Mémoire de diplôme en architecture - faire de la tradition une modernité pour la corniche de Dakar

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faire de la tradition une modernite pour la corniche de dakar

CAUSE COMMUNE faire de la tradition une modernite pour la corniche de dakar

eleonore Bruel - vincent ENSA PARIS MALAQUAIS - aap - PFE Juin 2018 directeurs d'etude : arnaud bical, jac fol directeur de memoire : alice sotgia 3

eleonore Bruel - vincent


SOMMAIRE INTRODUCTION DAKAR

8

CHAPITRE I :

LE LITTORAL - TERRITOIRE NATUREL, ESPACE PUBLIC VULNERABLE ET MENACÉ

12

16

LES MENACES ÉCOLOGIQUES

EROSION CÔTIÈRE ASSAINISSEMENT ET GESTION DES DÉCHETS

16 18

20

LES MENACES INSTITUTIONNELLES

UNE LÉGISLATION NON RESPECTÉE UNE PRIVATISATION EXCESSIVE SPÉCULATION FONCIÈRE

CARTE DES MENACES

CHAPITRE II :

20 20 22 26

LE LITTORAL - ESPACE TRADITIONNEL, VIVANT ET PRODUCTIF, LES USAGES COMME POTENTIELS

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ECONOMIE INFORMELLE

31

APPROPRIATION DE L’ESPACE PUBLIC

34

UNE RICHESSE D’USAGES SUR LA CORNICHE DE DAKAR

36

4

4

LA PÊCHE TRADITIONNELLE LES MÉTIERS DE L’INFORMEL LES ACTIVITÉS DE LOISIRS POPULAIRES

CARTE DES USAGES

36 38 42 46


CHAPITRE III :

RECONQUÊTE D’UN BIEN COMMUN

48

LA REMISE EN QUESTION D’UNE PLANIFICATION URBAINE DICHOTOMIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

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RECONSIDERER LE POTENTIEL D’UN ESPACE PUBLIC DYNAMIQUE

54

UN URBANISME DES USAGES

57

OBSERVER LES FORMES SPATIALES VERNACULAIRE POUR PROPOSER DES ACTIONS ADAPTEES

58

CHAPITRE IV :

64

HISTOIRE DE LA MEDINA ET DE LA BAIE DE SOUMBEDIOUNE

66

LES DIMENSIONS DU QUARTIER

67

LE CADRE DE VIE PRECAIRE DES PÉCHEURS

70

LE VILLAGE ARTISANAL EN PERTE D’ATTRACTIVITÉ

72

LES ATELIERS DE LA MEDINA, FIGÉS DANS L’INFORMEL

76

REVEILLER SOUMBEDIOUNE

CONCLUSION

80

BIBLIOGRAPHIE

82

ANNEXES

89

5


INTRODUCTION J’ai découvert Dakar à l’occasion de mon stage de master. J’y ai vécu 5 mois de mars à Aout 2017 puis y suis retournée deux fois en décembre puis en mars 2018 pour mener des enquêtes de terrains dans le cadre de l’élaboration de mon projet de diplôme. J’avais souhaité faire ce voyage pour découvrir et comprendre par l’expérience la vie dans une grande ville en développement. Curieuse et intéressée par ce sujet depuis longtemps, je ne savais néanmoins que très peu à quoi m’attendre. Les villes africaines peuvent en effet souffrir d’une image négative en Europe. Elles sont parfois considérées comme « disloquées » ou encore « chaotiques », sans aucune structure urbaine. Bien sûr, J’ai été « perdue » au début de mon voyage : si la forme de la ville ne m’a pas été totalement étrangère, j’ai eu une sensation de perte de repères à travers les usages de l’espace urbain et surtout la façon dont les habitants interagissent les uns avec les autres. Les différences sont fortes dans la façon de vivre, de se rencontrer, de socialiser et d’utiliser l’espace public (la rue, le trottoir) et privé (les cours, les terrasses). L’échange et le dialogue sont permanents. Plus généralement, je trouvais l’organisation de la ville incompréhensible et imprévisible. Dans un premier temps par exemple je ne me risquais à me déplacer qu’en taxi. Mais c’est en m’installant en « habitante » dans un quartier, en rencontrant les familles de mes colocataires sénégalais et en travaillant en agence sur des projets prenant place à 6


Dakar que j’ai rapidement compris que la ville africaine (en tous cas Dakar) est bien organisée et pas si anarchique que l’on pourrait l’imaginer de prime abord. J’ai alors été impressionnée et non plus intimidée par ses forces vives, son énergie. J’ai aussi été surprise par une sensation relativement paradoxale de tranquillité qui règne en ville dès lors que l’on sort des artères routières. En y vivant, on intègre petit à petit la présence de quartiers voire de « villages urbains » qui s’enchaînent entre eux pour former une métropole. 1

SAPIN Hippolyte, Le grand marché de Lomé, un modèle à réinventer, mémoire de diplôme INSA, soutenu en septembre 2016

Dakar est ainsi indiscutablement une ville moderne, mais foncièrement différente d’une ville occidentale. « Elle exige une approche microsociologique, qui prenne le quotidien, la banalité ou le futile au sérieux. »1 La façon dont j’ai vécu à Dakar, en sortant du caractère de visiteur et du milieu d’expatriés, m’a permis de découvrir et d’atteindre une meilleure compréhension de ses usages. La rue est un véritable espace de vie collective. On y trouve par exemple un grand panel de commerces de rue et d’artisans. Il y a également la présence de la religion et de la prière, d’espaces de commémorations et d’évènements, la co-existence de différents types de transport (de la voiture privée à la charrette en passant par toutes sortes de transport en commun dont les fameux cars rapides) et les échanges relationnels et sociaux sont omniprésents. Forte de ces observations quotidiennes, j’ai été saisie par une confrontation entre ces usages, et certains projets d’aménagement, d’infrastructures ou d’architectures rencontrés au milieu de la ville qui semblent se référer à un modèle jugé probablement moderne et contemporain et qui tranchent avec la vie alentour. En effet, il semble que, dans une course à la modernisation et au développement, la planification et la fabrication de la ville se réfèrent toujours à des modèles occidentaux. C’est dans cette constante dualité entre usages traditionnels et projets contemporains que j’ai abordé les espaces de la ville. Cette confrontation m’a tout particulièrement frappé sur le littoral (la corniche) de Dakar qui est un espace emblématique de la ville, culturellement, socialement et aussi en tant qu’espace naturel. J’ai découvert la corniche de Dakar par ses plages que j’ai aimé du fait de la diversité des populations qui s’y rencontrent (du pécheurs lébous, aux artisans et commerçants, nouvelle classe moyenne, jusqu’aux expatriés et aux touristes) et l’hétérogénéité des usages et pratiques qui s’y déroulent (loisir, marché, sport, commerce, musique).

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J’ai ensuite, comme tout Dakarois, beaucoup utilisé la route rapide qui longe la corniche pour me déplacer dans la ville et j’ai pu constater combien des tronçons entiers de ce littoral étaient construits, obstruant ainsi la vue sur l’océan et l’accès aux plages en contrebas et que de nouveaux chantiers étaient en cours un peu partout. Les constructions sont le plus souvent des villas privées de standing ou des équipements et infrastructures de prestige. Je me suis alors demandé « en conscience » comment il était possible de priver ainsi l’ensemble de la ville et sa population d’un espace public et naturel de cette dimension? Les principes d’une ville pensée à la fois selon un souhait politique (ville moderne, capitale de l’Afrique de l’Ouest) c’est-à-dire dans un projet d’image et non un projet social mais aussi de fabrication d’un espace sélectif sur un territoire public, ne doivent-ils pas être remis en question à l’heure actuelle ? En effet dans le cadre des différents sommets internationaux sur les enjeux du changement climatique comme la COP 22 qui s’est tenu au Maroc en 2016 ou plus anciennement dans celui des réflexions sur les pays en développement et la voie de l’alter mondialisme, une autre vision qui irait dans le sens de la sauvegarde de l’espace public et du bien commun et prônerait l’inclusion sociale n’est-elle pas possible ? Face à ce constat, j’ai donc choisi d’aller à l’encontre d’une vision élitiste et d’une méthode de planification classique assez déconnectée des besoins des populations et des impératifs de protection d’un environnement fragile.

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Le littoral de Dakar est à de nombreux égards un territoire à reconquérir. Cette reconquête au service des habitants devant se faire dans une perspective d’inclusion sociale et de protection de l’environnement et du patrimoine matériel et immatériel. En m’inspirant des réflexions autour de l’urbanisme tactique, et des questions de participation citoyenne et d’empowerment, je me suis intéressée à des espaces clefs de ce littoral pour voir comment proposer des projets en lien avec leur identité et leurs principaux usages. Ces projets doivent avoir comme objectif de maintenir dans leur quartier des populations locales, de rendre attractif le domaine public, de préserver et augmenter des espaces « de commun » où les habitants se réapproprient leur territoire. L’initiative consiste à faire le pari qu’en agissant localement, il peut y avoir un effet d’entraînement et ainsi une transformation globale du littoral dakarois à moyen et long terme. J’ai choisi tout d’abord d’analyser les enjeux du littoral dakarois et les menaces qui pesent sur celui ci et d’identifier les pratiques qui s’y déroulent et qui sont suceptibles de servir de leviers de développement. Cette analyse m’a convaincue que les réponses urbaines à apporter au littoral dakarois passent par une multitude d’approches locales. J’ai donc retenu la baie de Soumbédioune et ses quartiers attenants car elle conjuge un fort potentiel économique et touristique et une importante vulnérabilité pour faire une proposition qui vise à la fois la préservation des lieux et l’amélioration de l’espace public, mais surtout le maintien d’activités économiques et le soutien aux populations qui vivent ou travaillent sur la zone.

9


DAKAR

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Depuis l’indépendance du Sénégal en avril 1960, la ville de Dakar, qui s’étendait alors sur le plateau à l’extrémité de la presqu’ile du Cap Vert, s’étend aujourd’hui sur l’ensemble de celle ci. La régiion de Dakar couvre une superficie 550 km2. La population actuelle avoisine les trois millions d’habitants, elle représente près du quart (21 %) de la population totale du pays. La région de Dakar est de loin la région là mieux dotée en infrastructures économiques, sociales et culturelles faisant d’elle une terre privilégiée de l’exode rural. Dakar est aujourd’hui une des grandes capitales d’Afrique de l’ouest. Elle rivalise avec Abidjan en Côte d’Ivoire pour son dynamisme dans la région. Le premier plan cadastral de la ville a été réalisé en 1856 date de sa fondation officielle. On atteste la présence d’une population autochtone Lébou sur la presqu’ile du cap vert qui est arrivée lors de migration au XV ème siècle et s’est établie en quelques villages le long de la côte de la presqu’île. En 1862 Pinet Laprade propose le premier plan de lotissement de la ville. Dakar devient capitale de l’Afrique Occidentale Francaise en 1902.

10 000 000 4 000 000 1 500 000 500 000 10 000

Dakar parmi les grandes villes d’Afrique de l’Ouest © Damaris Barblan, Place de la rénovation dans la métropole sénégalaise,2014 11


Aujourd’hui, la région de Dakar comprend 19 communes, qui se sont organisées autour d’anciens villages. La ville de Dakar, planifiée en 1857 à l’extrême sud de la presqu’île a progressivement envahie toute la surface de la presqu’île. Le taux de croissance de la population dakaroise est très élévé (6%) mais est conforme aux observations d’autres capitales africaines.

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La croissance de Dakar et l’urbanisation de la presqu’île du cap vert URBANISATION DE LA PRESQU’ILE DU CAP VERT

1940

village traditionnel

1965 1975 1995 2000

ville coloniale

2010 2017

2km

1940

1975

1995

URBANISATION DE LA PRESQU’ILE DU CAP VERT

1940 1965 1975 1995 2000

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Situation 2010 actuelle 2017

2km


CHAPITRE I

LE LITTORAL : TERRITOIRE NATUREL, ESPACE PUBLIC VULNÉRABLE ET MENACÉ

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Le littoral est un capital inestimable pour Dakar pour sa population et son avenir. C’est un espace naturel constitué de petites falaises rocheuses et de plages relevant du domaine public maritime. C’est aussi un espace urbain côtier original qui possède une dimension unique entre modernité et tradition. Malheureusement, depuis une vingtaine d’années, il est maltraité et son capital naturel et social est dilapidé par les autorités publiques du fait d’une privatisation abusive à des fins mercantiles et souvent spéculatives.

1

FAWAZ Mohamad, « préface » in LAMY Sébastien, BOU AOUN Cynthia, Le Littoral, MAJAL Observatoire académique urbain, Beyrouth, 2018

Mohamad Fawaz, ancien directeur général de l’urbanisme, dit à propos du littoral libanais : « je le compare à un diamant précieux dans les mains d’un enfant qui n’a aucune idée de sa valeur. Il le manipule entre ses doigts avec nonchalance, comme si c’était une bille de verre, avec le risque de le casser à tout moment sans se rendre compte de ce qu’il est en train de faire. »1 Nous pourrions reprendre la comparaison dans le cas de la corniche de Dakar. Dans cette première partie je me propose de vous présenter plus en détail la corniche dakaroise et les dangers qui la menacent et la transforment.

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La corniche Ouest 1 km

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Vue aérienne de la corniche ouest, urbanisation de 2015 et repérage de quelques lieux emblématiques

tissu bati organique des villages dits «traditionnels». Ces villages sont la première urbanisation de la presqu’ile

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LES MENACES ÉCOLOGIQUES La conjugaison d’un important développement urbain et du changement climatique font peser sur le littoral sénégalais et en particulier dakarois, d’importantes menaces d’ordre environnemental. EROSION CÔTIÈRE Le littoral sénégalais est une des régions les plus vulnérables au monde car il subit une importante érosion côtière. Sur la Corniche Ouest, les plages à hauteur du Cap Manuel, de l’Anse Bernard, de Pasteur, de Dantec, des Madeleines, de Rebeuss ainsi que de Fann semblent être les portions du littoral rocheux les plus touchées. Dans son rapport 2010-2015 intitulé «Etat de l’Environnement au Sénégal», le Centre de Suivi Ecologique(CET) alerte sur les risques induits par ce phénomène. Selon la Doirectrice de l’Environnement Maryline Diarra, chaque année au sénégal la mer avance en moyenne de 1 à 1,3 mètre.1 Cette érosion s’est considérablement amplifiée ces dernières décennies par l’effet conjugué du changement climatique, et d’une urbanisation croissante du domaine littoral maritime. Le changement climatique provoque non seulement une élévation du niveau de la mer, celui-ci étant estimé à 20 cm d’ici 2030 et 80 cm d’ici 2080 mais aussi une modification de la dynamique du système.2 En effet, il provoque une intensification de la fréquence des tempêtes et une modification du régime des houles, provoquant à la fois une diminution de l’approvisionnement sableux qui alimente les plages et les dunes côtières et une attaque plus puissante des zones rocheuses.

