Elsa Durand Mémoire de master domaine C Juin 2013 Directeurs de mémoire Fanny Gerbeaud Adrien Gonzalez
L’aménagement touristique de la côte landaise Une délicate rencontre entre la terre, la mer et les hommes
Introduction générale
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I
L’ouverture du littoral landais au tourisme de masse : planifications de l’État et revendications locales
entre
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L’aménagement d’un «paysage landais» et la naissance d’une économie touristique
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1.1 Assainissement des Landes et premières stations balnéaires
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1.2 Tourisme de masse et naissance d’une économie locale
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2
La naissance d’un nouveau paradigme environnemental, économique et social
2.1 L’apparition de la question naturelle
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2.2 L’éveil des politiques publiques
32
3
La formulation d’une réponse «durable» : la planification touristique du littoral aquitain
3.1 L’ État, grand aménageur du tourisme aquitain
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3.2 La préparation de l’aménagement, des actions transversales
42
3.3 L’ UPA9, l’ adaptation locale des principes d’aménagement
54
4
Tensions et contradictions de la côte Aquitaine: d’une théorie à sa mise en œuvre
4.1
Les «imprévus» de la MIACA
62
4.2 Les opposants à l’aménagement de la côte aquitaine
64
4.3 Les différents points de l’aménagement remis en question
67
4.4 La ZAC de Notre Dame, un aménagement qui fait débat
72
II
Décentralisation et développement durable: durable du littoral landais
vers une gestion
1
Les débuts de la décentralisation entre avancées et déclins des engagements de l’État
1.1
Les lois de décentralisation : d’un État souverain à un état arbitre
85
86
1.2 Une reprise difficile du rôle de la MIACA par les collectivités locales
89
1.3 L’évolution du littoral landais dans les années 80
91
2.
L’ arbitrage réglementaire du littoral par l’État
2.1 L’institutionnalisation de la loi littoral 2.2 Des schémas d’adaptation locaux pour l’application de la loi littoral
3.
98 102
Vers une gestion intégrée du littoral landais
3.1 La recherche de nouvelles échelles de gestion du littoral landais
110
3.2 Des stations en tension
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Conclusion
122
Bibliographie
126
Table des matières
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Annexes
132
6
L’aménagement touristique de la côte landaise
7
Introduction
Avant que ne se développe un désir de rivage, l’espace littoral est longtemps resté un « territoire du vide » 1 et les charmes des plages, aujourd’hui tant recherchés, ont pendant un temps été ignorés par les français. Mais dès les années 1960 se développe un tourisme « de masse » grâce à la généralisation des congés payés. L’héritage de ces nombreuses années de tourisme balnéaire est une urbanisation massive des côtes françaises qui aujourd’hui sont soumises à autant de phénomènes naturels ainsi qu’a des pressions économiques et sociales. En effet, jusqu’aux années 1990, le développement touristique traditionnel a fonctionné sur un modèle de croissance basé sur une augmentation constante du nombre de visiteurs et une priorité à des bénéfices à court terme. L’offre touristique, peu liée aux cultures et aux traditions locales, s’est alors concrétisée dans des aménagements standardisés et souvent énergivores. C’ était l’époque ou l’espace et l’énergie étaient abondants et bon marché. La côte landaise, qui n’a pas connu l’engouement des autres façades maritimes françaises est restée relativement préservée d’un bétonnage massif. En effet, ce n’est qu’à partir des années 1950 et parce les autres côtes françaises sont saturées que la clientèle touristique de l’après-guerre s’y intéresse. Afin d’encadrer sa croissance spatiale, les services de l’Etat français créent en 1967 la « MIACA », une mission chargée de proposer un schéma d’aménagement pour la côte Aquitaine. L’objectif est celui d’éviter une urbanisation linéaire au rivage et de favoriser le maintien de vastes « zones d’équilibre naturel » entre les pôles urbains et touristiques du littoral. A ce même moment, en France et dans le monde, un regard nouveau sur la question environnementale est en train de naître. La hausse brutale du coût de l’énergie favorise dans le même temps l’émergence d’un courant de pensée écologiste qui encourage un plus grand respect de la nature. En effet, au tournant des années 70, le « Earth Day »2 illustre la genèse des premiers mouvements écologistes. Les aspirations des citoyens à un meilleur environnement se multiplient et de nouvelles priorités émergent telles que la préservation de la nature et des 1 Alain Corbin, ” Le Territoire du vide , l’Occident et le désir du rivage 1750-1840” 2 “Earth Day” ou littéralement Jour de la Terre marque la naissance, en 1970 du mouvement environnemental.
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L’aménagement touristique de la côte landaise
paysages qui s’exprime à travers différents mouvements associatifs. Ce combat pour la protection de la nature rejoint rapidement des problématiques sociales et économiques et sera questionné lors des rencontres et sommets internationaux qui rythment l’histoire récente du « développement durable3 ». C’est en 1992 que le Sommet de la terre à Rio pose les réels jalons politiques du concept. Ce doit être un processus de développement «respecteux» qui concilie l’écologique, l’économique et le social et établit un cercle vertueux entre ces trois pôles . Le territoire du littoral aquitain, que l’État a destiné à un tourisme de masse dans les années 1970 au travers de la Mission Interministérielle pour l’Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA) est alors confrontée à une nouvelle problématique: l’articulation entre tourisme et ressources naturelles dans une optique de développement durable. On se demandera donc comment les principes du développement durable s’inscrivent dans l’aménagement touristique de la côte landaise à travers les politiques publiques mises en oeuvre depuis les années 1970 ? Ainsi, c’est prisme des principes qui caractérisent le développement durable: (l’écologique, l’économique et le social) qu’on tentera de comprendre les mécanismes des différentes phases de l’aménagement touristique de la côte landaise. Deux parties tenteront de trouver des réponses à cette problématique. Dans une première partie, on s’attachera d’abord à présenter le contexte et les enjeux de l’ aménagement touristique de la côte landaise à l’aune des années 1970 ( 1 -2 ); Ensuite on parlera du type de réponse formulée par l’Etat pour encadrer cet aménagement (3); Enfin on explicitera la difficile mise en oeuvre du projet de la MIACA , des tensions qu’elle à fait naître et du rôle des acteurs locaux dans le desseins de leur territoire (4). Puis, dans une seconde partie on parlera du boulversement de la MIACA dans les années 1980 liée à contexte national de décentralisation (1) ; On verra ensuite comment l’État a tenté de formuler des réponses pour articuler développement touristique et protection des espaces naturels (2); Enfin, on parlera de l’évolution qui marque les politiques publiques d’aménagement touristique du littoral landais depuis les années 1990 avec l’arrivée sur la scène nationale du développement durable (3).
3 Développement durable est une traduction de l’ anglais “sustainable development” , parfois directement traduit en français par développement soutenable. Le développement durable a pour vocation de réconcilier l’homme, la nature et l’économie, à long terme et à une échelle mondiale.
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Plan d’aménagement de la côte aquitain proposé par la MIACA, 1972
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I.
L’ouverture du littoral landais au tourisme de masse : entre planifications de l’État et revendications locales
La période allant de 1967 à 1984 est marquée par l’action de la MIACA1 , une mission interministérielle chargée de l’aménagement de la côte Aquitaine. Pour comprendre l’élaboration de l’ aménagement touristique du littoral landais depuis la fin des années 1960, il convient de se replacer dans le contexte politique français de l’époque. La 5ème république en même temps qu’elle entreprend un réel remodelage socio-spatial du territoire français marque aussi le temps de pratiques touristiques croissantes et d’une sensibilisation à de nouvelles problématiques environnementales. La première partie du mémoire s’attachera à vérifier une hypothèse. Celle-ci suppose qu’au prisme de la planification touristique de la côte landaise, il s’est mis en place, un contexte d’émergence de développement « durable ». En effet, on tentera de comprendre comment les préoccupations environnementales et sociales des années 1970 se sont concrétisées à travers les politiques publiques de l’aménagement de la côte Aquitaine. Mais, avant de rentrer dans le vif du sujet, on s’attachera à présenter l’ émergence du tourisme balnéaire sur les côtes les landes de Gascogne, entre grands gestes d’aménagement et initiatives locales .
1
MIACA: Mission interministérielle d’aménagement de la côte Aquitaine.
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L’aménagement touristique de la côte landaise
1. L'aménagement d’un "paysage landais" et la naissance d’une économie touristique 1.1. Assainissement des Landes et premières stations balnéaires «Quand à l’école primaire, on découvre la France en dessinant la carte, les Landes séduisent d’emblée, tous les petits écoliers car elles sont le plus facile à dessiner. Un trait tout droit, droit comme une côte sableuse.» Journaliste de France 2, 24 mai 1983
Le littoral sableux landais s’étend ainsi sur plus d’une centaine de kilomètres. Ses plages sont doublées d’un système dunaire puis d’un chapelet de lacs, d’étangs et de marais qui révèlent un véritable richesse hydrographique. A l’arrière, plusieurs milliers d’hectares de forêts de pins racontent l’histoire d’un paysage façonné par l’homme. Que ce soit pour sa forêt ou pour son littoral, l’actuel paysage des Landes de Gascogne est le fruit de décisions exogènes. L’administration, à travers les Ponts et Chaussées au XIX ème siècle, a joué un rôle central en imposant ses desseins au territoire qui, semble-t-il, se prête à de « grands gestes » d’aménagement. 1.1.1 Du «sahara landais» au désir de rivage Avant que Napoléon ne décide de mettre en place une politique de boisement de ses contrées, la lande n’était qu’un vaste marécage ou les bergers, perchés sur leurs hautes échasses surveillaient leurs troupeau. Dans ce pays vide, le mot «désert» revient souvent sous la plume de ceux qui le racontent. Felix Arnaudin1, véritable ethnologue landais décrit alors son pays comme une «terre inhabitée, vide à donner le vertige ». A la rencontre de la mer et de la terre, la littoral était alors considéré comme hostile et les voyageurs le décrivaient comme un véritable «Sahara landais». Avant d’être lié au plaisir et à la contemplation, l’océan à longtemps été synonyme d’effroi et de peur2 et le désir de rivage a été permis par une lente évolution des imaginaires. Alors, pendant longtemps, peu d’intérêt à été porté au littoral landais et au lendemain de la révolution, exceptés les ports de Bayonne et de Capbreton il n’y avait aucune ville3 sur l’ensemble de la côte Aquitaine. Seuls quelques bourgs peuplés de pécheurs jonchaient le littoral comme à Vieux-boucau ou les pinassiers étaient installés depuis le XVIIème siècle4. A la fin du XIXème siècle, dans ces landes «marginales», de profonds changements vont transformer le système agro-pastoral en place boulversant alors le cours des quelques villages de pécheurs qui peuplent maigrement le littoral.
1
Felix Arnaudin (30 mai 1844 - 6 décembre 1921) : poète , ethnologue et photographe landais spécialiste de la Haute-Lande, de ses peuples et tradtions. 2 Alain Corbin, « Le Territoire du vide , l’Occident et le désir du rivage 1750-1840 » 3
Christianne Clus Aubry, “La gestion de l’érosion des côtes, l’exemple aquitain” , page 122
4
Pierre Traimond, “Vieux Boucau, de sable et d’eau”, page 10
I. L’ ouverture du littoral landais au tourisme de masse: entre planification de l’État et revendications locales
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Avec la loi d’assainissement instaurée en 1857 par Napoléon, on assiste en peu de temps à une plantation massive de pins maritimes dans les Landes. En cette période dominée par l’ hygiénisme, il faut assécher.5 Le maillage des landes humides s’opère ainsi selon un plan «rationnel» de réseaux de fossés qui va jusqu’à faire disparaître des étendues d’eau aussi importantes que l’étang d’Orx6. La lande devient alors une immense réserve foncière, domaine d’une forêt de rapport où les gemmeurs récoltent la résine d’un pin que les historiens ont appelé « l’Arbre d’or». L’exploitation de la forêt des Landes par le gemmage permet alors aux grands propriétaires de s’enrichir . L’essor économique de la région donne alors les moyens à de grandes familles de s’établir un lieu de villégiature sur la côte. La fixation des dunes et l’arrivée des trains de la compagnie des chemins de fer du midi à Arcachon et à Mimizan commandée par Napoléon facilite les premiers aménagements. 5 La promulgation par l’Empereur Napoléon III de la loi de 1857 dite «de mise en culture et d’assainissement des Landes de Gascogne» détruit toute cette structure agricole, économique et sociale conçue par les habitants pour respecter l’ équilibre en place. 6 Grâce au soutien de Napoléon III , le marais est asséché par l’ingénieur Frédéric Ritter et se métamorphose en polder accueillant un domaine agricole. Depuis, 1989, il est la propriété du Conservatoire du littoral et est classé en Réserve Naturelle Nationale depuis 1995
Résiniers landais et forêt de pins plantés Archives photographiques départementales des Landes
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L’aménagement touristique de la côte landaise
La re-découverte de l’océan est alors véhiculée par les artistes qui, dès la seconde moitié du XVIIIème siècle permettent, à travers leurs peintures ou leurs poèmes, une lecture sensuelle de ces lieux si longtemps refoulés. Les romantiques participent à cette diffusion d’un attrait pour le rivage et le présentent comme un lieu privilégié de la découverte de soi. C’est par la modification des représentations de cet espace et par l’ appropriation de lieux en partie ignorés par les populations locales que se fait peu à peu la mise en tourisme du littoral landais. Ainsi, en ce début de XIXème siècle, il est va d’un effet de mode de séjourner près du rivage. Les bains de mer, annoncés comme «vertueux» par la médecine hygiéniste permettent le lancement du thermalisme. C’est dans ce contexte, celui de la « Belle époque » que Maurice Martin , journaliste Bordelais, donne au littoral des Landes de Gascogne le nom alléchant de «Côte d’Argent», annonçant dès 1905 la promotion d’un territoire prometteur. 1.1.2 Stations de l’élite et stations embryonnaires Quelques stations du littoral aquitain deviennent, au début du XXème siècle , de «hauts lieux» touristiques aux modèles urbanistiques originaux et planifiés. Ainsi, Arcachon, Soulac, Lacanau se développent grâce à l’arrivée du chemin de fer à La Teste en 1842, puis à son prolongement jusqu’aux fronts de mer. L’ordonnancement des rues est dessiné en fonction de la vue qui guide l’étirement des stations le long de la plage qui est au coeur des nouvelles pratiques: le soin, la contemplation et la sociabilité. Les touristes-curistes sont de plus en plus nombreux l’hiver sur le littoral et une série d’aménagements est réalisée pour accompagner la pratique des cures thermales qui se développe. Alors que sur la côte Aquitaine ces quelques stations balnéaires ont un succès important, le reste de la côte landaise fait, dès le milieu du XIXème siècle, l’objet d’une urbanisation «anarchique». La genèse de la plupart des stations balnéaires landaises répond alors à un processus singulier. La localisation des premiers bains de mers s’ explique par l’ emplacement des embouchures et courants qui devait permettre, selon l’historien Soustonnais Pierre Traimond, «une navigation et une connexion possible avec l’intérieur des terres» et participer au transport de matériaux nécessaires à la construction de maisons et d’établissements de bain. Alors qu’ il paraissait inconcevable de construire sur des sables mobiles, la fixation des dunes opérée sous Napoléon permet l’implantation d’ habitats auprès des embouchures stabilisées par les semences de pins. Mais celles-ci restent relativement fragiles et doivent être préservées. Malgré cette instabilité, les organismes en charge de la dune7, conscients des dangers engendrés par la construction et le piétinement des dunes, autorisent l’installation de résidences balnéaires et d’établissement de bains. La balnéothérapie et le thermalisme sont considérés comme des priorités qui permettront de favoriser une économie locale et de lutter contre les maladies auxquelles sont exposés les habitants de la contrée
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Les services “Ponts et chaussés “et Eaux et Forêt sont alors propriétaires et chargés d’entretenir la dune plantée.
I. L’ ouverture du littoral landais au tourisme de masse: entre planification de l’État et revendications locales
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landaise. Devant la dégradation du milieu naturel, des conditions sont imposées pour l’implantation de chaque villa et la propriété de la dune revient à l’État. Les premiers usagers de ces quelques villégiatures construisent alors leur maisons sur un sol qui ne leur appartient pas et sous la menace d’une destruction plausible. L’aménagement touristique de la côte landaise est en route, mais le tourisme dont il est question ne touche pas encore les masses, c’est un tourisme de riches locaux qui renoue des liens avec l’océan. Avant qu’une véritable «économie touristique» ne se mette en route il a fallu attendre encore plusieurs dizaines d’années car jusqu’au milieu du XXèmes siècle l’économie principale des Landes reste l’exploitation forestière et le gemmage, cet art de récolter la résine du pin. Le tournant majeur de l’économie landaise est alors amené dès les années 1960 par la conversion au tourisme de masse de son secteur côtier et par les aménagements touristiques qu’elle a permise.
Plage de Vieux-Boucau au début du XXème siècle Archives photographiques départementales des Landes
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L’aménagement touristique de la côte landaise
1.2 Tourisme de masse et naissance d'une économie locale Dans toute la France, le XXème siècle est marqué par l’avènement des loisirs et la création des «vacances pour tous». Les pratiques touristiques, à l’origine essentiellement élitistes, s’ouvrent peu à peu à des couches sociales nouvelles car le développement des sociétés industrielles a fait naître dans le rythme du travail un temps nouveau, un temps «libre». 1.2.1 Le tourisme de masse et la nécessité d’un projet social « Dans toutes les activités de loisirs, le temps de l’élite faisait place à celui des masses ; des stations qui avaient été réservées à une minorité étaient investies par des gens ordinaires, et les dirigeants de l’industrie touristique reconnaissaient qu’il y avait plus d’argent à gagner avec la multitude qu’avec le petit nombre. » Alain Corbin
Après la seconde guerre mondiale, la période faste des Trente Glorieuses permet à toute une classe populaire d’accéder aux plaisirs des vacances et de la détente. L’ élévation générale du niveau de vie, les congés payés1 et le développement des moyens de communication et de transports2 participent à l’accroissement de la mobilité des Français et à la diffusion sociale des pratiques touristiques. Alors que les magazines féminins délivrent les secrets d’un bronzage parfait, le tourisme « de masse » se met en route, bouleversant le rythme des pratiques élitistes en place. Au milieu des années 1950 la France compte déjà 10 millions de vacanciers et ce nombre double dès 19643 . En effet, la démocratisation croissante des vacances se conjugue à une croissance démographique dopée par le «baby-boom» de l’époque. Dans son « Histoire du tourisme de masse », Marc Boyer retrace ainsi les traits principaux de cette évolution sociale. Il y explique que partir en vacances est devenu dès cette époque une norme sociale. De plus, le modèle de production industrielle des biens et des services en place inscrit le tourisme dans une uniformisation des pratiques du loisirs. Ainsi, les « trois S » (« Sea, Sand and Sun ») et la banalisation de la natation prennent part à la construction nouvelle d’une société des loisirs. Le tourisme se développe alors en France, autant soutenu par des associations de tourisme social que par l’État qui prend conscience du véritable projet dont il est question ici. Au milieu du XXème siècle l’aménagement du littoral, jusqu’alors aux mains d’une poignée de privilégiés devient alors l’objet d’un projet social, celui de donner l’accès à la mer au plus grand nombre. La diffusion des pratiques touristiques balnéaires va alors encourager l’État à contribuer à la définition de paysages urbains et touristiques du littoral français.
