851, The Singapore Free Press rapporte qu’une société secrète, connue sous le nom de Tan Tae Hoey, met à feu et à sang l’intérieur de l’île pour expulser les chrétiens de ces territoires ruraux qu’ils veulent contrôler. De nombreuses plantations sont ainsi détruites, mais les autorités britanniques n’interviennent pas, car il semble que des temples chinois aient été aussi dévastés, ainsi que des plantations appartenant à des hoey. Les violences sont telles qu’elles affectent sérieusement le travail des planteurs et l’économie des négociants en ville ; un petit détachement de police est enfin envoyé sur place. Le père Augustin Périé dépose même une plainte au préfet de police contre les hoey qui ont mis sa tête à prix : « Il m’accueillit avec bonté, il prit note de ma déposition contre la secte Kenlok et me dit en souriant : “Votre tête est précieuse, mille dollars ! La mienne n’a été mise à prix qu’à cinq cents dollars.” »

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portrait du père Augustin Périé.

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muscade, dessin de la collection Farquhar.

CI-CONTRE :

cocotier, du manguier, du mangoustan, du durian, de l’ananas et spécialement pour le poivre et le gambier. Ce sont en effet ces deux cultures qui sont les plus profitables mais qui, à terme, laissent la terre très appauvrie. Le marché du gambier est florissant au XIXe siècle : localement, il est utilisé avec la noix de bétel pour la mastication, et il est exporté vers l’Ouest pour l’industrie du tannage des peaux et celle des teintures. La culture de ces deux plantes complémentaires est une ressource incontestable pour les Chinois, mais après des années d’exploitation, le sol n’est plus assez fertile pour que la production perdure. Et si les nombreuses plantations de cocotiers et d’osier (ratan) sont exploitées par les Chinois et les Malais, les Européens se lancent dans de nouvelles cultures.

Essais de plantations de canne à sucre et de café En 1835, un planteur français, du nom de Beauregard, commence à cultiver la canne à sucre et s’installe à Paya Lebar, quartier isolé à l’époque. La chance ne lui sourit guère : il se fait attaquer par une bande de trente Chinois menée par deux Malais. Il s’en sort vivant, mais perd sa plantation. En octobre 1839, Le Dieu, un Français, crée la Singapore Joint Stock Coffee Company. Pour lancer son projet, il édite un prospectus alléchant : la plantation sera située à 8 km du centre, sur la route de Serangoon, et la culture du café sera sans doute supportée par le gouvernement de l’île. Les actions sont chères : cent dollars chacune, mais la compagnie prévoit un revenu de douze millions de dollars par an à très court terme. On peut lire en conclusion du prospectus : « Quel degré de prospérité agricole et commerciale Singapour aurait-elle pu alors atteindre si nous avions vu ne serait-ce que la moitié de l’île couverte de plantations de café ? » Cependant, la plantation ne voit jamais le jour. Et quand, deux ans plus tard, les actionnaires demandent des comptes et 61

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

veulent savoir où est passé leur argent, il n’y a bien sûr plus de trace de ce monsieur Le Dieu !

Les plantations de sagou Le sagou est une fécule extraite de la moelle de différentes sortes de palmiers, dont le sagoutier, originaire d’Asie du Sud-Est. La farine obtenue est une substance à base d’amidon, qui dégage une odeur agréable de vanille. Jules Itier, de la mission scientifique Lagrené, décrit ainsi la préparation du sagou : « Huit à dix Chinois sont occupés à faire subir à la moelle brute du palmier sagou (metrouglum-sagu), que les Malais de l’intérieur de Bornéo et de Sumatra apportent à Singapore, les préparations ci-après : on lave la moelle brute dans une cuve sur une toile serrée qui laisse passer la fécule, tandis que les fibres ligneuses y sont retenues ; on décante le précipité de fécule, et l’on verse le résidu dans de longues caisses dont le fond percé de trous est recouvert d’une toile très serrée laissant filtrer l’eau. Cette fécule est ensuite séchée au soleil, puis passée au tamis. La substance ainsi obtenue se présente sous forme de farine parfaitement blanche et criant sous le doigt. Dans cet état, on l’expédie en grande quantité en Angleterre pour être reconvertie en gomme et servir d’apprêt aux étoffes. » Durant les décennies suivantes, les plantations continuent de se développer et attirent les Européens, dont des Français qui réussissent plus ou moins bien.

Gaston Dutronquoy et le London Hotel Au milieu du XIXe siècle, les voyageurs qui font escale à Singapour et les pionniers qui comptent s’y installer doivent se loger. Or le choix est quelque peu restreint. Gaston Dutronquoy est une figure originale de Singapour. En mai 1839, il fonde le London Hotel sur High Street, souvent nommé Dutronquoy’s Hotel. Dutronquoy était français ou belge. Son hôtel est le plus réputé de Singapour, et c’est là que la plupart des voyageurs s’installent pendant le temps des escales. Il tient l’hôtel avec son épouse et, en 1841, il déménage pour s’installer près de l’Esplanade, dans un bungalow à deux étages, qui appartenait à l’architecte G.D. Coleman. Dutronquoy est aussi le premier photographe de l’île. Il ouvre dans son hôtel un studio de photographie où il utilise la nouvelle technique du daguerréotype. Il propose des portraits à dix dollars pour une personne, à quinze pour un couple. Malheureusement, aucun cliché de cette époque n’a été retrouvé. Au rez-dechaussée de son établissement, il crée un théâtre qu’il nomme le Royal Theater et qui fonctionnera jusqu’en 1845. En mars 1844, Dutronquoy déménage une seconde fois son hôtel et s’installe dans l’élégante maison d’Edward Boustead, au coin de High Street et de l’Esplanade. Le nouveau London Hotel peut désormais accueillir des familles. La plupart des membres de la mission Lagrené logent au London Hotel. Melchior Yvan, attaché comme médecin à la mission, raconte son arrivée : « L’hôtel de monsieur Dutronquoy est bâti au milieu d’un vaste jardin où croissent librement les grands arbres des tropiques. Les murs sont percés de grandes fenê62

