Service volontaire européen et inclusion sociale des jeunes en grande diffuculté

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Forum Européen pour la Sécurité Urbaine

SECUCITES INCLUSION

Comment le Service Volontaire Européen initié par la Commission Européenne contribuera-t-il ou peut-il mieux contribuer à l’intégration sociale des jeunes en grande difficulté ?

Étude

Ecrit par : Adélaïde Vanhove, Chef de projet

Avec le soutien de la Commission Européenne, DG Emploi et Affaires Sociales

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1/ Objectifs, méthodologie et réseau de partenaires 1.1.

Les objectifs de l’étude

Le 20 juillet 1998, le Parlement Européen et le Conseil de l’Europe ont adopté la décision 1686/98/CE établissant le programme d’action communautaire « Service Volontaire Européen pour les jeunes ». L’objectif général de ce programme a été dès le départ de « stimuler la mobilité des jeunes européens dans le cadre d’une citoyenneté active, de leur permettre d’acquérir une expérience formatrice dans plusieurs secteurs d’activités, de favoriser leur contribution active au service de la construction européenne et à la coopération entre la Communauté et les pays tiers, à travers leur participation à des activités transnationales d’utilité collective ». Par ailleurs, l’un des objectifs spécifiques énoncés dans la description du programme était le suivant : « un effort particulier doit être consenti au profit des jeunes qui, pour des raisons d’ordre culturel, social, physique, économique ou géographique, ont le plus de difficultés pour participer aux programmes d’action existants ». Deux années plus tard, le 14 décembre 2000, constatant que « les jeunes, notamment les plus fragilisés, sont particulièrement exposés aux risques d’exclusion sociale, politique et culturelle », le Conseil et les représentants des gouvernements des Etats membres ont voté une résolution relative à l’intégration sociale des jeunes, dans laquelle ils s’engagent à « promouvoir un accès large de tout jeune aux programmes communautaires ou nationaux, notamment en matière de mobilité ». L’inclusion des jeunes rencontrant des difficultés est enfin l’une des priorités majeures de la Commission Européenne, à travers le Programme Jeunesse, pour les deux prochaines années1. C’est dans cette perspective que, dès 1998, le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine (FESU), réseau de 300 villes européennes, a participé au projet Service Volontaire Européen (SVE) en mobilisant un certain nombre de collectivités locales européennes autour de ce thème. Fortes d’expériences antérieures, notamment dans le cadre du projet Sécucités Insertion (1993-1995) inscrit dans le programme MED-URBS de la Commission, les villes du FESU ont voulu continuer à démontrer que la mutualisation de la prise en charge des jeunes en difficulté correspond toujours, et peut-être plus encore aujourd’hui pour certaines villes d’Europe, à un besoin réel et apporte des résultats significatifs en terme d’insertion. Grenade, Parme, Evreux, Lisbonne, Argenteuil, Alcobendas, Epinay-sur-Seine, Capannori, Amadora, Saint-Herblain ou encore Turin ont ainsi participé durant les années 1998 et 1999 à des échanges bilatéraux de jeunes dans le but de leur 1

Voy. « Report from meetings on a strategy for inclusion for the Youth Programme », European Commission, 2001.

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donner l’occasion de surmonter leurs difficultés et d’être dans une logique de construction d’un projet de vie à dimension européenne. Caractérisé par la rupture avec un cadre de vie trop marqué par l’échec, ce projet pilote innovant, testé par la Commission dans le cadre du SVE, a pris la forme d’un séjour de six mois dans une ville étrangère, précédé par un temps de préparation de deux mois et poursuivi par un temps d’exploitation et de mise en perspective de deux mois également. Une évaluation de ces deux initiatives coordonnées par le FESU a permis de montrer que les résultats avaient été dans l’ensemble très positifs pour les jeunes à tous les niveaux : apprentissage de la langue, ouverture culturelle, développement de leurs connaissances et compétences. Parmi les 34 jeunes volontaires qui ont participé aux programmes sur les deux années, 27 se sont trouvés dans un processus d’insertion à leur retour, certains ont trouvé un emploi et d’autres se sont engagés dans une formation professionnelle. Ce bilan encourageant nous a incités à proposer à la DG « Emploi et Affaires sociales » de la Commission Européenne, au titre de la ligne « Aide à la coopération entre les associations de solidarité et le développement du dialogue civil - Mesures préparatoires pour la promotion de l’inclusion sociale », une étude pour savoir « comment le Service Volontaire Européen contribue ou peut mieux contribuer à l’intégration sociale des jeunes en très grande difficulté ». En effet, la lutte contre l’exclusion sociale et la prévention de la délinquance font partie des objectifs de l’Union européenne, réitérés dans le Traité d’Amsterdam (article 136) et dans le Conseil de Tampere. L’article 137 § 2, alinéa 3 du Traité d’Amsterdam prévoit l’existence de « mesures destinées à encourager la coopération entre les Etats membres par le biais d’initiatives visant à l’amélioration des connaissances, à développer les échanges d’informations et de meilleures pratiques, à promouvoir des approches novatrices et évaluer les expériences afin de lutter contre l’exclusion sociale ». La Commission européenne définit l’exclusion comme un phénomène multidimensionnel, allant au-delà des problèmes de chômage et se manifestant par plusieurs types de dénuement et d’obstacles, qui seuls ou combinés, empêchent une pleine participation dans des domaines tels que l’éducation, la santé, l’environnement, le logement, la culture ou l’accès aux droits.2 Selon les derniers chiffres de l’Union européenne rendus publics (1998), 18% de la population, soit environ 60 millions de personnes, vivent dans des conditions sociales difficiles et près de la moitié d’entre elles vivent dans la pauvreté depuis plusieurs années. Ce taux varie d’un pays à l’autre : il est de 8 à 9 % au Danemark et en Finlande et de 22 à 23 % au Portugal, en Grèce et au Royaume-Uni. A la suite du Conseil européen de Lisbonne, la Commission a présenté, en juin 2000, une proposition de décision du Parlement et du Conseil visant à encourager la coordination des efforts des Etats membres en matière de lutte contre les exclusions. 2

Communication de la Commission, « Construire une Europe de l’inclusion », 01.03.2000.

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Par ailleurs, le Conseil européen de Tampere insiste, dans ses conclusions, sur la nécessité d’intégrer « des aspects liés à la prévention dans des actions de lutte contre la criminalité » et souligne l’importance de « développer l’échange des meilleures pratiques, de renforcer le réseau des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité ainsi que la coopération entre les organismes nationaux spécialisés dans ce domaine [...]. Cette coopération pourrait avoir avant tout pour priorités la délinquance chez les jeunes, la criminalité urbaine et celle liées à la drogue. » D’ores et déjà, nous savons que faire participer des jeunes en grande difficulté au SVE n’est pas un pari facile, mais constitue une opportunité intéressante qu’il convient d’utiliser au mieux pour ces jeunes sachant qu’il faut faire des propositions concernant aussi bien l’accompagnement des volontaires et la formation du professionnel chargé de leur suivi, que la gestion globale du projet ou encore la coopération judiciaire et policière entre les différentes villes participantes. Tout ceci dans le but de favoriser au mieux ces expériences et de développer une citoyenneté européenne chez ces jeunes en situation difficile. 1.2.

Méthodologie

1.2.1. Cette étude est le fruit des échanges, souvent animés et toujours constructifs, que nous avons eu avec nos partenaires européens au cours de trois séminaires : -

Les 16 et 17 février 2001 à Paris Les 6 et 7 avril 2001 à Turin Les 30, 31 août et 1er septembre 2001 à Lisbonne.

Les partenaires, issus de huit villes différentes, ont tous participé avec le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine, au programme SVE, en tant que tuteurs ou éducateurs professionnels. C’est donc à partir de leur expérience que nous avons pu réfléchir ensemble aux conditions de réussite d’un SVE ouvert à des jeunes majeurs en grande difficulté. Notre premier séminaire (Paris) a eu pour objet, d’une part, de recenser les points faibles et les éléments de réussite des projets pilotes menés, à l’initiative du FESU, en 1998 et en 1999 : du point de vue du jeune, du responsable des organismes d’accueil et d’envoi des jeunes, du professionnel chargé du suivi du jeune et enfin, plus globalement, du point de vue du résultat, c’est-à-dire notamment de l’insertion sociale du jeune ; d’autre part, d’analyser le profil des jeunes et l’accompagnement à prévoir avant, pendant et après le séjour du jeune à l’étranger. En plus de l’expérience professionnelle de nos partenaires, nous avons pu profiter de la présence, à ce séminaire, d’une ancienne volontaire du programme SVE, de nationalité italienne, partie en 1999 dans la ville du Havre, en France, pour une durée de six mois. Son témoignage a permis d’enrichir l’analyse que nous avons effectuée « du point de vue du jeune ».

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L’expérience anglo-saxonne du mentoring s’adressant à des jeunes en difficulté nous a semblé être une hypothèse d’accompagnement pouvant s’appliquer à notre programme. Il s’agit de mettre en relation chaque jeune avec un adulte bénévole (un mentor) qui suit le jeune (le mentee) de près, l’aide et l’encourage à réaliser ses projets. Nous avons souhaité en discuter avec nos partenaires à l’occasion d’un deuxième séminaire (à Turin), avec l’aide de deux experts : Amanda Howells, consultante auprès de l’organisme anglais Crime Concern qui, en 1999, a mis en place le programme Mentoring Plus. Le second expert, Anne Hewitson travaille comme bénévole pour ce programme. Cette hypothèse de travail – le fait d’ajouter des adultes bénévoles au SVE pour accompagner le jeune là où le professionnel n’en a pas les moyens - nous a amenés à réfléchir au rôle des bénévoles et des professionnels au sein du programme, à la formation requise et enfin à l’articulation des tâches et des fonctions de chacun. Deux anciennes volontaires du programme ont également participé à ce séminaire et ont ainsi pu nous apporter leur point de vue sur le type d’accompagnement requis. Enfin, le troisième séminaire (Lisbonne) avait pour objet : - d’examiner, et ce au regard des législations communautaire et nationales, les possibilités de déplacement de jeunes majeurs sous mandat judiciaire ou toxicodépendants sous traitement. - de présenter aux partenaires le référentiel-métier du professionnel chargé de l’accompagnement du jeune et de proposer une formation pour ces professionnels adaptée au Service Volontaire Européen ouvert à des jeunes en grande difficulté. - d’exposer les difficultés relatives au statut de volontaire du jeune dans les différents pays de l’Union européenne et de faire des propositions pour que ce statut ainsi que l’expérience du jeune soient reconnus de la même façon dans les 15 pays de l’Union européenne. Les résultats tirés de ces trois séminaires ont été intégrés dans le quatrième chapitre de la présente étude. 1.2.2. Entre chaque séminaire, le chef de projet a également contacté et réalisé des entretiens avec des « personnes-ressources » qui ont pu nous apporter des informations complémentaires concernant d’autres expériences qui ont été menées avec des jeunes en difficulté, dans le cadre du SVE ou d’autres programmes transnationaux. Sur la question des législations européennes, nous avons interrogé de nombreux juristes (juges d’application des peines et juges d’instruction) des 15 pays membres et ces informations ont pu être enrichies par des recherches que nous avons effectuées dans différents centres de documentation. 1.3.

Présentation du réseau de partenaires

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Stranaidea, S.C.S. a.r.l. – Torino (Italie) Stranaidea est une coopérative sociale (organisme à but non lucratif d’utilité sociale, O.N.L.U.S.) qui dirige et met en place des projets dans les domaines socio-sanitaire, éducatif et des services aux particuliers. Elle s’occupe principalement des jeunes mineurs en situation difficile, des handicapés, des personnes présentant des problèmes psychiatriques, des toxico-dépendants. Elle propose notamment des activités éducatives aux jeunes mineurs incarcérés ou encore des parcours de formation professionnelle aux jeunes mineurs en très grande difficulté, signalés par les services sociaux de la Ville. Eumeo Cooperativa – Parma (Italie) Eumeo est une coopérative indépendante de solidarité sociale, initialement rattachée à l’Association « Gruppo scuola ». Elle se donne pour mission d’offrir une activité aux jeunes définis comme « présentant des risques de déviance » parce qu’ils connaissent des situations de mal-être familial et social. Elle met en place des activités de jardinage, de manutention des parcs et jardins, dans les espaces privé et public. Elle intervient auprès des jeunes dans les milieux scolaires, extra-scolaires, professionnel, familial et culturel. Eumeo Cooperativa est aujourd’hui composée de 5 professionnels éducateurs et d’un objecteur. Comune di Capannori, Service Jeunesse (Italie) Les activités principales du service pour l’orientation, la formation et l’information de la jeunesse de la Ville de Capannori sont : 1) 2) 3) 4) 5)

l’information pour les jeunes l’accueil et l’orientation des jeunes à la recherche d’un emploi le suivi des objecteurs de conscience et services civils la mise en place et le suivi des projets SVE la coordination des centres de formation appelés « Clubjob » (ateliers de menuiserie, de restauration, de décoration) 6) la mise en place et le suivi des projets d’insertion professionnelle des jeunes et des indemnités pour les formations. Asociación Los Primeros – Granada (Espagne) L’Association Los Primeros travaille principalement avec les jeunes mineurs et majeurs de la partie nord de Grenade sur des projets éducatifs à travers le sport, le soutien scolaire, l’orientation personnelle et professionnelle. Elle participe aux programmes suivants : D.E.D.A.L. : éducation à travers des activités ludiques LUDEP : activités sportives pour jeunes mineurs et majeurs 6


M.T. : travail de prévention de la toxicomanie chez les mineurs de la zone nord de Grenade 20 volontaires et 3 professionnels salariés y travaillent aujourd’hui. Gebalis, E.M. – Lisboa (Portugal) Gebalis est un organisme municipal qui a pour fonction de gérer les quartiers de logements sociaux de la ville de Lisbonne sur les plans financier, social et patrimonial. Près de 20 quartiers soit environ 15.000 foyers sont aujourd’hui gérés par Gebalis. Son but principal est de promouvoir la qualité de vie des personnes résidant dans ces quartiers, à travers la mise en place de projets de développement social, différents selon les besoins d’intervention existant pour chacun d’eux. Par exemple : -

Centre d’aide et d’intégration dans le milieu professionnel Garderies pour enfants Soutien psycho-social aux familles destructurées UNIVAJ (Unités d’insertion dans la vie active pour les jeunes) Maisons de la jeunesse Formation professionnelle Préparation au relogement Projets éducatifs

60 personnes travaillent sur ces projets et sont en relation avec les institutions à caractère social dans chacun des quartiers. Les priorités de Gebalis sont de promouvoir l’intégration sociale des habitants de ces quartiers, de faire en sorte qu’ils aient une bonne estime d’eux-mêmes et enfin, de leur donner les outils nécessaires au bon déroulement de leur relogement. Association Point Jeunes – Evreux (France) Point d’accueil et d’écoute pour les jeunes de moins de 25 ans, l’Association Point Jeunes lutte contre l’exclusion sociale et le mal-être des jeunes. Sa vocation n’est pas de donner une réponse directe à la demande du jeune mais de l’orienter dans le cadre d’un partenariat organisé, de lui redonner confiance en lui-même et d’enrichir le travail en réseau. Les échanges internationaux de jeunes sont l’un des outils privilégiés de l’association pour atteindre ses buts. Mairie de Saint-Herblain, Service Insertion Emploi (France) Le Service Insertion et Emploi (SIE) de la Ville de Saint-Herblain est inscrit au sein du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). Il est rattaché à la Direction de la Solidarité et de la Proximité pour tout ce qui touche à l’insertion et à la Direction des Ressources Humaines pour le volet Emploi. 7


La mission principale du service concernant l’insertion s’effectue au sein du PLIE (plan local d’insertion par l’économique) lequel fait partie de la Communauté urbaine de Nantes. Le SIE s’occupe également des demandeurs d’emploi hors PLIE : orientation, conseil, positionnement sur les offres d’emploi, etc. Il suit trois fonds d’aide aux jeunes et gère les contrats d’éducation spécialisée (CES) et les contrats d’éducation consolidée (CEC) signés avec la Mairie. Mairie d’Epinay-sur-Seine, Direction du Développement Social (France) La direction du Développement Social de la Ville d’Epinay-sur-Seine a pour objectifs principaux : -

l’accompagnement social des publics vulnérables, l’accès aux droits et le soutien à la vie familiale ; l’animation de la vie des quartiers, l’accès aux loisirs, la solidarité locale et la participation ; l’action socio-éducative et de prévention en direction des enfants et des jeunes.

Cette direction regroupe trois services : Jeunesse, Vie des quartiers et Citoyenneté, intégration, associations.

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2/ Le SVE : pour qui ? pourquoi ? Le SVE s’adresse « théoriquement » à tous les jeunes de 18 à 25 ans et la Commission a manifesté une forte volonté d’élargir son accès à des jeunes rencontrant des difficultés spécifiques. Dans cette étude, nous nous intéressons aux conditions de réussite du SVE pour ces jeunes qui n’ont pas nécessairement le profil jusqu’à présent requis pour participer aux programmes d’échanges européens. 2.1.

Le SVE est aussi une excellente opportunité pour des jeunes qui rencontrent des difficultés bien spécifiques 2.1.1. Le profil des jeunes

Le programme doit prendre en compte tous les types de difficultés que peuvent rencontrer les jeunes adultes, à savoir des difficultés d’ordre : -

socio-économique (en particulier les jeunes chômeurs sans diplôme, ni qualification) ; familial (orphelins, qui ont connu une rupture familiale, une violence parentale etc.) ; scolaire (non scolarisés, qui ont abandonné ou ont été rejetés du système scolaire) ; sociologique (vivent dans des quartiers difficiles, font partie d’une bande, sont victimes de discrimination raciale…) ; psychologique (ont été violés ou violentés, ont fait des dépressions, des tentatives de suicide, présentent des troubles légers du comportement…) ; judiciaire (ont commis des délits, sortants de prison...) ; sanitaire (ont été toxico-dépendants).

Souvent, ces difficultés se superposent ce qui rend encore plus difficile l’insertion du jeune dans la société. Nous touchons là au problème de la terminologie concernant ce public spécifique. Faut-il parler de jeunes défavorisés, en situation difficile, de jeunes en grande difficulté ou encore de jeunes qui rencontrent des difficultés ? Cette question a été soulevée au cours de diverses rencontres portant sur l’inclusion de ces jeunes3. Le groupe de travail du SVE sur « la prévention des risques et la gestion des crises » préconise l’emploi de l’expression « jeunes faisant face à des difficultés » afin de ne pas les stigmatiser mais plutôt pour considérer leurs « besoins spécifiques » et pour « y répondre aussi efficacement et sûrement que possible »4.

3

Voir notamment le « Rapport du Groupe de Travail sur l’Inclusion » rédigé dans le cadre de la Conférence « Maximiser l’inclusion » organisée par la Commission européenne et SOS (Structure of Operational Support), 1998-1999, p. 1. 4 In « Service Volontaire Européen, Groupe de travail sur la prévention des risques et des crises. Rapport Final », SOS, Commission européenne, Bruxelles, septembre 2000, p. 5.