1
La loi du 20 juin 1936 reste dans les mémoires pour avoir légalisé les congés payés. Cette année-là, 15 à 20% de la population expérimentent pour la première fois les vacances . 2 Si le XIXe siècle a été le siècle du chemin de fer (encourageant un développement touristique principalement axial), le XXe est marqué par l’avènement de l’automobile qui ouvre plus largement l’espace touristique. 3 Jean Viard, le tropisme des rivages, 1995
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«Sea Sand and Sun», de nouvelles pratiques balnéaires Couvertures du magazine féminin «l’OFFICIEL» 1.N399 , 1955 2. N°447 1959 3.N°471, 1961 4.N° 531, 1966
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L’aménagement touristique de la côte landaise
1.2.2 La prise en compte par l'État du tourisme balnéaire Le contexte général de la 5ème république est celui d’un réel remodelage sociospatial du territoire national. Pendant les années 1950, alors que les villes sont en pleine croissance, l’accélération du mouvement d’exode rural préoccupe l’État. Face au déséquilibre géographique et aux campagnes désertées, les années 1960 instituent le temps d’une politique volontariste d’aménagement du territoire. Initiée en 1955, celle-ci prend réellement son essor avec la création en 1960 du CIAT4, le comité interministériel de l’aménagement du territoire . Ainsi, les « Trente glorieuses» deviennent les années de la réalisation d’ infrastructures et d’ équipements qui visent à structurer l’espace et à redistribuer la croissance au sein du «désert français» de l’après-guerre. Ce souci d’équité socio-spatiale, doublé d’une croissance des pratiques balnéaires, amène l’État à conduire une réflexion d’ensemble sur l’équipement touristique de ses territoires. Au delà d’une réelle demande sociale due au tourisme de masse, plusieurs raisons amènent alors le gouvernement à développer cette nouvelle économie touristique. D’abord, le succès de la côte espagnole qui s’équipe massivement pour accueillir les estivants européens inquiète la France. Alors que les français partent de plus en plus à l’étranger, les 3000km de côte de la France ne peuvent la satisfaire de n’être qu’une porte d’entrée vers le paradis Espagnol ! Ensuite, une croissance touristique se développe de façon anarchique dans la lignée de la spéculation foncière. En effet divers aménagements touristiques se développent de manière spontanée. Répondant souvent aux pratiques standardisées d’un tourisme de masse , le souci de leur intégration est rarement présent. De fait, l’obsession de développement économique qui caractérise le «mythe de progrès» de cette période laisse dans un premier temps les questions environnementales de côté. La conjugaison d’initiatives dispersées et les opérations réalisées au coup par coup font naître un urbanisme décousu et peu respectueux des équilibres en place. L’absence de maîtrise foncière de ces sites est en grande partie tenue pour responsable de ce désordre. Sans arbitrage, le libre jeu du marché foncier conduit alors à réserver progressivement l’usage du sol à l’activité immobilière touristique qui offre, sans concurrence possible, des prix exorbitants. De plus, l’ouverture marché foncier du littoral français à toute l’Europe, depuis le traité de Rome de 1957 ne fait qu’ exacerber les pressions internes qu’il subit déjà. Ainsi, le tourisme devient à la fois un véritable enjeu d’aménagement, une réponse aux préoccupations sociales et une voie de développement économique susceptible de ranimer certaines régions en proie à la désertification. Dès 1963, le CIAT créé alors la DATAR5, un instrument privilégié d’aménagement à l’échelon régional. Pour répondre à la problématique de l’aménagement touristique, l’État veut donc planifier l’espace littoral par un zonage fonctionnaliste du territoire6. Afin d’être à la hauteur de ses ambitions, la DATAR crée des «missions interministérielles d’aménagement7» qui ont pour but d’assurer une coordination 4 CIAT , comité interministériel d’aménagement et du territoire 5 DATAR, Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale 6 Emeline Hatt, 2012 7 Plusieurs missions ont été lancées: la MIALR (Languedoc-Roussillon), la MIACA ( Aquitaine)
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entre tous les acteurs de l’aménagement : services de l’État, collectivités locales, opérateurs privés et qui agissent à une échelle intermédiaire entre l’État et le département à l’échelle régionale8. Elles doivent ainsi permettre la mise en place de «schémas d’aménagement» sur l’ensemble des territoires concernés et coordonner leur exécution. Cependant , au moment de la création des «missions» la moitié du littoral français est déjà urbanisé. L’exemple de la Côte d’Azur est alarmant : l’urbanisation est présente à plus de 90% le long du trait de côte et fait peser de graves menaces sur les sites naturels et sur les activités traditionnelles.
8 Roger Lamoureux dans Urbanisme n°123-124. Notons qu’a cette époque, les «régions» n’existent pas encore au niveau administratif.
L’état du grand «chantier» de l’aménagement des côtes françaises en 1971 Revue urbanisme N° 123-124, 1971
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L’aménagement touristique de la côte landaise
1.2.3 Seignosse le Penon, une initiative locale «Seignosse comptait 500 habitants, 70 fermes, plusieurs centaines de têtes de bétail et presque autant de résiniers, de chasseurs, de pêcheurs … que de pins sur le bourg» Jean Gelliberts
Au moment où l’État décide d’intervenir dans l’aménagement des côtes françaises, le littoral landais reste un espace relativement préservé en comparaison à la côte d’Azur et à la côte basque qui sont déjà saturées par l’urbanisation. A l’aune des années 1960, alors que l’attrait exercé par les espaces naturels de la côte landaise se confirme, des initiatives locales d’aménagement se mettent en place. Marquées par une volonté locale de développer le tourisme dans ces territoires, les initiatives sont d’abord communales et départementales. Face à la situation économique dramatique des communes côtières, le Conseil général des Landes trouve un espoir dans l’engouement national pour le tourisme balnéaire. Il s’engage alors dans la promotion touristique du département landais et encourage son aménagement et son accès au plus grand nombre. Le Comité départemental du tourisme des Landes (CDTL) créé en 1959, propose alors la mise en place d’une Société d’économie mixte, la SATEL (Société d’Aménagement Touristique et d’ Équipement des Landes) pour la réalisation d’une station nouvelle : Seignosse-LePenon.. En 1962 la SATEL est donc créée et lance l’objectif de doubler la capacité d’accueil la côte landaise en réalisant près de 28 000 lits nouveaux9. La création de «Seignosse-le-Penon» commence alors dès 1963 par la construction d’ hébergements et de stationnements structurés de façon à promouvoir une station les «pieds dans l’eau». La conception s’étend le long du littoral pour permettre aux estivants d’arriver au plus près de la plage, un espace essentiel au centre des pratiques. Cet aménagement «moderne» est bien le fruit d’une «création ex-nihilo» qui ne se rattache pas au bourg ancien de Seignosse. Le plan-masse , conçu par l’architecte Jean Marty répond à un zonage fonctionnaliste de l’espace qui sépare les commerces des zones d’habitat et des équipements. Imaginée lors de la démocratisation de l’automobile, la station de Seignosse à accordé une grande place aux circulations motorisées et aux vastes espaces de stationnement qui en découlent. Il s’agit de favoriser l’accès en voiture au plus près du lieu de la pratique touristique Malgré tout, les piétons ne sont pas ignorés et on y trouve, à la manière de l’urbanisme de dalle de l’époque, de vastes zones uniquement réservées aux piétons. Les équipements que prévoit la station sont ambitieux et deux bassins d’eau de mer artificiels d’une surface totale de baignade d’un hectare sont prévus. Sur le littoral landais la réponse donnée aux pratiques balnéaires se fait alors par le biais d’ initiatives locales qui répondent, dans une certaine mesure, à la croissance constante du tourisme balnéaire en proposant des produits touristiques standards peu respectueux des spécificités locales.
9 E.Hatt, 2012
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2
2. Carte postale du plan d’eau salée de Seignosse
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1965
Le projet d’une urbanisation «moderne» et dense le long de l’océan à Seignosse Le-Penon Images extraites d’une archive de L’INA, 1965
Seignosse Le-Penon, des initiatives locales pour développer l’économie touristique
1962 : Création de la SATEL- Construction des VVF des Estagnots et des Gîtes de la mer 1963 : L’architecte Jean Marty ( architecte de St Jean de Monts) est désigné architecte en chef du projet du Penon
1964 : Présentation du projet du Penon aux élus, par la SATEL et Jean Marty. Inauguration du VVF « Les Estagnots » par M. Maziol, Ministre de la construction. Ouverture de la première plage Seignossaise - les Casernes.
1965 : Débuts de la réalisation de la station de Seignosse-Le-Penon, par une société d’économie mixte (SATEL) avec une large participation de la Caisse des Dépôts et Consignations- .Ouverture de la plage des Estagnots- . Destruction de l’ancienne gare de Seignosse-
1966 : Réalisation du camping-gîte des Casernes, par la SATEL.
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1965
Le plan «en longueur» de la station de Seignosse le Penon Image extraite d’une archive de L’INA, 1965
Publicité pour la station nouvelle de Seignosse le Penon. Revue «Urbanisme» ,1972
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L'aménagement d’un "paysage landais" et la naissance d’une économie touristique
L’aménagement touristique de la côte landaise est le résultat d’une lente évolution des regards sur un paysage autrefois considéré comme hostile. Si l’État n’est pas toujours intervenu dans cette lande déserte, les grand travaux d’assainissement et de fixation des dunes ont , dès le XIXème siècle, permis à un tourisme de l’élite de s’y installer. La première mise en tourisme du littoral landais à alors inscrit dans un paysage encore préservé les pratiques balnéaires du début du siècle. Dans les années 1960, avec l’ avènement du tourisme de masse et la valorisation du temps libre il s’y invente de nouvelles formes de loisirs et d’appropriation territoriale. La démocratisation des pratiques balnéaires qui caractérisent la période faste des trente glorieuses ont amené à la création de stations touristiques «ex-nihilo» sans réel lien avec les communautés en place. Ce phénomène n’a pas tardé à se traduire par une urbanisation massive des côtes françaises que l’État à voulu encadrer. Mais, avant qu’il ne se soit intéressé à la côte landaise, des initiatives locales se sont développées comme à Seignosse-Le Penon où l’implication des collectivités locales à permis la création d’une station touristique nouvelle, déconnectée du bourg ancien et qui répond aux standards touristiques d’une époque «moderne». A l’aune des années 1970, la croissance du tourisme sur le littoral landais se fait alors par le biais d’ initiatives locales qui répondent, dans une certaine mesure, à la croissance constante du tourisme balnéaire. Cependant, l’absence de plan global d’aménagement et d’une réflexion à plus grande échelle sur l’avenir du littoral aquitain inquiète. L’essor du tourisme estival pose alors de nouvelles problématiques que l’urbanisation «sauvage et désordonnée» d’une partie du littoral exacerbe.
Dès les années 1970, la prise de conscience de la fragilité de la nature va alors conditionner les manières d’appréhender le développement du tourisme côtier. L’unique question sociale , reflet d’une société industrielle de conception «moderne» , des luttes ouvrières et de l’accès aux vacances va rapidement se doubler de la question de la préservation de la nature.
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2. La naissance d’un nouveau paradigme environnemental, économique et social «Vous le savez, cette année 1970 marque une prise de conscience aussi bien sur le plan national qu’international du caractère impérieux que doivent revêtir le souci de l’environnement et de la protection du milieu naturel, menacé de toute part par évolution de la technique, et sans lequel la vie n’est pus possible.» J. de Lipkowoski lors de la journée mondiale de l’urbanisme à Royan , novembre 1970.
2.1. L’apparition de la question naturelle 2.1.1 Un bouleversement national En France, en même temps que le tourisme se développe, les événements de mai 1968 font naître de nouvelles valeurs telles que l’écologie et la liberté individuelle. La prise de conscience de la nécessité de préserver la nature est d’autant plus forte que les aménagements engendrés par le développement du tourisme révèlent certains excès. En effet, comme le montrent les premières réalisations du Languedoc Roussillon, l’ accès massif des touristes et les constructions linéaires assurant une « vue sur la mer » exacerbent les problèmes d’érosion côtière et la pollution des côtes. L’émission « La France défigurée» permet alors une réelle sensibilisation du public français à l’urbanisation désordonnée du littoral. Elle présente les conflits d’intérêts existants entre le respect des paysages et les opérations immobilières qui se veulent juteuses. L’ opinion publique s’engage ainsi dans la dénonciation d’une phase de développement non contrôlée du littoral, lors de laquelle l’établissement des constructions à tendance à s’opérer au plus près des rivages. La critique des aménagements touristiques tels qu’ils sont envisagés à l’époque devient inévitable et de nombreuses organisations se mettent en place pour s’opposer à la bétonnisation du littoral. Mais cette prise de conscience de la fragilité des côtes est à replacer dans un contexte plus large, celui de l’avènement des premières critiques de la modernité. Il semble intéressant de revenir sur les fondements de cette évolution avant d’aborder plus particulièrement la façon dont l’aménagement du littoral s’inscrit dans cette perspective. 2.1.2 Une prise de conscience mondiale Dès 1951, l’ union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publie un premier Rapport sur l’état de l’Environnement dans le monde et sur les possibles clefs d’une réconciliation entre économie et nature. Malgré cela, les vingt années qui suivent seront marquées par l’âpre constat que les activités économiques détruisent peu à peu le monde naturel. Dans les années 1970, une prise de conscience mondiale apparaît et fait naître, dans les pays industrialisés, le besoin de protéger la nature et d’encadrer les méfaits de la croissance. Les premiers chocs pétroliers tels que le naufrage du Torrey Canyon ou de l’ Amocco Cadiz sensibilisent
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Extrait de la première photo de la terre Photo prise par le Lunar Orbiter1 le 23 août 1966, source NASA
alors l’opinion mondiale aux excès de l’industrialisation. Il s’agit d’ un véritable « tournant environnemental» ou l’on se rend compte des répercussions néfastes du développement et de la croissance. Pour protéger la nature en tant que telle il s’agit aussi de la réconcilier avec les activités humaines car le modèle économique en place , en plus de détruire les ressources naturelles et la bio-diversité, creuse des inégalités sociales entre les pays du nord et les pays du sud. Le message se répand alors: « ONLY ONE EARTH10 ! ». Cette prise de conscience d’un monde unique est symbolisée par la première photo de la terre vue de l’espace. Comme l’architecte Buckminster Fuller l’évoque dans son «manuel d’instruction pour le vaisseau spatial terre»11 : Nous sommes tous embarqués sur le même navire! A partir de ce moment là, des actions de protection environnementales se concrétisent à travers la formation d’organisations non gouvernementales. Les «amis de la terre «sont les premiers à agir en 1969. Ils 10 «Only one earth» que l’on peut traduire par: «nous n’avons qu’une terre».est une formule de Barbara Ward co-auteure de la rédaction du rapport préparatoire à la Conférence des Nations unies sur l’environnement de Stockholm en 1972. 11 Buckminster Fuller, Manuel d´instruction pour le vaisseau spatial «Terre», 1969
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seront rapidement suivis par d’autres organisations telles que «WWF» et «Greenpeace». Les citoyens se regroupent alors au sein d’associations de protection témoignant d’une nouvelle volonté d’agir et de défendre la nature. A travers l’évolution générale des revendications associatives, on comprend que la lutte pour la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore, devient peu à peu, un combat pour l’ «environnement». Ce basculement sémantique est important car il témoigne du passage d’une réflexion sur la nature, considérée jusque là comme un objet isolé, à l’environnement, qui la place dans un tissus d’ interactions. En 1972 lors du premier sommet de la terre étayé par le «Club de Rome»12 un rapport fondateur sur les limites de la croissance13 réveille les consciences. Ce sommet planétaire marque une étape importante dans la lente émergence du concept de «développement durable». En effet, même si ce terme n’apparaît pas encore à ce moment là , on comprend d’ores et déjà que la croissance économique, en l’absence d’objectif de bien-être pour tous, sans renouvellement des ressources naturelles indispensables à la création des richesses, et avec pour seul but le profit à court terme, n’est pas soutenable. Alors que les prouesses technologique sont un coût humain, social et environnemental, le grand récit de la modernité, la croyance en la marche inexorable du progrès, l‘universalisme et le rationalisme laissent la place à de nouveaux référentiels. 2.2.3 Une critique de la modernité En 1970, l’ émancipation progressive de la raison et de la liberté fait naître un nouveau modèle de société centrée sur l’individu, le bien-être et l’accomplissement de soi. La naissance de «sujets-acteurs»14 permet une véritable rupture avec l’idée d’une «modernité prométhéenne» qui ne considère la nature que pour mieux la dominer. Dans un même temps , cette évolution marque le début d’une culture intense de la consommation dans laquelle les images servent une esthétisation du quotidien et ou les sphères marchandes et culturelles tendent à se confondre. Alain Touraine, dans son livre «critique de la modernité»15 observe cette transition d’une société «moderne» à une société de consommation dans laquelle le sujet participe au fonctionnement du système par ses actions, sa pensée. Nombre d’auteurs et de philosophes ont analysé ces transformations sociales en termes de postmodernité voire d’hypermodernité16. Sans s’attarder sur ces concepts il semble intéressant de poser la question de l’influence de ce renversement de valeurs sur les référentiels de l’action publique dans une époque de «grands travaux» en France. Les rapports hiérarchiques d’une autorité telle que l’État sont questionnés au prisme de l’ émergence de multiples réseaux de négociation ou de résistance 12 Le Club de Rome est un groupe de réflexion pluridisciplinaire préoccupé par les problèmes complexes auxquels doivent faire face les sociétés, 13 Club de Rome, «Limits to Growth» traduction «Halte à la croissance», 1970 14 Le Club de Rome est un groupe de réflexion pluridisciplinaire préoccupé par les problèmes complexes auxquels doivent faire face les sociétés, 15 E. Hatt, 2012 16 François Asher
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annonçant dès lors les prémisses du concept de « gouvernance ». En effet, à la lumière du bouillonnement associatif qui s’accélère avec le désir de protéger la nature, on comprend que la question du modèle de développement touristique à opérer dans les Landes se pose et qu’elle devra prendre en compte la réévaluation critique de la modernité qui caractérise son contexte. Quelles sont alors les premières réponses de l’état face à cette montée en puissance des préoccupations environnementales?
Manifestantes du «Earth Day» en 1970
«Depuis le début des années 1970, le tourisme est l’industrie qui connaît la plus forte croissance à l’échelle de la planète. Avec l’émergence de nouvelles préoccupations sociales et environnementales, celle-ci est de plus en plus confrontée à la question de sa compatibilité avec le développement des communautés locales et de la protection de l’environnement .» McCool, Public policy theories, models, and concepts: An anthology, 1995
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2.2 L’éveil des politiques publiques 2.2.1 Une position d’abord ambiguë Face au développement, souvent jugé excessif et dans un contexte favorable à la plus grande prise en considération des questions environnementales, l’État se devait de proposer de nouvelles politiques publiques d’aménagement plus respectueuses des milieux naturels. La position de l’État est dans un premier temps ambiguë . Dans les années 1970, alors que la politique d’aménagement intensive du territoire fait de lui un des principaux responsables de la pollution et de la consommation de nature, l’État entame une lutte contre les atteintes portées à l’environnement. Il adopte ainsi une double politique d’aménagement, d’une part et de correction de l’autre. Dans la mesure ou l’opinion publique est sensibilisée aux atteintes portées à l‘environnement, l’État français met en place des mesures globales de protection. En 1970, le président Georges Pompidou demande alors à son Premier Ministre Jacques Chaban–Delmas un plan de « 100 mesures pour l’environnement » ainsi que la création du ministère de la Protection de la Nature et de l’Environnement qui verra le jour en 1971 . 2.2.2 Un désir de protection du littoral En 1971, la DATAR témoigne de ses préoccupations en publiant le rapport Piquard, «Littoral français, perspective pour l’aménagement». Celui-ci dénonce alors les problèmes posés par l’urbanisation du littoral. Pour la première fois l’importance d’envisager le littoral comme une bande large, et non seulement comme la ligne de rencontre entre terre et mer, est évoquée. Les menaces qui pèsent sur l’équilibre des milieux naturels littoraux sont alors rendues publiques et le rapport Piquard marque le début d’un véritable «code de l’environnement». Si le littoral aquitain fait l’objet d’alertes , c’est bien parce qu’en 1970 il n’existe que peu de protections réglementaires pour le préserver. La loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites est la première loi qui, dans son intitulé, annonce clairement l’intention de l’État de protéger la nature. Cependant il faut attendre la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature pour confirmer cette volonté du gouvernement français de protéger le patrimoine naturel sur le territoire national à travers la création de «réserves naturelles»(cf encadré) . Dans l’espace du littoral landais, les espaces remarquables sont alors «inscrits à l’inventaire des sites» , ou bien désignés «réserves naturelles», mais alors que de fortes pressions mettent en péril la protection de ces sites, la protection foncière semble être la seule disposition qui permette d’apporter la garantie d’une protection durable. C’est ainsi que l’ État créé en 1975, un établissement public chargé de mener une politique foncière de «sauvegarde de l’espace littoral, du respect des sites naturel et de l’équilibre écologique»: Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Son rôle est alors de mener«une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral» afin
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d’atteindre la maîtrise d’1/3 naturel du des côtes françaises. Cette acquisition des sites les plus remarquables doit leur permettre d’être soustrait de ce qui les menace principalement: la pression immobilière. On verra alors, dans le cas de l’aménagement de la côte aquitaine que l’acquisition foncière à eu un rôle fondamental dans la protection des espaces sensibles de la frange littorale. Petit à petit et à travers l’exemple Aquitain, la politique de Protection de la Nature est devenue de plus en plus explicitement une politique d’Aménagement du Territoire intégrant protection et développement touristique .