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L’ Â G E D E S AV E N T U R I E R S

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tres très rapprochées les unes des autres et garnies de stores de bambou, qui font ressembler cette maison à une volière. » Il dépeint également sa chambre aux murs blanchis à la chaux, disposant d’une immense cuvette de porcelaine de Chine, d’une table et d’un lit. Et il décrit ainsi les lits du London Hotel : « Ce sont de grands cadres en jonc cachés sous une moustiquaire, garnis d’une natte de palmier et de deux traversins. On couche sur ces lits, vêtu d’une moresque, vaste pantalon en toile du Bengale, et on y dort parfaitement rafraîchi par l’air de la nuit, qui circule librement tout à l’entour. » En mai 1851, Dutronquoy ouvre, avec l’aide de médecins qualifiés qui viennent d’Inde, un autre hôtel destiné à accueillir invalides et convalescents. Cet établissement permet aussi aux voyageurs qui arrivent d’Europe d’être logés tout près des quais. Tentant d’aider au mieux les malades, Dutronquoy recommande même une sorte de « casquette ou plutôt perruque glacée », censée soulager les personnes atteintes de fortes fièvres. Puis, seize ans après son arrivée à Singapour, il disparaît mystérieusement, sans doute en compagnie de son épouse. Selon une rumeur de l’époque, il aurait été assassiné dans la région de la rivière Muar, au sud de Malacca, lors d’une expédition où il cherchait de l’or. Le London Hotel est repris l’année suivante par une Française, madame Esperanza. Elle conserve la partie pension de famille qu’elle appelle Family Hotel et qu’elle dote d’une table d’hôte. L’établissement possède une excellente réputation, que confirme Auguste Benoist de la Grandière dans Souvenirs de campagne 1858-1860 : « L’hôtel de l’Espérance est le meilleur de la ville. On y trouve de beaux appartements, une bonne table, de spacieuses salles de bain, des billards et un jeu de boule, mais tout y est très cher. »

Monsieur Poiron, le premier dentiste à Singapour Au XIXe siècle, la France dispose d’une certaine réputation dans le domaine médical et notamment dans celui de la dentisterie. Jusqu’en 1869, il n’y a pas de cabinet dentaire à Singapour, seulement des dentistes itinérants. Cependant, en juin 1835 et pour la première fois, un dentiste de formation officie à Singapour. Il s’agit du docteur Poiron qui fait passer cette annonce dans le journal Singapore Chronicle : « Le docteur Poiron, chirurgien-dentiste originaire de Paris, a l’honneur d’informer les habitants de Singapour que durant son séjour en ce port, il entend exercer sa profession. La connaissance acquise par le docteur Poiron dans son métier et les soins qu’il délivre, aussi bien dans le domaine chirurgical que plastique, a gagné la confiance des meilleurs médecins et des familles les plus honorables de Calcutta, lors d’un séjour de plus de trois ans, et il espère continuer à se montrer digne auprès de ces dames et messieurs, s’ils souhaitent lui faire l’honneur de recourir à ses services. » En tant qu’itinérant, le docteur se déplace chez le patient ou officie en plein air sur un banc public. Et

sagou, dessin de la collection Farquhar.

PAGE DE GAUCHE :

CI-DESSUS : publicité vantant les daguerréotypes de Gaston Dutronquoy, publiée dans le journal local Singapore Free Press du 7 décembre 1843.

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

le professeur Lee Yong Kiat, en 1978, dans son livre intitulé The Medical History of Early Singapore, précise qu’un arrachage de dent, dans les années 1840, coûte cinq dollars, qu’un plombage (avec de la gutta-percha) revient à six dollars et la pose d’une dent en or à dix-sept dollars. En 1855, le docteur Poiron est rejoint par l’un de ses confrères parisiens, le docteur Rogers. Celui-ci fait également paraître, en septembre 1856, une annonce dans la presse locale : « Le docteur Rogers, chirurgien-dentiste, au 270 rue SaintHonoré, Paris, se permet d’annoncer qu’il répare les fausses dents, suite à un nouveau procédé, sans fils ni ressorts, et sans extraire la racine, pour une dent ou un dentier complet. Les dents cariées sont soignées grâce à une pâte qui durcit en cinq minutes, particulièrement recommandée pour les dents de devant, et qui leur rend leur couleur et leur vigueur d’origine. » Quelque temps plus tard, dans le Straits Times, il publie une autre annonce sous le titre « TEETH ! TEETH ! TEETH ! », dans laquelle il informe sa clientèle de ses tarifs plutôt modestes, de cinq à dix dollars pour une dent artificielle. En décembre 1861, un troisième dentiste français s’installe à Singapour pour quelque temps : le docteur Sidobre, également de Paris.