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L’objectif de ce projet SVE est de donner à ces jeunes « envie de » et de les rendre « capables de » : prendre des initiatives, être autonomes, être responsables, écouter, entendre les règles et les normes qu’il faut respecter, s’adapter… La période de préparation du projet sera dans une large mesure consacrée à ce travail, à mesurer l’envie et la capacité du jeune à participer au SVE. Ces jeunes, résidant dans l’Union européenne, pourront aussi bien être ressortissants d’un Etat membre que ressortissants d’un Etat tiers (cf. page...). Dans le troisième chapitre, nous examinerons plus précisément trois cas : -

celui des sortants de prison celui des jeunes sous main de justice celui des toxico-dépendants. 2.1.2. Les jeunes adultes : un âge qui quelquefois peut poser problème

Le jeune adulte présente des caractéristiques psychologiques et sociales particulières qu’il convient de mettre en évidence si l’on veut comprendre le type de difficultés qu’il rencontre dans son parcours. A-t-on besoin de nous appuyer sur les nombreuses études en psychologie du développement pour affirmer que le jeune adulte, qu’il soit ou non délinquant, se situe dans une phase de fragilité, qu’il est plein de doutes et d’angoisse, incertain quant à son identité, souvent influençable, encore proche de l’enfance et n’appartenant pas encore au monde adulte ? Sur un plan sociologique, le jeune adulte d’aujourd’hui, et a fortiori le jeune qui appartient aux couches sociales les moins aisées de la population, rencontre également bien souvent une période difficile d’incertitude, de perte de confiance et de motivation, d’absence de perspective d’avenir. En effet, si autrefois il passait presque naturellement du milieu scolaire et familial au milieu professionnel, le jeune majeur, et surtout le jeune de milieu défavorisé, est aujourd’hui confronté à la prolongation de la scolarisation obligatoire, à la dévaluation des diplômes peu élevés et à la crise économique productrice de chômage5 et de précarisation de l’emploi. Tous ces facteurs l’entraîne dans une phase plus ou moins longue d’inactivité et l’expose donc aux risques de déviance et de délinquance. L’usage des drogues n’est qu’un exemple de ce malaise existentiel, de ces désillusions et de cette souffrance. D’une manière générale, depuis le milieu des années 80, la délinquance des jeunes en Europe est restée relativement stable mais leurs actes de violence ont fortement 5

Bien que le chômage tende à diminuer dans l’Union européenne, les jeunes appartenant à la population active ont près de deux fois plus de probabilité d’être au chômage que les personnes âgées de 25 ans ou plus. « En Espagne, en Finlande et en Italie, le taux de chômage des jeunes dépassait 30% en 1999 et même 50% dans certaines régions du sud de l’Italie et de l’Espagne » in Unité de l’Europe, solidarité des peuples, diversité des territoires, 2e rapport sur la cohésion économique et sociale, Commission européenne, Volume 1, janvier 2001, p. 20.

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augmenté. Cette croissance serait particulièrement importante chez les adolescents. Et surtout, le taux (par rapport à leur classe d’âge) des jeunes qui déclarent une conduite régulière violente et/ou de « racket » augmente (on parle à cet égard, d’une explosion du nombre de mineurs mis en cause). Ces données sont préoccupantes, d’autant qu’il est établi que la violence agie ou subie entraîne des conséquences graves sur la santé physique, psychologique et sociale des jeunes. Un élément décisif de la violence des jeunes serait la violence interne à la famille, même si les formes de cette violence doivent beaucoup à la culture de la rue. L’agression comme comportement serait transmise de parent à enfant, la violence par les enfants et adolescents étant inextricablement liée à la violence envers eux. Mais, comme nous l’avons dit, la violence (fréquence des homicides volontaires par exemple) est aussi liée aux inégalités économiques, et plus précisément à l’existence de territoires d’exclusion. Plus le fossé entre riches et pauvres se creuse, plus l’organisation naturelle ou légale se délite. Les discriminations (en raison de l’âge, de l’appartenance ethnique, de la domiciliation…) sont un facteur encourageant la violence juvénile, en particulier lorsque ces discriminations condamnent durablement l’accès à l’emploi. Enfin, on constate que la violence juvénile n’a pas toujours pour but l’appropriation. C’est souvent une violence de protestation, d’affirmation de soi, de défense qui adopte des lieux et des cibles spécifiques selon les pays. Chacun trouve ses formes de mise en scène violente de la désorganisation sociale. -

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Evolution préoccupante des atteintes portées contre soi, avec des taux de suicides notamment masculin, qui s’élèvent brutalement, et une toxicomanie qui se prolétarise et où on s’engage plus tardivement après avoir déjà expérimenté malchance, échecs, petits trafics. Violence entre soi, au sein d’une même classe d’âge, ou entre jeunes appartenant aux territoires de la pauvreté. Accroissement considérable des dégradations et destructions de biens publics et privés (parfois spectaculaires comme les incendies de voitures en France), en croissance plus rapide que toutes les autres infractions. Développement spectaculaire des violences juvéniles au sein d’espaces ordinairement protégés comme les transports en commun et les écoles. L’école dans tous les pays est une scène et une source de violence importante (violences entre élèves, entre élèves et enseignants, « racket »). Les transports en commun (France, Belgique) constituent une cible privilégiée des jeunes et les dégâts, matériels et humains, sont très importants. Ce qu’on nomme " hate crime ", délinquance de " haine " qui devient un phénomène majeur aux Etats Unis, comme la violence raciste, participe de cette forme de violence. Les violences contre les minorités ethniques les plus vulnérables socialement (en Allemagne notamment) sont commises le plus souvent par des jeunes eux-mêmes en position sociale vulnérable.

Toutefois, la délinquance (et la violence) peut aussi marquer une période de transition. La plupart de ces jeunes bifurqueront à un moment donné dans une insertion économique et sociale et abandonneront délinquance et violence. Pour 11


d’autres jeunes, elle se prolongera et deviendra un substitut ou un complément informel de l’insertion " licite ". 6 Nous savons par ailleurs que, du fait même de leur âge, les jeunes sont capables de s’adapter à des situations nouvelles, de modifier leur comportement et d’ « engager leur vie dans de nouvelles orientations déterminantes pour leur avenir ». Celles-ci seront d’autant plus positives si les jeunes « acquièrent la conviction qu’ils sont respectés comme des personnes à part entière, qu’ils sont acceptés dans leurs moments de doutes et d’angoisse, qu’ils sont encouragés à la prise de responsabilité personnelle et morale comme au self-control »7. Nous sommes convaincus que le Service Volontaire Européen, s’il est bien organisé, permet au jeune de -ou du moins l’aide à-, « franchir ce cap délicat qui se situe entre les bouleversements physiques et psychiques de l’adolescence, et l’âge de la maturité »8. 2.2.

Le SVE comme outil d’intégration ou de réinsertion pour ce public-cible 2.2.1. La « rupture » comme pédagogie pour un nouveau départ

De nombreux auteurs, romanciers, poètes, ethnologues ou aventuriers ont fait l’éloge du voyage, véritable « miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais »9. Ainsi, le voyage ou plus simplement le déplacement a-t-il cette fonction pédagogique qui permet de se découvrir soi-même à travers la découverte de l’Autre. De même, on peut affirmer que c’est dans la rencontre, voire dans la confrontation avec les autres, que se crée, se forge notre identité. Certes, nous touchons là à l’aspect antinomique du déplacement : d’un côté, il déstabilise et de l’autre, il renforce. « Il déstabilise parce qu’il fait perdre ses repères habituels de vie, de lieux, de relations voire d’identité. Il renforce parce qu’il permet de prendre conscience de ses spécificités, de sa différence avec l’autre et de son appartenance à une collectivité plus large ».10 Or, nous avons vu que pour plusieurs raisons d’ordre psychologique et sociologique, certains jeunes adultes se trouvaient dans une phase d’instabilité et de fragilité identitaire et dans un processus d’échecs répétés. 6

Ces réflexions sur les jeunes et la violence dans les villes ont été tirées des Rapports introductifs à la Conférence de Naples sur « la Sécurité et la Démocratie », organisée par le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine en décembre 2000. 7 e In Jeunes adultes délinquants et politique criminelle, actes du 10 Colloque criminologique (1991), Comité européen pour les problèmes criminels, Recherche criminologique, vol. XXX, Les éditions du Conseil de l’Europe, 1994, introduction, p. 7. 8 Idem. 9 Montaigne, M. de, Essais (1580-1588), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de « La Pléiade », 1967, p.157. 10 Genève, M., « A quoi sert la mobilité ?», in Echanges et mobilité des jeunes en Europe, sous la direction de J. Kraus, UFCV, Document de l’INJEP, n°20, Avril 1995, p. 32.

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Pour eux, très souvent, toute action qu’ils entreprennent les conduit vers des chemins sans issue. Ces échecs à répétition les désignent vis-à-vis de leur environnement social proche et vis-à-vis d’eux-mêmes comme étant incapables d’aboutir à un résultat positif. Une fois intériorisée, il est bien difficile de se débarrasser de cette image négative de soi. Les professionnels accompagnant ces jeunes vers l’insertion ont compris qu’il faut extraire les jeunes de cet environnement qui leur renvoie en permanence cette « image déformée » qui ne génère que découragement, révolte et la recherche d’autres moyens de subsistance plus ou moins licites, les conduisant à une marginalisation, voire même, dans quelques cas à la privation totale de liberté. « Aller ailleurs » implique de pratiquer la mobilité, d’aller rechercher dans un autre environnement des ressources nouvelles, mais aussi de concevoir, de construire et de mettre en œuvre un nouveau projet. Pour certains jeunes, quitter leur environnement, même si celui-ci renvoie une image négative d’eux-mêmes, n’est pas une opération facile car ils y ont construit des liens, des repères, parfois des pactes de « contre identification » qui les retiennent dans le quartier. D’où l’importance d’effectuer un travail de communication en direction de ces jeunes afin de provoquer chez eux un « déclic », une prise de conscience des enjeux d’une rupture d’avec leur environnement. Dans le cadre d’un projet de mobilité, à charge pour le professionnel de préparer les jeunes au départ, en établissant une relation de confiance, en les aidant à construire un projet en adéquation avec leurs expériences, leurs souhaits et leurs objectifs. La rupture est donc un « concept éminemment paradoxal »11. Elle « désigne à la fois l’action par laquelle une chose est rompue et le résultat de cette action. En effet, elle renvoie d’abord à un état de constat d’une cassure de liens »12. Les interventions éducatives qui utilisent la rupture comme pédagogie consistent à aider le jeune à renouer ces liens rompus dans le cadre d’un nouveau projet. La rupture ne doit donc pas être le constat de la cassure mais la capacité à mobiliser les énergies pour construire le lien social. Pour ce faire, il faut réunir l’ensemble des éléments facilitant la transition d’un état à l’autre et définir un cadre favorable où les repères et les règles sont clairement définis.13 La pédagogie de la rupture peut être définie comme suit :

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Voy. Safi Hadj Safi, Bourse d’Echange Nationale : un programme d’insertion jeunes basé sur le principe de la rupture -Comprendre la rupture pour favoriser l’accompagnement et l’insertion des jeunes rencontrant des difficultés en lien avec ce processus, Mémoire de DESS « Conception Réalisation Evaluation des Programmes Insertion Jeune » sous la direction de M. Jean Barnes, Université Paris 13 Villetaneuse, Octobre 2000, p.17. 12 Idem. 13 Idem.

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La rupture comme nouveau départ : la rupture est un réinvestissement des acquis dans une nouvelle démarche. Travailler sur la rupture, c’est resocialiser. C’est s’exclure d’un système pour entrer dans un système nouveau.

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La rupture de l’enchaînement d’échecs : pratiquer la rupture, c’est rompre la circularité d’un parcours d’échecs vécu par le jeune.

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La rupture comme acte réfléchi : la rupture n’est pas un acte spontané. Elle demande une préparation souple et rigoureuse et met l’accent sur un acte librement et mûrement réfléchi.

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La rupture comme génératrice de stabilité : travailler sur la rupture, c’est travailler sur la stabilité d’un individu, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Les professionnels s’accordent sur la nécessité de développer les moyens humains et matériels indispensables à l’animation et à la gestion des parcours des jeunes qui ont choisi de pratiquer une rupture avec leur environnement. Enfin, voici comment de jeunes volontaires qui ont vécu cette rupture témoignent de leur expérience : « Cette rupture du monde dans lequel j’étais habituée à vivre depuis 22 ans, m’a aidée à mieux comprendre à la fois mes limites et mes capacités. (...) L’opportunité de se confronter avec des personnes d’un autre pays, d’une autre origine, parlant une autre langue, m’a énormément enrichie, surtout sur le plan humain. » « La Bourse d’Echange m’a rendue beaucoup plus indépendante, autonome et responsable.» « Grâce à cette expérience, j’ai réussi à faire une rupture avec ma famille, tout en gardant le contact avec elle. » « Cette expérience a été importante pour moi parce qu’elle m’a aidée à grandir même si l’adaptation au début a été difficile (nostalgie de la maison, une langue que je ne connaissais pas, une réalité nouvelle, la cohabitation avec une personne étrangère...). Elle a été très gratifiante, m’a permis de me rendre compte de ma forte personnalité mais aussi de comprendre que je suis capable de me débrouiller toute seule. » « J’ai retrouvé confiance en moi. » « La Bourse m’a permis de repartir sur de nouvelles bases plus positives. »

D’après une enquête effectuée, à leur retour, auprès de jeunes qui ont participé, en France, au programme Bourse d’Echange Nationale 14, 33,3% ont trouvé qu’il était très important de pratiquer cette rupture et 66,6% qu’elle était indispensable. Dans le cadre du SVE, on peut penser que, pour certains d’entre eux, résidents d’un pays de l’Union mais originaires de pays tiers et donc souvent confrontés au problème de l’identité culturelle, la mobilité et la découverte d’un ailleurs pourra être l’occasion :

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Programme d’échanges de jeunes fonctionnant sur la base d’un réseau de villes françaises.

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de prendre conscience qu’ils appartiennent bien à la collectivité où ils résident. Ainsi, certains jeunes issus de l’immigration maghrébine en France et qui ont voyagé dans le cadre de Jeunesse pour l’Europe, sont revenus en disant « c’est la première fois que j’ai l’impression d’être français »15 ; de prendre conscience également qu’ils font partie d’un espace commun européen et de découvrir ou de renforcer leur citoyenneté européenne.

A cet égard, une ancienne volontaire du SVE que nous avons accueillie dans nos deux premiers séminaires nous a confiés que le jour où elle a pris conscience de faire partie d’un programme à dimension européenne -regroupant de nombreux autres jeunes, rencontrant comme elle des difficultés et vivant ou ayant vécu le même type d’expérience de mobilité-, elle s’est sentie beaucoup plus motivée. Vaincre la rupture sociale par la rupture géographique et culturelle, telle nous semble être l’une des pierres angulaires de la lutte contre l’exclusion des jeunes. Le programme SVE doit permettre de le démontrer. Bien entendu, il ne s’agit pas d’envoyer « n’importe qui, n’importe comment » dans une ville étrangère pour une durée variable. D’un côté, tous les jeunes n’auront pas l’envie ou la capacité de partir ; de l’autre, les modalités d’accompagnement doivent être sérieusement analysées. Nous reviendrons sur ces deux aspects essentiels dans notre dernier chapitre. Toutefois, nous pouvons déjà penser que si toutes les conditions de réussite sont réunies, « de tels séjours à l’étranger devraient permettre au jeune –ou du moins à certains jeunes-, de se reconstruire une image positive de soi », comme l’envisageait d’ailleurs la Commission au départ du programme. Et ce, en plus d’acquérir de nouvelles compétences sociales et/ou professionnelles et d’apprendre une langue étrangère. 2.2.2. La rupture « accompagnée » comme peine alternative à l’incarcération Concernant plus spécifiquement les jeunes adultes en difficulté qui ont eu affaire à la police et à la justice, il nous semble que là aussi le SVE pourra être, dans certaines situations bien ciblées, très bénéfique autant pour le jeune que pour la collectivité. Deux raisons principales nous encouragent en tous les cas à l’envisager, qui s’ajoutent aux raisons que nous avons mentionnées pour l’ensemble des jeunes en grande difficulté, qu’ils soient ou non délinquants. La première d’entre elles concerne l’importance de la récidive chez les jeunes condamnés. En effet, comme l’a démontré Mme Junger-Tas dans son étude réalisée sur l’ensemble de la communauté, « plus un individu est jeune au moment de sa première condamnation, plus nombreuses seront les nouvelles condamnations. Ainsi, parmi ceux condamnés avant de pouvoir être considérés comme de jeunes

15

Genève, M., « A quoi sert la mobilité ?», op. cit. p. 33.

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adultes, deux tiers seront à nouveau condamnés dans les dix ans. Par ailleurs, la part des délits commis par les récidivistes semble augmenter avec l’âge »16. Nous pouvons nous interroger sur les causes réelles de la récidive : est-ce l’âge en tant que tel qui détermine le risque de récidiver ou est-ce le milieu carcéral dans lequel se retrouvent les jeunes délinquants ? Autrement dit, la prison n’est-elle pas propice à augmenter ce sentiment de révolte, de défiance, d’incompréhension et d’impuissance face au système politique et juridique ? Cela nous amène à la seconde raison que nous évoquions pour appuyer notre projet de faire également participer certains jeunes ayant un passé judiciaire au SVE. Il s’agit du surpeuplement des prisons17 et donc de la nécessité de trouver des solutions alternatives à l’emprisonnement pour certains cas précis de condamnation. D’après les sources du Conseil de l’Europe18, de nombreux pays européens sont aujourd’hui confrontés au surpeuplement de leurs établissements pénitentiaires. Ainsi, en 1997, la Suède comptait 4% d’établissements surpeuplés, le Danemark 10%, la Finlande 12% et les Pays-Bas 23%. En Irlande, en France, en Belgique, en Angleterre et au Pays de Galles, en Italie et en Espagne 50 à 75% des établissements étaient surpeuplés et ce taux s’élevait à 80% pour le Portugal. Ces données suffisent à imaginer les effets extrêmement négatifs que peuvent avoir ces situations sur les conditions de vie et donc sur la santé physique et mentale des détenus. Bien entendu, depuis un certain nombre d’années, on voit se substituer aux modèles classiques de sanctions de nouveaux modèles qui donnent un sens différent à l’intervention pénale. En ce qui concerne les jeunes adultes, ces alternatives sont particulièrement importantes. Pour eux, en effet, les peines d’emprisonnement ne semblent pas constituer la réaction la mieux adaptée, et dans la majorité des cas ce sont d’autres types d’intervention qui paraissent constituer le meilleur choix. Le SVE pourrait en faire partie à condition que le profil de jeunes volontaires soit bien ciblé, que les professionnels chargés de leur suivi aient reçu la formation adéquate et que les différentes parties impliquées dans le programme réussissent parfaitement à travailler ensemble. Ce sont des points sur lesquels nous reviendrons également dans le quatrième chapitre de cette étude. Il importe pour l’heure d’encourager les différents gouvernements nationaux et instances européennes à réunir tous leurs efforts pour continuer à développer des 16

Junger-Tas, « La nature et l‘évolution de la délinquance des jeunes adultes » in Jeunes adultes délinquants et politique criminelle, op. cit., p. 55. 17 Le « surpeuplement » est l’inadéquation à un instant t, entre le nombre de détenus et la capacité d’ « accueil » des prisons. Voy. Tournier, P.-V., « Prisons d’Europe, inflation carcérale et surpeuplement », mars 2000, Rapport au Conseil de l’Europe , Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, recommandation N° R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 30 septembre 1999. 18 Source : Conseil de l’Europe, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, Recommandation N° R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 30 septembre 1999.

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mesures de prévention ou de politique criminelle19 dans le but de répondre au légitime besoin d’insertion des jeunes en grande difficulté. Le SVE aménagé, tel que nous le proposons dans cette étude, peut être l’une de ces mesures. La question du statut des jeunes volontaires dans l’Union Européenne ne fera que confirmer l’importance et l’urgence de la rendre effective. 2.3.

