European Forum for Urban Security
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées La ville touristique, peu importe sa taille ou son type de tourisme, doit considérer la sécurité comme un axe majeur de sa stratégie de développement. Alors que par le passé, les politiques de sécurité et de tourisme se sont bien souvent ignorées, la concertation entre ces deux domaines est à présent essentielle. Par le biais d’exemples et de recommandations, cette publication a pour but d’encourager la mise en place de stratégies sécurité et tourisme locales qui participent au développement durable de la ville et à la qualité de vie des touristes comme des habitants.
Ce projet est cofinancé par la Commission européenne, Direction générale Affaires intérieures - ISEC 2011 Ce document n’engage que ses auteurs et la Commission n’est pas responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.
European Forum for Urban Security
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
4 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Cette publication a été produite par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) et résulte du projet « Sécurité & Tourisme », mené de 2013 à 2015. Elle a été réalisée par Mark Burton-Page, Alberto Dotta et Carla Napolano, chargés de mission, sous la direction d’Elizabeth Johnston, déléguée générale, et avec la contribution des partenaires et experts du projet. L’usage et la reproduction sont libres de droits s’ils sont effectués à des fins non commerciales et à condition que la source soit spécifiée. Révision : Nathalie Bourgeois Mise en page : micheletmichel.com Impression : Cloître Imprimeurs, Saint-Thonan ISBN : 2-913181-45-7 EAN : 9782913181458 Dépôt légal : octobre 2015 Forum européen pour la sécurité urbaine 10, rue des Montiboeufs 75020 Paris - France Tél : + 33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
5
6 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Remerciements
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet « Sécurité & Tourisme » a été mené à bien grâce à l’implication des représentants des villes partenaires – Alba (Italie), Barcelone (Espagne), Brasov (Roumanie), Bruxelles (Belgique), Munich (Allemagne), Rome (Italie) et SaintDenis (France) – et de l’Association portugaise d’aide aux victimes (APAV). Nous remercions les élus et leurs collaborateurs pour avoir partagé leur expérience et leurs connaissances, ainsi que les deux experts du projet pour leur précieuse contribution. Outre la Commission européenne et son soutien financier, sans qui ce projet et cette publication n’auraient pas pu voir le jour, nous souhaitons également remercier toutes les personnes qui nous ont reçus lors des visites de terrain et sont intervenues lors de la conférence finale à Paris.
Partenaires du projet : Antonio Di Ciancia, Nicola Drocco, Ibrahim Osmani, Fabio Tripaldi (Alba, Italie), Gemma Garcia Miquel, Josep Lahosa (Barcelone, Espagne), Larisa Andrei (Brasov, Roumanie), Thierry Hendrickx, Véronique Ketelaer (Bruxelles, Belgique), Christopher Habl, Raymond Saller, Christoph Trabert (Munich, Allemagne), Antonella Carbone, Patrizia Giganti, Visenta Iannicelli (Rome, Italie), Nathalie Bayon, Catherine Bedouret (Saint-Denis, France), João Lázaro, Carmen Rasquette (APAV, Portugal).
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Experts : Rob Mawby, professeur de criminologie, Université de South Wales (RoyaumeUni) et Janez Mekinc, professeur associé en tourisme, Université de Primorska (Slovénie).
Autres personnes rencontrées : Mauro Carbone, Roberto Cerrato, Antonio Degiacomi, Giancarlo Drocco, Serena Galvagno, Maurizio Marello, Giuliano Viglione (Alba, Italie), Joan Carles Molinero, Joan Delort, Joaquim Forn, Laura Pérez, X. Sunyol, J. Torrella, E. Vázquez, S. Villaró (Barcelone, Espagne), Ciolon Adrian, Sorin Dencescu, Ioana Dobrescu, Bianca Locincz-Kraila, Aldea Nicolae, Frangulea Pastor Catalin, Mircea Adrian Popa, Alina Simona Tecau, Carmen Teleanu, Bianca Tescasiu (Brasov, Roumanie), Philippe Close, Patrick Declerck, Maud Glorieux, Bettina Merelle, Laure Mesnil, Sara Visée (Bruxelles, Belgique), Roberto D’Alessio, Roberto Bacasirapa, Riccardo Capone, Maria Antonia Caruso, Iside Castagnola, Raffaele Clemente, Cecilia Corelli, Francesco Giovanetti, Marta Leonori, Rossella Matarazzo, Raffaella Modafferi, Antonello Mori, Virginia Proverbio, Guiseppina Valleti (Rome, Italie), Slimane Rabahallah (Saint-Denis, France).
7
8 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Sommaire
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Avant-propos................................................................. p10 Chapitre 1 : Sécurité et tourisme en Europe.............. p13 1. Tourisme : un impact économique majeur.................................. p14 2. Un lien étroit entre tourisme et criminalité................................. p15 3. Deux secteurs qui s’ignorent....................................................... p16 4. Un défi pour les villes.................................................................. p18 5. Les villes européennes en quête de réponses adaptées................ p20
Chapitre 2 : Problèmes spécifiques liés à la sécurité et au tourisme............................................................... p23 1. Sécurité, politique du tourisme et citoyens................................. p24 2. Image, communication et espaces publics.................................. p29
L'environnement de la ville : la gestion des espaces publics........ p30 Tourisme, mobilité et sécurité..................................................... p31 L'aspect social des espaces publics et son impact sur le tourisme............................................................................ p32
Gérer l'image de la ville............................................................... p33 3. Le management de la sécurité des grands événements............... p36 4. La gestion de la vie nocturne dans la ville.................................... p42 5. La traite des êtres humains, la prostitution et le tourisme sexuel................................................................... p46 Recommandations.......................................................................... p49
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Chapitre 3 : Gouvernance, méthodologies et outils.......................................................................... p53 1. Construire la coopération.......................................................... p54 2. Évaluer la situation locale.......................................................... p59 3. De la prévention à l'assistance aux victimes............................... p69
Prévention et information......................................................... p70 Les stratégies de police en matière de sécurité et tourisme........ p76 Assister les touristes victimes d'un crime ou délit...................... p78 4. L'utilisation des technologies.................................................... p83 Recommandations......................................................................... p85
Perspectives................................................................... p91 Les villes du projet........................................................ p93 Références et bibliographie....................................... p108
9
10 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Avant-propos
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La ville touristique, peu importe sa taille ou son type de tourisme, doit considérer la sécurité comme un axe majeur de sa stratégie de développement. Alors que bien souvent par le passé, les politiques de sécurité et de tourisme se sont ignorées, la concertation entre ces deux domaines est essentielle pour permettre le développement d’un tourisme durable et de qualité en Europe. Le fait que nos villes sont de plus en plus ouvertes et globales représente une formidable richesse et de nombreuses opportunités, mais également une forme de vulnérabilité. On ne peut imaginer cacher ni la délinquance quotidienne, ni les nuisances qui touchent les touristes comme les habitants, ni évidemment des risques plus rares, mais majeurs, comme le terrorisme. Les distorsions, voire les ruptures, qui peuvent être engendrées par une cohabitation difficile entre touristes et résidents peuvent être préjudiciables pour l’ensemble de l’écosystème touristique et porter atteinte à l’image de la ville. C'est pourquoi l'Efus recommande de prendre en compte la tranquillité publique dans les stratégies de développement du tourisme et de mener une politique de prévention proactive qui s'assume et devienne un atout pour la ville d'accueil. Celle-ci, sans pour autant être alarmiste, démontre ainsi à ses habitants comme à ses visiteurs qu’elle a pleinement conscience des conflits d’usage potentiels, des risques de part et d’autre et qu’elle choisit d’y faire face pour créer les conditions d’une ville accueillante. Les secteurs du tourisme et de la sécurité ont tout à gagner à travailler ensemble et ne peuvent plus s’ignorer, sans que cela ne les détourne pour autant de leurs objectifs respectifs. Des stratégies associant sécurité et tourisme doivent être conçues pour accueillir au mieux les touristes, lutter contre une criminalité spécifique qui les touche, les aider s’ils ont été victimes, mais aussi les responsabiliser pour qu’ils ne soient pas source de nuisances, et enfin trouver les moyens d’une cohabitation entre résidents et visiteurs.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Si les villes doivent se mobiliser, sous l’impulsion de leur maire et avec les partenaires publics et privés du tourisme, pour assurer un environnement accueillant et sûr à leurs visiteurs, elles doivent aussi veiller à ce que les externalités négatives du tourisme ne viennent pas perturber la qualité de vie des citoyens. Cette publication vise à soutenir la formulation de stratégies locales concertées par le biais d’exemples et de recommandations issus d’un travail de fond mené par les partenaires du projet Sécurité & Tourisme ainsi que de ressources extérieures. Nous espérons qu’elle sera une source d’inspiration pour les villes.
Elizabeth Johnston Déléguée générale
11
12 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
>
>
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Chapitre 1
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Sécurité et tourisme en Europe
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
13
14 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
1. Tourisme : un impact économique majeur
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'Europe est la première destination touristique au monde [1]. En 2014, elle a accueilli 584 millions de visiteurs internationaux, ce qui a généré 446 milliards d'euros d'exportations. Selon le rapport annuel de l'Organisation mondiale du Tourisme (OMT) des Nations Unies [2], « grâce à ces résultats, le tourisme a largement contribué à la reprise économique en Europe ». L'Europe est aussi la destination préférée des touristes européens. En 2013, près de 40 % de ceux-ci ont choisi une destination de l'Union européenne (UE), soit 5 % de plus qu'en 2012. Le tourisme a un poids important dans l'économie européenne : les activités touristiques représentent près de 5 % du produit intérieur brut et fournissent près de 12 % des emplois de l'UE [3]. Le tourisme est donc une activité économique vitale qui contribue à la croissance économique et à l'intégration sociale en Europe. En 2010, la Commission européenne a pris une série de mesures pour consolider la politique commune en matière de tourisme et donner des orientations aux États Membres fondées sur une approche intégrée. Les priorités suivantes ont été établies :
stimuler la compétitivité du secteur européen du tourisme, promouvoir le développement d'un tourisme durable, responsable et de haute qualité,
consolider l'image et l'identité de l'Europe comme une collection de destinations durables et de haute qualité,
maximiser le potentiel des politiques et des instruments financiers de l'UE pour développer le tourisme. Au cours des dernières décennies, le tourisme a été l'industrie qui, à l'échelle mondiale, a enregistré la plus forte croissance commerciale et économique. Dans un nombre croissant de régions dans le monde, voyager est devenu abordable et n'est plus considéré comme un luxe. S'il est bien sûr important de prendre en compte les dimensions industrielle et économique du tourisme, il est également essentiel de tenir
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
compte du fait que les flux de touristes sont constitués de groupes et d'individus qui ont des besoins spécifiques, a fortiori lorsqu'ils voyagent. C'est pourquoi la stratégie européenne du tourisme doit inclure des mesures garantissant aux visiteurs dans toute l'Europe un environnement naturel, social, culturel et économique adéquat qui leur permettra de bénéficier d'une qualité de vie élevée mais aussi d'une qualité culturelle et de loisirs et d'autres droits fondamentaux comme la sûreté et la sécurité.
2. Un lien étroit entre tourisme et criminalité
>>>>>>>>>>>>>>> Selon le dernier Eurobaromètre [4], les touristes en Europe se sentent en sécurité et très satisfaits. Les ressortissants de pays de l'UE interrogés par sondage se disent très satisfaits de leurs vacances en 2014, notamment en ce qui concerne la sécurité (95 %) et la qualité de leur hébergement (95 %). Le Forum économique mondial (World Economic Forum, WEF) a publié en 2013 un rapport sur la compétitivité du secteur touristique dans 141 pays qui mettait l'accent sur la sécurité comme facteur important de cette compétitivité. La sécurité est mesurée en fonction du degré de criminalité, de la menace terroriste, de l'efficacité des autorités en charge de la sécurité et de la sécurité routière. Cinq des 10 pays en tête du classement sont européens (WEF 2013). Cependant, il existe une relation étroite, bien qu'indésirable, entre tourisme et criminalité. Même s’il y a peu d'études sur le sujet, un certain nombre de chercheurs ont démontré que les touristes risquent particulièrement d'être victimes de crimes ou de délits [5]. En effet, la criminalité est aussi liée à la mobilité et à la vulnérabilité des touristes, qui peuvent être désorientés dans un environnement qui ne leur est pas familier, où ils ne parlent pas la langue et dont ils ne connaissent pas la culture. Les visiteurs peuvent être des cibles tentantes pour les délinquants, entre autres parce qu'ils ont un train de vie plus luxueux et/ou des biens plus facilement accessibles. Par ailleurs, les touristes sont parfois eux-mêmes
15
16 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
auteurs de délits et de troubles [6]. Mais ce lien entre tourisme et criminalité n'est pas inévitable. Certaines zones touristiques et certains grands événements enregistrent de faibles taux de criminalité. Lorsqu'il existe un certain niveau de criminalité, le problème peut se manifester de différentes manières. Dans certaines zones très fréquentées, il peut exister un taux élevé de crimes et délits : vols, cambriolages ou délits liés aux véhicules. Dans d'autres zones, ce sont les résidents qui peuvent souffrir de taux de délits et de troubles plus élevés dus principalement aux jeunes touristes fêtards. Les recherches montrent que la sécurité dans toutes ses composantes est devenue un facteur-clé dans la qualité et le développement du tourisme et qu'elle doit être prise en compte sérieusement à tous les niveaux de l'offre (sécurité des touristes et des destinations touristiques [7]. En effet, les vacanciers peuvent annuler leur réservation, ou s'abstenir de voyager dans les destinations jugées risquées, ou bien encore se déplacer vers des lieux plus sûrs, voire rentrer chez eux. Beaucoup de voyageurs consultent les informations sur la sécurité des destinations avant de faire leur choix. Dans certains lieux touristiques, les habitants peuvent rejeter la présence des visiteurs car ils ont le sentiment que le tourisme affecte leur qualité de vie [8]. On voit ainsi que l'impact des questions de sécurité sur les zones touristiques est important : celles-ci affectent les touristes, les habitants et l'industrie touristique. Cependant, là où les politiques publiques apportent un soutien spécifique aux touristes ayant été victimes, les recherches montrent que les effets négatifs de la criminalité peuvent être contrebalancés, notamment par l’assistance portée aux touristes [9].
3. Deux secteurs qui s’ignorent
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Apporter une réponse effective à la criminalité dans les zones touristiques devrait en conséquence faire partie autant des politiques de
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
sécurité que de celles concernant le tourisme. Dans bien des cas, les politiques de réduction de la criminalité courantes dans de nombreuses sociétés européennes sont tout aussi applicables à la criminalité et aux troubles liés au tourisme, avec les nuances qui s'imposent. Mais s'il existe bien des politiques qui s'adressent particulièrement à la criminalité liée au tourisme et à la réduction des méfaits, comme par exemple les dispositifs de soutien aux touristes victimes ou les unités de police dédiées [10], celles-ci sont l'exception plutôt que la règle, en particulier parce que l'industrie du tourisme, et ce autant dans le secteur public que privé, participe rarement à des réseaux de sécurité urbaine. Ceci apparaît clairement aux niveaux international et national. Par exemple, au sein de la Commission européenne, la criminalité et la sécurité sont de la compétence des Directions générales (DG) des Affaires intérieures ou de la Justice alors que le tourisme relève de la DG Entreprises et Industrie, qui n’aborde pas les questions de la criminalité et des troubles à l'ordre public dans ses déclarations politiques [11]. Dans de nombreux pays européens, la criminalité et la sécurité sont l'apanage des ministères de l'Intérieur et de la Justice alors que le tourisme relève des ministères ou secrétariats d'État du Commerce et de l'Industrie, des Affaires étrangères, de la Culture, ou encore du Sport, autant d'institutions qui, là encore, ignorent largement les questions de sécurité liées au tourisme [12]. L'étude des sites internet des gouvernements européens montre en effet que la plupart des références au tourisme et à la sécurité sont le fait des ministères des Affaires étrangères, qui publient des informations soit sur les problèmes de sécurité affectant les ressortissants à l'étranger, soit sur problèmes causés par ces ressortissants dans les pays de destination. Cependant, certaines données indiquent une évolution de la pensée européenne sur ce sujet et notamment sur le traitement des touristes qui ont été victimes de crimes ou délits. Cette ligne de pensée considère que les citoyens européens voyageant au sein de l'UE doivent avoir les mêmes droits que les citoyens des pays qu'ils visitent. Cet aspect est abordé à la fois sous l'angle du tourisme en tant que secteur d'activité [13] et sous l'angle des droits des victimes, conformément à la Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne, qui a autorité de loi depuis le Traité de Lisbonne de 2009 [14].
17
18 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
L'un des objectifs est de permettre aux touristes d'exercer leurs droits et de leur garantir assistance lorsqu'ils sont à l'étranger, comme le souligne la Commission européenne : « Il est aussi important dans ce contexte que les citoyens européens connaissent leurs droits et puissent en bénéficier lorsqu’ils se déplacent à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne : ils doivent pouvoir exercer leurs droits de citoyens européens aussi facilement que dans leur pays. » [15] De fait, les pays de l'UE doivent garantir aux touristes qu'ils puissent exercer leurs droits dans toute situation de la vie quotidienne (par exemple leurs droits comme consommateurs et leur liberté de mouvement) et en situation de crise (par exemple en situation de guerre ou de catastrophe naturelle ou lorsqu'ils sont victimes d'un délit).
4. Un défi pour les villes
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Comme exposé dans le rapport de l'Organisation mondiale du Tourisme Protection et sécurité des touristes : mesures pratiques pour les destinations, publié en 1997, les gouvernements nationaux et les autorités locales s'efforcent d'élaborer des mesures et des méthodes pour prévenir et lutter contre la délinquance qui vise les touristes mais aussi les nuisances causées par le tourisme et les types de criminalité spécifiquement liés au tourisme. L'objectif principal est de garantir la meilleure cohabitation possible entre visiteurs et habitants. Les questions de sécurité liées au tourisme devraient être traitées en priorité par des partenariats locaux et notamment par la mise en place de partenariats public-privé. Traditionnellement, la sécurité liée au tourisme est perçue comme une question de sûreté intérieure [16] qui comprend un certain nombre de mesures par lesquelles un pays peut assurer celle-ci sur son territoire et dans sa société en cas de menace réelle ou perçue. Ceci signifie que les autorités nationales qui reçoivent les touristes sont responsables de leur sécurité où qu'ils aillent, par exemple dans les transports, les restaurants, les établissements balnéaires ou les villages de vacances. La
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
façon dont la sécurité nationale est assurée et les standards de sécurité qui sont choisis ont un impact direct sur les flux touristiques. Dans le contexte économique actuel de compétition accrue, le tourisme est un secteur économique de première importance pour de nombreuses villes. C’est parce que les conséquences de la victimation sont nocives pour l'image d'une destination touristique et qu'elles peuvent l'affecter sur le long terme que les autorités locales s’impliquent de plus en plus dans les questions de sécurité et dans la lutte contre la criminalité liée au tourisme. De très nombreux touristes choisissent les villes européennes comme lieu de destination. Ces villes sont de toutes tailles, certaines avec une forte tradition touristique, d'autres moins, et offrent des séjours qui peuvent être consacrés à la culture (patrimoine historique, Capitales européennes de la Culture), au sport (grandes compétitions, Coupes du Monde), à la fête (vie nocturne, grands événements tels que carnavals et festivals), aux affaires ou aux loisirs (séminaires, conférences, sports d'hiver, plage...). Certaines villes et régions proposent une combinaison de ces différents types de tourisme. Parce qu'il est lié, en partie du moins, à leur patrimoine historique et culturel, les villes sont fières de leur tourisme et sont très attentives à leur image auprès des visiteurs potentiels. Le tourisme comporte aussi des externalités négatives et peut être associé à certains types spécifiques de criminalité. Celle-ci est généralement plutôt bénigne – vol, vol à la tire, cambriolage – mais peut aussi inclure des crimes violents tels que le viol, les agressions ou les enlèvements. Même si les systèmes de gestion de la sécurité varient d'un pays européen à l'autre, les autorités locales sont souvent les mieux placées pour élaborer, mettre en place et évaluer les politiques de prévention et elles ont souvent les compétences légales pour ce faire. Elles sont aussi les mieux placées pour traiter ces thèmes en développant des réseaux et des partenariats qui gèrent ces politiques de prévention en se fondant sur une vision globale des problèmes.