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L’ Â G E D E S AV E N T U R I E R S

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Singapour vue par les voyageurs entre 1845 et 1867 Les Français de passage à cette époque sont des diplomates, des scientifiques, des écrivains ou bien encore des touristes – les premiers. Et ils laissent souvent une trace écrite de leur escale.

L’arrivée à Singapour Pour les voyageurs qui arrivent d’Europe, Singapour est la porte de la Chine. Le docteur Auguste Benoist de la Grandière écrit dans Souvenirs de campagne 1858-1860 : « Sa situation pittoresque, la diversité des races que le commerce y a réunies, lui créent une physionomie toute spéciale et en font une des villes les plus curieuses de l’Extrême-Orient. » En 1857, dans Souvenir d’une ambassade en Chine et au Japon, le marquis de Moges décrit Singapour comme étant une cité grouillant d’activité : « À peine mouillée, la frégate est entourée d’une nuée de pirogues chargées d’œufs, de légumes, de fruits et d’oiseaux… Bientôt tous ces Malais, ces Hindous, ces Chinois, sous prétexte d’être blanchisseurs ou marchands, escaladent le bord de tous côtés… C’est l’Asie en miniature, c’est de la couleur locale à la centième puissance. »

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publicité vantant les mérites du dentiste français Rogers, parue dans le Straits Times du 21 octobre 1856.

PAGE DE GAUCHE :

CI-DESSOUS : Vue de Singapour du Mount Wallich, par Percy Carpenter, 1856. Il s’agit d’une vue panoramique. On aperçoit Pear’s Hill à gauche, Tanjong Rhu à droite. En 1885, le Mount Wallich fut rasé et sa terre utilisée pour créer la baie de Telok Ayer.

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

gurée : l’Amicale cochinchinoise des anciens combattants de la Grande Guerre de Saigon veut rendre ainsi hommage aux camarades britanniques tombés au champ d’honneur.

Inauguration de la plaque commémorative de la Grande Guerre

plaque commémorative mentionnant les noms des Français de Malaisie morts pendant la Première Guerre mondiale.

CI-DESSUS :

À l’occasion du 14 juillet 1921, le consul inaugure une tablette dédiée « aux Français de Malaisie, morts pour la France ». Lors de cette cérémonie, des dignitaires britanniques et français ainsi que des membres de la communauté française sont présents. Monsieur Noble conclut ainsi son discours : « À chaque fois que nos regards se porteront sur cette plaque où sont inscrits ces noms, ils nous rappelleront les sacrifices faits pour la France. » Cette plaque commémorative se trouve actuellement dans l’enceinte de l’ambassade de France à Cluny Park Road. On peut y lire les noms du révérend père Nain, brancardier, curé de la cathédrale du Bon-Pasteur, mort à l’hôpital militaire de Vichy le 28 juin 1916 – et non pas en 1915 comme l’indique la tablette commémorative ; celui de Charles Munie, de la Banque de l’Indochine, tué en Artois le 9 octobre 1915 ; Harold de Bondy, mort le 8 juin 1918 dans la forêt de Villers-Cotterêts ; Julien Vuillaumié de la Far East Oxygen and Acetylene Co Ltd mort après quatre mois de combat dans les Vosges…

Les rues commémoratives En octobre 1928, le conseil municipal de Singapour décide de donner à certaines rues le nom de militaires britanniques et français ou de batailles de la Grande Guerre. Dans le quartier de Jalan Basar, auparavant recouvert de mangrove, sont inaugurées Somme Road, Verdun Road, Foch Road, Marne Road, mais aussi Petain Road. En revanche, French Road fait allusion au maréchal britannique John French.

PETAIN ROAD De 1926 à 1931, la famille peranakan Ong fait construire, sur Petain Road, des maisons de type shophouses, où l’architecture européenne et le style peranakan fusionnent. Soixante ans plus tard, l’URA, l’office d’urbanisme de Singapour, décide de protéger ce patrimoine. Avec la Seconde Guerre mondiale, le nom de Pétain ne résonne plus de la même façon, le héros de la Première Guerre mondiale n’est plus à l’honneur. Dans la rubrique « Courrier des lecteurs » le Straits Times publie des lettres remettant en cause le nom de Petain Road. Quelques décennies plus tard, des tentatives avortées essaient toujours de faire changer le nom de cette rue. À l’échelle mondiale, il y aurait une quinzaine de rues ou d’avenues qui porteraient encore le nom du maréchal, dont une seule en France, à Tremblois-lès-Carignan (Ardennes).

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UNE ÉPOQUE TOURMENTÉE

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L’entre-deux-guerres La période 1920-1930 correspond à des années d’alternance de crise et de croissance économique plus ou moins longues. La société coloniale, comprenant cent cinquante-quatre Français, d’après le recensement de 1921, connaît pendant cette période une amélioration de ses conditions de vie. Les compagnies françaises poursuivent leurs affaires. Les religieux, toujours nombreux, contribuent au développement du catholicisme dans l’île, et cela malgré l’essor du mouvement communiste. Le consulat de France est élevé au rang de consulat général en 1937.

