Colloque Memoriav 2009: L'audiovisuel, source ou illustration ? Programme: http://de.memoriav.ch/dokument/newsevents/kolloquium_09_programm_flyer_def.pdf
Utilisation de documents audiovisuels dans la formation continue des enseignant(e)s du secondaire I et II à Genève JEAN-CLAUDE DOMENJOZ, formateur au Service Ecoles-Médias Enseignant de communication et d’infographie au Centre de formation professionnelle Arts appliqués (DIP, Genève)
Le contexte de la formation à Genève Avant d’aborder la question de l’usage des documents audiovisuels dans la formation continue du corps enseignant secondaire à Genève, il nous paraît nécessaire de présenter très succinctement le contexte présent et du proche passé. Dans le canton, la formation initiale à l’usage pédagogique des médias, de l’image et des technologies de l’information et de la communication (MITIC) est dispensée depuis peu à l’Université. L’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE1) en collaboration avec le Service Ecoles-Médias (SEM), secteur Formation,2 forme depuis la rentrée 2009 les enseignant(e)s qui se destinent à l’enseignement secondaire. Cet institut rattaché à l’Université de Genève a pris la suite de l’Institut de formation des maîtres et maîtresses de l’enseignement secondaire (IFMES3). La formation continue est actuellement assurée par le SEM. Pour former le corps enseignant encore faut-il disposer de personnel compétent et qualifié. C’est pourquoi, conformément au modèle des trois niveaux de formation proposé par la Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique4 (CDIP), le canton de Genève a élaboré et mis sur pied en collaboration avec le canton du Valais un dispositif pour répondre à ce besoin spécifique de formateurs et formatrices MITIC.5 1
http://www.unige.ch/iufe.
2
icp.ge.ch/sem/prestations/spip.php?rubrique12.
3
L’IFMES a assuré cette formation de 1999 à 2009. Auparavant, la maîtrise de l’usage didactique des moyens audiovisuels faisait déjà partie du cursus des Études pédagogiques de l’enseignement secondaire genevois (EPESG), institut créé en 1965 auquel a succédé l’IFMES. Voir: http://wwwedu.ge.ch/dip/ifmes/
4
« Profil des formations complémentaires destinées aux formateurs et formatrices dans le domaine de l’intégration des médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) dans l’enseignement, du 10 décembre 2004 », CDIP (le schéma présenté est issu de ce document): http://www.edk.ch/dyn/11703.php.
5
Le dispositif F3-MITIC GE/VS est une filière de formation de formateurs et de formatrices d’enseignant-e-s dans le domaine des MITIC mise sur pied par le Département de l’instruction publique du canton de Genève en collaboration avec le canton du Valais et le soutien de l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) dans le cadre de l’initiative « Partenariat public-privé – L’école sur le net PPP-ésn ». Voir: http://www. edu.ge.ch/cptic/f3mitic/.
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1 Concept de la formation « en cascade » retenu par la Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique (CDIP)
De 2001 à 2006 a été formée une soixantaine de personnes issues de tous les ordres d’enseignement du canton de Genève (primaire, secondaire I et II, établissements professionnels) capables de prendre en charge à leur tour la formation spécifique des enseignant(e)s dans le domaine. Les participant(e)s ont acquis des compétences en matière de méthodologie, de didactique et de formation des adultes leur conférant la capacité à promouvoir l’éducation aux médias et à accompagner l’intégration des médias et des TIC dans l’enseignement. La plupart des cours de formation continue du Service Ecoles-Médias sont donnés actuellement par ces formateurs et ces formatrices certifiées.
