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ANNEXE
Entretien 1 :
Célia Colombier
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Animatrice du réseau ÎSÉE (Île-de-France Santé Environnement) Observatoire régional de santé d'Île-de-France (ORS)
Elle assure le secrétariat du réseau ÎSÉE. Elle est l’interlocutrice de tous les membres et accompagne la vie du r é seau en participant à l ’ organisation des é v é nements et des r é unions de travail, r é alise la veille et conçoit la newsletter. Par ailleurs, elle est l ’ administratrice de la plateforme collaborative en ligne Whaller - espace réservé aux adhérents -elle participe à son animation, l’alimente de contenus et propose un accompagnement pour la prise en main de l’outil. Elle réalise chaque année un rapport bilan sur l’activité du réseau.
Entretien téléphonique : ME : Comment est n é e l ’ id é e de cr é er un nouveau r é seau r é gional ressource en sant é environnementale (piloté par l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France) ? Dans le cadre du Plan régional Santé-environnement, ce réseau a été créé lors de la préfiguration de ce troisième plan, il y a eu une enquête qui a été faite. Les pilotes du plan se sent rendus compte qu’il y avait beaucoup de choses qui existaient en santé environnementale, mais avec peu de visibilité. Le but de ce réseau est de répondre à cet enjeu et de promouvoir les actions menées en Île-de-France, de permettre aux différents acteurs d’échanger plus facilement et de faciliter les collaborations entre eux autour des projets, essayez de mêler expertise scientifique et acteurs du terrain. ME : Comment cette ambition de répondre à cet enjeu est-elle matérialisée sur le terrain ? Cela se concrétise par 4 sortes d’actions : ▪ Une plateforme en ligne qui est réservée aux membres du réseau, avec différents espaces avec des catalogues de ressources, des outils pour faciliter l’échange, un chat, un espace sécurisé et étanche dans lequel on peut trouver beaucoup d’informations et échanger plus facilement entre membres et chaque structure membre a au moins un ou plusieurs accès à cette plateforme pour faciliter les collaborations. ▪ Des évènements, développés comme dans tous les autres réseaux, sous de différents formats : des webinaires, et des ateliers (demi-journée) pour imaginer des pistes d’actions pour traiter des enjeux environnementaux en Île-de-France et puis il y a aussi les colloques, au moins un par an en une journée entière en présentiel et qui mêlent toujours expertise scientifique et acteurs du terrain et permettre de monter en compétence des membres du r éseau. ▪ Une liste de diffusion dans les réseaux sociaux pour valoriser les actions et productions des membres (Twitter et LinkedIn)
▪ L’accompagnement des membres dans des projets internes avec des réflexions qui é mergent dans nos ateliers par exemple une piste d’action a été imaginée, celle du guide de consultation à destination des médecins pour leur permettre d’aborder les enjeux de qualité de l’air intérieur dans leurs consultations, un groupe d’acteurs s’est formé autour de cet objectif. On accompagne aussi les projets de nos adhérents, pas financièrement, mais on est sollicité par pas mal des adhérents pour leur aider à monter leurs projets de formation en santé-environnement par exemple et d’inviter les autres membres du réseau à contribuer à a la conception de ce module de formation.
ME : À seulement 6 mois après le lancement du réseau, alors que vous travailliez essentiellement sur le sujet de la qualité de l’air intérieur, la pandémie du covid a frappé la France et el monde entier. Pensez-vous que cela a carrément réorienté votre approche ou bien n’a fait qu’accélérer les actions déjà portées par le réseau ? - Depuis la pandémie, on a organisé des webinaires qui lient les enjeux santé-environnement dans le cadre de la crise sanitaire, à la fois les déterminants environnementaux de la crise et ce qu’ a pu générer sur l’environnement, par exemple, le bouleversement du paysage sonore dus au confinement et pour un sujet qui vous intéresse particulièrement, nous avons accueilli la ville de Paris qui nous a parlé des enjeux que posait la gestion d’une pandémie à une métropole comme Paris, je vous invite à aller le voir. Je pense que dans le réseau, y a peut-être des acteurs qui peuvent répondre à vos interrogations, je pense à : Agnès Lefranc, Cheffe du service parisien santé environnementale (qui intervient dans le webinaire) avec une longue carrière derrière elle, beaucoup d’expériences à partager. D’autant plus que le service parisien de santé-environnement est la nouvelle forme de l’ancien Laboratoire de l’hygi ène de la ville Paris, il y a aussi un héritage très fort de la ville de Paris avec aujourd’hui la politique santé-environnement. (E-mail : agnes.lefranc@paris.fr) Je pense aussi à Dr Fabien Squinazi, ancien directeur du laboratoire d'hygiène et de salubrité de la ville de Paris, une mine d’informations et qui est très active dans le réseau.
ME : Y a-t-il des actions que le réseau a menées pendant cette période de crise et qui ont été pé rennisés ? Sur ce sujet-là, peut-être que vous vous intéressez à un enjeu qui est émergent qui concerne la surveillance des virus dans les eaux usées. En fait c’est un webinaire qu’on avait organisé et qui a pris beaucoup d’ampleur avec la crise actuelle surtout dans la ville de Paris. J’ai des contacts dans le réseau AUBEPINE qui est un réseau d’acteurs qui s’est mobilisé en France pour la surveillance du coronavirus dans les eaux usées. Il a été mis en place pendant la crise, mais ça va ê tre pérennisé très largement pour la surveillance épidémiologique des années à venir.
ME : Une dernière question avant de vous laisser partir, est ce que je peux dire que je viens de votre part en contactant les adhérents du réseau ? Oui, bien sûr. Vous dites que vous venez de ma part et n’hésitez pas à revenir vers moi si vous n’ arrivez pas à les joindre.
