Un réseau en mouvement 1987-2017, les trente ans de l’Efus
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Un réseau en mouvement 1987-2017, les trente ans de l’Efus
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Direction éditoriale : Elizabeth Johnston Conception et texte : Nathalie Bourgeois Graphisme : Kris Kjellgard Illustrations : Juan Berrio Direction de production : Margaux Rouillard Correction d’épreuves : MM International Communication ISBN: 978 2 913181 62 5 Dépôt légal : novembre 2017 Forum européen pour la sécurité urbaine 10, rue des Montiboeufs 75020 Paris, France Tél : +33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu
Cette publication a été réalisée dans le cadre de la Conférence « Sécurité, Démocratie et Villes : Coproduire les politiques de sécurité urbaine », co-organisée par le Forum européen pour la sécurité urbaine, la Ville de Barcelone et le Gouvernement de Catalogne, du 15 au 17 novembre 2017 à Barcelone. Cette publication est disponible gratuitement pour les membres de l’Efus, en format PDF et en version française ou anglaise, sur la plateforme en ligne Efus Network.
Sommaire Les fondations......................................... p. 11 Les villes aident les villes......................... p. 23 Échanger des idÊes et des pratiques......... p. 31 L’Europe et le monde............................... p. 41 Et demain ?.............................................. p. 51
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Remerciements Nous remercions chaleureusement tous ceux qui ont bien voulu apporter leur témoignage pour la réalisation de ce livre, cités ci-dessous, et nous invitons nos lecteurs à consulter en ligne (www.efus.eu/30-years) l’intégralité de leur contribution. Nous sommes conscients que ces témoignages ne représentent qu’une petite partie des très nombreuses personnes qui ont collaboré avec l’Efus au fil des années : le manque de temps et d’espace physique dans ces pages nous ont empêché d’en recueillir davantage. Nous espérons que personne ne s’en sentira froissé. Nous invitons ceux d’entre vous qui le souhaitent à nous envoyer vos témoignages pour que nous puissions les ajouter à la version en ligne.
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Alioune Badiane, ancien directeur Division des Programmes et directeur régional pour l’Afrique à l’ONU-Habitat Jean-Pierre Balduyck, député, maire honoraire de Tourcoing Claudine Bansept, secrétaire générale du Forum européen pour la sécurité urbaine de 1987 à 1990 Yvano de Biasio, ancien directeur de la prévention et de la sécurité de la ville de Charleroi (Belgique) Bertrand Binctin, ancien adjoint au maire du Havre (France) en charge de la sécurité, ancien vice-président du Forum français pour la sécurité urbaine et membre du Comité exécutif du Forum européen pour la sécurité urbaine
Radim Bureš, directeur adjoint de la Probation, République tchèque Thierry Charlois, chef de projet sur la politique de la nuit pour la ville de Paris (France) Franco Corradini, vice-président de l’Efus de juillet 2008 à mars 2014 Adam Crawford, professeur de Criminologie et de Justice criminelle à l’Université de Leeds, directeur de l’Institut des Sciences sociales de Leeds Juan Cristellys, chargé de mission à l’Efus Jean Daëron, conseiller municipal d’Épinaysur-Seine de 1989 à 1995 Myassa Djebara, chargée de mission à l’Efus
Vasco Franco, ancien maire adjoint de Lisbonne (Portugal), vice-président de l’Observatoire de la sécurité, du crime organisé et du terrorisme du Portugal (Observatório de Segurança, Criminalidade Organizada e Terrorismo) Sohail Husain, Director d’Analytica Consulting Services (Royaume-Uni) et expert auprès de l’Efus Joana Judice, chargée des programmes européens à l’Efus Véronique Ketelaer, ancienne directrice de Bravvo, organisme en charge de la prévention pour la ville de Bruxelles Josep Lahosa, directeur des services de prévention de la ville de Barcelone de 1986 à 2017 Claudia Laub, présidente de l’association El Agora, Córdoba, et sociologue à l’Université de Buenos Aires (Argentine) Éric Lenoir, chef de la mission de coordination de l’action interministérielle et sectorielle, Commissariat général à l’égalité des territoires (France) Jacques de Maillard, professeur de Sciences politiques à l’Université de Versailles SaintQuentin-en-Yvelines (France)
Gilles Mahieu, gouverneur de la province du Brabant wallon (Belgique) Nigel Mellor, ancien agent municipal à la mairie (City Council) de Liverpool (RoyaumeUni), président d’Emmaus Merseyside Carla Napolano, déléguée adjointe aux programmes européens et à la vie du réseau, Efus Melissa Pebayle, stagiaire chargée de mission à l’Efus Bernard Rivaillé, adjoint au maire de Lormont (France), vice-président du Forum français pour la sécurité urbaine et membre du Comité exécutif du Forum européen pour la sécurité urbaine Frank Sina, directeur général des services, Saint-Herblain (France) Jesús Solores, ancien directeur de la sécurité des villes de Pampelune et de L’Hospitalet de Llobregat (Espagne) Irvin Waller, professeur de Criminologie à l’Université d’Ottawa (Canada) Chris Williams, conseiller au Home Office britannique sur la stratégie anti-terroriste Prevent Anne Wyvekens, directrice de recherche au CNRS / Institut des Sciences sociales du Politique (France)
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Avant-propos
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Fondé en 1987 sous les auspices du Conseil de l’Europe, le Forum européen pour la sécurité urbaine fête cette année ses trente ans. Il s’est construit autour d’un certain nombre d’idées fortes : la prise en compte du sentiment d’insécurité créé par la délinquance quotidienne et le rôle clé des maires et des autorités locales pour la contrer sur le terrain. L’idée que la prévention est une réponse adaptée et efficace et celle que la sécurité est un bien commun auquel doivent concourir non seulement la justice et la police mais aussi toute la société. Enfin, il s’est agi dès le départ de créer un espace de dialogue autour de ces questions à l’échelle de l’Europe afin de favoriser une réflexion commune et l’échange de pratiques. Le Forum est né à une époque où le projet européen était considéré comme une source d’espérance et de progrès, une grande oeuvre mobilisatrice, autant par une majorité des gouvernements que des citoyens. Aujourd’hui, le contexte est tout autre. L’Europe, passée en trente ans de 12 à 28 membres (et bientôt 27 après le Brexit), traverse une crise existentielle alors que les citoyens expriment une perte de confiance envers ses institutions, perçues comme lointaines et déconnectées de leurs préoccupations. Cette désaffection touche aussi les instances de gouvernance nationales de la plupart des pays européens, où les partis politiques traditionnels sont remis en question par l’apparition de mouvements nouveaux, issus du terrain, qui ne sont pas tous « populistes » mais pour certains tentent d’imaginer une démocratie plus directe, de bas en haut plutôt que de haut en bas. Cette aspiration des citoyens à être mieux écoutés et à pouvoir agir sur leur environnement immédiat se manifeste aussi, sondage après sondage, par la confiance qu’ils expriment envers les instances locales de gouvernance et notamment les mairies. Cette tendance s’observe à travers toute l’Europe et au-delà. Dans ce contexte, le Forum acquiert une nouvelle dimension comme un espace où les élus et techniciens locaux d’Europe et au-
delà peuvent échanger librement, sans jugement et hors toute catégorisation politique, sur les défis auxquels ils sont confrontés en matière de sécurité urbaine et les réponses qu’ils mettent en place. Il aspire à être un soutien pour les autorités locales et un lieu serein propice à l’échange d’idées et de pratiques. De même, il entend favoriser l’élaboration de nouvelles méthodologies et approches, l’exploration de nouvelles thématiques et la définition des nouveaux métiers de la prévention et de la sécurité. Au fil des années, le Forum a accumulé des connaissances et des expériences qui lui ont permis d’élargir son champ d’action et d’affiner son travail de plateforme d’échange et d’outil pour l’action des collectivités. Ce corpus d’idées et de know how, il l’a bâti grâce à l’apport des centaines de personnes qui ont fait partie de ce réseau ou y ont collaboré à un titre ou un autre, pour de courtes périodes ou pendant des années, voire des décennies : élus locaux d’horizons politiques divers, techniciens des collectivités, universitaires, chercheurs, représentants de la justice, de la police, de la santé, de l’éducation, du secteur associatif, et représentants des institutions européennes et internationales. Tous ces collaborateurs diffusent aussi la vision complexe, inclusive et dynamique du Forum dans les organismes où ils exercent leurs fonctions, que ce soit les mairies, les ministères, les administrations, les universités ou les entreprises. Le logo de notre association, le rhizome, exprime visuellement sa nature de réseau en mouvement, multicolore et à géométrie variable, où les points de convergence sont nombreux et changeants. À travers ce livre, nous avons voulu rendre hommage aux membres et compagnons du Forum et aussi retracer dans les grandes lignes l’histoire des idées et principes clés qui l’animent depuis sa création. Nous n’avons pas cherché à faire une somme universitaire mais plutôt un portrait de notre Forum vu par ceux qui le font. Nous espérons que vous prendrez plaisir à le feuilleter et le lire. Ce livre est le vôtre. Elizabeth Johnston Déléguée générale
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Les fondations Été 1981, deux mois après l’élection historique du socialiste François Mitterrand à la présidence de la République française. Dans la torpeur estivale, la France découvre, effarée, les banlieues-ghettos et la colère des jeunes Français issus de l’immigration, confrontés à la double peine du chômage et de l’exclusion sociale. Cet été-là, le quartier des Minguettes, dans la banlieue lyonnaise, s’enflamme : les téléspectateurs voient des jeunes gens brûler des voitures Il ne s’agit rien moins et s’affronter violemment avec les forces de l’ordre. que d’analyser « la D’autres révoltes avaient eu lieu précédemment ville » et comment (Vaulx-en-Velin en 1971, Villeurbanne en 1976) mais c’est la première fois en France qu’une intense certains espaces urcouverture médiatique, notamment à la télévision, bains concentrent et génèrent de la ségré- donne à ce type d’événement une telle portée. Le gouvernement, sous l’égide du Premier ministre gation sociale. Pierre Mauroy, réagit en jetant les bases de ce qui deviendra la « politique de la ville ». De façon très classique (du moins en France), il commence par commander des rapports. Mais si la méthode est éprouvée, l’objet de l’étude l’est beaucoup moins : il ne s’agit rien moins que d’analyser « la ville » et notamment comment certains espaces urbains concentrent et génèrent de la ségrégation sociale, elle-même porteuse de conflits. C’est la première fois que le gouvernement et l’administration française identifient « la ville » comme un domaine pertinent en tant que tel pour comprendre et agir sur une série de problèmes sociaux jusque-là envisagés de façon sectorielle (éducation, emploi, aménagement urbain...) et « en silo ».
Rotterdam : mesurer le degré de sécurité des quartiers Les Pays-Bas ont été le premier pays européen à investir dans des études régulières sur la victimation comme source d’information, indépendamment de l’administration policière, à partir de la fin des années 1970. La ville de Rotterdam (633 000 habitants) illustre bien cette approche. Établi depuis 1999, le Rotterdam Safety Index est composé de données quantitatives et qualitatives (entretiens avec les habitants) et mesure sur une échelle de 1 (le moins sûr) à 10 (le plus sûr) le degré de sécurité des différents quartiers de la ville.
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Ainsi, dès l’automne 1981, Bertrand Schwartz, ancien résistant, polytechnicien, professeur de sciences de l’éducation et membre du Conseil économique et social, remet au Premier ministre un rapport sur L’insertion professionnelle et sociale des jeunes ; Gilbert Bonnemaison, maire d’Épinay-sur-Seine, député de Seine-Saint-Denis et président de la Commission des maires sur la sécurité, travaille de son côté sur la délinquance et remet en 1982 le rapport Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité, tandis que l’année suivante, Hubert Dubedout, maire de Grenoble, propose : Ensemble, De même que les refaire la ville (1983)1. Trois rapports innovateurs, notamment parce French Doctors sont qu’ils abordent les problématiques avec une approche projet impliquant apparus dans les la participation des habitants et une vision globale et transversale qui demande aux administrations d’intervenir non pas de façon catégorielle années 1980, on a mais intégrée et territoriale, c’est-à-dire hors de leur carcan administratif parlé de la French et à partir des réalités et besoins propres à chaque quartier, multiples et crime prevention variés2. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces rapports sont remis au approach. Premier ministre et non pas à un ministère en particulier : le gouvernement a décidé de s’attaquer au mal qui s’est exprimé lors de l’éruption des Minguettes de façon globale, « holistique » dirait-on aujourd’hui. C’est à l’époque une approche tout à fait innovante dans l’administration et les institutions françaises. De même, les diagnostics posés par Schwartz, Bonnemaison et Dubedout sont encore aujourd’hui considérés comme la pierre angulaire de la « politique de la ville » française. Cette approche, dont les trois idées-clés sont que la prévention est pertinente pour contrer la délinquance quotidienne, que celle-ci doit s’exercer au niveau local, et qu’elle doit mobiliser tous les acteurs de la ville plutôt que seulement la police et la justice, en est venue à être considérée comme un apport de la France dans ce domaine. De même que les French Doctors sont apparus dans ces années 1980 dans le sillage de Médecins sans frontières, on a parlé de la French crime prevention approach. Elle suscite d’ailleurs d’emblée l’intérêt d’autres pays et autorités locales d’Europe tandis que Gilbert Bonnemaison inscrit son travail dans un cadre européen et international, rencontrant à de nombreuses reprises des maires et des représentants des institutions de l’Europe mais aussi du Canada et des États-Unis. (Nous reviendrons sur la dimension européenne et internationale du Forum dans la quatrième partie, p. 41).
1 Schwartz B., « L’insertion professionnelle et sociale des jeunes » (septembre 1981) ; Bonnemaison G., « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité » (décembre 1982) ; Dubedout H., « Ensemble refaire la ville » (janvier 1983), Publications de la Documentation française. 2 Virginie Linhart, « Des Minguettes à Vaulx-en-Velin : les réponses des pouvoirs publics aux violences urbaines », Cultures & Conflits, juin 1992.