1

Ministère de l’environnement et du developpement durable, Rapport sur l’etat de l’environnement au Sénégal, Edition 2015

2

ibid p.69

Cette érosion est également considérablement renforcée par un grand nombre d’actions d’ordre anthropique. Sur les plages: prélèvements de sable, destruction des dunes littorales. Pour les zones rocheuses : constructions et bétonnage fragilisent la côte et provoque des glissements de terrain et l’effondrement du bâti. Le bétonnage et la création de remblais ou de digues artificielles, comme c’est le cas au niveau du Magic Land et de l’Hotel Terrou Bi modifient aussi localement les courants marins et provoquent inévitablement une érosion renforcée d’un côté de l’ouvrage et une disparition des plages de l’autre côté. Il s’installe alors un cercle vicieux car le bétonnage qui créé de l’érosion appelle du bétonnage pour stabiliser les zones impactées.3 En plus de la dégradation physique, la lutte contre l’érosion peut à terme s’avérer extrêmement couteuse pour l’Etat sénégalais. Le projet de stabilisation de la porte du millénaire est par exemple estimé à 1 Million d’euros.4 18

3

ibid p.69 4

CISSOKO Maimouna Etat de l’érosion cotière au Sénégal, conférence à Dakar, 2006


Digue de protection devant la petite plage de l’université

décembre 2017

Affaisement de la chaussée sur la route de la corniche, fragilisation du sol rocheux © dakar-echo, 12 décembre 2016 19


ASSAINISSEMENT ET GESTION DES DÉCHETS La gestion des eaux pluviales et l’assainissement des eaux usées de Dakar restent encore largement carencés. Le rapport d’étude d’impact environnemental et social du projet de dépollution des baies de Dakar, sorti en 2015 par l’Office National d’Assainissement du Sénégal (ONAS), montre que les principales sources de pollution proviennent des rejets industriels, des eaux domestiques non traitées, d’exutoires pluviaux et de décharges sauvages.1 Les canaux (IV, Gueule Tapée et Fan) qui recueillent les eaux pluviales sont de véritables égouts à ciel ouverts qui rejettent en mer en différents points du littoral. La plage de Soumbédioune subit par exemple ce type de nuisance avec les canaux IV et Gueule Tapée qui se déversent dans la baie où travaillent les pêcheurs.2 On peut considérer que la quasi-totalité du littoral dakarois est pollué avec des plages souvent insalubres. Les conséquences sont très importantes en termes de santé publique. Ce n’est pas non plus sans conséquence sur l’attractivité de la ville vis-à-vis de visiteurs qui inévitablement fréquentent ce littoral.3 Cela peut donc avoir un impact sur la bonne santé de l’activité économique locale et par conséquent sur l’emploi. La pollution des eaux menace également la pêche, activité très importante de l’économie sénégalaise, qui constitue une ressource économique primordiale pour certaines communautés en particulier Lébous. La faiblesse et l’irrégularité de la collecte officielle des déchets entraînent la prolifération de dépôts anarchiques d’ordures ménagères qui sont sources d’odeurs, d’infections et de nuisances esthétiques. Le péril plastique est devenu un phénomène inquiétant. Il représente l’une des formes les plus visibles de la dégradation de l’environnement. Ces plastiques envahissent la ville. L’utilisation de sacs plastiques n’ayant toujours pas été interdite au Sénégal, on les retrouve partout et en particulier tout le long du littoral. Non seulement ils contribuent à la dégradation de l’esthétique mais ils finissent également dans la mer sous forme de minuscules particules qui contaminent et détruisent la biodiversité.

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FAYE Mbaye Mbengue, Cadre de gestion environnementale et sociale, Rapport pour l’agence de developpement municipal de Dakar, 2011 1

2

SARR Mamadou, Littoral en péril : constructions anarchiques, érosion, pollution dans Sénéplus du 21/07/2013

ibid 3


Le canal « gueule Tapée » se déverse dans la baie de Soumbédioune Mars 2018

La plage de Soumbédioune envahie de sacs plastiques Mars 2018 21


LES MENACES INSTITUTIONNELLES UNE LÉGISLATION NON RESPECTÉE

La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat interdit l’appropriation privée des terres du domaine public maritime 1

La corniche appartient au domaine public maritime de l’Etat du Sénégal, ce domaine public est règlementé par un ensemble de lois qui le protège. Elles stipulent que ce domaine est imprescriptible et inaliénable.1 Un bien du domaine public ne peut donc s’acquérir par prescription et ne peut pas être cédé à des tiers avant d’avoir fait l’objet d’une mesure de déclassement.2 Une entreprise ou une personne peut occuper le « domaine public par voie d’attribution et uniquement par arrêté du Ministre de l’Economie et des Finances »3. Elle aura ainsi un permis d’occuper, l’équivalent d’une autorisation d’usage. Cette obtention du permis d’occuper « procure au bénéficiaire un droit de jouissance sur le domaine public mais le terrain ne peut en aucun cas être vendu ou sous-loué sans autorisation préalable et écrite de l’administration. »4 Pour que ces droits de vente soient acquis il faut faire entrer le bâtiment ou le terrain dans le domaine privé par mesure de déclassement. Le bénéficiaire peut ensuite disposer d’un bail emphytéotique ou d’un titre foncier par voie de cession définitive du terrain par l’Etat.

ibid Le déclassement est prévu dans l’article 19 2

Direction générale des impots et des domaines, http://www. impotsetdomaines.gouv.sn gouvernement sénégal 3

ibid 4

Ces mesures sont en principe exceptionelles. Vu leur systématisation, les associations de défense du littoral s’interrogent sur la réalité opérationelle de la législation. UNE PRIVATISATION RAMPANTE Plusieurs associations de protection du littoral, constituées ces dernières années, dénoncent les procédures complexes de déclassement devenues la règle. Dans une lettre ouverte publiée le 28 Mars 2014 dans le journal quotidien Sénéweb, les associations5 font savoir au gouvernement que ces exceptions semblent, pour la société civile, «détournées de leurs objectifs d’intérêt général par l’Etat qui dispose de manière discrétionnaire des ressources littorales.»6 Les associations dénoncent les prises de décision réalisées sans implication des collectivités locales ni des populations quand celles ci relèvent de l’intérêt général. Pour comprendre pourquoi la corniche a ainsi été privatisée, il faut chercher du côté de la gouvernance et la politique du Sénégal. Ce phénomène, qui ne concerne pas que le littoral, est fortement lié à la présidence d’Abdulaye Wade entre 2000 et 2012.

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SOS Littoral, les Volontaires de l’Environnement et la Plateforme pour l’Environnement et la Réappropriation du Littoral 5

WADE Mansour Sora, DIAGNE Omar, GOUDIABY ATEPA Pierre, « lettre ouverte à Monsieur Macky Sall, Président de la République Le littoral est notre patrimoine commun : préservons-le ! », Seneweb, 28/03/2014 6


ACCESSIBILITÉ AU PUBLIC DE LA CORNICHE : LA FRACTURE DE LA VOIE RAPIDE , SEQUENCAGE DES ESPACES, NAISSANCE DE CHEMINS ALTERNATIFS

Les zones non accessibles de la corniche Environ un tiers des espaces de la corniche Ouest sont déja privatisée. Parcelles privatisées

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Le domaine public et tout particulièrement le domaine public maritime est devenu au fil des années et de l’urbanisation de de la presqu’île de Dakar, une réserve foncière de grande valeur. Au tournant des années 2000 lorsque la pression foncière s’est faite plus forte, l’Etat n’a pas choisi de protéger le caractère public de la corniche et a préféré la considérer comme une source de richesse sur laquelle spéculer pour financer certain de ses projets politiques et parfois (voire souvent) à des fins d’enrichissement personnel. La corniche est devenue une valeur marchande. Abdoulaye Wade s’est distingué, une fois élu, par sa volonté de rupture avec les politiques post-indépendantiste, théorique et idéologique, hérités de l’ère de Senghor (statut et vision prospective des nouveaux Etats d’Afrique, panafricanisme). Il a alors la volonté de faire entrer le pays dans une dynamique libérale de développement et d’innovation. Il a réussi à convaincre la population sénégalaise et a entrepris une série de grands projets, dans tous les domaines, sous couvert d’investissements pour le développement économique du pays et de compétitivité. Le 11ème sommet de l’OCI (Organisation de la Coopération Islamique) qui a eu lieu à Dakar en mars 2008, devait selon lui être une opportunité de développement du pays et a justifié le lancement de grands chantiers d’infrastructures et des opérations de privatisation et d’aménagement de la corniche. Il expliquait ainsi que le Sénégal devait « disposer d’installations de dernière génération et proposer un hub de référence sur le continent »1 et que le sommet était « une opportunité en termes de financements. »2 L’Etat sénégalais n’étant en mesure de financer que 5% des investissements nécessaires. La plupart des fonds devaient donc provenir d’investisseurs privés, la plupart en provenance des pays du golfe Arabo-Persique.3 S’il est vrai que les retombées indirectes du sommet ont permis au Sénégal d’élargir ses relations diplomatiques avec les pays membres de l’OCI et de trouver de nouveaux axes de financement pour des infrastructures de développement comme le financement du nouvel aéroport par exemple, les retombées directes du Sommet et cette spéculation sur l’avenir touristique de la corniche de Dakar peuvent, elles, être remises en question. L’économiste Momar Coumba Diop, professeur à l’université de Dakar, explique ainsi à propos de la logique purement financière du président Wade : « loin de constituer des mesures visant l’efficacité économique des entreprises et l’amélioration de bien-être des populations, les privatisations et les cessions des parts de l’Etat dans le capital social des entreprises publiques auxquelles le régime de Wade s’est livré doivent être davantage comprises comme un moyen d’alimenter le « fonds de soutien à l’enrichissement »4 de la nouvelle oligarchie politico-financière.

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1

WADE A. cité par SOW GUÈYE Cécile, « A quoi sert le sommet de l’OCI ? », in Jeune Afrique, 04/02/2008 2

ibid 3

ibid

4

DIOP Momar-Coumba, Sénégal (2000-2012) Les institutions et politiques publiques à l’épreuve d’une gouvernance libérale, Karthala Edition, 2013, p. 109


Aucun secteur où l’Etat était présent n’a été épargné par ces opérations de bradage du patrimoine collectif. Aujourd’hui de nombreuses actions en justice sont en cours pour les montages financiers et les procédures de privatisation réalisées à l’occasion du sommet de l’OCI.

5

Jacques HABIB SY, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Rapport de l’ONG Aide transparence, 2013

Le rapport « domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité »5 révèle que les irrégularités commises sur le domaine publique maritime (DPM) au Sénégal sont dues à la négligence de l’administration souvent complice de certains manquements. Il indique que les occupants du DPM sont principalement d’anciens présidents de l’Assemblée Nationale, des sénateurs, des députés, des chefs religieux, des ministres et des hommes d’affaires français et libanais.

le domaine public privatisé : deux villas de standing Décembre 2017

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UNE SPÉCULATION FONCIÈRE De très nombreux projets d’infrastructures hôtelières, et hospitalière ont été interrompus sur le littoral et le paysage dakarois est ponctué de gigantesques chantiers inachevés. Cette situation est typique d’une spéculation immobilière abusive. L’arret des chantiers s’explique par des montages financiers fragiles et le choix d’investisseurs privés peu fiables qui se sont désengagés ou n’ont pas été en mesure d’aller au terme de leur contrat. Beaucoup de projets spéculatifs misaient sur un développement touristique qui n’est pas venu. La crise financière de 2008, la Guerre au Mali puis la montée du terrorisme en Afrique de l’Ouest ont fait s’effondrer la fréquentation touristique. Ainsi les investisseurs qui avaient spéculés sur l’avenir du tourisme se sont désengagés, laissant des chantiers à l’abandon. Dans la liste des nouveaux hôtels de la décennie 2010, à part les grands hôtels internationaux de luxe (Terrou bi, Radisson ou pullman) qui continuent de fonctionner, les autres projets ont été interrompus. Depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall et contrairement aux promesses faites, on continue d’observer des privatisations en bordure littorale pour l’édification de bureaux, de commerce ou de logements « les pieds dans l’eau ». Ce développement anarchique « est favorisé par la dispersion des instruments de gestion du domaine maritime où interviennent concurremment le ministère chargé de l’urbanisme, celui chargé de l’environnement, celui chargé du tourisme, les services déconcentrés et les collectivités locales »1 Ces opérations foncières en zone littorale permettent à leurs promoteurs de réaliser d’immenses bénéfices pour un investissement souvent limité une fois attribué a l’amiable, ces terrains peuvent aisément être revendus cinq fois2 plus cher.

1

Jacques Habib Sy, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Rapport de l’ong Aide transparence, 2013 2

ibid

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Le groupe koweitien « Al Kharafi » construit sur la réserve géologique des Mamelles, terres sacrées des Lébous, un hôtel 5 étoiles Décembre 2017 360 chambres, 70 villas présidentielles, un centre de conférence de 1500 places. Le projet necessite un investissement de 110 Milliards de Francs CFA. Le chantier est à l’arrêt depuis 2010, la presse parle d’une reprise en 2018.

Urbanisation récente de la corniche des Almadies, privatisation et spéculation abusive sur la côte Décembre 2017 27


CARTE DE LA CORNICHE N°1 : MENACES ET VULNERABILITÉS

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CHAPITRE II

LE LITTORAL : ESPACE TRADITIONNEL, VIVANT ET PRODUCTIF, LES USAGES COMME POTENTIELS

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Au cœur de ces enjeux politiques et environnementaux, la corniche de Dakar est aussi restée un espace de traditions où s’affirme et se transmet un patrimoine sénégalais. Une diversité unique d’usages et d’usagers converge ainsi sur la corniche de Dakar qui devient un territoire de dialogue entre des formes de populations des plus traditionnelles aux plus modernes de la société sénégalaise.

1

SIDIBE Isabelle, « Un territoire littoral dans l’espace politique, économique et religieux du Sénégal » dans Espace populations sociétés, 2013/1-2 159-176

L’anthropologue Isabelle Sidibé explique ainsi que « le littoral urbain de Dakar mêle tradition et modernité, tant au niveau des pratiques rencontrées que des constructions, des patrimoines matériels (édifices religieux) et immatériels (territoire sacré de vie des génies tutélaires). »1 Depuis plusieurs siècles, plusieurs localités de villages de pécheurs Lébous se sont établies sur la côte. Ces « villages traditionnels », englobés par l’urbanisation et l’expansion de la capitale ont cependant su résister à cette pression. Aujourd’hui encore, les pécheurs Lébous continuent de pratiquer leur activité sur les plages les plus proches. Parallèlement à cette activité de pêche artisanale et piroguière, qui donne une « tonalité » à l’espace côtier dakarois, des activités artisanales et commerciales se sont développées sur les espaces délaissés et entre les chantiers de la corniche. On retrouve beaucoup d’ateliers d’artisans menuisiers, ferronniers, de pépinières, qui utilisent l’espace libre de la corniche pour s’étaler, exposer puis vendre leur production aux visiteurs et aux touristes. L’espace libre disponible de la corniche en fait un site intéressant pour établir des activités. C’est aussi un lieu passant qui permet une bonne visibilité des artisans qui s’y installent. Sur certains points de la corniche, les activités pratiquées sur le littoral propagent une dynamique de production à l’intérieur des quartiers. Les quartiers populaires tels que Yoff, Ngor, Ouakam, Soumbédioune, Médina et Rebeuss ont ainsi développé en parallèle de l’économie de la pêche, une économie plus large d’artisanat de production, de service ou d’art.

2

ibid

Plus généralement, Isabelle Sidibé constate que la corniche a été investie depuis les années 70 « par des pratiques nouvelles qui ont imitées les pratiques européennes d’investissement du littoral. »2 Les sénégalais, d’après elle, toutes classes confondues, ont commencé à y développer de plus en plus de pratiques de loisirs. La corniche est donc aujourd’hui un front de mer qui tient un rôle multiple, à la fois vitrine « moderne », espace économique traditionnel, et espace de loisir populaire. C’est un espace qui a la capacité de convenir et d’accueillir toutes les populations dakaroises en présence, (pécheurs, artisans, commerçants, plagistes, classe moyenne en quête de loisir, expatriés, touristes). En cela, il est un territoire au potentiel extrêmement riche qui a un réel pouvoir intégratif. 31


Ce sont bien les usages qui font la vie et le dynamisme de la côte. Cet espace public est lieu de rassemblement social que l’ont pourrait qualifier « d’agora urbaine ». Toutes ces pratiques évoluent majoritairement dans un secteur informel aujourd’hui peu considéré par les puissances politiques du Sénégal et de la ville de Dakar Je propose de parcourir à nouveau la corniche en portant cette fois ci attention aux activités et pratiques qui donnent au littoral son dynamisme. Nous allons néanmoins commencer par définir le contexte plus large de l’appropriation de l’espace public à Dakar et dans les villes d’Afrique de l’Ouest ainsi que l’économie informelle qui y est liée.