Sabine Barles
Professeure et chercheuse française Urbaniste prospectiviste et ingénieure en génie civil
Est-ce que vous pensez que dans les politiques publiques actuelles, on repose cette question de séparation des flux d’air, d’eau, de personnes et de véhicules ? Effectivement, à partir du 19-ème siècle, on a commencé a séparer pour des raisons d’optimisation de la circulation d’une part et d’autre part pour des raisons sanitaires et de recherche d’une forme d’étanchéité entre le milieu ( en particulier le sol) et les humains. Ces percepts qui sont à la fois hygiénistes et réticulaires liés à la mise en œuvre des réseaux sont critiqués depuis longtemps, au moins depuis les années 60 et 70 parce que l’idéologie de la circulation a été mise en question que ça soit la circulation automobile ou par la circulation des eaux pluviales par exemple. Ce qui a été aussi remis en question c’est l’articulation des sols et des milieux. La critique de ces dispositions existe depuis les années 60 et monté en débit à la fin des années 90 et au début des années 2000 pour un tas de raison liée à des problèmes environnementaux, réchauffement climatique, à la recherche d’une transformation du paysage urbain. Tout ça militerait pour un espace moins étanche, moins aseptisé, moins circulant, mais c’est vrai que la crise sanitaire remet en question un certain nombre de choses. On voit dans vos recherches, que vous vous intéressez beaucoup à la question du métabolisme urbain, en quoi les pandémies peuvent-elles avoir des effets sur ce métabolisme et des interactions biosphère/société. Je vous donne un exemple, depuis quelque temps, un groupe d’experts critique la manière dont on gère les eaux usées avec les stations d’épuration et qui militent pour récupérer les nutriments des urines et des matières fécales et de ne plus les envoyer dans les égouts. Pour l’instant c’est plus pour les urines. Dans la ZAC saint Vincent-de-Paul, un système de récupération des urines à la source a été mis en place avec, sur le site de la ZAC, une petite usine de fabrication d’engrais. C’est une façon de transformer le métabolisme urbain pour le rendre circulaire et limiter les rejets dans les rivières. Il y a aussi tout un tas de recherches sur les toilettes sèches, mais la crise sanitaire a remis en question tous ces projets, qui dit récupération des matières fécales dit risque de contamination donc finalement des choses qui était enclenché et déjà mis en œuvre à partir du XXe siècle en termes du métabolisme linéaire sont remises en question par des impératifs sanitaires. Un autre exemple, mais c’est une hypothèse que je fais. À paris, il y a deux réseaux d’eau. Un réseau d’eau qui nettoie les rues (eau non potable) et un autre réseau d’eau potable. Il y a 13 ans, il y a eu un projet de supprimer le réseau non potable (APUR), la raison avancée c’est le mauvais état du réseau avec moins en moins d’abonnés, il sert de moins en moins à côté d’un réseau d’eau potable en surproduction parce que l’on consomme de moins en moins. Leur proposition était de tout faire basculer vers le réseau d’eau potable et bien sur une raison qu’on n’avance pas c’est qu’il est plus rentable. 9a a enclenché beaucoup de réflexions autour du sujet de l’eau non potable/ le réseau des services de santé a même avancé qu’on on arrose à l’eau non potable, il se crée des aérosols qui si cette eau est contaminée peut-être dangereuse pour les personnes qui manipulent cette eau ou qui passent à côté. Ces arguments n’ont pas été retenus. 77
Dans un contexte différent, aujourd’hui, une même discussion pourrait conduire à une conclusion tout à fait autre qui consisterait à dire que le risque est trop grand et donc vaudrait mieux utiliser que l’eau potable. C’est un autre exemple qui montre qu’entre des solutions qui semblaient avant la crise sanitaire environnementalement intéressantes, peuvent être remises en question par les impératifs sanitaires. Ça c’est plus comment les impératifs sanitaires peuvent remettre en question des projets ou des principes qui semblaient être novateurs. Il y a un autre point très abordé pendant le confinement, la question de l’approvisionnement en alimentation a été bouleversée, les circuits courts ont été boostés. La question qui se pose est : estce que ça a eu un effet accélérateur ou tout est revenu à la normale? Je ne pourrai pas vous répondre parce que j’ai un projet de recherche sur le sujet qui n’a pas encore commencé donc on aura la réponse l’année prochaine, mais il n’empêche pas qu’on peut dire qu’il y a un effet à la fois sur la réflexion et sur le concret de l’approvisionnement alimentaire.
En quoi l’interdisciplinarité entre médecine, urbanisme et écologie est-elle essentielle pour mieux intervenir en ville ? Avant la crise sanitaire, on a eu une montée en puissance de ce qu’on appelle un urbanisme de santé, un mouvement relativement nouveau et qui va être très probablement boosté par la crise sanitaire. L’impression que j’ai, c’est que l’effet que pourrait avoir la crise sanitaire en matière d’urbanisme, si on regarde la question des formes urbaines, c’est la question du dimensionnement en fait, ce qui a été très fort dans l’hygiénisme du 19e siècle, c’est son influence sur le dimensionnement des logements, de la voirie avec l’idée selon laquelle il doit y avoir une proportionnalité entre la hauteur des bâtiments et la largeur des voies pour laisser pénétrer le soleil. Toutes ces règles sont issues de la médecine et incorporées dans l’architecture et l’aménagement urbain, on en a oublié les origines et c’est devenu des normes appliquées. L’hypothèse que je fais c’est que certaines de ces normes seront reconfigurées ou revisitées autour de ces questions de densité de population dans l’espace public, l’espace privé. Avec probablement un impact technique sur les prescriptions de ventilation. Il est probable que la crise sanitaire ait des impacts plus durables sur ces questions de dimensionnement, de ventilation et de renouvellement d’air. Dans l’espace public, on a vu le changement commencé avec les coronapistes, quelques-unes sont déjà fermées donc la question de la pérennisation n’est pas évidente à mon avis. Pour conclure sur l’effet de la crise sur l’urbanisme est un peu tôt. Tout ce qu’on voit ce sont des choses qui sont nouvelles et qui peut-être vont donner des coups d’accélérateurs aux politiques cyclables, mais on n’a pas encore le retour sur expérience. Cela dit, c’est vrai que votre analyse est juste, d’un côté ça booste certaines choses qui étaient en marche et d’un autre côté ça en remet en question d’autres et ça montre que premièrement les questions de santé et les questions d’environnement ne vont pas toujours ensemble et deuxième ça montre question d’échelle, si on raisonne globalement, on peut dire que valoriser les êtres humains c’est bien, mais dès qu’on passe à l’échelle micro sur le terrain , la question devient beaucoup moins soutenable d’un point de vue sanitaire.
