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L’HOMME DES BOIS

1. Dérivée d’un siège Louis XV épuré, la chaise « Ruban », un des premiers modèles emblématiques de la Fabrique de Meubles de Coulombs. 2. Philippe Hurel, digne héritier de la manufacture familiale née en 1911, face au logo maison : le H hachuré, apposé au fer sur chaque meuble. 3. Une icône de la maison : le tabouret « Zigi » en chêne blanchi, disponible en de multiples versions, dont noir fusain, cuivré, canon de fusil ou encore en bronze. 4. La chaise « Wallis » en hêtre blanchi gainée de cuir neige et son plan d’exécution réalisé par le bureau d’études interne. 5. Prélude à la naissance de la chaise « Tyrol », un croquis esquissé de la main de Philippe Hurel dans ses fameux carnets. Le modèle – un succès – sera décliné en banquettes, fauteuils, tabouret et autres sièges de bar.

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EN CE DÉBUT D’ANNÉE, PHILIPPE HUREL, UNE FIGURE DU MONDE DE LA DÉCORATION – ET DU MOBILIER EN PARTICULIER – NOUS A QUITTÉS. HOMMAGE À UN TEMPÉRAMENT ARDENT QUI FIT RAYONNER SON STYLE, PAR-DELÀ NOS FRONTIÈRES. SES SOFAS, FAUTEUILS, BIBLIOTHÈQUES ET AUTRES GUÉRIDONS PARADENT DANS LES DEMEURES CONFIDENTIELLES, TOUT COMME DANS LES GRANDS HÔTELS ET LES MAISONS DE COUTURE. PAR Alix de Dives PHOTOS Jean-Marc Palisse

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1. Deux guéridons tripodes « Massaï » dans les ateliers : après encollage, l’assemblage aux serre-joints des piètements en chevrons dans leurs emboîtures. 2. Dans la cabine de teinture, une carcasse de chaise « Wallis » juste teintée ton wengé et une carcasse de chaise « Saint James » vierge de toute finition.

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2. De l’homme, on se souviendra : « D’une grande courtoisie »,

son allure – toujours extrêmement élégante – sa faconde, son enthousiasme indéfectible, son goût de la qualité en toute chose. Un goût pour le bel ouvrage qu’il mettra au service de cette manufacture familiale spécialisée dans le meuble dit « de style ». Fidèle à sa lignée, il portera haut La Fabrique de Meubles de Coulombs, labellisée EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant), en créant des modèles contemporains en phase avec notre époque. Une carcasse de siège Louis XV, débarrassée de moulures, dorures, teintures et autres garnitures donnera naissance à l’incontournable chaise « Ruban » (1990). La table « Datcha » (1992), transfuge épuré d’une table à gibier XVIIe vue au château d’Anet, demeure à ce jour un succès non démenti. À œil affûté, tout est source d’inspiration : Philippe Hurel – fan éclectique d’Hans Wegner, de Jean-Michel Frank ou de Carlo Mollino – ne se sépare jamais de ses carnets de croquis… Ainsi naîtront de ses griffonnages les fameux tabourets « Zigi » (2006), motif hélicoïdal repéré sur les montants d’un chalet en Autriche, tout comme la chaise, dite « Tyrol », un des modèles iconiques de la maison. Intarissable sur ses balades sylvestres en forêt de Tronçais, plus belles futaies de chênes sessiles d’Europe, Philippe Hurel, on l’aura compris, aime le bois, tous les bois ! Du chêne rouvre au platane, du sycomore ondé au palissandre des Indes, de l’ébène de Macassar au bois de palmier, toutes les essences ont grâce à ses yeux. Dans le droit fil des ébénistes et des grands ensembliers des années 1930, il façonne les bois précieux avec gourmandise et sophistication. C’est cependant lui, le premier, qui utilisera pour le mobilier outdoor le robinier – variété d’acacia imputrescible – en lieu et place du teck de Birmanie : préoccupation environnementale oblige ! Encore tout récemment, il projetait un modèle de « rocking-tabouret » réalisé avec des chutes de bois, doté d’un piètement courbe façon luge pour la version « rocking », retourné, l’on obtient la version stable… ou comment recycler les reliquats de façon ludique et inventive ! Mais Philippe Hurel n’est pas (que) de bois : il le pare de bronze ou de parchemin, d’étoffes raffinées ou de cuir grené, de laques profondes ou de pierre bouchardée… En éditions limitées, des pièces d’exception comme un meuble bar pour une maison champenoise, un argentier pour une griffe d’orfèvres. C’est le chantre du sur-mesure, du meuble à système, du dressing à tiroirs et clayettes multiples ! Mises au point complexes que « Monsieur Philippe » – tel qu’on le nomme à la manufacture – étudie en connivence intime avec son chef d’atelier (40 ans de maison !). Le temps passe. Hier, son fils Maxime prenait le relais, aujourd’hui Martin, « bien dans ses meubles », assure la quatrième génération. La saga se poursuit, travaille avec les grands décorateurs, de Pinto à Gilles & Boissier, du Groupe LVMH au Sénat, des USA au Japon en passant par la Corée. Et dans ce goût toujours si français qui justifiera le titre de l’ouvrage paru aux éditions de La Martinière Philippe Hurel, So Français ! Mais « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » ! Au seuil de sa 80 e année, comme Ces chênes qu’on abat…, Philippe Hurel s’en est allé, entre les boiseries de sa maison drouaise, entouré des siens : sur sa table de chevet le dernier livre d’Alain Baraton, jardinier en chef du parc du château de Versailles, son Dictionnaire amoureux des arbres. Adresse page 152

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