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ECONOMIE INFORMELLE

1

Organisation mondiale du travail, http:// www.ilo.org

Le concept du « secteur informel » est mis en place par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans les années 1970 lors de son « Programme mondial pour l’emploi. »1 Il existe de nombreuses nuances de définition du concept qui dépendent du domaine d’étude (économie, sociologie, urbanisme…). La définition la plus communement admise est que le secteur informel est l’ensemble des activités économiques qui se réalisent en marge des législations pénale, sociale et fiscale et donc échappent à la régulation de l’Etat et à la comptabilité nationale. La terminologie « informel » ne signifie pas la désorganisation ou le chaos. Ce secteur s’organise tout autant, il se situe simplement en dehors de la réglementation de l’Etat. Il faut aussi préciser que la frontière entre les deux secteurs, formel et informel, n’est pas nécessairement nette. Il existe des degrés d’informalité.

2

Rapport de la banque africaine de developpement, « Le Rôle du «Secteur Informel» dans l’intégration régionale en Afrique »,2014

3

ibid

Comme le précise le rapport de la banque africaine de developpement, « dans la plupart des pays, les législations et les règles du jeu de la production et du commerce sont telles que peu de places sont réservées à la pratique de l’économie que l’Etat ne contrôle pas. »2 Dans les pays d’Afrique une autre réalité s’impose : le dynamisme du secteur informel contraste avec l’atrophie du secteur formel. Cependant le secteur informel, malgré sa grande visibilité dans la ville africaine reste majoritairement caractérisé par des faibles niveaux de capital, la difficulté à accéder aux marchés organisés et à la technologie, des revenus faibles et instables, ainsi que des mauvaises et imprévisibles conditions de travail. Le profit est souvent consommé directement et ne peut être réinvesti pour développer une activité plus stable.3

33


Le secteur informel représente en moyenne 2/3 de l’emploi dans les villes africaines et plus de 70 % de l’emploi à Dakar. Cette importance du secteur dans les villes africaines résulte « d’une croissance urbaine plus rapide que la croissance économique et l’offre d’emplois, et d’une lacune assez générale des systèmes nationaux de redistributions des richesses crées. »1 Les politiques à conduire face à ce constat ne sont pas encore unanimes. Il existe des politiques de combat du secteur informel et d’autres qui préfèrent le soutenir. Le rapport de 2012 des Ateliers d’urbanisme de Cergy sur l’activité informelle en Afrique de l’Ouest mené par sept équipe de jeunes urbanistes africains, décrit ainsi les deux grandes positions actuelles dans lesquelles peuvent se situer les Etats : « Celle qui considère que la priorité est de normaliser ces activités irrégulières qui échappent au contrôle et aux taxes fiscales, et ainsi déstabilisent l’économie officielle. Et celle qui, à l’inverse, considère l’existence de ce secteur informel comme une source d’initiatives et de créativité, ainsi qu’un mode d’accès privilégié au marché du travail et un moyen pour les populations de s’insérer dans la ville. »2 Aujourd’hui l’idée du « informal is normal »3 pour les villes africaines semble prédominer. Aussi la question se détourne de la nature informelle ou formelle des activités et s’intéresse plutôt à l’amélioration des conditions de travail qui reste particulièrement précaire dans ce secteur et donc la recherche et la promotion du « travail décent ». 4 La question porte aussi sur l’adaptation aux nouveaux paradigmes d’un monde contemporain globalisé qui se révolutionne technologiquement. Comme l’explique Evelyne Bauman, « puisque la normalité du monde du travail se manifeste, dans les pays du sud du moins, sous forme de petits métiers, d’auto-emploi, et que cette normalité est jugée préjudiciable à la bonne marche de l’économie, le recours à des outils susceptibles de rendre les situations humainement supportables s’impose. »5 Les activités informelles sont de plus en plus appréhendées comme des composantes, parmi d’autres, du fonctionnement des villes africaines. Cette approche plus urbaine amène à faire sortir « l’informalité » d’un cadre de réflexion strictement économique et de la considérer comme un fait constitutif des villes africaines. L’enquête menée par les Ateliers de Cergy démontre que « certain urbaniste pose même l’informalité comme la marque de fabrique, la singularité et la spécificité historique de la ville africaine contemporaine »6 et placent alors cette dimension de l’informel comme une caractéristique principale à partir de laquelle il faut penser l’aménagement urbain. 34

1

Les ateliers de Cergy, Regards sur l’activité informelle dans les grandes villes africaines, Africités, Dakar, 2012

2

ibid 3

JÜTTING Johannes et LAIGLESIA D. « Is informal Normal ? », rapport de l’OCDE, 2009 4

ibid

5

BAUMANN Eveline, Sénégal, le travail dans tous ses états, economie et société, IRD édition, 2016

6

Les Ateliers de Cergy, Regards sur l’activité informelle dans les grandes villes africaines, 2012 7

LOMBARD Jérôme, « Les rues de Dakar : espaces de négociation des transports collectifs », Autrepart, 2004/4 (n° 32)


vendeurs ambulants dans une rue de Ngor Mai 2017

Le car rapide appartient à un réseau de transport en commun « clandestin » organisé par des groupements de citoyens, rue de Ouakam

© news-roads, 30 avril 2014

« Le transport artisanal, considéré comme informel par les pouvoirs publics et bailleurs de fonds tenant du transport officiel de personnes est pourtant le moyen de transport en commun le plus largement utilisé à Dakar et en banlieue. »7 (LOMBARD Jérôme)

35


APPROPRIATION DE L’ESPACE PUBLIC La ville africaine en général, Dakar en particulier est caractérisée par une forte appropriation de l’espace public par les citadins. Vendeurs ambulants, échoppes le long des boulevards, atelier d’artisans sur le trottoir ou bien habitat précaire s’installent sur tous les espaces disponibles. L’occupation de l’espace public a lieu suivant des temporalités variables, de quelques heures à plusieurs années. On observe des occupations relatives à tous les aspects de la vie urbaine : commerce, habitat, production, loisir ou détente. Cette pratique de l’espace est inhérente à l’art de vivre en Afrique de l’Ouest. Si on se réfère à la forme vernaculaire villageoise, on constate bien souvent que la « maison » sert simplement à dormir à l’abri. Toutes les activités de la vie quotidienne et les interactions sociales prennent place dans la cour des concessions et par extension avec la vie urbaine dans la rue. Cependant, les difficultés face à l’emploi, la hausse de la pauvreté et les migrations rurales ont considérablement renforcées la présence de ces activités informelles de l’espace public, depuis les années 80 environ. Ce déploiement d’activités économiques informelles est permis grâce à la « flexibilité de l’espace public africain. »1 L’espace public est donc un terrain de possibilités, et peut aussi devenir le lieu d’implantation d’initiatives citadines.

36

Cuisine entre femme rue baffa Sene, Médina Mars 2018

1

CHENAL J., PEDRAZZINI Y., CISSE G. et KAUFMANN V., Quelques rues d’Afrique, Observation et gestion de l’espace public à Abidjan, Dakar et Nouakchott, Lausanne, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Les Editions du Lasur.

occupations ménagères


Fabrication

Jeux

Vente

atelier de ferronerie, rue 39 Médina Mars 2018

jeux apres l’école, avenue Bourguiba Mars 2018

Le marché malien, avenue Blaise Diagne Mars 2018

37


UNE RICHESSE D’USAGES SUR LA CORNICHE DE DAKAR LA PÊCHE TRADITIONNELLE : UNE ÉCONOMIE HISTORIQUE STRUCTURELLE AU COEUR LA VIE QUOTIDIENNE AFRICAINE

ET

La consommation de poisson par habitant au sénégal est l’une des plus importante au monde. L’essentiel de l’offre est assuré par la pêche artisasnale. la pêche artisanale contribue a 11% du PIB primaire national, 400 000 Sénégalais en vivent.1 La région de Dakar est la troisième région de pêche du Sénégal. La façade atlantique confère à la région un microclimat favorable aux remontées d’eaux profondes source d’enrichissement des eaux. Dans la région de Dakar, la pêche artisanale est pratiquée essentiellement par la population Lébous2 et permet d’approvisionner le marché local en en assurant presque entièrement la consommation. Les lébous sont le plus ancien peuple habitant de Dakar, colonisant la presqu’ile dès le XV ème siècle. C’est un peuple d’agriculteurs et de pêcheurs. Avec la monté de l’urbanisation, ils ont petit à petit abandonné l’agriculture au profit de la pêche. En 2013, la région de Dakar compte 4 318 pirogues dont 3 660 pirogues locales et 658 pirogues saisonnières. L’enquête de l’UEMOA recense pres de 10000 pêcheurs sur la presqu’ile du cap vert faisant vivre 100 000 personnnes.3 Cette importance « structurelle » du secteur de la pêche dans la vie quotidienne sénégalaise explique son maintien au cours du temps dans l’espace urbain malgré la volonté politique de « modernisation » de la capitale. L’activité de pêche artisanale repose sur une division du travail par sexe : les hommes à la production, les femmes à la commercialisation et à la transformation. Sur la corniche on trouve 5 espaces liés à l’économie de la pêche, ce sont toujours des criques ou des plages associées à un village dit « traditionnel ». Cette appellation s’expliquant par leur présence antérieure à l’urbanisation de Dakar. Les sites dakarois sur la corniche Ouest sont : - la crique de l’anse Bernard à Plateau en contrebas du palais présidentiel où vivent une cinquantaine de pêcheurs et leur famille. - La Baie de Soumbédioune qui compte 1000 pécheurs pour 310 pirogues. - Les 3 villages traditionnels de Ouakam (500 pécheurs, 150 pirogues), Ngor , et Yoff. Ces plages sont aussi des lieux de culte mélant animisme et islam. 38

1

Direction des pèches maritimes in Sénégal export, la pêche et les ressources halieutiques au sénégal, 5 septembre 2016 disponible sur : www.senegal-export.com

2

FAO, Vue générale du secteur des pêches national - république du Sénégal, janvier 2008 disponible sur :

3

UEMOA, La pêche maritime artisanale au Sénégal, enquete de 2014 disponible : http:// atlas.statpeche-uemoa. org


schéma des villages aujourd’hui quartiers de Dakar de pêcheurs Lébous

Anciens villages Lébous aujourd’hui quartiers populaires où continue de prospérer une économie de pêche artisanale piroguière 20 km

un pécheur et sa femme

reprise de dessin personnel, avril 2017

écailler et vider le poisson

reprise de dessin personnel, avril 2017 39


MÉTIERS DE L’INFORMEL LES CANTINES : NOURRITURE DE RUE POUR LES TRAVAILLEURS

Manger partout et à toute heure est possible à Dakar grâce aux femmes restauratrices de rue. Ces restaurants ou gargotes s’installent dans tous les espaces où la demande est réelle. La plupart se trouvent donc dans des espaces d’affluences (gares routières, marchés, etc. …). Ils sont faits de draps, carton ou tôles ou bien occupent des locaux désaffectés. Ces installations ne répondent souvent à aucune norme de sécurité. Les restauratrices servent des repas aux chauffeurs, apprentis, ouvriers et artisans qui n’ont pas le temps de rentrer déjeuner chez eux. Elles servent aussi les commerçants, marchands du quartier ou ambulants ainsi que tous ceux qui en éprouvent le besoin. Ces restaurants offrent une variété de plats traditionnels à des prix raisonnables, et une flexibilité dans l’heure de service. Malgré l’occupation irrégulière de la voie publique qu’elles produisent, ces femmes restauratrices contribuent à assurer la sécurité alimentaire des dakarois par la disponibilité, l’accessibilité et la stabilité de leur présence. La restauration de rue est confrontée à des difficultés notamment en termes de légitimité au niveau des autorités locales1, d’accès au micro crédit, etc...

1

Les ateliers de Cergy, Regards sur l’activité informelle dans les grandes villes africaines, Africités, Dakar, 2012

LE COMMERCE DE RUE

2

A Dakar, tout se trouve dans la rue. Les marchands ambulants de Dakar sont en majorité issus de l’interieur du pays, aussi bien des autres villes du Sénégal que du monde rural, attirés par l’importance de la capitale. La venue dans la capitale est motivée par la précarité de leur situation liée au chômage et beaucoup sont en attente d’autre opportunité.2 Une partie non négligeapble de ces commercants sont issu de migration internationale. Il éxiste en réalité un tres grand nombre de marchands rue qui peuvent etre catégorisé en fonction de la nature la marchandise vendue, de sa provenance géographique, des techniques de vente adoptée.3 Ces typologies révelent diversité des pratiques spatiales des marchands.

40

de de et la

KHOUMA Mamadou, Commerce et gestion de l’espace urbain à Dakar. Enjeux logiques et stratégie des acteurs, thèse de géographie, université du Havre, soutenu le 12 septembre 2017 3

ibid


Le vendeur de cafĂŠ touba

reprise de dessin personnel, mai 2017

41


L’ARTISANAT

Le secteur de l’artisanat revêt une grande importance dans l’économie nationale du Sénégal et dans l’économie des familles. Il occupe près de 20% du produit intérieur brut du pays et occupe au moins 1,5 Millions de personnes. 120 corps de métiers sont répartis en trois groupes : - L’artisanat de production (on classe dans ce groupe les tailleurs, menuisiers et maçons) qui représente 68% du secteurl - L’artisanat d’art (qui comprend les maroquiniers, bijoutiers, sculpteurs, peintres d’art) qui représente 18%, - L’artisanat de service (où l’on retrouve les coiffeurs, mécaniciens, électriciens, plombiers, tourneurs, fondeurs) qui représente 15%. L’artisanat est historiquement lié à un système de castes et d’ethnies permettant l’organisation et le bon fonctionnement de la société villageoise.2 Par exemple, pour le travail du cuir, ce sont traditionnellement certaines communautés qui effectuent le travail. Chez les Wolofs, ce sont les Woudés. Pour les Diolas et les Bassaris le travail est effectué par les artisans des peuples voisins : les mandingues et les Malinkés. Chez les Peuls et les toucouleurs, le travail du cuir est confié à deux castes : les cordonniers appelés Garankobés et les bourreliers, les sakébés.3 L’artisanat constitue bien souvent une activité refuge. Elle appartient le plus souvent à une économie informelle familiale que l’on peut qualifier « de survie ». Les métiers se transmettent de père en fils sans passer par la formation professionnelle. Une majorité des artisans sont analphabètes et cette situation se reflète à travers l’absence de données statistiques fiables. Comme le dit le Directeur de l’Agence pour la promotion et le développement de l’artisanat, Amady Moustapha Thiam : « Dans chaque famille sénégalaise, vous trouverez un ou deux artisans ».4 Une des faiblesses de ce secteur est liée au manque d’outils modernes les empêchant d’augmenter la production et d’avoir accès à de nouveaux marchés. La compétitivité des artisans réside dans la satisfaction des besoins particuliers en proposant une offre sur mesure en fonction de la commande.5 C’est donc un artisanat de service sur mesure peu connu et peu productif qui a des difficultés au niveau de la commercialisation aussi bien dans le pays qu’à l’exportation. Il nécessite un véritable renforcement technique. Les artisans doivent être mieux outillés. Selon Amadou M. Sarr, Directeur du CPAR, cette modernisation doit s’appuyer sur un dispositif de formation qui tienne compte de la spécificité de chaque secteur.6

42

1

SYLLA Abdou, L’artisanat Sénégalais, presses universitaires de Dakar, Dakar, 2004

2

ibid

3

«Le coq chante :L’essor de l’artisanat au Sénégal » Sayouba Traoré, émission sur RFI, 1 décembre 2012

4

« Senegal : artisanat un moteur de la croissance »,in African business magazine, 20 juillet 2017 5

Les ateliers de Cergy, Regards sur l’activité informelle dans les grandes villes africaines, Africités, Dakar, 2012 6

Un artisanat compétitif et performant pour accompagner le PSE Le soleil online, 22 Janvier 2018


Dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE) une stratégie Nationale de Développement de l’Artisanat (SNDA) a été décidé pour moderniser ce secteur. Afin de satisfaire les objectifs du « Yoonu Yokkuté » c’est-à-dire le « chemin d’un véritable développement » prôné par le Président Macky Sall, il s’agit d’aller vers un artisanat de développement réellement intégré à l’économie, créateurs d’emplois et de richesse et facteur de développement culturel et touristique. Le chemin à parcourir est encore long : les artisans n’ont pas accès à de la formation ni à des outils leur permettant de moderniser leur technique de production. Ils ne sont pas non plus formés à des technique de commercialisation plus efficace à l’heure du numérique. A part les foires, il n’y a pas d’espace moderne vitrine de leur savoir-faire.