À paris, une grande partie des corona pistes vont être pérennisés. En Province, beaucoup moins La question des périmètres d’action, soit en temps, soit en kilomètres qui ont mis en valeur la question d’accessibilité. À paris dans un rayon d’un kilomètre on a accès a rien puis 10km puis 100 km en termes de réflexion sur la forme urbaine et sur la distribution des indemnités ça ouvre des pistes sur la révélation de ces inégalités et l’impossibilité d’accès à des espaces ouverts dans un rayon raisonnable ce qui peut être reliée à l’accessibilité pédestre l’accessibilité en mobilités douces. Il y a une matière à repenser ces questions de distribution des aménités.
Vous avez écrit en décembre 2014 un article « Les villes transformées par l’hygiénisme : cent ans d’innovations locales » pour metropolitiques.eu J’aimerais vous poser une question sur ce sujet des transformations, mais qui reste assez large, qui concerne les mobilités et les espaces urbains extérieurs au regard de la pandémie, que pensez-vous de ces transformations urbaines et d’usage que la ville a connu à l’ère de la pandémie de la covid et quelle est votre vision prospective sur le sujet ?
À mon avis, on pourrait changer de trajectoire, je ne l’aurai pas dit il y a quelques années. Quand on réfléchit à ces questions de métabolisme urbain, de santé, de changements environnementaux planétaires, d’aménités, d’inégalités de limites de la planète Il est probable que le modèle métropolitain, comme paris, soit remis en question. Je ne dis pas qu’il faut remettre en question le modèle de ville qui a tous ces avantages, mais l’hyper métropolisation donne l’impression d’être une impasse si on l’inscrit dans la perspective des limites planétaires. Le modèle de la croissance qui est aberrante et par conséquent, si on veut sortir de ce modèle de l’hyper métropolisation, on doit aussi sortir du modèle de la croissance et donc il faut changer beaucoup de chose À l’échelle des individus, En termes de transformations d’usage, je pense que vu qu’il s’agit des pratiques, il est probable qu’un grand nombre d’habitants vont voir leurs pratiques durablement transformées, mais il est probable aussi que d’autres reviennent à leurs pratiques anciennes. Ce qui est puissant et qui a eu un impact sur les pratiques, c’est le télétravail qui questionne à la fois du point de vue spatial et architectural les espaces de travail et qui a un impact direct sur les pratiques. La vie quotidienne d’une personne en télétravail n'est pas la même qu’une personne qui se déplace pour travailler. C’est pour cela, à mon avis, l’effet massif sur les pratiques va plus venir par la transformation du travail que par directement des changements de pratiques et ça va se répercuter sur la santé (manque d’activité physique). Auriez-vous d’autres personnes à me conseiller ? Les personnes de l’école de santé publique de Rennes, je vous enverrai les noms par mail.
Entretien 3 :
Catherine Chaufour
Chargée de mission Renouvellement urbain au sein de la direction de l’aménagement et de l’urbanisme de Moissy-Cramayel
Je vous remercie d’avoir accepté ma demande d’entretien, qui se fait dans le cadre de mon mémoire de fin d’études du DSA architecture et projets urbains intitulés : Ville et pandémies : À la lumière des moments historiques marquants où les conjonctures sanitaires auraient influencé les doctrines et les techniques de l’urbanisme
Avant de commencer, pourriez-vous présenter votre cursus professionnel et votre statut au sein de la mairie de Moissy-Cramayel brièvement ? Attachée territoriale (cadre A de la fonction publique territoriale), actuellement en charge de la conduite et mise en œuvre d’un programme de renouvellement urbain avec son volet concertation avec les habitants ¨Parcours atypique et diversifié au sein d’instances publiques (mairies, service départemental d’incendie et de secours...) sur des postes variés (en RH, en cabinet sur des fonctions plus politiques et transversales, directrice de la communication, etc) et dans le privé (marketing, organismes de formation dans l’édition...)
Dans quel contexte historique a évolué la ville de Moissy-Cramayel et quelle relation entretient-elle avec la capitale Paris ?
Moissy-Cramayel est une commune située dans le département de Seine-et-Marne en région Île-de-France et rattachée à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-EssonneSénart depuis le 1ᵉʳ janvier 2016
Elle est à 35 kilomètres au Sud Est de Paris, caractérisée par la proximité d’un pôle multimodal d’importance qui est la gare RER de Lieusaint/Moissy, par la présence de plusieurs équipements publics structurants et un tissu commercial dense.
Moissy-Cramayel s'est construit à deux vitesses différentes, en étapes très marquées : villagerue (XVIIIe siècle – 1970) et ville nouvelle de Sénart (1972 – 2010). Son cœur ancien est le centre fondateur du village-rue, tandis que le centre-ville actuel devient le centre de la ville nouvelle situé à quelques centaines de mètres.
Le nouveau quartier de Chanteloup constitue la dernière phase d’urbanisation pour la ville de Moissy-Cramayel. La ZAC permettra de recevoir au total 2 400 logements supplémentaires sur vingt ans. Ce qui devrait induire pour la commune une population totale d’environ 25 000 habitants en 2040. Le rythme d’urbanisation est prévu à hauteur de 150 logements par an.
Avez-vous ressenti une demande plus forte des Parisiens pour s’installer dans la commune depuis le début de la pandémie ? Quelle était l’évolution avant celle-ci ? Comment Moissy se positionne sur l’évolution démographique par rapport aux communes de la couronne parisienne ? Oui absolument, on continue d’observer le phénomène d’exode des Parisiens qui quittent la capitale depuis le début de la pandémie pour rejoindre Moissy et d’autres communes de la grande couronne qui offrent un meilleur cadre de vie et la possibilité de gagner en surface habitable sans devoir changer l’ensemble de leurs habitudes et surtout de travail. Le territoire de Sénart, composé des 10 communes de Grand Paris Sud faisant partie du périmètre de l’Opération d’intérêt national de Sénart, se caractérise par un foncier disponible important, permettant à l’aménageur, l’EPA Sénart d’y développer des activités et du logement.
