FORUM EUROPÉEN
Sécucités Villes et Ecole
Programme Daphnée
Sécucités Villes et Ecole, Programme Daphné
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Rédaction: Adélaïde Vanhove, Chef de projet Marie Raynal, Centre National de Documentation Pédagogique (France)
Avec l’étroite collaboration de l’ensemble des partenaires du programme, et le soutien de la Commission Européenne, DG Justice et Affaires Intérieures, Programme Daphné
Nos remerciements vont à toutes les personnes qui, par leur expérience ou leur chaleureux accueil, ont contribué à l’aboutissement de cet ouvrage. Sans la vive participation aux séminaires de nos partenaires: Mme Barbara Grazia, Mme Maria Manni et M. Gianguido Nobili de la Ville de Bologne (Italie); Mme Annick Droal, M. Patrick Ansselin, M. Fathi Benjebria et M. Frédéric Manceau de la Ville d’Evry (France); M. Kalle Koskivirta de la Ville d’Helsinki (Finlande); Mme Anne Keller et M. Karl-Heinz Georg de la Ville de Lübeck (Allemagne); Melle Daida Rodriguez Barrios du Groupement de communes du nord de Tenerife et toute l’équipe de Los Realejos (Iles Canaries, Espagne); M. Francisco Hernandez Diaz de la Ville de Valencia (Espagne); Mme Brigitte Welter, M. Francis Dewez et M. Philippe Bellis de la commune de Saint-Gilles (Belgique) celui-ci n’aurait pas vu le jour. Nous remercions tout aussi vivement Mme Elaine O’Connor et M. James Stearn du Ministère de l’Intérieur britannique; M. Eric Debarbieux, Directeur de l’Observatoire européen de la violence scolaire, M. Raphaël Pena de l’Association Action Collégiens (Paris, France), Mme Michèle Olivain du Syndicat National des Enseignants (France) et M. Samih Chafi de la Maison de la Justice et du Droit de Roubaix (France) pour leur disponibilité et pour la qualité de leurs interventions.
Achevé d’imprimer en mars 2004 Sur les presses de l’imprimerie Pérolle – PARIS N° ISBN: 2-913181-23-6
Traduction du français par Monsieur John Tyler TUTTLE (à l’exception du Projet Lübeck)
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Quand nous parlons de violence à l’école, il nous faut tenir compte que la jeunesse s’accompagne d’une exubérance que l’éducateur s’efforce de discipliner au profit d’une énergie mise au service de l’apprentissage du savoir et de la conduite dans la vie.. Entre cette exubérance et ce qui peut commencer à être qualifié de violence, il y a une frontière ténue difficilement définissable. La violence n’est pas seulement un phénomène psychique et physique, absence de contrôle d’une inhibition qui serait la marque de l’homme civilisé, c’est aussi une construction sociale avec une histoire et des acteurs différents. Ce qui fut considéré comme violent à une époque ne l’est plus aujourd’hui et inversement. Relative dans le temps, la violence l’est aussi dans l’espace, ce qui est violent dans un pays n’est pas ressenti comme tel dans un autre. Notre regard. crée aussi la violence de l’autre dans tous les sens du terme. La violence à l’école est elle un phénomène nouveau ? Certainement pas. Est elle plus grave ? Nous ne savons pas, ne serait-ce qu’en raison de la différence des conditions de vie des jeunes et de la nature des réponses apportées présentement. Notre niveau de tolérance à l’égard de la violence aurait-il baissé ? Pas sûr, si on se réfère à ce que nous tolérons comme violence dans le monde. Mais peut être sommes nous plus facilement intolérant à l’égard de violences à portée de mains ? Peut être aussi sommes nous moins tolérants à l’égard de notre image que nous voyons à travers les enfants ? Le progrès dans notre histoire est que nous en parlons. C’était l’objet principal de ce réseau. Le progrès, c’est que les pratiques mises en œuvre dans les villes vont dans le sens d’un partage entre toute la communauté des adultes, pas seulement celle qui est payée pour éduquer.
Michel Marcus Délégué Général
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Sommaire Sommaire ______________________________________________________________________4 Introduction ____________________________________________________________________5 La Veille Educative ______________________________________________________________8 Huit Exemples De Bonnes Pratiques Locales En Europe _______________________________18 La cellule de veille éducative, Evry (France) ______________________________________19 La médiation à l’école, Bologne (Italie)___________________________________________22 La médiation scolaire communale, Saint-Gilles (Bruxelles) __________________________24 Le dispositif « Action collégiens » de la Ville de Paris, (France) ______________________27 Projet Lübeck: « C’est possible autrement », (Allemagne)___________________________29 Le projet ISIS, Prévention de la violence à caractère sexuel, Groupement de communes du Nord de Tenerife, (Espagne) _______________________________________31 La nouvelle approche du maintien de la paix dans les écoles d’Helsinki (Finlande) ______32 La campagne « Vivre ensemble en ville », Valencia (Espagne) _______________________35 Annexe _______________________________________________________________________37 La Charte des villes éducatrices_________________________________________________37 Glossaire ______________________________________________________________________41
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Introduction Cet ouvrage est avant tout le fruit d’échanges d’expériences et de discussions souvent animées qui ont eu lieu entre des représentants de sept villes européennes -travaillant dans les services Jeunesse, Education, Sécurité et Prévention des mairies-, mais aussi des enseignants, des représentants syndicaux, des médiateurs et des experts, à l’occasion de séminaires de travail organisés, entre les mois de février et d’octobre 2003, par le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine (FESU). Répondant aux objectifs fixés par la Commission européenne dans le cadre du programme Daphné1, cet ouvrage s’inscrit également dans «l’initiative européenne de coopération sur la violence à l’école et la sécurité en milieu scolaire » qui a débuté en 1997 suite aux événements tragiques, largement médiatisés, qui ont eu lieu dans des collèges de Belgique et du Royaume-Uni. Si l’on consulte la presse européenne de ces quinze dernières années, on remarque qu’il existe en fait un engouement des journalistes pour le sujet dès le début de années 90 et la prolifération d’articles à sensation dans certains pays (Royaume-Uni, Allemagne, France, Belgique), portant généralement sur des actes à caractère sexuel ou des actes xénophobes, est presque aussi systématiquement relayé par les gouvernements de ces mêmes pays. Une multitude d’études et de rapports sont financés, des projets sont lancés, des chantiers d’actions sont entamés, mobilisant souvent de gros moyens, des décrets et des lois sont instaurés dans la plupart des pays: tout cela afin de mieux prévenir ou de tenter d’éradiquer un mal particulièrement gênant dans des pays du vieux continent où, jusque là, l’école faisait plutôt la fierté de ses dirigeants, et où les parents pouvaient encore se réjouir d’un système d’instruction et d’éducation tenant bon depuis plusieurs générations, préparant de manière sérieuse leurs enfants à « la vie active » tout en faisant d’eux de bons citoyens. Thème central du débat public vers la fin des années 90, aussi bien en France qu’au RoyaumeUni, « la violence à l’école » (« violence in schools ») est pratiquement devenue une expression idiomatique du langage. Mais de quelle violence parle-t-on ? S’agit-il vraiment d’une violence propre à l’école ? L’école de nos parents inspirerait-elle aujourd’hui plus les élèves à se battre qu’à s’instruire ? Les cours de récréation ou les salles de classe seraient-elles les arènes du XXIème siècle ? A en lire certains journaux, s’appuyant abondamment sur le récit d’enseignants découragés ou révoltés de se voir transformer en gendarmes et quelquefois même agressés par leurs élèves, on pourrait finir par y croire. Mais en se penchant sur la question avec des yeux de sociologue, il apparaît évident que ce que l’on appelle un peu partout en Europe et ailleurs « violence à l’école » ou même « violence scolaire », désignant le plus souvent des actes d’incivilités tels que racket, 1 Le programme Daphné (2000-2003) est un programme d’action communautaire destiné à soutenir des mesures préventives pour lutter contre la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes. Les objectifs spécifiques de ce programme peuvent être consultés sur le site de la Commission européenne, DG Justice et Affaires intérieures: http://europa.eu.int.
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harcèlement, injures ou dégradations du matériel, n’est que le prolongement ou plutôt la répétition de comportements de certains jeunes ou de bandes de jeunes qui adviennent en dehors de l’école et dont les causes sont multiples. Certes l’école peut amplifier ces comportements dans la mesure où tous les jeunes s’y retrouvent, faibles et forts, bons et mauvais élèves, plus riches et plus pauvres; qu’elle est souvent un lieu de compétition, où tout adolescent que l’on est avec ses doutes et ses angoisses existentielles et identitaires, il faut s’affirmer et si possible se faire remarquer, surtout devant l’autre sexe; mais les problèmes que l’on y trouve ne peuvent en aucun cas être imputés à l’école elle seule et doivent donc être traités de manière globale. Règlements de compte entre bandes de quartier, violences internes à la famille, sentiment de solitude, d’injustice ou d’exclusion par rapport à son appartenance sociale, religieuse ou à ses origines ethniques, réaction à une stigmatisation de son identité largement renforcée par les médias, influence de films d’actions, de jeux vidéo, aménagement urbain dégradé, absence de liens sociaux, de solidarité entre les habitants d’un même quartier…tous ces phénomènes (dont il faut rappeler le caractère naturel de certains d’entre eux ou leur origine historique lointaine: les sentiments de haine, de vengeance, de justice de corps à corps, les rivalités entre bandes de « quartiers »…) sont à prendre en compte pour prévenir et réparer le malaise des jeunes que l’on retrouve dans l’école et qui a des incidences quelquefois graves sur leur parcours scolaire. Penser globalement pour agir localement, sur le territoire dans lequel s’inscrit l’école, c’est-àdire la ville; répondre à la violence non par la violence mais par la compréhension et par la communication (avec les jeunes mais aussi entre adultes): tel est, à notre avis, une attitude responsable, juste et démocratique pour répondre à un phénomène présent dans la plupart des villes européennes où une partie de la jeunesse et donc de l’avenir de ces villes, en perte de repères, d’identité et de valeurs morales, traverse une crise profonde. Bon nombre de villes européennes n’ont cependant pas attendu dix années pour s’intéresser et réagir à ce phénomène et des expériences intéressantes, souvent pour sensibiliser les élèves à la question de la violence ou les inciter à adopter des comportements pacifiques et respectueux envers leurs camarades et leurs professeurs, ont ainsi été menées par les autorités locales de plusieurs villes d’Europe, dès la fin des années 80. Afin de mettre en synergie toutes ces actions et de mutualiser les expériences de prévention de la violence à une échelle locale, le Forum européen pour la Sécurité Urbaine crée en 1997, sur la base d’un site internet interactif, le « Réseau européen 40 villes - 40 écoles ». Aujourd’hui, face à une agressivité grandissante dans certains quartiers et établissements scolaires de leurs villes qu’ils n’arrivent quelquefois plus à maîtriser, les responsables politiques, les techniciens municipaux en charge des questions d’éducation, de sécurité ou de jeunesse tout comme les enseignants, les travailleurs sociaux ou encore les parents d’élèves sont plus que jamais à la recherche de solutions, d’idées nouvelles, pour endiguer un phénomène qui touche l’ensemble de la communauté ou pour prévenir ce phénomène qu’ils observent chez leurs voisins. L’objectif du programme « Sécucités Ville et école » que nous avons démarré fin 2002 était de permettre à sept villes d’Europe (aussi différentes par leur culture que Tenerife, Evry et Helsinki), d’échanger leurs expériences et de réfléchir ensemble aux différents moyens d’optimiser des actions en concertation avec l’ensemble des acteurs locaux concernés.
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Les trois rencontres qui ont eu lieu entre ces villes au cours de l’année 2003, et auxquelles ont aussi participé des spécialistes de la question exerçant des fonctions au sein d’institutions nationales de leur pays, ont pu mettre en évidence l’importance d’un travail en partenariat avec l’ensemble des acteurs suivants: -
les autorités politiques locales qu’ils soient élus ou techniciens des services d’éducation, de jeunesse, de sécurité et de prévention, de médiation, de justice ou encore d’actions culturelles et sociales; la communauté scolaire dans son ensemble, les élèves eux-mêmes, les enseignants et leurs représentants ainsi que tout le personnel non enseignant présent dans les établissements (surveillants et employés des services sociaux et médicaux); les autorités régionales et nationales concernées par les questions d’éducation et de bien-être des jeunes à l’école, et plus généralement en milieu urbain; le secteur associatif et la société civile (associations et organisations nongouvernementales socio-culturelles, éducatives, de réinsertion, de mentoring, de médiation, de parents d’élèves ou d’anciens élèves…).