Le rapport Bonnemaison : 64 propositions pour la prévention
3 Voir par exemple l’article intéressant du Centre d’étude de la vie politique française (Cevipof), « La délinquance de 1975 à 2000, évolutions des chiffres et des concepts », <www.cevipof.com/ DossCev/elec2002/ Enjeux/sebroch1. html>
Installée en mai 1982 par le Premier ministre, la Commission des maires sur la sécurité réunit des élus de 36 villes françaises de taille diverse. Elle a pour mission de « procéder à une réflexion d’ensemble et de faire des propositions concrètes susceptibles d’enrayer le développement du sentiment d’insécurité. » Il est précisé que « la démarche doit se faire en liaison étroite avec les collectivités territoriales, ne prendre à aucun moment une orientation anti-jeune et privilégier la prévention, le gouvernement entendant en effet mener de pair la voie éducative et la voie répressive. » Il est intéressant de noter ici que le gouvernement utilise le terme « sentiment d’insécurité » qui fait florès en France depuis environ le milieu des années 1970 (on se rappelle le fameux « la France a peur » du présentateur du journal télévisé Roger Gicquel, en 1976). C’est une période où la réalité de l’insécurité est débattue3 mais la position, innovante, du gouvernement est qu’il convient de traiter le sentiment d’insécurité parce qu’il est perçu comme tel par les citoyens et que donc, quels qu’en soient Traiter le sentiment d’insécurité parce ses origines et son bien-fondé, il est réel. Sept mois plus tard, la Commission remet un rapport dont le titre est en qu’il est perçu soi un programme stratégique : face à la délinquance, prévention, répres- comme tel par sion, solidarité. Dans l’introduction, Bonnemaison précise que celle-ci les citoyens. s’est imposé deux limites. La première est qu’elle a choisi de « limiter ses réflexions au seul rôle de la délinquance dans l’insécurité et la prévention » même si « la délinquance ne fournit pas tout le contenu de l’insécurité. Être employé dans une usine en règlement judiciaire est aussi “insécurisant” que rentrer à pied dans un pavillon de banlieue à minuit. » La seconde concerne le type de délinquance : la Commission ne s’est pas intéressée au grand banditisme ou aux crimes de sang mais à celle qui touche la
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vie quotidienne et « qui intéresse directement les maires ». Ainsi, elle établit que si « la sécurité des citoyens est de la responsabilité de l’État, [...] il est non moins évident que la prévention de la délinquance, qui touche la vie journalière des habitants, nécessite la participation active des maires. Le droit le permet, la pratique Plusieurs pays européens, l’impose. » Au terme de plusieurs mois de travail, la Commission formule confrontés à des probléma64 propositions concrètes concernant les logements sociaux, tiques similaires, sont aussi l’aménagement urbain, l’éducation, la police (autant nationale engagés dans une démarche de que municipale), la justice et la prévention de la consommation déconstruction des réponses d’alcool et de drogues. En particulier, elle préconise la mise en seulement répressives. place immédiate de Conseils de prévention de la délinquance à l’échelle des communes et à celle des départements, ainsi que d’un Conseil national de prévention de la délinquance, tous chargés à leur échelon de coordonner les actions visant à prévenir la délinquance de façon pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle. Au total, 571 Conseils communaux (les CCPD) se mettront en place dans toute la France. Ces idées prennent leur essor également en Europe, à la même époque. Plusieurs pays européens, confrontés à des problématiques similaires, sont en effet eux aussi engagés dans une démarche de déconstruction des réponses seulement répressives et d’intégration de la prévention dans leur politique publique, notamment en Belgique, aux PaysBas et au Royaume-Uni.
Les « principes Bonnemaison » au coeur du Forum européen pour la sécurité urbaine Les trois principes fondateurs avancés par la Commission Bonnemaison sont d’affirmer le rôle prééminent de la prévention pour contrer la délinquance quotidienne, de considérer que celle-ci s’exerce le plus efficacement à l’échelon local, sous l’impulsion des élus
locaux, et que la sécurité est un bien commun. « Les expériences récentes prouvent que la prévention, lorsqu’elle dispose d’un minimum de moyens, et surtout d’une volonté politique délibérée sachant sortir et faire sortir des habitudes administratives et de leur pesanteur, sachant faire tomber les cloisons, réunir et faire travailler ensemble les services de l’État, des communes, les associations, des résultats tangibles sont obtenus, des aspirations naissent, des volontés nouvelles se réveillent. Il s’agit, face à ce problème apprécié dans sa dimension nouvelle, d’adopter une stratégie et une méthode originales d’action administrative, » dit le rapport. D’autre part, cette prévention doit légitimement s’exercer au plus près du phénomène de la délinquance quotidienne, c’est-à-dire dans les quartiers et les villes où les délinquants agissent et où les citoyens sont, ou se sentent, victimes. Enfin, elle doit s’exercer de façon concertée et coordonnée entre les pouvoirs publics de divers niveaux et secteurs et les représentants de la société civile. Ainsi, dit le rapport Bonnemaison, « la commune doit être le lieu privilégié où la prévention devient opérationnelle. C’est à son niveau que l’action de prévention menée dans les quartiers sur des élé« L’une des idées ments pré-marginaux, par les moyens convergents fondatrices du des divers services administratifs et associations concernés, aura les meilleures chances de réussir. » Forum était que la Ces principes sont au coeur du Forum européen pour sécurité, c’est l’afla sécurité urbaine (Efus selon l’acronyme anglais), faire de tous. » créé cinq ans plus tard sous l’impulsion de Gilbert Bonnemaison, devenu entre-temps (en 1983) président du Conseil national de prévention de la délinquance (CNPD). « L’une des idées fondatrices du Forum était que la sécurité, c’est l’affaire de tous et non pas seulement du ressort de la police et de la justice. D’où la notion de co-production de la sécurité : il s’agit de s’approprier collec-
Barcelone : favoriser l’intégration des jeunes des gangs latinos À partir des années 2000, un phénomène est apparu en Espagne : les gangs latinos. À Barcelone, l’Institut catalan pour les Droits humains, sous la supervision des services de prévention municipaux, a lancé un projet pour favoriser l’intégration sociale des jeunes membres des Latin Kings & Queens et des Ñetas en transformant ces deux gangs en associations culturelles. Malgré des divisions internes entre traditionalistes et partisans de la nouvelle initiative, le nombre de conflits et d’actes de violence entre les deux gangs a immédiatement chuté. Les deux nouvelles associations se sont coordonnées avec des organisations de jeunesse et ont rejoint la Fédération des entités latino-américaines de Catalogne (Fedelatina).
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tivement, avec la société civile, la notion de sécurité pour la définir et la mettre en oeuvre au plus près des réalités concrètes de la société, » remarque Elizabeth Johnston, Déléguée générale de l’Efus. « Dans le sillage du rapport Bonnemaison de 1982, l’Efus a contribué à « Un espace de diffuser l’idée-force que face à la délinquance, la répression ne saurait compétences que suffire et que la prévention est son corollaire indispensable dans une les États considéapproche globale, intégrée et équilibrée. Ce qui est en jeu à présent, c’est raient comme leur la capacité à bien articuler ces approches répondant à des temporalités patrimoine. » différentes. C’est également l’importance de préserver l’indispensable prévention sociale (secondaire et tertiaire), qui s’attache à agir sur les causes profondes (en particulier éducatives et sociales) de la délinquance et de la récidive, complémentaire de la prévention situationnelle, qui intervient essentiellement sur les circonstances immédiates du passage à l’acte, » ajoute Éric Lenoir, chef de la Mission de coordination de l’action interministérielle et sectorielle du Commissariat général à l’égalité des territoires (France). Pour sa part, Josep Lahosa, responsable puis directeur des services de prévention de la ville de Barcelone (Espagne) de 1986 à 2017 et à ce titre l’un des fondateurs de l’Efus, remarque que « dans les années 80, les pouvoirs locaux ont revendiqué et réussi à entrer dans un espace de compétences que les États considéraient – et considèrent toujours – comme leur patrimoine : la gestion de la sécurité urbaine. L’Efus et les villes qui ont mis en marche ce processus ont réussi à différencier le débat entre la sécurité des États et celle des citoyens, et à établir qu’en ce qui concerne la dernière, les maires devaient avoir des compétences puisque cette sécurité fait partie intrinsèque du bien-être des citoyens des villes. »
La création du Forum Européen sous les auspices du Conseil de l’Europe En 1986, le CNPD est invité par le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, à une audition sur le thème « Violences et insécurité urbaine : le rôle des politiques locales », que ce dernier co-organise avec la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (devenue depuis le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe). Cette réunion reflète l’évolution des institutions européennes qui s’inspirent de plus en plus de l’approche think globally, act locally (penser global, agir local) qui prend force pendant ces années-là. Ainsi, tout en étant en pleine phase d’élargissement de ce qui est encore la Communauté économique européenne (CEE), elles cherchent également à valoriser et écouter davantage les autorités locales et régionales des États membres. Nous sommes à un moment où l’Europe a le vent en poupe : la Grèce a rejoint la CEE en 1981, l’Espagne et le Portugal en 1986, et l’on prépare l’Union européenne, fondée sur un projet non plus économique comme la CEE mais fondamentalement politique, qui sera instituée en 1992 par le Traité de Maastricht. « Nous étions tous profondément européens, » remarque Claudine Bansept, Secrétaire générale de l’Efus de 1987 à 1990. Plus concrètement, les institutions européennes, notamment le Conseil de l’Europe et la Conférence des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe,
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constatent que les collectivités européennes sont confrontées à des problèmes similaires de petite et moyenne délinquance urbaine qui inquiètent les populations. Ainsi, les participants à l’audition de Strasbourg conviennent du besoin de créer une association regroupant des collectivités européennes afin d’aborder les théma- Aborder la sécutiques de la sécurité et de l’insécurité urbaines au-delà des frontières natio- rité et l’insécurité nales, de façon transeuropéenne. Trois pistes de travail sont notamment urbaines de façon envisagées : organiser des échanges inter-villes à l’échelle européenne, transeuropéenne. recueillir et diffuser les documents nationaux et locaux sur les politiques locales de prévention et favoriser la participation du monde académique à la réflexion sur celles-ci au travers d’un centre universitaire européen. Un an plus tard, une conférence est organisée à Barcelone dans le cadre de la « Campagne européenne pour la renaissance urbaine » du Conseil de l’Europe. Intitulée « L’insécurité urbaine en Europe » et réunissant des élus locaux et un large éventail de représentants de la justice, de la police, des services de santé et des associa4 Voir le récit détailtions (800 participants au total), elle a pour objectif d’examiner les causes de l’insécuri- lé de Claudine té urbaine dans les villes européennes, d’échanger des informations, des expériences et Bansept, l’une des fondatrices de l’Efus, des solutions existantes pour faire face à ce problème et d’examiner les dans la version en « Nous pensions que possibilités d’actions et d’approches communes entre villes et régions ligne de cette publication : www.efus. cette politique ne pou- d’Europe4 5. eu/30-years vait rester étrangère « Nous avions une vision politique de la stratégie de prévention. Nous avions des principes pour conduire l’élaboration d’une politique natio- 5 Voir aussi la Déclaau public et qu’elle nale et de soutien aux politiques locales – celui notamment de penser ration de Barcelone, devait intégrer une Conférence permaque la sécurité et la liberté individuelle et collective constituent l’axe nente des pouvoirs idée participative. » autour duquel elle doit s’ordonner. Nous pensions également que l’on locaux et régionaux pouvait assurer l’ordre public par des politiques préventives. Enfin, nous pensions que de l’Europe, Conférence internationale cette politique ne pouvait rester étrangère au public et qu’elle devait intégrer une idée « Prévention de l’inparticipative et avoir un fonctionnement démocratique, » note encore Claudine Bansept. sécurité urbaine en C’est à cette occasion qu’est officiellement constitué le Forum européen pour la sécurité Europe », Barcelone, 17-20 novembre urbaine, sous les auspices du Conseil de l’Europe. Sa mission, correspondant à l’une des 1987, dans la partie recommandations de la conférence, est de favoriser à travers l’Europe les échanges in- Annexes en ligne.
ter-villes de connaissances et de pratiques en matière de prévention locale et de sécurité urbaine.
Une créature à trois pattes... L’une des originalités de cette organisation nouvellement créée est qu’il s’agit d’une association privée à but non lucratif opérant une mission de service public. C’est un réseau libre et indépendant, ce qui le rend fragile mais lui donne une agilité qui lui permettra, au cours des décennies suivantes, de s’adapter constamment aux besoins évolutifs des collectivités, aux alternances politiques, à l’émergence de nouvelles problématiques, ou encore à la relation changeante des citoyens avec leurs institutions. Le Forum européen pour la sécurité urbaine – que ses membres ou interlocuteurs finissent assez rapidement par appeler simplement le Forum – est donc en 1987 un objet politique nouveau, autant par sa nature que par sa fonction, qui repose sur le tripUn objet politique tyque prévention/échange inter-villes/Europe. Dès nouveau, qui dès sa sa naissance, il s’est avéré difficile à classer. C’est un naissance s’est avé- réseau de villes européennes consacré à la sécurité ré difficile à classer. urbaine, mais cette définition ne dit pas tout ce qu’il fait, ni tout ce qu’il n’est pas. Il offre un accompagnement et une assistance technique aux collectivités membres, qui par leur cotisation annuelle (que le Forum, organisme à but non lucratif, a toujours souhaité la plus ajustée possible) contribuent à l’essentiel de son budget, mais il n’est pas un organisme de conseil ou d’audit. Il reçoit depuis l’origine un soutien de gouvernements nationaux et
Paris : prévenir les risques liés aux drogues, la nuit À l’instar d’autres villes européennes (Barcelone, Bruxelles, Edimbourg, Zurich), la ville de Paris oeuvre depuis 2003 à la promotion d’un usage responsable des drogues chez les fêtards la nuit avec le programme Fêtez Clairs. Il inclut notamment la formation des personnels des établissements de nuit, des campagnes de sensibilisation auprès des noctambules, un réseau d’échange d’informations sur les nouveaux risques (autant concernant les types de drogue que les usages), l’étude de pratiques de prévention dans d’autres pays européens et la promotion de relations de confiance et de partenariat entre la police et les établissements. Cette approche préventive de la drogue dans le contexte de la vie nocturne, innovante lorsqu’elle est apparue dans divers pays européens au début des années 2000, est aujourd’hui plus largement partagée.