Le statut de volontaire : un débat essentiel à poursuivre 2.3.1. Vers une meilleure reconnaissance d’un statut20 de volontaire

Un autre obstacle que peuvent rencontrer les jeunes à qui nous souhaitons donner la possibilité de participer au SVE, réside dans l’absence d’un véritable statut de volontaire dans les différents Etats membres. Cet obstacle concerne tous les jeunes adultes, quel que soit leur profil. Difficulté à obtenir un visa, un permis de séjour ou le remboursement de soins médicaux, manque de reconnaissance de l’expérience vécue : tels sont les types de problèmes qui se posent aujourd’hui aux participants du SVE. Ainsi, bien que le volontariat soit largement répandu dans les milieux associatifs de tous les pays d’Europe et que l’année 2001 ait été déclarée « Année du Volontariat » par les Nations Unies, le statut de volontaire a bien du mal à se faire une place dans les différentes législations nationales de l’Union européenne. A ce jour, seule l’Espagne a légiféré sur le statut de volontaire avec la loi 6/1996 du 15 janvier 1996 21. Cette loi couvre les différentes activités et organismes espagnols publics et privés engagés dans le développement du volontariat. Elle s’inspire en partie des recommandations énoncées dans la « Charte Européenne pour les volontaires » et dans la « Déclaration Universelle pour le Volontariat » de 1990. Le concept de volontariat y est défini comme « l’ensemble des activités d’intérêt général, développées par des individus qui ne soient pas fonctionnaires publics. Ces activités ne doivent être sujettes à aucun contrat de travail ou de commerce et à aucune rémunération ».

19

Nous reprenons la définition de la politique criminelle proposée par Mireille Delmas-Marty in Modèles et mouvement de politique criminelle, Paris, 1983, Ed. Economica, p. 13, à savoir : « l’ensemble des procédés par lesquels le corps social organise les réponses au phénomène criminel ». 20 Le statut est un ensemble de dispositions légales et réglementaires qui définissent la situation juridique d’un groupe de personnes. 21 Nous nous appuyons ici sur l’étude bien documentée de Annika López Lotson, dont les conclusions principales sont parues dans le bulletin Voluntar-e-news n°2 de l’Association of Voluntary Service Organisations (AVSO) en mai 2001. Jusqu’en août 2001, Annika López Lotson était elle-même volontaire au sein de l’AVSO, à Bruxelles.

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Les droits que ce statut confère aux volontaires sont les suivants : -

-

Tout au long du service, droit à recevoir information, orientation et soutien pour la réalisation des tâches imparties ; Droit à un traitement non discriminatoire, respectueux de la vie, de la liberté, de la dignité, des croyances ; Droit à participer activement à l’organisation (préparation, exécution et évaluation) du service volontaire ; Droit à être assuré contre les risques d’accidents et de maladies qui pourraient provenir directement du service volontaire ; Droit d’être remboursé de toutes les dépenses survenues lors de l’exécution des tâches volontaires, d’être porteur d’une accréditation de son statut de volontaire et de bénéficier de conditions satisfaisantes de sécurité et d’hygiène où le service est accomplit ; Etre traité avec respect, en reconnaissance de la valeur de sa contribution à la société.

L’article 3 de cette loi (§ 4) prévoit l’ « extension de tous ces droits aux volontaires engagées dans un service à l’étranger ». L’Espagne présidera l’Union Européenne dès janvier 2002 et une conférence internationale sur le volontariat aura lieu à Madrid à cette même date. On peut donc espérer que cela permette d’accélérer le processus de légalisation du volontariat dans les autres pays européens. 2.3.2. Les points qui font l’unanimité Les différents apports, contributions et rapports dans le domaine du service volontaire sont unanimes sur les points suivants : - Le travail d’un « volontaire » se caractérise par le fait qu’il ne s’assimile pas à un travail salarié, il ne donne donc pas lieu à un salaire, ni à un profit, ne fixe pas une durée en termes de nombre d’heures obligatoires travaillées et ne donne pas droit à une assurance sociale. - Il est nécessaire de trouver un cadre légal au statut de volontaire au niveau européen, au même titre qu’il existe un statut pour les étudiants, les travailleurs salariés, pour les jeunes « au pair ». - Il est important de ne pas sur-réguler le champ du volontariat car le côté créativité, initiative, flexibilité, souplesse serait vite perdu. Enfin, une campagne sur le Service Volontaire est menée cette année par plusieurs organismes dont le CCIVS (Centre Communautaire International pour le Service Volontaire) et l’Association for Voluntary Service Organisations (AVSO)22. Ce collectif 22 Il convient de souligner que l’AVSO lutte activement, depuis de nombreuses années, pour la promulgation d’une loi européenne reconnaissant le statut de volontaire.

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a dégagé six thèmes principaux, qui seront au centre des discussions tout le long de cette année : -

Mobilité avec une attention particulière sur le problème de visas Le statut juridique du volontaire Les volontaires et le Mouvement pour la paix Le retour des volontaires ayant accompli un long séjour L’accès au Service Volontaire, tout particulièrement pour les jeunes en grande difficulté Les échanges et la coopération inter-régionaux

2.3.3. Recommandations des acteurs européens et du Forum Européen pour la Sécurité Urbaine Ce que réclament finalement les acteurs européens impliqués dans des actions de volontariat, dont le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine fait partie, est un ensemble de dispositions légales et réglementaires très concrètes définissant la situation juridique des volontaires. Ils postulent par là même que le fait de donner un statut juridique au volontaire, entraînera dans son sillage sa reconnaissance sociale. Ainsi se profilent deux dimensions du statut du volontaire : l’une juridique donnant un cadre légal aux activités mises en œuvre par le volontaire ; l’autre sociale reconnaissant le rôle important d’utilité publique. a) Dimension juridique La question fondamentale est de s’interroger sur la nature du cadre légal devant couvrir les activités du volontaire sans trop institutionnaliser ou formaliser le volontariat. Aussi les acteurs penchent-ils pour la promulgation d’une loi européenne, donnant un statut juridique et une reconnaissance sociale et académique au volontariat (validation des acquis professionnels par exemple). Cette loi doit obligatoirement être adoptée par tous les pays membres (notamment les services diplomatiques et administratifs) de l’Union Européenne. Les acteurs s’interrogent également sur la nécessité ou non d’une loi au niveau national dans chaque Etat membre, sur le modèle de l’Espagne. Visas L’un des effets pratiques d’une loi européenne serait la création d’un visa de volontaire tel qu’il existe déjà un visa pour étudiant, jeune fille au pair… L’obtention d’un visa dans certains pays, et pour certaines catégories de la population, s’avère parfois très difficile, parce que le Service Volontaire ne fait pas partie de la liste des priorités pour la délivrance de visas, d’où la proposition suivante :

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-

Le Service Volontaire doit être reconnu comme une activité légale, telle que celle d’étudiant ou de personne au pair, pour laquelle un visa est accordé de droit.

Permis de séjour Une autre conséquence pratique d’une loi sur le volontariat serait l’obtention d’un permis de séjour. Il figurera avec ses propres prérogatives aux côtés des autres statuts (il n’est pas un travailleur, ni un étudiant, ni un stagiaire, ni une personne « au-pair) ». -

Proposition : le Service Volontaire doit être un titre légal, à part entière, aux fins de permis de séjour.

Assurance - Les activités doivent se dérouler dans le cadre légal du volontariat international donnant lieu à une assurance, un environnement sûr et hygiénique. Ces activités contribuent au bien commun dans le cadre des organisations reconnues. - Le jeune volontaire doit également pouvoir être tributaire : - d’une assurance couvrant la maladie et les accidents - d’une assurance civile (third party liability). Fiscalité Il est demandé tout comme pour les autres cas d’expatriement : -

L’exonération des taxes sur les indemnités Pour les jeunes en grande ou en très grande difficulté, ou encore d’origine modeste, que les allocations familiales et toute autre aide aux familles des jeunes ne soient pas supprimées, car ceci provoque en général leur non-adhésion au projet du jeune. Autrement dit, aucun obstacle financier ne doit empêcher les jeunes de s’engager, notamment, les plus démunis. b) Dimension sociale

Les acteurs demandent que les points suivants soient respectés envers le volontaire: -

La dignité et l’intégrité de sa personne La flexibilité, la souplesse de son travail L’expression de sa créativité, de sa liberté politique et religieuse L’expression de ses idéaux, de sa philosophie, de sa créativité L’accès et la reconnaissance de la diversité de sa culture, de son expérience, de son origine.

Ceci doit constituer l’un des principes de base pour une animation et une gestion (management), base de toute régulation nationale et internationale du Service Volontaire. -

La loi doit promouvoir la reconnaissance sociale : la plus value, l’utilité du service volontaire

- La loi doit aussi comprendre des mesures administratives et des labels de qualité pour les associations et organisations recevant et envoyant des jeunes volontaires. 20


Nature non-économique ( ses activités génèrent une économie solidaire) : -

Ne pas confondre le statut de salarié et celui de volontaire (obligations, injonctions…) Pas de réciprocité entre le travail et les indemnités perçues par les volontaires Son travail est gratuit et contribue au bien commun, il lui permet aussi d’acquérir une certaine maturité sociale et personnelle (citoyenneté) Son travail est basé sur une décision libre, n’est pas rémunéré, ni mû par un devoir personnel et sans frontière légale. 2.3.4. Le point de vue de l’Union Européenne

Au niveau des instances de l’Union Européenne, il existe depuis plusieurs années une réelle volonté d’aboutir à un cadre légal du volontariat qui puisse être reconnu par l’ensemble des Etats membres. Déjà, en 1995, la Commission avait élaboré une communication sur le rôle fondamental des organismes de volontariat et reconnu l’importance politique, sociale et économique des actions développées par les volontaires. En 1999, le Centre Européen pour le Volontariat a demandé le soutien de tous les intéressés afin que l’action du volontaire soit reconnue comme une action citoyenne. En Europe, parmi les manifestations prévues pour fêter l’année du volontariat, le 21 mai 2001 s’est tenu à Bruxelles le « Forum de la Convention sur le volontariat de la jeunesse européenne ». Une semaine d’« actions pour le volontariat » a également eu lieu du 6 au 13 août 2001 et, comme il a été dit, cette manifestation se clôturera par un symposium en janvier 2002 à Madrid. Adopté par la Commission en 1996, le Livre vert « Education, formation, recherche : les obstacles à la mobilité transnationale » devait par ailleurs faire le constat de l’existence d’obstacles à la mobilité. Ainsi « la diversité des statuts, dans les Etats membres, des étudiants, des personnes en formation, des enseignants et des formateurs, au regard notamment des dispositions en matière de droit de séjour, de droit de travail, de sécurité sociale ou de taxation, constitue un obstacle à la mobilité » ; de même, « le fait de ne pas reconnaître la spécificité du Service Volontaire Européen constitue une entrave à la mobilité des jeunes volontaires »23. Le Livre vert proposait à cet égard une série de pistes d’action pour éliminer ces obstacles ; elles ont été largement approuvées dans le cadre des débats qui ont été organisés à ce sujet dans tous les Etats membres, mais n’ont malheureusement pas encore été mis en œuvre. 23

In Proposition modifiée de la « Recommandation du Parlement Européen et du Conseil relative à la mobilité dans la communauté des étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants et des formateurs », Bruxelles, 5 octobre 2000, Commission des Communautés e Européennes, 11 amendement.

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Cependant, en réponse aux réclamations et aux propositions précises des acteurs européens, le Parlement Européen et le Conseil ont présenté une proposition de recommandations24, basée sur les articles 149 et 150 du Traité et qui poursuit les objectifs suivants : -

obtenir des Etats membres qu’ils suppriment les obstacles importants qui subsistent encore, malgré l’acquis communautaire, en matière de libre circulation des étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants et des formateurs.

-

inviter les Etats membres à introduire des stratégies tendant à intégrer l’aspect de mobilité transnationale –afin d’encourager celle-ci- dans leurs politiques nationales appliquées aux groupes visés par cette recommandation.

Le second amendement de cette Proposition indique que « la mobilité des (…) jeunes volontaires (…) –qu’elle soit exercée dans le cadre des programmes communautaires ou en dehors de ceux-ci- s’inscrit dans le cadre de la libre circulation des personnes ; celle-ci est une des libertés fondamentales protégées par le traité CE ; le droit de libre circulation et le droit de séjour sont d’ailleurs reconnus à tout citoyen d’un Etat de l’Union par l’article 18 du traité CE »25. Par ailleurs, « il conviendrait de permettre aux ressortissants des pays tiers légalement installés qui participent à un programme communautaire, tel que Jeunesse, de bénéficier des dispositions de l’acquis communautaire en matière de libre circulation et d’égalité de traitement (…)»26 mais également « d’accorder une attention particulière aux besoins des groupes les plus défavorisés et les plus vulnérables »27. D’une manière plus générale, il est dit que « ceux qui cherchent à exercer une mobilité dans les domaines de l’éducation, de la formation et de la jeunesse, et notamment les étudiants, les personnes en formation, les volontaires et les enseignants et formateurs sont souvent découragés par les nombreux obstacles qu’ils rencontrent, comme le prouve les pétitions qu’ils adressent au Parlement européen ; dans ce contexte, l’action de l’Union européenne doit répondre aux aspirations de ses citoyens en termes de mobilité, en matière d’éducation et de formation » 28. Considérant ces déclarations, le Parlement européen et le Conseil recommandent aux Etats membres : -

« de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées pour lever les obstacles juridiques et administratifs à la mobilité des personnes qui souhaitent

24

Proposition modifiée de la « Recommandation du Parlement Européen et du Conseil relative à la mobilité dans la communauté des étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants et des formateurs », Bruxelles, 5 octobre 2000, Commission des Communautés Européennes. 25 Idem. 26 Idem, 17e amendement. 27 Idem., 13e amendement. 28 e Idem., 12 amendement.

22


entreprendre dans un autre Etat membre (…) une activité de volontariat (…) dans le cadre des programmes communautaires ou en dehors de ceux-ci »29 ; -

« de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées afin de lever les obstacles à la mobilité des ressortissants des pays tiers qui, dans le cadre d’un programme communautaire, (…) participent à une expérience de volontariat (…) »30 ;

-

« de reconnaître que le volontariat constitue une activité sui generis qui ne peut pas, en tant que telle, être assimilée à d’autres catégories d’activités ; notamment reconnaître que le Service Volontaire Européen est une activité distincte d’un emploi rémunéré ; de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées pour que les dispositions législatives et administratives nationales prennent en compte cette spécificité »31 ;

-

« d’encourager la reconnaissance, dans l’Etat membre d’origine, de l’activité de volontariat poursuivie dans l’Etat membre d’accueil en tant que projet d’éducation informelle, par le biais d’une attestation de participation des personnes aux projets de volontariat, de façon à favoriser la reconnaissance des connaissances acquises, conformément à l’objectif d’un modèle européen commun de curriculum vitae, tel qu’énoncé par le Conseil européen de Lisbonne »32 .

-

« de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées pour que les institutions de sécurité sociale de l’Etat membre d’origine délivrent le formulaire E111 pour toute la durée de l’activité de volontariat »33 ;

-

enfin «de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées pour éviter que les activités de volontariat ne soient assimilées à une activité rémunérée de nature salariée ou non salariée, notamment d’éviter que l’indemnité du volontaire, ainsi que le logement et la nourriture, soient soumis à des prélèvements fiscaux »34 .

Il est fort encourageant de savoir que les différents amendements et mesures cités ci-dessus ont tous été retenus par la Commission le 5 octobre 2000. Il reste maintenant à les rendre effectifs.

29

Idem, Mesure 1.a Idem, Mesure 1.h 31 Idem, Mesure 4.a 32 Idem, Mesure 4.b 33 Idem, Mesure 4.c 34 Idem, Mesure 4.f 30

23


3/ Les législations communautaire et nationales Faire participer des jeunes volontaires rencontrant des difficultés spécifiques ou étant sous main de justice au programme SVE, nous amène à nous pencher sur : -

la législation communautaire concernant la libre circulation des personnes et la coopération judiciaire en Europe les législations nationales des pays d’envoi et des pays d’accueil de ces jeunes le statut particulier de ces jeunes adultes dans le droit pénal des différents pays.

3.1.

La législation communautaire35

Deux directives principales adoptées par le Conseil et relatives à « la libre circulation des personnes » nous permettront d’étudier la législation communautaire en ce qui concerne le déplacement de jeunes majeurs sous mandat judiciaire ou extoxicomanes sous traitement, à l’intérieur de l’Union Européenne. Nous verrons également les modalités particulières qui s’appliquent aux résidents de la communauté qui sont ressortissants de pays tiers. Nous nous intéresserons enfin aux travaux de l’Union européenne portant sur la reconnaissance mutuelle et la coopération judiciaire qui sont en cours. 3.1.1. La Directive du 25 février 1964 (64/221/CEE) La libre circulation des personnes est un des droits fondamentaux garantis par le droit communautaire. Selon l’article 18, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. En particulier les articles 39, paragraphe 3, 46, paragraphe 1, et 55 du traité CE permettent aux Etats membres d’imposer à la libre circulation des personnes des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Ces mesures doivent être conformes aux dispositions de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964.36 Comme le prévoit l’article 2 de cette directive, ces dispositions sont « relatives à l’entrée sur le territoire, à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour, ou à

35

e

Référence : intervention de M. Xavier Stevenaert, Ministère de la Justice belge, dans le 3 séminaire de travail (Lisbonne, 30, 31 août et 1er sept. 2001) et « Document de travail sur la réalisation du programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale », Présidence du groupe « Coopération en matière pénale », Bruxelles, Conseil de l’Union Européenne, 6/07/2001. 36 In « Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les mesures spéciales concernant le déplacement et le séjour des citoyens de l’Union qui sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique (Directive 64/221/CEE) », p. 3.