Les sculpteurs

reprise de dessin personnel, mai 2017

43


LES ACTIVITÉS DE LOISIRS POPULAIRES LE SPORT

Le sport est une activité très populaire dans la vie des dakarois et plus particulièrement dans celles des jeunes hommes (15-45 ans). La question du rapport au corps et à la forme physique est importante, elle touche à la question de la virilité et est signe de bonne santé. Ce rapport au corps découle de la pratique ancestrale de la lutte. A la fois pratique sportive, culturelle et sociale, la lutte est un phénomène immense au Sénégal. Comme le football, ce sport, devenu professionnel, est lucratif lorsqu’on devient une star dans la discipline. La lutte est perçue aujourd’hui comme un moyen d’insertion socio-professionnelle par beaucoup de jeunes. Ils la voient comme un moyen de reconnaissance1 et un moyen de s’extraire du milieu d’origine. Aussi, les jeunes garçons des quartiers populaires pratiquent un entraînement assidu chaque soir sur les plages. En plus de sa dimension sportive, elle intègre une dimension culturelle. Pour Khaly Sambe sociologue du sport, l’originalité de la lutte sénégalaise est contenue dans l’aspect mystique du combat et de sa préparation : « les lutteurs s’enduisent de produits, arborent des gris-gris, font des libations. »2 Les plages de la corniche sont aussi fréquentées par les joggeurs, les footballeurs et les étudiants qui viennent se joindre à ces activités. De manière plus générale, le sport est une valeur, synonyme de prestige.

LA FÊTE

Au nord de la corniche, la pointe des Almadies est connue pour ses activités de loisir et de détente. La journée cette partie de la corniche est réputée agréable car éloignée du coeur de ville très encombré. Au fil des ans, elle a été aménagée par des expatriés européens qui ont construits des cabanons et paillottes directement sur le front de mer.

44

1

LAWRENCE Pia Oline, Le rôle du sport pour les jeunes Sénégalais, Mémoire de master études asiatiques et africaines, UNIVERSITETET I OSLO, 2009

2

SAMBE Khaly, « Rites, mythes et symboles dans la lutte traditionnelle sénégalaise. Approche socio-anthropologique » in Présence Africaine 2011/1, N° 183


Ce modèle de plages couplées à des bars convient surtout à une clientèle occidentale et n’est pas du tout adaptée à la culture de l’islam. Ici, la corniche privatisée est particulièrement sélective. Cependant, il est très intéressant de noter la transformation nocturne de ces aménagements. En effet, la nuit, ces cabanons se transforment en lieu de fête pour la jeunesse de Dakar. Ils admettent différentes classes sociales même s’ils ciblent en priorité une jeunesse plutôt aisée. Ces espaces sont alors beaucoup plus inclusifs. Les frontières entre les classes, les origines et les religions semblent s’estomper à travers la musique et la danse. LES ÉVÉNEMENTS RELIGIEUX

L’identité de la corniche dans son ensemble est très marquée par l’islam (présence du cimetière musulman de Gueule Tapée, mosquée de la Divinité de la plage de Ouakam, espace de pèlerinage de la confrérie des Layène aux Almadies) et la culture Lébou avec les tombes de ses génies tutélaires. Il existe encore de nombreux pèlerinages sur la corniche. Les sites les plus actifs sont la Mosquée de la divinité sur la plage de Ouakam, la tombe de plusieurs marabouts (chef religieux) le long de la corniche des Almadies et le mausolée du chef religieux de la confrérie Layène à Ngor. 3

SIDIBE Isabelle, « Un territoire littoral dans l’espace politique, économique et religieux du Sénégal » in Espace populations sociétés, 2013/1-2 159-176

De nombreux sites de croyance ont d’ailleurs été désanctifiés et détruit par les travaux sur la corniche.(Terrou Bi, Pointe des Almadies, Cap Manuel) 3

45


CONCLUSION Doit-on penser que les usages observés et décris précédemment sont menacés de disparition par les agissements politiques sur la corniche ? Rappelons-nous, que c’est avant tout des dérives politiques et un idéal de modernité qui infligent les transformations actuelles. Cet idéal prend peu en compte les usages en présence. Il y a une mise à l’écart, une déconsidération de ces derniers et donc une fragilisation de leur existence. La persévérance de ces pratiques traditionnelles, populaires et le plus souvent informelles au milieu d’enjeux politiques et de transformations si contradictoires incite à montrer que la société sénégalaise est encore trop concernée par ce mode de vie pour qu’une disparition ou une destruction complète de ces pratiques soit envisageable. Le décalage saisissant entre modernité et tradition, qui s’affiche particulièrement sur la corniche de Dakar, est façonné par les problématiques plus larges de la planification, des formes urbaines « espérées » pour la ville africaine contemporaine et des modèles de référence appliqués. Pourtant la richesse de cette corniche (et de sa marge intérieure) repose sur le fait que cet espace reste vivant productif et integrateur. Ne s’agit-il pas plutôt de réveler la modernité dans la spécificité des pratiques économiques et sociales qui sont faites de cet espace public plutôt que de lui faire perdre son coté inclusif en le privatisant à outrance ?

46


47


CARTE DE LA CORNICHE N°2 :

PRATIQUES ECONOMIQUES, CULTURELLES ET SOCIALES

48



CHAPITRE III

RECONQUÊTE D’UN BIEN COMMUN

50


Apres avoir analysé le contexte et la multitude d’enjeux présents sur la corniche, je souhaite dans cette partie aborder la question de la sauvegarde et de la reconquête de ce littoral qui doit etre considéré comme un « bien commun » à tous les habitants de la ville. 1

MAGNAGHI Alberto, Les territoires du commun, entretien avec Alberto Magnaghi le 10 mai 2018, Métropoliques

2

LAMOTTE Alain, Regards geographiques sur Dakar, Géodakar, 2013, lewebpedagogique.com, consulté en décembre 2017

Cette Corniche de Dakar est un héritage vivant qui me parait être un patrimoine de communs par excellence. Comme l’explique Alberto Magnaghi, cette notion de biens communs à l’échelle du territoire sous-entend un urbanisme des usages. Mais cette valeur d’usage doit tenir compte de ce qu’il nomme la « valeur d’existence » car les ressources doivent perdurer pour les générations futures.1 C’est cette combinaison de valeurs d’usage et d’existence qui donne la possibilité de mettre en commun un patrimoine territorial. Elle s’oppose ainsi à l’utilisation du patrimoine dans le sens d’une appropriation privée. En effet, la population dans son ensemble se sent de plus en plus dépossédée de sa côte et les usages qui «résistent» à la pression de la privatisation, bien que vivaces sont fragiles.2 Les pratiques évoluent majoritairement dans un secteur informel peu considéré par les puissances publiques et s’établissent dans des conditions qui restent précaires. Les activités économiques de vente ou de production sont réalisées dans de faibles conditions d’hygiène, de sécurité, avec peu de moyens et d’équipements. Aussi il existe un réel besoin d’accompagnement et de soutien pour maintenir ces activités dans des conditions décentes et ne pas rompre avec ces usages populaires et traditionnels qui participent du patrimoine et de la culture sénégalaise mais qui constituent aussi un atout pour l’attractivité future de la capitale et une force pour l’économie sénégalaise. Sans faire l’impasse ou aller à l’encontre des puissances publiques, ne peut-on pas imaginer aujourd’hui que cellesci trouvent un intérêt à une reconquête du littoral par un accompagnement des usages et un soutien au dévéloppement des pratiques informelles et traditionnelles ? 51


LA REMISE EN QUESTION D’UNE PLANIFICATION URBAINE VERTICALE EN AFRIQUE DE L’OUEST Jérôme chenal, spécialiste de la planification urbaine en Afrique de l’ouest, explique comment « les « grands plans » d’urbanisme n’ont pas disparu et continuent à être mis en place dans les Ministères des différents Etats d’Afrique de l’ouest. ».1 Ses recherches se basent sur l’analyse de trois villes, Dakar, Abidjan et Nouakchott. Son analyse montre la présence dans les plans « des bailleurs de fonds internationaux, des grands courants de pensées actuels, mais également de la modernité comme objectif de développement. »2 Pour le chercheur, Dakar met en place le modèle de la ville « moderne ». Le modèle de Dubaï et ses autoroutes, celui des villes sud-africaines qui représentent, dans l’imaginaire collectif, « la réussite d’une Afrique noire dans l’économie mondiale. »3 Ce modèle est appliqué par les élites aux pouvoirs. En effet, la plupart des décideurs ont été formés à l’étranger dans de grandes écoles internationales. Ils ont rapporté les modèles appris durant leurs études. Jérôme Chenal montre alors que l’application de ces modèles avec la reprise des schémas ségrégatifs et la prise en compte d’un individu type pour qui la ville serait planifiée, crée un « réel décalage avec les dynamiques urbaines et les stratégies formelles ou informelles des populations. »4

1

CHENAL Jérôme, « Les villes africaines en quête de nouveaux modèles urbanistiques »,in Métropolitiques, 29 avril 2015 2

Ibid 3

CHENAL Jérôme « Planifer la ville versus planifier l’idée d’une ville », Laboratoire de sociologie urbaine, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, juin 2016 4

Ibid

Analyse des problèmes liés à la gestion de la planification urbaine mené à l’occasion du PDU Horizon 2035. reprise du tableau d’analyse de la Direction de l’urbanisme publié dans le chapitre 10 du rapport final - vol II du Plan Directeur d’Urbanisme de Dakar et ses environs horizon 2035, janvier 2016

52


La planification urbaine est donc contrariée (comme sur la corniche avec la présence de ces usages traditionnels, informels ou populaires) ou mise en échec (par une planification prise de cours par une construction anarchique dans les quartiers périphériques) lorsqu’elle continue de suivre des méthodes de référence, souvent déjà anciennes, inadaptées au contexte africain actuel. Cette situation de décalage entre la réalité de la ville africaine et les modèles recherchés est cependant de plus en plus critiquée.

5

KOOLHAAS Rem, CLEIJNE Edgar, Lagos : how it works, lars müller publishers, 2007 6

CHENAL Jérôme « Planifer la ville versus planifier l’idée d’une ville », Laboratoire de sociologie urbaine, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, juin 2016

Quelques voix s’avancent pour promouvoir l’informel comme forme future pour les villes africaines. Rem Koohlaas en est le représentant le plus médiatique avec ses réfexions sur la ville de Lagos au Nigéria.5 Cependant pour Jérôme Chenal, les villes africaines se situent entre ces deux positions extrêmes des « standards de modernité inadaptés » d’un côté et de l’autre, d’une « vision romantique de la ville informelle qui fait l’apologie de la pauvreté comme mode de gestion. »6 Après avoir constaté les échecs du plan directeur d’urbanisme à l’horizon 2025, la ville de Dakar a cherché à analyser les problèmes liés à la gestion de la planification urbaine afin d’en tenir compte dans son nouveau plan directeur à horizon 2035 publié en janvier 2016. Le schéma ci dessus, repris de l’étude publiée en 2016 par la direction de l’urbanisme, résume les principales défaillances du plan directeur de 2025. Comme on le voit elles portent principalement sur la non prise en compte des besoins de la population et la mauvaise communication et informations des pouvoirs publics avec sa population. Ce tableau méthodologique présente une réelle remise en question des méthodes qui peuvent nous permettre de croire que les puissances publiques commencent à s’intéresser à de nouveaux outils pour la planification ou la fabrication urbaine.

53


Concernant la corniche de Dakar, on remarque aussi la construction d’une opposition qui s’organise à travers plusieurs comités et association de scientifiques, urbanistes, architectes et habitants. (SOS littoral, PERL, Océanium de Dakar) Ces nouveaux acteurs commencent à peser sur le nouveau gouvernement issu des élections de 2012. Celui-ci a donc lancé un plan d’aménagement de la corniche. Lors de mon second voyage à Dakar en décembre 2017, j’ai cherché à obtenir les plans et documents officiels de la corniche. Pour cela je suis allée dans plusieurs services d’urbanisme (la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture et le Ministère de l’aménagement du territoire et des collectivités locales). C’est lors de ces visites que j’ai appris que le plan d’aménagement n’avait toujours pas été validé, celui-ci n’étant plus dans les priorités actuelles de l’Etat qui se focalise sur le développement de la ville nouvelle de Diamniadio. Les documents existants ont le mérite de poser la question de l’avenir de la corniche mais ils semblent aussi se contredire entre eux. Autant les notices de recommandation, qui sont produites par des spécialistes de l’environnement, proposent une vision stratégique plutôt « radicale » en dénonçant une situation d’urgence, autant le plan d’aménagement proposé reste lui extrêmement classique, avec un zoning et une orientation fonctionnelle pour chaque zone sans aucune garantie affichée d’inconstructibilité de la zone. Les orientations données sont d’ailleurs calquées sur les fonctions présentes aujourd’hui. Le plan entérine et valide donc la situation actuelle de la corniche au lieu de prendre des mesures plus originales et radicales en faveur de la préservation de son littoral, bien commun, aujourd’hui menacé. Ce plan directeur reste donc largement contesté associations d’usagers qui en ont eu connaissance.

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Le zoning n’est pas la Parc bonne sportif solution Zone de Pêche lorsqu’il s’agit d’établir équilibre Zone un de Pêche entre une planification ouverte permettant le réinvestissement des citoyens dakarois dans un territoire emblématique de leur ville et un développement infrastructurel important. Les puissances publiques ont en effet ce rôle de pouvoir apporter un développement structurel et technique sur l’acces aux réseaux, la lutte contre la pollution, ou l’apport d’équipements publics.

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Tourisme et Loisirs Tourisme et Loisirs Zône d'Aménagement Spécial Zône d'Aménagement Spécial Zone Militaire Zone Militaire

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200 400

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M

100 300

qu

0 200

os M

0

Extrait du plan d’aménagement de la corniche Ouest, Ministère du renouveau urbain de l’habitat et du cadre de vie et direction de l’urbanisme et de l’architecture

Projection: UTM Projection: UTM Zone 28 N Source: DUA Source: DUA Réalisation: DUA Réalisation: DUA / DCSU 2

les noms utilisés tels « espaces verts », « zone touristiques » sont dérisoires face à l’étendue du territoire et son enjeu d’espace public et bien commun à préserver.