Inscription à l’inventaire des sites La loi du 2 mai 1930 prévoit l’ inscription ou le classement des «monuments naturels dont la conservation et la protection présentent un intérêt général». Cependant, celle-ci présente souvent des zones très vastes et imprécises et dans les Landes, le site inscrit en 1968 recouvre l’ensemble du littoral landais et ses étangs . Les effets de cette inscription sont ainsi relativement limités car elle ne peut s’opposer aux opérations qui risqueraient de dégrader le littoral. Avec la démocratisation des loisirs balnéaires, la pression touristique met en lumière cette lacune car de nombreux campings sauvages «squattent» et abiment les zones inscrites. Réserves naturelles Les réserves naturelles ont une base légale plus récente et sont organisées officiellement depuis 1957. Elles ne sont cependant définies que par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Les réserves naturelles y sont alors considérées comme des «espaces naturels de haute valeur écologique, en particulier de milieux naturels devenus rares ou particulièrement menacés et présentant un intérêt spécifique sur le plan scientifique.» Leur gestion est assurée dans plus de la moitiés des cas par des associations de défense de l’environnement, par des collectivités locales ou par l’ Office national des forêts. . Quelques réserves naturelles landaises Banc d’Arguin 1972 Etang noir 1974 Étang du Cousseau 1976 Courant d’Huchet 1981 Marais d’Orx 1985
inscription à l’inventaire des sites et réserves naturelles
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Estimation d’une possible évolution de l’empreinte écologique globale Extrait du rapport «Limits to the Growth», du Club de Rome, 1970
L’urbanisation alarmante des côtes françaises, l’exemple de la côte d’Azur Extrait de la revue urbanisme, n°123-124, 1971
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2 Les années 1970 ont vu l’apparition d’un nouveau paradigme au travers d’un contexte mondial de mutations environnementales, sociales et économiques. Cette période , alors marquée par la prise de conscience générale de l’impact des hommes sur la planète à fait naître les premières revendications pour une protection de la nature et s’est associée à une véritable remise en question de la croissance économique telle qu’elle alors envisagée. Les premières réponses de l’État face à cette montée en puissance des questions environnementales sont ambiguës. Alors qu’il adopte une politique d’aménagement touristique massive d’une part il entreprend une politique de «correction» et de protection de la nature de l’autre.
A la lumière du bouillonnement associatif qui s’accélère avec le désir de protéger l’environnement, la question du modèle de développement touristique à opérer dans les Landes se pose et devra prendre en compte les réévaluations critiques de la modernité qui caractérise son contexte. On verra donc qu’une nécessaire réflexion croisée entre protection des espaces naturels et aménagement touristique va trouver une réponse originale sur le littoral landais.
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«La mobilité croissante des français nous amène à envisager des aménagement dans certains coins du littoral français. Vous savez que nous avons commencé sur le Languedoc-Roussillon, nous tenons aujourd’hui à voir quel est le style, quels sont les investissements, quels sont les moyens de financiers qui sont nécessaires sur la côte Aquitaine et spécialement sur la côte des Landes. Je veux dire que ce que j’ai vu jusqu’ici est encourageant et j’espère que le groupe de travail spécial pour la côte Aquitaine que je viens d’ instituer à Paris, pourra commencer à l’automne des travaux fructueux pour toute la région.» Olivier Guichard
Olivier Guichard en visite sur la côte Aquitaine archives INA , JT Aquitaine, 27 août 1965,
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3. La formulation d’une réponse «durable» : la planification touristique du littoral aquitain 3.1 L’État, grand aménageur du tourisme en aquitaine 3.1.1 La création de la MIACA Le 27 août 1965, la visite d’Olivier Guichard en Aquitaine annonce la prise en main par l’État de l’aménagement de la côte Aquitaine. Après l’institution d’un groupe de travail en 1965 dirigé par Phillipe St Marc, la mission interministérielle d’aménagement de la côte Aquitaine ( MIACA) est créée le 20 octobre 1967 par décret ministériel. Elle à pour motivation principale de favoriser l’aménagement côtier en évitant une extension inconsidérée et anarchique du tourisme. La MIACA est alors chargée de définir les conditions générales d’aménagement touristique du littoral aquitain, de définir son programme général d’aménagement , d’en déterminer les moyens d’exécution et d’en faire suivre la réalisation par l’État et les collectivités locales. La Mission doit aussi assurer dans les trois départements littoraux que sont la Gironde, les Landes et les Pyrénées atlantiques, une coordination des actions entreprises pour l’aménagement de la côte. Deux schémas successifs sont alors élaborés durant les deux présidences de la MIACA: l’un en 1969 par la mission Saint- Marc, l’autre en 1972 par la mission Biasini. Chacun propose des objectifs communs tels que le développement économique local, la protection des espaces naturels fragiles et la volonté de donner une vocation sociale au tourisme proposé. Pourtant, derrière ces grands principes, les dimensions données à la mise en oeuvre de ces «idéaux» ont été très différentes. 3.1.2 La mission St-Marc, un développement attentif à la nature et aux hommes ( 1967-1970) Philippe Saint Marc, conseiller à la Cour des Comptes, est nommé président en 1966 du groupe d’étude, puis en 1967 de la Mission Interministérielle pour l’Aménagement de la Côte Aquitaine. Phillipe Saint-Marc est un énarque marginal qui place l’écologie au centre de sa réflexion. Elle permet selon lui de comprendre et d’agir sur le monde. Il considère alors que la recherche du bien-être physique et spirituel de l’homme doit être le fondement de la société et doit passer par une relation nouvelle entre l’homme et son environnement. La notion de «progrès» de l’homme passe par ce qu’il appelle un «humanisme écologique1 ». Pour lui, cette nomination à la tête de la MIACA est l’occasion de promouvoir et de mettre en œuvre un autre type de développement, plus attentif à la protection de la nature et de l’environnement. Son souci premier est alors d’intégrer l’homme à la nature par le biais de la protection du milieu naturel et d’ouvrir cette nature 1 Phillipe St Marc, Socialisation de la nature, 1971
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protégée au plus grand nombre. Ce principe, il l’explique quelques années plus tôt dans l’article « Socialisation ou destruction de la Nature » qu’il fait paraître en 1967 dans la revue «Études». En outre, il promeut un « humanisme écologique », base théorique d’un épanouissement moral et physique pour les hommes. Quatre ans avant la conférence mondiale des États sur l’environnement de Stockolm2, Phillipe St-Marc évoque déjà les notions d’un «développement durable». Considérant alors le littoral comme un lieu public il n’admet pas qu’ une privatisation puisse compromettre son accès pour tous. Il diffuse alors ses convictions : selon lui toute opération d’aménagement doit être éloignée de l’idée de profit. En réaction à l’aménagement du littoral Languedocien et de ses stations « ex-nihilo» coupées de leur contexte local, les idées de St-Marc mettent l’accent sur la protection du «capital-nature» dont jouit la côte Aquitaine, relativement protégée à cette époque. Il s’agit donc d’intégrer l’homme à la nature sans pour autant la détruire . Pour mener à bien sa politique, il propose plusieurs principes d’action. Trois piliers ancrent sa proposition pour une mise en tourisme de la côte Aquitaine. D’abord, il s’agit de prendre en compte l’arrière pays; Ensuite il faut prôner le développement d’un tourisme «social» et accessible à tous; Enfin, l’aménagement en profondeur doit permettre de ne plus bâtir le long de la côte et d’éviter l’effet mur de béton que l’on peut observer sur les autres côtes françaises. Cette volonté d’aménagement perpendiculaire au rivage sera réinterprétée presque 20 ans plus tard par la loi littoral . Sa mission ne se limite donc pas à l’équipement d’un «trait de côte» mais s’intéresse à un environnement bien plus large, une bande de trente kilomètres de la mer à la terre; une «entité» géographique et culturelle. Sa principale action se situe alors dans la vallée de L’Eyre, à plusieurs dizaines de kilomètres de l’océan. Cette vallée qui s’immisce entre des forêt de pins environnantes constitue un véritable écosystème à part entière. Cet incroyable
" Nous avons voulu e aquitaine de devenir un privées"
Philippe Saint-Marc LE MONDE , 23.02.19
2 En 1971 ,dans un climat de confrontation et non de conciliation entre l’écologie et l’économie se tient la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement humain, à Stockholm.
1960 La technique ou l’enjeu du siècle de J.Ellul 1960 Tristes tropiques de C.Lévi-Strauss 1955
Avant que nature 1
1950
1960
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Ph. Saint Marc parle de sa publication «la socialisation de la nature» archives INA, « le fond et la forme» 19 nov. 1971
empêcher la côte n mur de propriétés
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«Il faut que nous nous disions que depuis que l’homme est apparu sur la terre , jusqu’à maintenant, nous avons vécu sur une certaine conception: la conception que la nature était un bien gratuit, illimité, éternel. Il faut que nous nous disions au contraire maintenant et pendant tout le temps où l’humanité durera sur la terre, que la nature devient un bien rare , que c’est un bien qu’il faudra payer, payer de plus en plus cher si nous voulons le conserver, c’est un bien qui risque d’ être temporaire et temporaire comme nous, c’est a dire que nous disparaîtrons avec lui. C’est donc un bien essentiel et par conséquent il doit être le bien de tous. C’est ce que j’ai voulu dire quand j’ai parlé de «socialisation de la nature» j’ai pensé qu’en fait, il fallait une politique humaniste à l’ égard de la nature et non pas une politique matérialiste. Une politique qui essai de préserver ce bien commun qui essait aussi d’en faire bénéficier l’ensemble de la population et non pas quelques privilégiés seulement. Nous ne pouvons pas laisser approprier les grandes richesses du monde naturel par une petite minorité car nous aboutirions sans cela à une situation révolutionnaire.»
Socialisation de la nature de P.St Marc 1971 la critique du développement de I. Illich 1969 La planète malade de G.Debord 1971 Nous n’avons qu’une terre de B.Ward et R.Dubos 1972 Halte à la croissance, rapport du Club de Rome 1972 La dernière chance de la terre, hors série du Nouvel observateur 1972 Le miroir de la production de J.Baudrillard 1973
Vivre sans pétrole de J.A. Gregoire 1979
L’écologie ou la mort, campagne de R.Dumont 1974
e meure de J.Dorst 1965
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Le Feu vert de B.Charbonneau 1980
De la nature, pour penser l’écologie de S.Moscovici 1976
1970
1980 La Gueule ouverte (périodique) 1972 à 1980
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royaume de la biodiversité est due à ses zones humides et ses forêts de feuillus. Pourtant cet espace est train de devenir un véritable désert humain et, pour StMarc, c’est «un pays qui se meurt». Ce constat pose donc un problème éthique : Sauver ce lieu en attirant des touristes ne risque-t-il pas de la dénaturer ? Les réflexions de St Marc l’amènent cependant à considérer que la nature ne peut se protéger seule et que l’homme ayant sa place dans la création, est «investi d’une mission morale de protection de la nature qui ne consiste pas tant à préserver l’existant qu’à favoriser les potentialités d’un espace»3. Il décide alors de développer cet espace en remettant en état les courants de la Leyre permettant la pratique du canoë et en lançant un programme d’équipements sportifs. A ce programme sportif s’ajoute une programme de rénovation culturelle «pour promouvoir non seulement le tourisme mais aussi le touriste4». Il cherche ainsi à animer les vacances par des festivals itinérants ou des spectacles poétiques dans les campagnes5. Ces premières initiatives trouvent par la suite un prolongement avec la création, en 1972, des Centres Permanents d’Initiation à l’Environnement (CPIE), dont l’objectif est de faire découvrir à la fois la nature et la culture d’une Région. Malgré tout, Phillipe Saint Marc reste le président d’une Mission qui n’a encore que peu de moyens financiers et humains. Cela provoque un réel malaise dans les communes côtières car les discours prometteurs ne sont suivis d’aucune réalisation concrète .En outre, ses principes sont parfois éloignées des aspirations locales des élus qui, au moment même où le Languedoc Roussillon tire des premiers bénéfices de l’urbanisation de sa côte, aimeraient eux-aussi profiter de cette économie juteuse. L’approche particulière du développement régional prôné par St-MArc s’oppose donc aux principes des politiques d’aménagements du territoire plus classiques et aux intérêts qui lui sont liés. L’action du président de la mission se trouve alors publiquement critiquée. Par le ministère de l’Équipement d’Albin Chalandon d’abord, mais aussi des groupes de pression Bordelais soutenus par Aymar AchilleFould, député de Gironde. Fort de ses convictions, Phillipe St Marc refuse de signer une dérogation pour la construction de logements sur un terrain non constructible aux environs de Biscarosse et sera «renvoyé» de son poste en février 1970, par le premier ministre, Jacques Chaban-Delmas. Cette période de la MIACA de St-Marc a laissé peu de traces . « Tracer une autoroute ou de grands axes dans les pins, construire des bâtiments sur les dunes, aménager les bords des lacs pour héberger des centaines de milliers de touristes supplémentaires sont autant d’actes qui peuvent représenter un réel danger pour cet environnement. Faut-il pour autant ne rien faire?» J.Loup Révérier, journaliste à L’Unité La période de la mission St-Marc, plus qu’une période d’aménagement touristique,
3 -4-5 Alexis Vrignon, « L’écologie politique et la Protection de la Nature et de l’Environnement », Ecologie et Politique,
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est une période d’engagement ayant aboutit à la définition d’une véritable éthique de l’aménagement touristique sur le territoire landais. Cette mission, critiquée pour le peu de réalisations concrètes qu’elle a permises, a eu le mérite de poser les bases d’une réflexion sur la cohabitation possible entre tourisme, protection des espaces naturels et respect des cultures en place et sur la définition d’ un tourisme singulier, d’une toute autre nature que celui que l’on trouve partout ailleurs sur les côtes françaises. 3.1.3 La mission Biasini, une mission du concret (1970-1984) Pour beaucoup, le véritable départ de la Mission est donné en 1970 lorsque Jacques Chaban-Delmas désigne Emile Biasini comme nouveau président. Lorsqu’on lui propose de remplacer St- Marc, Emile Biasini n’ ignore pas les difficultés de la mission et l’accepte à la condition que des moyens financiers suffisants lui soient accordés. Une ligne budgétaire unique est alors créée au Ministère des Finances pour accompagner sa démarche. « Chaban était merveilleux pour moi , on est devenus amis. Il n’y a rien de ce que j’ai pu lui demander qu’il ne m’ait aidé à faire étant donné que son souci et la seule vraie consigne qu’il m’ait passée c’est: occupez vous du pays! » Emile Biasini La conception de Biasini est claire et il l’affirme en 1971 devant la commission de développement économique régional: il veut « fonder la promotion économique et sociale de l’Aquitaine sur le tourisme ». Ses ambitions sont grandes et à vocation «internationales». Il s’agit de s’ouvrir au monde et de promouvoir l’offre touristique Aquitaine au delà de la Région même. S’il s’appuie sur les principes établis par son prédécesseur , Biasini s’engage toutefois plus fortement dans l’aménagement touristique de la côte. L’exploitation touristique est clairement envisagée comme un moteur de développement et d’aménagement pouvant participer à la promotion économique et sociale du territoire. Dans ce cadre, l’accent est mis sur la réalisation des équipements nécessaires à ce développement. La mission prend ainsi une toute autre envergure car, à l’inverse de St-Marc , Emile Biasini est jugé plus enclin aux concessions par les promoteurs immobiliers influents. Le 17 décembre 1970, après avoir retenu les principaux objectifs principaux d’un schéma d’aménagement , le CIAT donne des instructions claires à la mission. Ces directives amènent ainsi la MIACA à définir des méthodes de travail ainsi que des actions à développer à plus ou moins long terme. De 1970 à 1974, elle entre alors dans une phase préparatoire au cours de laquelle les principes généraux de l’aménagement et les méthodes qui vont être employées sont définis. Lors de cette période, la MIACA à alors cherché les moyens les plus appropriés pour organiser , rentabiliser et dérouler la «vague touristique» Aquitaine.
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3.2 La préparation de l’aménagement: des actions transversales 3.2.1 Les principes «durables» de l’aménagement de la côte aquitaine L’ analyse de l’Aquitaine menée par la MIACA et ses associés permet alors l‘élaboration de différents principes à respecter pour l’aménagement touritsique. La constitution d’un répertoire de zones sensibles et des espaces dont la beauté est a préserver coûte que coûte justifie le principe premier, celui d’une protection rigoureuse de la nature. Celle ci doit se faire grâce à : - Une alternation de zones constructibles et de zones naturelles protégées . Cela se concrétise alors par une organisation de l’espace en 9 unités principales d’aménagement et 7 secteurs d’équilibre naturels (cf illustration). Le premier principe considère alors la nature comme un véritable capital touristique qui doit être protégé. En effet, comme le rappelle, Paul Dufournet en 1970 «l’espace naturel, l’espace vierge, l’espace réservé que l’on appelle négatif est en réalité une valeur positive et ne pas y toucher est déjà un aménagement»; - La réalisation d’un programme systématique de génie sanitaire envisagé sur la totalité de la zone d’aménagement; - La création de réserves naturelles (11 réserves classées) et d’un Comité pour l’Environnement de la Côte Aquitaine regroupant des personnalités nationales et régionales; - La mise en place de «Plan Plage» permettant d’aménager et de protéger les plages océanes en améliorant la sécurité, l’environnement et l’accueil du public; Le deuxième grand principe est celui de fonder l’image touristique de l’Aquitaine sur la conjonction des éléments naturels qui la composent: l’océan, la foret , le lac. Pour cela, la mission propose de -Relier entre eux les éléments du potentiel touristique aquitain ( mer, lacs, océan): - Au niveau local (échelle UPA) par les ensembles d’hébergements et d’animation. -Au niveau régional par un canal de liaison « transaquitain» entre la chaîne des lacs , support de loisirs nautiques. Cette idée qui parait novatrice à pourtant été émise a plusieurs reprises depuis la fin du XVIIIme siècle dans des buts économiques, mais jamais dans une perspective de loisirs. - La rénovation des pistes de résiniers en les transformant en pistes cyclables - La participation à l’aménagement du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne, géré par un Syndicat mixte.
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Le schéma de la MIACA : objectif 1980. L’ alternance des UPA et des SEN source CRNS
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Le troisième principe , comme avait pu le formuler Phillipe St Marc, est celui de privilégier un aménagement en profondeur, perpendiculaire à la côte, reliant ainsi l’océan aux lacs et à la forêt . - Le principe de la greffe de l’ aménagement nouveau sur l’existant doit permettre de ne pas créer deux Aquitaines (celles de la tradition et celle de l’innovation). Les nouvelles opérations doivent donc s’appuyer sur des urbanisations et des équipements préexistants. De plus, ce principe doit faciliter l’intégration des élus locaux dans le schéma en les motivant fortement, car les opérations toucheraient leurs bourgs le lieu d’exercice principal de leur pouvoir ; - La planification urbaine qui doit être préalable à toute opération grâce à la mise en chantier systématique de schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme et de plans d’occupation des sols sur toute la côte. Ensuite, il s’agit d»’aménager l’aquitaine pour les Aquitains, dans le respect de leurs valeurs propres et dans le souci de leur mieux-être» - La maîtrise d’ouvrage des opérations doit entièrement être assumée par les collectivités locales à partir de regroupement intercommunaux ou mixtes (syndicats mixtes entre communes et département). - Des outils d’animations et des débats seront donc mis en place pour favoriser un aménagement concerté. - Le loisir social est donné comme une priorité et les opérateurs (organismes HLM., VVF, UCPA) sont invités à créer de très nombreux villages de vacances et de nombreux lits de camping.
L’aménagement «en profondeur» illustré par les architectes de l’équipe de l’UPA 3 urbanisme n°123-124, 1972
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L’ensemble de ces réflexions amènent ainsi à la proposition d’un schéma GirondeLandes, qui sera approuvé en avril 1972 . Celui-ci se projette dans les années 1980 et y prévoit la création de 320 000 hébergements supplémentaires ( cf ANNEXE 1). Cela revient à presque doubler la capacité d’hébergements existante en 10 ans. L’UPA9 correspond alors à l’unité d’aménagement où la MIACA prévoit le plus d’herbergements: la création de près de 125 000 est envisagée, afin d’atteindre une capacité totale de L’UPA9 de près de 200 000 lits. Les objectifs touristiques de la MIACA sont donc ambitieux .