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l’éloignement du territoire », qui sont prises par les Etats membres pour les mêmes raisons citées plus haut. L’article 3 précise que « les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet » et que « la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ses mesures ». Il est intéressant de noter que ni le Traité de CE, ni la directive 64/221 ne propose de définition de la notion d’ordre public. Les Etats membres disposent ainsi d’« un pouvoir discrétionnaire pour déterminer la portée de ces concepts sur la base de leur législation et de leur jurisprudence nationale, mais dans le cadre du droit communautaire ». Toutefois, « toute mesure prise pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique doit être valablement motivée par une menace réelle et suffisamment grave touchant un intérêt fondamental de la société et être conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’au principe de proportionnalité »37. Par ailleurs, l’article 4 relatif à la santé publique nous intéresse également puisqu’il indique que « les seules maladies ou infirmités pouvant justifier le refus d’entrée sur le territoire ou de délivrance du premier titre de séjour sont celles qui figurent à la liste en annexe ». Or, la toxicomanie figure dans cette liste aux côtés de maladies contagieuses comme la tuberculose, la syphilis et les maladies infectieuses ou parasitaires, voire d’altérations psycho-mentales. Bien entendu, les lois nationales peuvent être moins strictes pour l’accès et le séjour sur leur territoire de toxicomanes et ne pas considérer la toxicomanie comme une infirmité pouvant justifier le refus d’entrée ou de délivrance du titre de séjour. De plus, et comme l’a souligné M. Xavier Stevenaert, si l’on travaille dans le cadre du SVE uniquement avec des jeunes qui suivent un traitement (pour ceux qui relèvent de la toxicomanie), on peut penser qu’ils ont abandonné la consommation de stupéfiants. Il faut également nous référer à l’article 75 de l’Accord de Schengen qui stipule qu’ « en ce qui concerne la circulation des voyageurs à destination des territoires des Parties Contractantes ou sur ces territoires, les personnes peuvent transporter les stupéfiants et substances psychotropes nécessaires dans le cadre d’un traitement médical, si elles produisent lors de tout contrôle un certificat délivré ou authentifié par une autorité compétente de l’Etat de résidence ». Un autre paragraphe de l’article 4 de la directive 64/221/CEE précise que « la survenance de maladies ou d’infirmités après la délivrance du premier titre de séjour ne peut justifier le refus de renouvellement du titre de séjour ou l’éloignement du territoire ». Enfin, si l’ensemble de ces dispositions ne visent que « les ressortissants d’un Etat membre de la Communauté, soit en vue d’exercer une activité salariée ou non salariée, soit en qualité de destinataires de services », comme l’indique l’article 37

In site Internet de l’Union européenne : http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/lvb/123010.htm

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premier et ne concernent donc pas les candidats au SVE, certaines directives, notamment celle du 26 juin 1990 relative au « droit de séjour », ont étendu ce champ d’application aux personnes non actives ce qui permet finalement de rendre ces dispositions applicables à notre public-cible. 3.1.2. La Directive du 28 juin 1990 (90/364/CEE) Cette directive a pour objectif d’« éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes » et de « permettre à tout citoyen européen de séjourner dans un autre pays que le sien ». « Les Etats membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des Etats membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d’autres dispositions de droit communautaire (comme celui qui relève de la directive du 25 février 1964), à condition qu’ils disposent pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille (…) d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’Etat membre d’accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu’ils deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil. » Les ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu’elles sont supérieures au niveau de ressources en deçà duquel une assistance sociale peut être accordée par l’Etat membre d’accueil à ses ressortissants, compte tenu de la situation personnelle du demandeur. Quand cela ne peut s’appliquer, les ressources du demandeur sont considérées comme suffisantes lorsqu’elles sont supérieures à la pension minimale de sécurité sociale versée par l’Etat membre d’accueil. Le droit de séjour est alors accordé à travers la délivrance d’une « carte de séjour de ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ». Les Etats membres peuvent néanmoins déroger aux dispositions de cette directive pour « des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique », mais sans que celles-ci soient mieux définies que dans la directive de 1964. 3.1.3. Le déplacement des ressortissants de pays tiers Ces deux directives ne concernent que les jeunes adultes ressortissants d’un Etat membre. Or, le SVE doit également pouvoir être proposé à des jeunes qui résident dans l’Union européenne mais sont ressortissants d’un pays tiers, notamment s’ils ont l’intention d’obtenir la nationalité de leur pays de résidence ou si des raisons laissent croire qu’ils vont encore rester un certain temps dans ce pays. Ceux-là seront soumis à d’autres règles. La disparition des frontières internes entre les pays membres de Schengen qui concerne actuellement tous les pays membres sauf l’Irlande et le Royaume-Uni, a permis de nouveaux développements pour les résidents mais non-ressortissants de l’Union européenne. Ils peuvent normalement se rendre dans un autre Etat de l’Union et y séjourner pendant trois mois maximum (article 21 de Schengen). Une fois sur place, ils doivent se présenter à la commune de résidence dans les trois jours. 26


Pour des séjours de plus de trois mois, ils devront demander à l’Ambassade ou au Consulat général de leur pays de résidence, une autorisation de séjour provisoire avant leur départ. 3.1.4. Reconnaissance mutuelle et coopération judiciaire Depuis les accords de Schengen en 1985, la coopération intergouvernementale concernant « la libre circulation des personnes » s’est développée pour regrouper treize Etats en 199738, lors de la signature du traité d’Amsterdam. Ce traité assigne à l’Union l’objectif de devenir, en cinq ans, « un espace de liberté, de sécurité et de justice ». Il ne s’agit donc plus seulement « d’éliminer les entraves physiques à la libre circulation des personnes » mais bien « d’éliminer les entraves juridiques à la libre circulation des jugements »39. Comme l’explique bien G. de Kerchove, plus que ces trois dimensions (liberté, sécurité, justice), c’est la notion d’espace qui paraît centrale dans ce nouveau traité40. « La notion d’espace est au territoire ce que la notion de citoyenneté est à la nationalité : une notion juridique nouvelle qui conduit à repenser radicalement l’exercice par les Etats membres de leur souveraineté en matières tant civile que pénale»41. C’est bien dans cet espace européen sans entraves juridiques que nous prétendons inscrire le programme Service Volontaire Européen. Celui-ci suppose qu’il y ait reconnaissance mutuelle entre Etats membres des décisions judiciaires pénales. Reconnaissance suppose confiance et ne suppose pas pour le moment harmonisation des législations pénales. En effet, la notion d’espace entraîne des changements considérables dans l’exercice de la souveraineté pénale des Etats membres, qui n’est plus simplement circonscrit à l’intérieur de leur territoire mais doit être partagé avec les autres Etats membres. Les relations de coopération entre Etats souverains deviennent des relations de partenariat entre Etats membres d’une Union42. Toutefois, ces relations fonctionnent « selon des modalités qui varient en fonction du degré de confiance [que] se portent [les différents Etats]. L’Etat requis exécute les demandes que lui adresse l’Etat requérant dans les formes et selon les procédures prévues par son droit national»43.

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Les seuls Etats à n’avoir pas signé ces accords sont le Royaume-uni et l’Irlande. G. de Kerchove, « La reconnaissance mutuelle des décisions pré-sentencielles en général » in de Kerchove, G., Weyembergh, A. (éd.), La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne », collection « Etudes européennes », Editions de l’Université de Bruxelles, 2001 (publication sous presse). 40 Voy. G. de Kerchove, « L’espace judiciaire pénal européen après Amsterdam et le sommet de Tampere » in de Kerchove, G., Weyembergh, A. (éd.), Vers un espace judiciaire pénal européen, Editions de l’Université de Bruxelles, 2000, p.4. 41 G. de Kerchove, « La reconnaissance mutuelle... », op.cit. 42 Idem. 43 Idem. 39

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Ainsi, il ne s’agit pas pour le moment d’harmoniser, d’uniformiser, moins encore d’unifier les législations pénales des Etats de l’Union même si la création de « standards minimum communs », comme cela existe dans le cadre du marché économique intérieur, devrait permettre de faciliter la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle, d’accélérer l’entraide pénale entre Etats membres mais également d’éviter que la criminalité ne se déplace là où la législation pénale est la moins sévère.44 Il est enfin important de noter que les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 ont indiqué que le principe de reconnaissance mutuelle devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire, notamment en matière pénale. Lesdites conclusions précisent également que les jugements doivent être respectés et exécutés dans l’ensemble de l’Union. L’actuelle présidence belge de l’Union européenne accorde une importance particulière à l’idée selon laquelle les conditions imposées dans un Etat membre aux personnes condamnées ou libérées sous condition devraient également être appliquées dans les autres Etats membres45. Cela signifie que lorsqu’une personne est condamnée dans un Etat membre et lorsque cette personne est condamnée ou libérée sous condition, que ces conditions soient aussi d’application dans un autre Etat membre où réside cette personne et enfin que le contrôle de ces conditions puisse s’effectuer dans cet autre Etat. En adoptant, le 30 novembre 1964, la Convention pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, le Conseil de l’Europe avait déjà reconnu qu’il est important que les conditions soient reconnues dans un autre Etat que celui où elles ont été prononcées et que leur application fasse l’objet d’une surveillance. A ce jour, seuls huit Etats membres ont ratifié la convention de 1964. Il s’agit de l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède. De nombreuses réserves ont été émises par les Etats concernant l’application de certains points. L’Allemagne, le Danemark et la Grèce ont signé la convention mais ne l’ont pas ratifiée. En revanche, l’Espagne, la Finlande, l’Irlande et le Royaume-Uni ne l’ont pas signée. Cette convention traite de trois types d’entraide : -

La première est la surveillance. L’Etat qui a prononcé la condamnation peut demander à l’Etat sur le territoire duquel le délinquant a établit sa résidence habituelle d’assurer uniquement la surveillance.

-

La deuxième consiste à assurer la surveillance et à procéder éventuellement à l’exécution de la peine, si l’Etat requérant le demande.

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Idem., p. 4. « Document de travail sur la réalisation du programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale », Présidence du groupe « Coopération en matière pénale », Bruxelles, Conseil de l’Union Européenne, 6/07/2001, p.1. 45

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-

La troisième consiste à ce que l’Etat sur le territoire duquel le délinquant établit sa résidence habituelle assure l’entière application de la condamnation.

Parmi les Etats qui l’ont ratifié, cette convention est aujourd’hui encore très peu utilisée. Les travaux qui sont en cours dans le cadre de la présidence belge ont notamment pour but de faire ratifier cette convention par l’ensemble des Etats de l’Union pour arriver ensuite au principe de reconnaissance mutuelle. Celui-ci impliquerait qu’une décision prise par une autorité d’un Etat pourrait être acceptée comme telle par un autre Etat, même si une autorité comparable n’existe pas dans cet Etat ou ne pourrait pas prendre une telle décision, ou encore aurait pris une décision tout à fait différente dans un cas comparable. Pour le moment, nous pouvons nous demander si la convention de 1964 pourrait être utilisée dans le cadre du programme SVE. Dans les cas où une collaboration entre les autorités judiciaires est nécessaire pour que les conditions soient respectées et surveillées dans l’Etat de résidence, autre que l’Etat de condamnation, cela pourrait être tout à fait envisageable. Reste à convaincre les autorités judiciaires d’accepter ce fonctionnement et de définir l’Etat d’accueil du jeune comme son Etat de résidence habituelle. Par ailleurs, si cette convention n’a pas été créée en vue de programmes comme le SVE, elle vise d’une certaine façon les mêmes objectifs : faciliter la réadaptation à la vie sociale. Il serait donc possible que, concernant des jeunes en liberté conditionnelle, les autorités compétentes du pays de condamnation du jeune fassent une demande aux autorités compétentes de l’Etat d’accueil (donc de résidence), de surveiller le respect des conditions imposées dans ce pays, pendant la durée du Service Volontaire Européen. Enfin, lorsqu’une intervention des autorités judiciaires s’avère nécessaire, nous pourrions également nous appuyer sur la disposition prévue par l’article 49 de la convention d’application de Schengen. Cet article stipule que l’entraide est accordée pour des mesures relatives à la mise en liberté conditionnelle, à l’ajournement de l’exécution ou à l’interruption de l’exécution d’une peine ou mesure de sûreté. On pourrait donc également demander aux autorités compétentes de laisser partir le jeune dans le cadre du SVE étant donné que cette disposition leur permet de demander de l’aide pour ce type de mesures comme la liberté conditionnelle. Cette entraide pourrait en effet consister à vérifier le respect des conditions imposées au jeune condamné. S’il existe sans doute aujourd’hui certaines possibilités pour des jeunes sous mandat judiciaire de purger leur peine, ou une partie de leur peine dans un autre pays de l’Union Européenne en participant au programme SVE, nous avons pu constater au cours des différents points développés dans ce chapitre qu’aucune mesure judiciaire européenne ne prévoyait explicitement ce cas de figure. Aussi, il nous semble important d’encourager l’Union Européenne et les Etats membres à travailler ensemble pour que les efforts d’harmonisation des systèmes 29


juridiques européens, de reconnaissance mutuelle et de coopération judiciaire qui sont actuellement courageusement déployés ne permettent pas seulement une meilleure surveillance de personnes condamnées, une arrestation plus rapide de personnes recherchées ou une interception plus efficace de réseaux pédophiles au sein de l’espace géographique ou informatique européen, mais permettent également à des jeunes en grande difficulté d’effectuer un travail d’intérêt général (cf. page....) à dimension européenne. 3.2.

Les législations nationales

Puisque l’harmonisation des législations pénales est encore à ce jour virtuelle, nous avons voulu connaître les possibilités de déplacement des jeunes sous mandat judiciaire (en fin de peine, en liberté conditionnelle, en situation de mise à l’épreuve, en situation pré-sentencielle …) ou des jeunes majeurs ex-toxicomanes sous traitement (de méthadone par exemple) au regard des législations nationales des différents Etats membres. S’adresser aux autorités judiciaires nationales, c’était bien entendu se confronter au problème de la souveraineté de chaque Etat. Ainsi, dans un premier temps, les magistrats raisonnent généralement par rapport à leur propre culture judiciaire et non par rapport à un espace européen fondé sur des relations de partenariat : tel ou tel délit est soumis à telle ou telle sanction sur le territoire national. Cependant, il est fort intéressant de constater que si l’on discute plus en avant avec ces mêmes personnes, on s’aperçoit que la réalité est en fait plus négociable que ce que l’on pouvait imaginer. Rien n’est réellement fermé si l’on raisonne au cas par cas. C’est ainsi que nous avons décidé de présenter à nos interlocuteurs des études de cas pour tenter de connaître les possibilités réelles d’aboutir à notre projet. 3.2.1. Concernant le déplacement de jeunes majeurs anciens toxicomanes sous traitement (méthadone, subutex), nous avons posé le cas suivant : Un jeune toxicomane de 19 ans, sous traitement subutex (ou méthadone), aurait-il la possibilité de poursuivre son traitement dans un autre pays de l’Union européenne en participant au SVE ? Si oui, dans quel(s) pays ? A quelles conditions ?

Les réponses obtenues de différents pays montrent que les législations des différents Etats membres sont assez proches les unes des autres. En Allemagne, une demande de report de l’exécution d’une peine sans sursis appliquée à un jeune majeur toxicomane est refusée par la chambre d’application quand une thérapie ne peut être convenablement surveillée à l’étranger ou quand une interruption de la thérapie ne peut être révoquée. De ce fait, le report de l’exécution en faveur d’une cure de désintoxication dans un pays voisin européen n’est pas fondamentalement exclu. 30


En Belgique, concernant un jeune majeur sous traitement subutex, il convient de savoir s’il suit son traitement volontairement ou si le traitement est une condition de mise en liberté provisoire ou un sursis à l’exécution de peine ou à la suspension de peine du prononcé. Quand il s’agit d’un traitement volontaire, il n’ y a pas de problème pour que le jeune participe au SVE si une instance assure le suivi du traitement dans le pays d’accueil. Il faut toutefois se pencher sur la Directive 64/221 (annexe B) qui permet aux pays membres de refuser l’entrée et le séjour en cas de toxicomanie. On peut toutefois penser que si le jeune est sous traitement c’est qu’il a cessé la consommation de drogue. En Italie, la participation d’un jeune majeur toxicomane sous traitement à un programme européen pourrait être prise en considération sous proposition du Service Social compétent et de la décision de l’autorité judiciaire. Toutefois, cette possibilité présuppose un réseau de collaboration étroite au niveau européen dans le cadre d’initiatives d’éducation, de prévention et de réinsertion. Par ailleurs, la législation italienne prévoit la prescription du Subutex (Buprenorfine) par le Service Sanitaire National ; celui-ci est administré exclusivement dans le cadre des services hospitaliers publiques locaux (ambulatoires) et sur la base d’une ordonnance ministérielle spéciale. Enfin, aux termes de l’article 119 de la Directive DPR n°309 du 9 octobre 1990 concernant « la réglementation des substances stupéfiantes et des substances psychotropes, de prévention, de traitement et de réhabilitation des états de toxicomanie relatifs », il est assuré aux toxicomanes italiens se trouvant à l’étranger, l’assistance sanitaire et l’organisation du voyage de retour en Italie, « sous réserve du consentement de la personne intéressée, sur la base de conventions ou d’accords bilatéraux stipulés dans chaque pays (…) ». Le traitement pharmacologique pourra donc se poursuivre, si besoin est, sous réserve d’accords inter-institutionnels ad hoc. Les traitements pour toxicomanes répondent en Irlande à des règles strictes. Le jeune adulte sous traitement qui se rend en Irlande devra être muni d’une déclaration médicale prouvant qu’il est suivi médicalement. Cette déclaration lui permettra de poursuivre son traitement en se rendant dans une pharmacie ou une clinique. Concernant un jeune irlandais sous traitement qui désire se rendre dans un autre pays de l’Union dans le cadre du programme SVE, il devra obtenir l’autorisation de son médecin lequel devra entrer en contact avec l’un de ses homologues du pays d’accueil et, à partir de là, décider si le jeune a la possibilité ou non de poursuivre son traitement dans l’autre pays. Etant donné que les normes diffèrent d’un pays à l’autre, les toxicomanes devront se soumettre aux normes en vigueur dans le pays étranger où ils se rendent. Aux Pays-Bas, les jeunes toxicomanes sous traitement, s’ils ne sont pas sous mandat judiciaire, sont autorisés à quitter le pays et à poursuivre leur traitement à l’étranger. S’ils souhaitent bénéficier des aides financières (sécurité sociale) du pays où ils se rendent pour acheter leurs médicaments et poursuivre leur traitement, ils devront être munis d’une carte de résident de ce pays. 31


La législation portugaise prévoit que seul le médecin peut décider de la possibilité pour un jeune majeur sous traitement de participer au programme SVE mais dans tous les cas le jeune doit obligatoirement être suivi par un autre médecin dans le pays où il se rend. La situation est la même en Espagne et en France où un contrat doit être passé entre les deux médecins ou centres médicaux chargés du suivi du jeune. L’Unité d’Action contre la Drogue du Royaume-Uni prévoit la mesure suivante : si un toxicomane anglais, sous traitement méthadone, souhaite se déplacer dans un autre pays de l’Union, il doit se munir d’un permis personnel afin de pouvoir poursuivre son traitement dans l’autre pays. Au Royaume-Uni, le subutex ne peut être obtenu que sur ordonnance médicale donc un jeune d’un autre pays s’en procurera très difficilement s’il se rend dans ce pays. Enfin, un jeune majeur suivant un traitement Subutex en Suède ne peut voyager dans un autre pays de l’Union que pour une durée de 30 jours et uniquement s’il est muni d’un certificat médical justifiant qu’il suit ce traitement. Conclusion Concernant les difficultés liées à la toxicomanie, le jeune doit avoir cessé la consommation de drogue et/ou suivre un traitement volontairement (de méthadone par exemple) au moment de sa participation au SVE. Il peut plus facilement partir dans un autre pays européen s’il est en fin de traitement. Toutefois, l’accès à certains pays peut lui être refusé en raison des législations nationales en vigueur, soit dans son pays soit dans le pays d’accueil. Dans la plupart des pays d’accueil, il doit se munir d’une ordonnance médicale prouvant qu’il suit un traitement et lui permettant de se procurer les médicaments nécessaires. Dans certains pays, il doit être suivi par un médecin qui sera en relation avec son médecin habituel, et ce pendant toute la durée du SVE. 3.2.2. Concernant les jeunes majeurs sous main de justice, nous avons présenté plusieurs cas de figure : I. Une jeune femme de 21 ans est en situation de mise à l’épreuve (SME) et bénéficie d’un contrat à durée déterminée dans une association -spécialisée dans l’accueil de sortants de prison- jusqu’en juillet 2001, peut-elle se rendre dans un autre pays de l’U.E. de septembre 2001 à mars 2002 pour participer au Programme SVE ? Si oui, à quelles conditions ? II. En 2001, un jeune homme de 18 ans est en liberté conditionnelle, peut-il partir dans un autre pays de l’U.E. avant la fin de sa peine pour participer au programme SVE ? III. Une jeune femme de 22 ans purge une peine de huit mois de prison ferme pour avoir gravement blessé volontairement une femme de son âge, peut-elle partir dans un

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autre pays de l’U.E. dans le cadre du SVE deux semaines avant la fin de sa peine ? A quelles conditions ?

3.2.2.1.Conditions générales En Allemagne, l’exécution d’une peine pour jeunes adultes prononcée par un Tribunal allemand doit être effectuée sur le territoire national. En ce qui concerne la question du droit de séjour de citoyens ressortissants de l’Union Européenne, la condamnation ne suffit pas pour justifier une mesure restrictive du droit de circuler librement (paragraphe 12 alinéa 4 droit de séjour/EWG). Pour répondre précisément à la question concernant la Belgique, il convient de distinguer les jeunes majeurs ressortissants d’un Etat membre de l’U.E. de ceux qui sont ressortissants d’un Etat tiers. Si le jeune est ressortissant d’un Etat membre, il faut savoir si le séjour du jeune comporte un danger pour l’ordre public ou la sécurité publique. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures de refus. Il faut étudier la situation du jeune, du point de vue judiciaire, au moment de la demande. Si le jeune est admis sur le territoire belge et est un ressortissant de l’U.E., il devra se présenter dans les 8 jours suivant son arrivée à l’administration de la commune où il réside. Il sera alors inscrit au registre des étrangers et mis en possession d’une attestation d’immatriculation valable trois mois à partir de la date de délivrance et susceptible d’être prorogée de trois mois. Il devra également faire preuve de ses moyens de subsistance. Si le jeune est ressortissant d’un pays tiers et que la durée de son séjour est de plus de trois mois, il devra faire une demande d’autorisation de séjour provisoire auprès de l’Ambassade ou du consulat général de Belgique avant son départ. Une fois sur place, le jeune devra se présenter à la commune de son lieu de résidence dans les trois jours. En ce qui concerne les aspects de procédure pénale, lorsqu’une personne est condamnée en Belgique et souhaite bénéficier du SVE, il faut s’intéresser pour chaque cas aux conditions de mise en liberté et aux dispositions de contrôle pour savoir si celles-ci sont compatibles avec le SVE. Bien souvent, ces conditions impliquent de ne pas pouvoir quitter le territoire et de se tenir à la disposition des autorités qui mènent l’enquête pénale. Toutefois, si ces conditions ne sont pas imposées, il pourrait alors y avoir possibilité de participer au SVE. La décision de cette sanction alternative revient au magistrat. Pour fonder sa décision, celui-ci s’appuiera sur des informations qui lui seront fournies après une « enquête sociale », sur les aptitudes du prévenu et sur sa situation actuelle, tant familiale que relationnelle ou professionnelle.