Si le travail transversal entre ces différents secteurs permet de mobiliser des connaissances, des personnes et des sources de financement considérables, il n’est pas toujours facile pour les acteurs de se comprendre, de partager l’information, de sortir de son strict champ d’intervention. De plus, il est important de tenir compte de la spécificité de chaque situation et de ses causes afin, non seulement pour définir précisément les acteurs qui auront le plus de compétences pour agir mais également pour éviter de régler le problème en bloc en considérant de la même façon tous les jeunes, d’une même bande par exemple. Aussi, le repérage et l’identification des auteurs de violence, des chefs de bandes, des leaders…, qui précède la prévention, doit-il être aussi précis que possible pour assurer un suivi adapté au cas de chacun. Les partenaires ont souligné ces différents points et insisté sur la nécessité de recevoir une formation complémentaire adaptée à ce type de projet. Enfin, la diversité et la complémentarité des expériences qui ont été présentées au cours de ce programme, et que nous avons tenu à intégrer à cet ouvrage, ne fait que confirmer l’importance et l’intérêt de l’échange de pratiques entre les villes européennes.
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1 La Veille Educative par Marie Raynal, Directrice du Département « Ville et Education » au Centre National de Documentation Pédagogique, France
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Eduquer pour ne pas avoir à réparer Et si on revenait en arrière, en amont, avant ? Avant que le mal soit fait, que la violence soit installée ? Si on se refaisait une sorte de virginité pour penser une fois encore la question de la prévention de la violence ? Ou plus exactement si nous refusions justement de parler de violence pour seulement considérer l’acte d’éduquer avant même que la question de la prévention ne se pose? Cela nécessite d’enclencher un véritable changement de posture: éduquer pour ne pas avoir à réparer. Car nous pourrons retourner la question de la violence dans tous les sens, nous serons toujours ramenés au point de départ, c’est-à-dire à l’éducation des enfants et à notre obligation de resserrer les rangs des adultes sur cet enjeu. Et puis nous parlons de jeunesse, d’apprentissage, donc d’un avant, sinon d’un début. On refusera aussi la conduite automatique vers l’école, car la projection spatiale sur l’école masque les enjeux réels qui débordent de toute part la question scolaire. On peut faire aveu d’impuissance. On peut avouer qu’on ne sait pas comment s’y prendre pour encadrer la jeunesse. On peut éparpiller les enfants pour se débarrasser du problème. On peut jouer les loups garous pour faire semblant de faire peur. Mais on peut aussi regarder la réalité en face, refuser la stratégie du remède ou de l’après-coup et prendre des mesures éducatives très efficaces qui projettent les jeunes vers l’espoir plutôt que de viser à les enfermer. Nos sociétés décrivent, mettent en chiffres, et dénoncent la violence des jeunes à l’école ou en dehors de l’école. Ce sujet récurrent, jamais épuisé et d’une efficacité médiatique rare, suscite des réactions très vives, parfois disproportionnées, qui retombent jusqu’à la prochaine flambée, mais laissent à tous un goût amer, celui de l’impuissance à endiguer à la fois ce déchaînement de passion et sa cause. La violence existe et il ne s’agit pas de nier l’importance des événements, souvent graves, qui provoquent cette tempête de l’opinion, même si la voie est étroite entre une possible exagération des faits et une sous-estimation de ceux-ci. Le traitement de ces phénomènes en termes de sécurité publique est indispensable car il est de la responsabilité des gouvernants d’assurer la tranquillité publique. Mais pourquoi sommes-nous à ce point contaminés, intoxiqués par le flot ininterrompu d’une doxa de la violence ? On peut s’interroger sur la manie contemporaine à ne parler que de ça, à ne pas respecter la juste part entre violence et générosité, entre brutalité et amour, entre intérêt mesquin et propension au don. Car le discours alarmiste n’est pas plus légitime que celui de la confiance, et dans l’état actuel des sciences humaines, sans s’appuyer sur des considérations d’ordre moral ni pécher par naïveté, nous savons que les relations humaines se jouent dans des interactions complexes qui font alterner énergie vitale et visées mortifères. Les théories rapportées par Mauss indiquent précisément que les hommes sont mus par des contradictions et tout autant mobilisés par la bonté que par la cruauté et l’individualisme. Nous constatons pourtant que se propagent sur les ondes l’unique et immense vague des violences de toutes sortes, seulement entrecoupée de temps en temps de courtes mièvreries destinées sans doute à mieux nous faire digérer l’horreur. Non contents de vivre la violence, il nous faut encore la voir et la revoir sur l’écran plat quotidien comme pour s’en repaître, s’en imbiber. Mithridatisés de force nous capitulons et la violence nous réunit même et surtout lorsqu’on parle de la jeunesse. Rappelons-nous la légende de Mithridate VI, dit le Grand, qui vécut un siècle AJC. Après une enfance malheureuse, préoccupé surtout par une peur obsessionnelle d’être assassiné, il ingère tous les jours de petites doses de chacun des poisons qu’il redoute afin de s’immuniser. En dehors du fait que nous sommes à l’aube de l’homéopathie, nous devons
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relever l’extrême intérêt de ce que nous enseigne cette légende. Nous sommes bien, comme ce roi ancien, dans une période de peur et condamnés à l’exorciser. Nous sommes confrontés en effet à des bouleversements civilisationnels qui, sous le nom de progrès, promeuvent une concurrence économique violente, une compétition forcenée, la vitesse et le changement comme modes de vie et la mise en pièce progressive des principaux freins ou résistances traditionnels. Cette peur, et l’insécurité qui en découle, devient chronique, ravage les idéaux, les espoirs et ruine la confiance envers toute forme de résolution politique. Désormais incapables d’envisager la société d’un autre regard, comme consentants à un malheur rabâché, nous devenons immuno-résistants. Mais toujours plus de poison ne protège pas de la peur et, en matière d’éducation, il serait sage de ne pas transférer notre anxiété collective sur les enfants au risque de finir par en avoir peur et de leur en faire porter le poids. Cette question interpelle le politique, les politiques, tous les acteurs éducatifs et tous les citoyens. Elle oblige à ouvrir les yeux, à s’interroger sur l’attitude des adultes à l’égard des jeunes et à envisager les réajustements nécessaires pour penser la place des enfants dans la société, pour envisager une éducation plus humaine qui leur évitera la spirale qui mène, dans un enchaînement fatal, de la souffrance à la violence. Il est donc bien nécessaire d’essayer un nettoyage de la pensée et prendre les choses à la racine pour refuser le creuset des répétitions malfaisantes. Cela risque de nous procurer quelques surprises et de nous rendre en quelque sorte à nous-mêmes pour nous faciliter un jugement neuf. Remontons le fil de nos exigences et reprenons un raisonnement sur des bases vivantes, indispensables pour penser l’éducation et l’instruction des enfants. Et comme ils ne naissent pas tout à fait délinquants, il nous est aisé de ne pas partir immédiatement du présupposé de leur violence potentielle afin d’envisager comment nous pouvons agir de façon non pas préventive mais tout simplement éducative, pour que les enfants qui naissent aujourd’hui vivent une existence paisible. Pour se décontaminer de quelques maladies. Selon une dérive qui a désormais imprégné la société, on agit le plus généralement lorsque la violence est déjà là. Une métaphore simple peut illustrer notre propos. Imaginez un vase très fragile. Il est beau, neuf et vous y tenez beaucoup. Seulement voilà, vous n’en prenez pas soin et le vase se casse. Vous êtes navré, vous vous en voulez, vous reprochez votre négligence, vous détestez cet acte manqué, vous ruminez votre tristesse. Mais bon, ce n’est pas grave. Il existe de la très bonne colle, transparente, chère certes, mais solide. Alors vous collez les bris ramassés et faites mine que le vase est le même. Nous sommes experts pour réparer ce que nous négligeons mais très insuffisamment préoccupés de prévenir la casse. La négligence éducative à l’égard des enfants est inimaginable. Nous inventons à grand renfort d’experts, de recherches, de diagnostics, des solutions à des maux que nous provoquons. Avant tout soucieux des remèdes qui nous rassurent sur nos inconséquences, nous en oublions l’essentiel à savoir que la maladie n’est pas inexorable. Prenons un exemple parmi d’autres car de nombreux autres clignotants sont au rouge dans une Europe qui vieillit. Considérons l’espace public, dans les villes particulièrement. Il n’est pas fait pour les enfants: quelques bacs à sable, et puis pfutt ! il faut que les enfants disparaissent. Ils sont en quelque sorte « provisoires »… C’est comme si l’enfance n’était pas une période vraie, comme si les enfants vivaient, parce qu’ils sont des adultes en devenir, dans une sorte
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d’espace/temps inexistant. Qu’ils se dépêchent un peu de grandir et le tour sera joué. Pas besoin d’installer du durable entre les deux temps. C’est ainsi que l’organisation sociale en dehors de l’école, ne prévoit rien, pas grand chose, et de toute façon pas assez. Pensons seulement à l’architecture, à l’urbanisme, aux maisons de jeunes, aux crèches, etc. Les espaces sont-ils en nombre suffisants, accueillants, adaptés ? Et pourtant cette partie de la vie qu’on appelle la jeunesse s’allonge, prend de l’importance en raison de la durée accrue de la vie en général et de la démocratisation des études. C’est une sorte de génération intermédiaire qui est venue s’installer avant l’âge adulte. Dans une période très récente, l’adolescence était réduite à la portion congrue. Désormais la génération des 15-30 ans domine. Nous sommes donc en fort déséquilibre. Les enfants et les jeunes dérangeraient-ils ? Personne n’oserait dire ça. On affiche même le contraire: on les aime, ils sont notre avenir, etc. Mais à y regarder de plus près on constate le contraire. Nos sociétés ne sont pas très hospitalières envers les enfants. Elles sont calquées sur le mode de vie des adultes, leurs soucis, leur travail, les mauvais réglages dans les transports et, encore à notre époque soit disant moderne, entre les vies des femmes et celle des hommes. Les enfants, en bout de chaîne, suivent au rythme qu’on leur impose: levés tôt, couchés tard, vite vite, gardés par qui on peut, avec le flot de mauvaise conscience, de culpabilité et de tristesse qui souvent va avec. La vie quotidienne des enfants est réglée sur celle des adultes qui n’est pas un modèle d’épanouissement. Et le temps scolaire dans tout ça ? Eh bien, il est totalement calé sur celui des adultes. Pourquoi un enfant de 6 ans va-t-il le même nombre d’heures à l’école qu’un collégien ? Pourquoi les élèves restent-ils 6 heures d’affilée en classe et en moyenne 8 heures par jour dans les locaux scolaires ? Parce que les parents ne sont pas chez eux. Et que dire des tout petits ? Que dire de la scolarisation à deux ans: moyen de garde supplémentaire à moindre coût ou réel besoin des enfants ? Les horaires scolaires sont fixés non pas de façon pédagogique mais sur les horaires des entreprises. Et en France, depuis les 35 heures ils n’ont pas diminué… De la construction de l’équilibre des enfants dépend celui de notre société. On parle d’enfants agités, incapables de se concentrer. Ils sont punis à l’école, à la maison parce qu’ils ne tiennent pas en place mais ils font surtout les frais de notre propre agitation. La liste de nos négligences serait longue et chacun, que ce soit dans sa vie professionnelle ou privée, pourra réfléchir aux siennes. Car quelle place, quelle attention, consentons-nous à donner aux générations nouvelles ? Comment comptons-nous éduquer les enfants pour mettre en harmonie nos discours d’amour avec nos actes, et ne pas leur faire payer le prix de nos incuries ? La sécurité éducative Dans la plupart des cas et heureusement, les enfants qui éprouvent des difficultés scolaires sont suivis, et après la période de turbulence adolescente, retrouvent un parcours de réussite. Dans certaines familles plus aisées, c’est même l’occasion de voyages, de stages valorisants ou bien les parents payent assez cher des instituts privés, ce qui va donner le temps nécessaire pour gérer la crise. Le jeune sort alors par le haut de sa difficulté à s’intégrer à un cursus ordinaire. Hélas, c’est presque une platitude de répéter que tous les enfants ne sont pas égaux devant les difficultés qu’ils peuvent éprouver et de dures inégalités se creusent entre eux contre lesquelles nos démocraties ont du mal à lutter. Deux poids, deux mesures. Dans