Le travail mené tout au long de l’année 1971 témoigne des principales méthodes et des objectifs de la MIACA. En effet, en réponse aux directives du 17 décembre 1970 données le CIAT, la MIACA analyse et croise différentes approches du «territoire» landais. Dès 1971, l’ étude des schémas de chaque UPA est alors confiée à neuf équipes qui regroupent au total une centaine de techniciens et de spécialistes de diverses disciplines. Leur connaissance et l’ «intuition» du pays sur lequel ils travaillent doit ouvrir la porte à des propositions diverses. Cependant, cette mise en forme des neuf unités d’aménagement doit se faire dans un court délai d’un an tout en devant permettre une approche méticuleuse des problèmes d‘ensemble tels que le coûts ou les moyens de mise en oeuvre. Associées à l’ OREAM6 de Bordeaux, les équipes sont chargées de mettre en place une méthode fondée sur la connaissance scientifique des éléments fondamentaux de l’Aquitaine. La mission commande alors dès 1971 une soixantaine d’ études dans un souci de «reconnaissance du pays». Une approche «sensible» est alors sensée compléter le regard classique qui caractérise l’aménagement du territoire français. Pour se faire, divers experts sont contactés tels que L’ ONF, l’ Université de Bordeaux, ou le Museum d’histoire naturelle . Pendant cette année marquée par l’ élaboration des schémas de chaque UPA, une nouvelle dimension est abordée en dialectique avec le processus de conception. Le comité pour l’environnement, composé d’expert doit conseiller la mission, tandis qu’une tentative de concertation avec les habitants est mise en place. Au même moment où les équipes urbanistes et architectes entament leur réflexion, la mission entreprend une action a long terme d’information, de sensibilisation et d’animation, visant à une prise de conscience générale de la mutation économique à laquelle est promise la région et une association de chacun à celle-ci.
6 «Les Organismes régionaux d’étude et d’aménagement d’aire métropolitaine (OREAM) étaient des institutions françaises mises en places en 1967 afin d’établir des schémas de développement de l’espace métropolitain. Elles ont été dissoutes en 1983.
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L’aménagement touristique de la côte landaise
3.2.2 Une expérience de concertation locale « Il me fallait partir des habitants (..) Ce que je proposais n’aurait rien signifié sans l’adhésion des habitants, la base de mon action reposait sur la prise en main par les Aquitains de l’opération, et la volonté de faire d’eux les maîtres de leur aménagement. Ce devait être une véritable décentralisation» Émile Biasini
En 1971, la MIACA tente d’aborder le littoral comme un « territoire » habité et annonce très vite la mise en place de dispositifs pour intégrer la population locale à l’évolution de son territoire. En effet, selon Biasini «la réussite d’un aménagement n’est en aucun cas la somme des succès techniques qui permettent sa réalisation. L’organisation de l’espace touristique, a plus forte raison n’a de sens que dans la mesure ou les hommes a qui elle est destinée , habitants de la région et touristes, s’y reconnaissent et y retrouvent leur racines» . Cette prise en compte des données humaines et la valeur culturelle qu’elle porte doit alors permettre à la MIACA de formuler une approche différente de l’aménagement, esquissant les premières formes d’aménagement concerté. Ainsi, l’été 1971, la mission demande au mouvement d’éducation populaire «Peuple et culture» 7 de relayer au travers de ses responsables les « informations nécessaires à l’information et l’implication des populations locales et touristiques» 8
Adoption d schémas pa MIACA
7 «Peuple et culture» est un réseau d’associations d’éducation populaire fondé dans les années 1950. 8 Urbanisme n°130, 1972 Lancement par le 1er ministre des travaux de creusement de la liaison nautique entre les lacs de Cazaux-Sanguinet et Biscarosse-Parentis + Présentation aux élus des architectes désignés pour chaque unité +Formation des équipes chargées de prépaper les esquisses d'aménagement. janv. 1971
oct. 197
juil. 1971 15 juillet /10 aout: Examen des schémas par la Mission de l'OREAM juil. 1971 Inauguration par le 1er ministre du canal reliant l'étang de Cazaux à celui de Biscarosse. juil. 1971
Première réunion du groupe de travail: définition des presciptions générales sur l'aménagement toursitique. mars 1971
Mise en place d'un animateur permanant de peuple et culture chargé par la mission de sensibiliser les leaders d'opinions aux problèmes de l'aménagement. févr. 1971
janvier
remise des 9 schémas d'aménagement faits par les architectes.
début des contacts échelonnées sur toute l'années 1971 avec ls représentants des populations des milieux professionnels intéressés à l'aménagement touristique. mars 1971
février
mars
25-26 septembre: Présentation de schémas a la préfecture de mdm/ approbation des schémas sept. 1971
Confection de documents d'information à destination du grand public: montage audio visuel/ tourage d'un film de 40 min. mai 1971
du 10 juillet au 15 sept dans les UPA 3 UPA 9: animateurs mis en plage pour sensibiliser les habitanys aux pb de l'aménagement/ Centre d'info au canon et a souston juil. 1971
14 au 16 septembre: Colloque des animateurs. Examen des résultats dans différentes animations sept. 1971
mai
juillet
septembre
1971 Les actions d’information et de sensibilisation de la MIACA lors de l’année 1971
4-5 n re d'am le pers
6-7no la natu l'Aquit Peupl
Pré COD
octobre
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Le processus de «création collective urbanisme n°123-124, 1972
des ar la A
Présentation des schémas au conseil général de la Gironde/ approbation déc. 1971
71
Mise au point définitive des prescriptions générale pour l'aménagement des secteurs d'équilibre naturel SEN déc. 1971
nov : rencontre a DAx entre les esponsables des propositions ménagement , la mission l'oream es architectes et leur équipe / sonnalité de diverses disciplines nov. 1971
janvier-février: Mise au point de la présentation des schémas au CIAT févr. 1972
ov colloque sur la protection de ure et l'aménagement de taine organisé à Sanguinet par " le et Culture" nov. 1971
novembre
mars 1972
Décembre 1970 Approbation par le CIAT des principes du schéma de la MIACA
mars
décembre
Présentation des projet des directives a la MIACA févr. 1972
ésentation des 9 schémas a la DER-Aquitaine/ approbation de l'assemblée nov. 1971
e
Colloque sur la propriété foncière organisé au Capferret par "peuples et culture"
décembre
février
1972
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« Le parti retenu mettra en évidence la complexité du gisement touristique aquitain, en liant aussi strictement que possible la mer, la forêt et les lacs pour offrir aux touristes des possibilités multiples de pratique quotidienne, dégageant en cela une image de marque spécifique et nouvelle sur le marché français des vacances ».
Schémas «grands public» expliquant les principes d’action de la MIACA Schémas tirés de la revue «Urbanisme» N°123-124, 1971 numéro spécial «l’aménagement du littoral».
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Une action d’animation est conduite tant au niveau des habitants que des touristes afin de les associer au développement de la région. Deux rôles sont alors donnés à l’animation: D’abord, elle permet, selon la mission, de faciliter l’organisation de grandes structures de loisirs que deviendront les stations et la côte dans son ensemble. Et puis, elle permet de concevoir au mieux des équipements plus adaptés à leurs usagers. En amont, avant même que la mutation touristique débute, la MiACA annonce cette première communication comme déterminante auprès des intéressés, marquant ainsi la prise de conscience du changement touristique et de ses conséquences . C’est la première fois que l’animation est jugée indispensable à la mise en oeuvre d’une vaste opération de transformation économique, sociale et culturelle9. Les deux mois d’été 1971, sont donc ceux d’une action concrète, une action de terrain. Dans les UPA 3 et 9, des animateurs ont pour rôle d’engager cette expérience en choisissant leur approche de contact, leurs modes d’action et leur moyens d’expression. Les deux groupes d’animateurs ont des approches bien différentes. «Aquitaine 3», le groupe d’animateurs en place a Lacanau fait de l’aménagement de l’UPA3 le sujet même de son action estivale. Il n’y a pas de réelle prospection des habitants mais le groupe décide de s’intéresser particulièrement aux touristes. C’est par le biais d’un «forum quotidien» dans l’un de points de regroupement des touristes que les animateurs permettent d’engager une conversation avec les usagers des stations et de susciter des discussions de groupe. Une activité insolite permet même aux adultes d’être «architecte d’un jour». Une maquette de l’état actuel de l’unité d’aménagement leur permet d’ essayer d’implanter des hébergements et des équipements. La distribution de bulletins d’information sur les problèmes urbanistiques sont par la même occasion diffusés à un grand nombre de personnes.
L’action de l’UPA 9 initie une toute autre philosophie. Installée au centre nautique de Soustons, l’équipe d’animateurs se donne pour attitude fondamentale son intégration au pays et sa familiarisation avec ses habitants . Ils considèrent que le touriste peut, sans dommage, être modifié par le pays dans lequel il passe ses vacances, alors qu’il serait nuisible au pays de ne plus se reconnaître sous la pression touristique. Les animateurs recherchent alors un dialogue avec toutes les catégories de la population locale (ruraux, commerçants, employés, jeunes, élus...) . En s’intégrant aux très nombreuses fêtes locales landaises ils sensibilisent d’autant plus facilement les locaux. En même temps, préoccupés de connaître les particularités de l’espace dans lequel leurs interlocuteurs vivent ils dressent un véritable inventaire de la région, de ses sites remarquables et de ses lieux vivants et de rencontre10. Une exposition des projets de l’unité en cours de conception est proposée par les animateurs afin récolter les différentes questions et inquiétudes
9 Urbanisme n°130, 1972 10-12 Urbanisme n°130, 1972
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des habitants11. A l’ issue de la saison une réunion de synthèse des informations récoltées est donc mise en place pour définir les objectifs et les méthodes de l’année suivante. Les actions concrètes de l’été 1971 permettent alors une mise en relief des blocages ou attitudes spontanées des divers groupes: l’adhésion enthousiaste aussi bien que le refus obstiné de certains opposants au projet. Le but de la MIACA est dont bien de permettre aux aménageurs de prendre en compte les revendications majeures des aquitains et de rechercher avec eux des solutions. Ce travail entrepris est celui de la recherche d’un «langage qui permettrait au dialogue de prendre ses vraies dimensions»12. Cette confrontation nécessaire est donc considérée par la MIACA comme un «risque utile» pour la réussite d’une opération d’aménagement de cette ampleur. Les voeux des aquitains recensés et la mission annonce leur «mis a l’étude» afin qu’ils puissent orienter les esquisses des zones d’aménagement. 3.2.3 La politique d’environnement et de protection de la nature. En même temps qu’elle ouvre ce dialogue, la MIACA met en oeuvre sa politique de protection des espaces naturels. Dès 1970, la MIACA engage les premières actions d’équipement et de protection foncière des espaces naturels de la côte Aquitaine. L’un et l’autre apparaissent comme complémentaires puisque c’est pour empêcher des pollutions futures que sont créés les équipements urbains pour l’assainissement des communes. Ainsi, les secteurs d’ équilibre naturel (SEN) ne sont pas considérés comme les résidus de l’aménagement . Au contraire, ils font réellement partie de l’ensemble touristique auquel ils doivent donner une image de nature préservée et accessible. La mission fait donc élaborer des directives particulières pour les SEN par une commission de travail composée de représentants d’ administrations centrales, régionales et locales intéressés ainsi que divers organismes concernés par les problèmes de la protection du milieu naturel. Un Comité pour l’environnement de la côte aquitaine est crée en 1973 et est composée de spécialistes d’écologie et d’associations locales telles que la SEPANSO13. Il a pour rôle d’apporter à la mission son conseil permanent en matière d’écologie. «En fait le président Biasini à fait une chose que personne n’ avait fait avant lui , il a créé un comité qu’il appelait un comité des sages , qui s’est transformé en comité pour l’environnement de la côte aquitaine, pour lui donner des avis sur ces projets d’aménagement. Donc, il a créé une structure très originale ! C’est vrai qu’ il y avait dans ce 11
Archive INA du 18 août 1971
13 L’association SEPANSO profite d’une étude écologique que la MIACA lui confie conjointement avec l’Université de Bordeaux I pour délimiter les secteurs «emblématiques» du littoral. Seront ainsi créées plusieurs Réserves Naturelles : - l’Etang de Cousseau, sur la commune de Lacanau, - les Prés salés d’Arès-Lège, - le Banc d’Arguin, dépendant de la commune de La-Teste-de-Buch - le Courant d’Huchet, sur les communes de Léon et de Moliets, - l’Etang noir à Seignosse.
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La station d’épuration de Soulac en début
Le central téléphonique de Lacanau,
de construction: 1974
achevé en 1974
40% 39% 8% 36% 100% 41% 22% 41% 49% 100% 26% 55% 43% 31% Tableau présentant les importants engagements financiers de la MIACA extrait de la revue urbanisme n°145
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comité des écologistes professionnels (..) et puis il y avait le président de mon association la SEPANSO, et moi j’en était le secrétaire général et je représentais l’université de Bordeaux, l’ unité de biologie» Pierre Davant, directeur de la SEPANSO Afin de protéger les espaces les plus sensibles, la mission retient alors la constitution de 40 000 hectares de zones protégées. Il s’agit de milieux naturels caractéristiques du littoral aquitain , d’une grande richesse biologique tel que des bordures de lacs des marais.. ou bien des sites fragile telles que les dunes , les forêts ou les courants. Ce sont les plan d’occupation des sols (POS), documents d’urbanisme créés par la Loi d’orientation foncière de 1967, qui devront donc déterminer l’impossibilité de mettre en construction ces espaces. Parmi ces zones, certaines nécessitent l’ attention particulière de spécialistes et sont donc classées en réserves naturelles afin de concrétiser ces intentions. En 1971, deux réserves naturelles existent déjà: le banc d’Arguin et l’Étang noir dans les Landes. Durant son investiture, la MIACA permet alors la création de onze nouvelles réserves naturelles qui permettront à des sites remarquables tels que l’étang de Cousseau ou le courant d’Huchet d’être protégés. Parmi les mesures de protection qui s’intègrent plus directement à l’action d’équipement, on peut citer l’implication de la mission dans le nettoyage des plages et la mise en oeuvre d’un plan de génie sanitaire. Alors que les communes landaises et girondines, sont pour la plupart démunies de moyens financiers nécessaires au traitement des déchets , cette entreprise est menée a bien grâce a l’impulsion et aux financements procurés par la mission. Les crédits dégagés permettent l’acquisition et l’entretien par les collectivités locales de machines de nettoyage qui permettent de lutter contre la pollution, véritable entrave au développement touristique.
3.2.4 Acquisitions préalables et financements de la MIACA Le premier programme d’intervention de la MIACA est la mise en place d’une politique foncière active. Face à la pression foncière et à un taux de fréquentation croissant de la côte aquitaine, la MIACA mène une politique foncière efficace visant à l’acquisition de nombreux terrains par l’État . Les projets en cours qui pourraient «défigurer le littoral» sont stoppé par la biais d’un refus de tous les permis de contruire. Ainsi, à Seignosse l’extension de la station balnéaire vers le nord, prévue dans le plan d’origine du projet de l’architecte Jean MArty est arrêté. En 1970, alors qu’une réflexion s’engage sur le littoral aquitain, la MIACA met en place une pré-
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Le statut des différentes zones de l’aménagement en 1974 extrait de la revue urbanisme n°145
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3.3 L’ UPA9, l’ adaptation locale des principes d’aménagement L‘UPA 9 est la plus au sud de toutes les unités d’aménagement du schéma LandesGironde. Elle regroupe les communes de Capbreton, Soorts-hossegor, Seignosse, Vieux -Boucau, Soustons et Moliets. Cet ensemble est peu influencé par l’agglomération bordelaise mais plutôt par l’ensemble «Dax Bayonne» avec lequel la mission veut établir des relations de complémentarité en vue d’un développement économique global dépassant le seul tourisme. L’équipe pluridisciplinaire qui a contribué à l’élaboration du schéma de l’UPA9 (ingénieurs, architecte, écologistes, géomètre, animateurs..) s’ est donc fixé des objectifs en prolongement de ceux fournis par la mission interministérielle . 3.3.1 Une méthode de travail transversale L’ équipe propose alors une méthode de travail transversale, par le biais d’un triptyque «conception-animation-stratégie de réalisation». En effet, la conception su schéma de l’aménagement doit se nourrir et évoluer grâce aux résultats des techniques d’animation , notamment celles qui ont été mises en place à Soustons en 1971, afin «permettre une réflexion constante sur le comportement, les activités et les relations des habitants actuels et futurs». La stratégie de réalisation, quant à elle , met en place des d’outils pour tenter d’orchestrer les multiples intervenants de l’action d’aménagement ainsi que des outils de contrôle qui doivent permettre, en confrontant objectifs, moyens d’actions et résultats d’aboutir à l’aménagement désiré .
Diagramme transcrivant la méthode de l’équipe de l’upa9
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Abondance de l’eau en Aquitaine
Une dune littorale qu’il ne faut pas occuper. Deux gros massifs accidentés.
La grande et belle forêt de production à ménager
Les hommes ont déja repéré les sites privilégiés
Depuis longtemps la route et le petit train relient tous les villages
L’État et les communes ont déja maitrisé le sol
On inondera les marais avec de l’eau de mer, on élargira le ruisseau qui relient les petits étangs d’eau douce, on améliorera les liaisons existantes.
Du nord au sud ,sur le cordon dunaire, la rue piétons, entre l’eau douce et l’eau salée, relie les villages jumeaux
Loisirs sylvestres, loisirs nautiques, loisirs collectifs. Un grand centre de convergence: le FORUM
Schémas explicatifs réalisés par l’équipe en charge de l’UPA9
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L’aménagement touristique de l’UPA9 doit permettre d’atteindre plusieurs objectifs, en accord avec les principes directeurs de la MIACA. Le premier est celui de réaliser une unité fonctionnelle grâce à une conception globale, indépendante de la notion de «station», qui fasse de l’UPA une «entité touristique». Le second objectif est de maintenir un équilibre sociologique sans exclusion et sans soumission à des intérêts de rentabilité immédiate ou de démagogie. L’ aménagement proposé doit être conçu pour accueillir toutes les catégories sociales sans créer de ségrégation. Enfin, l’équipe souhaite proposer une offre qui serait périodiquement soumise aux critiques de la demande et qui pourrait «évoluer avec les habitants». Ainsi, l’objectif de l’équipe est de concilier «survivance et évolution». Survivance d’une nature fragile donc, mais aussi survivance des modes de vie landais qui ne doivent pas entraver une possible évolution sociale et économique. Alors que le caractère intimiste du paysage a ainsi favorisé l’implantation de nombreux bourgs , villages et hameaux, qui tendent a perdre leur caractère a cause du développement désordonné des lotissements, l’équipe propose un hébergement qui s’appuie sur les bourgs existant . Le type d’architecture définie par l’équipe pour remplir ce programme est toutefois floue, puisqu’ elle est «sans grandiloquence , soumise à l’environnement, sans pour autant être folklorique». Alors que certaines «stations» touristiques comme celles de Seignosse ou de Capbreton sont déjà bien développées, le parti pris de l’aménagement est d’abord celui d’un rééquilibrage de l’aménagement existant au sud et du développement d’un forum autour de la remise en eau de l’ancienne embouchure de l’ Adour de Vieux -Boucau «Port d’Albret». Une «rue piétons» dominant les chaînes nautiques est aussi prévue dans le but de relier les nouveaux villages entre-eux. Enfin, le nouveau schéma d’aménagement doit composer avec les réalisations en cours comme celle de Seignosse Le Penon afin de les intégrer dans le processus d’action de la MIACA. 3.3.2 La prise en main de Seignosse Le-Penon En 1972, alors que la station de Seignosse Le-Penon continue de se développer par le biais d’initiatives locales, la MIACA lance un véritable coup d’arrêt à sa politique d’aménagement. La seconde phase du projet d’aménagement qui prévoyait la prolongation de l’aménagement du littoral vers le Nord ne sera pas réalisée1car la MIACA stoppe la construction des opérations contraires à ses principes d’aménagement. Émile Biasini, président de la mission en 1970, confie le nouveau plan d’aménagement de Seignosse à l’architecte architecte urbaniste Bordelais Claude-Henri Aubert. En conséquence, l’urbanisation existante est densifiée et l’extension de la station est redirigée vers l’intérieur des terres, dans la forêt de Seignosse. L’aménagement «en profondeur» fait naître des constructions plus «discrètes» , dispersées dans la forêt et le long des avenues repartant vers le bourg. 1
P. Laborde , 1973,
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Schéma d’aménagement de l’UPA9
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Cependant, l’inachèvement du projet urbain initialement envisagé se traduit par une désorganisation urbaine et paysagère de la station. La centralité économique et commerciale du Penon ne sera alors jamais matérialisée par une centralité géographique.