19
20 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
5. Les villes européennes en quête de réponses adaptées
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'Efus a commencé à travailler dès 1993 sur les questions de sécurité et de tourisme à travers une série de séminaires organisés dans le cadre du programme Sécucities à Nabeul (Tunisie) et à Toulouse (France) [17]. Un certain nombre de questions avaient été soulevées à l'époque, telles que l'assistance aux touristes victimes de criminalité comme moyen d'améliorer l'image d'une ville. Les participants avaient aussi souligné que les moyens déployés pour prévenir et lutter contre la criminalité affectant les touristes doivent être considérés au sein d'une politique globale de sécurité urbaine. L'Efus a depuis continué à travailler sur ce thème, notamment au travers de projets sur l'assistance aux victimes, la prévention de l'abus de drogues et d'alcool dans les lieux de vie nocturne et la prévention de la violence des supporters de football. Les autorités locales membres du réseau de l'Efus ont exprimé le besoin de partager et d'acquérir des connaissances collectives sur ces thèmes. La première étape de ce processus a été franchie lors de la conférence internationale de l'Efus à Aubervilliers et Saint-Denis, en 2012, lorsqu'un groupe de travail a élaboré une première série de recommandations pour le Manifeste « Sécurité, Démocratie et Villes » [18]. Ce groupe a rassemblé un panel varié de villes, certaines ayant une zone touristique assez limitée ou avec un faible taux de criminalité et de victimation, d'autres étant des destinations touristiques d’envergure. Dans les recommandations du manifeste, les villes affirment notamment l'importance de promouvoir une coopération internationale sur les questions de sécurité liées au tourisme et de considérer le touriste comme un citoyen temporaire de la ville, avec des droits et des devoirs. Ceci a constitué la base du projet Sécurité & Tourisme.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
es problématiques suivantes ont été identifiées à l'origine du projet L Sécurité & Tourisme :
Les touristes peuvent être victimes de crimes et délits dont le vol à la tire, le cambriolage ou l'agression. Lors de leur séjour, ils peuvent aussi être victimes d'une mauvaise expérience liée aux inconvénients de la vie en ville, par exemple les nuisances dans les espaces publics ;
Les touristes peuvent aussi être auteurs de troubles, de délits ou de crimes. C'est le cas par exemple des hooligans lors d’événements sportifs, ou bien des touristes qui consomment de la drogue ou de l'alcool lors d’événements festifs, ou bien encore qui vandalisent des monuments.
La durabilité du tourisme et son impact sur la population et l'environnement doivent aussi être pris en compte. Si le tourisme peut être un atout important sur le plan économique et culturel, il peut aussi déséquilibrer la vie et l'environnement locaux. À partir de ces problématiques, trois questions centrales ont été posées :
Quels sont les problèmes de sécurité spécifiques au tourisme ? Quel est le rôle des villes et quel type de gouvernance doit être adopté ? Quels outils et méthodes les villes peuvent-elles utiliser pour leur stratégie de sécurité et de tourisme ?
21
22 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Chapitre 2 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Problèmes spécifiques liés à la sécurité et au tourisme >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
23
24 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
1. Sécurité, politique du tourisme et citoyens
>>>>>>>>>>>>>>> Dans les villes où il y a des afflux importants de touristes, les résidents peuvent avoir une sensation de saturation, en particulier ceux qui vivent près des zones les plus fréquentées. Le tourisme peut peser lourdement sur la communauté locale en raison de l'occupation des espaces publics ou bien de comportements antisociaux, de vandalisme, etc. Il peut aussi changer la nature d'un quartier avec le développement rapide de magasins de souvenirs, de restaurants ou d'une micro-criminalité comme par exemple les vendeurs de rue ou les faux guides touristiques. De même, le développement de la vie nocturne dans certains quartiers entraîne des nuisances, notamment le bruit qui peut gravement affecter la qualité de vie. Lorsque les touristes connaissent mal les us et coutumes de la ville ou des quartiers qu'ils visitent ou bien s'ils se livrent, consciemment ou non, à des activités délictueuses, leurs relations avec les habitants peuvent être tendues, voire conflictuelles ; la cohabitation est alors menacée. Pourtant, la qualité des relations entre résidents et visiteurs est justement clé pour créer un sentiment de sécurité ou d'insécurité chez les touristes. Celles-ci peuvent être développées de différentes manières, par exemple les résidents peuvent travailler dans l'industrie du tourisme ou les services comme guides, interprètes, réceptionnistes, serveurs, chauffeurs de taxi ou employés des transports publics. Les contacts peuvent être organisés formellement (volontariat lors de grands événements, visites guidées) ou de façon informelle (greeters1). Le degré d'acceptation du tourisme par la population locale est aussi lié à son degré d'adhésion à la stratégie touristique élaborée par les différents acteurs concernés. La participation citoyenne peut être encouragée dans bien des domaines des politiques publiques pour lesquels les autorités recherchent un consensus autour de stratégies à
1- Habitants bénévoles accueillant gratuitement des touristes pour leur faire découvrir leur quartier.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
long terme. Dans le domaine de la sécurité liée au tourisme, la participation citoyenne est essentielle et peut être organisée à plusieurs niveaux mais la consultation et l'information constituent une première étape indispensable. Les citoyens peuvent également être impliqués dans l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques de sécurité et de tourisme. Les villes sont à la recherche de solutions pour pacifier les relations entre visiteurs et résidents. Informer les touristes des règles tacites et des us et coutumes de la communauté peut être un excellent moyen d'améliorer ces relations, comme le montre l'exemple de Barcelone. Une solution complémentaire peut être d'impliquer les habitants comme ambassadeurs volontaires pour informer les touristes ou bien pour participer à des actions visant à assurer la sécurité et à renforcer le sentiment de sécurité, ce qu'ont fait par exemple Alba, Munich et Brasov. Sur la question de la participation des volontaires à la sécurité, par exemple lors des grands événements, il existe un certain nombre de caractéristiques communes et nécessaires, en particulier [19] : les compétences linguistiques, la mise à disposition d'équipements adaptés (uniformes, supports de communication), une formation adéquate, la supervision des volontaires par la police et la mairie.
25
26 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Welcome to Barcelona : un guide pour le tourisme durable qui prend en compte les us et coutumes de la ville Barcelone accueille le touriste comme un citoyen temporaire, avec le droit d’accès aux services de la ville et le devoir de respecter les normes et de préserver une bonne cohabitation avec les autres citoyens. Le guide Welcome to Barcelona [20] est le support d’information et de prévention à destination des visiteurs. Il a été élaboré collectivement à partir des contributions des secteurs public et privé. Il s’agit d’un outil de référence, disponible en ligne via www.bcn.cat. Cette publication éditée en neuf langues est disponible en ligne et en version papier, selon les besoins propres à chaque usager.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Les équipes de volontaires à la Foire internationale de la truffe d'Alba La ville d’Alba est relativement petite (30 000 habitants) mais a réussi à développer une offre touristique originale, fondée sur la richesse de son terroir. Autrefois réservée aux gastronomes connaisseurs, la Foire internationale de la truffe est devenue un événement de masse attirant chaque année quelque 300 000 visiteurs, soit dix fois la population de la ville, pendant six semaines. Lors de l’événement, les citoyens font partie intégrante du dispositif de sécurité. Jusqu'à 60 volontaires peuvent être recrutés pour travailler avec la police locale et la protection civile. Une convention entre la ville d’Alba et les associations de volontariat désigne notamment un coordinateur des volontaires qui dialoguera directement avec la police locale. Les volontaires ont par exemple pour rôle de coordonner les flux à l'entrée des rues fermées au trafic pendant le festival, de donner des informations aux touristes et d'assister les festivaliers en cas de besoin en se mettant en liaison avec la police locale et la protection civile. Les principales caractéristiques du programme de volontariat à la Foire internationale de la truffe d'Alba sont : les volontaires portent un uniforme et un badge, ce qui leur donne visibilité et accréditation ; ils sont en contact radio permanent avec les services de sécurité et la défense civile ; ils sont supervisés et coordonnés par une unité centrale ; ils sont placés par groupes de deux sur un certain nombre de points stratégiques ; ils sont recrutés dans les associations locales et doivent fournir un certificat médical. De nombreux carabinieri à la retraite participent au programme de volontariat. Le programme de volontariat fonctionne toute l'année et les volontaires peuvent être appelés à d'autres moments de l'année pour d'autres missions (musées, écoles, sécurité routière, etc.). Les volontaires sont tous très disposés à rencontrer les visiteurs ; ils apportent un véritable service à la communauté pour lequel ils ne reçoivent aucune contrepartie financière.
27
28 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Les habitants de Munich, ambassadeurs de leur ville Munich cherche à créer une culture d'accueil des touristes pour que les visiteurs étrangers se sentent à l'aise dans la ville. Lors de grands événements qui se déroulent dans toute la ville, comme le championnat de football de 2006 et le Congrès oecuménique de 2010, Munich a organisé un programme de volontariat. Les Munichois qui parlent au moins deux langues peuvent se porter candidats pour être ambassadeurs officiels de la ville. Leur rôle consiste à guider les touristes et à leur donner des informations sur la culture et les coutumes allemandes. Ce programme est très apprécié des visiteurs étrangers qui se sentent ainsi mieux accueillis et plus en sécurité. Pour la ville, ce système a l'avantage d'être peu coûteux (elle fournit seulement les uniformes et les repas). Quant aux ambassadeurs, ils sont fiers de montrer leur ville aux visiteurs et de les mettre à l'aise.
Le programme de volontariat de Brasov pour les grands événements sportifs et culturels Une équipe de 400 volontaires participait à l'organisation du Festival olympique de la Jeunesse européenne (FOJE)2 en 2013. Outre le fait qu'ils ont contribué au bon déroulement de l'événement, ils ont aussi pu acquérir de nouvelles compétences et mettre en pratique des valeurs civiques. Les volontaires ont participé à diverses activités telles que les accréditations, la restauration, l'escorte, l'assistance technique, la participation aux cérémonies, l'assistanat au Comité olympique national, diverses activités liées aux compétitions, des tâches administratives, l’aide linguistique et la mise en place des installations. La plupart parlaient au moins une langue étrangère, surtout l'anglais mais aussi le français, l'allemand, le russe, le turc, le finlandais et le flamand.
2- Créé en 1990 par le Comité international olympique, le Festival olympique de la jeunesse européenne a pour but de promouvoir les sports olympiques auprès des jeunes et de les préparer aux JO.
>
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Quelque 1300 personnes ont été candidates à un emploi de volontaire, originaires de Roumanie et de divers pays (Chine, République tchèque, Hongrie, Grande-Bretagne, Slovaquie). La majorité étaient des étudiants mais on comptait aussi des mères au foyer, des demandeurs d'emploi, des salariés et des entrepreneurs. Le programme de volontariat, qui a demandé beaucoup de préparation, de suivi et de management de la part des organisateurs, a été déterminant pour le succès de l'événement. La plupart des volontaires se sont déclarés extrêmement satisfaits et ont montré pendant toute la durée du festival beaucoup d'enthousiasme et de sérieux.
2. Image, communication et espaces publics
>>>>>>>>>>>>>>>>>> Lorsqu'un touriste visite une ville inconnue, les premières impressions dès l'arrivée sont déterminantes dans son expérience globale. L'objectif est de faire en sorte que ce visiteur ait envie de revenir et parle positivement de la ville à sa famille, ses amis, ses collègues de travail et sur les réseaux sociaux. Étant donné l'importance des commentaires et critiques sur Internet, que beaucoup de touristes consultent lorsqu'ils préparent leurs vacances, les villes s'y intéressent tout particulièrement. En conséquence, elles évoluent graduellement vers des écosystèmes « intelligents » qui incluent les technologies de l'information et de la communication dans leurs stratégies de tourisme et sécurité. Les premières impressions concernent l'arrivée à l'aéroport ou à la gare, le transfert à l'hôtel, l'accueil à la réception ou au restaurant, la première promenade en ville, l'utilisation des transports publics, ou encore pénétrer dans un magasin ou un musée. Tous les acteurs qui entrent en relation avec le visiteur lors de son séjour doivent avoir pour priorité de donner une bonne première impression. Les thèmes abordés ci-dessous influent sur la perception qu'ont les touristes de la sécurité et sur l'image d'une ville. Bien qu'ils ne soient évi-
29
30 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
demment pas spécifiques au tourisme, ils sont très importants pour les visiteurs qui découvrent une ville pour la première fois et ne sont pas familiers avec son urbanisme, son environnement culturel et sa langue.
>> L'environnement de la ville : la gestion des espaces publics Outre les relations entre visiteurs et résidents, qui sont vitales pour créer une atmosphère paisible favorable au tourisme, l'environnement physique dans lequel le visiteur évolue dès qu'il arrive est aussi important. La propreté, l’accessibilité de l’information, les plans de la ville, la signalisation, l'éclairage public, les graffitis, le vandalisme et les comportements antisociaux contribuent tous au sentiment d'(in-)sécurité. Les comportements irrespectueux ou l'état d'abandon des espaces publics peuvent être interprétés tant par les habitants que par les touristes comme le signe d'une société qui se désagrège et que les pouvoirs publics ne maîtrisent pas. Dans de nombreuses villes, les dommages liés à l'alcool (accidents de la route, détritus et notamment verre cassé, bruit) ont été identifiés comme préjudiciables au tourisme. La gestion des espaces publics est donc une question cruciale et transversale. C'est par exemple le cas dans les zones Unesco de Bruxelles et de Rome, où le tourisme est particulièrement dense.
« Monsieur Unesco » à Bruxelles La municipalité de Bruxelles a nommé un « Monsieur Unesco [21]» chargé de coordonner l'ensemble des initiatives liées à la zone Unesco – la plus touristique de la ville – en matière de commerce, urbanisme et tourisme. Il assure le respect du règlement communal d’urbanisme et contribue à la redynamisation de cette zone en participant aux stratégies mises en place par la ville. Il mène aussi un travail de terrain et stratégique qui couvre plusieurs compétences transversales : urbanistiques, commerciales, patrimoniales, touristiques, gestion de l'espace public et propreté. En collaboration avec les services de la ville, le travail s’organise autour de plusieurs axes : lutte contre l’abandon immobilier et revitalisation
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
de grands sites, immeubles et étages vides au-dessus des commerces, conseils pour tout projet de transformation des immeubles et des façades, dans le cadre par exemple d’une demande de permis d’urbanisme, élaboration d’outils et actions de sensibilisation et de mise en valeur du patrimoine.
Gestion des espaces publics du site Unesco à Rome La gestion des espaces publics à Rome consiste d’une part à activer les outils permettant d’assurer la conservation des sites reconnus Patrimoine de l’Unesco et d’autre part à appliquer des mesures visant à améliorer et à mettre en valeur les quartiers, y compris périphériques, de la ville de Rome. Pour donner suite aux recommandations de l’Unesco3, Rome a rédigé un plan de gestion qui est un outil indispensable pour définir et rendre opérationnel un processus de protection et de développement partagé. Afin de rédiger ce plan, un protocole d’entente a été signé en 2009 entre la commune de Rome, le ministère des Biens, des Activités culturelles et du Tourisme, le commissaire délégué pour les interventions urgentes dans les zones archéologiques de Rome et d’Ostia Antica et l’instance dirigeante du diocèse de Rome. Les instances de la ville de Rome ont reçu des éléments stratégiques et des mesures de mise en œuvre proposées et défendues par les diverses institutions signataires du protocole, représentées au sein de la Commission technique et scientifique et des référents du Saint-Siège. En outre, afin d’évaluer les dynamiques et l’orientation des stratégies de développement, une analyse AFOM (atouts - faiblesses - opportunités - menaces) a été réalisée.
>> Tourisme, mobilité et sécurité Les touristes sont par nature mobiles. Dans de nombreuses villes, les problèmes de sécurité liés au tourisme sont plus fréquents dans les quartiers 3- et aux dispositions de la loi n° 777 de 2006
31
32 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
proches des aéroports et des gares, où les touristes arrivent et ont leur premier contact avec la ville, où ils doivent se repérer, veiller à leurs bagages, etc. Dans certaines villes, les gares et leur périphérie ont été identifiées comme les zones cibles de la criminalité visant les touristes, notamment les escroqueries. Les taxis font aussi souvent l'objet de plaintes : les touristes peuvent par exemple être victimes de faux taxis. Des actions visant particulièrement les problèmes liés à la mobilité des touristes doivent être envisagées. Les compagnies aériennes, les agences de voyage, les systèmes de transport urbain qui ont tous une responsabilité en matière de tourisme doivent être associés à la stratégie de sécurité et de tourisme. Un exemple est la création de zones piétonnières qui constituent un environnement plus agréable et détendu pour les visiteurs.
>> L'aspect social des espaces publics et son impact sur le tourisme Dans les centres-villes, en particulier dans les quartiers très fréquentés, l'image de la ville peut être affectée par une concentration de personnes sans domicile et de mendiants. L'excès de sollicitation ou le comportement agressif de certains d’entre eux peut avoir un impact sur le sentiment de sécurité. Dans certains endroits ou lors de certains événements, il peut y avoir aussi un trafic organisé d'êtres humains, tel que la prostitution, qui profite des « opportunités » liées à la présence en masse de visiteurs. La plupart des villes cherchent à (ré)insérer socialement ces groupes marginalisés, plutôt que de « nettoyer » les rues dans le seul but de donner une meilleure image aux visiteurs. Bruxelles et Rome ont d'ailleurs souligné que l'impact sur leur image de la présence de ce type de personnes dans certains quartiers est tout à fait relatif. Rome a une approche globale qui concerne tous les groupes vulnérables, dont les migrants, les demandeurs d'asile et les sans-abri. À Bruxelles, la cellule Hersham de la zone de police de Bruxelles-Ixelles est un exemple d'une telle approche équilibrée.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
La cellule Hersham de la zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles Les inspecteurs de police de cette cellule ont pour mission de réduire les nuisances occasionnées par les sans-abri, qui sont le plus souvent en errance dans l’espace public à proximité des lieux fréquentés par les touristes (gares, centre-ville). Les sans-abri ont tendance à éviter la police car la plupart ne possèdent pas de documents d’identité. L’objectif du projet consiste à établir une relation de confiance avec eux et à réduire autant que possible les nuisances qu’ils occasionnent (ivresse sur l'espace public, bagarres, détritus), mais aussi à intervenir pour réprimer les agressions dont ils peuvent être victimes. À cet effet, les inspecteurs de police ont recours aux méthodes suivantes : prise de contact avec les sans-abri, conclusion d’accords avec eux quant au respect des règles de vie dans les stations de métro et l’espace public, renvoi des sans-abri vers les instances d’aide, démarches de régularisation d es documents d’identité des sansabri de nationalité belge, amélioration de l’image de la police auprès des sans-abri par l’exclusion de l’arbitraire. >> Gérer l'image de la ville La communication et l'information sont habituellement considérées comme l'une des premières approches de prévention de la criminalité. Mais insister sur la sécurité peut aussi avoir l'effet inverse et contribuer à générer un sentiment d'insécurité. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le tourisme de loisirs qui consiste avant tout à rechercher le plaisir et le divertissement : insister sur la criminalité, l'insécurité ou les nuisances semble paradoxal et même contre-productif. C'est une question délicate à laquelle de nombreuses villes sont confrontées lorsqu'elles s'efforcent de construire leur image et leur « marque ». Évidemment, la réponse dépend en grande partie de l'identité sociale, culturelle et politique de la ville.