La vie au quotidien des Français Dans les années 1920, la ville change rapidement : les voitures sont plus nombreuses, la Singapore Traction Company met en circulation, en 1925, des trolleybus et des omnibus. La première centrale électrique municipale de Saint-James est inaugurée en 1927, l’électricité et ses diverses applications permettant à la population de vivre plus confortablement. La compagnie Cold Storage, créée en 1903, commercialise de nouveaux produits réfrigérés qui, eux aussi, vont améliorer la vie sous les tropiques. Le City Hall est construit sur le Padang en 1929 à l’emplacement de l’hôtel de l’Europe. Un an plus tôt, la General Post Office est inaugurée dans le Fullerton Building. Le port de Singapour, toujours aussi actif, accueille des navires du monde entier et permet les échanges entre les colonies asiatiques et leurs métropoles, avec la vente de l’étain, du caoutchouc ou de denrées alimentaires. La Grande Dépression de 1929 touche Singapour de plein fouet car l’île dépend du commerce international, qui tourne au ralenti. En 1931, les comptes de la colonie sont déficitaires, le chômage s’installe et toutes les catégories sociales sont touchées. À partir de 1934, l’économie s’améliore, mais l’île ne retrouve pas le niveau de prospérité d’avant la crise. Cependant, la vie à Singapour est très confortable, en particulier pour les groupes privilégiés. Ainsi, dans les beaux quartiers, les Européens et les riches négociants asiatiques habitent des maisons spacieuses entourées de jardins et emploient de nombreux serviteurs. D’un point de vue sportif et culturel, les années 1920 à 1930 sont marquées par des transformations significatives. Les clubs se multiplient et proposent des activités sportives plus diversifiées, comme la natation, le tennis, ou le golf. La radio fait son apparition en 1915, mais ne sera popularisée qu’en 1936, avec le lancement par la British Malayan Broadcasting Corporation du premier programme commercial. Les parcs d’attraction comme New World, Great World et Happy World, ouverts respectivement en 1923, 1931 et 1935, attirent aussi bien les Européens que les populations locales, avec leurs cinémas, leurs cabarets, leurs salles où ont lieu des matches de boxes – seuls endroits où les communautés se côtoient. C’est aussi à cette époque que le Raffles Hotel devient le lieu clé des soirées coloniales, tandis que c’est au Seaview Hotel qu’il faut se faire voir le dimanche. La petite « colonie française » a de bonnes conditions de vie. Très souvent, les hommes travaillent pour les entreprises nationales implantées à la fin du siè119

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

côté des banques comme l’Oversea-Chinese Banking Corporation (OCBC), l’United Overseas Bank (UOB) et l’Oversea Union Bank (OUB), s’installent de grandes banques françaises. La Banque de l’Indochine est présente depuis 1905 et prend le nom en 1974 de Banque de l’Indosuez. La Banque nationale de Paris (BNP) ouvre un bureau de représentation en 1968. En 1979, le Crédit Lyonnais est la troisième banque française représentée à Singapour. La même année, la Société Générale y ouvre son troisième bureau asiatique après Hong-Kong et Tokyo. Il s’agit d’une banque commerciale dont l’objectif est de servir les clients pour leurs relations avec la France. Trente ans plus tard, ses activités sont centrées sur l’investissement. Les banques obtiennent soit une licence « wholesales », soit une licence « offshore » ; deux d’entre elles ont même un guichet, ce qui permet aux Français d’avoir leur carnet de chèques et leur compte dans une banque française. Singapour entend développer des secteurs économiques qui ne requièrent pas de ressources naturelles, le développement d’infrastructures touristiques répond en partie à cette demande. En 1964, le gouvernement met en place le Singapore Tourist Promotion Board (renommé Singapore Tourism Board en 1997), agence gouvernementale en charge de promouvoir le tourisme à Singapour. Le symbole du Merlion (un lion au corps de poisson) est créé et adopté la même année, pour représenter la « cité du lion ». Il s’agit d’attirer plus de touristes pour augmenter les rentrées de devises. En 1972, Singapore Airlines est créée. La compagnie demande au couturier français Pierre Balmain de réaliser l’uniforme des hôtesses. Il reprend l’idée déjà utilisée par la Malaysia-Singapore Airlines du costume traditionnel malais, le sarong et le kebaya, pour habiller l’équipage féminin. L’uniforme est réalisé en quatre couleurs correspondant à des fonctions et à des grades différents. La « Singapore girl » sert à la compagnie d’image de marque. Pendant dix-sept années consécutives, cette campagne publicitaire remporte le World’s Best Cabin Crew Service. Deux compagnies aériennes françaises assurent des liaisons régulières. En juin 1973, UTA effectue son premier vol vers Singapour avec un Douglas DC-10-30. Cet avion peut transporter plus de deux cent cinquante passagers. De Paris, il fait escale à Athènes, Colombo, Bangkok, puis Singapour, pour poursuivre vers Sydney, Nouméa, Nandi, Papeete et Los Angeles. Ces gros avions ne peuvent pas se poser n’importe où et des infrastructures spéciales sont nécessaires, ne serait-ce que pour embarquer et débarquer les passagers. Ce n’est que le 28 septembre 1989 qu’UTA offre pour la première fois un vol Paris-Singapour sans escale. La compagnie Air France travaille son image et, en 1966, elle annonce que les passagers bénéficieront désormais de projections de film en couleurs sur des écrans extra-larges et de programmes de musiques classique et moderne en stéréo sur ses longs courriers comme Paris-Singapour. Entre 1977 et 1980, le Concorde, avion supersonique exploité en partenariat par Air France et British Airways, assure aussi quelques vols entre Singapour et la capitale britannique. 17 8

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D E S R E L AT I O N S CO N S O L I D É E S

Grâce à une économie performante, Singapour fait face au choc pétrolier de 1973. Les 16 et 17 octobre, pendant la guerre du Kippour, les pays arabes membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) décident d’un embargo sur les livraisons de pétrole aux pays qui soutiennent Israël. Le prix du baril quadruple en trois mois. Le choc est ressenti très durement aux États-Unis et en Europe. La Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong et Singapour, ces « dragons » industriels en plein développement qui produisent à des taux inférieurs à ceux des puissances occidentales, arrivent à absorber ce choc pétrolier beaucoup plus sereinement.