55


RECONSIDERER DYNAMIQUE

LE

POTENTIEL

D’UN

ESPACE

PUBLIC

On remarque donc l’apparition de plus en plus importante d’un regard critique sur la ville de Dakar et son devenir; analyse qui va de pair avec un questionnement sur la spécificité du contexte africain. Les qualités de flexibilité et malléabilité de l’espace public africain ne sont cependant pas envisagées par les pouvoirs publics comme une force. On retrouve encore le décalage évoqué par Jérôme Chenal entre la réalité de la vie africaine et les aspirations des puissances publiques planificatrices. En Europe et dans le monde occidental il existe une curiosité et une réflexion de plus en plus importantes autour de l’espace public en tant qu’espace bien collectif qui doit être créé par et pour l’usager et l’habitant1. Depuis les années 1970, des positions et expérimentations sont nées autour de la participation citoyenne pour la création de la ville (l’urbanisme tactique, l’acupuncture urbaine ou la notion d’empowerment appliqué à l’urbanisme et l’architecture.)2 En Europe, ces méthodes « alternatives » de participation citoyenne ont peu à peu intéressées la puissance publique. Nées de mouvements citoyens et mises en place dans une autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics par l’expérimentation et l’auto-gestion, elles sont peu à peu apparues comme de nouveaux outils de fabrication urbaine pour la puissance publique. Cette demarche peut s’illustrer par l’exemple parisien du réaménagement de la place de la Bastille depuis début 2017. Le projet est coordonné par le collectif Bastille3, une équipe de maîtrise d’œuvre qui rassemble plusieurs expertises professionnelles et collectifs spécialisés dans des démarches participatives avec la mise en place d’enquêtes et d’ateliers sur les sites pendant la conception. (voir illustration page suivante) A Paris, l’intéret de ces alternatives est aussi visible dans l’expérience des Grands Voisins qui a été autorisé a occuper temporairement l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul à Paris. Depuis 2015, l’initiative constitue un laboratoire urbain mélant hébergements d’urgence, animation publique, production artistique et pépinière d’entreprises et d’associations. Dans ce deuxieme exemple on voit que la mixité et l’intensité des activités qui s’y sont développées ont favorisé la naissance d’un écosysteme basé sur « la fabrique de bien communs. »4 En Afrique, où l’apparition de cette réflexion pourrait sembler évidente tant le milieu est naturellement propice, ces expériences restent rares de la part des pouvoirs publics. Les actions passent majoritairement par le bâtiment, acte architectural qui vient incarner un programme de soutien aux communautés. 56

1

GROSJEAN Bénédicte. «L’urbanisme bottomup : l’immersion du concepteur et l’émergence du projet»​ . X. Guillot (dir.). Ville, territoire, Paysage. Vers un nouveau cycle de pensée du projet , Presses Universitaires de St-Etienne, pp.148-155. 2

ces thèses sont définies et illustré par des exemples dans les pages suivantes

3

Collectif Bastille, collectifbastille. wordpress.com, consulté le 26 avril 2018

4

lesgrandsvoisins.org


Compte tenu du contexte africain et du renouvellement de la pensée de la gouvernance, un tel cheminement est-il aussi possible ? « Reprenons la bastille ! »

illustration de l’experience parisienne de co-conception ( cité page précédante )

« Le collectif Bastille vous convie à la co-conception de la place. Ateliers, séances de travail et événements se succèderont pour amorcer et préfigurer les aménagements à venir. La démarche consiste à tester et rendre possible la diversité des usages de la place, du quotidien aux grands rassemblements. Le collectif Bastille vous propose de passer à l’acte en considérant la place comme un laboratoire grandeur nature »1

Carte des perceptions de la place et ses abords © collectif Bastille, 3 Mai 2017 5

LYDON Mike et GARCIA Anthony, Tactical urbanism,Short term action for Long term change, island press, 2015 6

BOUTLEUX Dimitri, « Faire la ville autrement grâce à l’urbanisme tactique », in Place Publique, Rennes, Mai-juin 2015 7

LERNER Jaime, Acupuncture urbaine, L’harmattan, Paris,2007 8

ibid

L’urbanisme tactique et acupuncture urbaine L’urbanisme tactique est né en 2005 à San Francisco, sous l’impulsion d’un collectif d’habitants, d’artistes et d’urbanistes, il est ensuite théorisé par l’urbaniste américain Mike Lydon.5 Il repose sur trois principes : l’intervention à petite échelle, le court terme et le faible coût. Face aux nouveaux défis urbains, l’urbanisme tactique répond en misant sur l’expérimentation, « il cherche à donner du sens à « l’urbanisme des usages », à renforcer la démocratie participative et le sentiment d’appartenance à sa ville, à son quartier ».6 Il se rapproche beaucoup de l’acupuncture urbaine qui veut revitaliser la ville en appuyant sur des points particuliers. La ville est alors perçue comme « un organisme vivant sur lequel on peut pratiquer de la médecine douce en appuyant sur des points névralgiques ou zones géographiques. »7 La théorie a été mise en pratique par Jaime Lerner8 urbaniste à Curitiba au Brésil, lorsqu’il en était le maire (3 mandats de 4 ans entre 1971-1992). La réhabilitation et revitalisation de la ville ont été reconnu comme un succes par les habitants et les pouvoirs publics. Cette théorie urbaine est donc beaucoup étudiée et utilisée dans les Etats Sud américains notamment pour désenclaver et developper les quartiers favelas. 57


Architecture pour l’empowerment Le travail de l’architecte sud-africaine, Carin Smuts, illustre une réfléxion africaine sur l’architecture comme outil d’empowerment. C’est à dire que l’architecture devient pour elle un acte qui permet de « donner davantage de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés. »1 Révolté contre l’apartheid dans son enfance, « elle souhaite mettre son expérience au service des communautés noires paupérisées, et utiliser l’architecture comme un levier du développement. »2 Pour ce faire, elle accorde une attention minutieuse aux populations pour qui elle concoit. Elle explique pouvoir passer plusieurs années à comprendre une situation avant d’entamer le projet. Dans ces conditions, l’architecture devient « un procédé interactif et participatif, c’est-à-dire un outil puissant à tous les niveaux de conception, car il permet à tout le monde d’avoir son mot à dire. »3 Ces observations des usages et cette participation à la conception voire a la construction, apparaît pour elle comme le meilleur le moyen d’assurer la pérennité d’une construction et d’en garantir la durabilité qui « tient plus aux personnes qu’aux bâtiments. »4

© CS STUDIO ARCHITECTS, 1995

Community development eerste treetjies community centre, Kommaga, Namaqualand, Northern Cape Province.

58

1

ZAPPI Sylvia, « L’empowerment, nouvel horizon de la politique de la ville » dans Le Monde.fr, 7 février 2013 2

NAMIAS Olivier, « Carin Smuts, la participation constructive », dans D’architectures, n°183, juin 2009 3

ibid, SMUTS Carin interviewé par NAMIAS Olivier 4

SMUTS Carin in MICHEL Nicolas, « Afrique du Sud : Carin Smuts, guérir la société à travers l’architecture », dans Jeune Afrique, 25 août 2014


UN URBANISME DES USAGES

5

Le bien commun désigne l’idée d’un bien patrimonial partagé par les membres d’une communauté, au sens spirituel et moral du mot « bien » aussi bien qu’au sens matériel et pratique (les biens) (https://fr.wikipedia. org/wiki/Bien_commun)

Le littoral fait la richesse d’une ville, surtout pour une ville comme Dakar qui est une presqu’île constituée de plus de 15 km de corniche et de nombreuses plages. Espace a la fois symbolique, au fort pouvoir d’attractivité, offrant une qualité paysagère unique, mais aussi espace de rencontre permettant des usages multiples. Au coeur de la vie des citoyens, il constitue donc un territoire sur lequel il est particulierement intéressant d’appliquer une approche qui garantisse sa durabilité et sa résilience et préserve la notion de bien commun.5 Il m’est donc apparu au cours de mes recherche qu’une approche basée sur un urbanisme des usages serait adaptée au littoral dakarois pour tenter de préserver ce qui peut encore l’être. C’est dans ce but que dans mes deux premières parties, j’ai essayé de comprendre à la fois les vulnérabilités d’un tel territoire et de les confronter aux usages et aux modes de vie des citoyens. En croisant ces deux composantes et en se basant sur des enquêtes permettant de mieux définir les besoins des usagers, on peut alors faire des propositions plus pertinentes que des aménagements destinés aux plus riches et à de futurs touristes. (D’autant que c’est certainement ignorer la modifiction des attentes touristiques.) Ainsi pour proposer une réhabilitation et un accompagnement adapté, une démarche plus pertinente consisterait en les etapes suivantes: - Identifier les forces et faiblesses, ainsi que les besoins à travers des enquêtes de terrain. - Identifier les modes de vie et les pratiques des citoyens dans une approche socio-ethnographique. - Proposer des bâtiments, dispositifs, design urbain adaptés aux besoins présents et à venir et qui laissent une place aux potentiels créatifs et imaginatifs des habitants et usagers de l’espace public. - Proposer des solutions financables à des coûts abordables. (matérieux, maintenance) - Se placer dans une perspective qui prennent en compte les transitions écologiques, énergétiques et numériques.

59


OBSERVER LES FORMES SPATIALES VERNACULAIRE POUR PROPOSER DES ACTIONS ADAPTEES. Pour proposer une architecture et des formes urbaines adaptées aux usages urbains de Dakar, il faut aussi étudier les formes spatiales traditionnelles et populaires du Sénégal et de la capitale. Ce regard sur les qualités des formes vernaculaires ou populaires peut nous permettre de correspondre aux modes de vie et permettre une adoption des équipements par les usagers. Deux éléments nous paraissent particulièrement important aux regard des spacialités vernaculaires sénégalaises : la cour et la notion de seuil. La cour La concession sénégalaise traditionnelle, quelque soit les ethnies, est composée de cases individuelles disposées autour d’un espace commun central. Dans la concession sénégalaise le famille vit dans un regroupement de cases. C’est ce système qui est considérée comme le cadre de vie. La case en elle même n’en étant qu’un partie abrité de l’habitat. Le coeur de vie ne se situe pas à l’intérieur d’une case mais à l’exterieur dans l’espace de cour intérieur. La de de et

cour centrale est relativement fermée à l’espace public la rue. Jean Paul Bourdier a montré le coté introspectif la concession sénagalaise1 qui est ouverte vers son centre plutôt fermé sur l’exterieur.

Pour passer de l’espace public de la rue vers l’espace commun de la cour puis à l’espace privé des cases, et de l’exterieur à l’interieur il existe un certain nombre de seuils.

1

BOURDIER Jean-Paul et MINH-HA Trinh T, Habiter un monde, architectures d’Afrique de l’Ouest, Alternatives, Paris, 2005

Les seuils Comme le fait remarquer Marie d’Oncieu dans son analyse des plans des concessions traditionelles recensées par P.Dujarrick en 1986, les concessions sénégalaises sont caractérisées par une gradation des espaces. « La fluidité du plan de la concession est en réalité marquée par de nombreux seuils. »2 Ils permettent de créer la transition entre l’espace public flexible et appropriable, l’espace commun et dynamique de la cour, et celui plus intime du noyau familiale dans la case. Les transitions sont marquées par des paliers, des changements de matérialité, des espaces couverts, des demi-murs.

60

2

D’ONCIEU Marie, « Adapté adaptable », mémoire de dîplome d’architecture, ENSA Paris Malaquais, soutenu en juin 2017


Spacialité d’une maison Wolof à Mbayene, au nord de Dakar

© Patrick Dujarric, Maisons sénégalaises, 1986

Seuil 3 : Clotures hautes

L’architecte Jean Dujarrick a conduit pour l’Unesco une étude des formes spatiales de l’architecture vernaculaire sénégalaise. Il a étudié les concessions familiales et les villages de toutes les ethnies du pays. On retrouve certaines caractéristiques qui correspondent à toutes les ethnies. En particulier la cour et les seuils privé/public, intérieur/extérieur.

Seuil 3 : Cases avec porte, Clotures ouverte vers le hautes centre de la Seuil 4 : concession Espace ouvert couvert

Seuil 5 : Recoin Seuil 1 : Entrée unique étroite Seuil 2 : Mur face a l’entré, cache la cour des regards extérieurs 61


Cette organisation spatiale de cour et de seuil dans la concession vernaculaire se retrouve par analogie dans le bâti des quartiers populaires de Dakar. La parcelle familiale est constituée de plusieurs petites maisons autour d’une cour. La concession est souvent habitée par une famille élargie qui comprend plusieurs foyers, celui des parents, ceux des fils mariés, souvent ceux de frères, oncles, soeurs et filles encore célibataires. Les membres de la familles et ses foyers qui le composent habitent chacun une petite maison et vivent en commun dans la cour. La porte de la concession est ouverte sur la rue durant la journée. Les déplacements entre les espaces sont libres et fluides et correspondent aux activités réalisés. (la cuisine dans la cours, la vente à l’exterieur, discution de voisinage dans la rue, moment de détente entre femme dans la cour, repos dans les cases etc...) Transposition des espaces traditionels dans l’architecture populaire dakaroise Cour intérieure

vue axonométrique de la concession dans le quartier de la Médina

R ace ue qu ar d’i nte tier rac tio de la ns soc Médi ial na es éla rgi

Espace collectif recentré sur les membres d’une communauté

Esp

62

es


vue perspective

La porte de la concession est ouverte, on entre et sort de la cour librement

La cour, lieu des affaires domestiques

construction précaire annexe dans la rue pour une activité économique supplémentaire. (vente, atelier, elevage)

L’arbre central, ombre et fraicheur pour les taches quotidiennes

Le seuil de la maison

boutique sur rue, l’activité commerciale d’un membre ou plus de la famille Les plats préparés dans la cour sont parfois vendus dans la rue

63


Plusieurs architectes africains contemporains adoptent cette démarche de placer l’ethnologie et les formes spatiales traditionelles des l’iniciation de la conception. L’architecte star burkinabé Francis Kéré en a fait son mantra, il travaille pour réhabiliter l’architecture dites « vernaculaire ». Dans ses projets, qui permettent aussi le développement local, il travaille avec les formes, les matériaux et les techniques vernaculaires pour créer des lieux réellement contemporains. Au Sénégal, cette reflexion est portée par l’architecte Mamadou Jean Charles Tall1 mais les réalisations concrètes sont plutôt l’oeuvre d’architectes étrangers ou expatriés. THREAD, village culturel et résidence d’artiste, Sinthian dans l’est du Sénégal. Toshiko Mori architectes

Thread program diagram, © TMA, 2015

Sinthiam, © TMA, 2015 Le projet se réfère à la cour et à l’impluvium de Casamance. Les activités se déploient autour d’un espace central fédérateur.

