Latitudes

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Au delà des horizons

FOCUS

PÉKIN GUINÉE

DES EXCISEUSES DÉPOSENT LES COUTEAUX

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VENEZUALA

UNE PRISON AUX MAINS DES DÉTENUS

#3 - Octobre 2014


FOCUS • PÉKIN

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PÉKIN • FOCUS

Pékin Pékin, majestueuse capitale, est un bon point d’entrée dans l’empire du Milieu. Si vaste qu’il soit, le territoire tout entier semble s’articuler autour de cette ville, véritable centre politique et administratif du pays. Les connexions aériennes couvrent tout le pays. Les gratte-ciel élancés surplombent des quartiers plats de ruelles décaties et de personnes âgées au pas traînant, tandis que des employés en chemise blanche immaculée disparaissent dans une mer de vélos et que, dans les rues, des travailleurs itinérants jouent des coudes avec des étudiants aux cheveux longs, des hommes d’affaires et des hordes Pékin ne fut pas de tout temps la capitale dynas- de banlieusards. tique, mais elle vous donnera l’impression d’avoir présidé aux destinées du pays depuis des temps im- Pékin n’a rien à envier à l’Occident sur le plan histomémoriaux : la Cité interdite est un labyrinthe à la rique : le temple des Lamas et celui du Ciel sont de fois ésotérique et majestueux illustrant les us et beaux exemples d’architecture religieuse ; la Grande coutumes de la souveraineté impériale. Elle s’étend Muraille, édifice monolithique et défensif se dresse extra-muros, encadrant la ville dans son plan en au nord de la ville et le palais d’Été constitue une damier de larges boulevards et de délicieux hutong. belle excursion d’une journée. Vitrine de la Chine et siège impérieux du pouvoir politique, Pékin a fière allure. Le reste de la Chine garde toujours un œil attentif sur cette ville-archive de l’âme nationale. Où que vous alliez dans le pays, elle vous suit ou vous attend, avec son dialecte (le mandarin), sa cuisine et ses certitudes politiques (in).

La cité est dans sa totalité, au-delà de son aspect de vitrine commerciale, un splendide microcosme de la Chine d’aujourd’hui. Même dans sa course folle à l’hypermodernité du XXI ème siècle, elle demeure un écheveau gracieux d’ancien et de nouveau.

Le dialecte de Pékin, cauchemar des étudiants en mandarin, est la langue la plus répandue dans le pays. Si la cuisine vient de tous les coins du pays, le canard à la pékinoise, vendu à presque tous les coins de rue, ne semble toutefois pas près de céder la place.

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LA CITÉ INTERDITE La Cité interdite (Zijin Cheng), qui fut la résidence, sur 72 ha, des empereurs Ming et Qing, est un des lieux les plus imposants et les plus magnifiques du pays. LA CITÉ INTERDITE En 1421, lorsque l’empereur Yongle, troisième empereur de Les abords du palais