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Le rôle des services qui mènent des enquêtes sociales est d’informer le juge sur le comportement et le milieu social de l’inculpé et d’évaluer la faisabilité d’un Travail d’Intérêt Général (cf. page ....). Un jeune majeur sous mandat judiciaire, ne peut quitter l’Espagne qu’avec l’accord des autorités judiciaires (juge d’instruction, dans les cas où le jeune n’a pas encore été jugé ou juge d’application des peines, dans les cas où il est en détention) compétentes. En France, le droit pénal est souverain. La procédure pénale doit donc normalement être appliquée à l’intérieur des frontières nationales. Depuis janvier 2000, une procédure permet aux parties civiles de suivre l‘application de la peine. Toutefois, le juge d’application des peines (ci-après JAP) a tout pouvoir pour décider des modes d’exécution de celle-ci, notamment en ce qui concerne le territoire d’exécution de la peine et les services pénitentiaires ou de police nécessaires (voir art. D 576-578 qui encadre toutes les attributions du JAP). Le SVE pourrait être pris en compte comme peine alternative, notamment comme Travail d’Intérêt Général (cf. page....) mais seul le JAP pourra le décider. Il n’existe normalement aucun délit empêchant une personne résidant en Irlande de se rendre dans un autre pays de l’Union européenne si cette personne a purgé sa peine (avec ou sans privation de liberté). Il n’existe pas d’accords entre l’Italie et les autres Etats membres de l’Union qui permette l’exécution alternative d’une peine en dehors du territoire pénal. Aussi, dans le cadre d’une mesure alternative à l’emprisonnement, le jeune majeur sous mandat judiciaire ne pourra en aucun cas s’expatrier. Il n’existe pas de restrictions aux Pays-Bas pour les jeunes adultes qui présentent un casier judiciaire non vierge sauf s’ils n’ont pas terminé de purger leur peine. Normalement, les peines prononcées par un juge hollandais ne peuvent être purgées que sur le territoire national. Pour que celles-ci soient purgées dans un autre pays, il faut qu’il existe un contrat bilatéral entre les Pays-Bas et l’autre pays. Mais quoi qu’il en soit, les Pays-Bas ne sont pas très favorables à l’exécution de peines dans un autre pays car, par exemple, si le jeune s’enfuit, la police locale n’aura pas le droit de le poursuivre car il n’aura pas commis son délit sur le territoire où il réside à ce moment là. Il n’existe pas non plus de loi au Portugal interdisant à un jeune majeur de se rendre dans un autre pays de l’Union européenne pour participer à un programme de réinsertion. Cependant, la décision revient au juge, suivant le type de délit commis et suivant la personnalité et le comportement du jeune s’il peut y participer et si ce programme peut lui être ou non bénéfique. La loi anglaise sur l’Immigration prévoit qu’une personne qui a commis un délit pour lequel il aura été condamné à une peine de plus de 12 mois soit rejetée du pays. Si 34


cette personne se rend au Royaume-uni dans le cadre d’un programme de réhabilitation d’une courte durée (non spécifiée), la décision revient au Service d’Immigration compétent et chaque cas est traité individuellement. Il n’existe en Suède aucune possibilité de purger une partie d’une sanction pénale quelle qu’elle soit à l’extérieur. 3.2.2.2. Nous examinerons maintenant plus précisément les cas juridiques suivants46 : -

le travail d’intérêt général la probation le sursis le sursis probatoire (ou sursis avec mise à l’épreuve) la liberté conditionnelle la situation pré-sentencielle

a) Le travail d’intérêt général Principe Le travail d’intérêt général (ci-après TIG) est la peine la plus novatrice qu’ont imaginé les législateurs dans les dernières décennies du XXème siècle. Le principe en est que le condamné, s’il ne s’y oppose pas, est astreint à effectuer gratuitement un certain nombre d’heures de travail au profit de la communauté. Cette peine a une signification précise : l’activité ainsi réalisée par le délinquant est censée profiter à la communauté en réparation du tort causé par lui et en même temps assurer sa réintégration dans la société47. Alors que la probation et le sursis avec mise à l’épreuve impliquent deux acteurs, le condamné et l’agent de probation, le TIG en ajoute un troisième, la communauté, à travers le groupement, association ou service qui offre le travail. (...) Le TIG s’inspire des community service orders de la loi anglaise (1972) et des « travaux communautaires » tels qu’ils furent appliqués au Québec dès 1976. Depuis, de nombreux pays européens ont développé ce principe de peine alternative. Toutefois, l’engouement n’est pas général. Applications dans les pays de l’U.E. En Angleterre, selon la loi de 1972, les tribunaux peuvent ordonner un service au profit de la communauté consistant en travaux non rémunérés, pour un temps prélevé sur les périodes de loisirs, à l' égard de prévenus âgés d’au moins dix-sept ans et poursuivis pour infractions passibles d’emprisonnement. Le temps de travail est compris entre 40 et 240 heures (ce qui pourrait correspondre à 3 mois de SVE à mi-temps ou à 6 mois à ¼ temps...) et il doit s’étendre sur une année au maximum. 46

Les points suivants (a à e) sont extraits, en grande partie, de l’ouvrage de Jean Pradel, Droit pénal comparé, Paris, Editions Dalloz, 1995, pp. 595-598. 47 Sans oublier le caractère d’alternative économique à l’emprisonnement.

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Détails importants, l’application de cette peine suppose l’accord de l’intéressé, l’existence de services communautaires dans le ressort de la juridiction, enfin l’attestation par un agent de probation que l’intéressé est apte à assurer un travail et que les tâches voulues lui soient accessibles. Le consentement est une condition essentielle, conforme à l’article 3 de la C.E.S.D.H. selon lequel « nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire » sauf en détention et dans quelques autres cas particuliers. En Angleterre, le TIG est une peine autonome. La France a consacré le TIG par une loi du 10 juin 1983, et ce à deux titres : soit comme peine autonome, à la manière anglaise (art. 131-8 CP), soit à titre de modalité d’un sursis probatoire, la loi parlant alors de sursis assorti de l’obligation d’accomplir un TIG (art. 132-54 et s. CP.). Dans les deux cas, la durée du travail doit être comprise entre 40 et 240 heures, et ce travail doit s’effectuer dans un délai maximum de dix-huit mois. Il s’agit par exemple de l’entretien et de la rénovation du patrimoine, de la protection de l’environnement, de travaux d’entretien, de la réparation de dégâts divers, de tâches s’inscrivant dans le cadre de la prévention routière, de la participation à des actions de formation dans les domaines les plus variés. C’est le JAP qui en fixe les modalités. La personne concernée est informée de ses obligations. Les agents de probation examinent les travaux qu’ils peuvent proposer à l’intéressé, la période et les horaires possibles. Ils se mettent en relation avec l’organisme choisi pour le déroulement du TIG. Cette peine ne peut être appliquée si le prévenu la refuse ou n’est pas présent à l’audience. L’infraction doit être punie d’emprisonnement et de 200.000 F.F. d’amende et le passé pénal du prévenu importe peu. Pour que ce travail puisse s’accomplir dans un autre pays de l’U.E., le jeune doit présenter un « très bon dossier ». En Allemagne, le TIG n’existe pas à titre de sanction autonome car l’article 12 de la Constitution n’admet pas les travaux forcés sauf dans le cas d’emprisonnement. Cependant, le TIG peut se couler dans le sursis avec mise à l’épreuve (art. 56 b CP). Au Luxembourg, une loi du 13 juin 1994 (art. 22) dispose que le tribunal, s’il envisage de prononcer une peine privative de liberté non supérieure à six mois, peut prescrire, à titre de peine principale (par conséquent comme peine autonome) et à la place de la peine privative, un TIG (entre 40 et 240 heures). Le Portugal a également consacré cette peine et à titre autonome : le travail doit être compris entre 9 et 180 heures et l’infraction doit être punissable de trois mois d’emprisonnement au plus, s’agissant de la peine concrètement applicable et non de la peine prévue par la loi. Après une expérimentation de huit mois, les Pays-Bas ont légalisé à titre autonome le TIG en 1989 sous l’appellation « d’exécution d’un travail non payé dans l’intérêt général ». Seul un maximum, fixé à 240 heures, est prévu par la loi. La peine est conçue comme une alternative à l’emprisonnement lorsque la sentence ne dépasserait pas six mois de cette peine (peine concrète, comme au Portugal). En Belgique, le travail d’intérêt général est considéré soit comme une condition d’extinction de l’action publique, soit comme une condition probatoire accompagnant la suspension du prononcé d’une condamnation ou le sursis à l’exécution d’une peine d’emprisonnement. La loi belge ne dicte pas que ce travail doit être effectué 36


sur le territoire belge mais la difficulté à proposer le SVE comme travail d’intérêt général réside plutôt dans la durée maximale de ce travail qui est fixée à 240 heures. Enfin, des pays comme la Suède ou l’Espagne restent encore rebelles au TIG pour des raisons à la fois idéologiques et surtout pratiques. Le TIG à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis, France)

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Epinay-sur-Seine est la ville française où le maire, Gilbert Bonnemaison, a expérimenté le TIG pour la première fois en 1982, avant le vote de la loi sur le TIG survenu en 1983. En 1997, la Ville, le Tribunal de grande instance, le Tribunal pour enfants et le Comité de Probation signent une nouvelle convention créant 12 postes d’accueil de TIG au sein des services municipaux. Chacun des postes de travail fait l’objet d’une fiche de poste définissant les tâches et les compétences requises. Ceux-ci sont proposés dans trois bibliothèques de la ville, le service des sports, divers services techniques et d’entretien, la crèche, le garage, la piscine. L’action s’effectue en lien avec la Maison de Justice et du Droit, qui a absorbé l’ancien bureau d’information juridique et d’aide aux victimes. C’est l’administration pénitentiaire qui est considérée comme l’employeur des condamnés, dont les travaux ne sont pas rémunérés, et qui assure leur couverture sociale. Au sein des services, les condamnés travaillent sous la responsabilité de tuteurs, agents municipaux volontaires. Leur rôle est aussi bien d’encadrer techniquement l’activité que de suivre l’adaptation du condamné aux conditions de travail et au règlement du TIG. Ils travaillent en lien avec le conseiller de probation. En 1999, 38 TIG ont été effectués à la maison d’Epinay, sur des durées allant de 40 à 240 heures, la moyenne se situant entre 80 et 120 heures. Les condamnés concernés viennent de tout le département et ont généralement commis des délits mineurs : vols, outrages, actes de violence... Ils sont pour la plupart jeunes (18 à 25 ans), peu diplômés, chômeurs au moment des faits. Le bilan est très positif dans la mesure où très peu de TIG sont abandonnés ou interrompus. On note par ailleurs une très bonne implication des tuteurs municipaux.

Compte tenu de la législation communautaire précédemment exposée, le SVE pourrait également être considéré, suivant les différents pays de l’U.E., soit dans le cadre d’une probation, soit d’un sursis, soit encore d’un sursis avec mise à l ‘épreuve. b) La probation Définition Il s’agit d’une institution qui, à l’origine, est spécifiquement anglo-américaine. Elle apparaît dès le XIIIè siècle en Angleterre avec le recognizance ou binding over qui tend à éviter le jugement de condamnation en le remplaçant par un contrat entre le 48

Source : « La politique de la ville et la prévention, recueil d’expériences », Repères, Editions de la DIV (Délégation interministérielle à la ville), Paris, Juin 2001, pp. 146-147.

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juge et le délinquant : ce dernier est laissé sans surveillance et il s’engage simplement à respecter l’ordre (to keep the peace) et à obéir à certaines injonctions du juge. Principe Son principe est connu : « une personne poursuivie pénalement est laissée en liberté, sans qu’il soit prononcé contre elle de condamnation, mais elle est placée sous la surveillance et l’assistance d’un fonctionnaire spécialisé (probation officer) ». Le juge se contente de reconnaître la culpabilité du prévenu et, au lieu de prononcer une condamnation, se borne à le soumettre à certaines obligations, leur exécution par l’intéressé entraînant l’absence future de toute condamnation. Par cette mesure, le législateur a ainsi voulu créer une solution de rechange à la peine trop sévère que représente l’emprisonnement ou même l’amende. La probation suppose l’accord de l’intéressé dans la plupart des droits. En Angleterre, le probationnaire doit être âgé de seize ans au moins et, pendant un délai de six mois à trois ans, il est soumis à la surveillance d’un agent de probation, le juge pouvant inclure des obligations particulières. Le Criminal Justice Act de 1991, ajoute que, dans certains cas, le juge peut prévoir, en plus de ces obligations, un travail d’intérêt général pendant un temps compris entre 40 et 100 heures. c) Le sursis Le sursis franco-belge est sensiblement différent : il est plus récent (fin du XIXème) et au lieu d’apporter au délinquant une aide matérielle et psycho-sociale comme la probation, il tend à individualiser la peine et à éviter le prononcé de courtes peines. Sa technique est aussi différente, le sursis étant un sursis à l’exécution de la peine (qui est prononcée) tandis que la probation est un sursis au prononcé de la peine (qui n’est pas prononcée). Le principe du sursis est le suivant : lorsque le prévenu n’a pas d’antécédents judiciaires (ou des antécédents très réduits), le tribunal peut, après avoir reconnu sa culpabilité, prononcer une peine d’emprisonnement, mais en même temps ordonner qu’il soit sursis à son exécution. Un délai d’épreuve s’ouvre, d’un maximum de cinq années, mais aucune assistance ou surveillance n’est organisée. Et l’absence de condamnation pendant ce délai rendra inexécutoire la peine et même le condamné, à l’issue du délai, sera considéré comme n’ayant jamais été condamné. Les sursis belge et français sont aujourd’hui assez proches quant à leurs conditions. S’agissant du casier judiciaire de l’intéressé, les législateurs entendent bien qu’il ne soit pas trop chargé : en Belgique, il faut que l’intéressé n’ait pas encouru de condamnation antérieure à une peine privative de liberté de plus de six mois (même prononcée avec sursis) et il faut que le total des peines privatives prononcées ne dépasse pas trois ans ; en France, il faut que l’intéressé n’ait pas été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, à une peine quelconque privative de liberté. S’agissant du délai d’épreuve, il est de un à cinq ans en Belgique et de cinq ans en France.

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d) Le sursis probatoire (ou sursis avec mise à l’épreuve) Cette mesure s’éloigne un peu de la probation anglo-américaine car elle implique qu’une condamnation soit prononcée mais elle s’en rapproche en ce que l’exécution de la condamnation à une peine est remplacée par l’imposition de certaines obligations. De nombreux pays de l’Union européenne ont adopté cette mesure : le Danemark (dès 1905), l’Autriche, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal, la Belgique et la France. En France, le code pénal de 1994 énumère deux sortes d’obligations : l’article 13244 indique une liste de mesures de contrôle qui sont obligatoires (répondre aux convocations du juge de l’application des peines, recevoir la visite de l’agent de probation et le prévenir de ses changements de résidence et d’emploi...) tandis que l’article 132-45 inventorie une liste de quatorze obligations particulières parmi lesquelles le tribunal choisit celle ou celles qui paraissent devoir convenir au condamné (exercer une activité professionnelle, résider en un lieu déterminé, contribuer aux charges familiales, réparer le préjudice de l’infraction, ne pas fréquenter de débit de boissons, ne pas fréquenter certains condamnés, ne pas détenir ou porter d’arme...). L’Italie connaît deux formes spéciales de la probation. La première date de la loi de 1981 dite de dépénalisation. C’est la liberté contrôlée (liberta controllata) (art. 56). Le juge ne prononce pas l’emprisonnement et, à la place, impose au condamné une liste d’obligations traduisant une idée de surveillance (interdiction de s’éloigner de la commune de résidence sauf autorisation accordée uniquement pour motifs de travail, d’études, familiaux ou de santé ; obligation de se présenter au moins une fois par jour au bureau local de police ; interdiction de détenir des armes ; suspension du permis de conduire ; retrait du passeport). La liberté contrôlée est très proche du sursis probatoire car une peine est prononcée, ce qui du même coup la différencie de la probation anglo-américaine. La seconde date d’une loi du 10 octobre 1986 qui a modifié l’article 47 de la loi pénitentiaire du 26 juillet 1975. Lorsque le tribunal a infligé un emprisonnement ne dépassant pas trois ans, le tribunal de surveillance peut transformer cette peine en probation. Cette transformation est décidée sur la base d’une observation de l’intéressé. Ce tribunal rédige un procès-verbal indiquant les modalités auxquelles le condamné devra se plier (réparation du dommage, séjour en tel lieu, interdiction d’exercer telle activité ou de fréquenter telle personne,...). C’est ce qu’on appelle l’affidamento in prova al servicio sociale. Il existe enfin quelques législations qui ne connaissent qu’une institution, qui est une mixture de la probation et du sursis. C’est le cas des Pays-Bas qui, après avoir adopté en 1915 le sursis franco-belge, l’ont considérablement modifié en 1986 (art. 14 a, b...k CP). La nouvelle institution est très souple. Elle peut s’appliquer à toutes les peines principales prévues au Code pénal (et à toutes les peines accessoires) sauf au travail d’intérêt général. Le juge peut combiner diverses peines principales ou accessoires : ainsi, il peut prononcer l’emprisonnement avec sursis et le travail

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d’intérêt général, ou cet emprisonnement et l’amende ferme. Le sursis peut être total ou partiel. Dans certains cas, le SVE pourrait aussi s’effectuer dans le cadre d’une libération conditionnelle. e) La liberté conditionnelle Imaginée par le Français A. Bonneville de Marsangy en 1847, la libération conditionnelle est la libération anticipée du détenu à l’issue d’une certaine période d’exécution (souvent les deux tiers ou les trois quarts) et sous la condition que la conduite ait été satisfaisante pendant le temps de détention, le retour en prison pouvant sanctionner la mauvaise conduite en liberté et notamment l’irrespect des conditions imposées au condamné. Cette définition est celle de toutes les législations l’ayant adopté. La France allait la consacrer en 1885. Par la suite, de nombreux autres pays l’ont adoptée à leur tour. C’est qu’elle présente deux avantages : elle sert l’intérêt du détenu en l’incitant à bien se comporter en détention et elle est, pour la période postérieure à la sortie de prison, une mesure de traitement car elle comporte des mesures d’assistance et de surveillance. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le 30 septembre 1999, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté, dans le cadre de la Recommandation R(99) 22 sur « le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale », les articles suivants : [...] 23. Il conviendrait de favoriser le développement des mesures permettant de réduire la durée effective de la peine purgée, en préférant les mesures individualisées, telles la libération conditionnelle, aux mesures collectives de gestion du surpeuplement carcéral (grâces collectives, amnisties). 24. La libération conditionnelle devrait être considérée comme une des mesures les plus efficaces et les plus constructives qui, non seulement, réduit la durée de la détention mais contribue aussi de manière non négligeable à la réintégration planifiée du délinquant dans la communauté. 25. Il faudrait, pour promouvoir et étendre le recours à la libération conditionnelle, créer dans la communauté les meilleures conditions de soutien et d’aide au délinquant ainsi que de supervision de celui-ci, en particulier en vue d’amener les instances judiciaires ou administratives compétentes à considérer cette mesure comme une option valable et responsable. 26. Les programmes de traitement efficaces en cours de détention ainsi que de contrôle et de traitement au delà de la libération devraient être conçus et mis en œuvre de façon à faciliter la réinsertion des délinquants, à réduire la récidive, à assurer la sécurité et la protection du public et à inciter les juges et procureurs à considérer les mesures visant à réduire la durée effective de la peine à purger ainsi que les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, comme des options constructives et responsables.

f) Dans le cadre d’une situation pré-sentencielle, et en vertu de la législation communautaire, il n’existe pas d’obstacle particulier à la participation du prévenu au SVE.