33
34 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
La plupart des villes considèrent que pour que le tourisme atteigne le plus haut niveau de qualité, les touristes doivent être informés des questions de sûreté et de sécurité et qu'il faut imaginer des outils de prévention pour répondre aux menaces potentielles. Elles soulignent qu'il convient de donner une information adéquate aux publics cibles au bon moment. Par exemple, il vaut mieux éviter de déployer une campagne d'alerte dans les aéroports, car les publics cibles ne seront sans doute pas réceptifs dans ces lieux de transit où la sécurité est déjà mise au premier plan. Il est aussi fondamental d'adapter les outils de prévention de la criminalité aux touristes. Pour cette cible, les outils de communication doivent être conçus en partenariat par des professionnels du tourisme et de la sécurité. Barcelone, Paris, Rome, Alba et Brasov ont tous créé des guides pour les touristes qui comprennent des conseils de sécurité. Les termes utilisés dans les dépliants ou brochures d'information doivent être choisis avec soin, de même que dans la rédaction des enquêtes pour recueillir des informations auprès des touristes sur les questions de sécurité. La plupart des villes préfèrent utiliser l'expression « qualité de vie » pour aborder ces questions lorsqu'elles adressent aux visiteurs. On doit cependant noter que certaines villes ont choisi de ne pas inclure la sécurité dans leurs campagnes de communication auprès des touristes et considèrent même que leur stratégie de sécurité et de tourisme ne doit pas être rendue publique. Pour certaines villes, comme Saint-Denis, l'image est une question cruciale. Pendant des années, tout le territoire de la ville et de sa périphérie (tout le département de Seine-Saint-Denis) a eu une mauvaise image due à un taux élevé de criminalité. C'était particulièrement le cas après les émeutes de 2005 qui ont fait les gros titres des médias français et internationaux. Donner une nouvelle image de marque à la ville demande un investissement important, notamment des campagnes dans les médias pour valoriser les nombreux points forts de la région. La mobilisation des habitants de Saint-Denis et des nombreux acteurs de la région est également importante. Bien que Saint-Denis n'ait pas une stratégie de communication spécifique pour les touristes, la ville encourage ses équipes et les professionnels du tourisme à véhiculer une image positive de la ville.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Gérer l'image d'une ville est aussi souvent lié à la gestion du système de plaintes. Lorsque des touristes vivent une mauvaise expérience, c'est l'assistance portée sur le moment et le suivi dont ils feront l’objet par la suite qui peuvent faire la différence et transformer une expérience négative en positive. C'est pour cette raison que la ville de Rome a choisi de faire du système de plainte le thème principal de l'audit local mené dans le cadre du projet Sécurité & Tourisme. Bruxelles, pour sa part, souligne l'importance du questionnaire de satisfaction destiné à améliorer la qualité de la ville comme destination touristique.
Visit Brussels : un questionnaire en ligne et une « académie qualité » Visit Brussels est l'agence de communication du tourisme de la Région de Bruxelles, qui a pour mission d'élargir et de renforcer l'image de la ville. Elle a développé notamment deux outils centrés sur la qualité de la ville en tant que destination touristique qui prennent en compte les enjeux de sécurité. Ils sont destinés à la fois aux visiteurs et aux acteurs locaux du tourisme. Un baromètre de satisfaction reprend chaque mois les résultats d'un questionnaire en ligne, qui comprend notamment une question relative à la sécurité, sur les 12 derniers mois. Ce processus n’a pas la prétention d’être scientifique mais il donne un instantané de la satisfaction des visiteurs et permet de cibler les actions à entreprendre pour améliorer la qualité de la destination. Le questionnaire est rempli de façon volontaire. Des entretiens en face-à-face ont également lieu périodiquement et au hasard dans différents endroits de Bruxelles. [22] Visit Brussels organise des sessions d’information ouvertes à tous les acteurs du tourisme en contact avec les visiteurs et soucieux de la qualité de l'accueil : hôtels, chambres d'hôtes, auberges de jeunesse, restaurants, guides, bureaux d’accueil, greeters, musées, commerces et autres prestataires de services. Une session pratique d’une demi-journée est consacrée à la sécurité avec des interventions de la zone de police et de du service prévention de la ville de Bruxelles - BRAVVO - (initiatives et outils existants,
35
36 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
techniques et bonnes pratiques à suivre pour contrer les différents phénomènes ayant un impact sur la sécurité et la satisfaction des touristes, contacts utiles et mesures à prendre en cas d'incident spécifique). [23]
3. Le management de la sécurité des grands événements
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Dans la compétition mondiale pour attirer les touristes, les villes ont tendance à se définir, du moins en partie, au travers des événements qu'elles organisent ou accueillent. Ces événements culturels, sportifs ou professionnels (salons et foires) ont pour finalité de renforcer le dynamisme et l'attractivité de la ville. Que ce soit pour l'organisation de petits événements destinés principalement à un public local et national ou d'événements de masse qui attirent des millions de visiteurs internationaux, les villes ont dû élaborer des stratégies sur mesure à partir des expériences passées – notamment la tragédie de la Love Parade de Duisbourg en 2010 (21 morts et 510 blessés dans un mouvement de panique de la foule) – pour prendre en compte la sécurité dans sa globalité. Les grands événements ont un impact majeur non seulement sur le développement économique mais aussi sur la cohésion sociale et la démocratie, et ce autant pour les citoyens que les visiteurs. Mais les villes doivent aussi prendre en compte leurs effets négatifs sur la sécurité, comme par exemple le trafic d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, les vols et vols à la tire, les risques en cas de mouvements de panique dans la foule ou d'incidents affectant les structures et les équipements, les comportements antisociaux, le bruit et les nuisances pour les voisins, les risques de santé publique et psycho-sociaux entraînés par l'abus d'alcool et de drogue, le trafic de drogue, ou encore la violence des supporters. La gestion de la sécurité pour les grands événements demande des partenariats forts pour planifier la sûreté et la sécurité de façon extrêmement détaillée en fonction de standards établis à la suite de
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
catastrophes passées. Les campagnes de prévention et les patrouilles spéciales de la police contribuent à diminuer le sentiment d'insécurité. D'autres aspects souvent mentionnés sont les équipements et technologies de sécurité qui peuvent être déployés dans certains lieux précis comme les stades, ou encore l'importance des volontaires pour donner des informations et collaborer à la sécurité. Les exemples présentés ci-dessous montrent que les villes peuvent organiser toute sorte d'événements de type similaire – sommets politiques, festivals, foires annuelles, événements sportifs [24] – ainsi que des événements exceptionnels, comme ce fut le cas à Rome pour la béatification simultanée de deux papes. D'autres événements majeurs mentionnés par les villes sont les concerts des Rolling Stones et les sommets du G20.
Munich : le management de la sécurité au festival Tollwood Lancé en 1988 comme un festival alternatif dédié à l'écologie et au multi-culturalisme, le festival Tollwood de Munich est aujourd'hui un événement de masse qui rassemble quelque 900 000 visiteurs par an. Le festival, qui dure 25 jours entre fin juin et début juillet, est installé sur une vaste zone de 30 000 m² près du Parc olympique. En ce qui concerne le management de la sécurité, la municipalité de Munich a élaboré et mis en oeuvre une stratégie globale qui inclut la réglementation générale en matière de sûreté (les organisateurs doivent obligatoirement présenter un schéma de sûreté avant le festival), le contrôle des nuisances, la réglementation anti-incendie, les services de premiers secours et d'urgence, les services de sécurité, la réglementation en matière d'hygiène et de gestion des déchets et la réglementation routière. Cette stratégie prévoit également la coopération avec la police et les organisateurs du festival, ainsi que les services d'urgence, les pompiers de Munich, le service de l'Ordre public de Munich, les groupes et artistes, les propriétaires de stands, les visiteurs et les voisins du site. Un aspect important de ce plan très exhaustif est qu'il est préparé long-
37
38 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
temps à l'avance avec les organisateurs du festival. Chaque année, ils doivent présenter au Bureau des Événements et des Conventions du service de l'Ordre public un plan détaillé du prochain festival. Toutes les questions de sécurité sont abordées et planifiées des mois à l'avance. Par ailleurs, une campagne active d'information est organisée auprès des résidents qui reçoivent des lettres d'information des semaines avant l'événement et sont invités à visiter les coulisses des installations. Cette stratégie globale et le fait qu'elle est fondée sur un partenariat solide et ample expliquent dans une large mesure le succès ininterrompu du festival. En 25 ans, il n'y a eu aucun incident majeur et l'événement a préservé son atmosphère bon enfant et paisible. Il est aussi bien accepté par la population locale.
Barcelone, une ville d’événements toute l’année Barcelone est une ville qui accueille tout au long de l’année des grands événements fréquentés par de très nombreux visiteurs espagnols et étrangers, qu’il s’agisse de foires, de congrès ou de compétitions sportives. Une gestion intelligente et prévisionnelle de ces événements, fondée sur un système informatique, permet notamment en fonction de l’arrivée des visiteurs dans les gares, au port et à l’aéroport, de fixer les grandes dates d’activité touristique ainsi que le volume et les caractéristiques et besoins des visiteurs, par exemple la capacité hôtelière. Ce système d’information partagée, appelé SIGT, dont le contenu est fourni par des opérateurs publics et privés, est particulièrement utile pour la prise de décision en matière de transport, sécurité, santé et commerce ainsi que pour la gestion des services municipaux tels que la propreté et l’entretien des équipements. Chaque mois, Barcelone dispose ainsi d’un document permettant de prévoir l’usage touristique de la ville.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Sécurisation de « Plaisirs d’hiver », le marché de Noël de Bruxelles Le marché de Noël « Plaisirs d’hiver » est le plus important événement de l’année à Bruxelles avec plus d’un million et demi de visiteurs, dont une bonne part de touristes. Un tel afflux pose inévitablement des problèmes de sécurité : présence de pickpockets, bagarres, vols et infractions diverses. Chaque année, les gardiens de la paix de BRAVVO (service prévention de Bruxelles) assurent une présence importante qui rassure les visiteurs. Cette action est complétée par la campagne de prévention du vol Safe in the City [25]. Afin de garantir une prévention efficace, quelques 30 agents participent chaque année aux Plaisirs d’hiver. Dans le cadre de la campagne Safe in the City, la cellule techno-prévention et le service de communication de la ville de Bruxelles collaborent depuis plusieurs années avec la police municipale. Un chargé de projet (BRAVVO) Safe in the City et un inspecteur de police sensibilisent les commerçants et disposent en bonne place affiches et autocollants afin d’informer et alerter les visiteurs. Avant l’ouverture du marché de Noël, tous les commerçants des chalets sont informés par lettre de la campagne Safe in the City et reçoivent divers supports de prévention (autocollants, dépliants) qu’ils sont invités à apposer sur leur stand en signe de participation active à la prévention des pickpockets et vols en tout genre. Enfin, les commerçants et gérants d’établissements (cafés, restaurants, hôtels) sont également contactés directement, ce qui augmente l’impact de la campagne. Par ailleurs, BRAVVO a renforcé sa collaboration avec le Bureau Brussels Major Events (BME), organisateur de l’événement, appelé à diffuser un message de prévention par voie audio et sur les sept écrans géants répartis dans l’enceinte du marché de Noël.
Sécurité au Stade de France de Saint-Denis Situé à Saint-Denis, le Stade de France accueille de grands événements sportifs et musicaux. Il compte 80 000 places dont 27 000 en pelouse. Chaque année, 130 matchs de foot, 120 matchs de rugby, des concerts
39
40 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
et autres événements y ont lieu. En moyenne, le stade accueille chaque année 30 grands événements et entre 150 et 250 événements de moindre importance. À chaque fois, entre 700 et 1 200 agents de sécurité sont déployés. L’organisateur de l’événement est responsable de la sûreté du public tandis que le directeur de la sécurité du Stade de France est responsable du bâtiment. Cependant, ce dernier émet aussi des propositions pour la sécurité du public et les deux responsables travaillent en étroite collaboration. Plusieurs mesures importantes de sécurité sont systématiquement mises en place : toutes les voies de sortie sont dégagées pour permettre l’évacuation totale du stade en huit minutes ; un couvre-feu est imposé à 23h30 (afin de permettre à tous les participants de prendre les transports en commun à la sortie du stade) ; l’alcool est interdit dans l'enceinte.
La candidature de Brasov pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse d'Hiver Brasov était candidate à l'organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse d'Hiver (JOJH) de 2020, un grand événement sportif et culturel pour la jeunesse qui est célébré dans la tradition des Jeux olympiques. La candidature de Brasov4 était fondée sur le fait qu'elle a organisé avec succès le Festival olympique de la jeunesse européenne d'hiver en 2013 et sur les bénéfices attendus des JOJH pour le développement de la région. La sécurité était un aspect clé de la candidature de Brasov. Dans son dossier de candidature, la ville soulignait les bons résultats obtenus en 2013 grâce à un plan exhaustif qui a été élaboré par toutes les parties prenantes (police, gendarmerie et entreprises privées de sécurité en collaboration avec le chef du département de sécurité du Comité d'Organisation). Ce plan comprend notamment une définition claire des compétences parmi tous les organisateurs, y compris les fournisseurs extérieurs ; la sélection rigoureuse des entreprises de sécurité ; la sécurisation de toutes les zones, des installations sportives, des éta-
4- Le Comité international olympique (CIO) a annoncé le 31 juillet 2015 que la ville choisie était Lausanne (Suisse).
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
blissements d'hébergement et des lieux de cérémonie ; la formation des volontaires et l'achat d'équipements de première qualité pour tout le personnel de sécurité.
Les mesures de sécurité lors de la béatification de deux papes à Rome Les cérémonies de béatification de deux papes en avril 2014 à Rome ont constitué un défi sans précédent pour la municipalité, le Vatican et l'État italien. La manifestation était extrêmement problématique en raison de sa résonance planétaire, de l’attention des médias internationaux et du flux massif de pèlerins et de personnalités. Environ un million de fidèles se sont rassemblés sur la place SaintPierre en présence des papes François et Benoît XVI. 24 rois, reines et chefs d’État, 10 chefs de gouvernement ainsi que des dignitaires de 122 pays étaient présents. Le plan de sécurité avait été élaboré lors de réunions techniques organisées par la Préfecture de police. Il était actualisé chaque jour en temps réel, avant et pendant l'événement. De plus, un groupe de travail avait été créé dès janvier, rassemblant tous les services concernés. Le jour de la cérémonie, 2 400 carabinieri et agents de police et de la Guardia di Finanza ainsi que quelque 2 000 agents de la police municipale ont été déployés. La protection civile rassemblait 2 630 volontaires, plus de 500 bénévoles de l’Opera Romana Pellegrinaggi, organe du Saint-Siège, et quelque 1 000 bénévoles de la Croix Rouge. 20 postes de secours ont été montés en différents endroits de la place Saint-Pierre. Le centre de la place était entièrement bouclé, rendu piéton et divisé en plusieurs zones où se répartissaient les invités de marque et le public. Deux lignes de métro et des navettes permettaient aux pèlerins de se rendre place Saint-Pierre. De plus 4 326 autorisations ont été émises pour les autocars.
41
42 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
4. La gestion de la vie nocturne dans la ville
>>>>>>>>>>>>>>>> Les touristes tout comme les résidents sont des usagers de la ville la nuit. Alors qu'ils sont en congé, les visiteurs peuvent changer leurs habitudes et vouloir profiter des activités de vie nocturne offertes par la ville. Ceci est renforcé par le fait que partout en Europe, certaines zones sont connues pour être des hauts lieux de vie nocturne qui sont d'ailleurs promus en tant que tels par l'industrie du tourisme. Dans ces zones, les externalités doivent être gérées dans un contexte où les individus sont extrêmement mobiles – notamment parce qu'ils bénéficient des offres low cost vers de nombreuses destinations – et où la compétition est vive. En particulier dans les centres-villes, où il existe souvent une grande concentration de bars, restaurants et boîtes de nuit, la gestion de la vie nocturne pose de nombreux défis, par exemple en ce qui concerne l'abus d'alcool [26]. Les problèmes liés à la vie nocturne concernent principalement l'ordre et la tranquillité publique, la santé publique et la propreté des espaces publics. Les villes doivent moderniser leur offre de services afin d'améliorer la qualité de la vie nocturne et adapter ceux-ci aux besoins du public festif. Ceci requiert de travailler de façon horizontale et flexible en s'adaptant pour constamment innover. L'un des principaux aspects de ce travail est de proposer une vie nocturne alternative et de qualité qui peut inclure des événements culturels, sportifs ou autre. Un autre aspect est de considérer la vie nocturne comme une opportunité et de gérer la pression que ce type de tourisme entraîne sur la population locale. C'est le rôle des autorités locales de créer les conditions d'une cohabitation saine entre les différents usagers de la ville – ceux qui dorment, ceux qui se divertissent et ceux qui travaillent – par une approche pragmatique et équilibrée. La médiation, notamment sur le sujet important du bruit, est essentielle. Il faut également informer les résidents et les sensibiliser sur les aspects positifs de la vie nocturne, car ils peuvent par exemple ignorer ses bénéfices notamment économiques et culturels.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Au-delà de l'aspect festif et ludique de la nuit qui constitue une opportunité majeure de développement touristique pour les villes, celles-ci doivent également prendre en compte les questions de mobilité et de sécurité dans les transports, d'accès aux services publics (services de secours, d’urgence, d’aide aux victimes), de lutte contre les discriminations, de lutte contre le sentiment d'insécurité qui peut passer par une présence humaine rassurante sur l’espace public (médiateurs) ou encore un travail sur l'urbanisme et l'éclairage. Dans les exemples présentés ci-dessous, les villes de Bruxelles et de Rome font part de leur expérience de gestion de la vie nocturne. À Saint-Denis, l'expérience de la médiation nocturne illustre les bénéfices d'une approche globale.