1972 : Les objectifs définis par la MIACA sont de favoriser l’aménagement côtier en évitant la croissance anarchique de l’urbanisation et de protéger les espaces
1974: Création de la réserve naturelle de l’Etang Noir, dont l’organisme gestionnaire est Sepanlandes. Sa superficie globale est de 52 ha.
1984: Construction du village de vacances : Le canard sauvage- Construction du camping municipal.
1978 : Les courts de tennis sont construits avec le Hall des Sports 1979: inauguration du Hall des Sports par M. Jacques Chaban-Delmas 1980 : Construction du village de vacances de l’A.T.S.C.A.F. Construction du camping-caravaning: Les Oyats. L’aménagement touristique de Seignosse le-Penon du temps de la MIACA
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La réorientation «en profondeur»du plan d’aménagement de Seignosse le-Penon par la MIACA source Emeline Hatt, 2011
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3 Alors que l’État français s’est lancé dans l’aménagement de ses côtes à travers la mise en place de «missions» interministérielles, la MIACA est crée en 1967 afin d’encadrer l’aménagement touristique du littoral aquitain. La première période de la mission, sous la présidence de St-Marc a alors aboutit à la production d’une véritable éthique de l’aménagement touristique sur le territoire landais. En effet, les débuts de la missions ont jetté les bases d’une réflexion sur la cohabitation possible entre tourisme, protection des espaces naturels et respect des cultures en place . L’approche singulière portée par StMarc a donc tenté la mise en place d’un tourisme singulier, en relation avec la culture locale et d’une toute autre nature que celui que l’on trouve partout ailleurs sur les côtes françaises. En 1970, alors que la mission St-Marc n’est marqué que par peu d’actions concrètes la MIACA change de président . Disposant de moyens financiers plus importants la nouvelle mission est rentrée dans une phase «active» de l’ aménagement de la côte aquitaine. Emile Biasini nommé président fait alors élaborer par ses équipes un schéma directeur de l’aménagement de la côte aquitaine qui respecte plusieurs principes : une protection rigoureuse de la nature, une image touristique fondée sur la conjonction des éléments naturels, un aménagement «en profondeur» et perpendiculaire à l’océan, un respect des populations locales et le souci de développer un tourisme accessible a tous. Les méthodes de travail mises en place par la mission, entre conception pluridisciplinaire, échanges avec les populations concernées et rôle donné aux élus ont permis d’aborder de manière systémique la complexité du territoire landais. L’approche de la neuvième unité d’aménagement dans les landes sud permet alors d’appréhender le désir de la mission d’articuler les différentes échelles de l’aménagement entre elles. A travers son approche la MIACA a donc invoqué les principes d’un «développement durable» pourtant encore inexistant. La mise en place d’une politique d’environnement et de protection de la nature , le désir de laisser une place au tourisme social ou encore l’expérience de la concertation en sont les témoins. Pourtant, alors que le schéma d’aménagement des Landes et de la Gironde est approuvé en 1972, plusieurs tensions annoncent une mise en oeuvre difficile des principes énoncés.
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L’aménagement touristique de la côte landaise
4. Tensions et contradictions de la côte Aquitaine: d’une théorie à sa mise en oeuvre « Il y a entre les intentions et les actions de la MIACA une distorsion choquante, et , a terme, l’insuffisance des actions actuelles conduira à empêcher que les intentions deviennent elles mêmes actions.» Directeur régional d’aquitaine
4.1 Les «imprévus» de la MIACA 4.1.1 Une réorientation des objectifs fixés par la MIACA Pendant que la côte Languedocienne montre de grandes réalisations en matière de projets résidentiels et hôteliers, le Schéma Gironde-Landes connaît une mise en oeuvre difficile . Alors que la répartition des rôles prévue pour l’ aménagement touristique de la côte aquitaine, donne la responsabilité des opérations d’aménagement touristique aux collectivités locales, celles-ci ont bien du mal à attirer les constructeurs à l’intérieur des terres, dans la pinède alors que, partout ailleurs en France ils peuvent construire «les pieds dans l’eau». En 1974, un an après le premier choc pétrolier, et dans un climat de récession économique, il est presque question de faire disparaître la Mission. Olivier Guichard, Ministre de l’Aménagement du Territoire, propose alors de créer une équipe opérationnelle autour d’un Secrétaire général Mr. Morelon, d’un chargé de mission par département et de lancer la réalisation de 7 des stations nouvelles prévues dans le Schéma. Le schéma est ainsi largement revu à la baisse et la décision de réorienter les objectifs de la MIACA l’amène à se concentrer principalement sur les UPA,2 , 3 et 9. Près de 135 000 lits disparaissent alors des prévisions initialement annoncées pour 1980. Au sein de L’UPA9, dans le département des Landes, les trois stations de Hossegor-Capbreton, Port d’Albret et Moliets sont envisagées tandis que le projet de station de Seignosse-le -Penon est réorienté. 4.1.2 Les remous de la politique foncière La démarche entreprise pour l’aménagement touristique des stations comprend plusieurs étapes: la politique foncière, les travaux d’équipements, une protection de la nature et l’aménagement touristique en tant que tel. Pour chaque opération le problème foncier doit donc se régler au préalable mais n’est pas sans poser des problèmes aux propriétaires locaux. L’opération de Port d’ Albret représente la première application de la politique foncière entreprise par la MIACA. Le fond interministériel pour l’aménagement de la nature et de l’environnement (FNAFU) décide alors en juin 1974 de l’intervention de l’ État en vue d’acquérir les terrains nécessaires à aux opérations d’aménagement et de zones de protection. En effet, le principe retenu est celui d’échanger ces terrains surface pour surface et non valeur pour valeur ce qui est alors perçu pour de nombreux propriétaires comme un échange relativement malhonnête. A Port-d’Albret, ceux-ci bloquent alors pendant un an les initiatives de la mission, refusant les conditions offertes
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« E.Biasini: Aujourd’hui il ‘s’agit d’une étape importance parce que (..) d’incitation a la participation et au dialogue car ce que nous faisons aujourd’hui c’est la mise en forme dialectique des problèmes d’urbanisme. Jusqu’à présent l’urbanisme a trop souvent été le fait d’hommes de l’art isolés dans leur technique et dans leur capacité et gérant intellectuellement un capital a venir . Ce que nous voulons c’est que cet urbanisme soit une matière vivante et le fait d’hommes qui vivent dans leur pays ..(..) Journaliste -Vous avez sollicité l’opinion du public -qui vent visiter l’exposition ici a Soustons. Que vous apporte jusqu’a présent les réaction et les réflexions du public? E.Biasini: Rien. Rien rien rien rien, et c’est dramatique ! Alors là je le dis très clairement quand je lis le cahier des expressions d’avis, c’est lamentable! Les gens grognent, expriment des jugements impulsifs mais d’une sottise générale accablante, là je le dis vraiment. (..) sérieusement, je voudrai que les gens prennent la peine avant d’écrire prennent la peine de réfléchir et de ne pas donner un avis de café de bistrot.»
Extraits d’une interview d’Emile Biasini lors de sa visite à Soustons le 18 août 1971 Archives INA
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pour l’aquisition de quelque 600 hectares de terrain. Les actions de la mission mettent alors du temps à démarrer et alors que certains travaux prévus par la MIACA sont en route, de nombreux mouvements s’insurgent contre les projets en cours. Des associations et des comités de défense se constituent et commencent s’opposer à des projets d’équipements touristiques qu’ils considèrent venir « d’en haut », d’une décision de l’État. Le schéma d’aménagement de la côte aquitaine fait l’ objet de vigoureuses critiques et on parle d’une conception qui «n’a pas été pensée à partir de critères écologiques et qui n’a pas prit en compte l’avis des citoyens». Une partie des citoyens concernés, s’opposent aux projets qui défigurent le milieu naturel ou l’art de vivre de plusieurs professions.
4.2 Les opposants à l’aménagement de la côte aquitaine 4.2.1 La lutte du comité de défense de la côte aquitaine Protéger la nature et exploiter « le plus grand gisement touristique d’Europe »(formule d’Emile Biasini) tout en respectant les populations locales, est-ce bien possible? Des discours d’intention de la MIACA sur la protection du littoral à la pratique des aménageurs, il existe certaines distorsions. Certains ne voient dans l’aménagement de la côte aquitaine qu’un culte du profit ou le règne brutal des affaires, est appuyé par l’État. C’est le cas de Phillipe Saint Marc, l’ ancien président de la MIACA qui déclare ainsi en 1973 que «la côte Aquitaine est livrée au grand capitalisme et à des groupes dont l’objectif principal est la recherche du profit maximal»1. Il dénonce ainsi le rapport de forces inégal qui s’instaure à chaque fois qu’un «puissant groupe, tout à la fois financier, immobilier, industriel et commercial, se trouve en face des élus d’une petite collectivité locale»2. Pourtant, dans un premier temps, un grand nombre d’élus sont reconnaissants à la MIACA des travaux d’assainissement menés dans leur commune. Sans ce soutient financier, ceux-ci n’auraient certainement pas pu s’équiper si rapidement. Mais pour le reste, pour les routes ou les équipements, les fonds manquent. Ainsi, pour rembourser leurs dettes ou trouver des sources fiscales, les élus sont facilement convaincus par les propositions alléchantes des promoteurs. Animés du seul souci du profit, ces derniers deviennent cependant rapidement exigeants, « Sans un 5ème étage avec vue sur la mer, je ne vendrai rien. Donc vous m’accordez une dérogation, ou je m’en vais » ironise le journal l’Unité en 1975. La sonnette d’alarme est donc tirée par plusieurs organisations syndicales comme la SEPANSO, par des groupements professionnels de sylviculteurs, et par le Comité de défense de la côte aquitaine. Afin de rentrer en aide aux populations concernées et de résister avec eux aux projets de la MIACA, Bernard Charbonneau qui sort de sa « traversée du désert» dans les années 1970, entraîne son ami Jacques Ellul dans un projet de défense de la côte Aquitaine. Le duo amical est connu pour ses convictions politiques et 1-2 Phillipe St marc dans le nouvel observateur du 26 novembre 1973.
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sociales et occupe très tôt une place singulière dans la critique de la modernité. Dès les années 1930 ils militent principalement pour deux grandes causes: la protection de la nature et le droit à la liberté. En effet, dès 1936, Bernard Charbonneau est un pionnier de l’écologie en France et il le fait savoir à travers un texte fondateur : « Le sentiment de la nature, force révolutionnaire ». Leur combat pour la protection de la nature rejoint celui du droit à la liberté. Selon eux, la liberté consiste à «s’arracher aux déterminations sociales et psychologiques, pour accomplir un acte personnel, c’est-à-dire pour réaliser dans sa vie l’unité de sa pensée et de ses actes»3. Le contexte de l’époque, celui des prétentions prométhéennes4 de l’homme moderne et de la présence centralisée de l’Etat minent alors les conditions de possibilité d’une véritable liberté. Pour eux, seules les résistances locales ont un sens et il s’agit avant tout de dire la vérité face aux promesses de la MIACA qu’ils considèrent comme de la propagande5. Militants donc , c’est ce à quoi ils s’emploient avec succès en fondant ensemble le comité de défense de la côte aquitaine en 1973 qui se bat pour les jeunes à venir6 , mettant en avant les risques que ferait encourir certains projets de la MIACA pour les écosystèmes naturels en place. Hostiles au plan d’aménagement de la MIACA le comité de défense y voit une volonté de planifier l’invasion touristique accélérée et la consommation de l’espace par la croissance dans une perspective de profit à tout prix. Selon eux, l’ espace naturel, libre et gratuit deviendrait dénaturé, payant et réglementé. C’est alors le début de nombreux débats car les principes de la MIACA et leur mises en oeuvre semblent contradictoires. 4.2.2 Actions juridiques, actions culturelles En 1974 la lutte du comité de défense de la côte aquitaine se développe sous des formes différentes. Sur le terrain juridique d’abord, le comité de défense de la côte aquitaine dépose des recours devant le tribunal administratif pour l’annulation de permis de construire . En témoigne le projet d’opération immobilière de la vierge sur la plage de Capbreton que nous evoquerons un peu plus loin. «Si le discours (littéraire, scientifique ou juridique) continue d’être en ce domaine l’alibi de la pratique, ce n’est pas la qualité de la vie qui sera menacée, mais la vie tout court, privée non seulement de beauté, mais d’eau et d’air. C’est pourquoi sur le terrain qui le concerne, en dépit de ses faibles moyens, le Comité de défense de la côte aquitaine s’est décidé à dénoncer devant le tribunal administratif compétent le mauvais fonctionnement d’un service public incapable de faire respecter ses propres règles.»Bernard Charbonneau, le monde. Et puis, la lutte continue sur le terrain culturel ensuite à travers la mise en place d’ événements originaux. En octobre 1974, le comité de défense organise avec le
3-2 Phillipe St marc dans le nouvel observateur du 26 novembre 1973. 4 Bernard Charbonneau , Le sentiment de la nature, force révolutionnaire, 1936 5 Plutôt que des missions d’information et de concertation, le comité parle d’une propagande de la MIACA dont le but est d’attirer l’invasion touristique qu’elle prétend maîtriser. 6 Bernad Charbonneau , “ Sauver nos régions”,
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"Penser globalement, agir locale- "On ne peut poursuivre un développement infini dans un monde ment" Jacques Ellul fini" Bernard Charbonneau «La nature reste l’indispensable superflu de la société industrielle. La nature est photogénique ; notre civilisation de l’image est portée à l’exploiter pour compenser la rationalité de son infrastructure mathématique. Les mass media diffusent quotidiennement les mythes de la Mer, de la Montagne ou de la Neige. (..) Avec la société capitaliste, le tourisme est devenu une industrie lourde. L’agence de tourisme fabrique à la chaîne quelques produits standard, dont la valeur est cotée en bourse. Il n’y aura plus de nature dans la France de cent millions d’habitants, mais des autoroutes qui mèneront de l’usine à l’usine – chimique ou touristique.» Bernard Charbonneau Jacques Ellul, Bernard Charbonneau.
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théâtre en Miette « Trois jours en aquitaine» à Bordeaux. En réaction aux animations de la MIACA, l’opération, prévoit alors des conférences et une pièce de théâtre satirique « mission aquitaine» créée par Jean-Claude et Michèle Parent. «J’ai écrit et mis en scène “Mission Aquitaine, une aventure de Miles Bondini 0033”, sous forme de comédie musicale et pastiche des films de James Bond , qui représentait pour nous le prototype du personnage servant une idéologie contraignante. (..) Les documents que nous avons pu consulter ont montré que les choix d’aménagement ne recoupaient pas une véritable politique d’aménagement mais des choix politiciens.» Interview de Jean-Claude Parent Cette manifestation culturelle a ainsi mobilisé un large public et popularisé le combat du comité de défense de la côte aquitaine, attaché a à remettre en question différents point de l’aménagement prévu par la MIACA.
4.3 Les différents points de l’aménagement remis en question 4.3.1 Le canal transaquitain remis en question La critique du canal transaquitain, qui entraîne dans sa conception le creusement de lacs marins artificiels de plusieurs kilomètres ainsi que le percement de dunes sur plusieurs dizaines de mètres de profondeurs, est inévitable. L’ouverture en 1971 d’un tronçon «test» dans l’UPA 7 n’est pas sans conséquences sur les écosystèmes en place. Une inversion du sens de l’écoulement du canal, que n’avait pas prévu la mission , bouleverse alors le régime hydraulique des étangs. L’étang nord, qui sert de réserve d’eau potable pour Arcachon, La Teste, Cazaux, Sanguinet et Biscarosse est alors pollué par l’étang sud où les usines de Parentis et les communes riveraines rejettent leurs eaux usées. De plus, avec l’ouverture du canal, des marais s’inondent tandis que le courant Sainte-Eulalie se retrouve à sec.. Un barrage et une écluse sont donc mis à l’étude mais ce premier échec remet alors en cause la totalité du projet. Le comité de défense de la côte aquitaine, opposé à ce projet qu’il considère pharaonique et qui met en jeu des sommes colossales. Alors que certains projets comme celui du canal Transaquitain sont remis en question, la Cour des comptes reproche à la MIACA en 1974 ses dépenses de « fonctionnement ». En référence au nom donné par Maurice Martin en 1906, un article du journal le monde le rebaptise «Littoral L’argent» en 1976 et dénonce les dépenses faites par d’innombrables études qui ont pour principal but une « représentation » excessive. Le 10 janvier 1973, le journal Sud- Ouest annonce alors le recul de l’état sur la réalisation du canal transaquitain devant les réactions hostiles, unanimes et spontanées des partis de gauches, des municipalités riveraines, des propriétaires de plans d’eau , des syndicats de chasse et de pêche, et d’associations d’usagers. Ainsi , le combat contre du comité fait disparaître une des images de «marque» de l’aménagement au profit d’un respect des équilibres en place.
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4.3.2 Le coup de frein au tourisme social La capacité d’accueil touristique de la côte Aquitaine annoncée par la MIACA fait elle aussi débat. Lors de rencontres publiques sur l’aménagement organisées par la MIACA, Jacques Ellul et Jean-Pierre Morelon, secrétaire général d’ Emile Biasini, se disputent sur la capacité réelle d’accueil de la côte Aquitaine. Biasini déclare pourtant dans « le Monde » du 11 juin 1973 : «Nous sommes ici, non pour accélérer le développement touristique de la Côte Aquitaine, mais pour contrôler et organiser un développement spontané et inévitable de 5 % par an ». Mais son affirmation est contestée par le comité de défense qui accuse les actions de la MIACA d’accélérer le processus mais aussi de l’ «orienter». Le comité de défense dénonce ainsi le «coup de frein» porté au tourisme social. Le camping, s’il n’est pas la panacée à un « avantage » : il est accessible aux bourses les plus dégarnies . Alors que la MIACA annonçait en 1970 son souhait de voir le camping-caravaning représenter 42% des capacités d’accueil de la côte aquitaine, en 1980 cet objectif n’était plus que de 30%. En 1973, Jean Bonneville7 donne sa vision des choses au cours d’une conférence de la CGT et de Tourisme et Travail en annonçant que «ce qui est recherché dans cet aménagement, c’est une dissuasion des touristes et vacanciers actuels jugés économiquement peu rentables, nuisibles pour l’environnement et l’image de marque» . Il est vrai que les prix de vente affichés pour les premières «réalisations MIACA» témoignent bien que la vue sur l’océan n’est pas donnée à tout le monde. C’est la cas de l’ensemble Mille Sabords de Capbreton ou les prix n’intéressent qu’une élite privilégiée. De fait, le même phénomène se retrouve à Lacanau où, malgré de nombreuses protestations, le déblocage d’un permis de construire a entraîné la mise en chantier de l’ Océanide, un long bâtiment situé sur la dune. Leur prix mettra les 2 200 lits de cette opération hors d’atteinte du plus grand nombre. Pierre Brana, responsable fédéral du Parti socialiste dans la Gironde pour le secteur Entreprise, s’élève contre de telles pratiques : « Nous allons vers un zonage scandaleux du tourisme : les privilégiés face à l’océan, les classes moyennes un peu plus loin et les fauchés dans l’arrière-pays ». 4.3.4 L’oubli des populations Alors que la MIACA affirme mettre en place des cellules de concertation et de débats, de vives critiques sont faites: En 1975, un débat à lieu à la Maison de la Radio de Paris Certains s’insurgent donc en posant la question suivante: Comment est-ce possible de parler de concertation quand cette réunion publique, la première organisée par la Mission, se déroule à 600 kilomètres de la région où vivent les intéressés ? La réponse de Mr. Morelon qui représente alors la MIACA est justement de désigner les élus locaux comme représentants de la population. Cependant, contrairement à ce qui est annoncé les élus ont une marge de manoeuvre faible sur le schéma d’aménagement. En effet, le comité de défense 7
Bernard Charbonneau dans “La côte aquitaine aux mains de ses “ aménageurs , le monde 14.02.1976
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« D’entrée, Biasini part de cet aménagement de Lacanau que lui a confié un promoteur et d’entrée il a fait a mon avis une grosse bêtise; parce qu’il a laissé , je le cite «quoi qu’il en coûte son image de marque» ces promoteurs construire SUR la dune . Et ça a été un de ces premiers actes d’ aménagement. C’est totalement impensable! (..) Il se permet de dire « j’ai construit trois ou quatre maisons sur la dune». Enfin! Quand même! L’ aménagement de Lacanau c’est l’ Océanide; qui , Comme le disait le journaliste de l’époque, Jean Barreau de l’époque dans le Figaro «Cet immeuble qui se vautre au dessus de la mer!» Pierre Davant, directeur de la SEPANSO Des opérations critiquées: La construction de l’Océanide sur la dune de Lacanau La résidence des milles sabords à Capbreton
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reproche à la MIACA de n’avoir lancé une réflexion avec les élus sur les POS et les SDAU qu’une une fois que les projets d’aménagement aient été arrêtés. D’une part, le reproche qui est donc fait à la MIACA de ne pas avoir réellement mis en place de cellules de concertation. D’autre part, la seule vocation touristique donnée à la côte aquitaine est remise en question. Selon les opposants à la MIACA, en ne développant que le secteur touristique, elle n’apporte pas aux Aquitains ce dont-ils ont besoin. S’il contribue à son développement économique les problèmes de saisonnalité liées à l’échec de l’étalement de la saison touristique pose de nombreuses questions comme celle de l’emploi. En effet alors que de nouveaux emploi sont crées, ceux -ci sont relativement précaires puisque saisonniers. Dans le climat de crise économique et de montée du chômage qui frappe la France depuis 1974, l’unique investissement dans le secteur du tourisme pour «réveiller» l’ Aquitaine» choque. En 1974 , le député socialiste des Landes Roger Duroure annonce que dans son département la situation est dramatique «on ne trouve pas de densité supérieure à 7 habitants au kilomètre carré» et que par endroits, «les personnes âgées de plus de 65 ans représentent les deux tiers de la population». Ainsi, le combat du comité de défense de la côte aquitaine est mené sur différents front et , c’est par des recours juridiques qu’il permet de stopper des projets auxquels il s ‘oppose.