Conclusion 40


Dans le cas de jeunes qui sont sous mandat judiciaire, dans la plupart des pays, et au-delà des rigidités liées à la souveraineté de chaque Etat membre et de la volonté des autorités judiciaires à coopérer, seul le juge d’instruction ou le juge d’application des peines pourra décider ou accepter de faire participer le jeune au programme SVE. Cette décision dépendra dans tous les cas du profil du jeune, de sa fragilité, de son comportement, de sa volonté de réinsertion, de ses antécédents judiciaires, etc. Tant qu’ils remplissent les formalités administratives du pays d’accueil et qu’ils respectent les obligations qui accompagnent leur condamnation, certains jeunes adultes délinquants peuvent participer au SVE (si le juge de leur pays de condamnation leur en a donné la permission), qu’ils soient : -

en liberté conditionnelle ; en situation de mise à l’épreuve ou de sursis à l’exécution des peines, en situation de jugement pré-sentenciel

si, bien évidemment, les conditions de ces différentes sanctions n’interdisent pas la sortie du territoire national. Les jeunes sortants de prison qui ont définitivement purgé leur peine ou ceux qui sont en fin de peine, peuvent sans aucune difficulté se porter candidats au Service Volontaire Européen si le juge leur en donne l’accord. Le SVE représente pour eux une excellente opportunité de réinsertion, d’autant plus positive que certains auront la possibilité de commencer à préparer leur départ à l’étranger depuis la prison, avec l’accompagnement d’un professionnel. 3.3.

Le statut particulier des jeunes adultes dans le droit pénal

Si dix huit ans constitue l’âge normal de la majorité civile dans la plupart des pays européens, nous savons que pour que le jeune devienne vraiment adulte, il faudra souvent attendre encore plusieurs années (l’âge de 22 ou même quelquefois 25 ans). Aussi, dans certains pays il a été proposé que les sanctions appliquées aux jeunes adultes ne soient pas exactement celles applicables aux majeurs, dans d’autres qu’elles soient intermédiaires entre celles des mineurs et celles des majeurs. Ces propositions ont entraîné la naissance, dans de nombreuses législations, d’un nouveau concept : celui de jeune adulte. Cependant, nous sommes bien loin, ici encore, d’une harmonisation au niveau européen. Comme l’a montré M.F. Dünkel, dans son étude des législations relatives aux jeunes adultes délinquants49, la définition de l’expression « jeune adulte » varie considérablement d’un système juridique à l’autre.

49

Dünkel, M. F., « Les législations en vigueur relatives aux jeunes adultes délinquants » in Jeunes adultes délinquants et politique criminelle, op.cit., p. 85.

41


Ainsi, en Allemagne, en France, en Grèce ou aux Pays-Bas on y inclut les jeunes âgés de 18 à 21 ans, parfois même les 16-17 ans. Au Royaume-Uni, depuis 1991, des dispositions particulières sont prévues pour des jeunes adultes qui ont entre 18 et 21 ans. Au Portugal, la catégorie des jeunes âgés de 16 à 21 ans est régie, depuis 1983, par un droit pénal unique, spécifique. Dans la plupart des pays européens, l’âge de 21 ans marque d’ailleurs le seuil à partir duquel on applique le droit pénal général. La politique criminelle envers les considérablement d’un pays à l’autre.

jeunes

adultes

varie donc

elle

aussi

3.3.1. Persistance du droit pénal des mineurs Dans certains pays, les jeunes adultes âgés de 18 à 21 ans peuvent être jugés selon les dispositions du droit pénal des mineurs. C’est, par exemple, le cas aux Pays-Bas où, en vertu de l’article 77 d CP, le juge peut appliquer les sanctions prévues pour les mineurs à un majeur, si elles apparaissent justes, par rapport à sa personnalité. En Allemagne, les jeunes adultes de 18 à 21 ans sont régis par la loi de 1953 modifiée sur les mineurs si « une appréciation globale de la personnalité de l’auteur, en fonction également des conditions de vie, révèle qu’il est par son développement moral et intellectuel, au moment des faits, semblable à un mineur » (article 105) ; cette disposition est appliquée à deux tiers des jeunes adultes allemands. En Suède, les jeunes adultes de 18 à 21 ans peuvent, sur décision du juge, être remis à l’aide sociale (Ch. 31, § 1 CP). Par ailleurs, dans certains pays, les jeunes majeurs peuvent se voir appliquer une sanction qui avit été prononcée lorqu’ils étaient encore mineurs. En Belgique, les mesures de garde, de préservation et d’éducation peuvent être prolongées pour une période maximale de deux ans (art. 37 bis § 1 et 2 nouveau de la loi du 8 avril 1965). Enfin, en France, le placement d’un mineur dans un établissement médical ou d’éducation peut se poursuivre après sa majorité, mais seulement s’il en fait la demande (art.16 bis, Ord. 2 février 1945).50 3.3.2. Adoucissement du droit pénal des majeurs Selon le Criminal Justice Act 1982 anglais, les délinquants âgés de 17 à 20 ans ne peuvent pas être condamnés à l’emprisonnement, mais seulement à une mesure de détention (l’âge considéré étant celui du jour du jugement). L’Ecosse va également jusqu’à interdire l’emprisonnement, qui se trouve remplacé par la détention dont la durée fixée par le juge ne saurait dépasser celle d’une peine d’emprisonnement normale pour les jeunes de plus de vingt ans. Ensuite, le domaine du sursis est étendu. La loi italienne distingue le sursis allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour les mineurs, deux ans et demi pour les jeunes adultes et deux ans pour les majeurs (art . 50

Ces données sont extraites de l’ouvrage de Jean Pradel, op. cit., pp. 663-664.

42


163 CP). En Finlande, les jeunes âgés de 15 à 21 ans et condamnés à l’emprisonnement n’excédant pas deux ans peuvent bénéficier du sursis, même si celui-ci aurait pu être exclu pour les adultes de plus de 21 ans pour cause d’antécédents judiciaires. Enfin, plusieurs législations, tout en maintenant l’emprisonnement, prévoient une réduction de sa durée. En Autriche, « il y a circonstance atténuante spéciale.... si le coupable : 1° a commis l’acte après dix-huit ans, mais avant vingt-et-un ans révolus [...] » (art. 34 CP). Relativement aux sanctions autres que l’emprisonnement, les législations favorisent, à peu près partout, les peines classiques comme l’amende, les privations de droit ou le Travail d’Intérêt Général (TIG). De plus, dans certains pays, les législateurs offrent au juge des sanctions originales qui ne sont pas des peines, mais des mesures très proches de celles prévues pour les mineurs. Ainsi, par exemple, l’Angleterre développe des programmes liés à un TIG qui s’effectuent dans des centres journaliers (autrefois les day training centers devenus, depuis la réforme de 1991, des probation centers). Ces centres sont des locaux où sont prévues des installations non résidentielles pour un usage en rapport avec la réhabilitation des délinquants.51 3.3.3. Le tableau ci-après qui démontre une grande variété d’approches des questions d’imputabilité et de responsabilité pénale, met en évidence également des différences au sein d’un même pays où les majorités civique et pénale ne coïncident pas toujours et où la majorité et la responsabilité pénales ne relèvent pas des mêmes principes.

51

Idem., pp. 664-665.

43


Tableau 152

* ** ***

52

Pays

Responsabilité pénale (âge)

Allemagne Autriche Belgique Danemark Espagne Finlande France Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Royaume-Uni Suède

14 14 16**/18 15 14 15 13 13 7/15*** 14 18 12 16 10/15* 15

Majorité pénale : droit Majorité pénale : droit pénal peut être appliqué pénal doit être appliqué (âge) (âge) 18 21 19 19 16 18 15 18 18 18 15 18 18 18 18 21 18 18 18 21 18 18 18 21 16 21 18 21 15 18

capacité pénale – détention dans une institution pour jeunes délinquants seulement pour infractions routières capacité pénale (établissement pénitentiaire pour jeunes)

Majorité civile (âge) 18 19 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18

Sources : Jeunes adultes délinquants et politique criminelle, op.cit. p. 115. et le site internet www.leuropeen.com/enquetes/980422_3b.htm .

44


4 / Contre l’exclusion des nombreuses villes engagées

jeunes :

un

SVE

structuré,

de

Si l’exclusion n’est pas un phénomène nouveau des Etats et des villes de l’Union, la préoccupation vis-à-vis des victimes de cette exclusion a pris une intensité nouvelle. Une sensibilité particulière s’exprime à l’égard des jeunes. En effet, aujourd’hui, l’une des préoccupations centrales des villes de l’Union européenne, représentées par leurs maires, concerne précisément l’inclusion et l’insertion des jeunes en difficulté, sans diplôme ni qualification. Nous devons profiter de ce mouvement pour mobiliser le plus grand nombre de collectivités locales, mais aussi d’ONG, autour du projet SVE tel que nous le proposons dans cette étude. Plus il y aura de villes et d’ONG engagées dans notre projet, plus l’éventail des activités que nous proposerons aux jeunes sera large. Nous devons construire ensemble un réseau européen d’une taille suffisante pour adapter une réponse à la demande particulière de chaque jeune. Ce réseau permettra de créer une mutualisation plus importante de la prise en charge de ces jeunes. Cependant, un réseau étendu, organisant l’offre et la demande, ne pourra fonctionner que s’il est parfaitement structuré. Le programme SVE pour des jeunes rencontrant des difficultés devra ainsi s’articuler autour : -

d’un projet individualisé pour chaque jeune d’une tête de réseau : le coordonnateur de projet qui sera en relation directe avec la Commission européenne et tous les membres du réseau de collectivités territoriales, généralement des villes, qui mettent en place un partenariat local et pour qui le SVE est un bon « outil » de lutte contre l’exclusion d’organismes gestionnaires de projet qui sont désignés par les villes de professionnels formés chargés de l’accompagnement des jeunes en grande difficulté dans le cadre de cette mobilité de la mobilisation de la société civile d’un partenariat transnational bien organisé.

Nous décrirons ci-après le rôle de chacun de ces maillons du réseau et les relations qui doivent s’opérer entre eux afin de maximiser les chances de réussite du programme. 4.1.

Un projet individualisé pour chaque jeune

Pour assurer la réussite du SVE pour des jeunes rencontrant des difficultés, nous envisageons un projet comprenant trois phases : la phase de préparation au départ, la phase du séjour dans le pays d’accueil et la phase de retour. 45


La phase de préparation

Elle peut être d’une durée variable suivant le profil et le souhait du jeune et se caractérise essentiellement par les deux types d’activités suivants : -

L’élaboration d’un projet personnalisé s’inscrivant dans une dynamique globale, prenant en compte les aspirations (personnelles, sociales, culturelles et profesionnelles) du jeune, la réalité de son futur séjour et la construction de son projet au retour.

-

Un apprentissage des bases de la langue du pays d’accueil (environ la moitié du temps). Cette étape est primordiale car, comme le souligne C. Candide, spécialiste de formation : « en situation de migration, la connaissance de la langue du pays d’accueil constitue une nécessité pour toute personne désireuse de s’intégrer et de réussir son projet personnel d’insertion. C’est une des conditions nécessaires et indispensables de l’accès à l’autonomie, de l’épanouissement individuel, de l’intégration sociale, culturelle et le plus souvent professionnelle. Au-delà, l’apprentissage d’une langue non maternelle constitue une ouverture sur une manière différente de penser, c’est-à-dire de se percevoir et de se représenter le monde, chaque langue étant par essence un mode de représentation spécifique qui structure sur un mode interactif la pensée d’un sujet, et détermine ses rapports aux autres ».53

Ces éléments de la phase de préparation sont également préconisés par le programme Step-by-Step54 qui, dans le cadre du SVE, « privilégie et encourage une étape préliminaire consistant à faire un petit temps de volontariat et de préparation dans le pays d’envoi, afin de donner plus de confiance et de courage au jeune volontaire » sachant qu’« un volontariat à l’étranger pour un jeune défavorisé représente souvent, dans un premier temps, un obstacle insurmontable, soit pour des raisons de distance, soit à cause de la barrière linguistique, soit à cause de la durée ».55 Cette première phase devra par ailleurs comprendre : -

Une formation interculturelle : « ce que cela signifie de partir plusieurs mois à l’étranger » Une formation précise sur le pays d’accueil : culture, situation politique, mode de vie, règles et coutumes locales, notions de droit, de santé et d’hygiène, etc. Une introduction à la notion de volontariat Une information sur les droits et devoirs du jeune Une information sur les conséquences possibles du non respect des règles et devoirs Une information sur le rôle et la fonction de chacun de ses interlocuteurs Une information sur « comment agir et à qui s’adresser en cas de problème ».

53

Candide, C., « Apprentissage de la langue : vers une lente émergence d’un droit » in VEI Enjeux, n°125, juin 2001. 54 Le programme Step-by-Step est un projet multilatéral, au sein du Programme SVE, coordonné sous l’égide de l’AVSO (Association des organisations de service volontaire) à Bruxelles. 55 « La Charte du réseau Step-by-Step », mai 1999.

46


L’accueil et le séjour du jeune dans chaque ville

Concernant la durée du séjour du jeune à l’étranger, et étant donné que nous travaillons avec des jeunes en difficulté, nous proposons ici aussi un fonctionnement souple selon le profil du jeune, « sa capacité à » et « son envie de » participer au SVE. Cette flexibilité est aussi préconisée par le Programme Jeunesse de la Commission européenne, tout particulièrement pour les jeunes en situation difficile.56 Il est également possible d’envisager qu’un jeune ait une expérience de plusieurs mois dans un pays, dans une ville ou dans une structure d’accueil puis dans un autre pays, une autre ville ou une autre structure d’accueil ; ceci afin de lui offrir le maximum de chances de succès de son expérience. Cette seconde phase implique notamment : -

de garantir au jeune, pendant la durée de son séjour, une présence personnalisée (professionnel et/ou éventuellement bénévole) ; d’identifier et de mobiliser les structures permettant de réaliser le projet élaboré et d’offrir les activités recherchées ; de s’assurer de la bonne organisation liée au logement et aux repas ; d’offrir une couverture sanitaire (même en cas de soins lourds) : de proposer à chaque jeune un accès facilité aux transports en commun, à la culture, aux loisirs et aux sports. ♦

La phase de retour

D’une manière générale cette phase, d’une durée variable, a pour objectif de faciliter la poursuite du parcours d’insertion du jeune, à son retour dans sa ville d’origine, et de faire valoriser son expérience auprès des différentes structures professionnelles ou de formation locales. Elle consiste plus particulièrement à évaluer l’expérience du jeune sur les plans personnel et socio-professionnel et à rechercher des projets d’insertion (formation ou emploi rémunéré), en partenariat avec la collectivité locale. Nous rejoignons ici les propositions formulées dans une étude, réalisée en 1998 par le Service de Pédagogie expérimentale de l’Université de Liège et le Bureau d’Ingénierie en Education et en Formation de Louvain-la-Neuve, et portant sur « L’insertion des jeunes sans qualification dans les pays de l’Union européenne ».57 Celles-ci préconisent la construction d’un parcours d’insertion autour d’un projet individuel en insistant sur la reconstruction et le renforcement du tissu social de la personne. Ce projet devant être construit avec le jeune, ou mieux encore par le jeune, accompagné par l’adulte.

56

In « Report from meetings on a strategy for inclusion for the YOUTH Programme », European Commission, 2001, p. 5. 57 Etude réalisée par D. Colson, F.-M. Gerard (BIEF, Louvain-la-Neuve) et par C. Guitard et N. Martynow (Université de Liège) à la demande de la Commission européenne, Poursuivre sa formation. Dossier stratégique. DG XXII – Education, Formation, Jeunesse-, Projet n° 96-01-3PE0409-00, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg.

47


4.2.

La tête de réseau

♦ Pivot du projet, le coordonnateur, tête du réseau, a pour rôle d’assurer l’interface entre les différents organismes (Commission Européenne, villes, associations, coopératives…), les professionnels –et/ou éventuellement bénévoles- et les jeunes impliqués dans le réseau. Plus précisément, il devra veiller à ce que l’organisation du projet soit optimale dans ses différentes étapes et jouer un rôle d’arbitre dans le réseau. ♦ Le coordonnateur sélectionne les partenaires du projet qui rempliront les conditions nécessaires pour travailler avec des jeunes en grande difficulté dans le cadre de la mobilité européenne. Il devra notamment être à même d’évaluer la qualité de la préparation du projet (par exemple, système de soutien et conditions matérielles de l’organisme d’accueil). ♦ Il organise le partenariat entre villes à toutes les étapes du programme : avant, pendant et après le séjour du jeune à l’étranger. ♦ Il est responsable du suivi et de l’évaluation du projet. Il est chargé d’organiser les réunions entre les partenaires et les jeunes volontaires avant le démarrage et/ou à mi-parcours du SVE, mais dans tous les cas à la fin de chaque programme, à laquelle d’anciens volontaires pourront également être invités. 4.3.

Le partenariat local dans les villes

♦ Chaque ville partenaire du projet est à la fois ville de départ des jeunes et ville d’accueil d’autres jeunes. La ville est chargée d’organiser des tables-rondes entre tous les partenaires intervenant, à un titre ou à un autre, auprès des jeunes que l’on envoie ou que l’on accueille (élus, services municipaux, travailleurs sociaux et sanitaires, organismes logeurs, associations, justice, police...). Au cours de ces réunions, seront étudiés par exemple : -

l’ensemble de l’offre disponible et tous les types d’activités existants pour les jeunes volontaires sur un éventail le plus large possible ; le type de relation que le jeune devra avoir avec ses différents interlocuteurs (juge, médecin, chargé d’accompagnement, responsable professionnel, etc.) ; le type de relations que les différentes structures locales (services juridiques, sociaux, médicaux, structures d’accueil, gestionnaires de projet, chargé du suivi, bénévole...) devront avoir entre elles ; les possibilités de Travail d’Intérêt Général (TIG) au sein de la ville et les conditions correspondantes ; les types d’activités plus particulièrement favorables aux jeunes ex-toxicomanes sous traitement.

48


Nous rejoignons ici la philosophie du Passage 58pour qui « la lutte contre l’exclusion ne doit pas être le fait de quelques individus isolés, la mission des seuls travailleurs sociaux. Une intervention efficace n’est possible que si les différents acteurs sociaux au sens large travaillent ensemble. Les administrations locales, régionales, nationales et européennes dans les différents secteurs que sont l’emploi, la santé, le logement, l’éducation, la formation professionelle et la justice, doivent coopérer avec les syndicats, les travailleurs, les entreprises, les organisations patronales, les fondations et les associations citoyennes. Ces structures doivent rechercher ensemble des solutions pour la population carcérale et plus largement la population sous main de justice ou celle considérée à risque »59. ♦ Chaque ville désigne un gestionnaire de projet local à qui elle délègue des responsabilités. 4.4.