Manager de la tranquillité publique à Bruxelles Le Manager de la tranquillité publique (MTP) a pour mission d’améliorer la tranquillité publique et la qualité de vie en soutenant les actions intégrées de lutte contre les nuisances et en améliorant le suivi des interventions des services locaux (déblocage de dossiers sensibles et complexes liés aux incivilités). Son périmètre d’intervention est le centre-ville, en particulier la zone touristique, et les zones mixtes d’habitation, de commerce et d’activité nocturne. Depuis début 2013, des réunions de coordination « tranquillité publique » sont organisées régulièrement à l’Hôtel de Ville entre les services de police, de la prévention, de la ville et du cabinet du bourgmestre afin d’assurer un suivi des lieux et établissements problématiques ayant fait l’objet d'un signalement ou d’une interpellation, notamment pour tapage nocturne. Les services impliqués dans cette coordination « tranquillité publique » disposent de différents moyens d’intervention avant la répression : un contact préventif pour informer le gérant de plaintes à l’encontre de son établissement, un rappel de la législation auprès des commerçants,
43
44 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
une verbalisation par le biais des sanctions administratives communales (tapage, terrasse), une rencontre entre le gérant de l’établissement, le cabinet du bourgmestre et le MTP, une fermeture provisoire sur la base d’un arrêté du bourgmestre. Outre le suivi de ces établissements dans les zones touristiques, d’autres actions ont été entamées avec le concours du MTP : rencontres avec les comités de quartier/de commerçants et/ou les plaignants, ce qui a notamment abouti à élaborer un questionnaire et une enquête sur la qualité de vie dans un quartier en particulier, Saint-Géry (centre-ville). Ces rencontres permettent de maintenir le dialogue avec l’autorité publique et les services de la ville ; organisation de concertations entre les plaignants, les autorités publiques et les protagonistes dans le cadre de conflits de voisinage ou liés à un établissement horeca (hôtels, restaurants, cafés) ; collaboration au « Plan été » du quartier Saint-Géry : réunion avec les commerçants et le délégué du Collège chargé du commerce et rappel des règles de respect et de tranquillité, constitution d’une patrouille policière appelée « Hypnos », axée sur le tapage nocturne lié aux activités horeca ; prévention de l’abus d’alcool par les mineurs via des visites directes auprès des commerçants avec un policier et un intervenant BRAVVO ; développement d’un partenariat avec l’Institut bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE) afin de sensibiliser les clients et les gérants d’établissement au bruit au travers de prestations artistiques (les Gentlemen Noceurs).5
La sécurité de la vie nocturne à Rome Il existe un certain nombre de mesures municipales visant à réglementer la consommation d’alcool, la vente à la sauvette et l’occupation du domaine public ainsi qu’à interdire l’accès à certaines zones afin de rendre la vie nocturne plus sûre. Dans les quartiers de la Piazza Trilussa et du Campo dei Fiori, la mairie a déployé un système pilote 5- Il s’agit de groupes de quatre comédiens-danseurs qui déambulent à la rencontre des noctambules près des cafés et bars bruxellois pour les encourager à respecter la tranquillité des riverains.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie et de réduire le sentiment d’insécurité chez les résidents et les touristes. Toute personne peut ainsi signaler un incident quel qu’il soit (problème technique, bagarre) en utilisant un appareil équipé du réseau d’échanges de données sans fil bluetooth. Ces appareils deviennent en quelque sorte des petites bornes d’appel d’urgence. Les capteurs envoient un signal aux caméras les plus proches, qui transmettent instantanément un signal d’alarme visuel au centre opérationnel de surveillance de la ville de Rome. C’est là que la décision d’intervenir sera prise. Afin de lutter notamment contre les agressions, des tarifs préférentiels dans les taxis ont été mis en place. Ceux-ci sont proposés aux femmes qui rentrent seules le soir et aux jeunes qui sortent des discothèques le vendredi et le samedi soir.
Médiation de nuit à Saint-Denis La vie nocturne d’une ville doit être prise en compte de manière globale, non seulement dans son aspect festif mais aussi en ce qui concerne le partage de l’espace public et l’action sur le sentiment d’insécurité. Le service de médiation de nuit de Saint-Denis a ainsi été mis en place pour répondre à plusieurs objectifs : renforcer la présence humaine pour aider à améliorer le sentiment de sécurité et les relations entre les habitants, mettre en confiance en offrant une certaine proximité, assurer une fonction d’interface en menant un travail de prévention, d’information, d’accompagnement, en levant les a priori et en orientant vers les structures ad hoc, apaiser les tensions pour régler les conflits et différends entre individus par d’autres voies que l’intervention de la police nationale, décoder les comportements culturels pour mieux communiquer et éviter les malentendus entre la population et les institutions ou entre différents groupes de population. La mission première des médiateurs est qu’ils soient visibles et assurent une présence rassurante par leurs maraudes préventives.
45
46 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Depuis 2011, les actions se sont développées autour de diverses problématiques : l'intervention auprès des grands groupes qui se rassemblent dans l’espace public ou occupent les parties communes des immeubles et génèrent des nuisances, le rappel de la réglementation aux commerces qui vendent de l’alcool ou créent des nuisances aux heures tardives, la gestion des conflits, l’orientation et l’accompagnement des consommateurs de drogues (crack), l’intervention auprès des personnes sans abri, alcoolisées et/ou consommatrices de drogues dont le comportement peut générer un sentiment d’insécurité, la prise en charge des victimes d’agression, le soutien aux services de secours (pompiers, forces de l’ordre).
5. La traite des êtres humains, la prostitution et le tourisme sexuel
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La traite des êtres humains est l’une des activités criminelles les plus développées et les plus lucratives dans le monde. Bien qu’il soit difficile de recueillir des chiffres précis, le nombre de victimes avérées et présumées dans l’Union européenne a augmenté de 18 % entre 2008 et 2010 : 68 % étaient des femmes, 17 % des hommes, 12 % des filles et 3 % des garçons. La principale forme de traite dans l’UE entre 2008 et 2010 était à des fins d’exploitation sexuelle (62 %). Si les femmes et les enfants constituent à l’échelle mondiale la majorité des victimes, le nombre de victimes masculines augmente. La traite affecte d’une façon ou d’une autre la plupart des pays du monde. Les villes, qu’elles soient d’origine, de transit ou de destination du tourisme sexuel, ont un rôle majeur à jouer pour lutter contre le trafic d’êtres humains et le tourisme sexuel, notamment en matière
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
de prévention par la prise en charge et la protection des victimes, la sensibilisation du grand public et des touristes pour décourager la demande, et la formation des professionnels qui peuvent en être témoins (taxis, hôteliers…). Des coopérations entre villes d’origine et de destination peuvent également être développées pour améliorer la connaissance du phénomène et l'identification des victimes, voire des touristes, se rendant coupables de tourisme sexuel illégal. Le niveau local de gouvernance, qui s'appuie sur un réseau de partenaires, est pertinent pour réaliser des diagnostics aussi précis que possible du tourisme sexuel local et mettre en oeuvre des actions de prévention/répression adaptées. En France, plusieurs associations nationales oeuvrent en faveur des personnes en danger ou en situation de prostitution comme par exemple les amis du Bus des femmes, le Lotus Bus-Médecins du Monde, le mouvement du Nid, et ALC (Accompagnement Lieux d’accueil Carrefour éducatif et social). À Saint-Denis, l’association l’Amicale du Nid, qui propose aux personnes prostituées un accueil de jour dans ses locaux, a réalisé conjointement avec la municipalité un diagnostic local sur la prostitution, qui comprend également une offre de formation pour les acteurs en contact direct avec le public cible. La ville a également mis en place un réseau d’acteurs locaux dédié à la prévention de la prostitution.
ECPAT, un réseau global pour lutter contre le tourisme sexuel pédophile ECPAT (End Child Prostitution, Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes / Éliminer la prostitution infantile, la pornographie et le trafic d'enfants à des fins sexuelles) est un réseau global qui rassemble des organisations locales et la communauté élargie des organisations militant pour les droits des enfants dans le but d'éliminer l'exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales. ECPAT compte 85 membres dans 77 pays.
47
48 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Dans le domaine de la lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants, ECPAT travaille sur trois niveaux : Défendre un cadre législatif plus fort et notamment encourager les États à mettre en place des législations extra-territoriales afin de poursuivre les ressortissants qui exploitent des enfants à l'étranger. ECPAT travaille aussi avec des acteurs dans le monde entier pour prôner une réforme législative fondée sur la Convention relative aux droits de l'enfant et ses protocoles optionnels. De plus, ECPAT produit des rapports de suivi par pays. ECPAT a monté différents partenariats avec l'industrie du tourisme. Par exemple, en s'engageant dans le partenariat avec le « Code de conduite pour la protection des enfants de l'exploitation dans les secteurs du voyage et du tourisme », les voyagistes et autres organisations du tourisme s'engagent à sensibiliser leurs clients et leur personnel aux politiques et mesures destinées à protéger les enfants. ECPAT fournit une assistance technique, un soutien et des ateliers pour aider les législateurs, la police, l'industrie du tourisme et les agences gouvernementales internationales. ECPAT contribue à la recherche nationale et à l'élaboration de tendances régionales ainsi qu'aux recherches sur le comportement des délinquants. Le réseau promeut également les lignes d'assistance par internet (pour signaler les cas). Ainsi, il a coordonné le développement de la European Reporting Platform (plate-forme européenne de signalement) qui rassemble 16 mécanismes de signalement européens, afin de faciliter le signalement des cas.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Recommandations Sécurité et tourisme : des enjeux étroitement liés
Villes touristiques, villes ouvertes Dans un contexte de développement des infrastructures, de multiplication des opérateurs, de concurrence des stratégies de marketing territorial, la ville touristique, ouverte sur le monde, doit fonder sa politique du tourisme non seulement sur l’échange économique mais aussi sur l’échange interculturel. Le tourisme est une opportunité pour la ville d’être ouverte, de bénéficier de l’émulation créée par l’échange culturel entre visiteurs et résidents et d’être mise en lumière dans sa diversité. Le tourisme donne aux habitants un motif de fierté pour l’ensemble de leur cité. Intégrer les politiques de sécurité et de tourisme doit permettre aux villes de réaffirmer qu’elles ne se considèrent pas comme des forteresses mais plutôt comme des réseaux ouverts, prêts pour les échanges économiques et culturels et pour une haute qualité de vie offerte à tous, résidents comme visiteurs.
Les villes doivent favoriser la coexistence entre résidents et visiteurs Pour développer et maintenir un tourisme de qualité, les villes, quel que soit leur profil, doivent veiller à favoriser la coexistence entre résidents et visiteurs. Cela passe par une mise en avant claire des bénéfices apportés par le tourisme au territoire local, ainsi que par un encouragement des habitants à participer à la vie touristique de leur ville. Un tourisme durable doit permettre à l’ensemble des composantes de la ville de profiter de ses retombées positives. Une forte concentration dans les centres-villes peut donner lieu à une pression touristique qui
49
50 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
engendre des externalités négatives et attise les tensions entre résidents et visiteurs. D’autres quartiers peuvent avoir des atouts qu’il est possible de mettre en avant pour opérer une déconcentration qui restaure la ville dans sa globalité. Utiliser et valoriser le potentiel de l’ensemble de la ville doit faire partie intégrante de la stratégie de sécurité et tourisme. D’autre part, et afin de dépasser l’appréhension que peut susciter l’inconnu, l’étranger, il est nécessaire de prendre en compte le fait que le sentiment d’insécurité peut être la conséquence de comportements qui sont autant le fait des visiteurs que des résidents.
Le touriste comme citoyen temporaire des villes, avec droits et devoirs Dès qu’il pose le pied dans la ville, le visiteur devient partie intégrante de celle-ci : il en devient un citoyen, au même titre que les résidents, même si ce n’est que temporairement. Ceci implique un certain nombre de droits mais aussi de devoirs qui sont constitutifs de la citoyenneté. Les citoyens résidents et les citoyens temporaires ont le droit de trouver dans chaque ville un ensemble de conditions de vie environnementales, sociales, culturelles, économiques et politiques permettant de vivre avec dignité, mais ils ont aussi le devoir de chercher à améliorer ces conditions pour tous. Les citoyens résidents et temporaires doivent notamment utiliser les espaces et services publics d’une manière équilibrée et responsable. Il appartient à chaque ville, comme résultat d’un processus collaboratif associant l’ensemble des partenaires et acteurs impliqués, de définir les droits et devoirs des touristes. Un certain nombre de droits et devoirs du visiteur, communs au niveau européen, pourraient être identifiés et portés par les institutions européennes. Le visiteur doit en outre être informé des règles locales afin d’éviter qu’il ne commette, consciemment ou non, des actes délictueux ou répréhensibles (tels que la consommation de substances illicites ou le recours à la prostitution).
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
La gestion de l’image de la ville et la communication en matière de sécurité Une information peut être adressée aux citoyens sur des questions ayant trait à la sécurité et à la qualité de vie : une formulation appropriée doit être trouvée afin que cette communication ne provoque pas elle-même un sentiment d’insécurité. Soucieuses du marketing de leur territoire, les villes peuvent choisir de communiquer davantage sur la qualité de vie, sur le respect des règles du « vivre ensemble » et sur les droits et devoirs des touristes, plutôt que sur les seuls aspects de sécurité. Si une image sûre et accueillante est déterminante dans le choix d'une destination, les villes ne souhaitent pas mettre en avant une vision sécuritaire du tourisme (qui peut se retourner contre son émetteur au moindre incident). La stratégie en matière de communication peut passer par les autorités organisatrices du tourisme, les médias et les individus qui sont à même de pouvoir véhiculer une image positive de la ville, notamment le personnel municipal. Travailler sur l’image de la ville peut passer par la mise en place d’une veille permanente sur les questions de sécurité qui intègre les médias, le web et les réseaux sociaux et la prise en considération des enjeux de sécurité dans les études de marché réalisées pour les différents secteurs du tourisme. Si le marketing ne doit pas se centrer sur les questions de sécurité, il est en revanche possible, voire nécessaire, de communiquer, par des campagnes très ciblées, avec les bons publics et au bon moment sur les informations et les réflexes à adopter. Une réflexion commune sur ces campagnes de prévention qui peuvent exister sous forme de livret d’accueil, de dépliants, d’affiches ou d’objets promotionnels, doit être engagée afin de pointer les meilleures pratiques et angles de communication.
51
52 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
La gestion de l’espace public, bien commun aux visiteurs et aux résidents Fortement lié à l’image de la ville, l’espace public doit être pensé en termes d’accessibilité et de lisibilité, notamment dans les zones fortement touristiques. L’urbanisme, le mobilier, les espaces verts, l’éclairage public comme la gestion des déchets jouent un rôle important dans la production du sentiment de sécurité ou d’insécurité chez les résidents comme les visiteurs. La première impression est cruciale dans l’image que l’on se fait d’une ville. Si elles ne conçoivent pas leur centre-ville comme des « quartiers vitrines » pour les seuls touristes, les villes doivent s’assurer que les mesures prises dans ces zones bénéficient autant aux résidents qu’aux touristes. La piétonnisation temporaire ou permanente de certains espaces, par exemple, est mutuellement bénéfique et permet d’apaiser l’espace public en le rendant plus lisible et moins anxiogène. La définition, la mise en place et la diffusion des règles d’usage de l’espace commun va aussi dans le sens d’une meilleure cohabitation entre visiteurs et résidents en permettant une meilleure qualité de vie, reflet de la qualité de la ville. Le respect de ces règles, par exemple en matière de vie nocturne, doit permettre à chacun de vivre la ville pleinement en tant que citoyen plutôt que de la réduire à un simple usage temporaire.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Chapitre 3 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Gouvernance, méthodologies et outils >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
53
54 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
1. Construire la coopération
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Dans de nombreuses villes, les politiques de sécurité et celles du tourisme sont élaborées et mises en oeuvre de façon séparée, sans aucune correspondance ni dialogue. Ceux qui élaborent les politiques de sécurité et ceux qui élaborent celles du tourisme s'ignorent largement. Ceci est dû en partie au fait que le tourisme est généralement considéré sous l'angle de son impact économique et qu'il est géré à l'échelle régionale. En revanche, les problèmes et nuisances qu'il génère sont souvent gérés à l'échelle municipale ou même du quartier. Comme établi précédemment, la coopération et les interactions entre tous les niveaux de gouvernance (local, régional, national, européen et international) est pourtant nécessaire afin d'améliorer la sécurité des touristes, de favoriser une coexistence pacifique avec les résidents et de développer une politique pour un tourisme durable qui inclue la qualité de la vie. Les objectifs d'une telle coopération sont de : développer un partenariat local pour la sécurité et le tourisme qui puisse répondre aux défis qui sont en jeu par des moyens appropriés ; faire participer tous les partenaires locaux, dont les forces de sécurité locales, les fonctionnaires locaux et les établissements d'accueil pour créer une « culture sécurité et tourisme » commune ; fonder ce partenariat sur des données et des connaissances scientifiques et élaborer un audit local de sécurité et tourisme ; créer des partenariats public-privé sur ces questions. Afin d'atteindre ces objectifs, la première étape doit être l'évaluation des problèmes et des besoins. Mener un audit local de sécurité et tourisme est un bon point de départ. Dans la plupart des cas, les acteurs de la sécurité et ceux du tourisme ne se connaissent pas ; il convient donc de nouer des relations et de constituer un réseau afin de créer des relations mutuelles durables. Il est nécessaire d'établir un dialogue entre tous les acteurs concernés par les questions de sécurité et de tourisme au niveau municipal (offices du tourisme, coordonnateurs de sécurité, élus), avec les autori-
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
tés policières, les associations (soutien aux victimes, médiation), les représentants de l'industrie du tourisme (hôtels, restaurants, bars) mais aussi les ambassades, les consulats, les autorités du transport et des représentants des citoyens (volontaires ou associations de quartier). Ces rencontres permettent de définir ensemble les besoins du secteur du tourisme en matière de sécurité et d'échange d'information. De plus, elles permettent de construire le réseau nécessaire à l'élaboration d'actions communes. Ci-dessous figurent des exemples de coopération entre acteurs du tourisme et acteurs de la sécurité à Saint-Denis, Rome et Brasov. Dans ces villes, des groupes de travail ont été mis en place, souvent pour la première fois, pour suivre les audits menés dans le cadre du projet Sécurité & Tourisme. A Barcelone, Bruxelles et Alba, les pratiques présentées ont trait aux partenariats public-privé qui sont souvent au coeur des stratégies de sécurité et tourisme.
Développer un partenariat entre le secteur de la sécurité et celui du tourisme à Saint-Denis La démarche du projet Sécurité & Tourisme a été présentée aux partenaires dans le cadre du Conseil local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD). Cette instance importante du cadre local de la sécurité se réunit chaque année en séance plénière pour évoquer de manière collective les enjeux locaux de sécurité. L’importance de la participation des partenaires sur les enjeux de sécurité et de tourisme a été rappelée à l’occasion de ces réunions. Un groupe de travail a été mis en place, qui réunit des acteurs très variés, notamment les services de la ville (culture, tranquillité publique, statistiques), l’office du tourisme, la police municipale, la Justice, les acteurs de la médiation (les médiateurs de nuit et l'association Partenaires pour la ville), les responsables du site historique de la Basilique de Saint-Denis, les hôtels et le gestionnaire du Stade de France.
55
56 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Les réunions de ce groupe de travail ont permis de : réaliser un premier état des lieux, formuler des attentes concernant l’audit de sécurité sur le tourisme, suivre le bon déroulement de cet audit et participer à la restitution du rapport. Les partenaires du groupe de travail sont aujourd’hui pleinement associés à la démarche et pourront notamment être porteurs d’actions découlant des recommandations de l’audit.
Rome, une approche partenariale et opérationnelle Le projet Sécurité & Tourisme, dans lequel les instances de gouvernance locale et nationale se sont beaucoup investies, a permis d’adopter une approche partenariale et structurée. 1. Définition et évaluation des principaux thèmes liés à la sécurité des touristes à Rome. Deux journées d’étude y ont été consacrées en septembre 2014, en présence des partenaires, à savoir l’ensemble des services de Rome Capitale concernés par le sujet : le cabinet du maire, la direction du tourisme, la direction du développement économique et des activités productives, la surintendance capitoline chargée des biens culturels, la direction de la culture, la direction des politiques sociales et le commandement de la police municipale de Rome, avec la participation de 12 intervenants qui ont présenté les opérations et actions en cours. 2. Systématisation de la collecte de renseignements sur divers aspects de sécurité abordés avec les partenaires à l’occasion de rencontres organisées à l’échelle européenne. Un guide, Turismo Sicuro a Roma (tourisme en toute sécurité à Rome), a été conçu pour éviter aux touristes d’être victimes d’incidents désagréables. Il comprend des informations utiles, des conseils de prévention et des informations sur les démarches à suivre en cas de vol ou de perte de documents et autres objets personnels. 3. Les partenaires ont fait part du besoin de développer une analyse
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
qualitative et quantitative du système d'enregistrement des plaintes, des signalements et des évaluations auxquels les touristes et les résidents ont eu recours entre 2013 et 2014, ce qui a donné lieu à l’audit développé par la ville de Rome.