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la dynastie des Ming, transféra la capitale de Nankin à Pékin, il fit édifier la Cité interdite sur le site du -palais des empereurs Yuan, mobilisant plus de 200 000 hommes pour construire ce monument. Le nom chinois de Zijin Cheng signifie littéralement ˝cité pourpre interdite˝, le pourpre désignant non pas la couleur des bâtiments mais l’étoile polaire qui, au centre du monde céleste, représente l’empereur. Vous remarquerez sans doute que les Chinois parlent aussi de Gugong (˝ancien palais˝) pour désigner ce vaste complexe. Maintes fois restaurée et modifiée depuis l’époque des Ming (la plupart des édifices actuels ont été construits au XVIIIème siècle, voire plus tard), la Cité interdite, jadis fermée à la population, symbolisait la puissance inaccessible de l’empereur. C’est aujourd’hui l’un des plus beaux exemples de l’architecture impériale chinoise. Au cœur de la capitale de l’empire du Milieu, la Cité interdite était destinée à accueillir les représentants célestes, c’est-àdire les empereurs. C’est là qu’étaient prises les décisions impériales, transmises ensuite dans les provinces les plus éloignées. À la différence des palais occidentaux ( Versailles ou Buckingham, par exemple), la Cité interdite est composée d’un ensemble de bâtiments séparés par des cours et des passages, formant comme une petite ville à l’intérieur de la capitale. Cette configuration témoigne de la pratique des Ming. Selon une légende, les 800 pavillons de la Cité comporteraient 9 000 pièces. Initialement construite en bois, et donc exposée aux risques d’incendie, elle brûla plusieurs fois. Les Mandchous, qui envahirent la Chine au XVIIème siècle et fondèrent la dynastie des Qing, la réduisirent pratiquement en cendres. Les troupes japonaises puis les nationalistes du Guomindang firent de même et emportèrent quantité d’objets certains sont d’ailleurs exposés dans un musée de Taipei, la capitale de Taïwan, où les nationalistes se réfugièrent en 1949. Pillée pendant la Révolution culturelle, la Cité échappa à la destruction complète grâce aux interventions du Premier ministre Zhou Enlai, qui réussit à sauver ce trésor national. Les plus grands monuments de la Chine, construits pour les empereurs, ont été édifiés selon une architecture horizontale. Il n’existait pas dans la Chine impériale de structures élancées, destinées à accentuer la petitesse de l’être humain, comme pouvaient l’être les cathédrales en Occident. Les différents édifices de la Cité interdite sont donc peu élevés mais l’espace qui l’entoure avec tant d’harmonie est magnifique.

Essayez d’arriver à la Cité interdite par le sud, afin de pouvoir admirer les immenses murailles rouges qui entourent la porte du Midi (Wu men). On peut entrer par la porte Nord, mais les visites audioguidées commencent au sud. Les principaux bâtiments sont disposés de façon assez symétrique le long d’un axe nord-sud ; les temples chinois sont généralement construits selon cette même orientation. Depuis la place Tian’an men, traversez Chang’an Dajie (avenue de la Paix éternelle) par le passage souterrain pour gagner l’entrée de la Cité. Vous accéderez alors par un pont à la porte de la Paix céleste (Tian’an men), qui est surmontée d’un immense portrait de Mao Zedong. Lors des manifestations de 1989, trois ouvriers originaires du Hunan (la province du Grand Timonier) l’ont endommagée en lançant des projectiles remplis de peinture. Les idéogrammes blancs situés à gauche du portrait représentent la devise du gouvernement : ˝Longue vie à la République populaire de Chine.˝ C’est depuis cette porte que Mao proclama la République populaire en 1949. Aujourd’hui, la porte de la Paix céleste sert de tribune lors des défilés militaires. Il est possible d’acheter un ticket pour accéder au sommet par l’escalier intérieur et découvrir la vue sur la place. De l’autre côté de la porte s’ouvre une vaste cour bordée de boutiques de souvenirs et de restaurants. À l’ouest, voyez le parc Zhong shan, où l’empereur ordonnait des sacrifices au printemps et en automne pour favoriser les récoltes. À l’est, les trois halls du temple Suprême, appelé aussi le palais de la Culture des ouvriers. Édifice religieux le plus sacré après le temple du Ciel, le complexe est souvent dépourvu de visiteurs et l’entrée ne coûte presque rien.


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Les symboles

Partout dans la Cité interdite, vous apercevrez des motifs de dragons sculptés et peints. Ce dernier symbolisait l’empereur (huangdi) et le phénix l’impératrice (huanghou). Tous deux sont souvent représentés ensemble. L’image du dragon pourchassant la perle dépeint la quête de la pureté, tandis que les tuiles jaunes qui ornent les toits à profusion représentent l’empereur. Le dragon semble avoir exercé sur l’imaginaire chinois une emprise très forte depuis les temps les plus anciens : Fuxi (voir p. 27) possédait une queue de dragon. Les Chinois croient en plusieurs de ces chimères : le long est le dragon qui émerge des nuages pour pourchasser la perle ; le li est celui des mers ; le jiao est celui des marais. Les bâtiments importants sont souvent flanqués de deux lions chinois, créatures à la crinière bouclée. La femelle tient son petit sous une patte (les Chinois pensant que les lionnes pouvaient sécréter du lait à travers leurs pattes), tandis que le mâle joue à la balle. Les sculptures de lions sont de rigueur à Hong Kong, où vous en verrez même de style occidental (devant le gratte-ciel de la Hong Kong & Shanghai Bank, par exemple).