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fonctionne en partie grâce aux fonds européens, mais il n’est pas une institution publique ou parapublique dépendant d’un gouvernement national ou des institutions européennes. Il entretient des relations de travail avec de nombreuses universités en Europe et au-delà, mais il n’est pas un institut de recherche. Il délivre de nombreuses formations aux personnels des collectivités, soit directement soit dans le cadre des projets européens qu’il pilote, mais il n’est pas un institut de formation. Ses travaux et son action depuis trois décennies ont sans conteste influé sur les politiques de prévention française et européenne et il est un espace de dialogue politique non partisan qui produit des prises de position sous la forme de résolutions et de manifestes, mais il n’est pas un think tank politique. Ou du moins pas seulement parce qu’il est aussi un organisme essentiellement pragmatique, qui colle au terrain. Son patrimoine de bonnes pratiques recueillies depuis trente ans dans toute l’Europe est riche et unique, mais il n’est pas un observatoire. Ses conférences internationales, séminaires et ateliers ont réuni plus de 25 000 personnes en 30 ans, mais il n’est pas une conférence régulière, ni un institut d’enseignement. Il a publié 62 livres, édités en plusieurs langues, sur un large éventail de thématiques de sécurité urbaine, mais il n’est pas une maison d’édition, ni une revue spécialisée. Ses membres sont avant tout des collectivités territoriales Un patrimoine de européennes, mais il est depuis le départ connecté au reste du monde, bonnes pratiques entretenant des liens proches avec l’Amérique du Nord, l’Afrique et recueillies depuis l’Amérique latine. 30 ans dans Il rassemble et travaille avec des élus et des fonctionnaires territoriaux, toute l’Europe. mais il collabore aussi avec de nombreux universitaires et chercheurs, représentants de la justice, de la police, de la santé, d’organisations de la société civile, ainsi que des journalistes et même des artistes. Il est guidé par un Comité exécutif élu, instance politique représentative de la diversité des pays et des territoires qui le composent, mais ce sont les villes (représentées par leurs élus) qui y siègent, et non pas des personnalités. L’équipe technique qui l’anime au quotidien est réduite (entre une dizaine et une quinzaine de personnes selon les années), mais il a
au fil des décennies reçu plus d’une centaine de chargés de mission, stagiaires et collaborateurs associés de toute l’Europe qui ont irrigué ses travaux et contribué à former ce que l’on pourUne centaine de chargés rait appeler sa personnalité. de mission, stagiaires et Enfin, last but not least, le Forum a 30 ans, l’âge de la jeunesse et de la maturité alliées, déjà ancien collaborateurs associés européens ont contribué à mais encore nouveau, expérimenté mais toujours décidé à innover.
former sa personnalité.
Stuttgart : la Maison du Droit des Jeunes Afin de prévenir le plus en amont possible et de façon efficace la délinquance juvénile, la municipalité de Stuttgart a créé en 2002 la Maison du Droit des Jeunes (Haus des Jugendrechts), dont la mission est de mobiliser toutes les institutions concernées pour intervenir auprès de jeunes primo-délinquants (moins de 21 ans) et favoriser leur réinsertion. Il s’agit d’accélérer les procédures menant à un éventuel jugement (105 jours en moyenne contre 230 selon l’ancien système) et d’intervenir le plus tôt possible, dès la première infraction, l’objectif à long terme étant de réduire la délinquance juvénile. Ce système piloté par la police de Stuttgart sous la direction des services jeunesse de la municipalité est inspiré des tribunaux locaux, les Community Courts, de la ville de New York.
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Les villes aident les villes
1 Une décennie, Naples, Efus, 2000.
« Les villes aident les villes ». C’est le credo et la raison d’être du Forum européen pour la sécurité urbaine depuis sa création. « L’histoire du Forum est celle de femmes et d’hommes en charge des villes d’Europe, Birmingham, Rotterdam, Barcelone, Épinay-sur-Seine, Turin, Lille, Marseille, Bruxelles, Lisbonne, qui, déjà liées par des échanges culturels ou se confrontant dans la compétition économique, ont une croyance commune, celle que l’Europe doit être celle des citoyens. Aucun échelon politique ne représente mieux les citoyens, les habitants, que celui des villes, » écrivait Michel Marcus, Délégué général de l’Efus de 1987 à 2011, à l’occasion de la conférence internationale « Sécurité, Démocratie & Villes » de Naples, en 20001. Lors de la constitution du Forum, en 1987, les politiques de sécurité en Europe sont largement considérées comme étant avant tout du ressort des États, de la police et de la justice, sans distinction entre le grand banditisme et la petite et moyenne délinquance – les vols de mobylette, les boîtes aux lettres cassées, la violence quotidienne, les actes de vandalisme dans les espaces publics... L’une des innovations de l’approche Bonnemaison-Dubedout est de considérer la délinquance quotidienne qui, réelle ou crainte, affecte directement les citoyens non pas uniquement par sa typologie telle qu’organisée par la police et la justice (vol, agression, troubles à l’ordre public...) mais par le lieu où elle se concentre : la ville. Comme toutes les idées, elle n’est pas née ex nihilo mais dans un contexte où, en France comme en Europe, l’idée de décentralisation avance en force. Le gouvernement issu des élections de 1981 promul-
Liège : prévention du hooliganisme Depuis le début des années 1990, la ville de Liège (Belgique) mène, en partenariat avec l’association Fan Coaching, une politique de prévention du hooliganisme autour du stade du Standard de Liège, qui s’est renforcée et approfondie au fil des années. Il s’agit d’accompagner les noyaux durs de supporters lors des matches mais aussi de leur proposer un encadrement pédagogique en semaine (activités sportives, éducatives, culturelles) et, le cas échéant, une aide à la réinsertion sociale. Cette initiative a permis de réduire le nombre d’incidents ainsi que leur degré de gravité. La pratique de Liège a inspiré beaucoup d’autres villes aux prises avec les violences dans et autour des stades et s’inscrit dans une tendance croissante en Europe vers l’encadrement des fans de football. Elle a d’ailleurs valu à l’association Fan Coaching de recevoir en 2011 le European Football Supporters Award, qui est soutenu par l’UEFA.
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gue une série de réformes, les lois Defferre, d’une portée sans précédent depuis le XIXe siècle. Les objectifs sont de rapprocher les citoyens des centres de décision, de responsabiliser les autorités élues et leur donner de nouvelles compétences, et de favoriser le développement des initiatives locales2. Au-delà, c’est un peu partout en Europe et dans le monde occidental qu’en ces années 1980, où la globalisation commence à poindre, l’idée de décentralisation, ou dit autrement de think globally, act locally, fait son chemin. Alors que les échanges internationaux s’accélèrent, que l’Europe s’élargit économiquement et politiquement, que la chaîne CNN, fondée aux États-Unis en 1980, nous met en contact 24h/24 et en direct avec le monde, ce qui rend plus réel le « village global » annoncé dans les années 1960 par le philosophe canadien Marshall McLuhan (et confirmé par l’apparition du world wide web en 1991), surgit en contrepoint une aspiration croissante à l’identité locale et surtout, cette idée que c’est l’échelon où les citoyens attendent de leurs gouvernants qu’ils agissent concrètement. Corollaire de la décentralisation, l’idée de la démocratie locale et participative avance aussi, et notamment en Europe, défendue tout d’abord par les partis écologistes et d’autres mouvements qui émergent aux marges des partis politiques traditionnels3 avant de gagner les partis établis et les institutions au fil des années 1980-1990. Ainsi, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux, avec lequel l’Efus a de longue date des relations de travail, adopte en 1985 un texte fondamental, la Charte européenne de l’autonomie locale, premier instrument juridique multilatéral qui définit et protège les principes fondamentaux que tout système démocratique d’administration locale doit respecter. Entrée en vigueur en 1988 et ayant valeur de traité international, elle est ratifiée par les 47 États membres du Conseil de l’Europe4. Un troisième élément concourt à renforcer le poids des villes par rapport aux autres instances de gouvernance : l’urbanisation croissante. À l’échelle de la planète, elle augmente de façon exponentielle. Si en 1987, année de la fondation du Forum, une importante minorité de la population mondiale (41,9%) vit en ville, la barre des 50% est passée en 2008 et aujourd’hui, le ratio est de 54%5. En Europe, où l’urbanisation a démarré bien avant celle de la planète prise dans son ensemble, trois quarts de la population de l’UE vit aujourd’hui dans les villes et leur périphérie6. Ainsi, avançant encore davantage dans la prise en compte des villes comme entités de gouvernance, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux adopte en 1992 la Charte urbaine eu-
2 Source : Direction de l’information légale et administrative, services du Premier ministre (www. vie-publique.fr/politiques-publiques/ decentralisation/ lois-defferre) 3 Voir Local Direct Democracy in Europe, édité par Theo Schiller, ed. Verlag, 2011 4 Charte européenne de l’autonomie locale, 1985, Conseil de l’Europe. Voir : www.coe.int/ en/web/conventions/full-list/-/ conventions/ treaty/122?_coeconventions_WAR_coeconventionsportlet_ languageId=fr_FR 5 Sources : Nations unies et Banque mondiale 6 Source : Eurostat (2014)
ropéenne, une étape clé dans la reconnaissance du fait urbain par les institutions européennes et dans l’élaboration d’un corps de principes transcendant les politiques nationales et concernant les villes de tous les pays européens. Le premier principe de la Déclaration européenne des droits urbains, comprise dans cette Charte, est la sécurité : les citoyens européens ont droit « à une ville sécure et sûre, et libre, autant que possible, de la criminalité, de la délinquance et de l’agression. »7 Cette Charte a été actualisée et étendue en 2008, notamment pour intégrer la notion de durabilité8.
Mettre en commun des projets et des politiques de sécurité urbaine
7 Charte urbaine européenne, 1992, Conseil de l’Europe. Voir : rm.coe. int/1680719456 8 Charte urbaine européenne II - Manifeste pour une nouvelle urbanité. Voir : (https://rm.coe. int/1680719e8c)
Les maires européens, interpellés par les citoyens et chargés de responsabilités croissantes à mesure que la décentralisation progresse, cherchent à renforcer leurs compétences et leurs connaissances. D’où l’intérêt de se connecter en réseau avec d’autres élus. Ainsi, un certain nombre de réseaux de villes commencent-ils à se créer à partir des années 1980, certains étant des alliances promouvant le rôle des autorités locales, d’autres centrés sur des thèmes en particulier tels que les transports ou le développement durable. Le Forum a été précurseur dans ce dialogue horizontal, en réseau, entre villes. Aujourd’hui, ce modus operandi devient de plus en plus répandu et il existe des réseaux de villes, nationaux et internationaux, sur toute sorte de sujets. Une évolution qui coïncide avec la montée en force des villes comme échelon de gouvernance souvent plus efficace que l’échelon national, ou du moins de plus en plus considéré comme tel par les citoyens. Il est à no-
Bologne : les « Anges des bus » En 2007, la ville de Bologne (Italie) a mis en place un programme d’« assistants civiques » en partenariat avec 29 associations locales, dont la mission consiste à rassurer les habitants et, le cas échéant, signaler des incidents à la municipalité. Pour la partie transports de ce programme, la municipalité a conclu un accord avec la compagnie de bus et une troupe de théâtre. Une trentaine d’acteurs volontaires assurent une présence sur certaines lignes, identifiées par la compagnie de bus comme étant celles où le sentiment d’insécurité est le plus fort, et conversent avec les voyageurs sur différents aspects culturels, historiques ou sociaux de la ville. Très apprécié par les usagers, ce programme a été répliqué par la ville de Gênes.