Mise en place de partenariats pour le tourisme à Brasov La municipalité de Brasov poursuit une politique dynamique de développement du tourisme fondée sur des partenariats avec les secteurs privé et associatif. L'offre de Brasov est fondée sur sa capacité à gérer des grands événements internationaux (sommet de l'Otan, Jeux olympiques de la jeunesse d'hiver), les sports d'hiver (station voisine de Poiana Brasov) et le patrimoine historique et culturel de la ville. L'administration publique et le secteur privé ont ainsi collaboré pour ces grands événements à travers : l’engagement des hôtels locaux à fournir le nombre de chambres nécessaires et à respecter les standards de qualité demandés, le partenariat entre la ville de Brasov et la compagnie de téléphérique de Poiana Brasov qui a permis aux usagers de commander leur forfait par internet, le financement par le secteur privé d’événements sportifs et culturels, après un appel d'offres.
Barcelone et la tradition du partenariat public-privé Barcelone se caractérise par sa tradition de participation et de collaboration entre les secteurs public et privé. Divers comités et espaces de coopération entre les acteurs de la ville sont inscrits dans les politiques publiques municipales. Outre le Conseil de Sécurité urbaine, il existe par exemple 12 réseaux constitués autour de l’accord « Pour une Barcelone Inclusive » (Por una Barcelona Inclusiva), auxquels participent plus de 500 entités du secteur tertiaire et des différentes administrations publiques. Le Système Intégré de Gestion Touristique (SIGT) est un
57
58 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
autre exemple : composé d’acteurs publics et privés, il permet de centraliser les informations sur le tourisme dans la ville pour une gestion optimale des besoins des visiteurs.
A Bruxelles, un partenariat public-privé autour d’une stratégie commune avec les hôtels pour la prévention de la délinquance La Brussels Hotels Association (BHA) réunit 90% des hôtels de Bruxelles (indépendants et chaînes hôtelières) pour défendre les intérêts du secteur et le tourisme. Cet organisme accorde une attention particulière aux actions de prévention des faits de délinquance qui peuvent affecter les clients. Par exemple, les hôtels font le relais avec la police pour les signalements de faits grâce à la mise à disposition de formulaires ad hoc pour les clients. De même, des brochures informatives comprenant des conseils de prévention contre le vol à la tire sont disponibles dans les hôtels. D’autre part, la zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles et la Brussels Hotels Association ont collaboré à la rédaction d’une Foire Aux Questions (FAQ) synthétique et facile d’emploi, reprenant toutes les informations utiles aux clients (service d’aide, antennes de police) et au secteur hôtelier (que faire en cas de tel ou tel type de fait). Une « fiche-contact police » comprenant les coordonnées complètes des unités de police concernées a également été distribuée à l’ensemble des hôteliers. Par ailleurs, les partenaires de la plate-forme Vol à la Tire ont collaboré à l’élaboration d’une vidéo de prévention diffusée dans les hôtels.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Alba : l'association des commerçants et le partenariat local sécurité et tourisme Sur un plan institutionnel, il existe un accord sur la sécurité entre toutes les municipalités de la province de Cuneo et un accord de coopération entre les municipalités voisines portant sur la coordination des forces de police. Le système de gestion de la sécurité lors des grands événements, qui implique les secteurs public et privé, est de plus en plus établi. Un nombre croissant de commerçants, d'opérateurs touristiques et de volontaires y participe. La coopération sur le terrain a entraîné la mise en place de tables rondes et de forums de discussion. Un plan de sécurité détaillant les procédures à suivre pour chaque type d’incident a été établi ; il comprend des scénarios de divers cas de catastrophe (incendie ou accidents de la route par exemple) et un organigramme où le rôle de chaque intervenant est clairement indiqué. Ce plan est envoyé à tous les intervenants ainsi qu’au préfet.
2. Évaluer la situation locale
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'étude du contexte local de sécurité et de tourisme est une première étape très utile pour recueillir des informations, élaborer des actions et structurer le partenariat. Les autorités locales peuvent mener une enquête locale de sécurité centrée sur le tourisme en coopération avec leurs partenaires. Celle-ci doit être actualisée régulièrement et, en fonction des résultats, il convient de réévaluer la validité des objectifs stratégiques et des plans d'action. Il est également nécessaire d'élaborer une méthodologie et des outils adéquats, adaptés aux besoins de chaque ville et aux stratégies sécurité et tourisme. En général, l'audit local de sécurité [27] peut être défini comme une analyse systématique permettant de : obtenir une représentation exacte de la criminalité, de la victimation, des perceptions de sécurité soit dans toute la ville, soit dans certains quartiers,
59
60 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
identifier les ressources locales à mobiliser, définir les priorités, nourrir une stratégie qui permettra aux villes de répondre à ces priorités. Pour les audits locaux sur le tourisme, on peut identifier deux phases principales : diagnostic et soutien. La phase de diagnostic peut commencer par un examen large qui permettra d'obtenir une description précise de tous les acteurs concernés, des programmes existants et des instances de partenariat. Cette information peut être obtenue par exemple à partir d'interviews structurées de façon souple, de groupes de discussion et de travail (analyse qualitative), et de l'étude de documents et des études statistiques (analyse quantitative). Ce tableau peut être complété par des photos, des données et des cartes qui peuvent être commentées et mises en perspective en regard d'autres situations locales, nationales ou internationales. Les principales questions à aborder sont : Quelles sont les principales données du tourisme dans votre ville ? Qui sont les acteurs publics et privés concernés ? Quelles sont les données statistiques disponibles sur la sécurité des touristes (chiffres de la police) ? Quelles sont les données qualitatives sur le sentiment d'insécurité des touristes ? Quels sont les types de partenariat existants ? Quelles actions ont été réalisées ? Cette étude large doit déboucher sur une analyse objective des forces et faiblesses locales, de la qualité du partenariat, de la coopération entre tous les acteurs et des dispositifs existants. Une analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités, menaces) ou d'autres techniques peuvent être utilisées pour établir des listes des : enjeux et problèmes liés au contexte local, besoins locaux (avec une description de leurs principales caractéristiques), ressources internes ou expertise extérieure qui peuvent être mobilisées.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Ce processus d'audit peut ensuite être élargi et consister en l'élaboration de recommandations stratégiques et opérationnelles fondées sur les besoins et les attentes des acteurs locaux. Une stratégie locale de sécurité et de tourisme peut alors être construite. Elle doit inclure des objectifs généraux et un plan d'action précis pour les atteindre. L'expérience montre que les stratégies et les recommandations doivent être testées au préalable comme hypothèses avant d'être formellement approuvées par les partenaires puis mises en oeuvre. Ceci est la seconde phase de l'audit local de sécurité : des activités de soutien peuvent être menées pour aider les acteurs locaux à s'approprier la stratégie. Par exemple, la ville peut organiser : un groupe de travail interne sur un élément de la stratégie ou bien un thème d'action (par exemple avec les professionnels du secteur du tourisme), une réunion publique avec les résidents (pour recueillir leur attentes en matière de coexistence avec les touristes), une enquête de victimation (à petite échelle), une étude de terrain sur un quartier spécifique (haut lieu touristique). Grâce à l'évaluation continue de l'impact de ces activités, il doit être possible d'approuver ou d'adapter la stratégie en fonction des besoins des partenaires locaux et des résidents. En effet, une stratégie locale co-produite par les partenaires, les résidents et la société civile a plus de chance de fonctionner qu'une stratégie élaborée de manière isolée. Tous les partenaires du projet Sécurité & Tourisme avaient l'obligation de mener un audit local de sécurité et tourisme. Cet exercice s'est avéré complexe pour les villes pour de nombreuses raisons : les thèmes de la sécurité et du tourisme sont souvent considérés comme deux mondes séparés. En conséquence, il y a un manque de compréhension parmi les acteurs locaux, ce qui a amené les villes à organiser des réunions régulières pour définir la portée de l'audit ; l'absence d'expérience sur la combinaison de ces deux sujets parmi les consultants extérieurs locaux et les experts a retardé et compliqué l'attribution des contrats de sous-traitance ;
61
62 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
l'absence de données statistiques sur la criminalité et la victimation liées au tourisme provenant de la police ou d'autres institutions a montré le besoin de créer de telles statistiques et d'améliorer et d'intégrer les données disponibles. Les audits locaux de sécurité et tourisme présentés ci-dessous sont très variés et illustrent le potentiel d'innovation des villes. Elles ont imaginé toutes sortes de solutions en matière de méthodologie et de résultats qui sont adaptées au contexte, aux besoins et aux attentes de leur réseau local d'acteurs.
Une enquête auprès des commerçants à Alba En coopération avec l'association locale des commerçants, la municipalité d'Alba a identifié certains problèmes de sécurité dans la ville et ses alentours, grâce à des réunions et un questionnaire adressé à tous les commerces, sociétés de service et établissements d'accueil (hôtels notamment). Sur la base des résultats de cette enquête, la mairie et la police ont élaboré des plans à court et moyen termes pour améliorer la situation.
Barcelone : un audit centré sur la coexistence entre touristes et résidents Initialement, la ville de Barcelone avait proposé un audit portant sur l’analyse et le développement d’un système d’information partagé pour améliorer les services impliqués dans la sécurité et l’assistance aux visiteurs (information, santé, mobilité, documentation, sécurité, protection, urgences). Les premiers résultats ont montré qu’un tel système n’est en fait pas nécessaire car il existe déjà une coordination effective entre services et opérateurs. Le défi étant de maintenir l’équilibre entre l’usage de la ville et la cohabitation entre tous les citoyens, permanents et temporaires, l’objectif de l’audit a donc été réorienté vers une approche fondée sur les droits et les
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
devoirs du citoyen. Alors que Barcelone se positionne comme une ville qui accueille une citoyenneté mondiale, composée de personnes ayant des intérêts et ambitions variés, la durabilité du tourisme est l’axe central sur lequel s’élaboreront les compromis nécessaires. Dans ce processus, sept piliers d’une politique de tourisme durable ont été identifiés : l’accueil, l’espace public et la cohabitation entre résidents et visiteurs, la mobilité et l’accessibilité, le patrimoine culturel, la santé, la prévention, la protection et la sécurité, l’hospitalité. Le processus d’élaboration de ces principes de base résulte de la réflexion commune entre les services et opérateurs du secteur public et privé. Cette réflexion a porté sur : les tendances du tourisme urbain, les impacts positifs et négatifs du tourisme sur les villes, les défis et thèmes clés pour améliorer l'articulation entre ville et tourisme. Une charte permettant de garantir le maintien de ces principes sera développée en tant que résultat du processus d’audit. L’objectif est l’équilibre et la durabilité du tourisme dans la ville, c'est-à-dire la cohabitation des citoyens permanents et temporaires et la mise en cohérence de l’offre de services touristiques avec les besoins de la ville.
Le processus d'audit à Brasov La ville de Brasov a développé depuis des années des relations avec l'Université de Transylvanie, qui fournit à la mairie des informations et des données sur des thèmes d'intérêt. Dans le cadre du projet Sécurité & Tourisme, la ville a demandé que l'audit soit conduit par cette université.
63
64 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Il était centré sur six thèmes : 1. Analyse de la criminalité à Brasov sur les cinq dernières années. Cette recherche était fondée sur les données statistiques fournies par les institutions spécialisées. L'objectif était d'obtenir une vision claire de la sécurité qui puisse être utilisée par les autorités locales pour construire leur politique de sécurité et tourisme. 2. Recherche quantitative fondée sur les enquêtes auprès des touristes afin d'évaluer leur perception des risques et d'identifier des solutions. La recherche a fait remonter certaines données utiles comme par exemple les principaux motifs d'inquiétude des touristes, en quoi ceux-ci concernent les autorités publiques, et les causes possibles du sentiment d'insécurité chez les touristes et chez les résidents. 3. Un débat public en ligne sur la stratégie tourisme et sécurité. L'objet de ce débat était d'identifier comment les résidents perçoivent l'impact du tourisme et la sécurité des touristes, quelles institutions doivent participer à la création d'un environnement sûr, et quelles solutions peuvent permettre d'assurer la sécurité des touristes et des résidents. 4. Une étude sur les relations entre touristes et résidents et sur l'évaluation que font les résidents de l'impact économique et social du tourisme dans leur ville. Deux groupes de discussion ont été organisés avec les résidents sur les thèmes suivants : ce qui d'après eux rend une destination sûre, leur attitude envers les touristes, les situations qu'ils jugent désagréables pour les touristes, comment améliorer l'accueil des touristes, les quartiers de la ville qu'ils considèrent « problématiques » pour les touristes, comparaisons entre le tourisme à Brasov et dans d'autres villes européennes. 5. Recherche qualitative pour identifier les mesures permettant de réduire la criminalité et orientations stratégiques pour la sécurité liée au tourisme. Un groupe de discussion a été organisé avec des spécialistes qualifiés représentant le secteur des services, des représentants locaux du secteur du tourisme et d'autres spécialistes de différentes disciplines – sur le thème : comment créer une destination touristique sûre.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
6. Un débat public sur la sécurité et le tourisme qui a rassemblé 50 participants. Pendant ce débat, des représentants locaux ont débattu avec le public de certains des principaux thèmes liés à la sécurité et au tourisme à Brasov.
Saint-Denis : un audit sécurité et tourisme large L’audit réalisé à Saint-Denis était axé sur trois volets : l’amélioration de l’image de la ville, le renforcement d’une offre touristique de qualité, la participation des touristes à la vie de la cité. Une dynamique partenariale autour de cet audit était nécessaire afin d’agir collectivement et le groupe de partenaires a donc été réuni autant de fois que nécessaire. Un cahier des charges a été rédigé précisant que l’audit devait notamment permettre d’affiner la connaissance de la population touristique de Saint-Denis et d’améliorer l’offre en favorisant l’accueil. L’audit mené par un prestataire extérieur a permis de produire une analyse précise du contexte, de faire remonter les problématiques et de proposer des préconisations concrètes et opérationnelles pour le renforcement d’une politique touristique en cohérence avec la politique de tranquillité publique. Parmi les axes de développement retenus figurent : le renforcement des partenariats avec les acteurs locaux (sites, musées, associations, équipements culturels), la création de structures d’hébergement et de restauration. L’audit préconise notamment : la mise en place d’outils de mesure des atteintes commises contre les touristes, le développement des mesures de prévention des délits commis contre les touristes, le prolongement de la politique de valorisation du territoire, la facilitation de la répression des infractions commises à l’encontre
65
66 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
des touristes et le renforcement de la protection des secteurs touristiques, l’amélioration de la prise en charge des touristes victimes d’un délit.
Rome : analyse du système d’enregistrement des plaintes L’enquête menée par la Direction du tourisme a permis d’obtenir une photographie des problèmes et dysfonctionnements qui amènent les touristes à déposer plainte, signaler des problèmes, ou faire des suggestions soit directement auprès des services de Rome Capitale, soit sur des sites Internet ou blogs. Une attention particulière a été portée à l’hébergement (hôtels ou résidences) et à la restauration dans les zones les plus touristiques du centre. Cette enquête est une étape préparatoire avant la définition d'un plan pour améliorer l'offre touristique de Rome et de son agglomération. Elle s'appuie sur le système mis en place par la ville pour collecter les plaintes, c'est-à-dire les Points d’information touristique (PIT), le centre d’appels 060608, le Bureau de protection des consommateurs de l’administration municipale, les bureaux de relations publiques de toutes les directions et mairies ainsi que le bureau du maire chargé des relations avec les citoyens. Les plaintes reçoivent un numéro de dossier du bureau qui les réceptionne. Celui-ci se charge ensuite de les transmettre au service compétent à qui il incombe d’apporter une réponse aussi rapidement que possible. Sur l’ensemble des plaintes reçues au cours de la période considérée (2013 et premier semestre 2014), 1 500 dossiers portant plus spécifiquement sur le tourisme et la sécurité ont été sélectionnés pour être analysés en fonction de différentes catégories (hébergement, restauration, transport, infrastructures, espaces publics, forces de l’ordre, services administratifs, biens culturels). Les services touristiques s’avèrent particulièrement problématiques avec un taux de défaillance de 23 %. Sont principalement mis en cause les renseignements erronés et le manque de matériel informatique et de plans de la ville. À cela s’ajoutent 15 % de campements illégaux,
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
13 % de complications liées aux infrastructures et aux espaces publics, et 10 % de difficultés rencontrées avec les transports publics. Un autre point intéressant de l'enquête est que les signalisations les plus nombreuses ont trait à la présence de voleurs à la tire et d’escrocs, mais aussi de mendiants et de vendeurs ambulants dans les zones les plus touristiques. C’est en particulier le cas dans les zones accueillant un flot continu de touristes comme les entrées des sites culturels, les transports publics, les quartiers commerçants ou le marché. [28]
Un audit spécifique sur la vie nocturne à Bruxelles C’est à proximité de la Grand-Place et dans les rues piétonnes du centre-ville, en plein secteur touristique, qu’on recense le plus grand nombre de plaintes pour tapage nocturne, bagarres et autres phénomènes le plus souvent liés à la consommation d’alcool sur la voie publique. Ces faits sont ceux qui ont le plus grand impact sur la tranquillité publique (à la différence des vols à la tire qui passent inaperçus pour les résidents). Fin 2013, la ville, via son manager de la tranquillité publique (MTP), est sollicitée par les habitants du quartier de Saint-Géry sur les nuisances liées à la vie nocturne et les atteintes à la qualité de vie. Saint-Géry est un quartier festif situé tout près de la zone touristique, où la situation est parfois tendue à cause de l’animation du centre-ville et des nuisances dont pâtissent les habitants. Un questionnaire a été proposé afin d’objectiver la situation. Il est important de rappeler que les nuisances sont moins le fait du tourisme que des sorties tout public liées à l’offre hôtellerie-restaurants-cafés. L’étude avait pour objectifs principaux de : objectiver le sentiment des habitants sur leur qualité de vie, dégager les principales nuisances responsables du mécontentement des habitants, recueillir les attentes et les propositions des habitants, informer au mieux les autorités publiques pour qu’elles puissent prendre les mesures les plus adéquates.