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les quartiers populaires l’échec est en quelque sorte interdit. Il provoque une inflation de difficultés impossibles à endiguer. Les solutions semblent inimaginables et les conséquences sont celles que l’on connaît. L’échec de ces enfants pèse lourd sur leur vie et surdétermine négativement leur avenir. Il pèse lourd aussi sur l’image de la ville, fortement marquée par la symbolique tragique du ghetto. Il pèse lourd enfin sur la sécurité de tous. L’étude des parcours de ces jeunes montre que c’est parfois après une longue galère de plusieurs années qu’épuisés ils parviennent enfin à retrouver un cap, non sans séquelles évidemment. Les chercheurs démontrent que les inégalités sont cumulatives dès l'école maternelle et sont renforcées par des stratégies de choix des familles. De façon générale, les élèves réussissent d'autant mieux qu'ils sont issus d'un milieu favorisé. D’autre part, toutes les études sur les violences scolaires montrent la corrélation avec l’échec et le regroupement des élèves les plus faibles dans des classes particulières. Les chiffres varient selon les pays mais nul n’évite l’échec scolaire. En France, chaque année, qu’ils soient décrocheurs, non scolarisés, ou sans aucune qualification à 16 ans, 60 000 enfants sont en situation de rupture scolaire et sociale. Cela représente 8,5 % d’une classe d’âge. C’est un ratio faible et que nous n’avons cessé de faire diminuer. Mais chacun peut comprendre que c’est un nombre tout à fait insupportable, pour eux, comme pour l’éducation dans un pays moderne. Nous avons atteint un seuil audelà duquel nous ne parvenons pas à progresser parce qu’on ne peut pas tout demander à l’école. Ces enfants nécessitent qu’on s’occupe d’eux de façon différente, en fonction de leur difficulté particulière. Ils sortent de l’école avec le sentiment atroce d’être hors jeu, rejetés, incompris et profondément malheureux, même s’ils dissimulent leur angoisse, même s’ils paraissent parfois provoquer l’échec, même si souvent leur violence déborde. Chaque année, des milliers d’enfants se mettent eux-mêmes en situation d’exclusion, entrent dans la délinquance et deviennent des « hors la loi précoces » faute de trouver toute leur place dans la société. Ils vivent dans les deux cas une situation de grande détresse psychologique qu’on a tendance à sous-estimer, car le plus souvent ils n’en parlent pas. Aucune prise sur l’avenir, un trou noir en guise de lendemain: qui accepterait une telle injustice ? Qui peut tolérer un tel gaspillage d’intelligence ? La scolarité obligatoire n’a pas permis à tous les enfants d’accéder à la réussite, et, trop souvent l’école a reproduit les clivages observés dans la société entre riches et pauvres, entre intellectuels et manuels. La résignation n’est pas envisageable. On ne peut pas admettre que certains soient laissés pour compte et qu’ils aient déjà perdu la partie avant de l’avoir commencée. La notion d’échec scolaire est à rebours même de l’idée d’éducation, dont le rôle premier est d’ouvrir au monde. On comprend mieux ensuite les violences consécutives aux humiliations répétées: violences contre soi (dépression ou suicide) et/ou violences contre les autres (vandalismes, agressions). Mettre en lumière la violence cachée qu’elle soit celle que subissent les jeunes ou celle qu’ils commettent, c’est révéler des vérités crues, par exemple que l’école démocratique se cherche, que l’école de masse fait saillir les inégalités, et que la violence des uns est le résultat d’une violence larvée bien plus cruelle, celle qui consiste à enfoncer dans l’échec des enfants à qui l’on demande de savoir ce qu’ils sont venus apprendre. Cet état de faits est renforcé par le modèle dominant, familles et enseignants réunis, qui organise le temps de l’apprentissage comme une course poursuite. Elle se résume souvent ainsi: être le premier, plus vite que les autres et sans s’occuper des autres. La mise en concurrence se fonde sur l’éjection des plus faibles et des plus pauvres, comme si la valeur de l’homme était mesurée à l’aune de sa puissance et de sa combativité, comme si
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l’intelligence n’était à prendre en compte qu’après un combat symbolique ou réel pour s’imposer à tout prix. Par exemple, de très nombreux enfants apprennent mal à lire quand ils sont petits parce que passer au langage écrit nécessite des compétences extrêmement complexes de même qu’un état psychologique serein. Nous ne savons pas d’ailleurs très précisément comment cet apprentissage fonctionne mais, à défaut de prendre toutes les précautions et tout le temps nécessaires, nous faisons souvent porter aux enfants la responsabilité de l’échec. Les conséquences ensuite requièrent de très coûteuses remédiations. C’est pourquoi il faudrait peut-être instaurer ailleurs que sur les routes une limitation de la vitesse. Le modèle de l’accélération n’est pas celui des apprentissages et de l’intelligence. Les enfants qui naissent aujourd’hui vivront 100 ans, nous devrions tout simplement dans un souci humaniste laisser à chacun le temps d’apprendre à son rythme. Cela réduirait le sentiment d’échec et la violence, limiterait l’angoisse collective, atténuerait les culpabilités. Il faut donc renverser la logique de l’échec qui installe un grand nombre d’enfants et d’adolescents en situation de pluri-exclusion et, au-delà de la réussite scolaire, encourager l’insertion, c’est-à-dire prendre en compte toutes les compétences des jeunes qui ne sont pas que des élèves. La fin de la scolarité ne doit pas être la fin d’un parcours mais le début d’un autre, différent, mais tout aussi riche. Les apprentissages, l’accès aux savoirs fondamentaux, à la culture, que l’école se doit de donner à tous les jeunes, ne sauraient être le seul recours. Il s’agit de mettre l’accent sur l’insertion dans le monde professionnel avec l’aide des entreprises et de participer plus généralement à la formation du citoyen. C’est ce que propose, par exemple, les écoles de la deuxième chance qui tissent le lien entre les entreprises et la formation professionnelle. Il semble donc qu’on doive désormais réfléchir à l’organisation, au-delà de l’obligation scolaire, d’une continuité éducative. La barrière des 16 ans, qui ne touche que les plus pauvres et les adolescents en souffrance, devrait être effacée. Si l’école n’est plus obligatoire, l’éducation en revanche doit le rester. Des dispositifs très divers existent, mais il manque souvent des lieux. Trop de jeunes restent dehors. Dans certains sites, on réfléchit à la création ou à l’adaptation de structures existantes, pour que, quand le parcours scolaire s’est interrompu, le parcours éducatif se poursuive et que tous les jeunes trouvent le chemin de la réussite. La continuité éducative est également nécessaire entre les différents lieux d’éducation, de culture et de loisirs des jeunes. Dans l’école, les stades, les bibliothèques, les centres de loisirs, on doit réfléchir aux enjeux communs, on doit construire des projets éducatifs concertés. On ne peut pas repenser l’éducation des enfants, leur santé, leur protection, sans repenser la ville. Les programmes urbains devraient y contribuer car ce ne sont nullement des projets de pierre, mais des projets humains, au cœur desquels la sécurité et la qualité de vie des habitants doivent prendre toute leur part. La sécurité commence par là: rassurer chacun sur la place qu’il peut occuper dans la société et sur une réussite possible. L’éducation est la meilleure des sécurités. Elle est le fondement même des systèmes de protection dont nous avons tous besoin. L’éducation au sens large
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L’éducation concerne tout le monde. Ce n’est pas la propriété privée de l’école à qui on demande trop, tout et son contraire. La charge est trop forte pour cette seule institution. Il faut donc organiser l’éducation avec tous ceux qui en ont la charge, et cesser de faire comme si l’école répondait à tous les besoins. Nous devons faire converger actions et initiatives pour organiser une responsabilité partagée de l’éducation. Enseignants, parents, soignants, policiers, associations, éducateurs, magistrats, élus, tous les services de l’état avec tous les habitants, doivent contribuer à refonder l’Education au sens large, pour former tous les enfants. Cela commence par une meilleure implication des parents et des familles, le respect de leur autorité et le cas échéant l’organisation d’une aide à la parentalité car être parent n’est pas une donnée naturelle. Les rencontres entre parents et enseignants se passent encore trop souvent dans un couloir ou dans une salle de classe, dans une relation duelle et parfois conflictuelle, puisque les parents sont en général « convoqués » quand, et seulement quand, il y a problème, pour s’entendre dire que la réussite de leur enfant dépend de leur capacité à le faire travailler, ce qui les culpabilise, sans qu’ils aient les moyens de sortir de l’impuissance. Comment en effet pourraient-ils réussir dans cette tâche, eux qui parfois ont eu des relations difficiles avec l’école ou tout au moins en comprennent mal le fonctionnement, alors que les enseignants, dont c’est le métier et la responsabilité, ont échoué ? Comme cela se fait déjà dans certaines villes, la création d’un espace ouvert aux parents leur permet de se rencontrer, de confronter leurs difficultés, d’échanger leur désarroi et parfois leur souffrance, de s’informer réciproquement, et par ailleurs de rencontrer les enseignants dans de meilleures conditions. Lieu d’écoute et de parole, et donc de connaissance mutuelle, il a toute chance d’apaiser les relations entre les enseignants et les parents, débarrassant celles-ci des accusations réciproques habituelles. Dans ce lieu peuvent être également organisées, en lien avec les fédérations de parents d’élèves, des informations et formations facilitant la participation des parents aux conseils d’école ou d’établissement. L’éducation pour devenir l’affaire de tous doit s’organiser localement autour de projets éducatifs locaux, gages d’une façon nouvelle et plus efficace de penser l’éducation des enfants impliquant tous les acteurs. C’est ce qui se fait par exemple dans le réseau des villes éducatrices. (voir en annexe) En passant d’une logique centrée sur l’école à une autre qui affirme le territoire tout entier comme porteur d’éducation, de nouvelles responsabilités plus collectives se dessinent et l’école n’est plus la seule qui soit sommée de rendre des comptes. Tout l’enjeu de l’élaboration collective d’un projet éducatif est, en sortant des accusations réciproques, de permettre à chacun de trouver sa place, selon ses compétences, mais avec la capacité d’évoluer en fonction de cette vision d’ensemble, y compris dans ses pratiques professionnelles. Certaines décisions relèvent de l’Etat, d’autres de la volonté politique des élus locaux, d’autres encore de l’engagement personnel des citoyens. Ce qui est en jeu à travers cette cohérence retrouvée, c’est le retour de la confiance. C’est faire en sorte que les parents croient en l’école, que les acteurs se sentent renforcés dans leur capacité commune d’agir, c’est en même temps tenter de réconcilier les jeunes avec leur propre réussite. Les projets éducatifs ne réussissent que s’ils s’articulent étroitement avec les projets des municipalités, et inversement si on organise la nécessaire complémentarité de toutes politiques publiques: famille, justice, aménagement urbain et du territoire, petite enfance, santé, urbanisme, architecture, logement, transports, emploi, etc. Car, dans le domaine éducatif, s’il n’y a pas attaque sur plusieurs fronts, tous les efforts risquent d’être vains, pire,
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de conduire au découragement. Cette démarche est l’occasion, en sortant des stéréotypes habituels, d’engager un processus de transformation qui fasse évoluer, dans un même mouvement, la ville et l’école. Elle a l’ambition d’affirmer le territoire comme lieu d’excellence et d’innovation, dans et à l’extérieur des établissements scolaires, au sein d’une ville éducatrice qui souhaite transformer l’espace urbain en un véritable espace éducatif. Elle peut dessiner un visage urbain inspiré par une nouvelle façon de penser la place des jeunes dans la cité. Il s’agit donc d’équilibrer les forces en présence pour organiser un développement éducatif harmonieux. Cela conduit à établir des dialogues de professionnels et à redéfinir les tâches des uns et des autres dans le sens d’une meilleure efficacité, afin de développer le réseau d’adultes dont des enfants ont besoin pour mieux apprendre et pour mieux vivre. C’est à ce prix qu’on peut tendre vers une société éducative.