Le gestionnaire de projet

♦ Le gestionnaire de projet est l’opérateur qui est en interface avec la tête de réseau. Suivant les cas, il peut s’agir d’une association, d’une coopérative, d’un consortium de coopératives, d’un service municipal ou encore d’une agence désignée par la collectivité. ♦ Sa responsabilité est engagée dans la gestion administrative, financière et logistique du projet. ♦ Il est chargé du repérage et de la « sélection » des jeunes candidats au SVE qui vont partir et de l’accueil des jeunes qui arrivent. Le repérage des jeunes en grande difficulté doit se faire essentiellement dans : -

le travail de rue les associations locales de solidarité et d’insertion les maisons de quartier les services sociaux des municipalités locales les services juridiques locaux spécialisés les prisons (pour les jeunes en fin de peine) les centres d’accueil pour toxico-dépendants

La plupart d’entre eux seront signalés par les services sociaux de leur lieu de résidence. ♦ L’organisme gestionnaire de projet devra évaluer ses compétences avant d’accepter de recevoir tel ou tel jeune en grande difficulté. Autrement dit, un 58

Le Passage est une expérience européenne menée par un groupe de partenaires issus de Belgique, d’Espagne, de France, d’Italie et du Portugal, dans le cadre du Programme d’Initiative Communautaire (PIC) Emploi Horizon 1995-1998, et qui s’inscrit dans la lutte pour l’insertion sociale, professionnelle et culturelle de populations exclues, en risque d’exclusion ou de récidive (ex-détenus, personnes sous main de justice et leurs familles). 59 « Le Passage, une expérience européenne contre l’exclusion sociale », Horizon 1995-1997, p. 8.

49


organisme ne devra recevoir un jeune ex-toxicomane sous traitement ou un jeune en liberté conditionnelle que s’il est habitué ou du moins préparé à travailler avec ce type de public. ♦ Le gestionnaire de projet est également chargé d’organiser, sur les plans administratif, logistique et financier, les trois phases du projet, telles que définies plus haut, et ce en partenariat avec la collectivité locale : -

la phase de préparation du jeune de sa ville ; la phase du séjour du jeune étranger qu’il reçoit chez lui ; la phase de retour du jeune dans sa ville.

♦ L’organisme gestionnaire contractualise avec le jeune. ♦ Il désigne un professionnel chargé de l’accueil des jeunes dans la ville et propose éventuellement un bénévole, si cela s’avère nécessaire compte-tenu du profil du jeune, et seulement avec le consentement de ce dernier. Les professionnels et bénévoles seront en relation étroite avec le gestionnaire pendant toute la durée du SVE des jeunes. ♦ Il délègue à la ville d’accueil la responsabilité du jeune accueilli. 4.5.

Des professionnels formés

♦ La réussite du SVE s’appuie sur des personnels qui connaissent la problématique des jeunes en difficulté. Pour l’instant, nous appellerons ces professionnels les « chargés de l’accompagnement du jeune en grande difficulté dans le cadre de la mobilité européenne ». ♦ Chaque professionnel est à la fois chargé d’accompagner les jeunes de sa ville qui partent à l’étranger et ceux qu’il reçoit d’autres villes. ♦ L’information fournie au jeune sur le programme SVE lors de la phase de préparation au départ, doit être structurée et accueillante. Il est important de montrer au jeune dès le départ qu’il a un rôle actif à jouer dans la conception de son projet. ♦ Le professionnel de la ville de départ doit ensuite établir un bilan de compétences, évaluer les « capacités » et les « envies » de chaque jeune, se rendre compte des difficultés spécifiques qu’il rencontre ou a pu rencontrer afin de l’orienter vers un projet qui corresponde parfaitement à son profil et à sa demande. ♦ Chaque professionnel de la ville de départ délègue à son homologue à l’étranger le suivi des jeunes qu’il envoie. ♦ Qu’il s’agisse du professionnel chargé du suivi du jeune dans la ville de départ ou dans la ville d’arrivée, le métier fait appel aux mêmes compétences. 50


Nous présentons donc ci-dessous : -

un référentiel-métier un référentiel-formation

Les travaux de notre étude ont insisté sur la nécessité, pour les professionnels chargés de l’accompagnement des jeunes en grande difficulté dans le cadre de la mobilité, d’avoir un métier et une formation communes qui soient reconnues dans les différents pays de l’Union européenne. 4.5.1. Le référentiel-métier a) Comment se définit un métier ? Les sociologues se sont posé cette question dès le XIXème siècle mais celle-ci prend tout son sens aujourd’hui avec l’émergence de nombreux nouveaux métiers. La sociologie, par ses travaux, a largement contribué à affiner les méthodes, à préciser les concepts, à créer même un véritable outillage conceptuel qui est actuellement mis à la disposition des responsables de la description et de l’élaboration de référentiels de métiers. Elle a ainsi donné naissance à une nouvelle discipline : la Sociologie des Métiers ou des Professions. L’une des méthodes utilisée pour réaliser un référentiel de métier est l’observation des individus dans leur environnement de travail (environnement dans lequel les activités professionnelles sont insérées) et l’analyse du poste de travail et de son environnement qui définissent un contexte socio-technique. L’observation vise à décrire, dans ses moindres détails, les gestes professionnels accomplis dans l’exécution d’une tâche. Une autre méthode est celle qui réunit autour d’une table des personnes exerçant le même métier et de leur demander de décrire, à l’aide de grilles et de questionnaires, le métier qu’ils exercent et d’en dégager, d’une part, les activités ou tâches principales qui constituent le « cœur du métier » et, d’autre part, les activités périphériques. Ces liens permettent d’identifier des fonctions. Ses fonctions permettent à leur tour de définir le rôle joué par le professionnel. Une fois le référentiel d’activités terminé, il donne lieu à un questionnement : « de quels savoirs, savoirs-faire et savoir-être, c’est-à-dire de quelles compétences, a-t-on besoin pour exercer toutes ses activités ? » b) Qu’est-ce que la compétence ? La compétence ne se manifeste que dans l’activité. L’analyse de l’activité est donc un préalable avant de parler d’analyse des compétences. La difficulté réside dans la hiérarchisation des activités. 51


Selon Maurice de Montmollin60, la compétence se définit comme : « des ensembles stabilisés de savoirs et de savoirs-faire, de conduites-type, de procédures standard, de types de raisonnement que l’on peut mettre en œuvre sans apprentissage nouveau ». Quant à Gérard Malglaive61, il la définit comme « les savoirs en acte ». Et, pour Patrick Gilbert et Michel Parlier62, « la compétence est inséparable de l’action et elle ne peut être véritablement appréhendée qu’au travers de l’activité par laquelle elle s’exprime et dont elle permet la réalisation. Elle est toujours compétence à agir et n’a de sens que par rapport au but que poursuit l’action ». L’analyse et l’inventaire des compétences nécessaires à l’exercice du métier constituent le référentiel de formation. c) Démarche méthodologique de construction du référentiel-métier -

L’analyse de l’activité

Afin de réaliser ce travail d’émergence, de collecte et d’élaboration du référentiel du chargé d’accompagnement européen, le FESU a opté pour un travail d’analyse et de synthèse avec les professionnels exerçant le métier aujourd’hui et dans des contextes différents (associations, ONG, associations para-municipales, villes et pays). Le cœur du métier Le coeur de métier est constitué des activités réellement spécifiques et que personne d’autre ne mène. Les activités spécifiques périphériques Les activités périphériques sont celles qui ne permettent pas à elles seules de décrire le métier. Les activités périphériques non spécifiques Les activités non spécifiques sont des activités communes à plusieurs métiers. -

La validation du référentiel

Le référentiel proposé à la validation des partenaires de notre étude est un référentiel que l’on pourrait appeler « référentiel de consensus ». -

Un nouveau métier ?

Le présent référentiel permet d’affirmer que le chargé d’accompagnement du jeune en grande difficulté dans le cadre de la mobilité européenne constitue un nouveau métier aux contraintes très spécifiques. 60

DE MONTMOLLIN Maurice, L’intelligence de la tâche - éléments d’ergonomie cognitive, Berne, Editions Peter Lang, Science pour la communication, 1986, p. 122 61 MALGLAIVE Gérard, Enseigner à des adultes travail et pédagogie, Paris, PUF, 1990, p. 228 62 GILBERT Patrick, PARLIER Michel, « La gestion des compétences » in Personnel n°330, Février 1992, p.44

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Tout ce travail intense et dynamique d’élaboration de référentiel d’activités a permis également d’unifier les idées, réflexions, stratégies pédagogiques ou expériences de chacun. Aussi, tout en considérant comme réelle et valide la description faite par ce référentiel d’une nouvelle figure professionnelle, les participants estiment qu’il ne faut pas s’attendre à rencontrer chez une même et unique personne la prise en charge de l’ensemble des activités énoncées ou de l’ensemble des territoires recouverts.

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Les 7 activités spécifiques (cœur du métier) du chargé de l’accompagnement des jeunes en grande difficulté

Accueillir le jeune en difficulté, l’orienter et l’aider à construire un projet, le préparer à la mobilité européenne

Mobiliser les différents services et acteurs locaux pour assurer le meilleur accueil et encadrement du jeune

Sensibiliser, organiser la communication sur le projet Service Volontaire Européen vis-à-vis des jeunes et des partenaires potentiels

Encadrer et suivre le jeune en difficulté pendant son parcours

Assurer l’interface, travailler en réseau avec les acteurs relevant des différents organismes locaux et internationaux

Coordonner, articuler le suivi localement et à distance, et ce dans un contexte interculturel

Traiter une situation de crise

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Activités spécifiques périphériques et activités périphériques non-spécifiques du métier

Activités spécifiques périphériques Rechercher, collationner, traiter et faire circuler l’information pertinente

Parler une langue étrangère

Elaborer des outils et indicateurs de suivi, d’évaluation de réussite et d’échec des parcours d’insertion des jeunes

Cœur de métier Travailler en binôme avec son homologue étranger, à distance

Encadrer une équipe, animer une réunion

Mettre en œuvre les moyens humains et techniques afin de préparer et accueillir les jeunes

Ecrire des rapports Avoir une bonne connaissance des différentes cultures Activités périphériques non spécifiques du métier

Gérer des financements

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Déclinaison des 7 activités spécifiques

♦ Accueillir le jeune en difficulté, l’orienter et l’aider à construire son projet, le préparer à la mobilité européenne

Créer un espace, un climat de confiance

Identifier et analyser les zones de stabilité et d’instabilité (problèmes familiaux, de santé, d’addiction, échec scolaire...) et identifier ensuite ce qui peut encourager le « déclic », l’« envie de » chez le jeune

Travailler avec le jeune sur la rupture géographique et culturelle : lui permettre de comprendre ce que signifie un long séjour à l’étranger (dépaysement, langue étrangère à acquérir, autonomie, respect des règles et coutumes locales...)

Affiner ses techniques d’entretien : savoir écouter et comprendre les difficultés, les attentes et les besoins du jeune, l’aider à exprimer son potentiel, ses savoirs-faire et savoirêtre

Accueillir le jeune en difficulté, l’orienter et l’aider à construire son projet, le préparer à la mobilité européenne

Aider le jeune à intégrer son parcours dans son histoire personnelle et l’aider à construire son projet (en adéquation avec l’offre des pays d’accueil)

Donner les informations nécessaires à la compréhension du pays d’accueil : caractéristiques du pays, de son environnement, de sa culture, de quelques points importants de la législation, des interdictions, des normes de sécurité ; description fine du projet du pays d’accueil (objectifs, organisation, horaires, personnes avec qui il doit travailler) rôle du chargé d’accueil, description de l’hébergement, du projet en vue de l’engagement

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Encadrer et suivre le jeune en difficulté pendant son parcours

Contractualiser les décisions prises en commun : objectifs, organisation, droits et devoirs

Valider la faisabilité, les objectifs et les modalités de mise en place du projet avec le jeune

Encadrer et suivre le jeune en difficulté pendant son parcours Présenter les différents partenaires au jeune : rôle et fonction de chacun, ce qu’il est en droit d’attendre d’eux et ses devoirs envers eux…

Evaluer les capacités d’adaptation et d’intégration du jeune (apprentissage de la langue, sociabilité, découverte de la culture locale, travail en équipe, autonomie, débrouillardise...) ; s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour qu’il réussisse son projet

Vérifier que le jeune respecte son engagement vis-à-vis des différentes structures d’accueil et des acteurs qui l’accompagnent

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Coordonner et articuler le suivi localement et à distance, et ce dans un cadre interculturel

S’informer sur le pays, la ville : cultures, interdits, lois, sécurité routière, sécurité concernant les mœurs, les problèmes à éviter, système de santé, loisirs

Identifier ses propres compétences et celles des autres partenaires à mettre en place dans le cadre du projet SVE

Coordonner, articuler le suivi localement et à distance, et ce dans un cadre interculturel Organiser la complémentarité avec son homologue, savoir travailler en partenariat (connaître son homologue étranger : ses compétences : son approche pédagogique, ses méthodes de travail, sa disponibilité, son organisation vis-à-vis du projet)

Savoir déléguer le suivi à distance du jeune

Recenser et mettre en valeur les nouvelles compétences engendrées par le projet

Avoir une bonne connaissance des différentes cultures et des législations afférentes au programme

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♦ Traiter une situation de crise

En amont, établir un plan d’action (procédures d’urgence, différents types de crise)

Transmettre les informations sur le profil du jeune que l’on juge nécessaires, à son homologue étranger

En amont, informer le jeune volontaire : numéros d’appel (service d’urgence, du chargé d’accompagnement, de l’assureur), normes de sécurité

Traiter une situation de crise

Réagir rapidement mais de manière ordonnée (prévenir les bonnes personnes)

Etablir l’état précis de la situation

Appliquer ou adapter le plan d’action à la situation présente

En aval, établir et dresser un rapport (résumé de la situation : circonstances, conséquences, ce qui conviendrait de faire pour éviter que cela se reproduise ou comment agir dans ce cas-là…) à qui de droit

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♦ Mobiliser les différents services et acteurs locaux pour assurer le meilleur accueil et encadrement du jeune

Définir les contenus de l’accueil : recensement, mobilisation des ressources humaines (travailleurs sociaux, bénévoles, juges, médecins,...) et matérielles (hébergement adapté au profil du jeune, restauration, santé, transport, loisirs, cours de langue...)

Mettre en synergie Mettre en synergie le le partenariat partenariat (société (société civile et civile et acteurs acteurs professionnels) professionnels)

Mettre en place les conditions de sécurité nécessaires pour le jeune

Mobiliser les différents services et acteurs locaux pour assurer le meilleur accueil et encadrement du jeune

S’assurer de l’ensemble de l’organisation du séjour du jeune : démarrage et fréquence des cours de langue, fréquence et nature des réunions entre le jeune et les différents acteurs du projet (chargé d’accompagnement, juge, bénévole), contenu de l’activité, horaires, fonction du jeune, pouvoir de décision...

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♦ Sensibiliser, organiser la communication sur le projet Service Volontaire Européen vis-à-vis des jeunes et des partenaires potentiels

Rechercher, trier les informations pertinentes à communiquer

Présenter de manière claire le projet SVE aux jeunes lors de la phase de repérage

Sensibiliser, organiser la communication sur le projet Service Volontaire Européen vis-à-vis des jeunes et des partenaires potentiels

Organiser des rencontres avec les services sociaux, juridiques, pénitentaires, centres d’accueil des toxicomanes... pour présenter le projet

Initier des campagnes en direction des médias (presse, radio, télévision locales) pour faire connaître le projet

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♦ Assurer l’interface, travailler en réseau avec les acteurs relevant des différents organismes locaux et internationaux

Relation avec le gestionnaire de projet : quelles informations doit-on recevoir et donner ? ; fréquence et nature des réunions

Relation avec son homologue étranger : moyens de communication, fréquence des contacts et rencontres, quelle information communiquer sur le jeune ?

Relation avec des personnes-ressource de la société civile: fréquence des rencontres, informations à se communiquer sur le jeune

Assurer l’interface, travailler en réseau avec les acteurs relevant des différents organismes locaux et internationaux

Savoir se référer aux documents européens et internationaux

Bien connaître le rôle et la fonction de chacun au sein du réseau (coordonnateur, gestionnaire de projet, bénévole, services municipaux – sociaux et juridiques-, sur place et à l’étranger )

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4.5.2. Référentiel de formation A partir des activités que nous avons recueillies et présentées dans le référentielmétier, nous avons inféré des savoirs que nous classons en : ♦ ♦ ♦ ♦

Connaissances théoriques Connaissances procédurales Connaissances pratiques Connaissances maîtrisées en situation ou savoirs-faire

Voici comment Gérard MALGLAIVE63 décrit ces quatre catégories de savoir : le savoir théorique, le savoir procédural, le savoir-faire et le savoir pratique. - Le savoir théorique (ou connaissances) : c’est le socle constitué par les connaissances, ou encore le fameux « savoir proprement dit » de nos deux trilogies ; il donne à connaître les lois d’existence, de constitution, de fonctionnement du réel. [...]. Le savoir théorique est donc le fondement indispensable de l’efficacité des savoirs qui règlent l’action : les savoirs procéduraux. - Le savoir procédural (ou procédures, techniques, méthodes) : c’est aussi le savoir méthodologique, l’ensemble des procédures qui gouvernent et permettent l’action : le savoir procédural [...] est souvent confondu avec le savoir-faire, dans la mesure où il gouverne la pratique et que tout « faire » suppose des procédures. - Le savoir-faire : c’est sans doute la notion la plus familière, la plus observable ; il s’agit souvent d’un savoir procédural automatisé : le savoir-faire peut désigner les gestes singuliers d’une pratique -ce que les anglo-saxons appellent des « skills », terme souvent traduit par « habiletés »-, ce qui manifeste non seulement la possibilité de produire les actes de cette pratique mais encore de le faire avec adresse et dextérité. - Le savoir pratique (ou expérience) : c’est un savoir non formalisé, acquis par la pratique, et revendiqué dans les années 60, lors de la « révolte des OS64 », sous le nom de « savoir ouvrier » : ce savoir pratique est beaucoup moins structuré et codifié que ne l’est le savoir théorique, même s’il peut lui arriver d’atteindre la rationalité dans la mesure où il reflète l’efficacité de l’action sur un réel qui n’est pas un cahot incohérent [...]. Il comble en quelque sorte les interstices [...] et, sans être indicible, il dit le plus souvent, de manière à vrai dire parfois approximative, ce que théories et procédures codifiées ne peuvent pas dire. Prenons un exemple à partir d’une activité que nous avons identifiée dans le cœur du métier :

63 64

Malglaive, G., op. cit., p. 228. Ouvriers spécialisés

63


« Traiter une situation de crise » -

Diagnostic d’une situation de crise Topographie des lieux Sociologie spécifique à l’organisation (ville, quartiers, habitat, transports...) Réaliser des plans d’action Les textes législatifs de son pays et du pays d’accueil Les procédures à suivre en matière de sinistre dans le pays d’accueil Les droits et devoirs du volontaire sur le plan juridique et social Théorie

-

Gestion immédiate de la crise Modalités de mise en place d’une cellule de crise Réalisation d’un plan d’action Construction d’une grille de rapport Plan de communication Connaissance des ressources et contraintes liées au territoire, sécurité civile, routière, zones de trafics illicites, associations, personnalités Techniques de procès-verbaux Rédaction d’un rapport clair et objectif Carnet avec les coordonnées de tous les interlocuteurs nécessaires (services d’urgence, juge, parents proches, membres du réseau) Procédure

-

Les risques d’amplification médiatique Les vecteurs d’amplification Les lieux et populations « à risque » Le « quadrillage » de l’habitat Les niveaux ou degrés de gravité de la situation Le degré de délégation/autonomie Identification des facteurs de risque et des causes de la crise sur le territoire Les types de réponses possibles La connaissance des média (locaux, régionaux, nationaux) Les profils psychologiques/sociologiques/culturels des interlocuteurs Maîtriser la langue de ses interlocuteurs