Il faut savoir aussi que la population de Moissy–Cramayel connaît depuis 1975 une forte augmentation. En effet, elle a été multipliée par 5 passants de 3 712 habitants en 1975 à 17 338 en 2008. Les premiers quartiers au sud de l’axe central de la ville ont été constitués selon un zonage successif, opposant les formes urbaines, sans mixité ni diversité. L’urbanisation au nord de la ville est plus récente et recherche une meilleure intégration des nouveaux quartiers dans le tissu existant. Le parc de logement a évolué entre 1999 et 2007, passant de 4 912 à 6 215 logements.
Sénart en général a longtemps été caractérisé par le développement d’une offre d’habitat privé principalement de type pavillonnaire, on voit depuis quelques années les formes urbaines évoluer au regard de l’évolution de la demande elle-même avant même le début de la pandémie. On constate ainsi depuis 2007 une augmentation constante de la production d’habitat collectif.
Quelle place occupent les espaces publics dans la vie des Moisséens ? Comment la ville de Moissy a géré la situation du Covid et quelles sont les actions mises en œuvre pour adapter l’espace public moisséen aux nouvelles contraintes de santé publique ? Les espaces publics sont régulièrement réinterrogés par les équipes municipales successives, mais aussi les habitants et le réseau associatif, important et actif (notamment au cours de la mise en œuvre du projet de renouvellement urbain avec l’ANRU et actuellement dans le cadre de la révision du PLU) Sur la gestion du COVID : - les agents de la ville (sur un mode de volontariat) ont été associés à des épisodes concrets tels que des ateliers de fabrication et de diffusion de masques auprès de la population - bien entendu l’ensemble des agents a aussi été régulièrement informé, voire sensibilisé ou formé pour accompagner les populations (notes régulières du directeur général des services à tous les agents, suivi et accompagnement en mode collectif + personnalisé si besoin de la part de la direction des ressources humaines) en vue de l’accomplissement des missions et de l’accueil du public dans de bonnes conditions pour tous - les agents de police municipale en accompagnement maximum de l’application des gestes barrière sur l’espace public, surtout en mode préventif et pédagogique - des formats d’accueil et d’événementiels complètement revisités pour être en mesure d’appliquer la réglementation sans mettre en péril la continuité de la vie quotidienne des Moisséens (guichet unique, actes d’état civil, etc)
Ce qui a donné lieu aussi à la suppression de certaines activités ou services non jugés prioritaires. - un recours au télétravail lorsque les missions le permettent (à noter toutefois que nombre d’agents territoriaux sont restés en 1re ligne / garde d’enfants des personnels de santé par exemple) - communication ( journal municipal, journaux électroniques, site Internet, page FB avec prises de parole en live de la maire (questions-réponses pratiques..., lettres d’information « spécial COVID ».) / relai des informations nationales émanant de la préfecture / en version pédagogique pour la bonne compréhension par TOUS les habitants (certains documents ont pu être traduits pour l’occasion en plusieurs langues)
En apprenant à connaître la commune, j’ai vite remarqué que l’hygiène est une des préoccupations majeures des habitants et des élus locaux aujourd’hui. Dans quelle mesure la politique de santé publique et d’hygiène constitue-t-elle un enjeu majeur pour la commune de Moissy-Cramayel ?
Depuis un an et demi, la lutte contre la pandémie de Covid-19 constitue l'enjeu principal des politiques publiques. La mise en œuvre d'une réponse forte n'aurait pas été possible sans l'implication déterminée des collectivités territoriales. Elles ont répondu présentes à chaque fois que le besoin s'est fait sentir sur le terrain pour mettre en œuvre les décisions prises par l'État, bien souvent sans modes de concertation tout du moins au début. Elles ont également su apporter des réponses inédites aux besoins de la population, apparus ou aggravés avec l'état d'urgence sanitaire. En outre, elles apparaissent désormais comme un acteur à part entière de la politique de santé publique, qui, à l'évidence, doit prendre en compte d'autres dimensions que l'organisation du système de soins. À Moissy, ouverture d’une permanence de soins en lien avec un réseau de professionnels de la santé (sur volonté de la commune et grâce à son budget propre)
Ces dynamiques, marquées dans leur ADN par la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé, sont des points d’appui incontournables à la mise en place de réponses rapides, adaptées et concertées, au plus près des besoins et ressources du territoire. La santé, y compris si pas compétences premières des communes (contrairement à l’état, le département...) prend de plus en plus en compte dans toutes les politiques publiques locales l’aspect santé. Les collectivités sont des acteurs clés pour créer des environnements favorables à la santé et réduire les inégalités parce qu’elles ont une connaissance fine des synergies locales et une réelle capacité à mobiliser services municipaux et institutions publiques.
Avant, la santé n’était pas une délégation pour laquelle les élus se battaient forcément, mais c’est peut-être en train de changer ! En tout cas Moissy l’a fait, car c’est l’affaire de tous les citoyens, malades ou bien portants, et plus particulièrement des habitants touchés par les inégalités sociales et territoriales de santé. Ces compétences sociales et médico-sociales s’exercent tant au niveau communal, que départemental et régional.
Comment les déplacements et les modes actifs de circulation ont-ils accompagné l’évolution démographique et économique de la ville de Moissy-Cramayel depuis 2015 jusqu’au jour d’aujourd’hui ? À l’échelle de la ville, il y a une très bonne accessibilité routière avec un réseau routier bien maillé, lisible et structuré. La proximité avec la gare RER et la cohérence des transports en commun est un atout considérable. Moissy-Cramayel est une ville à taille humaine avec un relief plat qui favorise l’essor des modes doux de déplacements. Cependant, on peut citer plusieurs problèmes concernant les cheminements (emprise, continuité, obstacle, etc.) Je te transmets une étude sur les mobilités qui a été réalisé dans le cadre du protocole de préfiguration du projet de RU / tu y trouveras certainement des items intéressants pendant la première phase de propagation du virus covid19, quels sont les premiers changements et mutations urbaines remarqués à l’échelle de la commune ? La crise sanitaire a modifié d’abord le rapport des Moisséens à l'espace public. Ils se sont tournés vers les services et commerces locaux à cause des déplacements limités. Ce qui a mis en lumière les manques à certains endroits, notamment en termes de commerces (un poissonnier entre autres). Même avec des offres commerciales diversifiées, la covid19 a prouvé que la commune de Moissy n’est pas totalement autonome, tant sur le plan énergétique qu'alimentaire. La pandémie de Covid-19 a modifié les habitudes de déplacement également, la distanciation sociale, nécessaire pour limiter la circulation du virus, a poussé les Moisséens à utiliser de plus en plus leurs voitures et leurs bicyclettes au détriment des transports en commun. L'idée de centres urbains modulables est également apparue comme essentielle, pour s'adapter à un contexte sanitaire changeant. Par ailleurs, la technologie a pris encore plus de place dans notre commune durant la pandémie.