Veille éducative On dit familièrement que les jeunes «tiennent les murs » des cités, mais on devrait inverser l’ordre des mots et affirmer que c’est la cité qui doit tenir les jeunes. Prévenir la violence passe par de tels basculements car les mots ont un sens et façonne nos actes. Le mot « veille » est beau et plus encore lorsqu’il est accolé au mot éducation. Entre surveillance et bienveillance, il évoque à la fois deux choses indispensables à l’éducation d’un enfant: l’autorité et l’amour. Dans la vie quotidienne des familles, et sans interruption aucune, lorsqu’il y a des d’enfants, chaque adulte, bien qu’occupé à d’autres tâches, veille sans le dire. Cela va de soi. Il est dans une sorte de « tension douce » toujours maintenue qui prévient l’accident. Prenons un exemple. A la plage, l’été, adultes et enfants partagent des moments de loisir et de plaisir. Chacun se baigne, discute, bronze et la détente est totale. Mais, les adultes veillent toujours, ils ont un œil sur les enfants, ils organisent sans le dire la vigilance. Ils tendent un fil invisible et tranquille entre eux et les enfants. C’est ce qui manque le plus pour certains. Ils traversent les institutions et les lieux, mais il n’y a pas autour d’eux la coalition suffisamment constante pour qu’ils soient à la fois en sécurité et qu’ils puissent réussir. La veille éducative consiste donc à rétablir cette vigilance oubliée. Pour être très concret, tous ceux qui sont décrocheurs ou décrochés manquent cruellement de trois choses indispensables pour « grandir droit ». Ils ont besoin d’un lieu d’accueil. Le simple bon sens veut que la rue ne soit pas un lieu éducatif. Les enfants méritent mieux que des stations prolongées dans les halls d’immeubles. Ils ont besoin d’un emploi du temps qui structure leur quotidien, pour de se lever le matin, pour avoir des choses à faire. Ils ont enfin besoin d’un projet. La veille éducative est une forme nouvelle de travail collégial qui permet de croiser les logiques institutionnelles et professionnelles, qui met les gens ensemble, resserre les rangs des adultes-éducateurs autour des jeunes en difficulté. La réponse aux problèmes est organisée au niveau des quartiers avec les gens des quartiers, qui connaissent les enfants, qui connaissent la ville, qui savent quels sont les besoins. C’est donc le maire qui est le porteur et le garant de la démarche de veille éducative comme c’est lui qui organise le projet éducatif local. La veille éducative anticipe sur les situations d’échec et instaure une continuité, même et surtout lorsque le parcours scolaire est interrompu. Il s’agit bien sûr de tout entreprendre pour une réinsertion scolaire, mais lorsque cela n’est pas souhaité ou possible, de construire pour chaque jeune un parcours individuel. Des cellules de veille éducative sont mises en place dans
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chaque ville, animées par un coordonnateur, dans le cadre des structures ou des dispositifs qui existent déjà dans la ville et qui paraissent le mieux adaptés. Elle s’appuie sur les compétences des différents partenaires de l’action éducative: parents, enseignants, assistantes sociales, médecins, mais aussi associations et élus, en les mettant en réseau, sans qu’il y ait toutefois confusion entre les responsabilités et les rôles de chacun. Les coordonnateurs organisent la réunion des acteurs éducatifs, intervenants sociaux, professionnels de l’insertion, de la santé et les élus. Ils repèrent les jeunes en rupture ou en voie de rupture scolaire. Il est parfois nécessaire de créer des structures éducatives complémentaires car certains enfants sont inadaptés au système scolaire et doivent bénéficier provisoirement de lieux polyfonctionnels: à la fois école, maison de jeune, centre de soin, mission locale, ces lieux existent déjà mais en trop petit nombre. Prenons des exemples concrets. • Le cas d’un enfant de 14 ans absentéiste notoire depuis des mois. La cellule de veille éducative a reçu mission de faire le lien entre l’école, l’assistante sociale et les parents. Elle doit soulager le collège du suivi terriblement contraignant et aider à résoudre la situation. •Le cas d’un enfant de 15 ans exclu de son collège pour 8 jours. Au lieu de rester chez lui ou dehors à parader devant ses copains, en lien avec ses parents, et dans le cadre des accords qui auront été passés entre l’école et les élus, il va être pris en charge. Une association reçoit mission de donner à cet élève des tâches scolaires ou civiques à accomplir. •Le cas d’un adolescent de 16 ans et demi qui, à l’issue de la classe de 3ème, a été orienté vers un lycée professionnel. Il ne s’y est pas présenté. Le lycée se met en relation avec la cellule de veille éducative dès la rentrée pour s’enquérir de son sort. Cette dernière prend contact avec sa famille par le biais d’un adulte relais et va prendre la situation en charge. •Un jeune de 17 ans a perdu son travail. L’éducateur de rue l’adresse à la mission locale et à la cellule de veille qui chercheront à la fois un autre contrat de travail mais lui proposeront également une activité temporaire dans un des lieux prévus à cet effet dans la ville pour ne pas rester oisif. Protéger les enfants, un par un, est une lourde tâche. C’est pourtant la seule solution, car l’individu résiste toujours et le traitement général des difficultés éducatives du haut de l’Etat à coups de dispositifs magiques, est un leurre. Conclusion Lutter contre les violences à l’école et en dehors de l’école demande donc d’abord de renverser la logique habituelle qui, nous l’avons dit, résulte trop souvent d’un fatalisme de l’échec. La prévention mérite de retrouver son sens originel, marqué par une générosité et une bienveillance envers les enfants. En somme, elle consiste à faire le pari de leur éducabilité et à imaginer constamment des chemins de réussite. Elle se résume à une promesse à faire aux jeunes pour qu’ils puissent trouver la force de se projeter dans l’avenir. L’éducation au sens large du terme, dépassant le seul domaine scolaire, devrait donc devenir partout une vraie priorité. Cette priorité-là coûte cher, il est vrai, mais nous épargnerait beaucoup de maux en réparation et en prisons. Et puis, même quand ils ont franchi la ligne jaune des interdits, les enfants ont encore droit à tous les égards, à toutes les attentions, à toutes les chances. Il s’agit de donner le mieux,
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surtout à ceux qui manquent de tout, pour qu’ils aient simplement la même chose que tous les autres: réconfort, bienveillance, protection, attention constante, éducation exigeante et sécurité. C’est à ce prix qu’on leur permettra de renouer avec le goût de la connaissance, de ranimer la force de vie présente en chacun d’entre eux. Car la violence, dont nous savons tous qu’elle fait partie de la vie, doit pouvoir être canalisée à des fins constructives. La culture, « qui donne forme à l’esprit », selon la formule de Jérôme Bruner, permet la symbolisation et l’expression possible des pulsions violentes en les transformant en pulsion vitale. Cela nécessite de suivre quelques axes de travail assez simples: - résister résolument à la pression de la seule actualité et engager un travail au long cours. Le temps de l’éducation est long, toujours; - lever la pression stigmatisante sur les jeunes et donc combattre avec efficacité nombre de préjugés; - réfléchir à une organisation urbaine qui prévoit une place, c’est-à-dire des lieux, pour les jeunes dans l’espace public; -développer les occasions et les structures permettant aux jeunes de s’exprimer et de participer à la vie de la cité; - réduire les souffrances des adolescents et des jeunes, ce qui revient à renforcer leur sécurité matérielle, psychique et sociale; - faire levier pour valider des démarches déjà enclenchées et préparer des actions nouvelles, notamment pour mettre en œuvre des projets éducatifs locaux qui impliquent la famille, l'école, la ville et toutes les institutions qui façonnent la vie quotidienne des jeunes; - mettre en place un droit à l’éducation après 16 ans pour une égalité des chances entre les adolescents; - responsabiliser et mobiliser l’ensemble des adultes sur les enjeux éducatifs. En s’appuyant sur le foisonnement d’initiatives qui existent déjà partout en Europe, on pourrait réfléchir à cette échelle à une convergence des actions entreprises et créer un programme de « veille éducative » pour échanger, mettre en commun et harmoniser les pratiques en matière de ruptures éducatives. « Cherchez vos trous noirs et vos murs blancs ». Les célèbres philosophes Deleuze et Guattari ont eu cette formule magnifique pour parler de la difficulté et de la quête de tous les hommes pour trouver leur voie. Angoisse à combler, projets à écrire. Des tableaux noirs et des pages blanches, c’est-à-dire l’éducation. Telle est la clé.
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2 Huit Exemples De Bonnes Pratiques Locales En Europe
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La cellule de veille éducative, Evry (France) Un exemple pratique permet d’illustrer le fonctionnement du dispositif de la Veille éducative tel qu’il a été mis en place dans la ville d’Evry: • Cas X, né en septembre 87 (15 ans 4 mois) Première information février 2003 Via le Principal du collège de l'adolescent ± Situation initiale Adolescent au comportement très difficile dans son collège, depuis plusieurs années. Le Principal a dès 2001 mis en place de nombreuses mesures pédagogiques, a provoqué la réunion d'une équipe éducative laquelle a débouché sur une CCSD (avec avis favorable pour un IRP). La famille n'a pas donné suite. Le Principal a informé le substitut du Procureur dès mars 2001 sur un comportement violent, suiviste, et sur le caractère immature d'un enfant refusant toute structure. Il l'a signalé comme en danger pour lui-même et dangereux pour les autres. ~ Au début du mois de février 2003, l'adolescent a été l'auteur d'actes de violences verbales et physiques graves dans l'enceinte du collège; il a dégradé du matériel et menacé les pompiers qui avaient été appelés. Il est exclu par mesure conservatoire en attente d'un conseil de discipline. Des plaintes sont déposées (Sapeurs-Pompiers, collège) Le Principal prévient le coordonnateur de la Veille éducative. Il lui fournit de nombreuses pièces du dossier concernant l'élève. Parmi celles-ci figure un courrier où il explique qu'il a reçu au début novembre de la même année scolaire un éducateur d'une association agissant pour l'ASE, mandaté pour suivre la situation de l'adolescent dans le cadre d'une AEMO judiciaire. Le Principal ayant informé cet éducateur des actes commis début février a appris que ce dernier n'avait pas réussi à entrer en contact avec l'adolescent et sa famille depuis novembre, la mère faisant particulièrement obstacle. ~ Le coordonnateur contacte l'éducateur. A l'occasion de nombreux entretiens, il est convenu que l'éducateur multiplie ces tentatives de contacts avec l'adolescent et la famille, en particulier en l'attente du conseil de discipline et pour préparer la suite de celui-ci. Le coordonnateur est invité au retour des vacances d'hiver à participer à un entretien au collège, institué par le Principal pour préparer le CD. L'élève, ses parents et l'éducateur sont invités. Seule la mère est présente. Grâce à un aide-éducateur qui sert d'interprète, elle exprime sa volonté que son fils soit maintenu au collège mais ne donne aucun gage de participation à un travail éducatif plus général. ~ Le Conseil de discipline est réuni début mars; il prononce une mesure d'exclusion d'un mois avec obligation de passages réguliers de l'élève au collège pour rencontrer un CPE et prendre du travail scolaire. Il est demandé à l'éducateur de mettre à profit cette période pour
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chercher des entreprises auprès desquelles l'adolescent puisse effectuer un stage de motivation. Pendant son mois d'exclusion, l'adolescent rencontre régulièrement le CPE et son professeur principal. Il vient surtout au collège pour entretenir un lien avec les adultes. Il rencontre régulièrement son éducateur, fait avec lui des recherches quant à son avenir scolaire et professionnel. Un stage est mis en place. L'adolescent s'y rend un matin puis le quitte. Un autre stage, négocié par le professeur principal est lui aussi refusé, selon le même mode. ~ Pendant le mois d'exclusion, le coordonnateur contacte le service Insertion 16-25 ans de la mairie qui, bien que l'adolescent ait un peu moins de 16 ans, accepte de suivre le cas. Un de ces agents entre en contact avec l'éducateur pour proposer son aide. L'adolescent est ré-intégré dans son collège la semaine précédant les vacances de printemps. La CPE fait le rapport du mois d'exclusion et de la semaine de reprise; elle constate pour ces cinq journées de très nombreux retards et absences. Le Principal signale avant la fin du trimestre scolaire que les autres enfants de la même fratrie, également scolarisés dans son établissement, plus jeunes, manifestent des signes de rupture de plus en plus lourds. ~ Le CPE et l'éducateur ont convenu qu'il fallait trouver des moyens d'éloigner l'adolescent du milieu familial. L'éducateur propose un séjour de rupture pendant les vacances de printemps, que l'adolescent refuse. Pendant ces vacances scolaires, le coordonnateur organise un entretien entre l'éducateur, l'agent du service insertion 16-25 ans et lui-même. L'éducateur décrit les difficultés qui tiennent pour beaucoup aux contexte familial (autorité du père dépréciée, alcoolisme, adolescent fils aîné de la fratrie surprotégé par la mère, graves problèmes psychologiques). Il explique qu'il ne peut imposer des mesures dans le cadre de l'AEMO, dont il va demander par ailleurs le prolongement et l'extension à toute la fratrie. Le coordonnateur apprend également du Commissaire de Police que l'adolescent n'est connu de ces services que pour deux affaires dont celle du mois de février et une autre l'année précédente. Situation début mai L'éducateur a trouvé un lieu de vie en province pour l'adolescent. La mère s'oppose totalement à cette solution, et refuse même une visite d'une journée. L'adolescent, d'abord d'accord, se rétracte. Au collège la présence de l'élève reste la même (mauvais résultats, retards et absences) sans justifier un nouveau conseil de discipline cohérent au regard de l'ensemble du contexte. Le coordonnateur contacte l'éducateur, qui lui apprend que l'affaire passe en audience auprès du Juge pour enfants début juin.
Schéma de principe d’organisation du dispositif de la Veille Educative d’Evry Comité de pilotage de la Veille Educative d’Evry 3 ou 4 réunions par an Identifie et évalue les besoins et les moyens d’action Définit le cadre des actions et en fixe les objectifs Garantit l’engagement des partenaires dans le dispositif Valide les missions des intervenants des cellules techniques Assure les bilans d’étape, observe et analyse
. . . .