La communauté française dans la jeune république de Singapour La communauté française à Singapour quadruple en l’espace de dix ans pour atteindre le chiffre de huit cent dix-huit personnes en 1978. En novembre 1965, la représentation diplomatique française devient une ambassade dans la toute jeune république de Singapour. Le consul général, Édouard Hutt, devient le premier chargé d’affaires, puis, le 23 novembre 1968, le premier ambassadeur de France à Singapour. L’ambassade, toujours installée dans les deux maisons black and white des 5 et 7 Gallop Road, emploie, en plus du personnel français expatrié, détaché ou recruté localement, des Singapouriens, aussi bien pour des travaux d’entretien que pour des tâches administratives. Sur la période qui va de 1931 à 2006, deux générations d’une famille d’Indiens singapouriens ont travaillé pour la délégation française – monsieur Subramania Pillay, de 1931 à 1973, puis son fils, Chandran, de 1974 à 2006. Tous deux ont fait office de factotum, de chauffeur et de commis à la section consulaire.

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premier bus Berliet à Singapour, 1974.

PAGE DE GAUCHE, EN HAUT :

PAGE DE GAUCHE, AU CENTRE :

publicité pour la BNP, c. 1970. PAGE DE GAUCHE, EN BAS :

en 1972, Pierre Balmain et une Singapore Girl. billet de vingt dollars, 1979. Le premier président de la FBA, Claude Blangero, de la Banque nationale de Paris, aurait réussi à convaincre la Monetary Authority of Singapore d’y représenter le Concorde.

CI-DESSUS, À GAUCHE :

CI-DESSUS, À DROITE :

publicité pour UTA, 1989.

L’ambassade de France En 1968, le consulat général est intégré au sein de l’ambassade. Dès lors, chaque ambassadeur, une fois ses lettres de créance présentées au président de la république de Singapour, est officiellement accrédité par ce dernier et représente alors la France à Singapour. La délégation diplomatique a des fonctions très définies. 17 9

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

CI-DESSOUS, EN HAUT : portrait de Claude Blangero, Straits Times, 18 novembre 1971. CI-DESSOUS, EN BAS :

portrait de Patrick Hays. affiche du French Festival.

PAGE DE DROITE :

de croissance exceptionnelle, avec une augmentation du PIB de 8,7 % en moyenne et un taux de chômage de 2,2 %. C’est à cette époque que le gouvernement commence à s’intéresser à l’externalisation de son économie, en signant des accords de partenariat avec l’Indonésie (Batam et Bintan) ou encore avec la Chine. En décidant d’introduire une TVA à 3 % en 1994, le gouvernement souhaite aussi consolider ses revenus tout en réduisant le taux d’imposition sur les entreprises pour rester compétitif à l’échelle internationale. C’est aussi à cette époque que se constitue la bulle spéculative dans le secteur de l’immobilier, avec une augmentation des prix des logements résidentiels de 201 % sur la période 1991-1996, toujours selon Manu Bhaskaran. Enfin, les économies florissantes des « Tigres d’Asie », comme la Malaisie ou la Thaïlande, concurrencent de plus en plus Singapour dans sa position de plaque tournante de la région. Singapour doit à nouveau redéfinir sa politique économique pour faire face à ces nouveaux défis.

La présence économique française s’organise et s’intensifie Les conjonctures économique et politique des années 1980 à 1990 sont favorables à l’implantation de sociétés françaises soutenues par les services spécialisés de l’ambassade de France. Si les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni restent des partenaires commerciaux privilégiés, Singapour souhaite également attirer des investisseurs européens (CEE), notamment français et allemands. Pour les aider, les gouvernements singapourien et français continuent de signer des accords de coopération. La communauté d’affaires française de Singapour entend aussi fournir une aide aux investisseurs et entrepreneurs avec la mise en place de la French Business Association (FBA). La France entend également promouvoir son action commerciale en favorisant le développement de la francophonie.