La maison des projets, local crée en 2016 en plein centre-ville pour faciliter le contact avec les habitants et de recueillir leurs réclamations et leurs propositions. Comment ce lieu a-t-il continué à assurer son rôle pendant la crise du Covid ? Au plus fort de la crise, la maison des projets ne faisant pas partie des services essentiels a dû fermer ses permanences au public (de toute façon le public n’était plus au RV), en revanche, il a toujours été possible pour les Moisséens et les partenaires de rester au contact par le biais d’une adresse de messagerie + un numéro de téléphone largement communiqué. Par ailleurs la maison des projets inscrit son action et sa plus-value dans le temps long en lien avec la population, les « ruptures » d’ouverture n’ont pas énormément eu d’incidence en termes de contrat de confiance avec les habitants qui sont compréhensifs et savent rapidement retrouver le chemin du local une fois les restrictions sanitaires levées.
Est-ce que vous avez remarqué un changement dans le discours des habitants depuis la crise sanitaire ? Oui bien sûr, c’est valable à Moissy comme sur l’ensemble du territoire voire à l’échelle mondiale… Des impacts économiques, démographiques, sociétaux. Les gens finissent par ne parler que de ça...sans parler des oppositions en termes de pro et anti vax, mais une collectivité doit toujours rester neutre et bienveillante et surtout appliquer les lois de la république en matière de santés publiques
Fiche de lecture 1
LA VILLE DÉLÉTÈRE MÉDECINS ET INGÉNIEURS DANS L’ESPACE URBAIN XVIIIe -XIXe SIECLE
Présentation de l’auteur
SABINE BARLES Née en 1965, ingénieur en génie civil et docteur en urbanisme. Elle est actuellement maître de conférences à l'Institut français d'urbanisme (Université Paris VII) et directrice adjointe du groupement d'intérêt scientifique et sol urbain du CNRS. Ces travaux portent sur l'environnement et les techniques urbaines.
Contexte de l’ouvrage et place de l’œuvre dans le travail de l’auteur
Cet ouvrage constitue le prolongement d’une thèse soutenue en 1993. Il reflète l’intérê t de Sabine Barles d’étudier les mutations des environnements urbains et notamment les sous-sols surtout de la ville de Paris non seulement dans le passé, mais aussi dans le pré sent et dans le futur. Il s’inscrit plutôt dans les débuts de ses recherches sur le sol avant de s’intéresser au m étabolisme urbain et à l’empreinte environnementale des villes puis récemment à la destination des déchets urbains. La question écologique occupe une place considérable dans ces recherches et notamment le passage de l’hygiénisme à la santé environnementale. Le point de rencontre entre la plupart de ces recherches est le choix de la ville de Paris comme terrain d’étude que ce soit ancien, présent ou même prospectif.
Résumé du livre
L'analyse de la ville de Paris en termes d'évolution du milieu urbain entre l'Ancien Régime et la ville haussmannienne a fait l'objet de beaucoup de recherches et de discussions. Cette évolution a souvent été abordée par le biais de deux vecteurs de l'environnement, jugés comme les plus importants, qui sont l'eau et l'air.
Sabine a adopté une approche différente en se référant à un vecteur de l'environnement pas souvent abordé, celui du sol et du sous-sol urbain. L'environnement urbain a connu plusieurs transformations et de mutations en passant de l'Âge des activités artisanales qui encourage la stagnation des miasmes à l'Âge industriel associé à l'intervention d'Haussmann traduit par l'adduction d'eau et d'égouts pour l'assainissement, l'élargissement de la voirie avec un réseau de grandes percées pour l'évacuation de l'air.
Cet ouvrage aborde l'aménagement de la ville sous deux visions de professions différentes qui sont intervenues sur la ville d’une manière successive et complémentaire, chacun de son point d'intérêt.
D'abord les médecins qui, d'un point de vue médical, considèrent le sol comme responsable de méphitisme et essayent de définir la géographie et les saisons du miasme. Le fait de situer le miasme dans l'espace, à Paris par exemple, montre une certaine inégalité d'insalubrité entre les différents quartiers de Paris au XIXe siècle. Ces disparités de la production des maladies reviennent aussi en comparant les différentes saisons. Le situer dans le temps semble donc être primordial pour comprendre la relation des fluctuations avec le temps qu’il fait.
Les médecins à la fin du XVIIIe siècle visent à prouver les connexions entre le milieu ou l'environnement urbain délétère et la propagation des épidémies et par conséquent la surmortalité, surtout dans les villes où le cadre de vie est jugé insalubre comme Paris. L'ingénieur, l'homme de la situation, comme l'a nommé Sabine Barles est intervenu pour apporter des corrections au méphitisme urbain et non pas pour le condamner.
L'ingénieur a joué un rôle important dans la tentative de maîtrise de l'espace urbain avec des interventions plus concrètes ; au XIXe siècle, on peut citer l'imperméabilisation des surfaces libre, le nettoyage à l'eau, l'évacuation des flux d'eaux usées et pluviales et au XXe siècle la mise au point de formule de calcul des réseaux d'eaux pluviales (formule Caquot), l'adoption d'un système séparatif entre les eaux usées et les eaux pluviales et l'installation des stations d'épuration d'eau.
Les ingénieurs avec leur obsession de la vitesse n’ont fait qu'accélérer les techniques qui ont été déjà mises en œuvre auparavant comme le système d'épuration des eaux qui a été revisité. Les limites de l'approche des ingénieurs ont été démontrées par les inondations catastrophiques qui témoignent de l'inadaptation du système d'assainissement à la complexité urbaine et surtout par la non-maîtrise du sol urbain et aussi par les manifestations les plus importantes du paludisme au XIXe siècle dû aux travaux de rectification d'assainissement et dynamisation de la ville.