L’offre de formation continue du SEM L’offre de cours de formation continue dans le domaine des MITIC proposée par le SEM est extrêmement riche. En 2009/10, plus de 90 cours ont été offerts au corps enseignant secondaire. De plus, des formations dites « de proximité » ont été organisées pour répondre aux besoins spécifiques des établissements. Ces formations concernent aussi bien les différents aspects liés à la critique des productions que diffusent les médias traditionnels ou nouveaux (cours de base médias et image, pédagogie des médias, médias et société) qu’à des contenus plus techniques qui portent sur la maîtrise de la réalisation de documents de différentes natures et leur publication (techniques médias et internet en particulier).6 L’offre est structurée en trois niveaux qui s’adressent à des débutant(e)s aussi bien qu’à des utilisateurs et utilisatrices averties. Un accent particulier est mis sur les aspects pédagogiques de l’utilisation des médias dans les disciplines. Parmi les cours qui portent sur les documents audiovisuels, voici quelques exemples (en allant des mi aux tic) : S’approprier des boîtes à outils pour analyser les images, les films ainsi que les productions médiatiques (radio-télévision, internet) – L’extrait de film, pédagogie et technique – Explorer le téléjournal avec ses élèves – L’image manipulée : photographie de presse, reportage de télévision – Piocher des vidéos dans YouTube pour son enseignement – Premier montage vidéo 6
Voir: http://www.webpalette.ch/dyn/9085.asp.
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– Concevoir et réaliser un DVD : compilation d’extraits de films, de diaporama et de textes – Créer et intégrer les médias image, animation, audio et vidéo aux pages d’un site Web dynamique Les documents audiovisuels de toutes natures peuvent être utilisés en classe, qu’ils aient été conçus dans un but didactique ou pour informer, qu’ils consistent en des archives ou encore qu’ils aient été produits et diffusés dans un tout autre dessein. C’est ainsi que des extraits de journaux télévisés, de documentaires, de films de fiction, de séries télévisées, aussi bien que des publicités, des films scientifiques ou encore des vidéos « postées » sur des blogs peuvent être utilisés à des fins pédagogiques variées et de multiples manières. Il en va de même dans les cours organisés à l’intention du corps enseignant. La capacité à s’orienter dans les ressources, à évaluer les sources et l’intérêt pédagogique des documents, aussi bien que le savoir-faire technique pour se les approprier et encadrer les travaux des apprenant(e)s font que les formateurs, les formatrices aussi bien que le corps enseignant doivent disposer de compétences de haut niveau.
Les raisons d’utiliser l’audiovisuel dans un contexte de formation Les utilisations de documents audiovisuels dans la formation peuvent être réparties, selon nous, en deux grands types d’approches : les méthodes didactiques et les méthodes heuristiques. Aux méthodes didactiques on peut rattacher trois intentions de l’enseignant(e), de la formatrice ou du formateur :7 – Montrer quelque chose d’absent ou de virtuel (un objet, une situation, un phénomène, un document). – Transmettre des connaissances en délégant partiellement et temporairement le rôle didactique au film ou au document multimédia pour présenter et expliquer un concept, un processus, une analyse théorique, etc. – Faire raconter, c’est-à-dire faire le récit de faits ou d’événements réels ou non, par le truchement d’un témoignage par exemple. Aux méthodes heuristiques se rapportent trois visées : – Eveiller la curiosité, l’envie d’apprendre et de connaître, en présentant quelque chose d’insolite par exemple. – Faire émerger les représentations, c’est-à-dire favoriser la formulation des prénotions des apprenant-e-s sur lesquelles l’enseignant(e), la formatrice ou le formateur pourra apporter des compléments et des corrections. – Créer un conflit sociocognitif, en confrontant les apprenant(e)s avec un contenu ou un problème tel que leur système de représentations ne leur permet pas d’y répondre et dont la résolution passe par une décentration qui les amène à reconsidérer leur point de vue.8
7
A ce sujet voir: Caroline Blayer et Jean-Renaud Lambert, « La diversification des pratiques pédagogiques en sciences économiques et sociales : l’exemple de l’audiovisuel », Skholê, IUFM de l’Académie d’Aix-Marseille, 2005.
8
Laurent Dubois et Pierre-Charles Dagau, « Les modèles de l’apprentissage et les mathématiques », Didactique et enseignement: http://www.home.adm.unige.ch/~duboisl/didact/theories.htm.
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A ces deux ensembles de possibilités, on peut ajouter que le document audiovisuel offre encore d’autres utilisations : – Mobiliser les connaissances des apprenant-e-s dans une situation d’évaluation formative (expliquer un objet, une situation ou un phénomène qui leur est présenté) à l’instar d’autres documents de toutes natures. – Développer le savoir-faire pratique relatif à la manipulation des documents audiovisuels et multimédia : filmer et enregistrer, modifier, monter, diffuser. Pour mettre en œuvre cette palette d’usages possibles, l’enseignant(e) devra disposer d’un vaste éventail de compétences pédagogiques et pratiques, aussi bien que de connaissances particulières.