Création de la French Business Association La FBA voit le jour en décembre 1979 sous l’impulsion de quatre Français, André Utard (Banque de l’Indochine et de Suez), Claude Blangero (Banque nationale de Paris), Pierre-Marc Bourgoin (Union des assurances de Paris) et Patrick Hays (SMPT). Henri de Courtivron, un des membres fondateurs, définit ainsi l’association : « La FBA sera un lieu de discussion où les hommes d’affaires français pourront s’identifier et aborder leurs intérêts communs concernant les objectifs économiques, industriels et commerciaux. Toute entreprise française ou tout individu est libre d’y souscrire. L’adhésion est ouverte aux entreprises de Singapour qui travaillent avec la France. » De trente-quatre membres, lors de sa création en 1979, on parvient, trente ans plus tard, à trois cent quarante adhérents, dont un tiers de non Français. La mission principale de la FBA est d’aider les entreprises françaises à s’implanter à Singapour ou dans la région. Pour cela, l’association, à but non lucratif, propose à ses membres une gamme de services très larges. Elle se charge d’aider à prospecter le marché singapourien, de donner des renseignements pour monter sa société à Singapour, d’aider dans les démarches administratives auprès des 19 0

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autorités locales, de favoriser la participation de l’entreprise dans des salons spécialisés à Singapour ou dans la région… Composée d’un comité de vingt personnes élues pour deux ans, la FBA propose de faire partager les expériences, d’aider concrètement les entrepreneurs et d’informer en permanence ses membres de ce qui se passe au niveau économique. Au début de son existence, l’activité de la FBA consiste surtout en des déjeuners entre hommes d’affaires, où chacun partage son expérience et ses idées sur la vie économique de Singapour. Dans les années 1990, elle devient beaucoup plus active et développe des liens étroits avec l’ambassade de France. Elle met en place des comités qui permettent aux membres de réfléchir et d’échanger sur des thématiques liées à un secteur d’activité spécifique, à une zone géographique… Le comité organise, tout au long de l’année, des dîners de bienvenue, le gala annuel du mois de juin, ou encore des compétitions sportives. Afin de communiquer avec ses membres, un bulletin, News Brief from Singapore, est lancé en 1988. Bimestriel de douze pages en langue anglaise, il a aussi pour but de faire connaître les entreprises françaises aux acteurs économiques importants de Singapour et de l’ASEAN. Les partenaires économiques français, eux aussi, décident d’organiser, du 22 mai au 6 juin 1993, une manifestation appelée Singapore Welcomes France, et font venir l’homme-orchestre Rémi Bricka. La French Fashion Week est organisée du 28 mai au 1er juin, avec des spectacles de rue qui vont permettre de collecter des fonds pour la National Kidney Foundation.

LE FRENCH BUSINESS CENTER En janvier 1995, le French Business Center ouvre ses portes grâce aux efforts conjoints de l’ambassade de France et de la FBA. Situé sur Neil Road, non loin du quartier des affaires, cet espace de 2 500 m2 de bureaux est mis au service des petites et moyennes entreprises qui souhaitent venir s’implanter à Singapour et dans la région. En huit ans d’existence, une vingtaine de sociétés ont été aidées chaque année, profitant de services comme la location de bureaux équipés, l’aide de conseillers juridiques et fiscaux, ou encore la mise en place d’un annuaire pour recruter du personnel, notamment français. Le French Business Center a fermé ses portes en 2003, les services de la FBA, de l’ambassade et du Comité du commerce extérieur étant devenus très efficaces. Le French Business Center, Neil Road.

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172-221FS5-Fr 172-221 FS5_eng 2.indd latest2 191 Alstom b191 191

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Job No:

D1011-34/ /connie D1111-2 connie EDM-The EDM - The Fresh Fresh In In Singapore Singapore

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

Un festival, du 14 au 29 octobre 1995, est organisé sur le thème du savoir-vivre et du savoir-faire. Quinze événements pour quinze jours de festival sont au programme : un spectacle pyrotechnique, sur Clarke Quay, de Pierre-Alain Hubert, des animations de rue, une collaboration entre le Singapore Symphony Orchestra (SSO) et Jean-Claude Casadesus, chef de l’orchestre national de Lille. Ce festival offre aussi l’occasion de promouvoir les succès industriels et technologiques avec l’organisation d’une exposition : Technologies pour le XXIe siècle made in France, au Science Center de Singapour. Les French Festival de 1993 et 1995 ont retenu l’attention de milliers de Singapouriens ; plus de vingt mille spectateurs en ont admiré le spectacle d’ouverture sur les bords de la Singapore River en 1993.

Essor des entreprises françaises De 1979 à 1997, le nombre d’entreprises françaises implantées dans la cité-État a doublé tous les cinq ans en moyenne. Il s’agit, dans la majorité des cas, de filiales, de succursales et de bureaux de représentations de sociétés françaises dans des secteurs très diversifiés. En 1991, ce sont plus de deux cent cinquante entreprises françaises qui opèrent à Singapour. Certaines entreprises, comme Bachy Soletanche, Bouygues, Dragages, Alstom, Bocotra… ont participé au développement des infrastructures routières comme le Central Express Way (CTE), l’aéroport de Changi, en 1981, ou du Mass Rapid Transit (MRT) à partir de 1987. Dans le secteur des biens d’équipement, des industries mécaniques, sidérurgiques et de défense, on retrouve les noms de Alstom, Eurocopter, Snecma (Safran depuis 2005) et Thalès. Le secteur de l’énergie, de la chimie et des matériaux est représenté par des sociétés comme Air Liquide, Michelin, Rhodia, Total. Cette présence française se retrouve aussi dans les domaines des services bancaires et de l’assurance. Une dizaine de banques et compagnies d’assurances, dont AXA et Groupama Transport, sont implantées à Singapour. En 1984, la CIC (Crédit Industriel et Commercial) ouvre des bureaux dans le CBD, non loin de la Singapore River – elle y est rejointe par la Banque Transatlantique, son partenaire, en 2001 –, suivie par le Crédit du Nord, la BFCE (Banque française du commerce extérieur) et le CCF (Crédit commercial de France). La Banque de l’Indochine, installée depuis plus d’un siècle, prendra en 2010, après plusieurs fusions, le nom de Crédit Agricole Corporate & Investment Bank.