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ter que l’Efus demeure à ce jour le seul réseau spécifiquement centré sur la sécurité urbaine, ce qui fait aussi son originalité. « Les comparaisons Jesús Solores, ancien directeur de la sécurité des villes de Pampelune et L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), remarque que « l’apparition de ce ont pour intérêt non forum unique en Europe a aidé de nombreuses administrations locales à pas de reproduire réfléchir, à mettre en commun des projets et des politiques sur la sécurité un modèle mais de urbaine au sens large et fait comprendre aux administrations européennes changer de regard et nationales l’importance des politiques locales en matière de sécurité. En sur ses propres ce qui concerne mon administration en particulier, de nombreux projets qui pratiques. » ont été mis en place ont été inspirés par les réflexions menées à l’Efus. » Pour Jean-Pierre Balduyck, ancien député et maire de Tourcoing (France) et ancien président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), « les villes qui agissent avec le Forum sont de sensibilité politique différente mais la situation identique sur le terrain favorise l’analyse conjointe et les objectifs partagés. Nous sommes en tant qu’élus 9 Radim Bureš a notamment été expert des témoins, des fédérateurs, pas des juges élus par les habitants. » Anne Wyvekens, auprès de l’Efus pour directrice de recherche au CNRS, ajoute : « Que ce soit en matière de recherche ou dans le projet européen GOAL de prévention l’échange sur les pratiques, les comparaisons ont pour intérêt, non pas de chercher à re- de la violence dans le produire un modèle venu d’ailleurs mais de changer de regard sur ses propres pratiques. » sport et co-auteur de Écoutons encore deux experts et collaborateurs de longue date de l’Efus : Radim Bureš, la publication Goal : prévention de la vioaujourd’hui directeur de la Probation de la République tchèque, et Adam Crawford, pro- lence dans le sport fesseur de Criminologie et de Justice pénale à l’Université de Leeds (Royaume-Uni)9 10. « Le - Guide pour les villes gouvernement tchèque a eu la sagesse d’établir dès 1995 un fonds de prévention pour les (Efus 2012). municipalités, afin que celles-ci puissent développer des activités et des mesures fondées 10 Adam Crawford sur leurs connaissance du terrain local, » dit le premier. « La combinaison de connaissances était notamment l’un locales et d’acteurs locaux bénéficiant d’un soutien financier apparaît comme particuliè- des intervenants à la conférence internarement efficace pour combattre la délinquance. Mais il est important de ne pas réduire le tionale de l’Efus niveau local aux simples aspects techniques de la prévention. Les représentants politiques « Sécurité, Démoont un rôle très important ; ils sont les moteurs des politiques et des activités de prévention. cratie & Villes » de Naples, en 2000, et Ils sont à l’écoute des besoins des citoyens et s’en font les porte-paroles. Ceci est particuliè- collabore avec l’Efus rement important dans le domaine de la sécurité parce que la peur du crime peut faire au- depuis.
tant de mal que le crime lui-même. Les responsables politiques locaux sont bien placés pour identifier la source de la peur locale du crime et prendre les mesures appropriées. » Adam Crawford « partage la vision du Forum que la délinquance doit être envisagée au sein de la sécurité locale (community safety) et de la politique urbaine parce qu’elle est le produit de et influence de larges pans de la vie sociale. »
D’emblée, un ancrage européen et international
11 Une décennie, Naples, Efus, 2000
Mais fonder un réseau de villes, « n’est-ce pas courir le danger de réduire les dimensions de la sécurité par une approche très territoriale ? Penser local, c’est prendre le risque de perdre la notion du global, » remarquait Michel Marcus lors de la conférence de Naples11. « Quand nous entreprenons une étude dans six villes européennes des liens entre la petite criminalité et la criminalité organisée à travers les parcours des jeunes délinquants, nous marquons notre volonté de ne pas introduire de coupure dans notre pensée du local [...]. La similitude des situations vécues dans les villes suscite les mêmes orientations dans les actions et les pratiques. En 1998, au plus fort des querelles entre les États européens sur la législation de la drogue, nous avons réuni l’ensemble des responsables des politiques de prévention des toxicomanies dans les villes de Liège, Aixla-Chapelle, Haarlem, Rotterdam, Maastricht, Valenciennes et Lille pour constater que les pratiques suivies par les procureurs, la police et les services sociaux étaient très proches, faisant fi des divergences légales existant entre les différents pays. » Ainsi, l’Efus se consti-
Bruxelles : les gardiens de la paix de nuit Afin de répondre à de nombreux problèmes d’insécurité et de cohabitation dans un quartier défavorisé de Bruxelles, les Remparts des Moines, la mairie, en association avec les associations locales, les bailleurs sociaux et la police, a mis en place en 2010 une équipe de « gardiens de la paix de nuit » qui font des rondes de nuit dans le quartier. Présents aux points chauds du quartier, ils dialoguent avec les victimes et les fauteurs de troubles et signalent tout incident, par exemple les équipement défectueux, les problèmes de poubelles renversées, ou encore les occupations de halls d’immeubles. Les habitants sont très satisfaits de ce dispositif qui a permis une réduction significative des délits et actes de vandalisme.
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tue-t-il d’emblée comme un réseau transnational, et avant tout européen, de collectivités locales et régionales. Il s’agit de se positionner au plus près du terrain, des aspirations des citoyens et des questionnements des gouvernants locaux, mais avec une vision à longue distance. Aujourd’hui, le terme glocal12 évoque bien cette notion d’être à la fois ici, les pieds bien plantés sur le terrain, tout en regardant loin devant et autour de soi. Ces dernières années, l’intérêt du « glocalisme » en matière de prévention a été confirmé avec plus d’acuité que jamais avec l’apparition de l’extrémisme violent qui se joue des frontières et frappe en priorité, bien que pas seulement, des villes emblématiques (Madrid, Londres, Paris, Bruxelles, Nice, Berlin, Manchester, Barcelone) parce qu’elles sont des villes, lieux ouverts d’échanges, de mixité culturelle, d’innovation et de liberté de moeurs, mais aussi chaudrons où les inégalités sont les plus violemment visibles. Dans ce domaine, comme dans les autres, l’Efus s’efforce d’identifier les besoins des autorités locales, de faire le bilan des ressources existantes, puis de développer des accompagnements ciblés, des formations, des outils méthodologiques. Il constitue ainsi un corpus de connaissances et d’analyses élaboré à partir des expériences des villes, des recherches universitaires et de l’apport d’institutions ou d’experts, qui peuvent s’enrichir mutuellement. C’est notamment dans le cadre de cette démarche qu’il a piloté deux projets soutenus par l’Union européenne, afin d’une part de former les autorités locales et régionales à la définition et à la mise en oeuvre de stratégies locales de prévention de la radicalisation, et d’autre part de renforcer les capacités des autorités locales et régionales, notamment par la formation, à lutter contre la radicalisation13. Mais la question de la prévention de la radicalisation, si urgente et prégnante aujourd’hui, montre aussi combien les politiques de prévention ont pâti, et pâtissent toujours, d’un manque d’investissement. En effet, comment est-il possible qu’on n’ait pas vu venir ce phénomène ? Engagée depuis plus de trente ans dans les villes d’Europe, la prévention a-t-elle tant échoué à apaiser le sentiment de désaffection et la colère qui rongent certains citoyens que ceux-ci s’expriment maintenant avec une rage décuplée ? Les villes sont-elles, malgré tous les programmes mis en oeuvre ces dernières années pour parer aux effets de la ségrégation sociale génératrice de criminalité, en fin de compte impuissantes ? Cela sert-il à quelque chose de renforcer les capacités des villes quand elles sont aux prises avec des phénomènes globaux sur lesquels elles ont peu de capacité d’agir ?
12 Le mot-valise glocal (global + local) a été inventé dans les années 1990 par le PDG de la compagnie Carlsberg pour évoquer la globalisation économique qui s’adapte aux marchés locaux. Il en est venu à signifier toute approche qui prend à la fois en compte la dimension globale et locale. 13 Projets Local Institutions Against Extremism (LIAISE), voir le site web de l’Efus pour plus d’information.
14 Voir site web du CoE : www.coe. int/t/congress/files/ events/2016/2016 1109-Rotterdam/ default_en.asp
Les maires (ou du moins ceux que l’Efus représente) répondent que oui certainement, il faut continuer à partager, élaborer des solutions en commun, tester des pratiques, former les équipes en charge de la prévention, renforcer les partenariats avec les acteurs locaux, impliquer la société civile. Vasco Franco, ancien maire adjoint de Lisbonne et vice-président de l’Observatoire de la sécurité, du crime organisé et du terrorisme au Portugal, estime ainsi que « dans une période de crise des valeurs et d’identité, les autorités de l’Union européenne doivent investir massivement dans les programmes de prévention. Non seulement pour prévenir le terrorisme, la criminalité organisée, la traite des êtres humains, le trafic de drogue, la corruption, etc., mais aussi pour promouvoir les valeurs de tolérance, d’intégrité, de respect des droits de l’homme et de solidarité qui font partie du patrimoine européen. » Vasco Franco lie l’action sur le terrain à la prise de position politique ; l’une ne va pas sans l’autre. C’est aussi dans ce sens qu’oeuvre le Forum, estimant essentiel d’élaborer des positions politiques communes, notamment parce que l’extrémisme violent lié à la radicalisation, comme d’autres thématiques de sécurité urbaine, peut servir de prétexte justifiant une dérive vers l’hyper-surveillance ou la discrimination contre certaines communautés. C’est pour cette raison qu’en association avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, l’Efus a créé en 2016 l’ « Alliance des villes européennes contre l’extrémisme » destinée à renforcer les échanges entre villes européennes dans ce domaine tout en veillant au respect des droits fondamentaux14. « Les prises de position politiques de l’Efus s’appuient sur et se traduisent par des programmes concrets, des approches spécifiques sur le terrain de telle ou telle problématique, les programmes de formation que nous élaborons et proposons, » remarque Elizabeth Johnston, Déléguée générale de l’Efus. « Il y a un aller-retour permanent entre la prise de position politique et l’action concrète. »
Lisbonne : prévention et gestion des risques majeurs Afin d’améliorer la prévention et la gestion des risques majeurs, la ville de Lisbonne a réuni dans un même centre de commandement différentes organisations qui jusque-là travaillaient de façon séparée : pompiers de Lisbonne, service des incendies de forêt, protection civile et police municipale. Créée en 2010, cette salle des opérations commune (SALOC, selon le sigle en portugais) permet à tous les intervenants d’établir ensemble une stratégie de prévention et d’intervention, et de mieux coordonner et réduire les délais d’intervention. Le système de Lisbonne a été inclus dans le système intégré national (SIRESP, selon le sigle en portugais).
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Échanger des idées et des pratiques « Forum n. m. Dans l’Antiquité romaine, place du marché où le peuple s’assemblait, à Rome, et qui était le centre de la vie politique, économique et religieuse de la cité. Littéraire. Lieu où se traitent les affaires publiques, tribune. Réunion avec débat, colloque. » (Larousse). Comme son nom l’indique, le Forum est un espace physique et virtuel où l’on échange et l’on se réunit. Souvent et longtemps. Structure horizontale et souple, il fonctionne selon Sans oublier le lanle principe que tout le monde, au sein du réseau, gage particulier des doit être informé de ses activités et surtout en déinstitutions eurobattre, lancer des idées, émettre des doutes, faire péennes, cet des suggestions. Ce mode de fonctionnement re« europanto » à base flète sa nature et son credo, celui d’un espace oud’anglais où l’on peut vert qui favorise l’échange libre des paroles et des connaissances. avoir un trilogue sur On parle donc beaucoup au Forum. Et dans beauun work package. coup de langues, ce qui donne parfois des échanges dans un esperanto quelque peu drolatique mélangeant selon les projets et les interlocuteurs le français, l’anglais, l’espagnol (parfois nuancé d’expressions argentines, chiliennes ou colombiennes), le portugais, le catalan, l’allemand, l’italien, le flamand et aussi parfois, en fonction des projets et des partenariats, le polonais, le tchèque ou 1 Langage inventé encore le roumain. Sans oublier bien sûr le langage particulier parlé en 1996 par Diego dans les institutions européennes, cet « europanto »1 à base d’anMarani, journaliste et traducteur au glais où l’on peut avoir un trilogue à propos de l’absorption capacity et Conseil de l’Europe. l’actorité des participants à un work package.
Vienne : une charte pour préparer l’avenir Pour favoriser la coexistence et les relations de bon voisinage, la municipalité de Vienne (Autriche) a mis en place une large concertation des habitants qui a débouché sur la publication de la Charte de Vienne, en 2012. Élaborée au cours d’un intense processus de consultation des habitants, organisé quartier par quartier lors de réunions physiques mais aussi via les réseaux sociaux, et avec la participation de nombreuses associations de la société civile, la Charte détaille les droits et devoirs de chacun pour faire de Vienne une ville agréable à vivre, tolérante et respectueuse, notamment en matière de relations de bon voisinage, de propreté, de conduite en voiture et d’usage des espaces publics.
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Ces échanges entre élus, techniciens de la sécurité et de la prévention, universitaires, experts, policiers, magistrats et représentants d’organisations non gouvernementales ont lieu au travers des projets menés par l’Efus, dans les conférences, les séminaires, les ateliers, les sessions de formation et quantité de rencontres. Ils ont lieu physiquement mais aussi au travers de la plateforme collaborative Efus Network, lancée en 2014 et qui rassemble aujourd’hui 900 utilisateurs, le site web (2 500 visites par mois) et la newsletter mensuelle (plus de 8 000 abonnés). Ils concernent les quelque 250 membres actifs de l’Efus mais aussi les centaines de personnes et orga- La plateforme collaborative Efus nisations avec lesquelles il est en contact en Europe et dans le monde. « Ceci est une leçon que le Forum a toujours enregistrée. Mettre autour Network rassemble d’une table ceux qui affrontent concrètement les problèmes autorise aujourd’hui 900 tous les dialogues ; n’y mettre que des experts mettra en utilisateurs. avant les divergences avant les convergences, » écrivait « En tant que Michel Marcus en 20002. Aujourd’hui, Jacques de Maillard, professeur chercheur, un lieu d’échange et de ren- de Sciences politiques à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvecontre essentiel. En lines, avec laquelle le Forum français propose le diplôme universitaire Sécurité et Vie urbaine, affirme que « l’Efus est une plaque tournante tant qu’enseignant, où circulent élus, agents publics, experts, universitaires... animés par un partenaire des valeurs communes : innovation, partenariat, place du local, rôle de la crucial dans les prévention, évaluation. En tant que chercheur, c’est un lieu d’échange et de rencontre essentiel. En tant qu’enseignant, c’est un partenaire crucial formations. » dans le montage de formations. » Pour sa part, Bertrand Binctin, ancien adjoint au maire du Havre en charge de la sécurité et à ce titre ancien vice-président du Forum français et membre du Comité exécutif de l’Efus, souligne l’intérêt pour les municipalités d’avoir un « échange permanent entre responsables, élus et techniciens sur leur pratique réelle, concrète, quotidienne, dans leur ville, au plus près du terrain, de leurs écoles, des lieux de détention, ou encore de leur lutte contre telle ou telle addiction. » 2 Une décennie, Naples, Efus, 2000
3 Quelque 200 pratiques parmi les plus récentes sont disponibles pour les membres de l’Efus via la plateforme en ligne Efus Network. 4 Ces deux publications sont aujourd’hui épuisées. 5 Ces pratiques sont publiées dans le livre Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommandations, issu du projet européen Just & Safer Cities for All. 6 Créé en 2001 par l’ONU Habitat, le World Urban Forum est la plus importante conférence mondiale sur les questions urbaines. Elle a lieu tous les deux ans dans une ville différente (Quito au Pérou en 2016 et Kuala Lumpur en Malaisie en 2018). 7 100 Promising Practices on Safer Cities, Collation of Urban Safety Practices, The Global Network on Safer Cities, 2014.