Faire du vélo dans Pékin et ses environs

La meilleure façon de découvrir Pékin est sûrement la bicyclette ! De préférence loin des rues principales, le long des petits hutong qui sillonnent la vieille ville. Le mieux, et de loin, est de louer un vélo à votre hôtel ou auberge de jeunesse, ou encore dans l’un des nombreux magasins de cycles situés dans les zones touristiques comme Dazhalan xi Jie. Si vous êtes en forme, louez un VTT et partez explorer les vastes étendues rurales de la municipalité de Pékin et son spectaculaire cadre de collines.

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DANS LES ENVIRONS DE PÉKIN Randonner dans les collines

Pékin est aussi plate que ses environs sont vallonnés, voire montagneux ; on y trouve des sentiers de randonnée serpentant autour de ravins, lacs et vestiges de la Grande Muraille. Si vous souhaitez randonner dans les environs de Pékin, contactez Beijing Hikers (tél. 010 6432-2786, www.beijinghikers.com) : cette association organise régulièrement des promenades le week-end (parfois en milieu de semaine), mais aussi sur deux jours. Il est impératif de réserver. Ses tarifs comprennent le transport, les guides et des en-cas. Les participants se retrouvent au café Starbucks, à l’intérieur du Metroparc Lido Hotel (6 Jiangtai Lu, Chaoyang), à l’extrémité est de la ville. Beijing Hikers organise des circuits pour des petits groupes avec cinq jours de préavis, de même que dans d’autres régions du pays. Enfants bienvenus.

Les palanquins

Avec l’amélioration de la qualité des routes, les palanquins ont peu à peu disparu. Ces chaises à porteurs se différenciaient par leurs couleurs : les palanquins des souverains étaient jaunes, ceux des concubines, orange. Les verts transportaient des mandarins de haut rang, les bleus des mandarins de rang inférieur.

Beijing ou Pékin ?

Le nom de la capitale chinoise a tellement changé à travers les siècles – Yanjing, Dadu, Beiping... – que l’on vous pardonnera d’avoir cru que Pékin et Beijing étaient deux lieux différents. ˝Pékin˝ est simplement l’ancienne translittération de la prononciation chinoise des mots ˝capitale du Nord˝, tandis que ˝Beijing˝ a été déclarée prononciation officielle pinyin, basée sur le dialecte mandarin.


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LES HUTONG DE PÉKIN À Pékin, les avenues, les places et les palais donnent une impression d’immensité. Pour découvrir une ville à échelle humaine, n’hésitez pas à vous engager dans le charmant dédale des ruelles anciennes, les célèbres hutong (ce terme vient d’un mot mongol signifiant « passage »), qui débouchent souvent sur un monde pittoresque, celui des sihe yuan (« maisons sur cour carrée »).

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Si Pékin renfermait autrefois un nombre incalculable de hutong, ils sont aujourd’hui moins nombreux car beaucoup ont malheureusement été détruits pour laisser place à de nouveaux immeubles de béton ou à des hôtels modernes. Fourmillant de marchés et de boutiques en tout genre, les hutong forment souvent un réseau complexe constitué de passages minuscules qui s’entrecroisent dans un espace très réduit et ajoutent encore à la confusion. Les habitants parcourent leur quartier avec le plus grand naturel mais, lorsque les chauffeurs de taxi y pénètrent, ils semblent aborder un monde inconnu, tournent en rond et demandent sans cesse leur chemin. C’est là que vous pourrez véritablement comprendre et goûter la vie quotidienne de la population de Pékin. Les Pékinois adorent ces ruelles, qu’ils sillonnent à bicyclette en faisant tinter leur sonnette à chaque croisement. Les enfants sortent de l’école en courant dans le froid de l’hiver, puis longent les maisons de brique et les paliers sculptés parfois recouverts de neige. Certains hutong sont si étroits qu’il est presque impossible d’y passer, d’autres au contraire sont larges, aérés et bordés d’arbres. Leur nom renseigne souvent sur le métier de ceux qui y habitaient à l’origine. Parfois, il semble tout droit sorti de l’imaginaire enfantin : ruelles de la Pluie, de la Terre, de la Chance, du Bonheur… D’autres résonnent encore des marchés qui s’y tenaient jadis : ruelles des Haricots frits, des Chrysanthèmes, du Riz, des Graines, des Appâts aromatiques ou du Sésame noir. Enfin, d’autres ont une origine plus obscure, davantage liée à l’histoire de la ville : ruelles de la Terre pure (bouddhiste), du Tiers qui ne vieillit pas ou du Cap de la Queue de cheval. Conformément aux règles du fengshui (voir p. 256257), la plupart des ruelles sont orientées est-ouest et les portes s’ouvrent au sud, comme celles des temples chinois (voir p. 156-159). Quelques hutong toutefois vont du nord au sud pour relier les autres entre eux.