Citations et passages marquants
« Notre rôle, à nous autres médecins, se borne à signaler la maladie et à l’endormir, jusqu’ à ce que nos ingénieurs, ayant épuisé les mares, nous remercient de nos bons services. » Un médecin de Bondy -1878
Thomas, lettre àF. Dieudonné, 22 sept. 1878, F. Dieudonné, Notes adressées aux conseillers généraux de Seineet-Oise par un conseiller d ’arrondissement, Paris, 1879, p. 8.
« Ces gouffres habités qu’on décore du nom de Villes »
P. Bertholon, De la salubritéde l ’air des villes, et en particulier des moyens de la procurer, Paris, 1786.
« Le sein de la terre est plein de causes mortelles ».
J.-B. Sénac, Traitédes causes, des accidents, et de la cure de la peste ( …), Paris, 1744.
« Une habitation n’est jamais plus saine, que lorsqu’elle est seule et isolée. »
P.-F. Vidalin, Traitéd ’hygiène domestique [ …], 1825.
« Paver la voie publique, c’est la revêtir d’une croûte imperméable aux eaux pluviales, et assez compacte et solide pour résister aux frottements les plus répétés, ainsi qu’au choc des voitures les plus lourdement chargées. »
J.-B. Monfalcon, A.P.I. de Polinière, Traitéde la salubritédes grandes villes, [ …], Paris, 1846, p. 98.
En quoi l’ouvrage est-il important ?
Nous avons l’habitude, en tant qu’ingénieurs (urbanistes, architectes) à étudier les mutations urbaines dues aux épidémies en négligeant d’autres acteurs et disciplines, qui ont joué un rôle important dans l’orientation de ces transformations urbaines. Cet ouvrage est important parce qu’il nous permet de croiser deux visions de deux disciplines différentes , la médecine qui a un historique beaucoup plus ancien avec les épid émies et qui a fait de grandes avancées médicales surtout du XIXe au XXIe siècle qui nous ont permis de mieux comprendre les raisons et les vecteurs de propagation de ces épidé mies et d’un autre côté, une discipline plus récente, celle de l’ingénierie, qui est venue apporter des réponses concrètes et a vite passé à l’action en se basant sur les avancées médicales et en essayant de mieux comprendre le milieu de vie de l’homme ( les techniques du sol ) qui joue un rôle primordial dans la lutte contre ces épidémies.
Fiche de lecture 2
LES ILOTS INSALUBRES DE PARIS ETUDE DE DEUX EXEMPLES AU CENTRE DE PARIS : ILOT N 1 ET 16
Présentation des auteurs
ROBERTO ALMEIDA Architecte diplômé de l’Ecole d’Architecture de Paris Villemin, Octobre 1987 Entrepreneur individuel est active depuis 9 ans. Son entreprise est Implantée à SARCELLES et elle est spécialisée dans le secteur d'activité de l'enseignement culturel. MARTIN DE CARO Architecte diplômé de l’Ecole d’Architecture de Paris Villemin, Octobre 1987 Président-directeur général de l'entreprise Martin DE CARO Architecte – Société d’ architecture à paris 14
Contexte de l’ouvrage
Ce mémoire a été rédigé dans le cadre d’obtention du certificat d’Etudes Approfondies en Architecture Urbaine à l’Ecole d’Architecture de Paris-Villemin en Octobre 1987 juste aprè s une période (1920-1980) où la notion d’ilots insalubres était très discutée et où plusieurs quartiers classés comme ilots insalubres à Paris sont devenus des secteurs sauvegardés comme le cas de l’ilot insalubre N 16 qui fait d’ailleurs partie des cas d’études choisis. Les auteurs avaient donc le recul nécessaire qui leur permet de confronter les discours politiques orienté vers le besoin urgent de détruire les ilots insalubres avec les interventions concrètes qui ont été réalisées dans ce sens.
La problématique / l’hypothèse et la méthodologie
La permanence de la notion de l’ilot insalubre dans le temps revient au décalage entre les discours et les réalisations concrètes et à la diversité des situations urbaines et sociales qui sont liées à chacun de ces ilots. D’un autre côté, le caractère abstrait de la notion de l’ilot insalubre le rend peu opérationnel. Cette notion, aussi complexe qu’elle est, ne pourra pas ê tre cernée avec un discours général qui n’est généralement qu’ un prétexte pour d’autres intérêt politique ou technique.
L’hypothèse posée est que le véritable moteur du changement et de la transformation des ilots insalubres se situe souvent à l’extérieur du discours général tenu sur ces ilots. Il est souvent motivé par d’autres raisons cachées derrière ce discours. La méthodologie de ce travail consiste à le diviser en deux chapitres : Le premier chapitre : une partie générale qui permet d’étudier la notion de l’ilot insalubre dans son ensemble et de le situer dans son contexte historique avec ses trois volets : juridique avec toutes les lois d’hygiène et les procédures d’expropriation en parallèle des grandes orientations politiques et décisionnelles qui dominaient à l’époque et enfin le contexte urbain de la même époque. Le deuxième chapitre : Une étude monographique de deux cas d’ilots insalubres à Paris (Ilot N 1 et 16) afin de faire une comparaison entre les différentes situations.
Résumé du livre
Les idées hygiénistes ont beaucoup évolué dans la deuxième moitié du XIXe siècle. la notion d'hygiène est passé du plan strictement sanitaire à l'échelle de l'individu et du logement à un plan plus large, moral et politique. Ces idées prenaient plus d'ampleur avec les congrès internationaux, les expositions universelles sur l'hygiène et la salubrité de l’habitation ainsi que les traités sur l’hygiène sociale et de l’habitation. Ces manifestations internationales ont contribué à la sensibilisation des architectes et des urbanistes sur le danger de surpeuplement et de confinement à l’ère de la tuberculose.
La législation a aussi accompagné cette évolution des idées hygiénistes à paris. En aout,1831, l'instauration de la première commission centrale de salubrité suivie en 1839 de plusieurs commissions sanitaires dans certains quartiers.