EN HAUT :

Logo du Banque Transatlantique.

affiches publicitaires pour les Galeries Lafayette, 1991 et 1987.

CI-CONTRE :

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172-221 FS5-Fr FS5_eng 2.indd latest2192 Alstom b192 192

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Job No:

CD1111-6 / /HoChoi CD1111-17 HoChoi EDM-The EDM - The Fresh Fresh In In Singapore Singapore

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D E S R E L AT I O N S CO N S O L I D É E S

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ALSTOM Afin de poursuivre son développement économique, Singapour continue de renforcer et de moderniser ses infrastructures. Dans le domaine des transports urbains, la compagnie française Alstom a remporté plusieurs grands contrats. Créée en 1928 lors de la fusion de la Société alsacienne de constructions mécaniques et de la société franco-américaine Thomson-Houston, Alstom comprend, en 2011, trois branches d’activités : le transport, l’énergie et les réseaux de distribution. Présente dans le monde entier, la société emploie près de quatrevingt-quatorze mille personnes et assure un chiffre d‘affaires de vingt milliards d’euros (2010-2011). À Singapour, la Land Transport Authority (LTA) a confié à Alstom – connue notamment pour avoir conçu le TGV français – les marchés des trains et de la signalisation pour la North East Line. La première ligne automatisée (sans conducteur) de Singapour, couvrant une distance de près de 20 km, est inaugurée en août 2003, après sept années de travaux. Mais la fierté d’Alstom réside surtout dans l’obtention du marché clés en main de la Circle Line en 2002. La société française a remporté l’appel d’offres pour ce projet de la ligne automatisée la plus longue au monde, soit 40 km. Afin d’assurer la maintenance des voitures, Alstom a aménagé à Upper Paya Lebar le dépôt souterrain de Kim Chuan, le plus grand au monde (il fait la taille de dix-sept terrains de football). Dans le secteur de l’électricité, Alstom, le leader mondial français dans la fourniture de centrales de production d’électricité, a signé un contrat en février 2011 avec l’entreprise Sembcorp, cliente depuis 2001. Il s’agit de construire une nouvelle centrale à gaz de cogénération à cycle combiné d’une puissance de 400 MW, générant électricité et vapeur pour de nombreuses entreprises pétrochimiques. En 2010, Keppel Merlimau Cogen Pte Ltd a signé un contrat prévoyant la construction du même type de centrale, d’une puissance de deux fois 400 MW, s’ajoutant à celle de 500 MW construite par Alstom en 2007. Depuis plus de quarante ans, Alstom maintient sa présence dans le domaine de la distribution d’énergie et des centrales à Singapour, grâce à l’installation de nombreux transformateurs électriques à haute tension. Dans le domaine de l’industrie, Alstom a fourni les principaux transformateurs électriques à haute tension des usines de fabrication de ST Microelectronics Semiconductor Wafer, de la centrale Intel-Micron Wafer et du méga complexe pétrochimique Exxon Mobil’s SPT.

CI-DESSUS, EN HAUT : un

train de la Cirle Line au dépôt. CI-DESSUS, EN BAS : la centrale électrique Keppel Merlimau Cogen à Singapour.

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172-221FS5-Fr 172-221 FS5_eng 2.indd latest2 193 Alstom b193 193

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Job No:

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LES FR ANÇAIS À SINGAPOUR

Annexe 5

RECENSEMENT DE LA POPULATION FRANÇAISE À SINGAPOUR (1819-JUIN 2011) Français

Population de Singapour

Année

Européens (total)

1819

0

150

1821

29

4 727

1824

179

10 683

1825

216

11 851

1826

317

12 905

1827

275

13 732

1828

301

14 885

1829

394

17 764

1830

526

16 634

1832

525

19 715

1833

419

20 978

1834

464

26 329

1836

765

29 984

1840

900

35 389

1849

1 580

52 891

1860

2 385

81 734

1871

3 790

28

23

51

96 087

1881

5 558

43

21

64

137 755

1891

7 227

56

27

83

181 602

1901

9 768

58

41

99

226 842

1911

14 183

76

52

128

303 321

1921

17 298

79

75

154

418 358

104**

557 745

Hommes

Femmes

1931* 1947

Total

9 279

938 144

1957

Environ 150

1 445 929

1965

200-300

1 860 000

1967

225

1 955 000

1968

194

2 012 000

1969 1970

38 093

1971

313

2 042 500

341

2 074 507

412

2 110 400

226

222-240 ⠢⠢Endlims4_.indd 222-240 Endlims-Fr 226 2.indd 226

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D1011-34/ /connie D1111-2 connie EDM-The EDM - The Fresh Fresh In In Singapore Singapore

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ANNEXES

Année

Européens (total)