Malmö : ensemble contre les violences domestiques
Échanger des pratiques d’action sur le terrain Dès sa fondation, l’Efus a eu l’ambition de répertorier les pratiques mises en oeuvre dans les villes et régions en Europe, et aussi celles venant d’autres continents, et de les partager avec son réseau. Il a ainsi accumulé au fil des années un riche patrimoine de quelque 800 pratiques sur un large éventail de thématiques, depuis la prévention de l’abus de drogue à celle des violences contre les femmes, en passant par la gestion de la vie nocturne, la prévention de la récidive et la protection des seniors, pour n’en citer que quelques-unes3. L’Efus a publié plusieurs recueils de pratiques, le premier en 1996, Pratiques de sécurité urbaine, auquel a succédé deux ans plus tard Pratiques de sécurité urbaine en matière de toxicomanie4. Récemment, il a publié un recueil de Pratiques européennes d’intégration sociale par le sport (2017), ainsi que 50 pratiques sur la lutte contre les violences discriminatoires5. Le Forum partage aussi ces pratiques en dehors de son réseau d’adhérents : ainsi, le World Urban Forum (WUF) de l’ONU Habitat6 l’a sollicité en 2014 pour qu’il partage 50 pratiques européennes publiées dans le livre 100 Promising Practices on Safer Cities7. Ces quelques recueils reflètent seulement une part de ce travail de collecte et partage. Sur chaque thématique sur laquelle il travaille, l’Efus partage ces pratiques à travers ses activités, présentielles ou sur les réseaux en ligne. En quoi les pratiques mises en oeuvre dans telle ou telle collectivité inspirent-elles telle ou telle autre ? Le Forum ne cherche pas à
Initié en 1996 par la municipalité de Malmö (Suède) avec la collaboration de la police et des services de santé, le « Programme intégré contre la violence intrafamiliale » a pour objectifs de rendre cette violence visible et de soutenir les victimes. Elaboré à partir de leurs besoins concrets, il s’adresse aussi aux enfants et aux auteurs. Depuis le début du projet, le nombre de dénonciations a augmenté de 50% et de nombreuses initiatives ont été mises en place, notamment des Centres de Crise pour les femmes, les enfants, et les hommes ; la mise en place d’une division spécialisée au sein de la police et de postes de procureurs spécialisés ; la création d’un programme spécial pour soigner les victimes à l’hôpital de Malmö, et un programme de rééducation des auteurs créé par les services des prisons et de la probation. La mairie de Malmö évalue le dispositif chaque année et l’a récemment actualisé pour inclure davantage d’activités de prévention.
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quantifier ou mesurer l’impact de cet échange, ce n’est pas son propos. Il ne s’agit pas non plus de proposer des pratiques à dupliquer telles une recette, mais plutôt d’inspirer et d’informer de façon concrète et approfondie. Ainsi, la ville tchèque de Brno a mis en place une « Académie des Seniors » en 2005 dans le but d’enseigner aux plus de 60 ans à se protéger des délinquants, notamment les fraudeurs, et à participer plus activement à la « Ne pas réinventer vie de leur communauté. Cette initiative a inspiré les villes de Brasov le fil à couper le (Roumanie) et de Lisbonne, qui ont maintenant toutes deux des projets beurre et rencontrer similaires. Franco Corradini, ancien responsable de la cohésion et de la de nombreux sécurité de la ville Reggio Emilia (Italie) et vice-président de l’Efus de professionnels de 2008 à 2014, affirme avoir « beaucoup appris des expériences des villes et notamment les pratiques. Je citerais en particulier le projet Safer haut niveau. » Drinking Scenes sur la gestion de la vie nocturne : 10 villes ont échangé leurs bonnes pratiques, leurs problèmes, leurs limites et leurs recommandations. Ma ville a bénéficié d’avoir appliqué ces recommandations de façon cohérente et intégrée. » Vasco Franco ajoute pour sa part que « nous faisons tous un voyage à double sens : notre expérience sur le terrain nourrit les débats au sein de l’Efus, et ceux-ci contribuent à améliorer ces expériences et à inspirer de nouvelles actions et de nouveaux acteurs. » Yvano de Biasio, directeur de la prévention et de la sécurité de Charleroi (Belgique) de 1993 à 2016, commente, pragmatique : « À titre personnel les échanges de pratiques organisés par l’Efus m’ont permis de ne pas réinventer le fil à couper le beurre, de rencontrer nombre de professionnels de haut niveau et de sortir de l’isolement relatif des cadres territoriaux. »
Former, professionnaliser, accompagner Dans la mesure où les politiques de prévention impliquent presque toujours des partenariats locaux, les responsables locaux de la sécurité (coordonnateurs en français ou security managers en anglais) sont amenés à coordonner un ensemble d’acteurs et d’organisations. C’est donc un métier complexe recouvrant plusieurs champs et disciplines et qui nécessite une formation spécifique. Le Forum, qui dès sa fondation a eu le projet de nouer des liens avec les universités européennes, a rapidement élaboré et proposé à ses membres des formations aux métiers de la sécurité et sur des thématiques spécifiques, en fonction des besoins des autorités locales. Il a lancé dès le début des années 2000 le Des formations projet d’un diplôme européen en sécurité urbaine, pour les personnels aujourd’hui concrétisé par un Master en partenades collectivités sur riat avec un consortium d’universités européennes. Au niveau français, le Forum a formé les premières les thématiques de générations des coordonnateurs de prévention, anisécurité urbaine. mateurs des CCPD puis de CLS. Depuis plusieurs années, le Forum français propose un diplôme avec l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et des formations pour les personnels des collectivités ou autres professionnels sur les thématiques de sécurité urbaine. Enfin, la plupart des projets européens comprennent un volet formation, voire ont pour objectif de former les partenaires qui y participent. Une autre dimension du travail du Forum, qui est devenue de plus en plus importante au fil des années, est l’accompagnement des
Mannheim : la coalition pour la diversité Mannheim (Allemagne, environ 300 000 habitants) est une ville très diverse. Dans le but de promouvoir une coexistence respectueuse entre tous et de lutter contre la discrimination, la mairie a mis sur pied en 2016 la « Coalition pour la Diversité », qui rassemble des acteurs de la société civile, du monde politique local, de l’administration locale et du secteur privé. Ses objectifs sont d’échanger des connaissances, notamment sur les projets développés par les associations participantes, de professionnaliser les acteurs, par exemple par des ateliers sur l’anti-discrimination et l’antiracisme, et de sensibiliser les communautés locales au respect de la diversité et à la lutte contre le racisme.
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municipalités ou autorités locales. Il peut s’agir d’un accompagnement technique (par exemple mener un audit de sécurité), ou bien plus stratégique (élaborer un plan intégral de sécurité), ou encore d’aider les villes, avec le soutien d’experts assoEn ce sens, l’Efus ciés, à développer et mettre en place un projet pilote. En ce sens, l’Efus répond à un besoin répond à un besoin croissant des autorités locales, confrontées à des problématiques complexes et dont les responsabilités s’étendent. On croissant des pourrait citer de nombreux exemples de projets pilotes menés conjoin- autorités locales, tement avec l’Efus dans divers domaines (radicalisation, discrimina- confrontées à des tion, réduction des risques, intégration par le sport pour n’en citer que problématiques quelques-uns). Un exemple parmi tant d’autres est celui de la munici- complexes et dont palité de Saint-Denis, qui a mis en place un groupe de travail multi-disles responsabilités ciplinaire sur la sécurité et le tourisme dans le cadre d’un projet mené par l’Efus en 2015, ce qui l’avait amené à faire un audit sur cette théma- s’étendent. tique nouvelle pour l’action municipale. Ce partenariat particulièrement innovant, qui rassemble des représentants des pouvoirs publics et du secteur privé, s’est pérennisé au-delà du projet pilote.
Des milliers d’heures passées à échanger des idées et des solutions Les conférences sont un moment clé d’échanges avec des pairs d’autres municipalités et régions européennes ainsi qu’avec tous les professionnels, universitaires et organisations non gouvernementales qui participent à ce type de rencontre. L’événement fondateur du Forum était la conférence internationale de Barcelone, « Prévention de l’insécurité urbaine en Europe », qui avait réuni en 1987
quelque 800 personnes. Sous le label « Sécurité, Démocratie & Villes », l’Efus a depuis organisé six conférences internationales – Montréal (1989), Paris (1991), Naples (2000), Saragosse (2006), Aubervilliers et Saint-Denis (2012) et Barcelone (2017). Même à l’heure d’internet, des médias sociaux et des vidéoconférences, rien ne remplace ces grands rendez-vous où l’on aborde des dizaines de thématiques avec des pairs de toute l’Europe et des intervenants que l’on a rarement l’occasion de rencontrer dans sa vie professionnelle quotidienne. C’est pourquoi le Forum, représenté par ses élus ou son équipe technique, participe à des dizaines de conférences chaque année en Europe et dans le monde entier (comme par exemple les grands rendez-vous de l’ONU-Habitat). Chaque fois, il diffuse le message du bien-fondé de la prévention pour aborder les problématiques de sécurité urbaine et les recommandations concrètes issues des projets menés avec les villes. Mais toutes ces paroles échangées, ces milliers d’heures passées à présenter l’approche et les recommandations du Forum et à écouter des intervenants partager leur expérience et leurs réflexions, ne sontelles justement que cela, des paroles ? Peut-on mesurer l’impact de tous ces échanges sur la vie réelle, dans les villes ? « J’ai vu combien les conférences peuvent avoir une influence marquante sur les pratiques locales, » répond Sohail Husain, expert auprès de l’Efus (notamment pour la publication Guide sur les audits locaux de sécurité) et directeur d’Analytica Consulting Services. Irvin Waller, professeur de Criminologie à l’Université d’Ottawa (Canada), qui était notamment conseiller scientifique du Forum à sa création et a par la suite été directeur exécutif (1992-1994) du Centre international pour la prévention du crime (CIPC) basé à Montréal, avec lequel le Forum collabore étroitement, ajoute que ces conférences « rassemblent des maires et de nombreux autres acteurs qui apportent leur vision et font
Matosinhos et Généralité de Catalogne : étude sur la population senior La ville de Matosinhos, utilisant une méthodologie développée par la Généralité de Catalogne, a réalisé en 2016 une étude approfondie sur la population âgée de 50 ans et plus dans le cadre de la stratégie municipale destinée à mieux adapter ou mettre en place des programmes de prévention pour les seniors. La ville portugaise et le gouvernement régional de Catalogne sont particulièrement actifs sur cette question et sont à l’origine du groupe de travail créé par l’Efus sur cette thématique. L’étude de Matosinhos analyse tous les aspects de la vie des seniors, depuis leur état civil à leur occupation, le rôle qu’ils jouent dans leur famille, l’aide qu’ils reçoivent dans leur réseau de proches, et leur sentiment de sécurité / insécurité.
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progresser les investissements sur la prévention effective de la délinquance. De plus, elles permettent d’identifier une vision à long terme. » Dans un autre registre, Alioune Badiane, ancien directeur régional de l’ONU-Habitat aujourd’hui en retraite, raconte que c’est à l’occasion de la conférence de l’ONU-Habitat à Istanbul, en 1996, qu’il a « C’est à la suite rencontré le Forum et l’a consulté sur la sécurité des villes africaines. « C’est de la conférence lors de cette conférence qu’est née l’idée de monter, au sein du Programme d’Istanbul qu’est de gestion urbaine piloté par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Banque mondiale et l’ONU-Habitat, un programme née l’idée de créer pour les questions de sécurité urbaine dans le cadre des Nations Unies : un Forum africain Safer Cities (Villes plus sûres). Nous avons collaboré étroitement avec le Fopourla sécurité rum pour la partie sécurité urbaine de ce programme. Par ailleurs, c’est à la urbaine. » suite de la conférence d’Istanbul qu’est née l’idée de créer un Forum africain pour la sécurité urbaine. Cela n’a pas pu se faire en tant que tel à ce moment-là mais il y a eu des échanges et une collaboration avec plusieurs grandes villes africaines. »
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Scripta manent... Les échanges denses qui sont organisés lors des conférences internationales « Sécurité, Démocratie et Villes » sur un ensemble de thématiques L’élaboration du (qui vont du partage des espaces publics à la participation citoyenne en pas- Manifeste est un sant par le rôle de la police, la prévention des violences contre les femmes long processus auet celle des addictions et des drogues, pour n’en citer que quelques-unes) quel participent les permettent d’élaborer un projet politique commun, formulé dans un Ma- villes membres du nifeste publié à l’issue de chacune de ces rencontres. Ainsi, tous les cinq réseau. ou six ans, la communauté du Forum formalise ses principes, ses objectifs et ses recommandations dans un texte où chaque mot est soigneusement pesé. L’élaboration du Manifeste est un long processus auquel participent les villes membres du réseau,
mais aussi les partenaires extérieurs tels que les organisations de la société civile, les universités et les institutions nationales et européennes. Il reflète les tendances observées au cours de la période précédente et les défis auxquels les villes seront confrontées dans les années à venir. Le Manifeste de l’Efus en cours est celui de Barcelone (no« Toutes les apvembre 2017), qui a succédé à celui d’Aubervilliers et Saint-Denis (2012). Les problématiques et les échanges organisés via le Forum se retrouvent proches et idées qui sont sorties des également dans les publications produites soit à l’issue des projets européens soit sur initiative propre. Depuis Sécurité et Démocratie (1994), débats, des études l’Efus a publié une soixantaine de livres sur des thèmes allant de la préet des conférences vention des drogues à celle de la récidive, la gestion des grands événem’ont convainments sportifs, la vidéosurveillance, la sécurité et le tourisme, les relations cu que la sécurité police-population, la prévention de la radicalisation violente ou encore urbaine est foncelle des violences discriminatoires. Disponibles gratuitement pour les membres du réseau, ces publications contribuent également aux débats, à damentale pour la l’échange de pratiques et de recommandations, à l’acquisition de connaisdémocratie. » sances et à la diffusion de la vision partagée par les membres et partenaires de l’Efus. Elles ont aussi pour objectif de présenter de façon claire des problématiques souvent complexes. « Toutes les approches et idées qui sont sorties des débats, des études et des conférences m’ont convaincu que la sécurité urbaine est fondamentale pour la démocratie dans une Europe où les crises économiques inquiètent le monde local et où la marginalisation favorise la délinquance quotidienne, » commente Jesús Solores, ancien directeur de la sécurité de Pampelune et L’Hospitalet (Espagne). Yvano de Biasio ajoute que dans son rôle de plateforme d’échanges, l’Efus a « mené des études innovantes sur de nombreux thèmes, tant sur le plan théorique que pratique. Inversement, j’ai contribué aux objectifs de l’Efus en apportant mon expérience de praticien et mes questionnements. » Éric Lenoir estime pour sa part que « l’Efus m’a permis de prendre de la hauteur par rapport à ma pratique professionnelle par la confrontation à d’autres contextes et pratiques et le détour par l’étranger : comme le disait Éric Weil, c’est l’autre tradition, celle de l’étranger, qui me tend le miroir faute duquel je ne pourrais connaître mon propre visage. »
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L’Europe et le monde Dès sa création, le Forum pour la sécurité urbaine est européen. Alors qu’en cette fin des années 1980, les institutions européennes sont dans une double phase d’élargissement et de reconnaissance accrue de l’importance de la démocratie locale, les fondateurs de l’Efus sont profondément convaincus du bien-fondé du projet européen, à l’instar d’une majorité des gouvernants et citoyens du continent. En parallèle, les principes et méthodes portés par le Forum en matière de réduction de l’insécurité urbaine fructifient Dans les années 1980, les à l’échelle européenne et en 1998, celui-ci institutions européennes sont obtient le statut d’organisation internationale non gouvernementale consultative auprès du dans une double phase d’élargissement et de reconnaissance Conseil de l’Europe. Au fil des années 1990 apparaissent, au niveau national, des organes accrue de l’importance de la chargés de la politique de prévention de la démocratie locale. criminalité. Les liens avec les politiques de développement social s’établissent. La France, après avoir créé un Conseil national de prévention de la délinquance, le remplace par un Conseil national des villes. Le Crime and Disorder Act de 1998 adopté par le Royaume-Uni vise en même temps les désordres ou incivilités, donnant une acception plus large au terme de sécurité, et met en place une vigoureuse politique de développement social. En Belgique, un Conseil national de prévention de la criminalité et des Commissions (locales) de prévention de la criminalité sont mis en place en 1985. En Italie, des protocoles de sécurité entre les préfectures et les municipalités apparaissent à partir de 1998. L’Espagne
Düsseldorf : encourager les citoyens à réagir En 1999, une habitante de Düsseldorf (Allemagne) qui voyageait en tram a été attaquée par un jeune homme, sortie de force puis agressée sexuellement, sans que personne n’intervienne. Cette attaque et l’apathie des témoins a amené le Conseil de prévention de la ville à mettre en place un programme intitulé « Faites preuve de courage civique ! » pour encourager les citoyens, notamment les jeunes (14 ans+), à intervenir lors d’incidents de ce type. En 2009, la ville a engagé un nouveau projet dans le cadre de ce programme : des débats ont été organisés dans les collèges sur comment réagir lorsqu’on est témoin sans pour autant se mettre en danger. De plus, les collégiens étaient invités à réaliser une vidéo sur le thème du courage moral. Les films jugés les meilleurs ont été présentés au public et diffusés sur la chaîne de TV locale ainsi que dans deux grandes salles de cinéma de la ville.