La nécessité de disposer de compétences spécifiques MITIC L’utilisation de documents audiovisuels pour l’enseignement et l’apprentissage est donc riche de possibilités, cependant son utilisation ne va pas de soi. Raison pour laquelle, nous pensons que tous les membres du corps enseignant devraient disposer de solides compétences en la matière pour pouvoir maîtriser les multiples dimensions de l’utilisation des médias comme moyens d’accéder aux connaissances et de produire du savoir.9 La problématique de l’utilisation de l’image et de documents audiovisuels en classe a ceci de paradoxal que ces médias sont considérés comme familiers (omniprésence de l’image, on parle de « société de l’image »), bien que leurs apports épistémologiques et la réflexion méthodologique sur leurs usages sont encore relativement peu répandus chez les nonspécialistes. Les nouvelles pratiques médiatiques des jeunes générations en particulier ne sont pas suffisamment connues alors qu’elles prennent une importance croissante dans leurs activités et structurent leur accès aux connaissances de toutes natures. Ainsi que le montrent plusieurs enquêtes, nous assistons à une évolution rapide dans les usages des nouvelles générations, les « natifs numériques ».10 Les savoirs et savoir-faire MITIC spécifiques à développer peuvent être répartis en trois ensembles : – Le fait filmique (ou multimédia) qui concerne tout ce qui se rapporte à la construction d’un discours (grammaire, rhétorique) et qui constitue une « technologie intellectuelle » spécifique, par exemple les figures de montage et les raccords. – Le fait médiatique, soit la production, la diffusion et la réception du produit médiatique envisagés, d’un point de vue historique, comme phénomène technique, économique, social, éthique ainsi que du point de vue du droit ; par exemple, l’étude des effets 9
Les Académies suisses des sciences dans leur livre blanc Une éducation pour la Suisse du futur (septembre 2009) relèvent que l’alphabétisation globale dans le domaine des médias faisant partie de la mission-clé de l’école, la formation du corps enseignant est un élément stratégique de la politique de formation. Ce document insiste sur la nécessité de développer les compétences médiatiques des enseignants et des enseignantes dans trois domaines: les nouveaux médias, les nouvelles technologies et les nouvelles manières d’apprendre. Les compétences spécifiques à la critique de l’image y sont aussi mises en évidence. Voir: http://www.swiss-academies.ch/downloads/ ZukunftBildungSchweiz_franz.pdf.
10
L’enquête 2008 du Ministère de la culture et de la communication français Pratiques culturelles des français à l’ère numérique relève l’augmentation très forte de la « culture d’écran » et des nouvelles pratiques médiatiques, en particulier chez les jeunes générations. C’est ainsi qu’il y a deux ans, selon cette enquête très sérieuse, près des deux tiers des personnes ayant entre 15 et 24 ans avaient consulté au moins une fois au cours du dernier mois des sites de partages de vidéo comme Youtube ou Dailymotion, alors que dans la tranche des 45–54 ans elle était quatre fois moindre (environ 15 %). Voir: http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/index.php.
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des médias sur les représentations et les comportements. – Le fait technique, soit l’ensemble des connaissances et du savoir-faire techniques nécessaires à l’usage, dans un contexte de formation, des documents audiovisuels ainsi qu’à la production et à la diffusion de ceux-ci. Par exemple, les techniques de montage de l’image et du son.