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« Euh ! c’t’un mec... pour construire sa baraque, il prend un architecte. Trois ans après, y a toujours rien de sorti du sol. Alors, le mec saque l’architecte qui pense trop pour le remplacer par un autre qu’est moins porté sur les nuances. D’ailleurs, c’est pas vraiment un architecte, vu qui vient de se faire luimême virer par Malraux du ministère des Affaires culturelles, où il a pas laissé que des bons souvenirs. Bon. Du coup, le deuxième architecte a plutôt l’humeur joyeuse. Alors avec toute son équipe, on sent qu’il prépare quelque chose de grandiose. Et que j’te dépense du fric par-ci pour une étude qu’avait déjà été faite mais qu’on s’en rappelle pas ou qu’on sait plus dans quelle poubelle elle est rangée. Et que j’te claque du blé par-là (geste pour désigner son ventre) dans les meilleurs restaurants... Enfin ! Au bout du compte on obtient un projet. Pas fameux-fameux ! Pour le prix, on pouvait rêver mieux. Dans le coin, les gens râlent rien que de penser à ce qu’on veut leur mettre sous l’nez. Le mec lui-même qui a commandé le projet est loin d’éprouver le grand frisson en face des plans. Seulement ça fait beaucoup de temps de passé, des frais engagés et tout ça. Alors, le mec se dit : même si elle a l’air « tarte », ma baraque, vaut quand même mieux la construire. Sans quoi j’aurais l’air gland. Manque de bol pour lui, côté banquiers, promoteurs et autres amateurs de « briques », c’est pas la bousculade. Du coup, le mec, au menu, c’est une tarte aux glands qui l’attend ! » Jean-Loup Réverier rapporte l’opinion de nombreux Aquitains sur « la Miaca » à la manière de Coluche
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4.4. La ZAC de Notre Dame, un aménagement qui fait débat 4.4.1. Un projet ambitieux En 1974, à Capbreton, un important projet immobilier sur la côte landaise qui projet prévoit l’urbanisation massive d’une immense zone naturelle, la création d’un port de plaisance ainsi que l’aménagement de tout un réseau de voies d’accès fait débat. Selon , la MIACA, il s’agit d’une opération de conformation des stations existantes de Hossegor et Capbreton et de réhabilitation d’un port, anciennement existant. Mais d’autres relèvent le caractère démesuré, privatiseur et antiécologique de cette opération. Le projet est en effet ambitieux. Il prévoit la construction d’un port de plaisance de 1200 places , un réaménagement de l’assainissement et du réseau de voirie, et la réalisation de deux opération d’un total de 5000 lits qui sera des pôles d’animation. Pour que cette opération soit rentable une estimation est faite: 500 anneaux doivent être occupés à l’année. Pour financer le port, le syndicat intercommunal ( SIVOM) qui réunit Capbreton, Hossegor, Seignosse a pensé lotir deux terrains qui entourent le port: celui dit «de la pêcherie» et le terrain «de la vierge» qui bordent le littoral .Serait alors construits 1500 lits sur un terrain qui appartient pourtant à la collectivité . A condition qu’il ne soit pas en déficit, à priori, la création du port n’est pas au coeur du débat. C’est plutôt l’aménagement des deux terrains qui sont censés le financer qui éveille les consciences. Le terrain qui appartient au domaine public va être loti et cédé à des particuliers et donc privatisé alors que, selon certains, l’ espace public ne peut être que trop limité sur le littoral.
Le schéma d’aménagement de l’UPA9 , zoom sur la zone du port d’Hossegor- Capbreton
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L’aménagement prévu pour Hossegor- Capbreton Images tirées de l’émission de TV «la france défigurée du 10 mars 1974
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4.3.2. Mobilisation de l’opinion publique et abandon du projet Alors que depuis le début des années 1970 l’écologie à sa place le paysage politicomédiatique, l’ émission télévisée «La France défigurée», connaît un certain succès auprès du public français. L’édition du 10 mars 1974 «Hossegor Capbreton», présente le débat en cours à propos de l’aménagement d’une grande zone naturelle et oppose les arguments favorables au projet de Roger Cales, maire de Capbreton à ceux de Xavier Defos du Rau, «Encore faut-il savoir ce que l’avocat du comité de défense de la côte aquitaine. Le nous allons offrir aux touristes comité de défense , qui s’oppose clairement au projet, et et pourquoi ils viennent... Et si dépose ainsi un recours devant le tribunal administratif nous allons leur offrir ce qu’ils dénonçant que non seulement il met en péril l’équilibre viennent chercher dans les écologique du site mais, en plus il n’aurait pas été rentable Landes! Or qu’est ce que c’est au plan économique. Le 25 juin, le journal Sud-ouest que les Landes, c’est un pays reporte alors les propos de Jacques Ellul, vice président du absolument exceptionnel pour comité, qui dénonce «l’éxès de pouvoir du syndicat une raison qui n’existe nulle part d’aménagement présidé par le maire de Capbreton et la ailleurs ( ..) c’est une région où il violation des règles du domaine public». Le procès , y a de l’espace.» prononcé en janvier 1975 sera remporté par le comité de défense de la côte aquitaine.La mobilisation de l’opinion publique qu’il permet donne les clefs du débat qui oppose « Si vous occupez tous les esalors les convictions de nombreux élus locaux, désireux paces libres , si vous mettez 5000 d’enrichir leur commune et d’activistes qui voient dans cet lits c’est à dire 2500 chambres, aménagement de trop nombreuses abbérations.
c ’est à dire l’ équivalent de 25 hôtels de 100 chambres au milieu même des espaces de Capbreton et d’ Hossegor . Vous supprimez les deux ou trois terrains qui constituent justement leurs poumons.»
Xavier Defos du Rau, avocat du comité de défense
«Est ce que ça sera créateur d’emplois? Bien-sûr quelques uns.. Il faudra des femmes de ménages pour nettoyer les 5000 lits (..) il faudra des concierges... il faudra une activité commerciale pour nourrir tout cela .. mais pendant 2 à 3 mois .. et pendant les 9 autres mois, les Landais, qu’est ce qu’il recueilleront comme apports positifs? Comme progrès économiques de cette réalisation ? Assez peut de choses en vérité. C’est simplement pour dire qu’il y avait, pour la région, des priorités plus urgentes!»
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«Nous avons le problème de loger du monde , de recevoir les gens. Nous sommes des stations d’accueil, il faut recevoir des gens de toutes les catégories, de toutes les couches sociales, c’est pour ça d’ailleurs que les projets comportent sur le plan d’urbanisme des réalisations de tous les types»
Dans ce pays il n’y a pas d’industries nous n’en voulons pas ; et nous n’en aurons pas! Nous ne pouvons pas en recevoir il est bien certain que l’ afflux du tourisme représente l’économie du pays
«Ici nous sommes entourés, sur le coté de Notre Dame, d’une zone sableuse qui n’est jamais fréquentée, en fin de compte je crois que si on urbanise d’une façon correcte et raisonnable et bien c’est en fait un terrain qui va devenir accessible à tout le monde , et pour le plus grand plaisir des promeneurs et de tous ceux qui n’ont pas de bateaux
Roger Cales, maire de Capbreton Images tirées de l’émission de TV «la France défigurée du 10 mars 1974
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En 1974, un an après le premier choc pétrolier, et dans un climat de récession économique les ambitions du schéma d’aménagement de la côte aquitaine sont revues à la baisse et la décision est prise par la MIACA de se concentrer sur certaines UPA. Près de 135 000 lits disparaissent alors des prévisions initialement annoncées pour 1980. L’UPA9, dans le département des Landes, fait alors partie des zones sur lesquelles la mission décide de se recentrer. Malgré le fort recul dans les opérations prévues, les quelques opérations mises en place sont critiquées et font naître de vives réactions, dans la presse, au sein des groupes associatifs et auprès des habitants des communes concernées. C’est à travers le comité de défense de la côte aquitaine que des pionniers locaux de l’écologie politique tels que Bernard Charbonneau ou encore Jacques Ellul ont alors pointé du doigt le réel décalage entre les principes annoncés par la MIACA et leur mise en oeuvre. Doublées de difficultés économiques liées à une période de récession nationale, ces luttes ont alors appuyé l’abandon de certains projets d’aménagement économiquement et écologiquement peu viables.
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Quand Biasini dit qu’il protégé 95 % de l’ Aquitaine, est ce que c’est grâce à lui? est ce que c’est la crise du pétrole de 1974? est-ce que c’ est les promoteurs qui n’ ont pas voulu venir? Ou est-ce que finalement ce sont les quelques combats écologistes? L’ histoire nous le dira! Pierre Davant
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L’aménagement touristique de la côte landaise est le résultat d’une lente évolution des regards sur un paysage autrefois considéré comme hostile. Si l’État n’est pas toujours intervenu dans cette lande déserte, les grands travaux d’assainissement et de fixation des dunes ont , dès le XIXème siècle, permis à un tourisme de l’élite de s’y installer. Mais, pendant les Trentes glorieuses le littoral landais s’est retrouvé au carrefour de problématiques nouvelles caractéristiques de son époque. En même temps que le tourisme de masse à donné lieu à une «bétonnisation» des côtes françaises, de nouvelles préoccupations sont apparues, annonçant les prémisses d’une nouvelle éthique de développement. A la lumière des problématiques posées par le contexte des années 1970, la question du modèle de développement touristique à opérer sur le littoral aquitain à alors trouvé des réponses singulières. Alors qu’il était voué au tourisme de masse, L’État à impulsé de nouvelles stratégies d’aménagement touristique en posant la question de l’articulation du tourisme, des espaces naturels et du respect des populations landaises. La réévaluation critique d’une modernité, qui caractérisait les expériences de planifications touristiques précédentes, à alors été proposée à travers l’ instauration de la par l’État de la MIACA. Cette mission interministérielle ,à travers son approche, a invoqué les principes d’un «développement durable» pourtant encore inexistant. La mise en place d’une politique d’environnement et de protection de la nature , le désir de laisser une place au tourisme social ou encore l’expérience de la concertation en sont les témoins. Les fondements de la politique d’aménagement entre conceptions pluridisciplinaire, échanges avec les populations concernées et importance donnée aux élus, ont permis d’aborder de manière systémique la complexité du territoire landais. Ainsi, de 1970 à 1985, à travers l’expérimentation de la MIACA l’État a à la fois pris en main le phénomène de l’arrivée massive des touristes sur le littoral landais et a, par la même occasion, posé les jalons d’une forme de politique d’aménagement touristique durable . S’il est relativement difficile d’établir un bilan de son action, il est intéressant de relever qu’en mettant en œuvre un schéma d’aménagement global, la MIACA a permis au littoral landais de se préserver des désordres irréversibles qui ont pu toucher d’autres côtes françaises. La vaste opération d’aménagement initialement a évolué progressivement. Doublées de difficultés économiques liées à une période de récession nationale, ces luttes ont alors appuyé l’abandon de certains projets d’aménagement économiquement et écologiquement peu viables. Il semble alors que ces réactions « du peuple» aient eu une réelle incidence sur les décisions prises par « le haut », c’est à dire l ’État.
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Identité
1966-1967 .Folklore de France- Panorama des landes. Le but n’est pas de montrer l’état actuel de la société landaise mais de présenter les aspects identitaires du monde landais et ses symboles. Une promotion de l'identité landaise qui participe à sa préservation.
09 avril : Les Landes Un panorama des Landes
CULTURE
24 octobre : « Les Landes» présentation du folklore landais
18 novembre: Hossegor
TOURISME
Innovation 1967. L’inauguration, d’une piscine d’eau de
11 juillet : Promenade sur le courant d’Huchet
mer amovible, à Moliets. Un bel exemple de ce type d’aménagement discret, éphémère et... écologique : une première en France ! 1966. La mode du «surfing», arrivée tout droit de Californie, fait son apparition sur les côtes landaises
11 juillet :Inauguration de la piscine de Moliets
SPORTS
25 mai: Sur une planche : à l'école du surfing
1965 . «La mobilité croissante des français nous amène à envisager des aménagement dans certains coins du littoral français. Vous savez que nous avons commencé sur le Languedoc Roussillon, nous tenons aujourd’hui à voir quel est le style, quels sont les investissements quels sont les moyens de financer qui sont nécessaires sur la côte Aquitaine et spécialement sur la côte des landes. Je veux dire que ce que j’ai vu jusqu’ici est encourageant et j’espère que le groupe de travail spécial pour la côte Aquitaine que je viens d’ instituer à Paris, pourra commencer à l’automne des travaux fructueux pour toute la région.» . Olivier Guichard en visite sur la côte landaise.
08 octobre: L‘érosion des dunes à Mimizan
Erosion
1966. A Mimizan, les fondations d’une villa de bord de mer sont menacées. Pour préserver le tourisme et les habitants, le conseiller général Cassagne espère l’aide des pouvoirs publics et la mise en œuvre d’un plan d'ensemble d'aménagement des digues.
NATURE
Aménagement
16 mai: Voyage de Georges Pompidou en Aquitaine
1965
1966
POLITIQUE
27 août :Olivier Guichard en visite sur la côte landaise
«Eh bien, nous avons eu effectivement la visite, hier, de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées donc je le remercie. Et cet ingénieur a décidé de faire des travaux immédiatement pour préserver cette villa. Je pense qu’on y réussira. Seulement, il s’agit quand même d’un problème qui est là, purement local, puisque dans la mesure où il n’y a pas un processus du moins, un plan d’ensemble qui soit fait, nous n’arriverons à rien.»
1967
1968
Le contexte landais , frise réalisée à partir d’archives de L’INA et
81
I. L’ ouverture du littoral landais au tourisme de masse: entre planification de l’État et revendications locales
30 septembre: Inauguration du musée en plein air de Sabres
29 juillet : Le musée de plein air de Marquèze
tourisme culturel
1969 Marquèze invente une nouvelle forme de tourisme centré sur l’environnement et la culture: Ce lieu d’expériences, est un vrai laboratoire où se pérennisent les traditions, préservant et mettant en valeur le patrimoine naturel et culturel des populations landaises . Marquèze est alors un modèle, celui de l’ écomusée qui , bien avant l’heure nous parle de tourisme durable.
1969. «Vous savez, c’est une création de qualité. Ce n’est pas une création de quantité. Ce que cela représente, c’est un point exceptionnel où s’associeront le respect du passé, l’image de ce qu’était une civilisation. Un aspect culturel et d’animation pour l’avenir. Et cela présente donc de ce fait un endroit modèle, et un endroit où l’homme reprendra contact avec la nature et oubliera un petit peu les soucis qui l’assaillent dans sa ville.» Gabriel Delaunay, allocution tv, Inauguration du musée en plein air de Sabres
L’état recule sur la réalisation de la «liasion ‘eau’ des étangs devant les réactions hostiles , unanimes et spontannées des partis de gauches, des minucipalités riveraines et des propriétaires de plans d’eau , des syndicats de chasse et de pêche, d’associations d’usagers.. Sud ouest: 10. 01. 1973 «l'aménagement de la cote premier achat de terrain, première épreuve de force» le monde , 22.01.1973
MIACA
«lacanau et soustons deux points chauds de la côte aquitaine» le monde | 14.04.1973
1969.«Tout récemment, cette délégation conduite par Monsieur Saint-Marc, Président de la mission interministérielle pour l’aménagement de la côte Aquitaine, découvrait en effet les charmes du département des Landes (..) Une visite passionnante pour la délégation (..) Le village vacances-tourisme de Seignosse accueillait ensuite les personnalités. Le préfet des Landes devait y faire un exposé sur la situation et le cours des travaux dans le complexe de Seignosse-le-Penon. Différentes visites étaient consacrées à Soustons avec un arrêt sur une plage du charmant petit étang blanc. Les travaux d’aménagement d’un important centre nautique en bordure du lac de Soustons ont particulièrement retenu l’attention des visiteurs dont le périple devait s’achever à Hossegor et Capbreton. Avec eux, vous aurez constaté si ce n’est déjà fait les richesses naturelles du département des Landes qui bénéficie aujourd’hui de nouveaux crédits pour son aménagement.» propos du journaliste.
«neuf stations de la gironde a l'adour» le monde | 12.02.1972 «environnement, une dépolluante» L’unité , 06.12.1972
bombe
«Neuf unités touristiques seront créées sur la côte aquitaine» LE MONDE , 10.12.1970 3 avril: Une délégation de la MIACA en visite dans les Landes
" Nous avons voulu empêcher la côte
aquitaine de devenir un mur de propriétés privées" Philippe Saint-Marc LE MONDE , 23.02.1970
1969
t de chroniques journalistiques
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1973
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L’aménagement touristique de la côte landaise
11/01/1973 l’association des propriétaires de l’UPA 9 demande une revalorisation des prix d’aquisiton des terrains ( 3,33 fr proposés au M2), association dont le syndicat des sylvicultueurs est a l’origine.
01 juin: Aujourd’hui dans les Landes
«polémique à propos de l'aménagement de la côte l'association espace pour demain veut bloquer l'opération d'hourtin»
«aquitaine : opérations - pilotes en faveur du tourisme social» le monde | 19.07.1978
«côte aquitaine: l’aménagement du profit» L’unité , 21.11.1975
10 mars: Aménagement de la côte Aquitaine : Hossegor, Capbreton
«attentats au pays basque» le monde | 15.08.1978 deux incendies criminels ont détruit, samedi 12 août, les bureaux de la mission
" in abstracto " le monde | 20.11.1976 jaques ellul «- les illusions des années 60» le monde | 11.10.1978 «littoral l'argent» le monde | 20.11.1976
«les bâtisseurs n'ont pas tous les droits sur la côte aquitaine bataille pour la dune de lacanau» le monde | 23.02.1974
«la côte introuvable» le monde | 20.11.1976
«sept maires de la cote aquitaine défendent la " promotion touristique "»
«la côte aquitaine aux mains de ses " aménageurs "» le monde | 14.02.1976 bernard charbonneau (*)
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«les dégats du tourisme» l’unité | 14.07.1978
«débat à bayonne partisans et adversaires de l'aménagement de la côte dos à dos» le monde | 26.04.1978
1977
1978
Le contexte landais , frise réalisée à partir d’arc
I. L’ ouverture du littoral landais au tourisme de masse: entre planification de l’État et revendications locales
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Les tensions de l’aménagement de la côte aquitaine 12 octobre: Les Landes : la forêt ou les hommes ?
26 juin: Extension du parc régional des Landes de Gascogne
«inquiétude dans le bassin d'arcachon l'huître et ses plaideurs» le monde | 01.10.1980 5 septembre: Les plages de la côte Aquitaine envahies par des fûts de produits chimiques
«référendum sauvage sur la côte basque l'association de défense de guéthary consulte les habitants sur un projet de la municipalité» le monde | 15 août 1980 «sur les grands boulevards des landes» le monde | 18.12.1982
«pas de côte d'azur en aquitaine» le monde | 21.06.1980
«bons chiffres pour la miaca» le monde | 08.12.1979
«les congés oubliés» le monde | 25.04.1981 «à vieux-boucau : l'inégalité dans les loisirs» le monde | 21.04.1981
1979
chives de L’INA et de chroniques journalistiques
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1981
«des basques contre... touristification "» le monde | 01.08.1983
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II.