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crée des juntas de seguridad dans ces années-là1. Dans les villes, l’organisation du partenariat sous forme de coalitions permanentes s’établit ainsi dans de nombreux pays. De plus en plus fréquemment en Europe, des contrats sont signés entre différentes parties pour mieux coordonner les actions et obtenir des résultats communs. Les dispositifs se rapprochent. Les méPour incarner sa thodes de travail aussi, dans les domaines du diagnostic, de l’audit, de nature européenne, la technique du partenariat, du management et de l’évaluation2. Nigel Mellor, ancien agent municipal à la mairie (City Council) de Lile Forum veille verpool et aujourd’hui président d’Emmaus Merseyside, explique à représenter la que « bien qu’il y ait des différence dans l’expérience des villes eurodiversité des pays péennes en matière de criminalité et d’actions pour y répondre, il y a de l’UE dans son en fait beaucoup plus de similarités dans les contextes et les causes équipe interne et de l’activité criminelle et des comportements anti-sociaux. Travailler ensemble et coopérer est donc d’une importance capitale. De plus, la ses instances de criminalité ne reconnaît pas les frontières nationales. De fait, elle esgouvernance. saie plutôt de les exploiter. Cela rend la coopération transfrontalière d’autant plus essentielle. » Pour incarner sa nature européenne, le Forum veille aussi à représenter la diversité des pays de l’UE (mais pas exclusivement) dans son équipe interne et ses instances de gouvernance. Il accueille ainsi au fil des années des chargés de mission d’Allemagne, Belgique, France, Espagne, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et même Colombie. Quant aux présidents du Forum, élus par l’Assemblée générale, ils sont, à la suite de Gilbert Bonnemaison (1987-1996), français, belges, italien, espagnol et portugais3. De même, le Comité exécutif de l’association reflète les pays représentés en son sein et les Assemblées générales se déroulent chaque année dans un pays européen différent. Se créent également, à partir du début des années 1990, des Forums nationaux. Au Forum français (FFSU, créé en 1992) succèdent les Forums italien (FISU, 1996), espagnol (FEPSU, 1998), belge (FBPSU, 1998), portugais (FOPSU, 2005) et allemand (DEFUS, 2010). Un Forum luxembourgeois a aussi été actif pendant quelques an-
1 Sécucités, politiques de prévention de la criminalité urbaine en Europe : vers une culture commune ?, Efus, 2006 2 Une décennie, Naples, Efus, 2000 3 1987-1996 : Gilbert Bonnemaison, ancien maire d’Épinay-sur Seine (France) ; 19961998 : Martine Aubry, maire de Lille (France) ; 1998-2000 : Leona Detiège, maire d’Anvers (Belgique) ; 2000-2003 : Giuliano Barbolini, maire de Modène (Italie) ; 2003-2007 : Freddy Thielemans, bourgmestre de Bruxelles (Belgique) ; 2007-2010 : Juan Alberto Belloch Julbe, maire de Saragosse (Espagne) ; 2010-2017 : Guilherme Pinto, maire de Matosinhos (Portugal) ; depuis 2017 : Willy Demeyer, maire de Liège (Belgique).
nées. Il s’agit alors de développer et renforcer dans les pays les plus fortement représentés au sein du Forum les principes, pratiques et connaissances que développent ses membres à l’échelle européenne. Il est à noter cependant que l’Efus reste encore majoritairement ouest-européen. Bien que des villes d’Europe orientale aient participé à de nombreux programmes ainsi qu’aux instances de gouvernance du Forum et que celui-ci ait entretenu des relations régulières avec des ministères et des universités, l’Europe orientale est encore à ce jour sous-représentée. La langue est un obstacle, mais aussi le manque de moyens et peut-être également aujourd’hui un certain désintérêt pour le projet européen.
Des projets européens sur des thèmes concrets Le soutien de l’Union européenne se manifeste aussi de façon concrète par les financements octroyés par la Commission au travers des projets de coopération européens. Ceux-ci constituent une part importante du budget et des activités de l’association. D’une durée moyenne de deux à trois ans, ils réunissent systématiquement des villes ou régions de plusieurs pays ainsi que, selon les cas, des experts extérieurs, des universités ou instituts de recherche et des organisations de la société civile. Il serait impossible de citer tous les projets européens que l’Efus a élaborés et pilotés au fil des années avec la participation de centaines de villes et régions. Mais il est intéressant de noter un certain nombre de sujets récurrents sur lesquels le Forum choisit de tra-
Gdansk : favoriser l’intégration des migrants Confrontée à un accroissement de l’immigration ces dernières années, la ville de Gdansk a détecté la nécessité de mieux coordonner les interventions des différents acteurs impliqués dans l’intégration des migrants afin d’offrir à ceux-ci de meilleurs services et de sensibiliser la population aux bénéfices de l’immigration. C’est ainsi qu’elle a été la première ville de Pologne à élaborer, au printemps 2016, un « Modèle pour l’intégration des immigrants » au travers d’une démarche participative impliquant 70 organisations et institutions locales : universités, organisations non gouvernementales, secteurs public et privé et organisations représentatives des migrants. Les objectifs sont d’améliorer l’accueil des migrants par les institutions publiques et sociales de Gdansk et de favoriser leur intégration dans la communauté locale en termes d’éducation, de culture, d’accès aux services sociaux, de logement, de prévention de la violence et de la discrimination, d’emploi et de santé.
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vailler en recherchant les soutiens nécessaires (Commission européenne souvent, mais aussi les gouvernements nationaux). La prévention des risques liés aux drogues a été, historiquement, un thème sur lequel l’Efus a beaucoup travaillé en faisant avancer à l’échelle européenne et internationale les principes de réduction des risques et de partenariat Faire avancer les pluridisciplinaire pour faire face, dans ses différentes dimensions, à la principes de réducproblématique des drogues et son impact sur les villes. Il a entre autres tion des risques et piloté sur ce thème le projet Démocratie, Villes et Drogues (Democracy, de partenariat pluriCities & Drugs, DCD), qui aura mobilisé une centaine de collectivités et disciplinaire. les acteurs majeurs, notamment associatifs, de la réduction des risques au niveau européen. Au cours de ce projet, l’Efus a été amené à intégrer la problématique de la consommation d’alcool, ce qui l’a conduit à développer ses travaux sur la question, essentielle pour de nombreuses villes, de la gestion de la vie nocturne4. 4 Voir notamment la Un autre thème sur lequel l’Efus travaille depuis de publication Safer Drinking Scenes : nombreuses années est la prévention de la violence alcool, ville et vie nocdans le sport, qui est liée à la gestion des grands turne, Efus et événements. Ainsi, en 2000, il a porté un projet de FFSU, 2013 lutte contre le racisme dans les stades de la Coupe 5 Goal : prévention d’Europe de football, en Belgique et aux Pays-Bas. de la violence dans le Plus récemment, en 2012, il a conduit un pro- sport, Efus, 2012 jet sur la gestion des grands événements sportifs 6 Pratiques euroet la prévention de la violence dans et autour des péennes pour l’intéstades avec six villes et la contribution d’experts5, et gration sociale par le sport, Efus, 2017. en 2015-2016, il a organisé à travers l’Europe une L’Efus a aussi créé collecte de pratiques pour l’intégration sociale par dans le cadre de ce le sport, dont 25 jugées particulièrement promet- projet le premier Prix européen pour l’inteuses ont été publiées6. Ce dernier projet, pour tégration sociale par lequel l’Efus a créé le premier Prix européen pour le sport.
l’intégration par le sport, a inspiré la Commission européenne qui, le citant comme une bonne pratique, a décidé de créer son propre prix. D’autres thématiques importantes sont la délinquance des mineurs, la prévention de la récidive, celle des violences faites aux femmes ainsi qu’aux personnes âgées, la police de proximité et les relations police-population, la traite des êtres humains, la vidéosurveillance et les technologies de l’information, la méthodologie et les audits pour une approche stratégique de la sécurité urbaine, la prévention du racisme et des violences « Les villes peuvent s’appuyer discriminatoires et, plus récemment, la présur l’Efus comme un bureau vention de la radicalisation violente. « L’une des originalités de l’Efus est son technique spécialisé pour expertise en matière de gestion de projets participer à des projets européens ; certaines ne pourraient de l’Union européenne, » commente ainsi Véronique Ketelaer, ancienne directrice de pas le faire autrement. » Bravvo, l’organisme qui gère la prévention à la ville de Bruxelles. « Les villes peuvent s’appuyer sur l’Efus comme sur un bureau technique spécialisé pour participer à des projets européens. Sans cela, il est clair qu’un certain nombre d’entre elles ne pourraient participer à ces projets par manque de temps et parce qu’elles n’ont pas toujours accès aux informations et aux pratiques nécessaires pour concourir. » Vasco Franco, ancien maire adjoint de Lisbonne, met en exergue le projet sur les audits locaux de sécurité, qui a notamment débouché sur la publication d’un guide à l’attention des municipalités. « Ces guides sont des outils très importants pour faciliter le diagnostic et élaborer une stratégie de prévention dans les villes. Ils ont été très utiles aussi dans mon travail en Amérique latine dans le programme de coopération UE-Amérique latine Eurosocial. »
Dakar : 500 volontaires pour améliorer la ville Afin d’améliorer la qualité de la vie à Dakar (Sénégal) et de favoriser la participation citoyenne, la mairie a créé en 2010, sur fonds propres, un ambitieux programme de volontariat. Cinq cents volontaires hommes et femmes âgés de 18 à 40 ans ont été recrutés, formés et déployés dans les 19 communes de la ville, avec l’objectif de « renforcer les capacités de prévention, d’intervention et de gestion des autorités municipales dans le domaine de la tranquillité, de la salubrité, de la circulation et de la voirie, de l’hygiène et de l’environnement, des plages, des halles et des marchés. » Cette initiative a permis d’améliorer l’usage des espaces publics, la sécurité à la plage et la circulation (véhicules et piétons) mais aussi, de façon plus générale, le dialogue entre la mairie et les habitants. Ces volontaires appuient également les délégués de quartier (400) dans le renforcement de la cohésion sociale dans les quartiers.