Les cours de hutong

Toutes ces ruelles sont parsemées de sihe yuan, qui ont constitué pendant des siècles les habitations classiques de la capitale. Ces bâtiments sans étages, disposés autour d’une cour de forme carrée, abritaient autrefois les pièces de vie d’une même famille. Depuis la Révolution, beaucoup de ces sihe yuan ont été divisés et attribués à plusieurs familles. Chaque ruelle peut comprendre une centaine de maisons, et les cours, à ciel ouvert pour la plupart, sont souvent disposées en enfilade et

reliées par des galeries. Certaines cours sont fermées par un magnifique portail orné de caractères chinois ou de motifs religieux. Quelques maisons délabrées ont conservé de magnifiques tuiles grises, d’autres sont plus modestes. De temps en temps, il est possible de jeter un œil par une porte entrouverte, en veillant toutefois à ne pas être indiscret. Ignorés par les programmes de construction des années 1960 et 1970, les hutong n’ont pas non plus bénéficié de la croissance des années 1980 et 1990. Aussi, malgré leur charme indéniable, beaucoup de maisons sont vétustes, mal chauffées et peu accessibles en voiture. Malgré cela, un grand nombre de Pékinois continue d’y résider. Bien qu’il en existe dans toute la ville, les hutong sont plus nombreux dans les quartiers centraux. Pour les découvrir à loisir, n’hésitez pas à vous enfoncer dans l’entrelacs des rues qui s’étend au sud-est des tours du Tambour et de la Cloche (voir p. 69). Délimitées par Gulou Dong Dajie, Dongsi bei Dajie et Di’an men wai Dajie, et traversées par Jiaodaokou nan Dajie, elles forment une véritable petite ville. Les environs du lac Hou Hai abritent aussi des hutong anciens. La bicyclette est le moyen de locomotion idéal pour la visite des hutong, mais on peut aussi s’y promener à pied. Bon nombre d’agences de voyages proposent des circuits découverte. Autour du lac Qian Hai vous trouverez des conducteurs de pousse-pousse qui vous proposeront un tour.


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GASTRONOMIE CHINOISE La cuisine chinoise est l’une des meilleures du monde. Elle repose sur l’équilibre entre les cinq saveurs fondamentales (sucré, salé, pimenté, aigre et amer) et sur des techniques de cuisson qui assurent une consistance parfaite des aliments (croustillant, croquant, Historiquement, le porc (zhurou) est la viande la plus courante, suivi du poulet (jirou). Le bœuf (niurou) et l’agneau (yangrou) sont assez peu consommés, excepté par les musulmans et les Mongols (de Mongolie-Intérieure). Le poisson (yu) est aussi fréquemment servi. Une foule d’ingrédients inhabituels pour les Occidentaux sont appréciés des Chinois : tortues, serpents, pattes d’ours, cigales, scorpions et rats. Ce sont des mets souvent très coûteux, réservés aux gens aisés et proposés dans les restaurants haut de gamme. Les Chinois mangent également de la viande de chien (gourou), surtout en hiver. Les légumes les plus courants sont le chou chinois (baicai/ qingcai), les épinards (bocai) et les pommes de terre (tudou). Parmi les fruits, les pommes (pingguo), les oranges et tangerines (juzi), les pêches (tao), les bananes (xiangjiao), les poires (lizi), le raisin (putao) et surtout les pastèques (xigua) sont proposés selon la saison. Le tofu (doufu), une pâte à base de soja qui remplace parfois la viande, est apprécié car il peut être préparé de multiples façons. Le riz (baifan), servi dans des petits bols, est présent à tous les repas. Les cacahuètes (huasheng) entrent dans la préparation de divers plats. Les graines de pastèque (guazi) sont aussi largement consommées.