La pandémie du choléra a mis la question de l'hygiène au-devant de la scène, mais qui ne va se concrétiser que 18 ans plus tard avec la première loi sur la salubrité (1850) qui donnait le droit au Conseil municipal d'ordonner l'intervention sur l'assainissement des îlots insalubres ou carr ément leur démolition. Cette loi a été peu concrétisée vu l'inexistence de la notion d'insalubrit é dans la loi d'expropriation des immeubles (1841).
Les décrets-lois de 1852 et 1884 sont venus ensuite réglementer et préciser les conditions de salubrité des nouvelles constructions. Suivi par le casier sanitaire des maisons de Paris qui a ét é proposé par M.Lamouroux en 1876 sans aucune suite et repris par le préfet de la seine M.Poubelle. Il comporte un certain nombre d'éléments qui permettent de mieux cerner l'état de l'immeuble. Mais qui était jugé trop contraignant et trop long. Il a donné comme résultat l'identification de 6 îlots insalubres ou la tuberculose, dépasser le taux de mortalité moyen à Paris.
Le choix des cas d'étude s’est porté sur deux secteurs très proches l'un de l'autre dans le même tissu ancien de Paris, mais qui reste tout de même très différent en termes du niveau d'insalubrité, de la nature du tissu urbain qui comprend des monuments historiques d'une grande valeur dans l'un et pas dans l'autre, des différences de catégories sociales qui y habitent et enfin une différence du contexte des transformations qu’ils vont subir.
Après l’impossibilité d'assainir les immeubles de l'îlot insalubre N1 (quartier Saint Merri) vu l'étroitesse de ses rues, la Commission des logements insalubres a pris la décision de leur démolition radicale surtout qu'il n'avait pas une grande valeur historique. La rénovation consistait à les remplacer par des immeubles très hauts sur pilotis, des voies beaucoup plus larges et des ouvertures plus grandes pour laisser passer l’air et la lumière.
Derrière cette volonté hygiéniste, se cache aussi des raisons d'ordre social et moral qui concerne l'amélioration de la population du quartier Saint-Merri.
L'expropriation des 91 immeubles insalubres s'est passée en deux tranches vu son coût élevé et les écarts flagrants entre l'estimation des experts de l'exproprié et les estimations de la ville En fait, Les allocations du jury ont été le double de ce que la ville estimait. La rénovation de la deuxième tranche n'était pas ciblée à l'heure de l’expropriation ; 3 scénarios étaient donc possibles : 1- un grand espace vert au cœur de Paris 2- un parc logement HLM 3- une zone d'extension des Halles Centrales
Ensuite ce projet va être inclus dans un autre projet à une échelle beaucoup plus grande ; celle du secteur central rive droite où L'impératif économique a dépassé l'impératif d'hygiène et de santé publique.
L’intervention sur l’ilot N16 était différente, d’abord il est classé 16e dans la liste par rapport à la mortalité par tuberculose et puis il ne s’agissait pas de tout démolir comme sur l’ilot N1, mais de préserver les monuments historiques de grande valeur patrimoniale comme l’église Saint Gervais et l’hôtel de sens et d’ aménager les espaces verts tout autour pour dégager la vue.
L’inscription de ce quartier dans la liste des quartiers insalubres semblait injustifiée pour plusieurs personnes et a été beaucoup contestée. La justification hygiéniste était juste un pré texte pour détourner la réalité qui est de devoir reloger les fonctionnaires pas loin de la place Lobau et de vider le quartier de la population juive qui s’y installait. La démolition des immeubles a été abandonnée pour des raisons financières et la nouvelle proposition consistait à restaurer ces immeubles, créer des jardins à l’intérieur des ilots pour assurer l’hygiène et l’ aération, construire des ateliers d’artistes et permettre le curetage pour les structures qui peuvent le supporter afin de mieux les assainir et enfin laisser les rues intérieures à l’état initial et élargir la rue Saint-Antoine et le quai de l’Hôtel de Ville à 30 mètres.
Citations et passages marquants
« Si la ville est un être vivant et possède un centre, il faut que ce cœur fonctionne. D’ où la né cessité d’aborder le problème non pas en disant je veux conserver intact, dans cette ville, un certain nombre d’organes et de tissus parce que leur composition forme un ensemble harmonieux, mais en ayant le courage de dire ‘ le cœur fonctionne mal, il faut remettre en é tat les organismes vitaux qui commandent le centre. Voilà la tâche principale et urgente » Maurice ROTIVAL (p.65)
En quoi l’ouvrage est-il important ?
Ce mémoire nous prouve que la raison hygiéniste, dans la multitude des situations auxquelles elle peut être attribuée, ne peut pas être la seule justification pour déclencher une série d’ interventions et de changements urbains et législatifs.
Fiche de lecture 3
Présentation de l’auteur YANKEL FIJALKOW Professeur de sciences sociales à l'École nationale supérieure d'architecture Paris Val-deSeine et chercheur au Centre de recherches sur l’habitat (UMR LAVUE du CNRS) et Maître de conférences à l’Université Paris VII. Il travaille sur l’histoire des sciences sociales de l’urbain, les politiques urbaines et du logement, la gentrification des quartiers populaires anciens.
Contexte de l’ouvrage Cet ouvrage est le prolongement d’une thèse de doctorat soutenue à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en septembre 1994 sous le titre : Mesurer l'hygiène urbaine. Logements et îlots insalubres, Paris 1850-1945, thèse préparée sous la direction de M. Marcel Roncayolo.
La place de l’œuvre dans le travail de l’auteur Cette thèse sous la direction de Marcel Roncayolo vient au début des contributions de Yankel Fijalkow . Il s’intéresse à l’histoire de la science des villes et de l’habitat et plus précisément à « la ville qui va mal », comme il l’appelle, des îlots insalubres du XXe siècle à la politique de la ville aujourd’hui en passant par les politiques des centres bourgs : diagnostics, argumentaires, gouvernance, discours, récits et représentations du renouvellement de la ville.
Résumé du livre La notion de l’insalubrité a beaucoup évolué dans le contexte urbain et juridique parisien. Cette évolution a permis la constitution d'un savoir sur l'hygiène publique et dans l'intervention urbaine.