67
68 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Un courrier a été distribué au préalable sur l’ensemble du quartier afin de prévenir les habitants du passage des enquêteurs. L’administration du questionnaire a été faite sur une période de trois mois pour assurer la cohérence des données. Elle s’est faite en porte à porte ou sur rendez-vous et toutes les rues du quartier ont été représentées. Enfin, pour qu’un maximum de publics soient représentés, le questionnaire a été administré à des plages horaires différentes. L’enquête corrobore les constats relayés par le comité d’habitants et la manager de la tranquillité publique. Les principales nuisances signalées sont : les nuisances sonores, notamment la musique dans les établissements et commerces de vie nocturne, liée à la première, les attroupements dans la rue (terrasses bloquant les trottoirs, groupes stationnant devant les établissements le soir et la nuit), liée aux deux premières, la consommation d’alcool (ivresse, tapage, bagarres), problèmes de propreté en lien avec cette présence festive. Ce questionnaire a permis de maintenir le dialogue entre les habitants et les services de la ville et de suivre les mesures d’encadrement des nuisances. Après cette première enquête, la ville de Bruxelles s’est attelée, en lien avec le projet Sécurité & Tourisme, à l’élaboration d’un second questionnaire à l’attention des touristes, avec cette fois comme objectif d’identifier leur perception de la convivialité, du cadre de vie et de la sécurité, soit autant d’éléments qui interagissent. Par ailleurs, afin de lutter contre les nuisances de la vie nocturne, la ville de Bruxelles souhaite développer un « plan alcool ». Les principales mesures envisagées sont les suivantes : mettre en place une plate-forme de concertation, rencontre et sensibilisation régulière du secteur et des responsables d’établissements ; veiller à inscrire la question de la consommation d’alcool dans les autres éléments de la politique locale y compris la politique du tourisme et des grands événements ; former les acteurs aux situations de consommation excessive d’alcool, renforcer la capacité d’écoute et de dialogue, informer les
>
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
acteurs de première ligne des débouchés thérapeutiques ; sensibiliser les fêtards à l’impact social et sanitaire de la surconsommation (sensibilisation par les pairs, outil d'information sur les risques, matériel de prévention et de sensibilisation dans les établissements) et valoriser les comportements positifs de consommation à l’égard des riverains (Gentleman Noceurs) ; promouvoir les comportements responsables (campagne médiatique grand public, formation du secteur) ; aspects environnementaux : prise en charge du public en errance, nettoyage des zones, soutien des aménagements (fumoir…) afin de réduire les nuisances ; renforcer la cohérence des règlements existants, règlement spécifique pour les établissements horeca (identifier les débordements à sanctionner) et limitation de la vente d’alcool en soirée dans les épiceries de nuit ; mettre en place le label Quality Night.
3. De la prévention à l'assistance aux victimes
>>>>>>>>>>>>>>> En fonction des circonstances dans lesquelles les villes élaborent leur stratégie tourisme et sécurité, elles ont de nombreuses options d'action concrète, de la prévention de la criminalité au soutien aux victimes, en passant par les opérations de police et la médiation. Certaines villes ont développé des activités spécifiques sécurité et tourisme : publication de guides, campagnes de prévention, unités de police dédiées, systèmes d'assistance aux victimes... D'autres considèrent que les activités liées au tourisme et à la sécurité ne doivent pas seulement concerner les touristes mais aussi les résidents. Comme elles souhaitent traiter de la même manière les résidents et les touristes, elles refusent de mettre en place des actions uniquement destinées à ces derniers, telles que la création d'unités de police spécialisées ou des systèmes de soutien aux touristes victimes.
69
70 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Quoiqu'il en soit, il convient de développer des réponses adaptées aux problèmes de sécurité liés au tourisme. Les questions qui requièrent l'attention des acteurs de la sécurité et du tourisme sont : Quels sont les moyens disponibles pour prévenir les délits et comportements antisociaux commis par les touristes ? Quels sont les meilleurs moyens de combattre la criminalité qui vise spécifiquement les touristes ? Comment prévenir et évaluer la victimation des touristes ? Comment améliorer l'assistance aux victimes en évitant de se centrer sur leur expérience négative ? Cette section présente un certain nombre d'exemples qui montrent comment Rome, Bruxelles, Saint-Denis et Munich répondent à ces défis [29]. De plus, des cas concrets et réels illustrent les différents problèmes de sécurité auxquels un touriste peut être confronté.
>> Prévention et information Outre les schémas plus classiques pour la prévention de la délinquance qui concernent la population dans son ensemble, les décideurs peuvent aussi adopter des stratégies spécifiquement destinées aux touristes. Celles-ci peuvent inclure des campagnes de prévention pour les encourager à la vigilance et à éviter les comportements à risque. Elles peuvent aussi comprendre des conseils pratiques pour ceux qui ont été victimes d'un délit ou d'un crime. Bien que l'on manque de données sur la victimation des touristes en Europe, les études montrent que la plupart des crimes contre ces publics sont opportunistes (les délinquants profitent de leur situation de vulnérabilité dans un pays étranger). De fait, les touristes sont considérés comme une cible facile parce qu'ils : sont aisément identifiables en raison de leur aspect différent (taille, couleur de peau, vêtements, couleur des cheveux) ; utilisent souvent des cartes géographiques, ce qui donne l'impression qu'ils ne savent pas où ils sont ni où ils peuvent obtenir de l'aide (même lorsqu'il y a un commissariat de police tout proche) ;
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
portent des objets de valeur (caméras et autres) ; conduisent des voitures de location ; portent sur eux de grandes quantités d'argent liquide ou de cartes de crédit ; ont une attitude « de vacances » détendue et insouciante : ils laissent leurs effets personnels bien en vue et accessibles à des tiers, ne font pas attention à ce qui se passe autour d'eux, ne planifient pas à l'avance leurs déplacements et même souvent empruntent des rues qui ne sont pas sous surveillance et d'où il n'y a pas de voie « d'échappement ».
Étude de cas : le vol T. est en voyage dans une ville à l’étranger. Elle va au restaurant avec une amie et vers 23h30, lorsqu'elle quitte les lieux, deux hommes lui arrachent son sac. T. tombe sur le trottoir et ses agresseurs lui donnent des coups de pied. T. va au commissariat de police et dépose une plainte. Elle demande à passer un coup de téléphone pour annuler ses cartes de crédit mais les policiers lui rétorquent que les appels internationaux sont limités à 30 secondes. Ensuite, elle demande aux policiers de l'accompagner à son hôtel parce qu'elle a peur et n'a pas d'argent. Ils refusent. T. a juste assez d'argent pour payer une nuit d'hôtel et ne sait pas quoi faire pour le reste de son séjour. Cette victime est très stressée et nécessite un soutien émotionnel et pratique pour contacter sa famille. Elle a besoin d'information sur ses droits et sur les procédures à suivre et a beaucoup de doutes sur ce qu'elle peut faire une fois rentrée chez elle.
La participation des autorités locales est essentielle pour renforcer l'efficacité des campagnes de sensibilisation. Les questions de sécurité peuvent varier d'une ville à l'autre et seules les autorités locales peuvent, en coopération avec les autres institutions, apporter aux touristes une information
71
72 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
précise sur leur sécurité comme par exemple les villes ou lieux à éviter, les adresses et numéros de téléphone des commissariats de police et les coordonnées des principales institutions basées localement. Ainsi, même dans les pays où les gouvernements nationaux ont mis en place des campagnes de sensibilisation des touristes, les autorités locales doivent établir des stratégies complémentaires pour éviter la victimation des touristes. Celles-ci doivent prendre en compte le contexte social et les ressources de la localité. Les campagnes nationales ont bien plus d'impact si elles sont combinées avec des informations locales ciblées et des ressources offertes par les autorités locales. Sachant que les caractéristiques et comportements décrits plus haut peuvent attirer l'attention des criminels, il est très important de sensibiliser les touristes pour leur permettre d'éviter les délits opportunistes tels que le vol et les agressions.
Étude de cas : prévention T. est en voyage dans une ville d’un autre pays européen. A son arrivée à l'hôtel, on lui a donné un dépliant contenant des informations sur les lieux à visiter et des conseils pour éviter les désagréments. Le lendemain, elle veut aller voir une comédie musicale avec une amie, puis dîner dans un restaurant dans un quartier éloigné du centre. Après avoir lu le dépliant, elle décide de prendre quelques mesures de sécurité. Elle laisse à l'hôtel son argent et ses affaires et sort avec juste un peu de liquide sur elle. Elle prend aussi le dépliant, pensant qu'il peut être utile d'avoir sous la main la liste des contacts utiles. Elle appelle une des compagnies de taxi listées dans la brochure à l'aller et au retour. Elle ne porte aucun objet de valeur et évite de marcher dans les rues la nuit. Avec un tel comportement, T. et son amie passent une bonne soirée sans prendre aucun risque.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
APAV: le projet « Puis-je vous aider ? » L'Association portugaise d'aide aux victimes (APAV) a élaboré un projet international intitulé « Puis-je vous aider ? » dans le but d'améliorer les services offerts aux touristes lorsqu'ils sont victimes d'un crime ou délit et de leur permettre d'exercer leurs droits. L'un des résultats de ce projet a été la production d'une brochure comprenant des informations pratiques, dont notamment des conseils pour éviter les « comportements en vacances » à risque. Cette brochure est aussi disponible sur Internet en portugais, anglais et espagnol. [30]
Rome et son service d'information touristique Afin de lutter contre l’éparpillement de l’information et de mieux répondre aux demandes des touristes, la ville de Rome a mis en place un système permettant de rendre accessibles un maximum d’informations utiles à partir des données collectées via deux sites web: www.060608.it et www.turismoroma.it. Les échanges entre les touristes et agents d’accueil des « Points d'information touristiques » (PIT) ainsi que les renseignements fournis par téléphone sont également inclus dans ce système. Les informations sont centralisées dans une base de données qui à son tour irrigue l’ensemble des services d’information. Il y a 10 PIT répartis sur les principaux sites touristiques et points de transit de la ville, qui fournissent des informations en cinq langues et vendent des forfaits touristiques (le Roma Pass) et des tickets d'autobus. Depuis 2013, des visites commentées sont proposées et des guides et autres produits officiels sont également offerts à la vente. Le centre d'appel 060608 est ouvert 365 jours de 9h00 à 21h00. Le site web fournit des renseignements utiles ainsi qu’un service de billetterie pour les musées, concerts, théâtres et autres événements culturels. Le 060608, qui figure également sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, constitue en outre une source d'informations pour le site officiel du tourisme à Rome, www.turismoroma.it.
73
74 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Le service d’information touristique joue un autre rôle important : il reçoit et gère les plaintes ainsi que les signalisations des touristes et des résidents. Ces plaintes sont envoyées au bureau compétent qui se charge d’y apporter une réponse dans un délai maximum de 30 jours. Il n’existe pas à Rome de structure spécifique de soutien aux touristes victimes. Néanmoins, les diverses institutions compétentes disposent de services (sanitaires, de renseignements, de police, etc.) susceptibles de venir en aide dans certains cas. Il faut cependant améliorer la communication entre ces services et la rendre plus cohérente.
Campagne « Safe in the City » à Bruxelles La ville de Bruxelles a décidé, en complément des outils existants et vu la recrudescence de certains faits, de lancer une campagne de communication sur la sécurité liée au tourisme déclinée en divers supports (accordéon format carte de visite, flyers, affichage sur les panneaux publicitaires dans l’espace public, nouveau site internet [31]). La campagne vise plus particulièrement le cambriolage, le vol de/dans les voitures et le vol à la tire, qui sont en recrudescence. Destinée à l’origine aux résidents de Bruxelles, elle a depuis été élargie vers des publics spécifiques tels que les clients du secteur hôtellerie-restauration, les touristes et les expatriés (en collaboration avec la commune d’Ixelles). Les supports de communication contiennent des conseils spécifiques adaptés aux publics cibles et disponibles en plusieurs langues. Ceux-ci sont notamment utilisés par les gardiens de la paix, par exemple lorsque l’on constate une recrudescence de faits dans certains quartiers (points chauds établis après analyse des données) ou bien
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
lors d’événements tels que le marché de Noël « Plaisirs d’hiver ». L’esprit de la campagne est de rassurer le public et d’apporter des conseils pratiques de prudence. Le slogan « Aidez-nous à veiller sur vous » est accompagné d’un logo représentant un voleur masqué barré de rouge.
Flyer « Conseils utiles pour profiter de votre séjour et faire face à l'imprévu » à Alba La municipalité d'Alba a produit un flyer d'information destiné aux touristes qui comprend des conseils pratiques ainsi que les contacts de tous les services municipaux concernés. Ce dépliant a un double objectif : informer les touristes sans les inquiéter et leur donner le même accès aux services que les résidents.
75
76 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
>> Les stratégies de police en matière de sécurité et tourisme Outre leur participation systématique au réseau d’acteurs qui élaborent et mettent en oeuvre les stratégies liées à la sécurité et au tourisme, les forces de police de tous les niveaux de gouvernance peuvent élaborer des mesures adaptées au tourisme. Les agents de police peuvent jouer un rôle clé dans la prévention de la criminalité ainsi que dans la médiation, le soutien aux victimes et bien sûr l'application de la loi. Il existe des programmes d'échange entre polices qui permettent à des policiers d'un pays donné de patrouiller dans les zones touristiques d'un autre pays. Ce système est par exemple utilisé en Croatie. Des programmes de formation centrés sur la sécurité des touristes peuvent être développés et notamment inclure l’apprentissage des langues. On peut également mettre en place des unités dédiées, comme les trekkers de Bruxelles, dotées d'outils et de techniques adaptés pour intervenir dans les zones touristiques.
Croatie : coopération internationale pour une saison touristique sûre [32] Le projet « saison touristique sûre », lancé en 2006, est fondé sur la coopération internationale. Ainsi, en 2012, 59 agents et officiers de police étrangers ont été détachés en Croatie. Originaires des pays suivants : Allemagne, Autriche, ARYM (Macédoine), Hongrie, Italie, Monténégro, Pologne, République tchèque, Serbie, Slovaquie, Slovénie et Ukraine, ces agents portaient leur propre uniforme et n'étaient pas armés. Leur principale mission était d'aider la police croate à communiquer avec les touristes originaires de leur pays et ainsi contribuer à la prévention de la criminalité et à la sécurité routière. Les policiers étrangers sont évidemment tenus de respecter la réglementation croate et n'appliquent aucune mesure policière.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Former la police municipale de Lisbonne à intervenir dans une zone touristique 6 Le quartier Baixa Chiado est la zone la plus touristique de Lisbonne : des milliers de personnes débarquent chaque jour au port des navires de croisière. Un projet pilote mis en place par la municipalité et notamment par la police locale s’est focalisé sur la création d'un environnement accueillant pour les touristes ainsi que sur la résolution des problèmes liés au tourisme qui se posent pour les résidents. Les activités mises en place concernaient principalement la formation aux langues étrangères des équipes locales de police, la communication et la médiation et l’apprentissage de techniques d'interaction personnelle visant à améliorer les relations avec la population et les touristes.
L’unité trekkers de la Zone de Police de Bruxelles pour la répression du vol à la tire La zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles est l’une des seules du pays à avoir une brigade de trekkers (du flamand trekken qui signifie tirer) constituée de policiers chargés de repérer les vols à la tire et les auteurs. L’équipe est en charge d’un « Plan d'action vol à la tire », lancé début 2014 en marge du plan zonal de sécurité 2014-2017, qui inclut les collaborations avec les partenaires de la prévention (BRAVVO et commune d’Ixelles). Les mesures envisagées sont notamment : meilleure connaissance du phénomène : analyse chiffrée, séances d’information, prévention : plate-forme de concertation sur le phénomène, participation à la campagne Safe in the City et actions lors d’événements clés, sensibilisation des commerçants, répression : actions spécifiques, actions concertées avec les zones li6- Cette action a été développée dans le cadre du projet IMPPULSE mené par l’Efus [33]
77
78 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
mitrophes, collaboration avec le Parquet, sensibilisation de l’Office des étrangers, communication presse. La zone développe également un plan d’action ciblé sur les nuisances.
>> Assister les touristes victimes d'un crime ou délit « Dois-je alerter la police? » « Est-ce que je dois payer mes frais médicaux ? » « Comment contacter un avocat et combien ça coûte ? » « Comment récupérer mes affaires ? » Ce sont quelques unes des nombreuses questions que se posent les touristes victimes. Lorsque ceux-ci sont étrangers, ces obstacles apparaissent encore plus insurmontables car ils ne connaissent pas leurs droits dans le pays visité, ni les institutions et le système judiciaire. Un crime ou délit entraîne des conséquences négatives autant pour les personnes directement affectées que pour celles qui le sont indirectement. Les victimes ont des séquelles physiques, émotionnelles et psychologiques et se retrouvent confrontées à un monde nouveau et inconnu : le système judiciaire. C'est pourquoi l'assistance aux victimes doit faire partie intégrante de tout programme sécurité et tourisme. Les procédures qui permettent d'apporter une aide pratique aux touristes victimes d'un crime ou délit doivent être accessibles en plusieurs langues. On peut aussi conduire des enquêtes de victimation pour mesurer l'efficacité des systèmes d'assistance. Lorsqu'un crime a lieu en dépit de tous les efforts de prévention, des stratégies spécifiques d'assistance sont nécessaires. Les dispositifs de soutien aux victimes sont essentiels pour permettre à celles-ci d'exercer pleinement leurs droits et pour surmonter les effets négatifs de la victimation. Il convient d'apporter aux victimes un service professionnel, de qualité et gratuit quelle que soit la nature du crime qui les a affectées, et celui-ci doit être adapté aux besoins spécifiques et à la vulnérabilité de chacune des catégories de victimes, dont les touristes. Habituellement, les touristes victimes doivent surmonter de nombreux
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
obstacles pour exercer leurs droits, notamment parce qu'ils ne connaissent pas ces droits dans un pays étranger, ni les institutions, ni souvent la langue. De plus, ils séjournent peu de temps dans le pays et la ville. C'est donc à partir de ces obstacles et des types de crimes et délits qui les affectent le plus souvent que les services d'assistance peuvent être calibrés et apporter : un soutien émotionnel immédiatement après que le fait a été commis, un soutien psychologique à la victime (directement affectée) et à son entourage (indirectement affecté), la possibilité de contacter les opérateurs de téléphonie et les banques/émetteurs de cartes de crédit pour annuler les services, mais aussi les compagnies aériennes pour annuler ou modifier les billets, ainsi que la famille dans le pays d'origine, un accès à Internet, des soins médicaux d'urgence, une aide d'urgence (nourriture, médicaments, vêtements, produits d'hygiène), une assistance juridique sur leurs droits dans le pays où ils séjournent, à chaque étape de la procédure pénale, un accompagnement au commissariat de police, au tribunal ou autre institution, une aide judiciaire ou autre requête pendant la procédure pénale. Afin de répondre à tous les besoins des touristes victimes, les services d'assistance doivent collaborer avec des professionnels de diverses disciplines notamment psychologie, droit et services sociaux. On peut par exemple établir des partenariats avec a) les supermarchés, magasins de vêtement et pharmacies pour fournir des médicaments, des vêtements, des couches pour bébé, du dentifrice et d'autres produits d'hygiène ; b) les compagnies de transport pour permettre aux victimes dépouillées de leur argent de circuler dans la ville ; c) les chaînes hôtelières pour fournir une chambre aux victimes qui se retrouvent sans argent.
79
80 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
ITAS, le service d'assistance irlandais Le service irlandais d'assistance aux touristes ITAS (Irish Tourist Assistance Service) [34] apporte une assistance immédiate aux touristes victimes pendant leur séjour en Irlande. C'est un service gratuit et confidentiel qui offre : une assistance psychologique et pratique, la possibilité d'utiliser un téléphone/fax/email, une aide linguistique, un contact avec les ambassades, la police et les autres institutions, une aide pour organiser des virements d'argent, la réémission de billets de voyage volés, une aide à l'annulation de cartes de crédit, une aide pour trouver un hébergement et la fourniture de repas si nécessaire, l'accès aux transports, une aide médicale. Il est possible de créer un système d'assistance aux touristes dans les villes européennes à partir des structures et des ressources humaines déjà en place, et donc en finançant seulement leur adaptation aux besoins spécifiques des touristes. Par exemple, les commissariats de police peuvent être utilisés pour héberger un service où les touristes peuvent recevoir assistance. Les personnels peuvent être formés par une association locale ou par des professionnels expérimentés dans l'aide aux victimes. Ceci permettrait aux victimes d'avoir un « guichet unique » au sein-même du commissariat de police, leur donnant accès à différents services : la police pour enregistrer la plainte et prendre la déposition et d'autres services pour recevoir une assistance qualifiée. Certains services offerts aux touristes victimes peuvent aussi être considérés comme quelque chose dont ils peuvent profiter pendant le reste de leur séjour ou peu après, ce qui peut jouer un rôle très positif pour l'image de la ville et du pays visités. Il y a de fortes chances qu'un
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
visiteur qui a été bien accompagné après un incident en parle à sa famille, autour de lui et sur les réseaux sociaux.