Vers une gestion et un aménagement durable du littoral landais
La politique d’aménagement du territoire, qui relevait d’une démarche centralisée connaît un tournant majeur au début des années 1980. Cette seconde partie explicitera l’ évolution des politiques d’ aménagement et de gestion du littoral marquées tout à la fois par un contexte national de décentralisation mais aussi par l’ascension du développement durable. On verra comment l’évolution du contexte national et international, à fait basculer la période de «grands travaux» encadrés par l’État vers une « gestion » et un encadrement réglementaire du littoral landais. On présentera donc d’abord les particularités du contexte de décentralisation et les nouveaux rôles attribués aux collectivités territoriales dans l’aménagement du littoral landais. On verra ensuite comment après s’être désengagé de la question du littoral, l’État à tenté de réaffirmer ses positions à travers la loi littoral. On évoquera alors son ambiguité et ses conséquences sur les projets landais Enfin, un dernier chapitre traitera de l’apparition de nouvelles stratégies de développement durable depuis les années 1990, qui amènent le littoral landais vers de nouveaux modes de gestion. On parlera donc de cette injonction du développement durable dans le tourisme aquitain, qui met en exergue le rôle et le statut des ressources naturelles dans l’ attractivité des stations touristiques landaises.
86
L’aménagement touristique de la côte landaise
1. Les débuts de la décentralisation entre avancées et déclins des engagements "durables" de l'État En 1980, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) propose une stratégie mondiale de conservation de la nature et évoque pour la première fois la notion de «développement durable» en traitant de concert des questions d’environnement et de développement. Au même moment, alors que les opérations de constructions du littoral landais proposés dans les schémas de la MIACA ne sont réalisées qu’a 50%1 , la récession économique fait basculer la période de «grands travaux» encadrés par l’État à une nécessaire « gestion » et à un encadrement du littoral landais. Cette évolution s’inscrit alors dans un contexte national particulier de décentralisation. De ce fait, l’État n’est plus le seul maître de l’aménagement du territoire et les collectivités locales doivent prendre des initiatives . C’est par le biais d’ outils d’urbanisme, de gestion et d’aménagement de l’espace touristique qu’un nouveau rôle est donné a la région, puis aux départements et aux communes.
1.1 Les lois de décentralisation : d’un état souverain à un état arbitre 1.1.1 Une nouvelle répartition des rôles La politique d’aménagement du littoral connaît un tournant majeur au cours des années 1980. En 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, les premières lois décentralisatrices sont votées. Contesté dans son rôle «d’État providence», L’État français tente de répartir ses compétences afin de ne plus être un acteur dominant. Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, propose alors une loi sur les droits et libertés des communes, départements et régions. Le projet de décentralisation vise ainsi à donner aux collectivités territoriales des compétences propres et à assurer un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire en se rapprochant du processus de décision des citoyens et en favorisant l’émergence d’une démocratie de proximité. Pour cela, les lois de décentralisation de 1981 et de 1983 prévoient à la fois une redéfinition des droits et libertés des collectivités territoriales, un transfert de compétence et de moyens financiers vers les collectivités locales et de nouveaux instruments budgétaires en particulier au travers des contrats de plan État-régions qui vont devenir le principal instrument du développement territorial.
1
V. Vlès, 2005
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
Droits et libertés des communes, des départements et des régions Loi du 2 mars 1982. Article 1
« Des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État , ainsi que la répartition des ressources publiques résultant des nouvelles règles de la fiscalité locale et des transferts de crédits de l’État aux collectivités territoriales, l’organisation des régions, les garanties statutaires accordées aux personnels des collectivités territoriales, le mode d’élection et le statut des élus, ainsi que les modalités de la coopération entre communes, départements et régions, et le développement de la participation des citoyens à la vie locale ».
Répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État Loi du 7 janvier 1983 : Article 1
« Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. Ils concourent avec l’État à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu’à la protection de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie. Les communes, les départements et les régions constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la vie locale et garantissent l’expression de sa diversité ».
87
88
L’aménagement touristique de la côte landaise
1.1.2 Aménagement et protection des espaces naturels Un pouvoir important est donné aux communes, départements et régions en matière de décisions d’aménagement et notamment en terme d’urbanisme par le renforcement du rôle des élus. Avec la loi du 29 juillet 1982, les régions sont pourvues d’une forme autonome de planification à l’échelon régional : les plans de région. Ceux-ci déterminent les objectifs à moyen terme du développement économique, social et culturel de la région pour la période d’application du plan de la nation. Les régions deviennent alors l’échelon de référence pour élaborer les politiques françaises d’aménagement du territoire et le gouvernement se contente alors de contrôler la “ compatibilité des plans des régions entre eux ainsi qu’avec le plan de la nation ”. L’a loi du 7 janvier 1983, quant à elle annonce la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie comme des éléments capitaux des nouvelles fonctions des collectivités territoriales2. 1.1.3 Une reconnaissance du local Parallèlement aux renforts des compétences locales et régionales, des enjeux de proximité doivent davantage impliquer les citoyens. La décentralisation vise à donner aux collectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l’État, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire. En rapprocher le processus de décision des citoyens elle à pour but de favoriser l’émergence d’une démocratie de proximité. La décentralisation crée alors un bouleversement dans la politique nationale mettant un terme aux grandes politiques nationales d’aménagement touristique. Ainsi, l’intervention touristique marque ce glissement progressif d’une démarche «top-down» d’aménagement « descendante » conçue autour d’une conception d’organisation spatiale du territoire national et de son zonage fonctionnaliste à la prise en compte de revendications ou d’initiatives « ascendantes »3. Cette perspective générale de coproduction de l’aménagement est une démarche nouvelle de type « bottom-up » est censé mettre fin à l’aménagement touristique planifié de l’État des rééquilibrages de l’espace national. Le littoral se retrouve alors au centre de l’action de plusieurs acteurs. Cependant, si l’État , s’il doit désormais partager ses fonctions et son pouvoir d’aménageur, doit toutefois rester un garant essentiel d’unité et de solidarité territoriale. D’un État maître du jeu, on passe alors progressivement à un État arbitre de politiques décidées aux différents échelons décentralisés4 .
2
http://legifrance.gouv.fr
3
J.P Gaudin, 1999
4 V.Vlès, 2005
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
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1.2 Une reprise difficile du rôle de la MIACA par les collectivités locales Les années 1980 marquent un tournant dans l’aménagement touristique du littoral landais. La conjonction d’une décentralisation qui se met lentement en place et de difficultés économiques qui font suite aux chocs pétroliers font passer la question du tourisme comme secondaire dans les priorités des collectivités. 1.2.1 Les nouvelles compétences de la région, du département et des communes Alors que la Région apparaît dans les textes de loi comme un élément moteur du développement territorial, c’est l’échelon régional qui doit définir des actions générales pour l’aménagement du tourisme et les loisirs et poursuivre les missions interministérielles d’aménagement. Ainsi, la Région peut soit agir par le biais d’ une politique spécifique financée par ses ressources propres soit, par le biais de contrats de plan État-région sous le contrôle et avec l’aide financière de l’État. Imaginés par le ministre du Plan et de l’aménagement du territoire de l’époque, Michel Rocard, les contrats de plan État région (CPER), sont conçus comme un instrument d’articulation du plan national et des plans de régions. Cependant, au début de la décentralisation, les régions, nées en 1972 sont des conceptions récentes et avant qu’une conscience régionale apparaissent elles restent longtemps en retrait en matière d’aménagement. Les populations se reconnaissent davantage dans les structures que sont la commune ou le département. Avec ce rééquilibrage des pouvoirs entre le national et le local, la MIACA évolue donc elle aussi. Si jusqu’en 1984 elle est marquée par une dimension interministérielle dont la politique est validée par les directives d’État, les choses évoluent à partir de 1985. En effet, la MIACA est dissoute en 1984 et ses compétences, conformément aux lois décentralisatrices sont conférées à la Région aquitaine. Ainsi, entre 1985 et 1992, la MIACA est redéfinie et devient une mission d’aménagement, instance d’échange et de discussion chargée de la mise en cohérence des actions menées par l’État et la Région5. C’est donc le conseil Régional qui poursuit l’action engagée par l’État grâce à la signature , le 12 décembre 1984, d’un avenant au contrat de Plan État-Région Aquitaine. Le décret du 19 avril 1985 marque alors le départ nouvelle Mission d’Aménagement dont la durée d’exercice est fixée au 31 décembre 1988. Elle devient alors la MiACA , mission d’aménagement de la côte aquitaine et doit mettre en cohérence les actions menées par l’État et la Région . Cependant, cette réorganisation ne change pas la totalité du système déjà mis en place. L’ancienne MIACA donnait déjà des responsabilités aux instances locales pour chaque opération d’aménagement. En effet , le département des Landes est jusqu’alors très présent dans la réalisation des aménagements grâce à sa société d’économie
5
Préfecture de la Région Aquitaine, Mission Littoral et Conseil général d’Aquitaine, 2002
90
L’aménagement touristique de la côte landaise
mixte, la SATEL . Cet outil créé par le département pour l’aménagement de la station de Seignosse le Penon, à apporté son concours à la mission d’aménagement pour assurer les réalisation de l’aménagement de la côte aquitaine dans L’UPA9. A première vue, la «nouvelle MiACA», ne se semble donc pas «bouleverser» le cours des politiques d’aménagement touristiques. Cependant, le principal problème qu’elle pose réside dans la continuité des financements de l’État. Dans ce contexte de crise économique, l’aménagement touristique ne fait plus parti des priorités ni de l’État, ni des Régions . Alors que le financement de la Région, se fait par le biais d’une contractualisation de plans «État-région», l’Aquitaine se désengage peu à peu de ses responsabilités pour l’ aménagement de sa côte laissant de coté les engagements de l’ancienne MIACA. L’ équipement des plages , la protection de l’environnement en encore l’ouverture de réserves naturelles ne sont pas des actions qu’elle décide de poursuivre pendant son exercice. De plus, les grandes orientations des schémas d’aménagement n’ont pas débouché sur des prescriptions régionales particulières. Absente dans la politique de répartition des interventions , la Région aquitaine se désengage alors peu a peu et, 1988 date de la fin du premier contrat de Plan EtatRégion, signe aussi la fin de la MiACA. 1.2.2 Le manque de moyens financiers des collectivités locales A partir de 1988, l’ aménagement du littoral devient la compétence des communes et des départements. Ceux-ci sont alors les acteurs principaux de l’aménagement touristique de leur littoral. L ‘aménagement de la côte landaise s’est donc essentiellement poursuivie à travers les Zones d’Aménagement Concerté, destinées à «réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains , notamment de ceux acquis par une collectivité afin de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés6 .» En effet, la loi du 17 janvier 1983 donne aux communes le pouvoir d’établir et de faire appliquer leur propre plan d’occupation des sols. Celles-ci sont alors responsables de l’urbanisme et des aménagements et équipements ponctuels ainsi que de la gestion des espace naturels. L’ État montre cependant son désir de contrôle en ce qui concerne la protection du patrimoine . En effet, les POS, se doivent de respecter l’ inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) élaborés par les représentants de l’État au niveau local. Lancé en 1982 par la Direction de la protection de la nature du ministère de l’environnement, ce programme à pour objectif de produire un répertoire national des zones de plus grand intérêt écologique dans la perspective de fournir au ministère un outil d’aide à la décision. Mais une fois leur POS établit, les communes ne disposant pas de budget supplémentaire pour remplir leur nouveau rôle, résistent difficilement aux pressions fortes des promoteurs. En effet, leur principale source de richesse fiscale est directement liée à la fréquentation touristique et à la taxe de séjour. A l’échellon supérieur, les départements,
6 code de l’urbanisme, http://legifrance.gouv.fr
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
91
endossent alors plusieurs rôles et développent petit à petit des «politiques locales» d’aménagement touristique à travers la création de comités départementaux du tourisme7 ( CDT). De plus , par la loi du 18 juillet 1985, ils ont acquis une responsabilité certaine en matière de préservation et de gestion des espace naturels. Le département devient alors le partenaire privilégié des communes en matière d’aménagement. Le conseil Général, peut ainsi demander aux communes d’ être associé a l’élaboration de leurs plans d’occupation des sols. Il peut alors délimiter, avec leur accord, des zones de préemption dont l’acquisition, l’aménagement pour la fréquentation et l’entretien sont financés par la Taxe départementale8 sur les espaces naturels sensibles perçue sur tous les permis de construire du département. Cependant, cette taxe qui répond au principe de «bétonneur-payeur» semble très contradictoire puisqu’ implicitement, elle admet que plus les communes accordent de permis de construire, plus le fond disponible pour protéger le patrimoine naturel est important. Ce non-sens incite donc les communes littorales à entrer dans une logique de développement quantitatif parfois contraires aux critères de durabilité évoqués par le schéma d’aménagement de la MIACA quelques années plus tôt. On comprend alors qu’ à ses débuts, le projet de décentralisation à du mal à prendre tout son sens car il ne donne pas aux collectivités locales une suffisante maîtrise des ressources financières qui leur sont nécessaires. Alors que quelques années plus tôt la MIACA de l’ «avant-décentralisation» distribuait déjà les compétences en confiant la réalisation des opérations aux communes, l’encadrement et le soutient financier de l’État permettait une certaine cohérence globale dans cet aménagement.
1.3 L’évolution du littoral landais dans les années 80 1.3.1 La responsabilité de l’État face aux stratégies de développement des communes. Pendant cette décennie des années 1980, l’aménagement du littoral est alors bien plus dans les mains de promoteurs que dans ceux des élus. Le montage économique des opérations créé alors un déséquilibre qui se traduit par une production massive de résidences secondaires9. Après que l’État ait conçu l’aménagement, réalisé les routes nationales, l’adduction d’eau, l’assainissement pendant l’époque «MIACA», les collectivités locales et leurs sociétés d’ économie mixte comme la SATEL dans les landes ont viabilisé les zones à aménager puis les ont vendus aux promoteurs. Celles-ci ont donc cherché à «construire le moins cher
7 Le comité départemental du tourisme est un organisme local du tourisme créé au niveau du département depuis la loi de décentralisation de 1986. 8 voir annexes 9 D’après L’INSEE , on compte aujourd’hui 65% de résidences secondaires sur le littoral aquitain.
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L’aménagement touristique de la côte landaise
5500
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5000 4500 4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000
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Evolution du nombre de résidences : l’explosion des années 80- Exemple de Seignosse d’après INSEE
possible pour vendre le plus rapidement possible»10 . Ainsi, les principales réalisations de cette époque sont de grands ensembles de studios résidentiels, un produit qui se vendait alors très bien. Les plans d’occupation des sols, nouvel outil pour les communes littorales, ont donc distribué du «droit à construire» dans une perspective de rentabilité à très court terme. De plus, au delà des profits tirés par la commune à travers la vente de ses terrains, la production de nombreuses résidences secondaires à été perçue comme une solution pour permettre le développement du secteur du bâtiment. Ainsi, dans un contexte national de rigueur budgétaire, il existe un certain dynamisme dans la continuité de l’aménagement touristique dans les Landes qui donnent alors une réponse à la consigne nationale de «passer ses vacances en France11». Les permis de construire sont facilement attribués comme à «Port d’Albret» où le dévellopement touristique s’instaure par une volonté politique locale . Alors, les chantiers se multiplient, sans réellement respecter les principes d’un aménagement en profondeur annoncés comme primordiaux par l’État et la MIACA . Pourtant, de part les réglementations fiscales qu’il a mis en place, l’État à sa part de responsabilité dans cette croissance immobilière effrénée. En effet, dans un premier temps, les communes ont tout intérêt à ne pas s’opposer à ses nombreuses constructions puisque celles-ci rentrent en compte dans le calcul de la population pour l’attribution la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF)
10
Vincent Vlès, 2005
11
Bénédicte Boyrie-Fénié, Empreintes landaises, INA
2007
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
93
instituée en 1979 ainsi que pour d’autres dotations de l’État spécifiques aux commune touristiques (Dotation touristique, taxe de séjour et taxe locale d’équipement). Tout en laissant se construire ces résidences secondaires, l ‘État a donc assuré dans un premier temps, une ressource financière non négligeable pour les communes littorales. Ce mécanisme de fiscalité locale a conduit de nombreux élus vers un développement plus «quantitatif» que «qualitatif» de leur commune. Ainsi de 1968 à 1990 dans le département des Landes, près de 28 000 résidences secondaires12 ont été créées et aujourd’hui plus d’une résidence sur cinq est secondaire13 . A court terme, les communes ont donc trouvé dans cet aménagement une réponse financière intéressante qui leur permet de dynamiser leur station, de l’équiper et de la rendre plus attractive dans un contexte ou la concurrence entre les destinations touristiques est rude. Mais à long terme, la conséquence principale de cette profusion de résidences secondaires est celle d’une saisonnalité très marquée qui met un frein à la possibilité de créer des emplois permanents et donc d’engendrer une économie locale viable. De plus, alors que ces résidences secondaires ont généré peu d’emplois, elles ont en revanche consommé beaucoup d’espaces naturels qui fondent pourtant une grande part de l’ attractivité du littoral landais. 12-11 INSEE http://www.statistiques-locales.insee.fr : dans les landes , le nombre de résidences secondaire est passé de 9506 en 1968 à 41 075 en 1990. En 2009 on en compte 49 000.
Le complexe de loisirs «Atlantik Parc» à Seignosse Le-Penon, un univers «à part» Carte postale
94
L’aménagement touristique de la côte landaise
1.3.3 L’ effacement du tourisme social au profit d’un tourisme de l’élite. Face aux fortes pressions immobilières qui se développent depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990, la mode des grands équipements touristiques tels que les golfs ou les centres de balnéothérapie, sert souvent de prétexte à la réalisation de programmes immobiliers ambitieux14 . La station de Seignosse-le-Penon, dont l’aménagement avait été réorienté sous l’égide de le MIACA en est le témoin. La diversification des activités touristiques existantes sur le territoire à laissé naître trois équipements touristiques afin de dynamiser la station. D’abord, la salle des Bourdaines, une salle polyvalente de 1800 places pouvant accueillir des événements sportifs comme musicaux, a été inaugurée en 1988 grâce aux bénéfices dégagés lors des opérations immobilières. Puis, un immense parc aquatique (Atlantik Park) et un complexe de golf et ont été réalisés indépendamment. Comme en témoignent les villas de luxe du programme immobilier du golf de Seignosse, la construction de ces complexes touristiques sont destinés à une clientèle fortunée. En effet, avec les constructions d’hébergements de haut-standing qu’elle laisse naître, la station de Seignosse le Penon assiste dès la fin des années 1980 à l’effacement progressif du tourisme social qu’elle avait permis grâce à ses nombreux villages vacances . Cette «évolution sociale» de la station est tout à fait reflétée par la ZAC du golf de Seignosse. D ’une superficie d’une centaine d’ hectare, la création de cette ZAC est approuvée en 1987. La conception du Golf est alors confiée à l’ architecte Texan Robert Van Hagge qui associe au parcours un important programme immobilier d’environs 300 lots à bâtir. La conception de cet ensemble dans une zone humide reconnue pour sa richesse écologique à largement fait débat. L’édification du quartier résidentiel, investi par de hauts revenus a toutefois vu le jour. Les résidences sorties de terre ont été travaillées dans un style « néo-californien » sans réel lien stylistique avec le contexte local. De même qu’à Atlantik Parc, les palmiers «luxuriants» créent l’exotisme d’un univers qui puise son inspiration ailleurs que dans les Landes. Mais ce type d’aménagement peu respectueux de son environnement et de son contexte, marque aussi une réelle volonté de distiction socio spatiale. Un peu plus au nord, l’ exemple de Moliets montre que la commune s’est elle aussi appuyée sur la construction d’infrastructures d’envergure pour rentabiliser sa station touristique. Alors que le schéma d’aménagement de l’ UPA9 a donné lieu à une «opération Moliets» 15 celle-ci prend la forme d’une ZAC à vocation touristique en 1982 qui sera confiée à la SATEL. Mais, les premières années de 1982 à 1986, l’opération stagne et les lenteurs de la commercialisation des terrains sont imputables au dynamisme du marché. Faute d’un équipement majeur et attractif, les investisseurs se trouvent peu intéressés. Face aux bilans financiers très déficitaires de l’opération la SATEL propose en 1986 la construction d’un Golf afin
14 Laroque-Chounet, 1998 15
Techniques et architecture N°333
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
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Palmiers et eau chlorée à Seignosse Le-Penon 1.Vue aérienne, Google maps 2. les bassins d’Atlantik Parc
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Le Golf de Seignosse et ses maisons néo-Californiennes 1.Vue aérienne, Google maps 2. Maison de la ZAC du Golf de Seignosse le Penon
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de donner une image «attractive» à la station. Comme à Seignosse-le-Penon un architecte américain, Robert Trent Jones, est alors appelé pour concevoir un Golf de 27 trous. Dès l’achèvement du Golf en 1989, des grandes signatures investissent et 1990 et 1994, les deux tiers des terrains sont réservés ou vendus. Ainsi, la construction d’infrastructures proposant un tourisme «international» et haut de gamme, permet à différentes stations landaises d’attirer les promoteurs dans une optique de rentabilité a court terme, aux dépends du développement d’une économie locale durable et de la protection des équilibres naturels en place.