-

Prévenir la crise Déceler les signes de malaise Evaluer la gravité de la situation Elaborer la base d’informations nécessaires Prendre une décision, des initiatives Négocier Savoir qui informer (sur place et dans la ville partenaire) Organiser l’urgence Gérer les conflits Appliquer la législation Evaluer les résultats Communiquer en situation de crise/ rassembler et transmettre rapidement les informations pertinentes

Pratique

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-

Respecter le caractère confidentiel de certaines informations Tirer les enseignements de la crise Savoir coordonner l’action

Savoir-faire

Nous avons ainsi décliné les sept activités qui sont au coeur du métier. Toutefois, nous ne jugeons pas utile de retracer ici l’exercice, mais nous en concluons que la formation du chargé de l’accompagnement des jeunes en difficulté dans le cadre de la mobilité européenne fera nécessairement appel à des champs très divers. Le référentiel-métier fait apparaître la nécessité de savoirs relevant de plusieurs disciplines scientifiques et intellectuelles : -

la sociologie la psychologie sociale la psychologie de l’enfance et de l’adolescence l’ethnologie les sciences de l’éducation les sciences de la gestion le droit et les sciences politiques

En ce qui concerne les savoirs-faire, les compétences peuvent être regroupées en : -

compétences administratives (procédures, cahier des charges, contractualisations, gestion, organisation) compétences relationnelles (techniques d’entretien et communication) compétences en gestion du partenariat dans le cadre de la mobilité européenne

Le référentiel fait aussi apparaître la nécessité d’intégrer des connaissances, non seulement liées aux pays et aux villes dans lesquels on vit, mais aussi aux pays et aux villes du réseau avec lesquels on travaille en partenariat. La mobilité des jeunes induit ainsi une formation très spécifique pour ceux qui sont chargés de leur « accompagnement » : apprentissage linguistique, apprentissage de l’interculturalité, apprentissage du fonctionnement des organismes sociaux des autres pays européens. Nous espérons que cette formation continue « complémentaire » de formations déjà existantes pourra trouver un aboutissement dans un cursus universitaire (diplôme universitaire, diplôme d’études supérieures, spécialisation, troisième cycle, etc...). Cependant, nous proposons qu’à très court terme soit rendue possible la mise en place de modules spécifiques permettant à des professionnels et à des bénévoles de bénéficier d’une formation de « chargé d’accompagnement de jeunes en grande difficulté dans le cadre de la mobilité européenne ». Voici les 5 modules que nous souhaitons initier. Ils croisent la connaissance d’un nouveau pays, d’une nouvelle culture et d’une nouvelle ville et les différents savoirs 65


identifiés dans le référentiel-métier. Chaque module aura lieu dans une ville d’un pays de l’Union européenne différente. -

1er module : La pédagogie de la rupture

Les philosophies de l’action : définition des valeurs qui constituent les principes directeurs de l’action (celles qui concernent la tolérance, la citoyenneté, le respect de la loi, la mobilisation de la société civile, la déontologie professionnelle...) Etat des connaissances et des expériences Quelle rupture pour quels jeunes ? (profil des jeunes en grande difficulté, modes de repérage des jeunes, critères/méthodes de sélection) La rupture comme peine alternative à l’incarcération -

2ème module : Le traitement de la situation de crise

Le statut du volontaire : droits et devoirs L’anticipation des événements, les moyens d’éviter certaines crises La mise en place d’un plan d’action Le recours aux textes législatifs La transmission de l’information La rédaction d’un procès-verbal ou d’un rapport -

3ème module : Les trois phases d’accompagnement du jeune

La phase de préparation : maîtrise des techniques d’entretien, aide et orientation du jeune dans la construction de son projet (lui permettre de connaître ses limites et ses capacités), transmission de l’information pertinente sur le pays d’accueil (activités, culture, normes de sécurité, règles à respecter..) La phase du séjour du jeune à l’étranger : savoir déléguer le suivi du jeune à son homologue étranger, savoir accueillir et accompagner un jeune étranger en grande difficulté dans sa ville La phase de retour : le bilan du SVE pour le jeune, la valorisation de son expérience, la mobilisation des structures d’insertion locales... -

4ème module : Le partenariat local et transnational

La mise en place du partenariat local : la mobilisation des services et acteurs locaux et la mise en oeuvre des moyens humains et techniques Les compétences particulières du travail en réseau : apprendre à connaître ses partenaires étrangers (méthodes de travail, approche pédagogique...) L’organisation du partenariat transnational : réflexion sur les rôles, les responsabilités et les champs de compétence de chaque acteur du réseau Bases juridiques : les différents cas de figure de jeunes volontaires sous main de justice et la législation communautaire concernant le déplacement de jeunes en grande difficulté

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-

5ème module : Nouvelles technologies et communication

L’utilisation des média pour faire connaître et diffuser l’information sur le projet SVE Les techniques de communication : l’encadrement d’une équipe, l’animation de réunions, la communication à distance dans un cadre interculturel L’utilisation d’Internet, de la visio- ou vidéo-conférence Ces modules seront complétés dans les différentes villes par : -

-

4.6.

des rencontres avec des élus municipaux, avec la police, la justice, les services pénitentiaires ou sanitaires locaux, les organismes de formation, les médiateurs interculturels, des jeunes qui ont connu la mobilité dans le cadre du SVE... des visites de foyers de jeunes (ou autres structures d’hébergement) et des structures proposant aux jeunes des activités (culturelles, artistiques, sportives, audiovisuelles, technologiques, socio-éducatives, écologiques...) des débats aves des animateurs-éducateurs locaux et des responsables du milieu associatif.

Une mobilisation de la société civile

Travailler avec des jeunes en grande difficulté dans le cadre d’un programme de mobilité n’est pas chose facile. Cela demande un investissement lourd de la part de l’organisme gestionnaire de projet et du professionnel chargé du suivi des volontaires. Si la formation doit être mieux adaptée à ce type de projet et à ce type de public, il nous semble que, seul, le professionnel ne pourra pas faire face à toutes les difficultés et les situations de crise qu’il pourra rencontrer. Par ailleurs, nous avons montré plus haut que la rupture et l’éloignement, même s’ils renforçaient l’identité du jeune et lui permettaient de construire un « projet de vie », demandaient des facultés et des efforts d’adaptation importants supposant un encadrement particulièrement solide. C’est la raison pour laquelle la présence dans le réseau d’une tierce personne bénévole nous paraît souhaitable concernant le suivi des jeunes les plus fragiles. Cette expérience a déjà largement été menée dans de nombreux pays dont les pays anglo-saxons, à travers notamment les programmes de mentoring ou de parrainage. Le mentoring65 repose sur l’idée qu’un jeune en difficulté a besoin d’être écouté, de regagner confiance en lui et en son entourage, d’être encouragé dans ses efforts pour retrouver « une vie normale », de savoir que quelqu’un est là pour l’aider chaque fois qu’il en a besoin.

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Le « mentorat » remonte à la Grèce ancienne, lorsqu’Ulysse, roi d’Ithaque, a demandé à son ami Mentor de conseiller son fils Télémaque pendant qu’il serait parti guerroyer à Troie.

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Dans l’expérience menée par Crime Concern66, la rencontre entre un jeune et un mentor n’est pas le fruit du hasard mais le jeune a la possibilité, au cours d’un weekend, par exemple, réunissant plusieurs jeunes et plusieurs mentors -comme cela se fait au sein de l’organisme Mentoring Plus67, de choisir « son » mentor, c’est-à-dire celui avec qui il souhaite travailler, en fonction de sa personnalité et de leurs affinités communes. Le mentoring au Royaume-Uni (Crime Concern)

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Les programmes de mentoring sont devenus très populaires au Royaume-Uni. Il s’agit d’un moyen efficace pour aider le mentee à retrouver confiance en lui et lui permettre d’atteindre des objectifs (académiques, personnels ou professionnels). Il existe aujourd’hui des programmes de mentoring aussi bien dans le monde des affaires, que dans les écoles primaires ou secondaires, les universités et dans de nombreux autres domaines. Les divers programmes de mentoring tels qu’ils sont proposés par l’organisme Crime Concern, concernent des jeunes qui ont eu affaire à la justice ou sont exposés à des dangers importants de déviance. Il s’agit précisément de jeunes qui rencontrent les difficultés suivantes : - Troubles familiaux, difficultés socio-économiques, parents impliqués dans des affaires criminelles, des actes de violence ou des réseaux de drogue. - Soumis à la pression d’un groupe. Absentéisme ou manque d’intérêt porté à l’école, exclusion du système scolaire - Toxicomanie, alcoolisme ou problèmes mentaux - Sont à la rue ou sans domicile fixe Les caractéristiques du mentoring sont l’accompagnement et l’encouragement du jeune, la critique constructive, le dialogue, l’écoute et le conseil. Dans ce contexte précis, le mentoring est une relation à deux, entre un adulte mentor et et un jeune mentee, et dont l’objectif est d’aider le jeune à exprimer son potentiel et à atteindre ses buts. Concernant des jeunes en situation difficile, le mentor bénévole provient de la même communauté que le jeune qu’il accompagne et est quelqu’un sur qui le jeune peut compter, qui n’est pas associé à d’autres adultes qui représentent une autorité dans leur environnement (police, professeurs, travailleurs sociaux, juges, ou même parents), avec lesquels ils ont souvent eu des relations difficiles. Les mentors peuvent aider les mentee grâce au soutien supplémentaire qu’ils leur apportent et à l’image positive d’un adulte modèle qu’ils représentent.

Ces bénévoles devront être recherchés et validés par l’organisme gestionnaire de projet. Il nous semble par ailleurs souhaitable que le jeune puisse également être en relation avec un mentor pendant toute la durée de son séjour dans la ville d’accueil. Là aussi, le jeune devrait avoir la possibilité de connaître son mentor de la ville d’accueil avant son départ à l’occasion d’une réunion informelle dans sa ville d’origine ou, à défaut, à travers des contacts multiples -par téléphone, courrier, voire par visio-conférence-.

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Crime Concern est un organisme britannique indépendant qui met en place, depuis 1988, des programmes de prévention de la délinquance et de lutte contre la criminalité dans l’ensemble du pays. 67 Mentoring Plus est l’un des services de prévention de l’organisme Crime Concern. 68 Extrait du « Youth Justice Board : Mentoring for Young People at Risk and Young Offenders », Mai 2000, Crime Concern, p. 4.

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La relation entre un mentor et son mentee doit être fondée sur la confiance et s’établir par un « contrat amical ». Des rencontres planifiées pourront avoir lieu une fois par semaine au cours desquelles le mentor sera à l’écoute des problèmes que le jeune aura pu rencontrer que ce soit sur le plan de son activité que sur le plan social, logistique, relationnel ou personnel-, et l’aidera à les surmonter. Il sera aussi là pour conseiller le jeune, trouver des solutions, le rassurer, l’encourager à poursuivre ses efforts d’adaptation, d’insertion dans la société d’accueil. Il est toutefois important, afin justement de ne pas briser la relation de confiance entre les deux personnes, que le mentor ne devienne à aucun moment le confident du jeune, s’implique de trop dans ses affaires privées, agisse à sa place, etc. Le jeune doit pouvoir compter sur sa présence à tout moment mais sans pour autant que s’instaure une relation de dépendance. Après chaque rencontre qu’il juge importante, le mentor doit adresser à l’organisme gestionnaire de projet et au professionnel chargé de l’accompagnement du jeune, un bref compte-rendu permettant d’évaluer les aspects positifs ou négatifs de cette expérience pour le jeune et, d’une manière plus générale, d’améliorer les points faibles du projet. Le système de relais assuré par des « parrains », qui se développe en France depuis un certain nombre d’années, fonctionne de manière similaire. Les adultes-relais en France : l’exemple de Libourne (Gironde, France)

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Nature de l’action Dispositif expérimental intitulé C.A.A. (Contrat d’Accompagnement à l’Autonomie). Accompagnement social individualisé pour des jeunes en grandes difficultés ne relevant pas des dispositifs existants. Objectifs principaux - Répondre aux besoins vitaux des jeunes en grandes difficultés - Amener progressivement à une reconstruction individuelle conditionnant l’insertion - Développer la solidarité et l’engagement citoyen autour de ces jeunes en associant professionnels et bénévoles dans la démarche d’accompagnement. Public Jeunes en rupture de 18 à 25 ans de la commune, en grandes difficultés : squatt, sortant de prisons, toxicomanies, suicidaires... Lieu de déroulement et démarrage Libourne et sa région 1999 : Mise en place du partenariat 2000 : lancement Une articulation du travail entre professionnels et bénévoles Les intervenants sont des professionnels du champ sanitaire et social travaillant en réseau, principalement de la prévention spécialisée, de la Mission locale et des centres médico-sociaux de Libourne, et des adultes-relais, habitants volontaires non-professionnels travaillant en appui, avec un rôle de tutorat ou de parrainage auprès du jeune. L’idée d’utiliser des volontaires de la société civile dans une action de solidarité collective autour des publics les plus fragiles a su s’adapter aux contraintes d’un accompagnement s’adressant à des personnes aux difficultés particulièrement aiguës. [...] L’idée de critère de « recrutement », de formation à l’accompagnement par la fédération Léo Lagrange, de définition des rôles en fonction des situations, de constitution d’une équipe avec des 69

Extrait de « La politique de la ville et la prévention, recueil d’expériences », op. cit. , pp. 68-70

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rencontres régulières, a permis de construire des principes de partenariat bien réfléchis. Les volontaires ont des activités professionnelles diverses ou sont à la retraite, ils doivent tous être adhérents d’une association (dans un libre choix, il n’y a pas de structure porteuse d’adultes-relais pour le dispositif), qui reçoit l’indemnité de 500 francs pour les dépenses occasionnées par le suivi du jeune. L’adulte-relais n’intervient qu’une fois qu’un début de parcours est esquissé, en tant que personne privilégiée ou « parrain » dans les relations sociales que le jeune commence à établir dans ses diverses démarches. Perspectives En 2001, le nombre de jeunes suivis dans le cadre du CAA augmente, d’autres communes ont signé la convention avec le Conseil général, et les résultats sur le public sont encourageants : accès au logement, engagement dans des processus de soin ou d’insertion professionnelle...

La présence d’une tierce personne dans le projet, bénévole, nous semble importante pour prévenir un certain nombre de situations de crise, quelquefois dramatiques, que le programme SVE a connu dans le passé, en raison notamment d’un manque d’encadrement de certains jeunes en difficulté. Toutefois, cette proposition n’est pas sans soulever un certain nombre de questions, en particulier du côté des pays latins de l’Union européenne. Elle a notamment suscité des craintes, un certain scepticisme, voire une réticence chez les professionnels, partenaires de notre étude. Pour certains, le bénévolat, d’une manière générale, serait une façon pour l’Etat de se désengager de la politique sociale. La plupart des partenaires ont par ailleurs exprimé leur inquiétude à voir un bénévole travailler avec des jeunes en grande difficulté sans avoir reçu de formation appropriée. Pour eux, celui-ci aura beaucoup de mal à comprendre les difficultés du jeune, sa manière de fonctionner et aura donc du mal à gérer sa relation avec lui. Tout comme pour les professionnels, nous préconisons ainsi une formation pour les bénévoles. 4.7.

Un partenariat transnational bien organisé

Ce SVE oblige les différents acteurs et organismes impliqués dans le réseau à travailler étroitement ensemble. Ce partenariat transnational doit d’autant plus être bien organisé et structuré qu’il s’agit de travailler avec des jeunes qui rencontrent des difficultés spécifiques. Il ne pourra fonctionner que si les relations entre les différents membres du réseau sont clairement définies dès le départ. 4.7.1. Le partenariat entre les gestionnaires de projet Après avoir recherché, parmi l’ensemble de l’offre disponible dans le réseau, celle qui conviendrait le mieux au jeune, le gestionnaire de la ville de départ du jeune doit s’assurer, auprès de l’organisme de la ville d’arrivée : -

des conditions d’accueil qui ont été prévues pour le jeune en matière d’hébergement, de transport, de sécurité sociale et de services médicaux, si besoin est ; du contenu et de l’organisation de ses activités ; de l’organisation d’autres activités et notamment des cours de langue (débutant ou mise à niveau) ; 70


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des conditions d’encadrement du jeune (un professionnel et, si besoin est, un bénévole).

Ils déterminent ensemble un planning précis des différentes étapes à suivre pour le jeune. Toutes ces conditions devront correspondre aux souhaits que le jeune aura formulés lors de sa phase de préparation avec le professionnel. Elles pourront faire l’objet d’un contrat tripartite entre le gestionnaire de la ville de départ, celui de la ville d’accueil et le jeune. Cela nous amène à la question de la confidentialité des informations concernant le jeune. Il nous semble que dans certains cas, certaines informations connues de l’organisme de la ville de départ devront être diffusées à l’organisme de l’autre ville pour mieux adapter les conditions d’accueil et d’encadrement au profil du jeune. Ainsi, par exemple, on ne devra pas envoyer un jeune qui aura eu des problèmes de toxicomanie et qui est en phase de traitement, dans un quartier où la drogue est particulièrement présente. De même, une jeune volontaire dont on sait qu’elle a eu de fortes dépressions ne devra pas être logée dans une chambre individuelle mais plutôt dans une famille où elle sera entourée. La relation entre les deux gestionnaires de projet de chaque ville doit être extrêmement bien définie si l’on veut éviter, là encore, que surviennent des situations de crise. Une communication régulière devra être instaurée entre les deux organisations. 4.7.2. La relation entre professionnels et entre bénévoles Des réunions seront organisées par la tête de réseau pour permettre aux professionnels et/ou aux bénévoles qui seront amenés à travailler ensemble, de se rencontrer. Le professionnel et/ou le bénévole de la ville de départ du jeune se mettra en relation avec son homologue de la ville d’accueil pour échanger sur ce qui lui semble nécessaire au bon déroulement et à la réussite du séjour du jeune à l’étranger. Ensemble, ils devront établir un calendrier pour faire le point régulièrement sur l’expérience du jeune via e.mail, téléphone, fax ou tout nouveau moyen de communication à mettre en œuvre. Ce partenariat implique aux professionnels et/ou aux bénévoles chargés de l’accompagnement et du suivi du jeune d’apprendre à communiquer dans des langues différentes. 4.7.3. Le partenariat entre des intervenants spécifiques des systèmes judiciaires et des services sanitaires 71


L’intégration dans le projet de jeunes sous mandat judiciaire ou ex-toxicomanes sous traitement, amènera les services sociaux sanitaires et les systèmes juridiques de chaque ville à travailler étroitement ensemble. Ainsi, le juge ou le médecin (suivant qu’il s’agisse d’un jeune sous main de justice ou d’un jeune ex-toxicomane sous traitement), de la ville de départ qui aura donné son « feu vert » au jeune pour partir, devra se mettre en relation avec un juge (ou un médecin) de la ville d’accueil qui aura pour mission de veiller à ce que le jeune respecte toutes les conditions et les obligations qui lui auront été assignées par le juge (ou le médecin) de sa ville d’origine. La relation entre les deux juges/ou médecins devra être officialisée par un contrat signé entre les deux villes, représentées par leur juges/ou médecins, et fixant les responsabilités de chacun. Les deux juges/ou médecins devront en outre pouvoir communiquer dans des langues étrangères connues. Les services de police pourront également être amenés à coopérer.

Ce n’est qu’à toutes ces conditions de bonne structuration du réseau que le SVE sera alors une excellente opportunité pour ces jeunes qui rencontrent de grandes difficultés, de reprendre leur avenir en main, de retrouver leur place dans la société et d’acquérir une citoyenneté européenne. Mais c’est aussi à travers la mise en synergie des villes de l’Union Européenne qui doivent s’engager, s’unir et coopérer entre elles pour que la mobilité européenne soit accessible au plus grand nombre de jeunes, que se fera l’Europe sociale de demain...

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Références

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