Illustration : assistance T. est une touriste originaire d'un autre pays européen. A son arrivée à l'hôtel, on lui a remis une brochure comprenant des informations sur les hauts lieux touristiques de la ville et des conseils pratiques pour éviter les désagréments. Bien qu'elle soit très vigilante sur ses effets personnels, elle a été victime d'un vol un soir alors qu'elle se rendait depuis l'hôtel à la gare. Son sac a été volé avec toutes ses affaires et son argent. T. se rend au commissariat pour déposer plainte. La police lui permet d'utiliser le téléphone et Internet pour qu'elle puisse annuler ses cartes de crédit, contacter sa famille pour demander un transfert d'argent et prendre rendez-vous avec le consulat, dès le lendemain matin, afin de recevoir un nouveau passeport. Après avoir fait toutes ces démarches, elle a un entretien avec un psychologue de l'Unité d'Assistance aux Touristes, auprès de qui elle peut exprimer ses émotions et inquiétudes et recevoir un soutien. L'Unité d'Assistance aux Touristes lui donne une carte d'accès aux transports publics, des tickets restaurant pour quatre repas et un bon cadeau de 20€ pour acheter des vêtements. Sans cette aide, T. aurait été perdue. Au lendemain de l'incident, elle peut reprendre son voyage. Le soutien structuré et de qualité qu'elle a reçu lui a laissé une très bonne impression du pays.
SOS victimes à Saint-Denis L’association SOS victimes, qui assiste les victimes d'infractions pénales, couvre l’ensemble du département de Seine-Saint-Denis. Elle a été sollicitée pour intégrer le partenariat sécurité et tourisme afin d’intervenir sur la question des touristes victimes à Saint-Denis. SOS victimes s’adresse à toute victime pénale (violences dans la rue et violences intrafamiliales) en apportant un soutien juridique et psycho-
81
82 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
logique. Son travail concerne à 47 % des violences volontaires commises pour moitié sur la voie publique et pour moitié au sein de la famille. Dans le département, l'association prend en charge environ 5 000 victimes par an.
Sécurité et soutien aux femmes pendant l'Oktoberfest à Munich Chaque année, l'Oktoberfest (festival de la bière) de Munich attire quelque six millions de visiteurs, qui consomment au total six millions de litres de bière. Installé pendant deux semaines sur un vaste terrain au centre de la ville, le festival représente un défi majeur pour les forces de sécurité de Munich. Le premier point de contact pour les festivaliers en détresse est le centre d'urgence où ils peuvent se rendre pour obtenir de l'aide en cas de vol, blessure ou agression sexuelle. En raison des énormes quantités d'alcool consommées pendant le festival, la prévention des problèmes liés à l'alcool est évidemment une priorité pour les autorités et la police. L'une des missions principales des agents de sécurité est d'aider les festivaliers éméchés à éviter les comportements à risque. Il y a aussi une tente médicalisée où les personnes sous influence peuvent se dégriser. Les autorités sont particulièrement vigilantes avec les femmes, dont beaucoup éprouvent un fort sentiment d'insécurité pendant l'Oktoberfest. Ainsi, elles peuvent se rendre dans une tente dédiée pour demander assistance si elles ont été victimes d'un délit ou de harcèlement sexuel. Une équipe de psychologues est à leur disposition et, en cas de besoin, peut les accompagner au commissariat de police ou chez elle. Ce service est apporté par la municipalité en coopération avec diverses associations spécialistes du soutien aux victimes telles que Amyna, Imma, Frauennotruf et Hänsel & Gretel, qui offrent toutes des services aux femmes (certaines gèrent des refuges). Afin d'éviter les situations dangereuses, le Point Service situé à l'entrée du site du festival fournit aux visiteurs, notamment les femmes, des
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
informations sur l'impact de l'alcool et sur les services auprès de qui demander assistance. Avant l'ouverture du festival, les organisateurs analysent les « zones noires » du site qui sont souvent utilisées pour des activités criminelles et préviennent les risques en augmentant l'éclairage public ou bien en fermant ces espaces. Des patrouilles de sécurité sont déployées pendant toute la durée du festival. Les organisateurs s'assurent qu'elles ont des compétences linguistiques ou multiculturelles en coopérant avec des forces de police étrangères (par exemple italienne et britannique). Ils veillent aussi à ce qu'il y ait des femmes parmi les équipes de police, car elles sont souvent plus capables de désamorcer des situations à risque ou simplement de mieux communiquer avec les femmes parmi le public.
4. L'utilisation des technologies
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> On peut utiliser diverses technologies pour gérer les problèmes de sécurité liés au tourisme. Par exemple, la vidéosurveillance (nonobstant le débat sur son utilité en matière de prévention de la criminalité) peut être utile pour gérer les espaces publics, protéger des monuments historiques ou contrôler les foules. Une autre technologie comme les systèmes d’informations géographiques permettant la cartographie de la délinquance peut être utilisée dans le cadre d'un audit local de sécurité et tourisme, aussi bien en amont qu'en aval, afin de diagnostiquer les risques mais, également, d'évaluer et d'adapter les réponses.
Sistema Integrato Roma Sicura - SIRS (Système intégré pour rendre Rome plus sûre) Ce système est une application de type WebGis conçue pour collecter, analyser, contrôler et archiver des informations liées à la sécurité urbaine. On y accède par les moteurs de recherche les plus courants en se connectant au réseau Intranet de Rome Capitale. L’intégration de la
83
84 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
plate-forme Business Intellligence (BI) en rend l’utilisation plus conviviale. Les usagers de l’administration peuvent consulter les données, les interroger de manière interactive, exporter celles qui ont été sélectionnées en choisissant, pour ce faire, les formats classiques disponibles, à savoir Word, Excel et Csv. L’une des directions du cabinet du maire est chargée du bon fonctionnement de cet instrument de contrôle dynamique, utile pour les prises de décision et capable de traiter de manière intégrée l’ensemble des informations produites par les divers bureaux et directions. Il combine en outre l’analyse des processus et les résultats statistiques afin de classifier tous les éléments recensés : actes de dégradation, situations illégales, troubles à l’ordre public, etc. Le premier objectif du SIRS est de produire une carte du risque urbain et de l’actualiser rapidement. Les instances administratives s’en servent en effet pour leur prise de décision en matière de sécurité intégrée (et donc également pour des questions touchant au tourisme) afin de planifier et de coordonner les interventions en fonction de l’urgence et d’apporter une solution plus rapide et plus efficace aux problèmes des résidents et des touristes, dans le but de préserver la qualité de la cohésion sociale et de prévenir les dangers.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Recommandations La ville, pivot de la stratégie « sécurité et tourisme » La stratégie concertée de sécurité et tourisme doit être pensée dans un cadre global qui intègre l’ensemble des acteurs dans ces domaines. Elle doit notamment s’articuler avec les stratégies de développement durable (culture, économie, environnement).
Le rôle de la ville : développer et animer un réseau Sécurité et Tourisme L’autorité locale a un rôle fondamental car c’est elle qui mène la stratégie touristique sur le long terme et est garante de l’intérêt général des visiteurs comme des résidents. Cellule organisatrice d’une bonne coordination entre tous les niveaux de gouvernance et entre les actions liées au tourisme et celles liées à la sécurité, elle peut et doit favoriser la co-responsabilité avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème touristique. Les acteurs de la sécurité doivent s’intéresser au tourisme et les acteurs du tourisme à la sécurité : c’est la condition d’une politique menée en bonne intelligence. Développer un réseau de partenaires sécurité et tourisme permettra d’identifier les risques en amont et de trouver des solutions partagées. Le rôle de la ville doit notamment être proactif en matière de prévention de l’insécurité liée au tourisme. Elle doit se donner les moyens de prévoir au mieux et d’intervenir avant la survenue d’événements pouvant directement causer préjudice au tourisme mais également, lorsque ceux-ci se produisent, gérer de la meilleure manière possible leurs externalités négatives.
85
86 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Un partenariat étroit avec l’ensemble des acteurs L’animation du réseau doit être régulière et pour qu’elle soit efficace, les rythmes et cultures de travail et les rôles de chacun doivent être respectés. Une sensibilisation, voire une co-formation des partenaires aux enjeux respectifs des deux sphères de travail, sécurité et tourisme, doit être réalisée. Un partenariat dynamique et vivant doit être construit sur la base d’une compréhension mutuelle, soutenue par des ressources et un espace de dialogue et de concertation. Dans le cadre de réseaux informels existants, dans lesquels les partenaires se connaissent déjà bien, l’expérience montre que les résultats sont mutuellement bénéfiques et permettent une amélioration des conditions de vie tant pour les résidents que pour les visiteurs. Si nécessaire, les réseaux peuvent être formalisés par la signature d’une convention de partenariat avec pour objectif, par exemple, de créer une ou plusieurs cellules de veille thématique sur les questions de sécurité et tourisme. Dans un objectif de mutualisation et d’efficience, il est préférable d’utiliser d’abord les ressources humaines et financières dont chaque partenaire peut disposer. Les projets collectifs développés en réponse aux problématiques rencontrées peuvent faire l’objet de co-financements spécifiques.
Police, citoyens, professionnels : partenaires indissociables Les services de police, qu’ils soient rattachés directement à la ville ou à un autre niveau de gouvernance (région, État), jouent un rôle essentiel dans la définition des priorités et des stratégies de sécurité et tourisme, ainsi que dans la mise en œuvre des actions décidées collectivement. Dans certaines zones très touristiques des villes, les policiers sont souvent le premier point de contact pour les visiteurs, qu’ils peuvent renseigner ou accompagner en cas de problème. Il est important de veiller à ce que les unités de police sur le terrain soient multiculturelles
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
et multilingues car cette diversité est un atout important pour l’accueil des touristes. Les politiques locales de sécurité et tourisme doivent aussi inclure les citoyens en tant qu’acteurs à part entière dans les processus d’information, de construction et de décision. Par ailleurs, le tourisme peut favoriser la participation citoyenne : l’action de citoyens volontaires peut permettre une bonne implication dans la gestion quotidienne du tourisme ou des grands événements. Le réseau sécurité et tourisme doit inclure les professionnels représentant les intérêts locaux de l’industrie du tourisme, notamment ceux des secteurs directement concernés par l’accueil des touristes, comme les hôtels, bars et clubs, restaurants, etc. Au niveau local, il est fondamental de travailler avec la communauté des commerçants et les syndicats professionnels qui, parce qu’ils sont en première ligne dans les zones fortement touristiques, ont une connaissance fine des problématiques. D’autres acteurs peuvent être associés. Les représentations diplomatiques, ambassades et consulats ont un rôle dans la gestion de crise sur le terrain et le suivi à long terme des problèmes rencontrés par les touristes. Lorsque de telles représentations existent dans la ville, elles doivent être systématiquement associées. Des partenariats peuvent également être développés avec des acteurs clés de la mobilité comme les sociétés de transport en commun, les aéroports, les compagnies aériennes et les voyagistes, afin de permettre une bonne lisibilité des flux de déplacement dans les zones fortement touristiques.
Des réponses allant de la prévention à la répression, en passant par la médiation et l’aide aux victimes Les méthodes et outils à la disposition des autorités locales afin d’accompagner et de mettre en œuvre la stratégie concertée de sécurité et tourisme sont variés. Un certain nombre d’outils existants peuvent être utilisés et/ou réappropriés ; d’autres nécessitent une ingénierie spécifique adaptée aux enjeux.
87
88 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Les réponses des autorités publiques doivent prendre en compte les nécessaires stratégies à appliquer en matière de répression, de prévention, de médiation et d’aide aux victimes. Les réponses doivent être équilibrées et intégrées dans une perspective stratégique plus large, dans le cadre de partenariats locaux. Des partenariats peuvent aussi être développés à l’échelle européenne, afin notamment de prendre en compte la mobilité des touristes. Pour répondre aux enjeux de sécurité et tourisme, les villes doivent mettre en place un système d’aide aux touristes victimes et donner des informations et des solutions claires afin de régler les problèmes classiques et exceptionnels liés au tourisme, et ce malgré les éventuelles difficultés de langage. Dans leur stratégie de sécurité et de prévention, les villes peuvent notamment prévoir d'informer les touristes de manière ciblée sur un certain nombre de points de sécurité afin de prévenir la victimation, de les alerter sur les méfaits du vandalisme et des nuisances, en particulier sonores, et de les sensibiliser aux règles et coutumes locales. Des protocoles de réponses spécifiques peuvent être mis en place tant en ce qui concerne la gestion de crise et la réponse policière que la régulation normative des activités pouvant être source de nuisance et de criminalité.
Les audits locaux sécurité et tourisme : un outil essentiel En préalable à toute stratégie concertée de sécurité et tourisme, la ville doit réaliser un audit local ciblé spécifiquement sur cette problématique. Il s’agit de collecter les données dont disposent chacun des partenaires et de repérer les forces et faiblesses de ce partenariat afin de fonder la stratégie sécurité et tourisme. L’audit peut ainsi examiner notamment la gestion de la sécurité dans les zones touristiques, les problématiques rencontrées et les acteurs existants. Pour qu’un tel audit reflète réellement la situation sur le terrain et soit utilisable, il est très important d’y associer les experts locaux mais aussi, en premier lieu, les habitants. Il est judicieux d’utiliser les
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
données existantes mais on peut aussi établir de nouveaux critères de connaissances scientifiques afin de consolider les résultats de l’audit et les préconisations qui en découlent. Ces audits doivent s’appuyer sur des outils spécifiques de collecte de données – qui peuvent prendre la forme d’enquêtes de satisfaction des visiteurs, d’enquêtes de victimation ou encore de questionnaires sur la qualité de vie perçue par le visiteur – afin de déceler un éventuel sentiment d’insécurité. Les données concernant la criminalité à l’encontre des touristes et les nuisances causées par ces derniers doivent notamment être collectées d’une manière systématique par les forces de police. Celles-ci doivent, dans les caractéristiques de collecte, intégrer la situation du visiteur afin de permettre la compilation des statistiques et ainsi mieux calibrer les décisions stratégiques en matière de sécurité et tourisme. Ces données doivent pouvoir être exploitées en toute transparence. Au sein du partenariat, des outils communs sur la formation et le partage de données essentielles doivent être développés. Des technologies utiles pour la politique locale de sécurité et de tourisme, comme la vidéosurveillance, les applications smartphone et des outils de recueil et d’exploitation des données, doivent être mises en œuvre dans un cadre déontologique clair. Afin de produire des connaissances communes, une approche intéressante consiste à développer des marches exploratoires avec des résidents mais également des professionnels du tourisme. La marche exploratoire permet de collecter en groupe, sur le terrain, des informations utiles à l’amélioration des stratégies de sécurité, comme par exemple le besoin d'une meilleure information ou signalisation dans l’espace public.
Outils d’aide aux touristes victimes Les touristes nécessitent une assistance et une prise en charge adaptées, qu’ils soient victimes ou auteurs d’un délit ou d’un crime ; cela ne passe cependant pas nécessairement par la création de services dédiés. Leur traitement doit être équivalent à celui des autres citoyens, mais la situation particulière de leur mobilité doit être prise en compte.
89
90 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
La gestion du système de plainte et de commentaires, ainsi que les réponses qui sont apportées au public, sont importantes. En effet, la façon dont un touriste victime est accueilli et écouté pourra être déterminante dans son choix de revenir ou non dans la ville et, ce qui est peut-être plus important, dans ce qu’il en dira autour de lui et sur les réseaux sociaux. Les activités d’enquête policière, qui visent à collecter les preuves d’un délit, doivent être complétées par des stratégies d’aide aux victimes, qui peuvent d’ailleurs avoir une incidence positive sur les suites judiciaires. L’ensemble des acteurs mobilisés autour de la sécurité et de la qualité de vie des citoyens, résidents comme visiteurs, doivent être sensibilisés à la création et à la diffusion de campagnes de prévention. Le savoir-faire des organisations qui concourent à l’assistance aux victimes peut être utilisé pour développer des services publics apportant un soutien aux touristes victimes de délits. Il est fondamental de garantir une assistance aux victimes même après leur retour dans leur pays d’origine. En ce sens, le partenariat avec les ambassades et consulats présents dans la ville ou la région permet de fournir des conseils et matériels de prévention, mais aussi de garantir des procédures rapides pour les touristes victimes (par exemple en ce qui concerne les papiers d’identité).
La formation des acteurs La formation des acteurs de première ligne - policiers, hôteliers, commerçants, chauffeurs de taxi, guides - est un élément important pour que ceux-ci puissent jouer leur rôle de sensibilisation auprès des touristes, voire de prise en charge en cas d’incident.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Perspectives
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
La richesse des connaissances et du savoir-faire collectés tout au long du projet Sécurité & Tourisme et les échanges ayant eu lieu lors de la conférence à Paris, le 25 juin 2015, doivent amener l’Efus à continuer ses travaux avec les villes, mais aussi avec les professionnels du secteur touristique. Un certain nombre de chantiers reste encore à creuser. Depuis plusieurs années, de nombreux partenariats ont été noués entre secteur privé et autorités locales, y compris sur les questions de sécurité. Les bénéfices mutuels ne sont plus à démontrer : cette coopération contribue au développement local en facilitant dans la durée les relations entre autorités locales et professionnels. Cependant, elle doit être renforcée avec pour objectif le développement d’infrastructures et de services aux touristes intégrant les problématiques de sécurité afin de favoriser la réussite économique, sociale et culturelle d’une destination touristique. Le développement d’échanges plus systématiques entre les villes et les acteurs économiques du tourisme, une définition commune des stratégies de sécurité, l’identification des synergies et les domaines de coopération possibles doivent être des priorités partagées. Les audits locaux comme les échanges avec les partenaires des villes ont souligné le besoin d’approfondir les éléments de connaissance et notamment d’améliorer les données chiffrées liées à la problématique tourisme et sécurité. Ce travail doit être engagé aussi bien pour les données de la police, et autres acteurs qui concourent à la sécurité, que pour les enquêtes de victimation et de perception. De même, la sensibilisation et la formation des acteurs de terrain du tourisme aux enjeux de prévention doivent être systématisée, sans pour autant devenir trop contraignantes. Mieux mesurer le degré d’implication des résidents dans cette activité économique représente un atout pour le développement de stratégies durables qui prennent en compte la cohabitation entre la population locale et les visiteurs. Une analyse plus fine des degrés d'implication
91
92 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
économique, afin d'étudier comment les populations locales intègrent ou participent directement ou indirectement au tourisme dans la ville, permettrait aux autorités de travailler sur des stratégies réussies favorisant une meilleure cohabitation.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Les villes du projet >>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les villes qui ont participé au projet Sécurité et Tourisme sont variées à plus d'un titre. Elles accueillent différents types de tourisme et ont des modes de gouvernance et de gestion hétérogènes en matière de sécurité et de tourisme. Les profils présentés ici donnent un aperçu de la situation « sécurité et tourisme » de chacun des partenaires du projet, qui ont vocation à refléter, au moins partiellement, la diversité des villes européennes.
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
93
94 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Alba Alba est située en Italie du nord, dans le Piémont. La haute saison touristique est l'automne, lorsque la ville accueille la Foire internationale de la truffe. En 2013, Alba a reçu le prix Eden Destination européenne d'Excellence dans la catégorie « tourisme accessible ». Nombre d'habitants : 30 000* Nombre de touristes par an : environ 640 000
*Tous les chiffes indiqués ont été fournis par les villes concernées.