64


L’école des sables, école de danse africaine de Germaine Acogny Utilisation des seuils, Toubab Dialow banlieue de Dakar Ariane de Monbrison architecte

espace de danse extérieur © école des sables, 2010

les maisons regroupées évoquent l’organisation d’une concession

un espace extérieur isolé

© A&D, 2003

© école des sables, 2010

Le projet se constitue de l’école de danse et d’un village d’hébergement pour les danseurs en résidence. « le climat implique de travailler les espaces rextérieurs autant que les intérieurs. Les maisons sont organisées en petit groupe autour d’espaces extérieurs séquencés par des pares-vue végétaux ou minéraux pour favoriser l’intimité ou l’échange » Ariane de Monbrison

65


CHAPITRE IV

RÉVEILLER SOUMBEDIOUNE

66


Mon analyse urbaine menée dans les premières parties du mémoire m’a permis d’identifier le long de la corniche des zones qui meriteraient que l’on se penche sur leur avenir. l’analyse permet de repérer à la fois les zones les plus vulnérables qui doivent être préservées d’un bétonnage excessif et de nuisances environnementales et sanitaires mais aussi de répertorier les usages traditionnels aussi bien économiques que socio-culturels qui s’y déroulent. Certaines zones (présentées dans la deuxième carte dépliante à la fin de la partie 2) particulièrement actives, vivantes et aux usages multiples, m’ont paru plus particulièrement intéressantes pour y concevoir une stratégie d’urbanisme tactique qui soutiennent un développement local et durable. Les sites repérés sont la baie de pêcheurs de l’anse Bernard au sud de la corniche, la baie de Soumbédioune, les plages de l’université, les plages de pêche et de culte du quartier populaire de Ouakam, la plage de loisir des mamelles et la pointes des Almadies à l’extrême nord de la corniche. L’approche urbaine par le biais des usages n’est néanmoins pas exhaustive et peut être envisager comme un cadre d’analyse sur l’ensemble du territoire. Parmi les sites repérés, j’ai décidé de mettre en œuvre l’approche méthodologique ciblée, présentée dans le précédent chapitre, sur la baie de Soumbédioune et son quartier attenant de la Médina. Situés à la sortie du Plateau, centre historique et administratif, la baie et la Médina sont des lieux populaires où prennent toujours place de nombreuses activités traditionnelles. Cette zone est particulièrement dynamique et productive grâce à ses marchés (poissons, artisanat d’art) et ses ateliers artisanaux (menuiserie, ferronnerie). En plus de ce fort potentiel économique, la baie renferme l’ensemble des problématiques abordées au cours de l’étude du littoral dakarois. Elle connait en effet des problèmes environnementaux (érosion, pollution), des enjeux politiques et une pression immobilière forte due à sa proximité avec le centre-ville historique, des enjeux d’espace public (circulation, aménagement, signalisation, connectivité), et enfin d’attractivité en particulier touristique. Je me suis rendue 5 jours dans le quartier de la Médina lors de mon second voyage à Dakar en mars 2018. Mon objectif était de passer du temps sur le terrain afin de recueillir auprès des acteurs de cette économie formelle et surtout informelle leur constat et leur craintes quant à l’avenir du site et d’identifier leurs besoins. J’ai donc passé chaque journée avec les artisans de la Médina et ceux du village artisanal de Soumbédioune pour comprendre leur façon de travailler et de commercialiser leur production. J’ai aussi rencontré les pêcheurs, les charpentiers de pirogues et la chambre des métiers. J’ai également cherché à rencontrer des habitants ainsi que les autres usagers, simples visiteurs ou touristes. Cette question de l’enquête, de la connaissance du lieu, de ses usages et ses usagers comme point initiateur du projet m’importe particulièrement et fait particulièrement défaut actuellement dans la course à l’urbanisation dakaroise. 67


HISTOIRE DE LA MEDINA ET DE LA BAIE DE SOUMBEDIOUNE La création de la médina de Dakar remonte à l’époque coloniale, en 1914 suite à l’épidémie de peste qui se déclare dans la ville (l’actuel Plateau, quartier du centre historique colonial). Le quartier est donc parmi les plus vieux de la capitale. L’épidémie de peste décida les autorités coloniales à repousser et reloger les populations indigènes hors du plateau dakarois où ils cohabitaient alors. Bruno Salleras1 a montré que l’épidémie de peste a servi de prétexte à une politique ségrégationniste matérialisée par un cordon sanitaire non aedificandi entre la ville blanche et le nouveau quartier indigène. Le peuplement se poursuit pendant les années 1920-1940 avec le développement du quartier et l’introduction d’équipement, écoles, marchés, hôpital. Il accueille alors de plus en plus d’arrivants qui n’appartiennent pas à la population Lébous, composée essentiellement de pêcheurs. Aujourd’hui le quartier de la Médina compte environ 30000 habitants. Le quartier se constitue en un plan simple en damier pour faciliter l’attribution des parcelles aux familles déplacées. Le bâti est caractérisé par le système de « concession », sur une parcelle (environ 20m x 20 m) attribuée à une famille, de petites maisons basses se déploient autour d’une cour. Le système de petites maisons permet à la famille de s’agrandir, aux nouveaux ménages issus des mariages des enfants de s’installer seuls tout en restant dans le cercle familial. Cependant avec la hausse du prix du foncier à Dakar, notamment dans les quartiers aujourd’hui centraux comme la médina, des immeubles de rapport de 3,4 ou 5 étages remplacent l’ancien bâti après le rachat des parcelles. Les appartements sont ensuite mis en location. Le type de bâti change donc de plus en plus vite, et l’aspect populaire est mis en danger par cette spéculation immobilière. Coté mer, le marché de Soumbédioune est né parallèlement à la création de la médina et son peuplement par les Lébous du plateau. Ils ont donc déplacé leur activité traditionnelle de pêche sur la baie de Soumbédioune attenante au nouveau quartier. Vers 1950 un marché s’organise grâce à l’union de pécheurs et de vendeurs de poissons. L’objectif est d’approvisionner en poissons la population de la Médina qui accueille désormais des populations non Lébous qui ne sont pas reliées à la pêche par la famille.

68

2

SALLÉRAS Bruno, La peste à Dakar en 1914 : Médina ou les enjeux complexes d’une politique sanitaire, Paris, EHESS, 1984


Au départ simple marché spontané se tenant sur la plage au retour des pirogues, il se régularise en 1981 sous l’impulsion de la mairie de Dakar, qui fait construire du mobilier en béton pour la vente et la conservation du poisson. Cependant, l’activité de vente sur la plage n’a jamais véritablement cessé. Aujourd’hui la plage abrite 310 pirogues et environ 1000 marins et produit près de 3.700 tonnes par an de poissons1. Elle fait travailler environ 6000 personnes lorsqu’on regroupe les charpentiers, les écailleuses, les transformatrices de poissons, les vendeurs, mareyeurs, les pêcheurs et leur apprentis. 2

NIANG Ndeye Astou, « Dynamique socioenvironnementale et développement local des régions côtières du Sénégal : l’exemple de la pêche artisanale », Thèse en Géographie, Université de Rouen, soutenue le 19 novembre 2009 2

FRENK Carine, « Sénégal: le roi du Maroc inaugure un quai de pêche financé par son pays », in RFI, 26 Mai 2015

En 2015 un projet de nouveau marché2 avec quai de débarquement est lancé. Aucun nouvel investissement n’avait eu lieu depuis 1981. Le projet est réalisé par le biais de financement marocain et comprend un quai, une halle de vente de poissons, un point de vente de fruits de mer et coquillages, des frigos, un magasin d’outillage de pêche, des bureaux ... L’architecture du projet proposé est assez éloignée des modes de travail familiaux et ouverts sur la ville que nous avons observés. Il risque de n’être pas assez inclusif et de ne pas convaincre certains pécheurs et clients. Le projet révèle cependant un nouvel intérêt de la puissance publique pour soutenir et développer l’activité artisanale de la pêche sur la corniche ouest de Dakar.

LES DIMENSIONS DU QUARTIER Aujourd’hui, le quartier de la médina et la baie de Soumbédioune se caractérisent par une convergence de problématiques urbaines. Le site a une dimension économique productive et commercante, une dimension patrimoniale et symbolique, mais aussi une dimension, publique et paysagere, et faire face a des problématiques environnementales. On repère 3 espaces de productivité : le marché aux poissons, le village artisanal sur la corniche et les rues de la Médina avec ses ateliers de menuiserie et ferronnerie. A Soumbédioune, la dimension économique est étroitement liée à une dimension symbolique des savoir - faire traditionnels.

69


exposition le long du canal des artisans menuisiers et ferronier de la Médina

nouvelle halle aux poissons, ouverture prévue en juin 2018

La Médina, quartier populaire spécialisé dans l’artisanat de fabrication (bois, métal)

arrivées des canaux IV et Gueule tapée dans la baie

pointe privatisée, parc Magic land

plage des pirogues, actuel marché aux poissons marché aux tissus et fripperies de Gueule tapée village artisanal, production d’objets d’art

cimetière musulman

70


La baie de SoumbĂŠdioune, le quartier de la mĂŠdina : un littoral productif et commercant

71


LE CADRE DE VIE PRECAIRE DES PECHEURS L’espace des pêcheurs accueille plusieurs activités qui s’entremêlent au sein d’un seul et même espace en plein air. A 10 h, un premier marché a lieu avec le retour des petites pirogues puis un second départ a lieu et un nouveau marché se tient après le retour des pirogues vers 18 h. Quand les pirogues sont en mer, ceux qui ne sont pas partis occupent les lieux : ils réparent les pirogues, démêlent les filets, se reposent, mangent, prient, etc.. La vie quotidienne se déroule en extérieur entre ville et mer. L’espace public autour du marché et des pirogues est toujours en activité. Cette effervescence s’accomode de l’espace disponible sans que rien ne soit organisé à cet effet. Les circulations, même piétonnes, sont donc difficiles. L’espace est rempli de pirogues en attente de réparation, de taxis en attente de clients, de charrettes à bras, de petits commerces ambulants, de vendeurs de café ou de restaurants de rue qui viennent se glisser dans les interstices libres. On trouve entreposé tout le matériel de pêche et de vente cassés, les frigos abandonnés ainsi que quelques moutons élevés par les pêcheurs pour augmenter leur revenu. L’architecture et l’espace marchand traditionnel africain doivent, néanmoins, désormais savoir intégrer de nouveaux objectifs programmatiques (norme d’hygiène, norme de conservation/réfrigération, infrastructures routières, parking, promenades paysagères et restaurant pour l’accueil du public) pour se maintenir aux normes et réduire la concurrence apparue ces dernières années par l’essor des centres commerciaux. Sur la corniche, le centre « Sea Plaza» s’est déjà implantés en 2008 à proximité de l’université et des centres commerciaux de plus en plus nombreux voient le jour à la pointe des Almadies. L’espace marchand contemporain doit réussir à faire la synthèse entre tradition et modernité pour résister. C’est sans doute cette idée qui a poussé à la construction de la nouvelle halle aux poissons. Le projet fourni par le gouvernement marocain est fermé sur l’espace public. Un mur d’enclos l’isole de la plage et de la ville. Les différents programmes sont organisés dans des bâtiments indépendants à l’architecture très close. Le marché s’éloigne, se détache de sa ville et va même jusqu’à couper la vue sur la baie et ce qui en fait sa typicité. Ainsi, bien que le projet propose tous les aménagements modernes d’hygiène et de performance qui manquent au marché actuel, il ne me semble pas correspondre totalement aux attentes et aux modes de vie de la communauté qui doit l’utiliser. On peut douter qu’il soit réellement apprécié sinon investi par les pêcheurs et les vendeurs qui ont l’habitude d’une organisation familiale, autour de la 72


pirogue, ouvert au passant coté ville comme coté plage. La même question se pose pour les clients et les visiteurs. On pourrait renforcer l’actuel projet par des équipements légers de conservation, de transformation et cuisson du poisson manquant à la nouvelle structure.

Halle au poisson

Marché de vente au détail

Vente article de pêche Magasins pécheurs

boxes jerrican

Plan du nouveaux marché aux poissons de Soumbédioune

Occupation hétéroclite de la plateforme de la Médina devant la plage de Soumbédioune mars 2018

73


La pêche étant actuellement en pleine évolution du fait de la construction de la nouvelle halle aux poissons, j’ai axé mon analyse de terrain et mes enquêtes autour des métiers de l’artisanat, de la production à la commercialisation. Comment proposer à partir de cette analyse un projet qui s’intéresse à cette valeur économique et ce riche tissu urbain pour permettre son maintien mais aussi son renouvellement. A partir de verbatim recueillis lors de mes entretiens ou relevés dans des interviews dans la presse, j’ai identifié les mots-clés me permettant d’etablir un diagnostic et de guider mes propositions.

LE VILLAGE ARTISANAL D’ATTRACTIVITÉ

DE

SOUMBÉDIOUNE

EN

PERTE

Le village artisanal de Soumbédioune est né au tournant de l’indépendance en 1961 sur une volonté du président Léopold Sédar Senghor à l’occasion du premier festival international des arts nègres. Il a pour principal objectif de promouvoir l’artisanat d’art du Sénégal et de valoriser les savoir-faire locaux. Le village est un moyen d’affirmer une identité sénégalaise à travers la production de ses objets traditionnels. Il a donc une forte valeur historique et symbolique. Le pari était de créer un lieu attractif pour un tourisme culturel. Le visiteur a ici la possibilité de voir les artisans travailler avant d’acheter. Initialement, le village avait aussi le moyen de former de nouveaux artisans dans le secteur formel. Aujourd’hui, le village accueille plus de 500 artisans et apprentis (dans le secteur formel) mais a perdu beaucoup de reconnaissance. Sont en cause le peu d’entretien des lieux, les dérives de gestion et d’organisation, l’endettement des artisans, la surpopulation et le manque de visibilité.1 Cette baisse d’attractivité s’est particulièrement renforcée depuis la construction de la nouvelle voie rapide de la corniche qui au niveau de la baie de Soumbédioune et de la Médina se transforme en tunnel dans le but d’éviter des ralentissements provoqués par l’encombrement de véhicules et de pirogues à ce niveau.

74

1

BA Amadou Sabar, « Dakar : Le Village Artisanal de Soubédioune s’éteint sous l’urbanisation », thisisafrica du 14 mars 2017


Arrière du village depuis la plage de Soumbédioune mars 2018

Entré du village isolée sur la droite mars 2018

Des ateliers de fortune mars 2018

75


Visibilité et communication « Parfois ce sont même les taximen qui disent aux touristes que le Village est mort. Ils n’ont pas tort. Il n’y a rien qui montre que le Village existe » Boubacar Sow, Artisan (annexe 1) « On te dit que c’est le berceau de l’artisanat, tu rentres et tu vois juste un marché. On ne comprend pas que c’est un lieu où les artisans travaillent. Il faut montrer ça. » Responsable des Couturières (annexe 4) « Il y a ici un grand atelier avec 60 à 80 personnes qui travaillent dans une zone un peu isolée du marché. C’est dommage, on peut pas les voir. » Pape Gayne, Responsable des sculpteurs (annexe 1) accessibilité « les clients ne viennent plus. Parce que depuis le creusement du tunnel, l’accès est difficile et les acheteurs préfèrent partir dans les marchés plus accessibles comme celui de la Patte d’Oie » Ousmane Pam, vendeur. (annexe 1) surpopulation Maintenant il n’y a plus de place. On a des petites boutiques. Au début c’était des grandes cases qui faisaient atelier et exposition. Maintenant les ateliers sont regroupés et on a des boutiques pour la vente. (annexe 1) Infrastructures et services « Il faudrait bien sur du matériel plus moderne et une infirmerie ! On a besoin d’un espace d’exposition aussi où l’on peut transporter nos plus beaux objets pour les vendre ». Moahamadou Waiga, Maitre sculpteur créateur (annexe 2) Formation professionnelle « On copie vraiment très bien mais il y a besoin aussi de travailler sur la créativité » M. Ndigoua, secrétaire général des maroquiniers (annexe 3)

76


Atelier des sculpteurs, village artisanal de Soumbédioune Boutiques des artisans 2 x 2 m

Stock et réserve de bois

60 a 80 sculpteurs et apprentis se partage l’espace

Case - atelier (3,5 m de diamétre) travail d’atelier et lieu d’exposition

toiture de fortune en tôle 1 m

5 m

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LES ATELIERS EN VILLE FIGÉS DANS L’INFORMEL L’artisanat connaît depuis quelques années une très grande progression dans la Médina. Cette croissance du secteur est liée à la croissance de l’informalité. Avec les problèmes d’emploi et de chômage qui s’intensifient depuis plusieurs années au Sénégal, les jeunes se lancent dans une activité de production artisanale pour trouver un revenu. Le designer Ousmane Mbaye, lui-même issu de ce milieu populaire, exprime sa colère à propos du manque de moyens mis en œuvre pour soutenir le travail de création et la sauvegarde des savoir-faire. Il explique qu’il y a aujourd’hui une perte des techniques dûe au manque de formation. Le cercle de la pauvreté qui s’est mis en place au fil des ans empêche la qualité du travail. Il explique que les jeunes se lancent aujourd’hui sans apprentissage ou presque car ils ont besoin de revenus et sont dans une économie du jour le jour. Comment développer les structures de ce secteur informel? structurer et apporter des outils aux artisans pour rendre les activités plus solides et petit à petit avoir les moyens de sortir d’une informalité salvatrice mais précaire? Il existe un réel enjeu autour de la formation professionnelle à la fois technique, technologique et numérique mais aussi autour du management de ces micro-entreprises.

