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échappée belle

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Trois Lyonnais maîtres es-matière

PROPOS RECUEILLIS PAR LÉA BORIE ET VINCENT FEUILLET PHOTOGRAPHIES DMKF, DIDIER MICHALET & KAREN FIRDMANN

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Ils manient la pointe du bic, la brucelle ou le ciseau à bois avec dextérité. Ils ont juré fidélité à leur matière de prédilection et n’aiment rien tant que la magnifier au fil de leurs créations. Rencontre avec trois maîtres à créer : le portraitiste Olivier Fischer, l’ébéniste Frédéric Volpon et la créatrice de bijoux, Chrystelle Desmurger.

OLIVIER FISCHER

Artiste dessinateur et directeur de création

Tous les matins, à l’aube, avant de travailler pour son agence de communication, Olivier Fischer s’installe sur un coin de table et « gribouille ». Le dos d’une enveloppe, un bout de papier, tout peut servir de point de départ à un futur dessin. Mais pas avec n’importe quel médium : le directeur de l’agence Kojak Design, formé aux arts appliqués, glisse entre ses mains un stylo bic.

Pourquoi utiliser un tel médium, si rigide et peu malléable ?

Au départ, c’était une solution économique et pratique. J’avais toujours un stylo et un carnet dans mon sac ! Et ça ne salie pas. Puis je me suis pris de passion pour le bic. Aussi parce qu’il ne laisse pas de place à l’erreur. Quand je fais une tâche, il faut l’exploiter. L’encre permet d’arriver à des niveaux de profondeur impressionnant. Tout en offrant une certaine sobriété.

Comment parvenez-vous à rendre la matière aussi palpable ?

Il peut y avoir plus de 1 000 coups de stylo sur un dessin, que ce soit un portrait, un nu, le détail d’un corps aux courbes généreuses. On me parle souvent de la force des regards, de l’impression des gens épiés par les regards dans mes dessins. Pour que cette caractèristique soit encore plus vive, j’aimerais faire davantage de modèles vivants.

Parvenez-vous à concilier votre vie d’artiste et celle de directeur de créa ?

Je me suis lancé dans l’édition par peur d’épouser une vraie carrière artistique. Mais depuis que je me suis remis au dessin, et constate l’émotion que ça me procure, je ne peux plus passer deux jours sans crayonner ; c’est ma fenêtre d’ouverture sur le monde, ça me rappelle ce qui m’est essentiel et me libère de certaines contraintes. Cela m’a permis de monter une expo à la Petite Galerie (Lyon 4e) autour de la chair avec deux autres artistes, qui se termine début mai. Et prochainement, mes œuvres s’exposeront dans l’atelier d’un artisan bottier à Paris. 

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www.olivier-fischer.com

FRÉDÉRIC VOLPON

L’ébéniste haute couture

Quatrième génération à la tête de l’entreprise familiale, Frédéric Volpon travaille exclusivement le bois, noble matériau en perpétuelle évolution. À partir de chêne, noyer, acajou, frêne ou eucalyptus fumé, il crée du mobilier haute couture, des pièces uniques destinées à des hôtels, des boutiques, des restaurants, comme récemment à l’Auberge du Père Bise, ou à des particuliers.

Qu’aimez-vous dans le bois ?

Dès mon plus jeune âge, j’ai été bercé par le bruit des machines et par les odeurs des différentes essences travaillées par mon grand-père, mon père et mon oncle. Mon terrain de jeu était l’atelier familial. Je ramassais les chutes, les copeaux de bois aux formes diverses et je créais toutes sortes d’objets et de jouets. Très tôt, le bois m’a procuré de belles sensations en le touchant, le regardant. Aujourd’hui encore, un beau veinage génère tout un tas d’émotions. Partir d’un plateau massif de chêne, de frêne ou d’acajou pour donner naissance à un bureau, une bibliothèque, une table en consacrant du temps à transformer, polir, sculpter… je ne connais rien de mieux !

Comment choisissez-vous les essences ?

C’est un travail de précision qui demande de l’empathie, une certaine culture, des références, des qualités artistiques et surtout un véritable savoir-faire. Depuis quatre générations, nous avons constitué, tels des cavistes, une réserve de bois massifs et de placages en provenance du monde entier. Dans cette cave à bois sont conservées des essences de différents âges, offertes à la vue et au toucher. Tel un écrin haute couture, où la matière est noble ! Cette cave subjugue le visiteur qui peut ainsi choisir le plateau de sa future table de salle à manger ou sélectionner le bois destiné à habiller son mur.

Pourquoi qualifiez-vous votre travail de haute couture ?

Nous faisons partie des derniers à conserver l’ADN de l’ébénisterie en travaillant le placage. Nous utilisons des bois tranchés en feuilles qui permettent de produire des effets esthétiques sur un meuble ou une œuvre d’art en bois plaqué. Ce savoir-faire séculaire nous a permis de recevoir le label Entreprise du patrimoine vivant.

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VOLPON 10 rue Pasteur, Saint-Fons volpon.fr

0 g C O 2/km

CHRYSTELLE DESMURGER

Fondatrice de The Black Alchemy

Un parcours de dessinatrice, illustratrice, sculpteure, créatrice textile : une fibre artistique confirmée, c’était suffisant dans l’esprit de Chrystelle Desmurger pour lancer, en autodidacte, son activité de joaillerie dans le Vieux-Lyon en 2015. Derrière cette marque lyonnaise, un couple de créatifs, car l’artiste travaille avec son conjoint, Sacha Stork. L’histoire d’une alchimie en atelier-boutique.

Quel est l’univers de The Black Alchemy ?

Des inspirations végétales, florales, minérales et aquatiques chargées d’émotions que l’on puise dans notre résidence secondaire à fleur de forêt. Une harmonie colorée de pastels lumineux, habités, peu courante en joaillerie, et de couleurs sombres comme les diamants poivre et sel.

Comment travaillez-vous la matière ?

Avec un procédé de cire perdue, un savoir-faire millénaire sans imprimante 3D pour retranscrire les détails. Nous proposons des créations sculpturales uniques, en or, argent, vermeil, parfois serties de pierres précieuses. Les finitions aux sommets brillants relèvent la force et la singularité de notre travail.

Comment vos formations artistiques initiales vous aident-elles à créer ?

A l’Ecole Emile Khol, j’ai travaillé les blocs d’argile. Sculpter à la cire perdue me permet de m’approprier sans limite mon support, pour une liberté créative entière. Nous proposons aussi un peu d’orfèvrerie – poignée de porte en laiton, coupelle à bijoux, à encens… Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. On lance les travaux pour ouvrir une deuxième galerie dans un local limitrophe. De quoi développer la gamme masculine. Et pourquoi pas une prochaine collection d’inspiration grecque, les origines de ma famille maternelle.

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THE BLACK ALCHEMY 8 rue de la Bombarde, Lyon 5e www.theblackalchemy.com

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