Cuisine régionale

À Pékin (jingcai) et à Shandong (lucai), dans le Nord, on utilise des arômes salés et des ingrédients à base de blé. Les raviolis chinois au porc (jiaozi), trempés dans une sauce au soja ou au vinaigre de riz, sont extrêmement populaires, comme les nouilles et les petits pains cuits à la vapeur (mantou). La spécialité pékinoise la plus célèbre est le canard laqué, une préparation à base de lamelles de chair de canard que l’on déguste roulée dans une crêpe très fine agrémentée de divers

condiments et trempée dans une sauce -sucrée. Les préparations sautées sont typiques de la cuisine méridionale cantonaise (yuecai), de même que les plats cuits à l’eau ou à la vapeur. Les dim sum sont des petites bouchées fourrées, généralement salées, que l’on assaisonne de sauces diverses. Vous pouvez notamment en acheter à des marchands ambulants. La cuisine de Shanghai est réputée pour ses soupes et ses fruits de mer. Parmi les spécialités, on trouve le˝poulet ivre˝et les iaolong bao (petits pains farcis de viande). Enfin, le Sichuan, cœur de la cuisine de l’Ouest, se distingue par ses mets relevés par une épice typique, le hujiao (poivre du Sichuan). Parmi les plats sichuanais réputés, mentionnons le suancai yu (une soupe à base de légumes vinaigrés et de poisson) et le shuizhu roupian (lamelles de porc mijotées dans un bain d’huile pimentée avec des feuilles de chou). Les cuisines du Hunan et du Hubei sont également renommées pour leurs mets épicés.

Boissons

Les Chinois accompagnent leurs repas de bière (pijiu), la Tsingtao, de vin (putaojiu) ou d’un alcool fort de riz, de blé ou d’orge appelé baijiu (˝alcool blanc ˝), servi dans des petits verres et dont le plus célèbre vient de Maotai, dans la province du Guizhou. Le thé (cha) est consommé dans toute la Chine, pendant les repas et en dehors. Il en existe plusieurs types, comme le thé au chrysanthème (juhua cha), le thé noir (hong cha), le thé vert (lu cha) et le merveilleux thé aux huit trésors (babao cha), pot-pourri de huit ingrédients (jujube, cannelle, noix, abricot, prune séchée, sucre candi, thé, nèfle). Le café (kafei) n’est pas une boisson populaire (dans les restaurants, il est souvent instantané et très cher). Les Chinois aiment également boire de l’eau chaude bouillie (baikai shui), surnommée le ˝thé des pauvres˝.

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RELIGION ET PHILOSOPHIE La Chine est un pays profondément religieux, où diverses croyances coexistent et se mélangent de façon étonnante : le bouddhisme, importé de l’Inde, le taoïsme, seule croyance indigène en Chine et, dans une moindre mesure, le confucianisme, qui est plus une philosophie qu’une religion. RELIGION ET PHILOSOPHIE Le taoïsme Le confucianisme On attribue la fondation du taoïsme (daojiao) à Lao-tseu (Laozi, v. 580-500 av. J.-C.), qui aurait rédigé le Daodejing, le ˝Livre de la voie et de la vertu˝. Ses adeptes cherchent à communier avec l’Univers, à ne faire qu’un avec lui. Ils sont en quête de la révélation de la ˝voie˝ (tao), terme qui englobe le dynamisme de la nature et la force qui régit l’ordre cosmique. Le taoïsme est plus une philosophie mystique qu’une religion, bien que certains courants taoïstes aient intégré des divinités. La paix de l’âme passe par le détachement (wu wei), qui laisse les choses suivre leur cours. Qui désire progresser sur la ˝voie˝ lira l’œuvre de Lao-tseu, qui a le mieux perçu le tao, pour autant que ce soit humainement possible. Vivre en harmonie avec la nature et s’unir au tao, c’est également ce que vise la pratique du tai-chi (taiji quan) un art martial qui répond au précepte taoïste : atteindre la maîtrise de soi, la conscience supérieure et la sérénité.