. Maire et/ou Adjoint au Maire (délégations) Coordinateur Sous-Préfet et Mission ville (Préfecture) Education Nationale (IA*) . Justice (Parquet, PJJ) CAF . DDASS (*). GIP Centre Essonne . DDJS (*) FASILD Sécurité publique (*) . Mission locale d’Evry Conseil Général (*) . Ville d’Evry (DGA concernés) (*) et services désignés par les institutions
- Favorise les contacts entre les partenaires - Organise les réunions et y assiste - Garantit les bilans d’activités - Assure le lien avec le dispositif départemental de veille
Cellule de Veille technique réunions mensuelles (ou 8 à 10 par an) Repère les cas individuels de rupture (enfants ou jeunes) Cherche des réponses et les met en oeuvre Désigne et missionne des acteurs de terrain Signale les dysfonctionnements de l’intervention publique
Coordonnateur de la Veille Educative
Organise les réunions et les anime . S’assure du suivi des actions décidées . Relaie l’information de et vers le Comité de Pilotage
. définies par tranche d’âge des publics (ex: 11/18 ans), par zones géographiques (ex: quartiers), ou par la combinaison de ces facteurs. . Au moins 2 cellules techniques et sans doute 4 ou 5
Uniquement des professionnels, en nombre volontairement restreint et désignés en fonction de la définition des cellules: Ex: - IEN, Directeurs d’écoles, Principaux, Proviseurs, CIO, Mission Locale, … - Directeur CAE/PJJ, Substitut, Assistantes sociales, Commissaire de Police, … - Chefs ou directeurs de services municipaux
Acteurs de terrain – Intervenants éducatifs, Professionnels, parents, Associations
La médiation à l’école, Bologne (Italie)2 La violence des jeunes dans les écoles n'est pas l’unique signe du malaise qu'ils ressentent dans leur vie. Le malaise est évident partout. Le monde adulte se questionne sur ces nouveaux comportements, cherche des réponses. Parfois il trouve des remèdes temporaires qui ne tiennent pas compte du profond désarroi des jeunes mais qui donne l’illusion que l’on possède les moyens de faire face à tous les problèmes. Le cri des jeunes demande à être entendu et accueilli. Il contient une implicite demande d'apprendre à vivre, de donner un sens à la vie, de devenir "grand", de pouvoir reconnaître et donner de l’espace à leur émotivité et à leur identité. Il est absolument nécessaire que les jeunes apprennent à reconnaître leurs émotions et à les nommer, à leur attribuer une identité, un rôle. Ce n’est que de cette façon qu’ils pourront en parler et ne pas les craindre. Objectifs de la médiation Apprendre la médiation signifie découvrir par soi-même les mécanismes qui sont à l’origine de conflits interpersonnels, apprendre à les transformer et à améliorer les relations entre les personnes en conflit. La médiation est un moyen de permettre le dialogue, de donner la parole à des personnes qui autrement éviteraient le contact ou manifesteraient leur frustration de manière négative. Elle permet aux jeunes de se familiariser avec les situations de conflit sans les dramatiser. Dans les ateliers, les jeunes font une expérience pratique, à travers des jeux de rôles et d’autres exercices qui apportent une expérience de plus en plus approfondie de la relation d’opposition. Ils apprennent à reconnaître et à donner un nom à leurs émotions. Le jeu constitue un excellent moyen d'apprentissage; il permet l'expression d'expériences vécues et l'expérimentation de situations qui, dans la vie quotidienne, provoqueraient de l'anxiété et de la peur. Le projet se déroule en ateliers de 4 heures qui ont lieu une fois par semaine. Chaque groupe est composé de 14 élèves de classes de l’école primaire (âgés de 9 à 12 ans environ). La réalisation du projet Le projet s'articule en unités de travail, dont chacune possède un sujet conducteur. Chaque unité est divisée en 2 ou 3 rencontres, et une rencontre finale a lieu qui permet d'évaluer le travail effectué. Voici un exemple illustrant le type d’activités proposé aux enfants: Unité: La relation à l’autre - Sujet: diversité et préjugés - 1ère rencontre sur le thème de la différence: Objectif: se comprendre soi-même et comprendre les autres, réfléchir à la question de la diversité. Jeu n° 1: le panier de pommes - réflexions sur les similitudes et les différences entre des personnes. Jeu n° 2: égaux et différents - réflexions sur ce que nous retrouvons de commun dans la diversité. Activité: exprimer des situations dans lesquelles on a ressenti de la différence avec les autres. - 2ème rencontre sur le thème des points de vue: Objectif: réfléchir sur les préjugés et les stéréotypes; s'exercer à relativiser son point de vue. Jeu n° 1: le salut stéréotypé (manifester quelques stéréotypes pour en prendre conscience ) Jeu n° 2: le maléfice (réfléchir à la légèreté des perceptions et des jugements)
2 Ce projet a été réalisé par la Ville de Bologne en collaboration avec la Coopérative sociale « Nuova Sanità ».
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Activité: la décentralisation (démonter des histoires pour faire émerger les différents points de vue). Lecture de l'histoire du Petit Chaperon Rouge racontée par le loup. Lecture/dramatisation des histoires devant le groupe. L’évaluation Cette dernière rencontre a pour but d’évaluer l'expérience vécue par les enfants au cours de l’activité. Nous avons demandé aux élèves: - de mettre en évidence les points forts et les points faibles de l'activité; - de déclarer les contenus significatifs de l'apprentissage; - d'exprimer le degré de satisfaction et d’intérêt. Enfin, une analyse est effectuée avec les élèves des résultats du travail réalisé.
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La médiation scolaire communale, Saint-Gilles (Bruxelles) Introduction Le projet part du constat qu’une frange de la population des jeunes scolarisés se trouve en décrochage scolaire ou rencontre des difficultés dans sa scolarité (notamment, problèmes de relation avec l’institution scolaire, problèmes d’orientation scolaire, incapacité à donner du sens à sa scolarité, échec scolaire, …). Il a pour objectif de faciliter l’accès des jeunes aux études en favorisant le bon déroulement de leur scolarité. Il s’inscrit dans un souci d’émancipation sociale et d’égalité des chances. Le cadre de travail Le projet de médiation est subventionné et supervisé par la Région Bruxelloise, mais les communes disposent d’une certaine autonomie dans la concrétisation du projet. La Commune de Saint-Gilles a détaché une personne pour s’occuper de la médiation sociale à la Maison Communale (principalement à l’état civil et au guichet destiné aux personnes « étrangères ») et deux autres personnes travaillent au service de médiation scolaire communale. La population de Saint-Gilles est multiculturelle et comprend pour une population de 44 644 habitants pas moins de 154 nationalités différentes, dont plus ou moins 9000 jeunes ont entre 3 et 20 ans. L’enseignement en Belgique offre la possibilité aux parents « du libre choix des écoles » (réseaux différents, sur la commune ou en dehors, …). Nous observons une grande mobilité des élèves sur toute la région bruxelloise surtout dans l’enseignement secondaire (ex: lors d’une enquête que nous avons effectuée auprès de 168 jeunes scolarisés à Saint-Gilles de 4°, 5°, 6° de l’enseignement secondaire, 42 % habitaient Saint-Gilles. Les autres (58%) venaient des communes avoisinantes, mais parfois de plus loin. La grande majorité utilisent les transports en commun, ce qui leur offre un espace de liberté et d’autonomie. Dès lors, notre service s’adresse aux parents et aux jeunes habitants de la commune, notamment aux jeunes scolarisés dans une école à Saint-Gilles mais les médiateurs sont amenés à entrer en contact avec l’ensemble des écoles de la région bruxelloise. Le service de médiation se situe dans les locaux de la Mission Locale (organisme d’insertion socioprofessionnel). Il est avant tout un service public mis à la disposition des jeunes et des parents. Il est situé à l’extérieur des établissements scolaires ce qui permet de garantir un espace d’écoute, de paroles et d’information tout à fait neutre, et qui s’effectue dans le respect du code de déontologie des médiateurs de la Région Bruxelloise. Trois axes d’action sont développés: 1) l’axe individuel: Le service est avant tout connu par le bouche à oreille, mais aussi grâce aux partenaires sociaux (Maisons de Jeunes, écoles de devoirs, association de parents, cours d’alphabétisation, service social, centre médical, éducateurs de rue, …).
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Au cours de l’année 2002, les deux médiateurs scolaires sont intervenus dans 345 situations liées à des jeunes en cours de scolarité à raison de 709 entretiens et de démarches effectuées (principalement des déplacements dans les écoles). La majorité de ces situations ont concerné des jeunes de l’enseignement secondaire (environ 75 % ), essentiellement des mineurs. 18% de ces situations ont concerné des demandes d’informations: sur la législation scolaire, l’organisation de l’enseignement (les options, l’enseignement spécialisé, les formes d’enseignement, …), les métiers, …; 17% des demandes d’aide à l’inscription dans une école: obstacles rencontrés pour une inscription dans certaines écoles, manque de place dans certaines écoles où les inscriptions se font parfois plus d’un an à l’avance, refus d’inscrire un élève présentant un bulletin insatisfaisant ou ayant présenté des problèmes de comportement, orientation de l’enseignement ordinaire vers l’enseignement spécialisé ou vers un type bien précis d’enseignement spécialisé (troubles du comportement, troubles instrumentaux, troubles mentaux légers, …), jeune incarcéré qui doit définir un projet de formation pour bénéficier d’une sortie conditionnelle, …; 17% des situations liées à des problématiques d’orientation scolaire et de construction de projets de vie. Les autres situations ont concerné des problématiques diverses: enfant primo-arrivant, exclusion définitive d’une école, recours contre une décision du conseil de classe, autres mesures disciplinaires, recherche d’un soutien scolaire, d’activités, problème avec les allocations familiales, demande d’allocations d’études, recherche d’un job-étudiant, fugue, problèmes d’éducation, … Lors de la première rencontre, les enfants ou les jeunes se présentent soit seuls, soit avec leurs parents ou quelqu’un de la famille ou bien il arrive de recevoir les parents uniquement. Il n’est pas toujours facile d’entreprendre des démarches auprès d’un service et d’expliquer, de mettre des mots sur la situation. Une fois que le service est connu, mais surtout une fois qu’un lien s’est créé, il est plus facile de revenir, même si c’est un an plus tard … Dans la mesure du possible, nous essayons de rencontrer le jeune et ses parents ensemble et d’intervenir individuellement (parfois les jeunes se présentent en petit groupe). Etant donné la difficulté relative de la démarche, nous essayons d’être le plus disponibles possible (toute personne est accueillie, parfois nous donnons un rendez-vous, mais avant tout, nous établissons un contact). Dans bien des situations, nous faisons référence à la loi (principalement le décret « mission de l’enseignement de la communauté française » et le droit scolaire). La loi est structurante. Son respect doit garantir une égalité entre les citoyens. Il nous est difficile d’évaluer notre travail, car en tant que médiateur nous n’assurons pas de suivi. La personne est libre de venir ou pas. En tant que service « ressources », il est important, surtout avec un public d’adolescents, de garantir cette liberté. Nous ne sommes pas des éducateurs. Nous sommes complémentaires d’autres services et projets (éducateurs de rue, Maison de jeunes, groupe d’entraide scolaire, écoles de devoirs, …). Nous avons également peu de « feedback ». C’est parfois longtemps après que la personne revient et nous raconte … 2) L’axe collectif et l’axe synthèse et analyse
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- L’axe collectif concerne principalement des séances d’information des travailleurs sociaux ou en contact avec le public afin de les sensibiliser sur des questions qu’il faut se poser pour favoriser la scolarité des enfants et des jeunes. Nous organisons également des séances d’informations à destination des parents, surtout centrées sur les questions qu’ils peuvent se poser par rapport à l’école, par rapport à leurs angoisses de parents sur le présent et le futur de leurs enfants. Enfin, nous organisons des séances pour les jeunes qui doivent souvent prendre seuls leur scolarité en mains, leurs parents n’ayant été que peu ou pas du tout été scolarisés en Belgique. Il s’agit de les sensibiliser à certaines informations, mais surtout de leur donner envie de se poser des questions, d’anticiper et d’aller chercher des réponses de façon active et personnalisée. Concernant le point trois, il s’agit d’analyser des faits récurrents dont voici quelques exemples: le statut spécifique des majeurs au sein de l’enseignement secondaire, les exclusions scolaires excessives, la discrimination à l’inscription, le manque de place pour les primo-arrivants en classepasserelle, l’échec scolaire et la mauvaise orientation scolaire, le non-respect de la gratuité de l’enseignement, l’absence d’heures de remédiation pour le deuxième et troisième degré de l’enseignement secondaire, le manque de moyens des associations proposant de l’aide scolaire en dehors de l’école, …. Après analyse, les médiateurs entrent en contact avec les instances compétentes ou mobilisent les partenaires potentiels pour rechercher des solutions qui seront proposées aux jeunes ou à leurs parents.
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Le dispositif « Action collégiens » de la Ville de Paris, (France) 3 Présentation du dispositif Mise en place par la ville de Paris, l’action collégiens est un dispositif de prévention éducative destiné aux jeunes de 11 à 17 ans. Compte tenu de la spécificité de l’action à mener auprès de ces jeunes, la ville de Paris a confié la gestion de ce dispositif depuis 1992 à l’institut de formation d’animateur et de collectivités (IFAC). Ce dispositif se caractérise par l’intervention d’un adjoint éducatif, encadré par un assistant éducatif, dans les trois lieux de vie des jeunes: le collège, le quartier et la famille. Initiée en 1988, l’action connaît depuis 1998 une évolution importante liée à la mise à disposition pour le développement de ce dispositif de jeunes recrutés dans le cadre des emplois-jeunes. Actuellement, une équipe de 10 assistants éducatifs et d’une quarantaine d’adjoints éducatifs interviennent au quotidien sur 35 collèges répartis sur 11 arrondissements (+ un centre situé dans le 13ème arrondissement). Pour assurer cette mission, les adjoints éducatifs bénéficient de la présence d’un tutorat assuré par les assistants éducatifs (qui, travaillant depuis plusieurs années sur cette action, détiennent un acquis et une compétence professionnelle certaine), d’une formation continue et d’une formation diplômante axée sur l’animation. Le dispositif est mis en place, avec l’accord des Principaux, dans les collèges des quartiers sensibles. Ces collèges implantés dans les sites politiques de la ville sont dotés d’une section d’enseignement général professionnel alterné et d’un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté. L’effectif est d’au moins 400 élèves. Spécificité de l’action collégiens L’action collégiens tire son efficacité à la fois de sa transversalité engendrant une dynamique et permettant une meilleure coordination, et de son implantation dans le collège, qui est le point de passage obligé pour les jeunes. Un des intérêts de l’action collégiens réside principalement dans le fait d’être quotidiennement au contact des jeunes et de poser des passerelles avec les institutions et les structures qui peuvent aider le jeune à s’intégrer dans la société, qu’il s’agisse d’organiser ses loisirs, ses démarches administratives ou de préparer son entrée dans la vie professionnelle. A cet égard, le rôle de l’adjoint éducatif consiste, non pas à faire du soutien scolaire (qui relève au premier chef des enseignants), mais d’aider les jeunes en difficulté à s’organiser, de développer leur motivation, de les responsabiliser, de les aider par un biais ludique à accéder à la découverte de la culture et à mieux maîtriser la lecture et l’écriture. Modalités de fonctionnement L’adjoint éducatif et les élèves disposent d’un local au sein du collège (une ou plusieurs salles aménagées en club, ludothèque, bibliothèque, ateliers, documentation, information). C’est un lieu 3 Bien qu’ « Action collégiens » ne fasse pas partie des partenaires « officiels » du programme « Sécucités Ville et école », nous avons tenu à intégrer cette expérience dans notre ouvrage (laquelle nous a été présentée par l’un de ses représentants, M. Raphaël Pena, lors du premier séminaire de travail à Paris, -février 2003-), en raison de sa spécificité et de son intérêt concernant le travail transversal.