Les besoins des formateurs et des formatrices Pour assurer leur mission de manière optimale, les formateurs et les formatrices doivent pouvoir accéder aux documents audiovisuels dont ils ont besoin et pouvoir les utiliser librement dans le cadre de leur enseignement (dans le respect des lois relatives à la propriété intellectuelle de l’œuvre de l’esprit, cela va de soi). Le contenu des mass médias et des documents de toutes natures toujours plus nombreux, notamment des archives, sont accessibles via l’internet. Pour beaucoup c’est même déjà devenu la source principale des documents audiovisuels utilisés. Or pour pouvoir travailler en toute sécurité les formateurs, les formatrices et les enseignant(e)s doivent pouvoir s’approprier (télécharger) les documents audiovisuels de sorte à ne pas être gênés par les aléas de l’accès en ligne à ces productions (accès à la ressource refusé, lenteur du réseau, voire panne de transmission des données …). Lorsque le visionnement de documents se fait directement en classe avec les élèves, tout incident de cette nature est extrêmement embarrassant ! Par ailleurs, pour développer certaines compétences, il s’avère indispensable que les apprenant(e)s puissent manipuler des documents audiovisuels. Par exemple, pour comprendre comment l’organisation des matériaux filmiques et sonores produit des effets différents, il faut pouvoir pratiquer le montage et avoir la possibilité de manipuler des fragments de films ou d’émissions issus des médias. Des centres de formation conscients de ce besoin ont produit et mettent à disposition des pédagogues et des apprenant(e)s des rushes qui permettent de découvrir et d’expérimenter concrètement les possibilités du montage. Outre l’accessibilité aux documents audiovisuels et leur appropriation (documents téléchargeables), ceux-ci devraient être d’aussi bonne qualité technique que possible et leur authenticité garantie. Pour le pédagogue, il est toujours nécessaire de connaître le contexte de production du document et très utile de disposer de pistes d’utilisation pédagogique. C’est pourquoi les fiches et dossiers préparés à leur intention pas les organismes de documentation et les médias sont très précieux. Cependant, le besoin qui nous paraît être le plus important, stratégique même, concerne les compétences et les connaissances du corps enseignant ainsi que des formateurs et des formatrices. Alors que l’évolution très rapide des techniques et des usages se poursuit à un rythme soutenu et que le nouveau plan d’études romand (PER11) va amener à repenser l’usage des MITIC dans la construction des savoirs, il nous paraît nécessaire de mieux articuler l’offre de formation et les compétences attendues du corps enseignant. C’est précisément une des raisons qui a amené le SEM a élaborer un référentiel définissant le socle de compétences dont devrait pouvoir disposer les pédagogues en la matière.
11
Voir: http://www.consultation-per.ch/print/PERprint/FG_MITIC_cycles1-3.pdf.
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2 Le Service Ecoles-Médias du Département de l’instruction publique de la culture et du sport du canton de Genève met à dis- position des rushes pouvant être librement utilisés pour s’exercer au montage. Foto : http://wwwedu.ge.ch/sem/production/ montage/welcome.html
Un référentiel de compétences MITIC à l’usage des enseignant(e)s Le référentiel de compétences élaboré dans le cadre du Service Ecoles-Médias est le produit d’une synthèse de travaux et d’études effectuées à Genève, en Suisse et à l’étranger qui s’inscrit dans le cadre des objectifs d’apprentissage de l’école publique de ce canton ainsi que du projet de plan d’étude romand (PER). Ce référentiel de compétences est un outil qui a notamment été pensé pour remplir les buts suivants :12 – Stimuler le débat sur le rôle des MITIC dans l’enseignement et l’apprentissage. – Constituer un outil de conception et d’évaluation de cursus de formation. – Aider les formateurs et les formatrices en didactique des disciplines à intégrer les compétences MITIC dans leur champ disciplinaire. – Renforcer la cohérence entre les compétences attendues des élèves et les offres de formation continue MITIC proposées au corps enseignant. – Faciliter l’auto-évaluation des compétences des enseignant(e)s et la possibilité d’identifier leurs besoins de formation MITIC. Les compétences du référentiel sont organisées en cinq domaines, qui portent sur la connaissance des ressources et leur mode d’utilisation, l’analyse des documents et le développement de la réflexion critique sur les usages des médias et des TIC, la capacité à produire, à communiquer et à adapter les documents médiatiques à l’espace et au temps scolaire, le développement d’une culture MITIC spécifique et, finalement, les aspects déontologiques liés à l’utilisation des œuvres dans le cadre de l’école. Pour chaque domaine, les compétences attendues des enseignants et
12
Voir: http://wwwedu.ge.ch/sem/formation/referentiel/referentiel-sept09v2.pdf.
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Contact: info-media-literacy@bluewin.ch
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