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Gilles Mahieu, gouverneur de la province du Brabant wallon (Belgique), met en avant « le traitement de la question des drogues en milieu urbain. Les projets du Forum ont permis de sortir des tabous moraux pour aborder cette question sous les angles de la réduction des risques et de l’impact sur les formes de « Les Objectifs de Développement dudélinquance et de criminalité qui s’en nourrissent. »
Développer les échanges internationaux
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rable (Sustainable Development Goals, SDG) des Nations unies donnent un nouveau cadre pour mettre en oeuvre des actions qui permettront de réduire la criminalité et la victimisation. »
« Les villes du Forum sont des villes ouvertes sur le monde, des villes hospitalières, » affirment les Manifestes successifs du Forum. Pour ses membres, il est inconcevable d’imaginer un réseau de villes n’existant que pour l’Europe, tant il est nécessaire que les échanges se développent dans les autres régions du monde. Dès le départ, l’Efus est en relation avec des villes nord-américaines et il participe en 1994 à la créa« Sortir des tabous tion du Centre international pour la prévention de la criminalité (CIPC), moraux pour aborbasé à Montréal, dont le président fondateur est Gilbert Bonnemaison7. der la drogue sous Irvin Waller, professeur de criminologie à l’Université d’Ottawa (Canada), les angles de la réqui a contribué de près à la création de l’Efus et du CIPC, remarque que duction des risques « les Objectifs de Développement durable (Sustainable Development Goals, SDG) des Nations unies donnent un nouveau cadre pour mettre en oeuvre et de l’impact sur des actions qui permettront de réduire la criminalité et la victimisation. » les formes de déEn 2016, l’ONU a adopté 17 objectifs pour l’horizon 2030, dont plusieurs linquance qui s’en concernent particulièrement l’Efus : l’objectif nº 5 – « Parvenir à l’égalité nourrissent. » des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » – l’objectif nº 11 – « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables » – et l’objectif nº16 – « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous
7 Site web du CIPC, www.crime-prevention-intl.org
à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous. » L’Efus participe de longue date et activement aux travaux onusiens dans les domaines qui le concernent, notamment avec l’ONU-Habitat (Programme des Nations unies pour les établissements humains) à travers son programme Safer Cities et l’UNODC (Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime). « C’est un axe de travail très important pour l’Efus et l’aboutissement d’années d’efforts des acteurs de la prévention urbaine pour faire reconnaître la question de la sécurité comme un aspect fondamental du développement durable, » remarque Elizabeth Johnston. L’Efus a aussi oeuvré depuis sa création à développer les liens vers les pays riverains de la Méditerranée, notamment en collaborant au programme européen MED-Urbs, ainL’Efus a aussi oeuvré depuis sa si qu’avec l’Afrique et l’Amérique latine. De création à développer les liens 1991 à 1996, MED-Urbs a réuni 150 villes en 22 réseaux qui ont travaillé sur l’environvers les pays riverains de la nement, l’urbanisme, la gestion municipale, Méditerranée, notamment en la mobilité sociale, l’emploi des jeunes, les collaborant au programme transports urbains et la fiscalité locale8. Les européen MED-Urbs. travaux avec la zone méditerranéenne, et notamment le Maghreb, ont été peu fréquents depuis lors et l’une des priorités de l’Efus aujourd’hui est de développer les relations avec cette région. Avec l’Afrique sub-saharienne, le Forum a développé très tôt des relations de dialogue permanent et de coopération. « Il l’a reconnue 8 Commission de longue date comme un partenaire et a considéré que les villes européenne, voir : européennes pouvaient bénéficier d’initiatives menées en Afrique, europa.eu/rapid /press-release_ME- ce d’autant plus que de nombreux Africains vivent en Europe, » MO-93-26fr.htm remarque Alioune Badiane. Parmi les nombreux thèmes d’intérêt
Coopération UE-Amérique latine Pendant quatre ans, de 2011 à 2015, l’Efus a été partenaire du programme Eurosocial II de coopération UE-Amérique latine, coordonné par la Fondation internationale et pour l’Amérique latine d’administration et de politiques publiques (FIIAPP) du ministère espagnol des Affaires étrangères et l’agence de coopération internationale Expertise France, du ministère français des Affaires étrangères, et mis en oeuvre par l’Efus et l’Observatoire international de la justice juvénile (OIJJ). Il s’agissait de soutenir, dans un certain nombre de pays d’Amérique latine, les politiques et les institutions publiques qui œuvrent pour améliorer la cohésion sociale. L’Efus était partenaire opérationnel de l’axe « sécurité citoyenne » de ce programme qui concernait la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Mexique, le Panama, le Salvador et l’Uruguay. Parmi les nombreuses activités mises en oeuvre, l’Efus a élaboré un « Modèle régional pour la prévention de la violence et de la délinquance » destiné à soutenir les gouvernements dans l’élaboration et la gestion de leurs programmes et actions de prévention.
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commun, il cite notamment la prévention des violences contre les femmes et la jeunesse. « Cela nous préoccupe beaucoup en Afrique, où 40% de la population a moins de 25 ans. L’approche du Forum selon laquelle les jeunes sont à la fois auteurs et victimes de l’insécurité urbaine nous intéresse particulièrement. » Dès 1998, des maires de Côte d’Ivoire ont créé le Forum ivoirien pour la sécurité urbaine, s’appuyant sur le projet Safer Cities de l’ONU-Habitat et inspirés par l’expérience européenne. Aujourd’hui, toujours avec le soutien du programme Safer Cities et de l’Efus, des villes africaines préparent la mise en place d’un Forum africain pour la sécurité urbaine. L’Efus a aussi développé les relations avec l’Amérique latine dès ses premières années d’activité. Présidente d’une association argentine dédiée à l’échange de pratiques sur la sécurité urbaine, El Agora9, Claudia Laub, qui est également sociologue à l’Université de Buenos Aires, raconte comment, ayant rencontré le Forum au début des années 1990, elle a découvert « le concept de sécurité locale, qui était pour nous un changement de paradigme tant le mot “sécurité” « Le concept de sécurité locale était ici associé à la sécurité de l’État et à la dictature militaire. » était pour nous un changement Elle ajoute qu’en Argentine, « l’insécurité dans le domaine de la de paradigme tant le mot politique, dans les médias et dans le domaine social se présente “sécurité” était, en Argentine, avec une interprétation dichotomique entre délinquants et so- associé à la sécurité de l’État et ciété, entre criminels et État. De plus, les réponses sont toujours à la dictature militaire. » d’ordre pénal, dans un sens exclusivement punitif. Ainsi, on rend invisible la relation entre le crime organisé et les fonctionnaires publics. Or c’est bien cela qui ne permet pas d’affronter la prévention, puisqu’on cerne mal le problème. Ces sujets ont été travaillés au Forum, ce qui nous a permis d’enrichir nos points de vue. À l’inverse, l’Amérique latine a apporté sa capacité de mobilisation de la société civile, qui est plus importante qu’en Europe. » Parmi les travaux de l’Efus avec l’Amérique latine, on peut citer le programme Urb-al de coopération Eu- 9 Voir : rope-Amérique latine sur les politiques urbaines, dans www.elagora.org.ar
lequel il était partenaire. Plus récemment, il a collaboré avec Bogota, la capitale de la Colombie, à l’élaboration de son plan intégral de sécurité 2007-2017 et il compte parmi ses partenaires associés la Chambre de Commerce de Bogota. Ces dernières années, il a été partenaire du programme Eurosocial de coopération Europe-Amérique latine (20112015), dont l’objectif était de soutenir différents gouvernements de la région dans l’élaboration de leur stratégie de prévention de la violence. « Le Forum, l’ONU-Habitat et d’autres acteurs ont consacré beaucoup « La prévention, d’efforts à faire comprendre le processus de coproduction de la sécurité, les relations avec une approche de participation de la population », remarque Alioune Badiane. « La prévention, les relations police-population, la médiation, police-population, l’approche genre et la protection des femmes dans l’espace urbain : ce la médiation, sont des idées qui ont fait école. » l’approche genre
et la protection des femmes dans l’espace urbain : ce sont des idées qui ont fait école. »
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Et demain? Mercredi 13 novembre 2047. La conférence Sécurité, Démocratie et Villes du World and European Forum for Urban Security (Wefus) ouvre à Londres, choisie pour marquer le retour du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, en 2043, une génération après le Brexit. Le thème général est « Robocops et libertés : cyber-prévention et respect des droits fondamentaux ». L’inexorable avancée des technologies permettant de prédire et déjouer les délits avant qu’ils n’aient lieu suscite en effet des craintes, notamment depuis que les arrestations préemptives se multiplient dans certains pays. Depuis Athènes, le puissant Parlement européen des Villes (European Parliament of Cities, EPC) a récemment émis une directive enjoignant les maires à user de leurs larges pouvoirs pour contrôler les activités des méga-compagnies privées qui disposent de masses de données sur la vie et les activités de tout un chacun. Cependant, les inquiétudes levées par la récente vague de cyber-attentats contre les systèmes de gouvernance par intelligence artificielle d’un certain nombre de smart cities de l’UE telles que Londres, Paris et Istanbul pousse certains gouvernements nationaux à réclamer l’élargissement des pouvoirs de surveillance [...]. Politique fiction bien sûr, improbable sans doute, mais pas impossible. Si l’on se projette dans 30 ans, que peut-on imaginer, espérer ou craindre, dans le domaine de la sécurité urbaine ? Quelles grandes tendances vont marquer les années à venir ? Quelles actions prendre aujourd’hui, quels écueils à éviter pour préparer au mieux l’avenir ? Ces questions traversent en permanence le réseau du Forum,
Basse-Saxe : l’approche « Communities That Care » (CTC) Le Conseil de prévention de la délinquance de Basse-Saxe (LPR-Niedersachsen, Allemagne) a mis en place depuis le milieu des années 2000 l’approche « Communities That Care » (CTC), développée à l’origine aux États-Unis, pour soutenir et guider les coalitions locales de prévention. Il s’agit d’impliquer l’ensemble de la communauté locale pour prévenir les comportements problématiques, en particulier chez les jeunes, et réduire les délits et la violence. Testée sur le terrain, la méthode CTC repose notamment sur la recherche des facteurs de risque et de protection, la responsabilisation de la communauté locale, la formation proactive, l’assistance technique et l’évaluation des résultats locaux. Proposée par le Conseil de prévention, la CTC est adoptée par les municipalités qui le souhaitent. Vingtcinq collectivités de Basse-Saxe l’appliquent à ce jour, de même que la ville d’Augsbourg, en Bavière.
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soucieux de gérer le quotidien mais aussi de se projeter dans le futur, à moyen et long terme. Des échanges qui ont lieu à l’heure actuelle, on peut dégager trois thèmes qui intéressent ou préoccupent en priorité les membres et compagnons du Forum. Il s’agit des nouvelles technologies et de leur impact sur nos libertés individuelles, de la radicalisation menant à la violence, et des risques que posent, pour la cohésion sociale, les mouvements migratoires et le vieillissement de la population.
Trois thèmes intéressent ou préoccupent les membres et compagnons du Forum : les nouvelles technologies, la radicalisation menant à la violence et la cohésion sociale.
Nouvelles technologies et libertés 52
En août 2017, lors du festival de Notting Hill à Londres, sous haute surveillance notamment en raison des attentats de Londres et Manchester quelques mois auparavant, la police a testé un système de vidéosurveillance « intelligente » permettant d’identifier, par des systèmes de reconnaissance faciale, des individus recherchés. Le bilan s’est avéré catastrophique : le logiciel a faussement identifié 35 personnes, toutes parfaitement innocentes. Plusieurs associations britanniques ont dénoncé ces systèmes, estimant que les bases de données biométriques utilisées par ces caméras sont illégales et que leur utilisation est une violation des droits fondamentaux1. Ceci n’est qu’une illustration parmi tant d’autres de la montée en puissance des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité. Utiles à bien des égards parce qu’elles permettent de faire avancer la prévention, les nouvelles technologies, dont la vidéosurveillance a été le précurseur, suscitent aussi des inquiétudes. À ce titre, il est intéressant de noter que cet incident a eu lieu au Royaume-Uni, champion mondial de la vidéosurveillance2. L’autre versant de cette thématique est la cybercriminalité qui, sans frontières, fluide et sans visage, est particulièrement difficile à traquer et peut avoir des conséquences d’une ampleur jamais vue sur les systèmes qui gouvernent notre vie quotidienne, que ce soient
1 Le Monde, « Royaume-Uni : bilan catastrophique pour une expérience de vidéosurveillance “intelligente” », 1er septembre 2017 2 Les estimations varient mais selon un rapport exhaustif de la British Security Industry Association (BSIA) daté de 2013, il y avait alors entre 4 et 5,9 millions de caméras de vidéosurveillance au Royaume-Uni, soit une pour entre 14 et 11 personnes.
les banques, les réseaux de distribution d’électricité ou encore ceux de téléphonie mobile. Aussi, pour Adam Crawford, « le contrôle du cyberespace est l’un des grands enjeux des années à venir. Les techno« Ces technologies, dites logies n’ont cessé depuis 30 ans d’accroître la “justice algorithmique” ou capacité à surveiller les gens. Par ailleurs, on “prévention intégrée à la utilisera davantage les algorithmes non-humains – quoique conçus par les humains – et technologie”, permettent à ceux-ci auront de plus en plus d’influence sur Amazon de recommander des notre comportement et nos actions. On peut livres mais elles soulèvent appeler cela “justice algorithmique” ou “préaussi des questions. » vention intégrée à la technologie” ; il s’agit de technologies qui, dans leur forme bienveillante, permettent à Amazon de vous recommander des livres mais elles soulèvent aussi des questions. Notamment parce que personne n’analyse ces données : ce sont les algorithmes eux-mêmes qui décident ce qui est ou non approprié et qui agissent directement, sans intervention humaine. » Si les autorités locales, partout en Europe, peuvent craindre que la lutte contre la cybercriminalité sous toutes ses formes – de la fraude financière au grooming3 en ligne – phagocyte une partie des budgets consacrés à la prévention locale dans un contexte où les ressources des collectivités sont déjà sous pression, elles sont aussi conscientes du parti qu’elles peuvent tirer des nouvelles technologies précisément pour renforcer la prévention locale. Elles ne sont pas les seules : la police fait un usage croissant notamment des réseaux sociaux pour recueillir des informations et alerter le public, de même que les organisations de la société civile, par exemple pour des campagnes 3 Manipulation de sensibilisation ou pour diffuser des messages qui démontent les psychologique à des fins d’abus sexuel ou discours toxiques, qu’ils soient de haine, sexistes ou extrémistes. de radicalisation. Le Forum a renforcé ses travaux et les échanges sur les nouvelles
La Fondation Émilie-Romagne pour les victimes de criminalité Créée en 2004 à l’initiative de la Région Émilie-Romagne (Italie), la Fondation Émilie-Romagne pour les victimes d’actes criminels a pour mission d’assister les victimes de graves actes délictueux commis dans ou en dehors de la région. Il s’agit du seul engagement de nature institutionnelle existant en Italie dans le domaine de l’appui direct aux victimes de crimes violents, en conformité avec la directive européenne 2012/29/UE. Entre 2005 et 2016, la Fondation a réalisé 281 interventions auprès de 561 personnes, dont 41% de mineurs, 42% de femmes et 17% d’hommes, et mis à disposition des victimes ou des membres de leur famille un montant total de 2 283 143€.