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ouvert à tous les collégiens, qu’ils s’approprient et où ils viennent se détendre, travailler ou rencontrer l’adjoint éducatif. Le samedi après-midi, l’équipe des adjoints et assistants éducatifs propose des actions, des ateliers, des sorties culturelles, des rencontres sportives, des rallyes dans le quartier et dans la ville. L’objectif de l’action collégiens est aussi de pouvoir organiser des week-ends, des sorties ainsi que des séjours, pendant les vacances, en gestion autonome si possible, afin d’amener les jeunes à assumer les contraintes de la vie quotidienne et à acquérir le sens des responsabilités et le respect des règles de la vie en société.
Quelques chiffres Sur les 16 000 enfants scolarisés dans les collèges où interviennent les adjoints éducatifs: En temps scolaire 5845 élèves participent au club ludothèque 1837 bénéficient de l’accompagnement scolaire 3961 bénéficient de l’opération « Paris invitent les enfants à la lecture » 496 bénéficient de l’opération « orientation »
Hors temps scolaire 771 collégiens partent en séjours durant les vacances scolaires 502 collégiens partent en séjour pendant les vacances d’été 640 participent à des week-ends 1991 participent à des sorties-soirées
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Projet Lübeck: « C’est possible autrement », (Allemagne) Un projet pour les élèves de Lübeck ayant pour objectif de les inciter à réagir et à suivre des énoncés relatifs à la violence. Le projet ne se concentre pas sur une forme particulière de violence, mais tente de résoudre les problèmes liés à la violence dans la vie quotidienne, en particulier à la maison et à l’école. Le groupe cible est composé d’élèves de cinquième provenant différentes écoles publiques. Les objectifs du projet sont les suivants: ¾ être plus sensible aux questions liées à la violence ¾ prendre conscience de la dynamique des interrelations dans des situations de violence ¾ comprendre les schémas directeurs du rôle joué par les personnes concernées ¾ apprendre, par exemple, à régler les conflits autrement Ceci réduit la possibilité d’utiliser vous-même la violence et améliore votre capacité à intervenir utilement. Le projet est composé de quatre éléments: l’élément théâtre, la formation de l’enseignant, la présentation de matériel de cours, le rallye de la ville. Dans l’élément théâtre, un groupe de professionnels du théâtre présente des scènes sur la violence. Les élèves, organisés en groupes de travail, travaillent sur de nouveaux dénouements aux scènes, les enseignants soutiennent et aident les élèves à gérer le conflit. Les acteurs jouent les scènes avec les nouveaux dénouements. Les élèves, les professeurs et les acteurs discutent de la solution choisie. Cette partie du projet tente de motiver le élèves et les enseignants à aller de l’avant sur ce terrain. Dans le cadre de la formation des enseignants, ceux ci apprennent à gérer des situations de conflit habituelles dans la vie quotidienne de l’école. Le sujet en est « Gérer les conflits plutôt que de tenter de les éviter ». Les enseignants comprennent que les conflits, disputes et bagarres font partie intégrante des relations humaines et ont une utilité. Ils doivent enseigner aux élèves que le dialogue permet de régler les problèmes liés au comportement social et à gérer les conflits. Les enseignants ont les responsabilités suivantes: • utiliser les conflits de manière constructive • favoriser le dialogue en cas de situation de violence • favoriser la gestion des conflits dans le cadre de structures ludiques • favoriser l’équité dans les conflits • accepter les conflits constructifs en tant que recherche de solutions • favoriser la confiance en soi et la prise de conscience de son individualité • établir des règles et montrer comment y travailler et les maintenir. Afin de pouvoir travailler sur ces sujets, il est important qu’une atmosphère de confiance, une connaissance des limites et des conséquences de la violation de celles-ci soient mises en place dans l’école. La préparation et la réflexion sur le matériel de cours en constituent un autre élément. Les enseignants reçoivent du matériel didactique sur le sujet. Dont l’un est le forum théâtre. Les éléments clé du jeu de rôle sont les suivants: - par rapport aux enfants: • Les enfants concernés par le conflit indiquent au professeur et aux autres enfants de la classe les faits tels qu’ils les perçoivent. • Les enfants concernés choisissent des acteurs pour jouer leur rôle et leur donnent des instructions sur ce qu’ils doivent dire ou faire comme un réalisateur de cinéma. • Les acteurs jouent la situation réelle selon les instructions reçues.
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• Les spectateurs doivent regarder la pièce et dire STOP au moment où ils souhaiteraient modifier un comportement. • Le forum théâtre s’achève lorsque toutes les personnes concernées sont satisfaites des solutions trouvées. - par rapport à l’enseignant: • L’enseignant doit accepter un nouvel aspect de son rôle. • Il doit éviter de prendre parti pour quelqu’un. Il n’est qu’un médiateur et doit aider les enfants à résoudre leurs problèmes eux-mêmes. - par rapport au jeu: • Pas de partialité • Les adultes peuvent aider à montrer: Vous avez plusieurs sortes de comportement. Un comportement agressif est généralement suivi de conséquences négatives. La bagarre appartient à la vie, mais il est possible de régler un conflit de manière équitable. • Message de l’intervention: C’est possible autrement ! Vous avez des alternatives … Il est également possible d’utiliser le forum théâtre dans le cadre de cours de prévention contre la violence sexuelle à l’encontre des filles et des garçons. Les élèves peuvent suivre les cours par groupes spécifiques selon les sexes ou en groupes mixtes. -Comment dire « non »- Demander de l’aide, - réagir à des attouchements désagréables, … Il n’est pas prouvé que cette connaissance donne lieu à des réactions utiles dans des situations dangereuses. Tout projet contre la violence doit intégrer la présentation d’institutions d’aides aux enfants et aux jeunes victimes de la violence. Le dernier élément est le rallye de la ville, au cours duquel différentes institutions gouvernementales ou non gouvernementales présentent leurs diverses propositions relatives à la gestion des conflits. Les élèves et les enseignants ont la possibilité de dialoguer avec les travailleurs sociaux, de poser des questions et de parler de la gestion de la violence en général. A l’issue de cette journée, les enseignants doivent travailler sur les expériences vécues par les élèves et leurs questions. Nous le savons, nous ne pouvons régler les problèmes des enfants et des jeunes, mais nous pouvons les soutenir et leur donner la possibilité de réagir lorsqu’ils sont confrontés à des situations difficiles. La question posée à l’issue du projet était la suivante: Est-il possible de prouver que le projet induit une meilleure connaissance de la prévention et de la violence chez les enfants et les enseignants ? Nous avons obtenu des résultats selon lesquels le niveau d’information parmi les élèves et les enseignants au sujet de la violence et sa prévention est relativement élevé. Les enseignants souhaitent continuer à travailler sur le sujet de la violence. Mais nous savons toutefois que le travail sur la prévention de la violence en milieu scolaire ne s’arrête jamais. Nous devons continuer à travailler, car les écoles, les enseignants, les étudiants, les élèves et leur environnement sont en constante mutation.
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Le projet ISIS, Prévention de la violence à caractère sexuel, Groupement de communes du Nord de Tenerife, (Espagne) Introduction Le projet de prévention ISIS a été mis en place en janvier 2003 dans l’ensemble des communes du Nord de l’île de Tenerife, suite à une étude qui a permis de démontrer que les agressions sexuelles envers les femmes étaient nombreuses sur l’île, et plus nombreuses que dans le reste du pays. Le projet s’est par ailleurs appuyé sur les deux constats suivants: - dès leur plus jeune âge, les enfants qui ont été témoins au sein de leur milieu familial de scènes de violence répétées, auront tendance à reproduire plus tard des comportements violents envers leurs proches, considérant la violence comme le seul moyen de résoudre les conflits; - dans de nombreux cas, on remarque que les agresseurs ont présenté des comportements violents lorsqu’ils étaient plus jeunes. Il a ainsi été décidé par le Groupement de Communes du Nord de Tenerife de développer des actions de prévention de la violence à caractère sexuel et plus particulièrement de la violence envers les femmes, dans l’ensemble des écoles secondaires des communes du Nord de l’île, soit auprès de jeunes âgés de 11 à 18 ans. Ce projet, qui est subventionné par le service de Santé du Gouvernement des îles Canaries et qui est mené en partenariat par les services Jeunesse, Femmes et les services sociaux des mairies ainsi que par les membres de la direction et du département d’orientation des établissements scolaires, comporte deux objectifs: - d’une part, de favoriser auprès des jeunes l’acquisition d’attitudes et de conduites tolérantes et respectueuses envers l’autre sexe, permettant de leur offrir une vie affective et sexuelle saine; - d’autre part, de développer un service spécialisé d’orientation et de ressources pour les professionnels travaillant dans ce domaine de prévention (aussi bien le personnel enseignant ou non enseignant des écoles, le personnel des services socio-sanitaires et médicaux ou encore les techniciens municipaux), leur offrant des outils de travail et se voulant également être un espace de discussion et de réflexion où chacun puisse contribuer au développement du projet et émettre des propositions quant à l’approche ou à la méthodologie à suivre ou développer dans les communes et dans les établissements scolaires concernant la prévention de la violence à caractère sexuel. Le premier volet de ce projet est réalisé dans les lycées par une équipe de trois psychologues spécialisés dans ce domaine. Une évaluation collective du projet devrait être réalisée dans les prochains mois.