La première partie présente 3 catégories de pensées qui se sont succédé dans le temps. D’abord l’analyse du milieu selon les topographies médicales entre 1776 et 1850, cette analyse qui permet d’aller au-delà de caractère physique du milieu comme le climat, la g éologie et l’hydrologie et d’introduire un renouvellement de la pensée urbaine de l’é poque en analysant le contenu social du milieu. C’est une géographie des milieux qui ne fait pas abstraction de l'homme et de son activité. Les résultats de cette analyse soulignent des problèmes de densité, d’entassement des familles, de mortalité et des disparités entre les quartiers.
Ensuite, vient comme critique de l'haussmannisation, un nouveau type d'analyse de l'insalubrité (1850 et 1870), centrée sur le ménage. Elle permet de compter les taudis avec les états sanitaires, de quantifier les conditions de vie : de connaître la superficie des logements, le nombre de membres des familles et d'en déduire des degrés de peuplement. À la différence des topographies médicales, les Etats Sanitaires se basent sur des statistiques et des chiffres provenant de l'état civil et du recensement. Cette catégorie de pensée sur l’ insalubrité a évolué dans un contexte d'expansion de plusieurs pandémies comme le chol éra, la typhoïde, la rougeole... et l'existence de la loi de 1850 relative aux logements insalubres qui a permis d'établir un lien entre mouvement naturel et conditions de logement. Et enfin, une troisième catégorie de pensée sur l’insalubrité qui répond à la demande é dilitaire avec la création d'une statistique municipale.
Elle a évolué dans un contexte différent où les bureaux d'hygiène sont rendus obligatoires à partir de la loi de 1902 sur la santé publique pour prévenir les épidémies dans les villes de plus de 20.000 habitants. C’est un mouvement d’universalisation qui divise le travail entre une approche probabiliste et une approche descriptive des faits de populations, va ê tre théorisée en 1874 par le démographe Louis Adolphe Bertillon. La deuxième partie concerne les politiques de statistique qui affrontent deux méthodes de description de la ville, évoluées dans la même période et qui ont un seul objectif de lutte contre l’habitat insalubre.
La première méthode morale qui prend l’appartement comme unité de base. Elle se base sur le recensement des conditions de logements. Les résultats de cette méthode mettent en relation direct le logement insalubre et le logement surpeuplé et donne une définition hygiéniste du logement qui prend en considération non seulement la surface et le nombre d’habitants, mais aussi la configuration interne de l’appartement et les éléments de confort. Le deuxième méthode plutôt environnementaliste, prend l’immeuble comme unité de base. Elle s’intéresse à la configuration de l’espace urbain dans son ensemble ; largeur 91
des voies, rapport entre le plein et le vide, implantation et desserte des réseaux sanitaires, l’obscurité et l’aération. Elle s’est concrétisée par l’application du casier sanitaire des maisons de Paris en 1894 qui consiste à mettre en fiches les principales données morphologiques et sanitaires de chacun des 77 000 immeubles parisiens. Ce casier sanitaire regroupe les informations provenant de plusieurs disciplines notamment la médecine et l’ ingénierie. Suite à ces deux politiques statistiques, les agglomérations de maisons meurtrières ont été découvertes nommées aussi ilots insalubres. Limités au début au nombre de six, Ils ont été classés par ordre de risque de mortalité de la tuberculose.
Dans la troisième partie, l’auteur montre comment la construction des îlots insalubres a conduit à la territorialisation du risque sanitaire et a permis le passage de la notion d’insalubrité à la notion du confort Cette territorialisation interroge le conseil municipal comme acteur principal et le contexte urbain marqué par la croissance démographique, l’expansion de la ville, la crise du logement la vétusté de l'habitation, la mortalité tuberculeuse ainsi que d’autres représentations urbaines. Les ilots insalubres ont contribué à la production de normes d'habitat, légitimes sur le plan de la pratique urbaine (notion d'utilité publique fréquemment utilisée dans les opérations d'aménagement) et de la mesure sociale (notion de confort).
Citations et passages marquants "C'est une vérité de tous les temps, de tous les lieux, line vérité qu'il faut redire sans cesse parce que sans cesse on l’oublie : il existe entre l'homme et tout ce qui l'entoure, de secrets liens, de mystérieux rapports dont l'influence sur lui est continuelle et profonde". Commission municipale parisienne devant le choléra de 1832
« La médecine n'a pas seulement pour objet d'étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l'organisation sociale ; quelquefois elle aide le législateur dans la confection des lois, souvent elle éclaire le magistrat dans leur application et toujours elle veille, avec l'administration, au maintien de la santé publique » Citépar Lecuyer B.P "Médecins et observateurs sociaux : les annales d ’hygiène publique et de médecine légale"
''Les recherches statistiques sur Paris prouvent dans l'état actuel et avec la police hygiénique actuelle que les seules Conditions qui influent bien sensiblement sur la mortalité sont celles qui accompagnent nécessairement l'aisance et la misère. L'aspect, l'exposition des logements, le voisinage de la Seine, les vents et même l'agglomération des maisons, la densité de population, n'ont, nonobstant les assertions, aucune action évidente sur la mortalité, l'effet de ces causes étant masqué par celui de l'aisance ou de la misère". Docteur Villermé (page 10)
"L'entassement des hommes, leur réunion rendent l'air moins élastique et moins pur. Ces effets sont plus marqués à Paris dans certains quartiers, où ils sont favorisés par la forme, 92
la disposition, le resserrement des habitations et entretenus par les exhalaisons putrides et les miasmes morbifiques disséminés dans l'atmosphère. On voit encore des rues étroites et mal percées où la libre circulation de l'air est interrompue". L ’officier de santéOudinRouvière (page 28)
En quoi l’ouvrage est-il important ? Cet ouvrage est intéressant car il a à la fois une partie théorique qui permet de retracer l’ évolution de la notion d’insalubrité dans le temps ainsi et puis le nouvel ordre urbain et les nouvelles formes d’intervention générées par l’hygiénisme et qui sont fondés sur la spatialisation des faits sociaux et sanitaires par classement en ilots insalubres tout en faisant référence au cas parisien avec toutes les données statistiques et leurs traductions cartographiques.