Exposition des réalisations le long du canal IV. Les clients repèrent ici les modèles ou la maitrise technique des artisans pour aller commander un meuble à l’atelier mars 2018 78


Atelier de menuiserie. Parcelle en location, l’activité n’est pas à l’abri d’une fermeture soudaine. mars 2018

Atelier de menuiserie bois, rue 39 extension de l’atelier sur la rue mars 2018 79


Formation professionnelle « De façon générale, l’ouvrage est en train de mourir au Sénégal car il y a trop de pauvreté. Les jeunes, vont apprendre un métier a 25 ou 30 ans, ils restent 1 ou 2 ans et après ils vont ouvrir un atelier sans être qualifié, mais ils sont obligés car ils doivent rapporter de l’argent à leur famille à leur âge ! » Ousmane mbaye, designer (annexe 5) Il faut que l’Etat réinvestisse, il faut de la formation, il faut des compétences. Ousmane mbaye, designer (annexe 5)

Design « Le marché du design est un marché très prometteur et dans le monde entier. » Ousmane mbaye, designer (annexe 5)

Economie alternative « Comment s’organiser en dehors des circuits classiques et fabriquer un tissu de solidarité qui permet de mutualiser les moyens, les savoirs, les ressources disponibles ? Il faut des alternatives car dans un contexte de récession avec le chômage des jeunes, l’économie classique ne permet pas de prendre en charge correctement les préoccupations des citoyens urbains. Il faut permettre a la majorité, qui n’y a pas accès, de s’occuper, de créer, d’avoir des activités pour et par elle-même. » Felwine Sarr, économiste et philosophe, conférence sur le partage des savoirs donnée à ker thiossane le 6 juin 2014

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Atelier de sculpteurs et menuisiers dans la Médina

établi de menuiserie

paroi en tôles

stock de bois, essence de bois simple car les risques de vols sont importants

sculpteurs travaillant sous une tente

coin repos

enclos à moutons

Baraque pour les repas, une restauratrice y est installée chaque jour

1m

5m 81


CONCLUSION

Faire de la tradition une modernité à partir de cette enquête j’ai orienté mes propositions de projet pour Sombédioune selon 3 axes : 1. Réinvestir le village artisanal de sa mission originelle de representation des savoirs-faire artisanaux sénégalais Il m’est apparue clairement au cours de mes entretiens que le marché artisanal souffrait d’un déficit aussi bien en termes de visibilité et d’attractivité que de taille, d’organisation et de services. La très grande majorité des artisans souhaitent que soient mis en valeur leur métier et leur production et tous semblent vouloir réorienter le lieu vers la production d’artisanat et sa commercialisation et non vers un marché de produits qui ne seraient pas fabriqués localement. Ce lieu doit offrir des conditions de travail décentes, offrir des services aux artisans et aux visiteurs (infirmerie, toilettes, mobilier urbain comme des bancs et pergola pour créer de l’ombre, distributeur bancaire, restauration). Les ateliers doivent être plus spacieux, couverts, respecter des normes pour la santé des travailleurs et visibles par les visiteurs. Permettre une circulation plus fluide avec des repères bien marqués. Il doit en outre avoir une portée symbolique. Ils pourraient être regroupés par métiers selon un circuit précis. Un véritable lieu d’exposition pourra être installé pour montrer les plus belles pièces et orienter les visiteurs vers les boutiques. 2. Reconnecter le quartier de la Médina et sa baie. L’espace public autour de la voie rapide de la corniche et au dessus du tunnel permet l’accessibilité et la connectivité de part et d’autre des voies et relie la ville à la plage. L’espace public est ici désorganisé, fragilisé et fracturé par cette voie rapide de la corniche qui sépare les quartiers de Médina et Gueule Tapée, de sa baie. L’esplanade créée pour recouvrir le tunnel de la voie rapide est « sur dimensionnée ». On ne retrouve pas ou très peu cette dimension d’espace public à Dakar, les zones « trop spacieuse » et non planifiée sont souvent délaissée ( place de l’indépendance, place du centenaire) ou récupérée et séquencée. L’esplanade qui recouvre le tunnel de la voie rapide a vite été encombrée et/ ou délaissée. Aujourd’hui le manque de place est frappant, l’esplanade est utilisée comme un espace de stockage, de parking, de réparation etc .. Il doit donc être repensé pour permettre une meilleure connectivité d’un coté à l’autre et organisée de façon à permettre une meilleure visibilité, renforcer à l’attractivité de l’ensemble de la zone et contribuer à l’amélioration de son fonctionnement.

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3. Combiner le dynamisme des activités locales de la baie de Soumbédioune aux nouvelles technologies. Enfin je souhaite proposer des lieux de mutualisation et des lieux de mise en communs d’outils technologiques, numériques pour augmenter les capacités de production et d’organisation des artisans et petits entrepreuneurs locaux, pour aider le secteur informel artisanal de la Médina à se structurer, à se professionnaliser et à se préparer aux transformations à venir. Ces outils de commun seront également utiles pour le développement des artisans du village des arts et permettront d’interface de reconnexion entre le village et les quartiers attenants.

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http://www.ker-thiossane.org

Le développement du numérique, sous toutes ses formes constitue un enjeu déterminant pour les entreprises artisanales. L’image de l’artisan qui travaille en permanence dans son atelier peut fortement évoluer dans les années à venir. Internet d’une part peut changer la donne mais aussi la mise à disposition de nouveaux outils peut modifier certaines méthodes de travail. Un nombre très important de « business » sont déjà apparus en Afrique grâce au téléphone portable. Préparer les petits entrepreneurs à ces transformations me parait avoir du sens, en particulier dans un quartier ou le commerce informel est très développé. Ne pas rester figé dans un informel précaire mais permettre le développement local. Une expérience intéressante a débuté à Dakar en 2002. Il s’agit de Kër Thiossane1, espace ouvert publique numérique dont le but est d’offrir des activités pour encourager du multimédia dans les pratiques créatives traditionnelles. Parmi ses objectifs il s’agit en particulier de « mettre à portée de tous l’art, la culture et la création numérique via l’informatique et les réseaux tels que l’Internet » et « d’animer un lieu dédié à l’innovation sociale et artistique». L’association possède un fablab « Defko Ak Ñiëp » tiers lieu dakarois de fabrication numérique qui promeut des outils libres, le partage des savoirs et la rencontre entre des pratiques traditionnelles et le numérique, dans le cadre de son école des communs. Aujourd’hui, Kher thiossane cherche un nouveau lieu pour s’agrandir et continuer sa philosophie des communs et pourrait s’ouvrir plus largement à une population d’artisans créateurs. Je propose donc d’implanter dans la zone de la Médina, plusieurs lieux dédiés à la formation professionnelle et à la fabrication dont un résolument tourné vers la création numérique. Ces lieux se voudront ouverts pour la rencontre et la diffusion de nouvelles pratiques.

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ANNEXE 1 M. PAPE GAYNE, RESPONSABLE DES SCULPTEURS DE BOIS D’EBENE, VILLAGE ARTISANAL DE SOUMBEDIOUNE, entretien réalisé au marché artisanal de Soumbédioune le 19 mars 2018 « Ici, ce qui se passe dans ce marché c’est qu’il y a 2 types d’activités : il y a des commerçants qui achètent et qui revendent. Ceux-là ne sont pas des vrais artisans comme nous qui fabriquons. C’est notre Grand père qui nous a élevé et qui nous a montré comment on travaille la sculpture. La sculpture en bois, il y a plusieurs sortes de bois. Il y a le bois d’ébène. C’est le meilleur. C’est le premier des bois, car il y a l’aubier et le cœur qui est noir. Il y a des gens qui peignent le bois mais nous on utilise du vrai bois» Il fait une démonstration entre le vrai et le faux bois d’ébène et me montre le bois brut. « Le bois brut vient du nord du Sénégal mais il y en a peu car ils ont beaucoup abimé.» -Faites-vous encore de la formation ici pour apprendre à sculpter ? « Il n’y en a plus, mais si on tombe sur quelqu’un qui a le temps, qui est dans sa case comme moi, il peut te montrer » « On formait avant mais on a arrêté. Ici c’est nous qui formons, il n’y a pas d’autres formations à la sculpture. Nous, tu sais on forme en famille. Quand les petits enfants commencent à être assez grands, on les amène ici. On les met à coté de nous. On travaille et ils apprennent. C’est comme ça. » « Avant, il y avait de la formation. Ils venaient, payaient puis repartaient dans leur village pour travailler. » -Vous êtes combien encore ici à être vraiment des artisans et des vendeurs ?

pas uniquement

« C’est mélangé maintenant. Avant il y avait que des sénégalais mais ce n’est plus comme ça aujourd’hui. Dans le monde, l’Afrique, tout bouge et ici il y a maintenant les guinéens, les maliens, les camerounais qui sont installés et qui ne font que du commerce. Mais nous les artisans sénégalais dans ce village et un autre en ville, on est encore 400 à 500. Ici c’est le plus grand marché du Sénégal. C’est le premier. » -Vous payez pour être ici ? « On paye les patentes, on paye les loyers pour travailler ici » -Ou sont localisés vos ateliers ? « On travaille ici. Moi je travaille ici dans ma case. J’ai mes outils-là. Je m’assois et je travaille avec cet outil, l’armanette » -Tous les artisans travaillent ici ? « Les artisans travaillent ici.» 91


« On achète le bois d’ébène par cm et le teck au poids. L’ébène c’est cher. C’est l’or du bois. Il y en a qui nous amène en camion le bois et on choisit » Il me présente un autre artisan qui a appris chez lui et qui continue à venir travailler pour son compte en utilisant sa case et son étal pour vendre les pièces. -Vous parlez beaucoup des commerçants. Souhaiteriez-vous qu’il n’y ait ici que de véritables artisans ? « Bien sûr. Il y a ici un grand atelier avec 60 à 80 personnes qui travaillent dans une zone un peu isolée du marché. C’est dommage, on ne peut pas les voir. » -Vos cases sont-elles en bon état ? « Il y a un projet du chef de l’Etat de rénover mais on attend toujours » « Les cases sont vraiment anciennes. Il faut du nouveau. Moi j’aimerais que ça change. On est plus sur les années 60. Il faut changer. Il faut du nouveau » -On ne voit pas beaucoup le marché depuis la corniche. Qu’est-ce que tu en penses ? « Le tunnel nous a tué. Il y a des gens qui nous disent : « oh, on pensait que le village avait fermé » Il nous faut un bel endroit, ou les gens viennent exprès. On a fait des réunions. On a parlé avec le Président de la Chambre des Métiers. » -Est-ce que vous travaillez aussi par commande ? « Bien sûr. » -Y a-t-il encore beaucoup de touristes ? « Ça marche encore car beaucoup de touristes aiment l’art africain mais ils veulent de plus en plus des choses utiles comme des couverts. Chaque artiste doit avoir ses propres idées. Il y en a qui disent nous on aime bien les choses rares, les choses qui sortent du cœur. » -Arrivez-vous à vous distinguer les uns-des autres, à avoir chacun votre signature ? « Tous les artisans qui sont là, quand il voit une chose qui marche, ils copient. C’est dommage. Il y a de la concurrence entre nous. Les voisins, ils vont recopier ce que tu fais dans ta propre affaire. S’ils recopient, ils vont faire moins joli que toi mais faire de l’argent. C’est pourquoi, quand je sculpte, je suis dans mon coin. Je fais de belles choses puis je les cache et quand un acheteur vient, je les sors. » -Est-ce que vous signez ce que vous faites ? « Tout ce que je fais, je signe. Les vrais artisans, ils signent ».

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-Que pensez-vous du projet des marocains de construction d’une nouvelle halle à poissons ? « Moi, je ne suis pas d’accord avec leur idée. Tout ça c’est pour l’argent. Ils le font pour leurs propres intérêts, pas pour les intérêts des sénégalais. Le Maroc, il a dit qu’il est venu pour donner un coup de main aux pêcheurs sénégalais mais les pêcheurs avec qui j’ai parlé disent qu’ils sont venus rien que pour les arnaquer. Prendre notre poisson, faire ceci, faire cela. C’est très compliqué » « Il faut dire que là, c’est sale… Pour qu’il y ait une plage plus propre. » L’échange se poursuit autour des objets dans sa boutique, une photo. On sort ensuite se promener sur le site. -Comment se prend la décision de construire de nouvelles boutiques ? « C’est la chambre des métiers qui voit ça. Chaque année quand on fait des cases, on va regarder si on peut trouver de la place pour des apprentis qui sont là depuis de nombreuses années alors on construit des magasins. Cette année on a construit 5 magasins mail il y a beaucoup de demandes et on a donné un à chacun : maroquinier, sculpteur, bijoutier, couturière. Maintenant il n’y a plus de place. On a des petites boutiques. Au début c’était des grandes cases qui faisaient atelier et exposition. Maintenant les ateliers sont regroupés et on a des boutiques pour la vente. » On entre dans une zone en travaux. « C’est l’Etat qui finance la réhabilitation par petites touches.»