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Types de tourisme tourisme de luxe, gastronomique et oeno-tourisme grands événements
Enjeux croissance régulière du nombre de touristes préparer la ville pour accueillir près d'un demi-million de touristes sur six semaines pendant la Foire annuelle de la truffe
mener une analyse comparative du nombre et des types de délits par mois, tout au long de l'année et pendant les mois de la foire (septembre et octobre)
Management du tourisme Une organisation mixte publique-privée est en charge de la gestion et de la promotion du tourisme : Ente Turismo Alba Bra Langhe Roero. Elle est notamment composée de représentants des municipalités locales et de l'association des commerçants. Le marketing est géré par le Consortium Langhe Monferrato Roero et divers tour opérateurs. Les priorités de la politique du tourisme d'Alba sont la qualité de l'accueil et les opportunités commerciales générées par le tourisme.
Management de la sécurité La sécurité locale est assurée par les carabiniers et la police locale. Les statistiques du tourisme sont collectées par la Région Piémont mais la collecte de données a été interrompue en 2009-2010 en raison des coupes budgétaires. Alba a un système de vidéosurveillance comprenant 11 caméras qui est géré par les carabiniers locaux. Lors des grands événements, la municipalité met en place un réseau de volontaires chargés principalement de la protection civile.
95
96 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Barcelone Barcelone est la capitale administrative et économique de la Catalogne. C'est aussi une destination touristique mondialement renommée, dotée d'un riche patrimoine culturel et historique, notamment huit sites Unesco. Parmi ses autres atouts : un climat agréable, des plages urbaines et des infrastructures touristiques modernes. Nombre d'habitants : 1 620 000 Nombre de touristes par an : environ 27 millions Nombre de nuitées (2014) : 17 millions
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Types de tourisme grands événements culturels, sportifs et économiques tourisme culturel tourisme de croisière tourisme d'affaires
Enjeux assurer la sécurité d'un très grand nombre de touristes prévenir et combattre la criminalité liée au tourisme, en particulier le vol à la tire
déconcentrer le tourisme pour le répartir dans d'autres zones de la ville, en dehors du centre historique
gérer la cohabitation entre touristes et résidents
Management du tourisme Barcelone dispose d’une bonne accessibilité et connectivité. C’est le port le plus important de Méditerranée en nombre de passagers (quatrième mondial), avec 2,4 millions de passagers de croisière chaque année, et de marchandises. L’aéroport enregistre environ 35,2 millions de passagers chaque année et les gares (lignes à grande vitesse et internationales) environ trois millions. Quant au transport public urbain, il est utilisé par 2,8 millions de visiteurs chaque année.
Management de la sécurité La ville dispose d’un corps de police propre, la Guardia Urbana (2 840 personnes), un corps de police régional, les Mossos d’Esquadra, et deux corps de police nationale, la Policia Nacional et la Guardia Civil (équivalente à la gendarmerie en France). En ce qui concerne la sécurité citoyenne, le maire de la ville est la plus haute autorité. La municipalité de Barcelone dispose d’une loi spéciale et de plusieurs structures de participation et de coordination, la Junta Local de Seguridad (comité local de sécurité), le Consejo de Seguridad Urbana (conseil de la sécurité urbaine), et le centre de coordination opérationnelle (CECOR) qui regroupe notamment l’ensemble des intervenants policiers.
97
98 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Brasov Brasov est située en Roumanie centrale, à 166 km au nord de Bucarest. Grâce aux fonds structurels de l'UE, la municipalité a pu se réinventer ces dernières années. Nombre d'habitants : 291 490 Nombre de visiteurs par an : environ 800 000 Nombre de nuitées (2014) : 1 078 297
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Types de tourisme sports d'hiver et tourisme de loisirs tourisme culturel
Enjeux sensibiliser les touristes aux risques de vol et d'escroquerie créer des services de soutien aux victimes, en particulier un service pour les touristes
faire la promotion de Brasov comme destination touristique auprès des habitants
établir un calcul systématique du nombre de visiteurs à Brasov
Management du tourisme La « stratégie de l'aire métropolitaine de Brasov pour un développement durable » définit le tourisme comme un facteur contribuant au développement durable. Cette stratégie fournit un cadre conceptuel et une approche structurelle qui peuvent être appliqués au développement économique local et au marketing. De plus, le plan de développement inclut comme objectif d'améliorer les standards de qualité du tourisme. A l'échelle municipale, il y a un service du tourisme au sein de la Direction des Relations internationales. Le fait que la municipalité est responsable de l'aménagement urbain et de la sécurité des citoyens lui donne également compétence en matière de tourisme.
Management de la sécurité Brasov a un système intégré de gestion de l'ordre public et de la sécurité auquel participent la police locale, l'Inspection de la police du comté, la police de la gare, la Direction nationale anti-corruption, la gendarmerie, les pompiers et l'Inspection générale des situations d'urgence. La police locale de Brasov est gérée par la mairie. Ses principales missions sont de protéger les droits fondamentaux et les libertés des citoyens, de protéger les biens publics et la propriété privée et de prévenir les crimes et délits. En 2010, Brasov a créé une nouvelle structure au sein de la police locale, le Département du tourisme de la police, qui compte un effectif de 27 agents. Ses principales missions sont le maintien de l'ordre public et la sécurité des résidents et touristes dans le centre historique.
99
100 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Bruxelles Siège des institutions européennes et d'un certain nombre d'autres organismes internationaux, Bruxelles, la capitale de la Belgique, est une ville multiple qui attire un grand nombre de visiteurs pour des séjours professionnels. C'est aussi un centre historique doté d'un riche patrimoine, ce qui en fait également une destination de tourisme de loisirs. Nombre d'habitants : 1 163 486* Nombre de visiteurs par an : environ 3,5 millions Nombre de nuitées (2014) : 6 636 420
* Ces chiffres concernent la région de Bruxelles-Capitale
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Types de tourisme tourisme professionnel tourisme de loisirs
Enjeux prévenir le vol, surtout le vol à la tire renforcer la collaboration entre les services de prévention et de police former les policiers à l'accueil des touristes (orientation et langues) et améliorer l'assistance aux victimes
développer les partenariats public-privé gérer les nuisances et les incivilités pendant les saisons touristiques, en particulier la nuit, et améliorer la propreté
Management du tourisme Outre les bureaux d’information aux visiteurs, Bruxelles et sa région disposent d’une agence dédiée, Visit Brussels, qui a pour mission d'accroître et de renforcer l'image de la capitale (lien avec les professionnels du secteur, organisation et soutien aux grands événements, communication). Visit Brussels a adopté une stratégie de marketing affinitaire visant à cibler les visiteurs, non pas sur des caractéristiques géographiques ou démographiques, mais par communautés d’intérêt.
Management de la sécurité Le vol à la tire est, de loin, le principal délit qui affecte les touristes. Pour lutter contre ce phénomène, outre la division de police territoriale qui prend en charge la sécurité au centre-ville, la zone de police compte une cellule spécialisée et a développé un « plan Pickpocket » partenarial et intégré. Des réunions de suivi ont lieu régulièrement (notamment entre la Brussels Hotels Association, le service de prévention de la ville, BRAVVO, et la commune d’Ixelles). Le plan Pickpocket reprend toutes les actions dans le cadre de la chaîne de prévention (sensibilisation des citoyens, hôteliers et commerçants, poursuite de la campagne Safe in the City, développement des actions et de nouveaux supports préventifs à l’attention des touristes, support vidéo, concertation avec les partenaires institutionnels en matière de répression, etc.). Un plan alcool est également en cours d’élaboration.
101
102 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Munich Munich est la capitale de la Bavière. La ville est réputée pour ses foires et expositions commerciales ainsi que ses centres culturels et sportifs, mais elle est aussi connue comme une destination touristique. C'est la 54e ville la plus visitée au monde et la 19e en Europe. Nombre d'habitants : 1,5 million Nombre de visiteurs par année : environ 13 millions Nombre de nuitées (2014) : 13 448 000
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Types de tourisme tourisme de loisirs et shopping grands événements tourisme culturel tourisme médical
Enjeux équilibrer les flux de touristes tout au long de l'année améliorer la qualité du service à l'Office public du tourisme et lancer une nouvelle campagne marketing
gérer l'affluence massive pendant les deux semaines de l'Oktoberfest, le festival de la bière le plus important au monde
développer une méthodologie appropriée pour analyser la perception qu'ont les touristes de la sécurité, notamment pendant les grands événements
Management du tourisme Tourisme Munich (München Tourismus) dépend du département du Travail et du Développement économique de la ville de Munich. Conjointement avec ses partenaires d'Initiative Tourisme Munich (Tourismusinitiative München, TIM), une entreprise privée, Munich Tourisme conçoit et diffuse des campagnes et des produits de marketing ainsi que de relations publiques pour développer le tourisme dans la ville et renforcer son image sur le marché mondial du tourisme. C'est la Commission du Tourisme de Munich, un organe paritaire entre la mairie et le secteur local du tourisme, qui est en charge de la stratégie municipale du tourisme.
Management de la sécurité Le département de l'Ordre public de Munich travaille en étroite coordination avec la police de Munich et les autres forces de sécurité. Il analyse la situation de sécurité et élabore des réponses conjointement avec les autres acteurs. En tant qu'autorité compétente pour gérer les événements de masse, ce département s'assure que des mesures de prévention soient bien prises avant l'événement et que pendant toute la durée de celui-ci, la sécurité soit évaluée constamment en coopération avec tous les acteurs.
103
104 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Rome Capitale de l'Italie, Rome est l'une des destinations touristiques les plus importantes au monde et la troisième ville la plus visitée de l'Union européenne. Son patrimoine historique et culturel est exceptionnel. Nombre d'habitants : 2 889 305 Nombre de visiteurs par année : environ 28 millions Nombre de nuitées (2013) : 31 264 403
Types de tourisme tourisme culturel tourisme religieux
Enjeux assurer la sécurité d'un nombre très important de touristes
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
encourager une meilleure répartition des touristes à travers toute la ville élaborer de nouvelles mesures de prévention du vol à la tire et d'autres délits favoriser la croissance d'autres types de tourisme : affaires et plage développer une vie nocturne sûre
Management du tourisme Rome est bien connectée par route, air, chemin de fer et mer. L'aéroport de Fiumicino est le principal point d'arrivée en Italie avec plus de 32 millions de passagers en 2013. Civitavecchia est le principal port de croisière d'Italie avec plus de 2,5 millions de passagers en 2013. Le secteur hôtelier est composé de 1 005 hôtels et 5 238 structures assimilées pour un total de 150 200 lits. Rome dispose d'une panoplie d'outils d'information pour les touristes, conçue pour apporter une réponse diversifiée à des besoins multiples. Outre les informations en ligne et le matériel promotionnel, un système de gestion des plaintes a été créé. Pour compléter ce dispositif, des mesures stratégiques sont prévues afin d'améliorer la qualité de l'offre, développer de nouvelles formes de tourisme (tourisme d’affaire, de bord de mer) et élargir la stratégie à l'ensemble de la région, notamment afin de mieux répartir les flux touristiques.
Management de la sécurité La valeur du patrimoine culturel et le nombre très important de touristes demandent des mesures de sécurité exceptionnelles dont la coordination est assurée par le cabinet du maire. En Italie, les questions de sécurité relèvent pour une large part de la police d’État, des carabinieri et des agents de la Guardia di Finanza. Rome Capitale a compétence en matière de surveillance urbaine et dispose d’une force de police municipale (Corpo di Polizia locale). La question de la sécurité fait l’objet d’un Protocole d’entente pour coordonner les actions des services de Rome Capitale, de la Préfecture, de la Province de Rome et de la Région du Lazio. Bien qu'elle soit accueillante, la ville souffre d’un certain nombre d’incivilités, à savoir des comportements qui, sans constituer de véritables délits, n’en restent pas moins des petites infractions. Il s’agit soit d’actes de dégradation du milieu urbain, tels que les graffitis ou le vandalisme dont les auteurs sont également des touristes, soit de mauvaise conduite comme par exemple le tapage, le harcèlement ou des attitudes agressives. Le maire et l’ensemble des services de Rome Capitale ont pris ces dernières années une série de mesures importantes avec le nouveau Sistema Integrato Roma Sicura - SIRS (un système intégré pour rendre Rome plus sûre), le réseau de vidéosurveillance des biens culturels, la création d’une unité opérationnelle au siège de commandement de la police locale ainsi que le lancement d’un projet expérimental, Movida Sicura (« une vie nocturne en toute sécurité »).
105
106 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Saint-Denis Située près de Paris, Saint-Denis est la capitale du département de Seine-Saint-Denis et la troisième ville la plus importante de la région Île de France. C'est l'une des neuf communes qui composent la communauté urbaine de Plaine Commune. La présence à Saint-Denis du Stade de France, le plus grand stade du pays qui accueille de grands événements sportifs, ainsi que d’une basilique gothique nécropole des rois de France, a donné à la ville une renommée internationale. Nombre d’habitants : 110 000 Nombre de visiteurs des sites touristiques : environ 270 000 Nombre de nuitées (2013) : 610 000
Types de tourisme tourisme culturel grands événements
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Enjeux le contexte latent d'insécurité freine les activités touristiques améliorer l'image de la ville et accueillir les touristes en faisant la promotion des sites historiques
sensibiliser les résidents à l'importance du tourisme pour le développement social et à l'importance de la sécurité pour le développement du tourisme local
analyser la criminalité qui affecte les touristes prévenir et combattre la prostitution et recueillir des informations sur les liens entre prostitution et tourisme
Management du tourisme La ville fait un travail important pour développer une politique du tourisme plus incisive afin de valoriser la richesse de son patrimoine local et d’améliorer son image ainsi que l’accueil des touristes. Il existe un office du tourisme situé au centre-ville et un point information au Stade de France, où une équipe de professionnels conseille et guide les touristes, notamment en matière de sécurité (prévention et sensibilisation) en cherchant, entre autres, à rassurer les visiteurs.
Management de la sécurité La ville de Saint-Denis s’est engagée dans un partenariat avec l’État pour servir un objectif commun de tranquillité publique pour les habitants, de lutte contre les délits et, en premier lieu, les vols avec violence qui sont les actes les plus durement ressentis par la population. Cet engagement de la ville s’est traduit par des actes :
signature du contrat local de sécurité en 2000 et mise en place du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) en 2001
ouverture de la Maison de Justice et du Droit (MJD) en 2003 et mise en place de quatre points d’accès au droit dans les quartiers
création en 2004 d’une police municipale permanence de l’association SOS victimes au commissariat et à la Maison de la Justice et du Droit De plus, la ville oeuvre pour renforcer la qualité des liens entre police et population par une présence aux réunions de quartier et la participation à diverses initiatives locales. Elle est également engagée dans des actions de prévention, de médiation et de prévention de la récidive et de réparation pénale. En 2008, la municipalité a créé une Direction Tranquillité publique composée de policiers municipaux, d’agents de surveillance de la voie publique, de gardes de l’environnement et d’une Mission Tranquillité.
107
108 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
Références et bibliographie
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Ressources Efus Manifeste d'Aubervilliers et Saint-Denis, Efus 2012 Guide sur les audits locaux de sécurité : résumé de la pratique internationale, Efus 2008 GOAL : prévention de la violence dans sport – Guide pour les villes, Efus 2012 Safer Drinking Scenes, Alcool, Ville et Vie nocturne, FFSU/Efus 2013
Recherches et études Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique et social européen et au Comité des Régions – L'Europe, première destination touristique au monde un nouveau cadre politique pour le tourisme européen [COM(2010) 352 final] Protection et sécurité des touristes, mesures pratiques pour les destinations, Organisation mondiale du Tourisme, 1997 2e ed. Amadeu Recasens, Eric Marlière, Escola de policia de Catalunya, Daphne Programme, et al. Violence between young people in nighttime leisure zones, a comparative European study. Brussels VUB Press (2007) Carol Jones, Elaine Barclay et Rob Mawby (Eds.) The Problem of Pleasure, Leisure, Tourism and Crime. Routledge (2011). École de guerre économique (2009). Rapport sur la compétitivité nocturne de Paris, rapport commandé par la mairie de Paris et la Chambre syndicale des cabarets artistiques (CSCAD).
Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées -
Mansfield, Y. Pizam, A. (Eds.) (1996). Tourism, Crime and International Security Issues. Chichester, John Wiley&Sons.
Notes [1] COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS L'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen (COM (2010) (352 Final), Commission européenne. [2] Organisation mondiale du Tourisme (2015), UNWTO Annual Report 2014, UNWTO, Madrid [3] L'Europe, première destination touristique au monde, op. cit [4] Eurobaromètre, Préférences des Européens à l'égard du tourisme, mars 2015 [5] Chesney-Lind et Lind 1986, Mawby, Brunt et Hambly 1999, Michalko 2003, Stangeland 1998 [6] Mawby, 2012 [7] Mekinc & Cvikl, 2013, 2014, Mansfeld & Pizam, 2006 [8] Davis et al 1988, Milman et Pizam 1988, Ross 1992, Mawby, 2007 [9] Mawby, 2014 [10] Ibid [11] Par exemple : http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/tourism/background/index_fr.htm [12] Voir par exemple : https://www.gov.uk/government/policies/ helping-the-uk-tourism-industry-to-grow [13] COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS L'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR /ALL/?uri=CELEX:52010DC0352 [14] http://europa.eu/pol/justice/index_fr.htm [15] L'Europe, première destination touristique au monde, op. cit [16] Hall, Timothy & Duval, 2009 [17] http://efus.eu/fr/topics/people/victims/efus/286/ [18] http://efus.eu/files/2013/06/Manifeste-VF-2.pdf
109
110 - Sécurité et Tourisme : politiques locales concertées
[19] http://www.cecops.org.uk/ [20] http://w110.bcn.cat/SeguretatIPrevencio/Continguts/WWW_FULL_ WELCOME_BCN_(FR).pdf [21] http://www.bruxelles.be/artdet.cfm?id=6892&highlight=monsieur%2C Unesco [22] www.visitbrussels.be/qualitydestin [23] www.visitbrussels.be/qualityacademyat [24] GOAL : prévention de la violence dans le sport – Guide pour les villes, Efus 2012 [25] www.safeinthecity [26] Safer Drinking Scenes, Alcool, Ville et Vie nocturne, FFSU/Efus 2013 [27] Guide sur les audits locaux de sécurité : résumé de la pratique internationale, Efus 2008 [28] Pour plus d’information sur le sujet, l’enquête est en ligne à l’adresse suivante : www.turismoroma.it [29] Cette section a été préparée par l'Association portugaise d'aide aux victimes APAV [30] http://www.apav.pt/apav_v3/index.php/en/ [31] www.safeinthecity.be [32] European commission ANNUAL TOURISM REPORT 2012 CROATIA : http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/tourism/files/annual_reports/2013/ croatia_report_2012_en.pdf [33] http://efus.eu/fr/category/topics/responses/police/ [34] www.itas.ie
Crédits photos : Alba : Consorzio Turistico Langhe Monferrato e Roero Barcelone : Vladitto/iStock/Thinkstock - Ajuntament de Barcelona Brasov : Catalin Botescu – Police municipale de Brasov Bruxelles : Antonio Ponte - Cyrus Pâques Munich : München Tourismus - Bayreuth2009 via Wikimedia Commons Rome : Andrea Cenni romaphotoshop.it – Efus Saint-Denis : Aiman Saad Ellaoui – Efus