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technologies à mesure que celles-ci évoluaient et que leur usage se généralisait. « Aujourd’hui, il faut considérer que le cyberespace est une continuité de l’espace public et qu’à ce titre, les collectivités doivent s’y intéresser, » analyse Elizabeth Johnston. « C’est encore assez flou parce qu’il s’agit d’un nouveau territoire de risques mais aussi d’opportunités de prévention. Par exemple, le harcèlement à l’école ou contre les « Aujourd’hui, il femmes se poursuit dans le cyberespace. C’est pourquoi les acteurs de la faut considérer que prévention doivent investir cet espace, à la fois pour contrer les risques et poser des messages de prévention. Ainsi, ils pourront toucher de noule cyberespace est veaux publics et leur permettre de mieux accéder à leurs droits. » une continuité de
l’espace public. »
Prévenir la radicalisation violente 54
Bien que les États et les autorités locales considèrent la prévention de la radicalisation violente comme une priorité élevée, consacrant d’importants moyens humains et financiers au contre-terrorisme, il est généralement admis qu’il s’agit d’un phénomène générationnel qui va probablement perdurer pendant une ou plusieurs décennies. Les échanges nourris qui ont lieu sur ce thème au sein du Forum et les nombreux travaux et projets dans lesquels il est engagé4 avec les collectivités européennes montrent qu’il existe un consensus au sein de la communauté de l’Efus autour d’un certain nombre de priorités : la prévention locale est essentielle dans la lutte contre le radicalisme violent ; les autorités locales doivent jouer un rôle important parce qu’elles sont visées par les actes d’extrémisme violent, qui dans de nombreux cas prend racine sur leur territoire, et elles doivent donc être associées de près aux politiques nationales et transnationales (européennes notamment) visant à traiter ce phénomène ; l’une des réponses consiste à prévenir la radicalisation à la racine en agissant en amont auprès des individus vulnérables aux messages extrémistes. Il leur faut également veiller à s’intéresser à toutes les formes de radicalisation, fût-elle religieuse, politique ou idéologique.
4 On peut citer notamment les deux projets LIAISE : le premier a duré de 2014 et 2016 et a réuni les villes d’Augsbourg (Allemagne), Bruxelles (Belgique), Düsseldorf (Allemagne), Liège (Belgique), L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), Malmö (Suède), Reggio Emilia (Italie) et Vilvorde (Belgique), ainsi que le think tank britannique Institute for Strategic Dialogue et l’association allemande Ufuq.de. LIAISE 2 a démarré en janvier 2016 pour une durée de deux ans et réunit 29 organisations partenaires de 10 pays, 18 villes et trois régions, ainsi que quatre Forums nationaux et trois ONG thématiques.
À ce titre, Chris Williams, conseiller au Home Office britannique sur la stratégie anti-terroriste Prevent, prévoit qu’à l’avenir on donnera « davantage priorité à la gestion de la vulnérabilité, qu’il s’agisse de radicalisation, d’exploitation sexuelle des enfants, de grooming ou d’autres types de risque. On avancera vers un système permettant de mieux identifier les personnes vulnérables, que l’on cherchera à protéger avant qu’elles ne deviennent victimes. De telles démarches commencent déjà à se mettre en place. »
Renforcer la cohésion sociale Derrière les tendances d’avenir qui reviennent constamment dans les échanges au sein du Forum, se dessine un impératif sur lequel tout le monde s’accorde : la nécessité d’oeuvrer pour renforcer la cohésion sociale. Ce n’est pas une thématique nouvelle ; elle soustend l’ensemble des travaux du Forum depuis sa création. Mais elle prend une dimension nouvelle au vu d’évolutions récentes telles que l’accélération et l’ampleur des mouvements migratoires – liées à la pauvreté, aux guerres, à la brutalité des régimes en place dans certains pays et aussi, plus récemment, La nécessité d’oeuvrer pour ren- au réchauffement climatique qui appauvrit les pays émetteurs –, ainsi que le vieillissement de la popuforcer la cohésion lation européenne.
sociale sous-tend l’ensemble des travaux du Forum depuis sa création.
Ainsi, Jean-Pierre Balduyck estime « qu’en Europe, le racisme progresse et l’accueil des réfugiés devient plus difficile malgré des actions exemplaires. Les ex-
Amiens : un « Espace citoyenneté » Afin de renforcer la notion de service public, la ville d’Amiens a mis en place en 2016 un « Espace citoyenneté » visant à faciliter l’accès aux droits et à répondre aux besoins d’information des habitants, associations, professionnels et institutions en matière de citoyenneté, ou de les orienter vers les structures et services compétents. L’Espace citoyenneté, installé dans des locaux dédiés en ville, assure un service d’accueil, de sensibilisation, d’information et de conseil pour toute personne intéressée par les questions de citoyenneté. Il organise des actions de communication, d’éducation ou de sensibilisation et propose des dépliants d’information. C’est aussi un lieu qui permet de mettre en réseau et de coordonner différents dispositifs de prévention et de partenariat à travers des ateliers ou des conférences sur site ou à l’extérieur.
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clus de notre société sont des proies pour ceux qui exploitent la misère et conduisent à la violence. » C’est pourquoi, dit-il, « l’ambition du Forum européen demeure totalement d’actualité, toujours aussi nécessaire pour la société que nous voulons. » Pour Gilles Mahieu, « la grande difficulté sera de conserver une approche qui met en avant le besoin de cohésion sociale alors que les facteurs d’individuation sociale liés entre autres à l’usage des réseaux sociaux tendent à modifier les modèles sociaux européens (le modèle rhénan par exemple). » En ce qui concerne plus particulièrement l’accueil des réfugiés, l’Efus a pris position à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, notamment au travers des résolutions de son Comité exécutif5, pour d’une part réaffirmer qu’il s’agit d’une question humanitaire et non pas de sécurité et d’autre part appeler l’Europe à appuyer les autorités locales européennes qui se retrouvent à gérer seules des flux migratoires importants, notamment dans les pays méridionaux tels que Malte, l’Italie ou la Grèce. De façon plus large, les membres et collaborateurs de l’Efus voient dans Les membres et l’accroissement des inégalités, qui s’est accéléré depuis la crise éconocollaborateurs de mique de 2008, un danger pour la cohésion sociale – et donc pour la sécurité – et estiment que les collectivités locales devront intensifier leurs l’Efus voient dans l’accroissement des politiques et dispositifs destinés à la renforcer. Ainsi Jesús Solores estime inégalités un danger que « les mairies ont fait beaucoup ces dernières années pour réguler le civisme et la coexistence, qu’il est vital de promouvoir car notre société a pour la cohésion tendance à se fragmenter et à se refermer sur elle-même. C’est pourquoi sociale. il faut créer des liens de collaboration active entre les administrations, l’école, la justice, l’entreprise et les associations citoyennes. » Josep Lahosa renchérit : « Dans les prochaines années, la tendance au conflit sera influencée par l’accroissement de la complexité sociale et culturelle des villes. L’augmen-
5 Résolutions « La prise en charge des migrants doit se faire à l’échelle européenne », 2011, et « L’Efus appelle l’Union européenne à soutenir les collectivités locales dans l’accueil et l’intégration des migrants », 2013.
tation de l’immigration économique, sociale et politique alliée au vieillissement de la population va réduire les niveaux de tolérance et accroître les niveaux d’intransigeance et de xénophobie. Ces aspects se combineront avec la réduction de la capacité de cohésion des structures classiques de socialisation – famille, syndicat, organisations politiques – et cela pourrait mener à un accroissement des tensions dans les villes. » Il exprime ici une préoccupation partagée par une forte majorité, sinon la totalité, des membres du réseau au sujet du vieillissement de la population. Ce phénomène concerne en effet directement les collectivités, qui sont nombreuses à avoir déjà Le vieillissement de la popuadapté leurs services, non seulement pour lation concerne directement renforcer le sentiment de sécurité des seles collectivités, qui sont nom- niors mais aussi pour les encourager à mieux se protéger eux-mêmes (contre les fraudes breuses à avoir déjà adapté par exemple) et à participer à la vie de leur leurs services. communauté. C’est d’ailleurs sur une proposition de la Généralité de Catalogne et de la ville de Matosinhos (Portugal) que l’Efus a mis en place en 2014 un groupe de travail sur ce thème. Celui-ci échange des informations et des pratiques prometteuses et réfléchit aux adaptations nécessaires alors que, selon Eurostat, les plus de 65 ans constitueront 28,7 % de la population de l’UE en 2080, contre 18,9 % en 2016. « Cette évolution démographique doit nous amener à réfléchir l’intergénérationnel de sorte à en faire une richesse, privilégiant de nouvelles formes d’entraide comme le mentorat des plus jeunes par les anciens, et organiser le dialogue entre des groupes qui peuvent avoir des appréhensions et attentes différentes, notamment dans l’espace public, » analyse Elizabeth Johnston.
Saragosse : pionnière dans la prévention des violences faites aux femmes La ville de Saragosse (Espagne) a mis en place au début des années 2000 un plan intégral contre les violences faites aux femmes qui fournit des informations, un soutien psychologique, social et juridique, des soins et un refuge pour les victimes. Il s’inscrit dans le cadre d’un effort de prévention qui comprend des campagnes de sensibilisation, la formation des équipes enseignantes et des interventions en classe auprès des enfants (primaire) et des jeunes (secondaire et enseignement supérieur). Un livre, Educar en Relación (éduquer à la relation) a été publié pour promouvoir les valeurs d’égalité et d’une éducation non sexiste. Le plan prévoit aussi de détecter les situations de violence cachées au travers des Centres municipaux de services sociaux et de la Maison des femmes.
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Construire des villes inclusives
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Face à ces défis qui peuvent paraître insurmontables, notamment parce qu’ils sont le fait de tendances systémiques aux origines multiples que personne ne sait contrôler, que peuvent faire les villes et les réseaux tels que le Forum ? En ce qui concerne le Forum, on peut dire que c’est en fait l’ensemble de ses activités, programmes, prises de position et interventions auprès des villes et des instances nationales et transnatio« Réfléchir à l’innales qui constituent sa réponse. tergénérationnel Un seul mot pourrait résumer à la fois un principe fondateur de l’Efus pour en faire une ri- et la source d’inspiration de toutes ses activités : inclusivité. Ça veut chesse, privilégiant dire quoi ? Pour le Forum, cela signifie considérer que la sécurité est un de nouvelles formes bien commun que les autorités (nationales ou locales) doivent préserd’entraide comme le ver dans le respect des droits de l’homme pour construire des villes où mentorat des jeunes chacun a sa place, quels que soient ses origines, sa culture, son genre ou son âge. Le socle sur lequel appuyer toute politique de sécurité urpar les anciens. » baine doit être la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne6, qui affirme dans son préambule : Un seul mot pourrait résumer « Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se un principe fondateur de l’Efus fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité hu- et la source d’inspiration de maine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le toutes ses activités : inclusivité. principe de la démocratie et le principe de l’État de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice. » Tout est dit ici, à ceci près que le Forum ajouterait que cet espace doit aussi protéger les citoyens qui ne sont pas origi- 6 Voir : http://www. europarl. europa. naires de l’UE mais qui y vivent. eu/charter/pdf/ C’est pourquoi la sécurité, entendue dans cette acception de bien commun dans le respect text_fr.pdf
Des mouvements citoyens sont apparus un peu partout pour réoccuper la place publique de façon différente, horizontale, spontanée, partagée.
des droits de l’homme, ne peut qu’être coproduite par toute la société et non pas laissée seulement aux mains des corps d’État voués au contrôle, à la sanction ou à la répression (quoique dimensions aussi nécessaires). Ces dernières années, des mouvements citoyens sont apparus un peu partout en Europe et sur la planète, aidés par les technologies de communication, pour réoccuper la place publique de façon différente, horizontale, spontanée, partagée. L’une de leurs caractéristiques est qu’ils échangent et agissent au-delà des frontières tout en étant souvent axés sur l’action locale. On peut donc imaginer, espérer, qu’en 2047, lorsque le Forum fêtera ses 60 ans, il sera devenu un espace de dialogue et d’échange qui rassemblera non seulement des autorités locales mais aussi de nombreux mouvements citoyens, vigilants sur le respect des droits de l’homme et directement engagés pour rendre leur ville toujours plus tolérante, paisible, sûre, en un mot inclusive. > Nous souhaitons encourager le débat sur ces thèmes dans la version en ligne de cette publication. N’hésitez pas à apporter votre témoignage et consulter l’intégralité des interviews recueillies pour ce livre sur www.efus.eu/30-years
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Juan Berrio
est un illustrateur et auteur de bandes dessinées espagnol. Il vit à Madrid. Il a collaboré avec de grands médias internationaux tels que Elle, Marie-Claire, et GQ, ainsi qu’avec les plus grands quotidiens espagnols, notamment El País, El Periódico de Catalunya et ABC. Juan Berrio est aussi l’auteur de livres illustrés, à mi-chemin entre roman graphique et bande dessinée, où il relate avec humour et charme des épisodes de la vie quotidienne en ville, en particulier à Madrid. Il a reçu le Prix du roman graphique FNAC- Sins Entido en 2012 et a été finaliste du Prix national de la bande dessinée d’Espagne en 2011. www.juanberrio.es