Le bouddhisme

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Le grand nombre de temples témoigne de l’importance du bouddhisme (fojiao) en Chine. Fondé en Inde par le prince Siddharta Gautama (563-483 av. J.-C.), le bouddhisme s’est établi en Chine du IIIème au vie siècle en concurrence avec le taoïsme indigène. Ses principes ont pour but d’éliminer toute souffrance grâce au contrôle de nos propres désirs. Suivre ˝les huit paliers du sentier˝ conduit au nirvana, un état de liberté transcendantal. La Chine a adopté le bouddhisme Mahayana (enseignement du Grand Véhicule) qui diffère du bouddhisme Theravada (doctrine des Anciens) dans le rôle prépondérant des bodhisattvas dans le Mahayana, le développement de la compassion est essentiel. Le bouddhisme tibétain se diffusa aussi en Mongolie-Intérieure.

L’art bouddhique

Bouddha étant vénéré en Chine, la sculpture bouddhique est de nature cultuelle plutôt qu’artistique. Néanmoins, les sculptures et fresques qui se trouvent notamment dans les grottes de Dunhuang), de Longmen et de Yungang sont d’une grande valeur artistique. Ce type de sculpture a évolué avec les différentes dynasties, à mesure de la réinterprétation du bouddhisme. Les modèles datant de la dynastie des Wei du Nord (386-534 apr. J.-C.) sont remarquables pour leurs sourires vaguement hautains et leur beauté céleste. Ils ont une apparence lointaine, métaphysique et absconse, tandis que ceux des dynasties Tang et Song semblent plus humains et terriens.

Cette doctrine, appelée ˝pensée des lettrés˝ (rujia si xiang), doit son nom occidental au grand sage Confucius. Plus philosophie ou éthique que religion, le confucianisme prône le respect de codes, de normes, de règles de vie individuelle et sociale. Si de nombreux Chinois trouvent aujourd’hui pesantes la stricte observance des rites et la piété filiale héritées du confucianisme, cette morale fondée sur une conduite vertueuse a pénétré l’âme de la nation et s’est même imposée au-delà des frontières, notamment au Japon, en Corée et au Vietnam. Longtemps élevé au rang de doctrine officielle de l’Empire, le confucianisme a revêtu la forme d’une religion, avec son apparat et ses institutions, alors qu’il s’agit en réalité d’une morale politique et d’une sagesse qui propose une réponse très humaine à la vie en société.

L’islam

Des marchands arabes ont introduit la religion islamique (yisilan jiao) en Chine, via la route de la Soie et les voies maritimes. Les premières mosquées sont apparues sur les côtes de la mer de Chine méridionale. Aujourd’hui, le Xinjiang, au nord-ouest, compte une forte population musulmane avec les Ouïgours, un peuple turc originaire de Mongolie. Les Hui, l’autre grand groupe musulman, vivent à Ganzhou, dans le Ningxia, le Qinghai et le Xinjiang.

Le christianisme

Le christianisme (jidu jiao) a été introduit en Chine par les nestoriens, une secte syrienne, au VIIème siècle. Plus tard vinrent les jésuites, qui surent gagner les faveurs de l’empereur grâce à leur participation à l’édification du palais d’Été à Pékin et au partage de leurs connaissances scientifiques). Au XIXème siècle, la révolte des Taiping), qui visait à renverser le pouvoir de la dynastie mandchoue des Qing, fut fomentée par un illuminé du nom de Hong Xiuquan qui se prenait pour le frère de JésusChrist. Aujourd’hui, les chrétiens sont de plus en plus nombreux (100 millions).

Le judaïsme

La présence juive (youtai jiao) à Kaifeng remonte à la dynastie Tang. Les juifs auraient alors suivi la route de la Soie. Une première synagogue fut fondée au XIIème siècle mais fut dévastée à deux reprises par des inondations. Une communauté de juifs européens s’est implantée au début du XXème siècle à Shanghai et a contribué à sa prospérité.