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La nouvelle approche du maintien de la paix dans les écoles d’Helsinki (Finlande) La Direction de l’Education de la Ville d’Helsinki a nommé un groupe de travail chargé de préparer des propositions visant à rendre le travail scolaire et l’environnement d’apprentissage plus sûr pour les élèves, les professeurs et les autres personnes travaillant dans les écoles. Le groupe a été nommé le 2 juin 2002 et ses travaux ont été achevés le 31 janvier 2003. Le rapport du groupe de travail est intitulé « Comment améliorer la sécurité des collèges ». Le groupe de travail s’est tout d’abord concentré sur la sécurité dans les collèges, tant du point de vue de l’équipe que des élèves, il s’est également penché sur des circonstances survenant pendant les cours et les pauses, ainsi que d’autres circonstances liées au travail dans le cadre scolaire, telles que les heures de déjeuner, les voyages sur le terrain, les transports scolaires, etc. Un autre objectif du groupe était de maintenir la sécurité de l’ensemble des personnes pénétrant dans les écoles, c’està-dire les parents et les personnes travaillant en relation avec les écoles. Les stratégies liées à la sécurité de la ville d’Helsinki Selon la « Stratégie générale de la Ville d’Helsinki » la sécurité est une des valeurs les plus importantes d’Helsinki. L’essor de la sécurité nécessite une coopération et des mesures peuvent être envisagées sur trois niveaux: - actions concernant l’ensemble de la population ou tout groupe important de personnes - partenariat avec les groupes à risques - assistance aux personnes ayant commis des délits ainsi qu’aux victimes des délits, prévention de la réapparition d’actes délictueux. Le Programme de la politique de l’enfance et de la famille de la ville d’Helsinki observe à raison que, hormis l’ensemble des programmes d’assistance visant les enfants, il est également nécessaire de se concentrer sur la communauté elle-même et son bien-être. Lorsqu’une bonne atmosphère règne dans une école, les élèves se sentent mieux et l’école est plus susceptible de se trouver à l’abri de violences scolaires et d’autres problèmes. La Stratégie relative aux drogues de la Ville d’Helsinki promeut la santé et la sécurité de la population. Son objectif est d’améliorer les conditions de vie des enfants en soutenant les réseaux d’adultes et les foyers dans leur tâche quotidienne d’éducation. Les Stratégies de la Ville d’Helsinki soulignent que pour mettre en place la sécurité, il est essentiel d’agir tôt. La façon dont l’école fonctionne, l’atmosphère dans les écoles ainsi que le contenu des travaux d’enseignement et d’éducation sont importants. Les stratégies soulignent également que, dans le cadre d’un partenariat entre les différents acteurs et les écoles, des outils convenables sont nécessaires afin de pouvoir intervenir en cas d’incidents constituants une menace envers la sécurité des personnes, de la communauté et de l’environnement. Les points de vue des experts Les élèves: Des élèves ont été entendus en tant que groupe d’experts: Ils ont déclaré que les écoles doivent être dotées de règles claires pouvant être connues de chacun et que celles-ci doivent être abordées en classe par les professeurs à chaque rentrée scolaire. Lorsque des règles de l’école ont été enfreintes, les adultes doivent agir rapidement. Les élèves doivent avoir la possibilité de prendre part à la vie de l’école et de jouer un vrai rôle dans la prise de décisions relatives à l’école. Les associations propres aux élèves sont également importantes lorsque de nouveaux élèves intègrent
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l’école. La police devrait fournir plus d’informations relatives aux délits et aux sanctions en découlant. L’environnement physique de l’école est important (carreaux cassés, etc.) ainsi que l’organisation des transports. Les parents ont leur part de responsabilité et jouent un rôle dans la mise en œuvre d’un environnement scolaire sans danger. Les professeurs: Les règles d’actions généralement approuvées en cas de violences sont des éléments critiques. S’il n’existe pas de règle, des situations de violence vont échapper à tout contrôle et prendre de l’ampleur. Il est important que l’ensemble du corps professoral soit prêt à suivre ces règles générales et à agir tel que convenu. Il est essentiel que l’ensemble des groupes travaillant dans les écoles connaissent les règles générales et travaillent de concert afin de renforcer la sécurité ambiante. Le rôle du syndicat des enseignants, l’assistance des services de police et peut être les conseils du personnel de la médecine du travail améliorent la sécurité des enseignants sur leurs lieux de travail. Un programme d’enseignement et d’éducation est un bon départ pour que l’école devienne un lieu plus sûr. Les parents: Un partenariat positif et approprié entre l’école et la maison est la base d’un bon fonctionnement du travail scolaire. La coopération doit être ouverte, apporter un soutien et les parents doivent avoir le droit et la possibilité participer au travail quotidien de l’école en créant des réseaux, en particulier au cours des premières années d’école, lorsque leur enfant entre dans le second cycle et entame sa puberté. Les parents ont suggéré de mettre en place une petite salle d’attente pour les parents venant chercher leur enfant à la fin de la journée d’école. Les écoles ou les enseignants ne sont pas responsables des associations de parents, mais un partenariat est nécessaire. La première responsabilité des parents est d’élever leur enfant, mais les écoles partagent cette responsabilité en contribuant à améliorer l’environnement d’apprentissage de l’enfant ou du jeune, sa sécurité et son bien-être à l’école. Le Groupe d’assistance aux élèves: Ce groupe multi-professionnel regroupe différents métiers liés à l’école. Il peut s’agir d’un représentant des enseignants, un psychologue, un travailleur social, un représentant des jeunes et même un membre des forces de police et de l’équipe d’entretien, etc. Le groupe se concentre sur un problème donné et tente de le régler. Le groupe a besoin de procédures claires pour traiter des affaires diverses allant de, par exemple, un carreau cassé à la violence familiale et les conséquences de ceci sur la possibilité de l’enfant à fréquenter l’école. Intégrer la sécurité dans les programmes scolaires L’objectif est d’étendre les fondements nationaux des programmes scolaires aux objectifs définis dans la législation relative à l’éducation et de constituer une base éducative au niveau municipal et scolaire. Les nouvelles réglementations nationales sont entrées en vigueur en 2002. En qualité d’environnement d’apprentissage, l’école devra être un lieu sûr et apporter une assistance tant au niveau physique que psychologique, en outre elle doit être saine pour tous les élèves. Les réglementations mentionnent également le partenariat entre l’école et la maison, et la réglementation la plus importante concernant la sécurité à l’école fera partie du programme scolaire et l’objet de travaux en classe. A Helsinki, la Direction de l’Education a souligné, entre autres, que les écoles doivent être dotées de procédures de travail communes et être préparées à résoudre les conflits. Ceci peut être accompli au travers de: - réglementations communes, et procédures d’action, - différentes sortes de programmes permettant d’assurer la sécurité; - actions cohérentes;
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la direction des écoles et les modèles fournis par les adultes; un partenariat fructueux entre les enseignants et des responsabilités partagées; un partenariat fructueux entre les écoles et la communauté environnante; tous les programmes définiront également la composition du groupe d’assistance aux élèves et ses objectifs.
Les réformes des programmes devraient être achevées pour le mois de septembre 2005, des enquêtes relatives au suivi seront régulièrement organisées dans toutes les écoles d’Helsinki et au cours des années à venir les questions de sécurité seront mises en exergue lors de la procédure d’audition. Divers: La Direction de l’Education d’Helsinki est engagée dans de nombreux projets liés à différentes parties du projet de sécurité. Une grande proportion des établissements scolaires travaille en partenariat avec des groupes d’intérêts dans leur arrondissement ou banlieue. La législation relative à l’enseignement fondamental exige pour tous la garantie d’un environnement d’apprentissage sans danger. L’éthique générale et les objectifs fondamentaux d’enseignement et les valeurs véhiculées dans les écoles en constituent le point de départ. La prévention contre les délits fait partie du rôle éducatif de l’école. Par exemple, les grands-parents sont des personnes susceptibles d’avoir une influence favorable quant à la promotion de la sécurité ainsi que d’autres domaines du travail scolaire. Les parents ont pris part aux discussions relatives aux valeurs à l’école avec intérêt. Les réunions des associations de parents sont un forum adéquat pour traiter des questions variées et les comités des écoles sont des assemblées officielles dont l’objectif est de planifier et de mettre en place des mesures de sécurité. La formation permanente du personnel des écoles nécessite une nouvelle approche. Il conviendrait également de tenir compte du fait qu’un enfant a besoin d’espace pour devenir un bon citoyen. La grande diversité des groupes d’intérêts peut être représentée par exemple, par celle des travailleurs sociaux, des services de santé, des pompiers, des paroisses, de la Croix Rouge, de la direction de la planification de la circulation, des autobus scolaires et de la police. Par exemple, la police peut informer les écoles sur la façon d’effectuer des interventions rapides si un délit ou un acte comparable à un délit a été commis. Les services de police de proximité permettent à la police de collaborer avec des groupes et des organisations non gouvernementales et peuvent prévenir les délits et les violences. L’objectif du travail est d’arriver à mettre en place un environnement sûr et agréable. La nouvelle approche choisie afin de maintenir la paix dans les écoles demande de des efforts considérables et de nombreuses nouvelles procédures restent à trouver. A Helsinki, la sécurité des écoles doit être mise en œuvre dans trois domaines: - des activités d’intervention et d‘actions rapides faisant de l’entière communauté de l’école un lieu de travail plus sûr. - repérer les problèmes tôt et intervenir dans le cas d’actes constituant une menace pour les élèves ou le personnel de l’école; - rechercher des solutions à des problèmes aigus, soutenir ceux qui souffrent et agir en situation de crise.
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La campagne « Vivre ensemble en ville », Valencia (Espagne) Prémisses et contexte de l’action En 2000, le Tribunal Supérieur de Justice de la ville de Valencia a enregistré une augmentation des actes de délinquance juvénile de 88,32 % par rapport à l’année précédente. Pour lutter contre cette violence en constante augmentation, le service d’éducation de la Ville (section Etudes et Recherches), qui est membre du réseau européen de Villes éducatrices, a mis en place depuis de nombreuses années une série d’actions de prévention, notamment à travers la relation Ville/école. La plus importante de ces actions est la campagne « Vivre ensemble en ville ». Celle-ci part de l’hypothèse de travail suivante: « Reconnaître les symptômes et les causes du phénomène de la violence et de l’agressivité à l’école et dans les différentes institutions et espaces sociaux de la ville, constitue un tabou, et il est donc difficile d’introduire le dialogue, le débat et la réflexion sur ce phénomène, qui pourraient permettre de prendre conscience des situations quotidiennes de manque de communication, d’agressivité, de violence ». Ainsi, il est tout d’abord nécessaire de constater et d’analyser les faits et le dialogue qui s’en suit, avant que les citoyens et les institutions ne prennent les mesures et les actions destinées à la prévention de ce phénomène. Nous proposons donc que, dans le domaine éducatif, soient créées les conditions propices à un climat de dialogue, de débat et de réflexion approprié. Dans le cas présent, ce sera grâce à la réalisation de cette campagne, pour faire surgir, pour pouvoir détecter, identifier et pour faire prendre conscience des situations quotidiennes décrites ci-dessus. Le projet entend répondre au problème de la violence dans tous les champs de la vie quotidienne, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école et s’inscrit dans une relation de l’école avec la ville. Description de l’action L’action a lieu dans les établissements de la ville de Valencia, en particulier dans les écoles primaires. Il est demandé aux élèves de réaliser des dessins ou des collages de grand format (1,17 m sur 1,20 m), ou encore de petits textes ou des slogans dans différents domaines (maison, école, quartier, centres sportifs, moyens de communication, etc.). Il s’agit d’un projet à moyen et à long terme qui a été réalisé chaque année depuis sept ans (19952002) et qui est financé par la municipalité. Celui-ci se centre sur l’apprentissage de valeurs telles que la Paix, la Tolérance, le « savoir vivre ensemble » (convivencia en espagnol). Une équipe de techniciens et d’animateurs apportent leur assistance aux enseignants qui travaillent directement en classe avec les élèves. Les partenaires impliqués dans le projet sont les élèves eux-mêmes, leurs professeurs et leurs maîtres et indirectement les parents et le reste des citoyens. Les travaux que réalisent les élèves sont exposés pendant tout le mois de mars, au moment des fêtes populaires et touristiques de Fallas, dans les différents lieux publics de la ville, invitant ainsi, aussi bien les habitants de la ville que les visiteurs étrangers, à les contempler et à réfléchir à leur tour au thème de la violence et transformant ces lieux en espaces éducatifs accessibles à tous.
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Cela permet une réflexion qui mène sans doute au dialogue, ce dialogue étant la porte d’entrée vers une meilleure cohabitation démocratique et donc, permettant de faire en sorte que la violence diminue d’abord en classe, dans le cas où elle existerait, ainsi que dans la société. Nous avons pu constater que le projet était plus difficile à réaliser avec les élèves des niveaux supérieurs (16-18 ans) qu’avec les plus jeunes. Nous avons par ailleurs observé une réticence chez certains directeurs d’école à reconnaître l’existence d’actes de violence dans leurs établissements, en particulier dans les écoles privées. Cependant, dans l’ensemble, l’action a été bien accueillie par les écoles. La participation des élèves a été massive et a suscité un grand enthousiasme (une moyenne 4 000 participants par année, ce qui représente 197 établissements scolaires de la ville). L’action a permis un intense débat entre les élèves et le corps professoral et la modalité démocratique, tant pour le choix des thèmes que pour la réalisation des travaux a été primordiale pour le succès de l’opération. De plus, le tabou que constituait le fait d’aborder le thème de la violence dans les écoles a pu être levé. Enfin, la communication qui s’est établie entre les travaux des élèves et le citoyen moyen qui a pu les observer dans un espace ouvert et quotidien, comme le sont les rues de la ville, a été très positif. Il est ainsi prévu de poursuivre ce projet dans les années à venir. Conclusion Les violences verbales, physiques, les phénomènes de racket, de harcèlement entre jeunes se manifestent aujourd’hui autant en milieu scolaire que dans les autres lieux de la ville. Bien souvent même, l’école est le réceptacle des problèmes vécus par le jeune à l’extérieur de l’établissement; dans certains cas, elle peut aussi les amplifier. La violence à l’école ne peut donc pas être traitée comme un phénomène isolé du reste de la société. Parce qu’elle s’inscrit dans le territoire de la ville, l’école doit avoir toute sa place dans la politique locale de sécurité. Pour être efficace et durable, celle-ci doit non seulement avoir comme point central de toute action, la prévention, mais aussi associer l’ensemble des acteurs de la communauté locale et du système éducatif. Jeunes, parents, enseignants, travailleurs sociaux, policiers…, tous doivent s’unir et coopérer pour redonner à l’école sa fonction unique d’éducation, d’apprentissage, d’épanouissement et de loisir. Telles sont les principales recommandations qui émanent des échanges qu’ont eu, dans ce programme, les représentants des villes d’Helsinki, de Tenerife, de Bologne, de Lübeck, d’Evry, de Valencia ou de Saint-Gilles, qu’ils soient enseignants, médiateurs ou techniciens municipaux des services de sécurité, d’éducation ou de jeunesse.