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ANNEXE 2 MOAHAMADOU WAIGA, MAITRE SCULPTEUR CREATEUR, entretien réalisé au marché artisanal de Soumbédioune le 19 mars 2018 -Bonjour, vous êtes un artisan sculpteur ? « Oui je suis un artisan créateur. Je fais parler le mouvement de l’arbre. Je regarde les troncs puis dans ma tête, j’imagine ce que je peux en faire. Je travaille à l’atelier la-bas derrière puis je viens dans la case pour exposer. » -Ou as-tu appris à sculpter ? « J’ai appris ça ici avec mon oncle qui faisait ça. Il est venu me chercher à l’école, il m’a récupéré et il m’a amené ici. Il m’a montré comment on fait. » -A quoi sert votre syndicat ? « C’est pour mettre le marché en ordre. Pour que chacun reste à sa place, pour qu’on laisse les clients circuler tranquillement, pour aller voir aussi les agences de voyage pour qu’elles nous amènent des clients. » « Avez-vous remarqué une baisse de la clientèle ? « Oui il y a une baisse depuis le tunnel. » -Est-ce que vous pensez qu’il y a une autre raison au tunnel « Beaucoup de gens quand ils viennent, il passe sous le tunnel et il ne voit pas ici.Il n’y a pas d’endroit pour s’arrêter » -Souhaiteriez-vous une rénovation ou un nouveau bâtiment à cet endroit ? « Ce qu’on a envie c’est de la visibilité. Il faut que l’on soit visible avant l’entrée du tunnel. » -Vous ne voulez que de la visibilité ou aussi de la rénovation ? « L’Etat doit rénover. Il est prévu de faire des chantiers par étapes. Mais il s’agit juste de refaire la même chose. C’est bien déjà d’écarter les allées. » « On a aussi besoin d’un centre de formation et aussi de transporter nos objets pour aller les vendre. On a besoin d’un espace d’exposition ou l’on peut transporter nos plus beaux objets pour les vendre. Pour l’instant, on utilise les foires. » -Pensez-vous qu’il faudrait aussi d’autres installations ici ? « Ça serait mieux s’il y avait de l’exposition et de la formation. Mais il faudrait de l’argent. Ça nous manque. On a besoin d’un centre de formation parce que toujours on doit avoir un règlement intérieur pour les normes du travail. Il faudrait tout mettre aux normes et former les artisans aux risques. Il y a beaucoup d’accidents, ils se coupent les doigts… » -Il vous faudrait d’autres matériels ? 94


« Il faudrait bien sûr du matériel plus moderne et aussi une infirmerie. » -Tu es relativement reconnu comme artisan ? « J’ai exposé au Sénégal et au Maroc mais jamais en Europe. J’ai besoin de grandes expositions. -Participez-vous à la Biennale Dak’art? « Ça peut arriver qu’on participe dans le off. Ils en sélectionnent parfois. On m’a déjà donné de l’espace pour exposer des objets. C’est bien pour les contacts. Mon apprenti compagnon travaille aussi pour son compte mais expose avec moi. » -Combien fais-tu de pièces dans une année ? « J’en fait beaucoup. En fait j’en commence beaucoup que je laisse et que je regarde puis un jour je les finis. Je mets plus de 15 jours pour faire des pièces. » « On voit un village plus grand. On monument de la renaissance, visible et vient visiter parce que c’est beau. On plus joli, que les gens viennent plus.

veut que l’artisanat soit comme au reconnu. On veut un endroit que l’on veut quelque chose de plus moderne et »

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ANNEXE 3 M.NDIGOUA, SECRETAIRE GENERAL DES MAROQUINIERS DU VILLAGE DE SOUMBEDIOUNE, entretien réalisé au marché artisanal de Soumbédioune le 19 mars 2018 -Vous êtes content de la rénovation de votre zone ? « Oui, on prend ce qu’on nous donne. C’est sûr qu’on préfèrerait plus grand, plus beau mais on fait avec ce qu’on nous donne. On a besoin de plus d’espace. Là on découpe l’espace pour mettre plus de monde. C’est pas ce qu’il faut » « Au début c’était comme un jardin avec des grandes cases rondes comme dans les villages sénégalais. » -Il n’y a pas plus d’espace à coté pour s’agrandir ? « Bon comme c’est des affaires de famille, il y a les enfants et petits- enfants qui naissent. Les gens ont besoin de venir. Comme les artisans deviennent de plus en plus nombreux, il faut de plus en plus d’espaces ». -L’artisanat marche mieux sous forme de village ? « Bon, il y en a qui se sont libérés mais ici c’est géré par une structure qui dépend de l’Etat. Il y en a qui sont privés, ils se cherchent des boutiques ailleurs, ils se font des clients mais ici c’est géré par l’Etat. Maintenant comme il y a des nouveaux, la famille qui s’agrandit, les apprentis qui restent, ils ont besoin de s’installer. » « C’est le village le plus important au Sénégal mais il faudrait qu’il soit plus moderne, plus sophistiqué avec plus d’aération ». « Les gens qui sont là n’ont pas forcément envie que ça bouge. » « Il y a environ 600 personnes. Il y en a qui n’ont pas de case. Ils sont dans un coin. Ce sont des compagnons. » -Y a-t-il un centre professionnel ? « Il y a une école ici à Delafosse. Il y a un lycée pour l’artisanat. Il y a des élèves qui apprennent la maroquinerie par exemple. C’est ça le problème, c’est que quand ils sortent, on les laisse dans le vide. C’est mal organisé ». « Mon idée c’est qu’ici le projet du Président Senghor c’était la production et la vente. On ne devrait pas avoir de commerçants qui revendent. Il faudrait avoir seulement de la production et de la vente de celle-ci. C’est mal surveillé. » « Les commerçants, ils ont pris la place de gens qui ont été formés et qui devaient venir ici. » « Dieu a donné l’esprit aux vrais artisans mais peut-être le système de dirigeant est mauvais. L’état ne s’implique pas assez sur l’artisanat alors qu’on est les meilleurs. Ici on pourrait travailler avec l’étranger. On travaille par exemple pour des marocains qui déposent une marque. Les vrais artisans eux sont dans l’ombre. Les italiens ont besoin par exemple de vrais

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artisans pour le cuir mais ils vont traiter avec des commerçants à qui ils vont donner de l’argent et qui ensuite nous ferons Travailler pour pas cher. Ce n’est jamais le travail des vrais artisans qui est vendu à l’étranger. » « Il y a beaucoup d’artisans (maitre, compagnons, apprentis. Ils sont plus de 300 » « Pour les vendeurs, ils ont été autorisés car ici tout est politisé. Ils ont eu l’autorisation de manière pas forcément licite. La corruption est partout et c’est ce qui nous empêche d’avancer et d’arranger les choses. Il faudrait de la vraie formation. » « On copie vraiment très bien mais il y a besoin aussi de travailler sur la créativité. » S’ensuit une discussion sur son atelier.

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ANNEXE 4 Mme SALLY, PRESIDENTE DES COUTURIERES DU MARCHE ARTISANAL DE SOUMBEDIOUNE, entretien réalisé au marché artisanal de Soumbédioune le 20 mars 2018 -Pourquoi avez-vous une boutique de tissus et de petits objets ici au marché artisanal ? « Parce que tout ce qui se fait à la main c’est ici à Soumbédioune. La principale idée était de vendre ce qu’on produisait. Maintenant il y a des commerçants, on ne le nie pas. Mais à la base c’était ça. Maintenant ici c’est complet. Il n’a selon moi que 70% d’artisans. Il y a 108 qui travaillent aux tissus. Ca comprend apprentis, fabricants et artisans. » -Comment travailles-tu ? Ou est ton atelier ? « Je travaille avec mon frère. C’est lui qui fait la couture à la maison. » -Est-ce que le marché fonctionne pour toi ? « On travaille au jour le jour, sans épargner. Si tu es dans un escalier, une fois que tu es sur une marche, tu souhaites continuer à grimper les marches. » -Qu’est-ce que tu souhaiterais pour cet endroit ? « On peut rêver d’avoir un grand centre symbolique qui représente l’artisanat avec que des artisans, des ateliers avec des apprentis. Les sénégalaises arrêtent l’école en CM2 et on en envoie ici pour qu’elle essaye de faire quelque chose. Il faudrait donc un centre de formation à l’intérieur. Il faudrait pouvoir exposer dans le marché dans un hall d’exposition. » « Si le marché était modernise, ça serait mieux » « Ici, c’est camouflé. Si c’était simple, moderne, avec quelque chose que les touristes vont dire aouahhh. Ca on aimerait bien aller voir et les sénégalais aussi. » « Une fois qu’ils viennent, Si on donnait une autre vision, on pourrait dire que le village vient de naître. On aura un autre visage pour que les gens reviennent. » « Après les pêcheurs, c’est au tour des artisans d’être aidés. Ce n’est pas réfectionner qu’il faut comme le propose l’Etat mais c’est faire quelque chose de beau qui soit une vitrine de l’artisanat, que ce soit le berceau comme c’est écrit à l’entrée. » « On te dit que c’est le berceau de l’artisanat, tu rentres et tu vois juste un marché tout vieux. On ne comprend pas que c’est un lieu où les artisans travaillent. Il faut montrer ça. » « C’est notre rêve à nous les jeunes. »

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ANNEXE 5 OUSMANE MBAYE, DESIGNER DANS LA MEDINA, A PROXIMITE DU MARCHE DE SOUMBEDIONE, D’après l’interview du « Sénégal talk-show » et ma visite à la boutique d’exposition du designer à Soumbédioune. disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=Z56Y7tzpwmc - Au vu de votre expérience, pensez-vous qu’aujourd’hui vous pourriez conseiller à nos jeunes de se lancer dans le monde du design ? Est-ce un marché prometteur ? « C’est un marché très prometteur et dans le monde entier.» « Actuellement ici tous les objets dont on a besoin viennent de l’extérieur ! pourquoi ?! Moi je n’ai pas fait d’école mais j’ai eu de la chance et une volonté qui m’a fait attendre 17 ans avant de me lancer. On ne peut pas toujours compter là-dessus. » « De façon générale, l’ouvrage est en train de mourir au Sénégal car il y a trop de pauvreté. » « Les jeunes, vont apprendre un métier à 25 ou 30 ans, ils restent 1 ou 2 ans et après ils vont ouvrir un atelier sans être qualifié, mais ils sont obligés car ils doivent rapporter de l’argent à leur famille à leur âge ! » « Petit à petit on a une société qui dégringole, c’est une spirale. » « Il faut que l’Etat réinvestisse, il faut de la formation, il faut des compétences. » « L’occident s’intéresse maintenant à mon travail et au fait que je sois africain et que je travaille et créé ici. Il y a eu un changement, les clients ont compris que je ne suis pas dans l’exotisme, que je sais faire des objets qui répondent à des besoins, faire du design. Je remarque lors de mes voyages et mes expositions que « les yeux des gens s’ouvrent » -- Comment comptez-vous attaquer le marché africain ? « Avant, chaque ethnie avait son design, des objets fonctionnels et beaux qualifiés « d’art africain » dans les musées. On est en train de tuer ça, de perdre ça car on importe, on importe, on importe. » « On importe parce que c’est moins cher ou bien parce que notre mentalité n’est pas bonne. » « L’occident se satisfait d’exotisme. La clientèle sénégalaise aime le beau, mais se fiche de savoir d’où ça vient. Le client sénégalais (riche client avec son 4x4 dernier cri), veut toujours réduire les prix sinon il préfère ce qui vient d’Europe ou de Chine ! » « Je pense que tant qu’on ne change pas nos mentalités sur la qualité et la valeur de ce qui est fait ici, rien ne changera. » « Je me suis dit que le problème venait de moi : pour avoir une de mes créations il faut me connaitre, chercher mon numéro de téléphone, m’appeler, venir me voir et ensuite commander et encore c’est compliqué ! Il faut que je 99


m’ouvre, que je touche plus de monde. » « En ce moment, je veux conquérir le marché sénégalais. Avant qu’il ne soit trop tard. Car on est à la fin de quelque chose, à la fin des savoir-faire. Il y a de moins en moins de savoir-faire. Maintenant c’est du bricolage, on a perdu les techniques, les métiers qui étaient autour de nous. Avant il y avait toujours un menuisier dans le quartier pour faire du beau travail. » « On peut pas faire de concurrence et progresser s’il n’y a rien. » « On a les savoirs faire mais ils sont cachés, en voie de disparition. » « Il faut les re-dévoiler. Il faut que l’Etat propose des choses. »

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ANNEXE 6 CENTRE FORMATION ARTISANAL, entretien avec le Directeur adjoint, responsable pédagoqgique le 21 Mars 2018 Le Centre de Formation Artisanale (CFA) Gallo Boury Thiam de Dakar situé au Complexe Maurice Delafosse, a été créé en 1961. Il est le premier, seul et plus grand établissement public de formation professionnelle aux métiers de l’artisanat au Sénégal. Créé en 1961, le Centre de formation Artisanale (CFA) est situé les locaux du Lycée Technique du Complexe Maurice Delafosse dans le quartier de Gueule Tapée, proche de la Médina. Il est le seul établissement public de formation professionnelle aux métiers de l’artisanat au Sénégal. -Qu’est-ce que vous offrez comme formation dans ce centre exactement ? « Il y a tous les types d’artisanat : artisanat d’art, de production, de service. » -Vous faites tout ? « Oui On fait tout. Pour l’art on a maroquinerie, sculpture, poterie, bijouterie, … la vannerie a fermé, couture, pour la production on a Mécanique, électricité/électrtechnique, plomberie, ferronnerie, menuiserie etc.. » -A quel âge, les jeunes commencent leur formation ici ? « 15/16 ans » -A quel niveau vous formez ? « On forme des CAP et des BEP ». les élèves restent 2 ans pour le BEP et 3 ans pour le CAP. -Vous avez combien d’élèves ici ? « On en a 350 » -Et vous avez beaucoup de professeurs ? « Une soixantaine » -Est ce que vous travaillez en lien avec les marchés artisanaux dans le pays. « Non pas vraiment, nos diplômés sont libres de choisir s’ils veulent rejoindre ces structures. » -Est ce que certains vont travailler au village artisanal de Soumbédioune par exemple après leurs études ? «On a déjà eu qui sont partis là-bas mais beaucoup vont créer leur propre structure, leur entreprise. Sur ces marchés, les gens n’ont pas fait de formation. Ils apprennent avec leur famille ». -comment votre offre de formation cohabite avec la formation familiale qui semble majoritaire dans le milieu de l’artisanat au Sénégal ? 101


« Ce n’est pas la même chose parce que quelqu’un qui apprend sur le tas ne va pas avoir toutes les techniques, ce n’est souvent pas la même qualité de travail et surtout ici on apprend aussi à l’entreprenariat. » -Vous ne faites pas de l’apprentissage ou de l’alternance ? « L’Etat travaille dessus. Pour l’instant les jeunes apprennent tout sur place. On a des ateliers de transition pour qu’ils se perfectionnent » -Les jeunes trouvent du travail facilement à la sortie ? « pas très facilement. Certains métiers ont plus de difficultés comme la bijouterie, poterie. Les gens ne comprennent pas très bien l’utilité de ces métiers. Les Sénégalais ne voit pas l’intérêt d’avoir une production de qualité avec des gens bien formés » -Si Soumbédioune était plus une vitrine de l’artisanat, cela aiderait-il se secteur à mieux se développer ? « Oui bien sûr. On a d’ailleurs un bureau de projets. S’ils ont besoin d’élèves, ils peuvent nous contacter. On a besoin que l’artisanat se développe plus au Sénégal » -Avez-vous des cours de design afin que les élèves inventent de nouveaux modèles ? « Non pas encore. Notre apprentissage est plus technique. Les élèves font des dessins qu’ils reproduisent ensuite mais ils s’inspirent de modèles. » -Vous apprenez à vos élèves les techniques de commercialisation pour qu’ils exportent leurs produits une fois installé ? « Non. Cela reste très local. On forme très peu d’élèves, seulement une trentaines d’élèves par secteur » -Mais du coup, votre formation assez unique pourrait être élitiste en formant un petit nombre d’artisans qui possèdent un très bon savoir-faire ? - « Non malheureusement ce n’est pas le cas car nous avons du matériel très vétuste. Nous manquons considérablement de crédit pour rénover le centre » -Quels sont les métiers auxquels vous formez qui trouvent le plus de débouchés - « La mécanique, l’électricité/électronique et la coupe-couture » -On a des difficultés avec certains métiers. Il y aurait des besoins mais on a pas beaucoup d’élèves. Je vous donne un exemple : il y a un jeune qui veut faire cuir mais les parents disent : non, non, non c’est pas pour toi. Mais c’est pour qui ? « C’est réservé à une certaine communauté. Nous par exemple on demande aux parents de venir. Quand ils viennent, on va essayer de leur montrer que les métiers n’appartiennent à personne. Souvent, on leur donne même l’exemple du prophète……C’est difficile à expliquer. Par exemple, les gens pensent que les bijoutiers ils sont d’une ethnie inférieure. Je leur dit : Si vous voulez 102


conquérir une deuxième femme, qu’est-ce que vous allez lui offrir : des bijoux, de l’or… C’est donc insensé que tu dises que celui qui travaille l’or est mal né. C’est la même chose pour le cuir. Les peuls par exemple, ils ne peuvent pas faire du cuir. » C’est dans quel domaine que vous avez le plus d’élèves ? « En couture, on en a une centaine répartie sur 5 niveaux » -Vous faites des salons d’exposition des travaux d’élèves ? « oui,on expose dans les foires et à la biennale »

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