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ARTS ET CULTURE Même dans les pages les plus dramatiques de l’histoire chinoise se lit une esthétique indomptée et parfaitement caractéristique exprimant noblesse et distinction. Comprendre la langue est un gage pour saisir cet état d’esprit. ARTS ET CULTURE

˝Lors de mon séjour en Chine, j’ai été très frappé de constater que les Chinois cultivés étaient peut-être plus civilisés que n’importe quel autre être humain que j’ai eu la bonne fortune de rencontrer˝, écrivait le philosophe britannique Bertrand Russell dans les années 1920. Malgré d’éventuelles dénégations, les Chinois ne peuvent que convenir en leur for intérieur de ce compliment, car ils sont fiers des réussites culturelles et artistiques de leur pays. L’art traditionnel plaît dans l’ensemble beaucoup à la sensibilité occidentale, car son esthétique cherche à esquiver les tensions et se polarise sur la douceur et l’élégance du toucher. En revanche, les préoccupations occidentales de précision et de réalisme n’ont jamais trouvé d’écho auprès de l’art chinois, pour sa part plus métaphorique et retenu. Ces éléments peuvent expliquer, en retour, la popularité à l’Ouest de la peinture paysagère chinoise : contempler des paysages peut s’avérer libérateur et gratifiant sur un plan philosophique, dans la mesure où cela dévoile une vision de l’existence bien différente de celle de l’Occident. Ces vues opposées ont donné naissance à deux philosophies divergentes. Là où l’Ouest s’est toujours considéré comme détaché de la nature et a cherché à la dominer, la connivence instinctive des Chinois envers elle les a privés des outils objectifs empiriques à même de la disséquer. Leur acceptation plus passive de la nature a eu pour résultante que les énigmes existentielles qui ont infusé une grande part de l’art occidental n’ont jamais trouvé leur place dans leur esthétique traditionnelle. La culture occidentale représente Dieu sous une forme humaine alors que, dans la philosophie chinoise, le Tao (Dao), ou ˝la Voie˝ est la forme d’expression la plus approchante du concept d’une déité globale mais dépourvue de forme. Que cela concerne la peinture de paysages ou le paysage lui-même, le Tao influence sans se révéler.

L’opéra chinois

L’opéra est né du théâtre populaire, une expression artistique florissante sous la dynastie des Yuan. Il existe nombre de formes régionales : chacune possède sa propre histoire, ses costumes, maquillage et musique. Le plus célèbre des opéras régionaux, l’opéra de Pékin (Jingju), atteignit son apogée sous les Qing. L’opéra chinois n’a que peu de relations avec son homonyme occidental. Ses histoires populaires sont chantées d’une voix suraiguë par des artistes très maquillés (le plus souvent masculins) dans des roulements de cymbales. Les rôles sont souvent très périlleux : sauts et cabrioles se succèdent, exigeant souplesse et endurance. De ce point de vue, il s’apparenterait davantage, malgré une chorégraphie très différente, au ballet classique occidental. On identifie les personnages à leur maquillage et à leurs costumes. Les rôles s’y distribuent le plus souvent entre rôles masculins (sheng), féminins (dan), guerriers et héros (jing) et clowns (chou). Shanghai, Pékin et Hong Kong possèdent les meilleures scènes. La formation, rigoureuse, était jadis réservée aux orphelins. Le film Adieu ma concubine (1993) donne un aperçu éloquent des difficultés que rencontraient les jeunes élèves. Les maîtres en arts martiaux Jackie Chan, Samo Hung Yuan Biao ont commencé par se former à la discipline de l’Opéra de Pékin. •

À NE PAS MANQUER • La Cité interdite  • Partir à l’assaut des rues sur un vélo de location • Se perdre dans les fascinants hutong • Se réveiller dans un hôtel sur cour  • Pénétrer les harmonies cosmiques du temple du Ciel  • Passer un après-midi au splendide palais d’Été  • La vie villageoise de Chuandixia  • Marcher sur la Grande Muraille de Badaling à Simatai

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