Français Hommes

Femmes

Total

Population de Singapour

1972

452

2 152 400

1973

508

2 193 000

1974

566

2 229 800

1975

762

2 262 600

1976

738

2 293 300

1978

819

2 353 600

1988

1 486

2 846 100

1989 1990

1 434

2 930 900

1 637

3 047 132

1 836

3 135 800

844

2 025

3 232 100

126 200

1991 1992***

1 031

1993

1 067

877

2 144

3 315 400

1994

1 338

1 099

2 637

3 421 100

1995

2 658

3 525 600

1996

2 666

3 670 400

1997

2 957

3 793 700

1998

1 688

1 355

3 343

3 922 000

1999

1 843

1 449

3 592

3 950 900

2000

1 707

1 373

3 580

4 017 733

2001

1 832

1 428

3 560

4 131 200

2002

1 877

1 413

3 590

4 171 300

2003

2 020

1 492

3 812

4 185 200

2004

3 934

4 240 300

2005

4 627

4 351 400

5 276

4 483 900

2007

5 676

4 588 600

2008

6 933

4 839 400

2009

7 514

4 999 000

2010

8 000

5 076 000

juin 2011

9 106

5 180 000

2006

2 900

2 076

* À partir de 1931, les Européens ne sont pas recensés séparément.

** Dans les États malais fédérés. *** À partir de 1992, le recensement inclut une estimation des Français non enregistrés auprès du consulat.

2 27

222-240 ⠢⠢Endlims4_.indd 222-240 Endlims-Fr 227 2.indd 227

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Title:

Job No:

D1011-34/ /connie D1111-2 connie EDM-The EDM - The Fresh Fresh In In Singapore Singapore

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Maxime Pilon • Danièle Weiler

1

3 2

4

5 6 7 9

13

DE 1819 À NOS JOURS 33

8 11

10

30 12

14 15

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Maxime Pilon • Danièle Weiler

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LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS EN COUVERTURE

Vue de Singapour, Barthélemy Lauvergne, 1837.

S

ingapour est une nation multiculturelle. Dès la prise de contrôle de l’île par sir Stamford Raffles et la Compagnie britannique des Indes orientales, de nombreux étrangers sont venus s’installer au côté des populations locales. Quelques Européens, dont des Français, ont joué un rôle important dans la création de la cité-État. Très tôt, la présence de la communauté française marque de son empreinte la Singapour coloniale. Des religieux, puis des négociants, des planteurs et des aventuriers participent à l’essor de la cité portuaire. Aujourd’hui, la présence française – une communauté de près de dix mille personnes – contribue au développement du pays dans les domaines économique et culturel. À travers de nombreuses anecdotes, Les Français à Singapour est le premier ouvrage thématique qui rend compte de la vie de la communauté française à Singapour et de sa participation à l’évolution de la « cité du Lion ». ISBN

FIS_fre jkt green_french 1 Mar_.indd 1

Danièle Weiler est une ancienne élève de l’École supérieure des Arts décoratifs de Paris. Enseignante à Tahiti, elle s’intéresse à l’histoire des Polynésiens, collabore à la réalisation d’un livre sur les plantes médicinales locales et travaille avec le musée de Tahiti. De retour en France en 1987, elle obtient un master en sciences de l’information et des bibliothèques, puis un poste d’enseignante-bibliothécaire au Lycée français de Hong-Kong. Elle s’installe à Singapour en 2001, où elle est décorée des Palmes académiques. Elle est l’auteur de nombreux articles sur Singapour.

978-2-87868-155-0

LES ÉDITIONS DU PACIFIQUE

1 L’Église protestante, par Barthélemy Lauvergne, 1837 2 Gecko 3 Avion Air France B777 4 Coq de la grille d’entrée de l’entreprise A. Clouët and Co 5 Panneau signalétique 6 Saint Joseph’s Institution, c. 1930 7 Évêque Jean-Baptiste Boucho 8 Frégate RSS Steadfast de la marine de Singapour, un transfert de technologie de la société française DCNS 9 Évêque Esprit Marie Joseph Florens 10 Père Jean-Marie Beurel 11 Henri Fauconnier 12 Père Charles-Bénédicte Nain 13 Brochure de la Quinzaine commerciale française 14 Logo de la société A. Clouët and Co 15 Lycée français de Singapour 16 Pascal Rey-Herme, cofondateur d’International SOS 17 Joseph Ducroux 18 Alfred Clouët, fondateur de la société Ayam 19 Arnaud Vaissié, cofondateur d’International SOS 20 Mère Mathilde 21 Marie Fauconnier 22 Georges Clemenceau 23 Père Émile Mariette 24 Clara Malraux 25 André Malraux 26 Victor Segalen 27 Jacky Deromedi 28 Adolphe Combanaire 29 MRT, train construit par Alstom 30 Pierre Boulle 31 La Gazette française, publication de la French Association of Singapore 32 Lien, publication de l’Alliance française de Singapour 33 Évêque Laurent Marie Joseph Imbert 34 Évêque Adrien Devals 35 Le Bibendum Michelin

Maxime Pilon est né en 1970 à Boulogne-sur-Mer. Diplômé d’un master d’histoire de l’université Lille III, il part pour Ho Chi Minh-Ville, où il enseigne l’histoire-géographie à l’École française comme coopérant. Puis viennent Bombay et Copenhague, toujours comme enseignant, et enfin Singapour, où il s’installe en 2001. Il y enseigne au Lycée français et devient résident permanent. Maxime Pilon a été élevé au rang de chevalier de l’ordre des Palmes académiques en 2008. Ses articles ont paru dans de nombreux guides de voyage et publications en ligne.

4th Proof

Title:

EDM - French In Singapore-Alstom french Edn CD0312-2 / Sammi

Job No:

3/1/12 3:49 PM


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