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Annexe La Charte des villes éducatrices Déclaration de Barcelone – 1990 (amendée en 1994) Introduction Aujourd’hui plus que jamais, la Ville, qu’elle soit petite ou grande, dispose d’innombrables possibilités éducatrices. Elle renferme en elle-même, d’une façon ou d’une autre, des éléments importants pour une formation intégrale. La Ville éducatrice est une Ville avec sa propre personnalité, insérée dans le pays où elle se trouve. Pourtant, son identité est interdépendante de celle du territoire dont elle fait partie. C’est aussi une Ville qui n’est pas refermée sur elle-même, mais qui maintient des relations avec son entourage: d’autres centres urbains de son territoire mais également d’autres Villes d’autres pays, cherchant à apprendre, à échanger, et donc à enrichir la vie de ses habitants. La Ville éducatrice est un système complexe, en évolution constante. Elle peut s’exprimer de différentes manières, mais elle donnera toujours la priorité absolue à l’investissement culturel et à la formation permanente de sa population. La Ville sera éducatrice quand elle reconnaîtra, exercera et développera, outre ses fonctions traditionnelles (économiques, sociales, politiques et de prestations de service), une fonction éducatrice: c’est à dire qu’elle assumera de façon délibérée, sa responsabilité en matière de formation, promotion et développement de tous ses habitants en commençant par les enfants et les jeunes. Les raisons qui justifient cette nouvelle fonction doivent évidemment être recherchées dans les motivations d’ordre social, économique et politique au même titre que culturel et éducatif. Voilà le grand défi du 21ème siècle, « investir » dans l’éducation, dans chaque individu, afin qu’il soit chaque fois capable d’exprimer, affirmer et développer son propre potentiel humain. Potentiel fait d’individualité, de créativité, de responsabilité, de socialisation, c’est à dire de capacité de dialogue, de confrontation et de solidarité. Une Ville sera éducatrice si elle offre généreusement tout son potentiel, si elle le laisse saisir par tous ses habitants et si elle leur apprend à le faire. Les Villes éducatrices représentées au congrès international des Villes Educatrices, qui a eu lieu à Barcelone en novembre 1990, proposent de regrouper dans une Charte, les principes de base qui doivent former l’élan éducatif de la Ville, parce que le développement de ses habitants ne peut être laissé au hasard. En fait, la Ville dispose d’un large éventail d’initiatives éducatrices d’origine, d’intention ou de responsabilité diverses. Elle dispose d’organismes d’éducation institutionnels, de moyens d’informations non formelles, d’objectifs éducatifs préétablis, mais également d’offres ou d’expériences qui naissent de façon aléatoire ou commerciale. Et, bien que dans l’ensemble de ces offres, il se présente parfois des contradictions ou des inégalités, les Villes encourageront toujours l’apprentissage permanent et la connaissance de langages nouveaux; elles offriront l’occasion de connaître le monde, afin de s’enrichir individuellement et collectivement.
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Les Villes éducatrices développeront une collaboration bilatérale ou multilatérale pour l’échange de leurs expériences. Elles s’épauleront mutuellement pour ce qui concerne les projets d’études ou d’investissement, soit sous forme de collaboration directe, soit comme intermédiaire d’organismes internationaux. De plus, les enfants et les jeunes ne sont plus des protagonistes passifs de la vie sociale et donc de la Ville. La Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 développe et rend obligatoire les principes de la Déclaration Universelle de 1959, elle en fait des citoyens de plein droit en leur accordant des droits civils et politiques. En fonction de leur maturité, ils peuvent donc s’associer et participer. C’est pour cette raison que la protection des enfants et des jeunes dans la Ville ne consiste plus seulement à privilégier leur condition, mais à trouver la place qui leur revient véritablement, aux côtés d’adultes qui considèrent comme une valeur civile, la satisfaction mutuelle qui doit présider à la coexistence entre les générations. En résumé, il se confirme ainsi un nouveau droit du citoyen: le droit à la Ville éducatrice. La première démarche dans ce sens est de ratifier, au niveau de chaque Ville, l’engagement qui, partant de la Convention, a été assumé lors du Sommet Mondial de l’Enfance qui a eu lieu à New York les 29 et 30 septembre 1990. Principes - 1 - Tous les habitants d’une Ville doivent pouvoir jouir, en toute liberté et égalité des moyens et des opportunités de formation, de loisirs, de développement individuel que la Ville offre. On devra donc tenir compte de toutes les catégories, chacune avec ses besoins particuliers. On devra promouvoir une éducation destinée à favoriser la diversité, la compréhension, la collaboration et la paix internationales. Une éducation qui permette d’éviter toute exclusion fondée sur la race, le sexe, la culture et les autres formes de discrimination. En ce qui concerne la planification et les objectifs politiques des Villes, on prendra toutes les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles de toutes sortes, y compris les barrières physiques qui empêchent l’exercice du droit à l’égalité. Seront responsables de cette politique, l’administration municipale mais également tous les autres organismes institutionnels qui interviennent dans la Ville. Ses habitants s’y engagent individuellement mais également au sein des associations auxquelles ils appartiennent. - 2 - Les municipalités exerceront avec efficacité les pouvoirs qui leurs sont dévolus en matière d’éducation. Quelles que soient leurs compétences, elles formuleront une politique éducative exhaustive qui intégrera toutes les modalités de l’éducation formelle et non formelle, ainsi que les différentes manifestations culturelles, les sources d’information et les moyens de découverte qui existent dans la Ville Le rôle de l’administration municipale est aussi bien d’obtenir des dispositions législatives provenant d’autres administrations de l’Etat, du Département ou de la Région, que de mettre en œuvre des politiques locales; tout ceci, en encourageant la participation des habitants à un projet collectif qui émanerait de l’ensemble des institutions politiques, sociales, voire même de participation individuelles spontanées. - 3 - La Ville envisagera les opportunités de formation de façon globale. L’exercice des compétences en matière éducative doit s’effectuer dans le contexte plus large de la qualité de vie, de la justice sociale et de la promotion des enfants et des jeunes.
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- 4 - Afin que leur action soit appropriée, les responsables de la politique municipale doivent avoir une connaissance exacte de la situation et des besoins de ses habitants. A cet effet, ils procéderont à des études qu’ils actualiseront et rendront publiques. Ils formuleront des propositions précises et détermineront la politique générale qui pourra en résulter. - 5 - Toujours dans le cadre de ses compétences, la municipalité doit pouvoir connaître, en encourageant l’innovation, le déroulement des actions de formation qui se réalisent dans les établissements scolaires et universitaires de sa Ville, aussi bien ceux dont elle a la responsabilité, que les autres, y compris privés. Il en sera de même pour les initiatives d’éducation non formelle dans la mesure où les objectifs poursuivis sont la connaissance de la Ville, la formation des habitants, leur permettant de devenir des citoyens responsables. - 6 - La municipalité appréciera l’impact des offres culturelles, récréatives, publicitaires ou non, formulées à leur intention; ou d’autres, qui, hors de leur niveau, leur parviennent sans intermédiaire. Elle essaiera, si besoin est, sans s’imposer, d’entreprendre des actions qui donneront lieu à une explication ou à une interprétation. Elle essaiera d’établir un équilibre entre l’obligation de protection et la nécessaire autonomie de la découverte. Elle fournira des lieux de débat, incluant des échanges entre Villes, afin les habitants puissent assumer pleinement l’évolution du monde urbain. - 7 - La satisfaction des besoins des enfants et des jeunes présuppose, pour tout ce qui dépend de l’administration municipale, qu’on leur offre, en même temps qu’à l’ensemble des citoyens, des espaces, des équipements et des services adaptés pour leur développement social, moral et culturel. La municipalité, lors de la prise de décisions tiendra compte de l’impact de celles-ci sur la vie des habitants. - 8 - La Ville offrira aux parents une formation qui leur permette d’aider leur enfants à grandir et à utiliser la Ville dans un esprit de respect mutuel; elle mettra au point des projets similaires s’adressant aux éducateurs et fera connaître les orientations à toutes les personnes en contact avec les enfants, qu’il s’agisse de fonctionnaires municipaux, de personnels associatifs ou de particuliers. La municipalité veillera également à ce que ces instructions soit prises en charge par les organismes de sécurité et de protection civile qui dépendent directement de la commune. - 9 - La Ville doit offrir à ses habitants l’espoir d’occuper une place dans la société; elle doit leur apporter des conseils sur leur orientation personnelle et professionnelle et doit rendre possible leur participation à une large palette d’activités sociales. Dans le domaine spécifique des rapports éducation - travail, il faut signaler les relations étroites qui doivent exister entre les filières de formation et les besoins du marché du travail. Les Villes devront définir des stratégies de formation qui tiennent compte de la demande sociale; elles devront collaborer avec les organisations ouvrières et patronales pour la création d’emplois. - 10 - Les Villes doivent connaître les mécanismes d’exclusion et de marginalisation qui les affectent et les formes qu’elles revêtent afin d’entreprendre les actions compensatrices nécessaires. Elles prendront un soin particulier des nouveaux arrivés, immigrés ou réfugiés, qui librement, doivent pourvoir sentir que la Ville qui les accueille est bien la leur. - 11 - Les interventions visant à corriger les inégalités peuvent prendre des formes multiples, mais doivent partir d’une vision globale de l’individu, d’une conception satisfaisant les intérêts de chacun d’entre eux ainsi que l’ensemble des droits qui leur appartiennent. Toute intervention significative dans ce sens suppose la garantie, à travers la spécificité des responsabilités, de la coordination entre les administrations concernées et leurs différents services.
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- 12 - La Ville doit aider à la création d’associations permettant de former les jeunes à la prise de décisions, de canaliser leur actions au service de la communauté, de leur apporter l’information, les matériels et les idées destinés à promouvoir leur développement social, moral et culturel. - 13 - Une Ville éducatrice doit apprendre à ses habitants à s’informer. Elle doit déterminer les instruments utiles et le langage adéquat afin que ses ressources soient accessibles à tous. Elle vérifiera que l’ensemble des citoyens de tous les niveaux et de tous les âges accèdent à l’information. - 14 - Si les circonstances le nécessitent, les enfants disposeront de points spécialisés d’information et d’aide, et, si besoin est, d’un conseiller. - 15 - Une Ville éducatrice doit savoir trouver, préserver et présenter sa propre identité. Elle en fera ainsi quelque chose d’unique qui sera la base d’un dialogue fécond avec ses citoyens et les autres Villes. La valorisation de ses coutumes, de ses origines et de ses pratiques doit être compatible avec les formes de vie internationales. Elle pourra ainsi offrir une image attrayante sans dénaturer son environnement naturel et social. - 16 - La transformation et la croissance d’une Ville doivent s’harmoniser entre les nouveaux besoins et la poursuite de constructions et de marques constituant des références claires à son passé et à son existence. Le projet urbain doit tenir compte de l’impact de l’environnement urbain sur le développement de ses habitants, sur l’intégration de leurs aspirations personnelles et sociales; il doit lutter contre la ségrégation des générations qui ont beaucoup à apprendre les unes des autres. L’ordonnancement de l’espace physique urbain doit mettre en évidence le besoin de jeux et de loisirs, doit permettre l’ouverture vers l’environnement naturel, vers d’autres Villes en tenant compte de l’interaction entre celles-ci et le reste du territoire. - 17 - La Ville doit garantir la qualité de la vie en s’appuyant sur un milieu salubre et un paysage urbain en équilibre avec son milieu naturel. - 18 - La Ville encouragera la liberté et la diversité culturelles. Elle accueillera favorablement tant les initiatives d’avant garde que la culture populaire. Elle contribuera à corriger les inégalités qui apparaissent dans l’offre culturelle résultant de critères exclusivement commerciaux. - 19 - Tous les habitants de la ville ont le droit de réfléchir et de participer à la mise au point de programmes éducatifs. Ils ont le droit de recevoir les instruments nécessaires leur permettant de découvrir une volonté éducatrice dans la structure et la gestion de leur Ville, dans les valeurs qu’elle encourage, dans la qualité de vie qu’elle offre, dans les fêtes qu’elle organise, dans les campagnes qu’elle prépare, dans l’intérêt dont elle fait preuve à leur égard et dans sa façon de les écouter. - 20 - Une Ville éducatrice ne doit pas séparer les générations. Les principes énoncés sont le point de départ du développement du potentiel éducatif de la Ville afin de viser tous les citoyens. En conséquence, cette Charte devra être complétée par les aspects non traités. Les Villes soussignées assument ces principes et expriment leur volonté de prendre les mesures administratives opportunes pour qu’ils soient mis en pratique et s’engage à présenter régulièrement des évaluations de leur application.
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Glossaire
ASE
CIO
Direction Générale de
Aide Sociale à l'Enfance
Centre d’Information et
l’Administration
d’Orientation
FASILD Fond d’Action et de soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations
AEMO Aide Educative en Milieu Ouvert
CPE Conseiller Principal d'Education
GIP Groupement d’Intérêt Public
CAE Centre d’Action Educative CAF Caisse d’Allocation Familiale
DDASS Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales DDJS Division Départementale
CCSD
Jeunesse et Sport
Commission de circonscription du 2° degré
DGA
IA Inspecteur d’Académie IEN Inspecteur de l’Education Nationale IRP Institut de Rééducation Psychothérapeutique PJJ Protection Judiciaire de la Jeunesse
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