Les ploucs dehors ! Interdits aux non-golfeurs» dessin satirique, les amis de la terre landes
Les golfs landais et leurs hébergements de luxe en 2013 http://www.tourismelandes.com
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1 La nouvelle position de l’État amenée par les réformes françaises de décentralisation amène la MIACA à se dissoudre en 1985. En effet, alors que les lois décentralisatrices ont attribué de nouveaux rôles aux collectivités locales, c’est à la région Aquitaine de poursuivre les engagements de la MIACA . Mais la crise économique fait passer l’aménagement touristique en dehors des priorités de la Région . En 1988, la responsabilité de l’aménagement revient alors aux communes et aux départements. Alors que quelques années plus tôt, la MIACA de l’ «avant-décentralisation» distribuait déjà des compétences aux collectivités locales en confiant la réalisation des opérations aux communes, l’encadrement et le soutient financier de l’État permettait de respecter une certaine cohérence entre les aménagements. Mais, dans le climat de récession économique de plus en plus lourd qui caractérise le début des années 1980, de nouvelles difficultés s’instaurent pour les communes landaises qui manquent de soutient financier. L’ État, à travers un manque d’encadrement réglementaire, à plutôt encouragé une vente rapide des terrains entraînant un surcroît de réalisations «banalisées» et peu intégrées à l’environnement landais. Alors que l’État affirme sa position sur la nécessaire protection des espaces naturels sensibles du littoral, les réglementations fiscales qu’il met par ailleurs en place l’ impliquent directement dans cette croissance immobilière effrénée. Celle-ci se traduit alors par une production massive de résidences secondaires et de grands équipements touristiques luxueux ( golfs, parcs aquatiques) déconnectés des «réalités» locales (économie, cultures). On comprend alors qu’ à ses débuts, le projet de décentralisation appliqué à l’aménagement touristique du littoral à du mal à prendre tout son sens . Face au type de développement immobilier qui s’opère sur le littoral et dans un contexte favorable à une plus grande prise en considération des questions environnementales, l’État va alors de proposer de nouveaux outils réglementaires afin d’encadrer l’aménagement du littoral.
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2. L' encadrement réglementaire de l'État De plus en plus, les exigences environnementales contribuent à remettre en cause l’ aménagement des stations car le grignotage des espaces naturels par l’urbanisation du littoral tue «la poule aux oeufs d’or». Alors qu’en 1989, l’Espagne enregistre un recul du nombre d’estivants la circulaire du 22 octobre 1991 déclare « L’expérience de certains pays méditerranéens dont les façades maritimes ont, plus que les nôtres, fait l’objet d’urbanisations massives, illustre les risques encourus ».
2.1 L’institutionnalisation de la loi littoral comme réponse a la gestion difficile du littoral Dans la nouvelle répartition des rôles amenée par la décentralisation, l’absence d’un consensus entre la région, les départements et les communes rend la maîtrise de l’aménagement touristique difficile. Les pressions de opérateurs auprès des collectivités peu préparées se font alors sentir et multiplient les conflits d’usage du sol. Pour gérer la préservation de leurs environnements fragiles et protéger le littoral, les collectivités locales manquent d’encadrement. Alors que cette décentralisation chamboule l’organisation administrative française, l’État ne veut pas pour autant se désintéresser de son littoral. En 1983, « la préservation de l’espace maritime et côtier est une exigence nationale, pour ne pas dire un problème de civilisation». La rapidité avec lesquelles les cotes françaises se détériorent sous l’effet d’une urbanisation sauvage particulièrement incontrôlée créent à l’État une responsabilité nationale. l’État décide de mettre en place des «lois cadres» afin d’empêcher la dégradation du littoral. L’essor de la réglementation relative à la protection des côtes françaises suit la politique générale de conservation de la nature lancée à partir de la création du ministère de l’environnement en 1971. Alors que le littoral, par la complexité de ses nombreux statuts, est un espace complexe, le droit de l’environnement qui s’y applique y est rudement mis à l’épreuve. La difficulté est surtout liée au fait que le littoral est au croisement de perceptions bien différentes. Pour les géographes, il est « une zone côtière plus ou moins large où s’exercent les influences réciproques de la terre et de la mer », celui des aménageurs est « plus vaste, variable en fonction des aménagements envisagés » et celui des juristes « se réfère essentiellement au rivage 1(…). La définition du littoral et sa profondeur dépend donc des objectifs qu’on lui inflige: l’ aménagement, la protection ou la mise en valeur2. Alors, dans un contexte international favorable à une plus grande prise en considération des questions environnementales, l’ État met en oeuvre une intervention ciblée visant la conservation des paysages du littoral.
1-2 JP. Colson, 1987
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2.1.1 Une lente évolution de la politique de protection des espaces naturels La loi « Littoral » du 3 janvier 1986 répond à la lente institutionnalisation d’une nécessaire protection du littoral. Elle prend ses sources dans le rapport Picquart, écrit par une commission d’experts de la DATAR en 1973. Dès cette époque, celui-ci définit une nouvelle doctrine d’aménagement et propose des principes spatiaux d’organisation des activités touristiques sur le littoral tels que l’ encouragement d’ un aménagement en profondeur , l’attachement à la protection de secteurs d’équilibre naturel , le principes des coupures d’urbanisation, ou encore la création d’ un conservatoire du littoral pour pouvoir s’armer contre la spéculation foncière. L’idée de protection apparaît alors en particulier dans l’objectif fixé de conserver un «tiers naturel» tout en permettant le développement économique du littoral . La politique nationale du littoral a donc déjà été lancée et a été renforcée par le texte du 4 août 1976 à propos de la «protection et l’aménagement du littoral et des rivages de grands lacs» qui préconise d’ établir une doctrine en matière de gestion du littoral et qui annonce que « la protection de la bande côtière dépend de la maîtrise de l’urbanisation». Ce texte témoigne de la volonté d’ établir une nouvelle doctrine pour la gestion du littoral français et mentionne des principes de protection d’espaces sensibles tels que l’impossibilité de créer des ZAC en bordure du littoral . Cependant, sa limite réside dans le fait qu’il ne s’impose qu’aux services de l’État et ne peut donc être invoqué par les tiers voulant s’opposer à des Plans d’occupations des sols non respectueux du littoral. Le 26 août 1979, le discours de l’État sur la protection de l’environnement a pris un nouveau tournant grâce à une directive, que l’on peut considérer comme l’esquisse de la « loi littoral». L’État propose alors de ménager des espaces libres et naturels fin d’éviter l’urbanisation linéaire de la côte et de conserver une bande d’une profondeur de 100 mètres afin de reporter les construction à l’arrière du rivage et de les laisser ouvert et accessibles à tous. Cette directive dite «d’Ornano» est alors applicable aux communes littorales et riveraines de marais et des étangs mais n’est pas totalement opposable aux tiers . En effet les collectivités locales ne sont pas obligées d’entrer dans les «règles du jeu». Ainsi, jusqu’au milieu des années 1980 la politique de protection du littoral s’est exprimée par des mesures ponctuelles et des circulaires souvent peu efficaces du fait de l’absence de leur valeur juridique. Les problèmes engendrés par les constructions peu respectueuses du littoral doivent alors trouver une solution réglementaire. Alors que la décentralisation est en place et que les communes récupèrent une grande partie des compétences d’aménagement , L’État français décide de prendre en main plus efficacement l’ encadrement de l’urbanisation du littoral. Ainsi, les principes du rapport Picquart sont repris vingt ans plus tard sous la forme d’une loi sur l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral qui sera votée à l’unanimité par le parlement français en 1986.
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2.1.2 Les principes de la loi littoral: un désir de protection du littoral « la philosophie de cette loi était d’affirmer un nécessaire équilibre entre les impératifs d’un développement économique souhaitable pour l’homme et une protection efficace des écosystèmes littoraux.» Vincent Vlès En 1986, la loi «littoral» doit permettre de réaffirmer la position de l’État dans la protection de l’environnement. La principale différence de cette loi par rapport aux textes précédents réside dans le fait que ses dispositions sont opposables aux documents d’urbanisme des communes. Ceci lui donne alors un réel pouvoir d’application. Les trois piliers principaux de cette loi sont alors la maîtrise de l’urbanisation du littoral, la protection des site et paysages remarquables ainsi que l’accessibilité aux rivages. Cette maîtrise de l’urbanisation repose ainsi sur des principes énoncés vingt ans plus tôt par la MIACA: -L’aménagement en profondeur et la conservation d’un équilibre des milieux. Ainsi, il est question de limiter la construction de nouvelles résidences dans les communes littorales en instaurant une zone de «non constructibilité» sur une bande de cent mètres à compter de la limite haute du rivage et dans les espaces remarquables3. -La protection des sites et paysages remarquables La loi de 1986 énumère les espace littoraux qui doivent être protégés en les inscrivant dans des zones «protégées» dans les POS. Les seuls aménagements qu’elle permet sont alors les aménagements légers nécessaires à leur entretien et à l’ouverture au public. Cependant , dans le cas des Landes, il ressort de cette énumération qu’elle annonce l’intégralité des espaces littoraux. Elle est donc imprécise et ne présente pas les endroits ou il est justement possible de construire. Dans la mesure où les documents d’urbanisme de ces communes doivent être compatibles avec les prescriptions prévues par la loi littoral , sa portée est censée être considérable. Elle a ainsi été perçue par un bon nombres de collectivités locales comme une loi «recentralisatrice» car ses dispositions s’appliquent à toutes les décisions d’occupation et d’utilisation du sol. L’État exerce donc ses prérogatives d’arbitre en réaffirmant, par cette loi, les règles du jeu avec les collectivités territoriales déjà prévues par les lois de transfert de compétences de 1983 et en tentant de concilier la sauvegarde des espaces sensibles avec le développement économique. Le loi littoral permet donc d’aider l’État à défendre l’intérêt collectif et à arbitrer les conflits d’intérêt qui se manifestent sur le littoral tout en mettant en place un «cadre restant souple pour permettre des adaptations locales4 »
3
Loi littoral , article L.146-6
4 Ph. Marini, 1998
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2.1.3 Les ambiguïtés de la loi Dès sa parution, la loi a largement été critiquée par les constructeurs et promoteurs mais aussi par différents élus craintifs d’un ralentissement du développement économique dans leur commune .De plus, l’ imprécision de ses textes fonde, elle aussi, de vigoureuses critiques . La loi littoral montre assez vite ses «limites». En effet, alors qu’ elle a pour but de protéger les espaces remarquables, celle-ci ne donne pas d’ information sur les seuils de prise en compte de la fragilité de ces zones. Il a donc été maintes fois reprochée à cette loi la médiocrité de son écriture, dont les textes «flous» peuvent donner lieu à différentes interprétations. La multiplication des expressions ambiguës serait alors due à l’abus de termes non explicités par le droit. Les différentes traductions de ses textes ont donc expliqué les nombreux recours contre les opérations d’aménagement ou les Plans d’Occupation des Sols qui interprétaient, à leur guise, la loi littoral et minimisaient le degré de protection à porter à des sites fragiles. Par exemple, la bande d’ «inconstructibilité» des 100 mètres le long du rivage fait référence à des «espaces urbanisés» mais personne, pas même les juges, n’en détient la définition précise. Après cinq ans d’application de la loi, il est donc apparu nécessaire à l ‘État de préciser certaines de ces dispositions à travers une instruction adressée aux préfets des départementaux littoraux. Contrairement à l’esprit de la décentralisation, c’est l’État qui identifie les espaces à préserver et les fait connaître à la commune. Cependant, une ouverture est maintenue : ces choix étatiques ne s’imposent pas directement comme une nouvelle servitude d’utilité publique. Une négociation reste possible. La représentation locale de l’État à travers les Directions Départementales de l’Équipement littorales entreprennent alors un travail de prise en compte des richesses à protéger. Cependant, sur le terrain, l’expérience des recours auprès de tribaux administratifs montrent que les décisions de l’aménagement se font de plus en plus au cas par cas. Les services de l’État sont ainsi pris dans une négociation serrée avec les collectivités locales qui soutiennent des projets d’équipement touristique peu durables. Nombreuses sont les associations de protection de la nature qui déposent alors des recours contre les communes et les opérateurs auprès des Tribunaux administratifs. En 1992 toutes les communes du littoral des Landes voient alors leur POS invalidé5. Les nombreux recours font l’objet du contrôle du juge administratif et aboutissent pour l’intégralité des ZAC, à des annulations d’autorisation d’aménager6.
5-7 V. Vlès, 2005
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2.1.4 Des projets avortés par la loi littoral Sur la côte landaise, plusieurs projets d’aménagements prévus à l’époque de la MIACA sont alors remis en cause par l’application de la loi littoral. Certaines opérations conçues dans des secteurs d’équilibre naturels après leur «libération» de l’emprise de la mission doivent retourner vers une logique de protection avec l’application de la loi littoral . C’est le cas du projet de la Zac du Golf de l’Adour à Ondres-Labenne qui est stoppé en 1992 par les dispositions de la loi littoral en même temps que le plan d’occupation du sol de la ville7. La station de Port d’Albret, elle aussi, connaît un retournement de situation avec l’arrivée de la loi littoral. En janvier 1975, son aménagement est décidé par arrêté ministériel et Port d’Albret représente le dernier projet de station aménagée à l’époque de la MIACA. A Port d’ Albret, la réalisation de la première tranche du plan d’eau qui démarre en 1975 se fait alors grâce aux 6 millions de francs provenant de la mission8. Autour de ce plan d’eau qui s’immisce entre la commune de Soustons au Sud et de Vieux-boucau au nord, une ZAC prévoit de nombreuses résidences de logements qui doivent permettre d’ éviter une urbanisation parallèle à l’océan. La remise en eau du lac marin est donc une alternative imaginée pour créer un attrait à la station et permettre aux logements de bénéficier de la proximité agréable de l’eau. Le «pôle touristique de Port d’Albret» , réalisé du côté de VieuxBoucau est construit avant la loi, mais, une dizaine d’années plus tard, la loi littoral est votée et l’ extension de l’urbanisation du côté de Soustons est interdite. En effet, le lac étant salé, les interdictions de bord de mer s’y appliquent.
L’application de la loi littoral marque alors un temps de discorde. De nombreux élus des communes littorales sont déboussolés car les textes de loi, si difficiles soient-ils à interpréter, donnent lieu à des jugements qu’ils considèrent «inégaux».
2.2. Des schémas d’adaptation locaux pour la loi littoral Alors que les questions environnementales restent au coeur des préoccupations des politiques publiques, la question de la protection foncière du littoral face aux pressions immobilières est évoquée de plus belle et les mouvements écologistes organisent des rencontres d’information et de sensibilisation. La décentralisation , par la diversité des responsabilités qu’elle à mis en place révèle l ‘absence d’une vision d’ensemble et une gestion globale du littoral landais. La difficile application de la loi littoral en est témoin. Pourtant, la forte sensibilisation de l’opinion publique aux thèmes de l’environnement s’exprime à travers un sondage réalisé en mai 1991 pour le
7
L. Laroque-Chounet, 1998
8
P. Traimond, Jean-Jacques Taillentou, 2006
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Vieux-Boucau
Soustons 1
2 La ZAC du lac marin de Port-d’Albret, un projet avorté par la loi littoral 1. Vue aérienne, Google maps 2. Carte postale, 1990
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Conservatoire du littoral qui révèle que pour 82% des français la protection du littoral est un objectif prioritaire et très important et que plus de 46% estiment qu’il est défiguré par l’immobilier. Face à la difficile application de la loi littoral, une instruction ministérielle est prononcée en octobre 1991 afin de définir ses grands principes d’application. Porté par le constat que la nature et l’espace restent les atouts principaux du tourisme landais, le département des Landes et les services déconcentrés de l’État entreprennent alors une délimitation des espaces qui doivent être protégés par la loi. Dans le département landais, la traduction de cette instruction donne lieu en 1993 à un «Schéma de cohérence» tandis que de son coté la direction régionale de l’équipement d’Aquitaine fait connaître trois ans plus tard son propre schéma afin de clarifier «les principes de cohérence et de gestion des milieux littoraux» . 2.2.1 Le schéma de cohérence des Landes En 1992, le département des Landes et les services de l’État concernés ( DDE, ONF, ..) produisent un document intitulé « schéma de cohérence pour l’application de la loi littoral sur la côte des Landes». Dans un premier temps, le texte élaboré par l’équipe est soumis aux communes afin qu’elles fassent part de leurs remarques et de leurs préoccupations. Ainsi, une cartographie est entreprise afin d’éclaircir les principes de l’application de la loi littoral et doit ainsi faire l’objet d’un consensus entre les différents échelles de pouvoir, les communes, les départements et la région aquitaine. Ce document qui présente alors la position des services de l’État est porté à la connaissance des communes littorales landaises. Il comporte un plan de synthèse définissant les espaces naturels remarquables locaux devant être protégés, les grandes coupures d’urbanisation ainsi que les espaces forestiers à préserver. Les «espaces naturels remarquables9» y sont identifies à très grande échelle dans une carte au 1/25 000ème dans le but d’être reportés dans les plans d’occupation des sols des communes. Mais ce document, qui n’a qu’une valeur informative, ne constitue que le point de vue de l’État dans le département. Il n’a donc pas de valeur réglementaire mais le représentant de l’État peut décider de la légalité ou pas des Plans d’occupation des sols qui ne le respecteraient pas . Dans la pratique, ses conseils d’application de la loi ont été peu suivis et même parfois ignorés. Lors du procès du projet de ZAC de Port D’albret dont l’extension à été stoppé par la loi littoral, la défense en faveur de la ZAC s’est faite grâce aux arguments du schéma de cohérence du département. Cependant, le tribunal administratif n’ayant pas donné raison à l’interprétation de la loi du schéma de cohérence des services de l’état, on comprend bien que ce dernier n’ai jouit que d’une crédibilité réduite.
9 les espaces naturels remarquables sont définis dans l’ article L. 146-6 du code de l’urbanisme de manière assez floue
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2.2.2 le schéma de cohérence de l’Aquitaine En 1995, la direction de l’équipement régional de l’Aquitaine diffuse elle aussi une étude afin de clarifier la loi littoral. Les orientations émises sont censées appuyer les études réalisées au niveau départemental. Cette étude, commandée et financée par le ministère de l’ équipement et de l’environnement entend dresser un bilan des politiques conduites sur le littoral aquitain , identifier les enjeux de protection et les enjeux liés au développement et entamer une réflexion sur les options et principes d’aménagement adaptés aux spécificités de l’ Aquitaine. Elle propose ainsi un éclairage sur un certain nombre de termes de la loi. Par exemple, l’orientation régionale affirme que la «bande littorale» des 100mètres définie par la loi, doit être constituée d’un cordon dunaire, d’une lette et d’une frange forestière. Sur la côte de la Gironde et des Landes «ces trois éléments occupent alors une largeur de l’ordre de 500 mètres dont la limite en profondeur ne peut s’apprécier que sur le terrain 10.»
Guide régional d’application pour l’application de la loi littoral en aquitaine source DREAL aquitaine
10 C.Clus Aubry, 2003
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2.2.3. les «contre pouvoir» pour le respect de la loi littoral «Alors, si le littoral landais est protégé aujourd’hui, on dit merci à qui ? Certainement pas aux élus !» Les amis de la terre landes Localement, la population et les mouvements associatifs continuent de mener des actions en faveur de la protection de la nature. Les associations des riverains se se regroupent ainsi en opposition à des projets précis qui les touchent directement. On peut à ce titre parler de l’opération «sauve plage»a Hossegor contre un centre de thalassothérapie ou bien de l’association du Bouret1 montée contre l’extension du Port de Capbreton. Cette implication citoyenne montre une réelle volonté de participation des landais aux choix d’aménagement lui touche leur environnement. La SEPANSO qui porte un intérêt particulier à la défense des zones côtières s’est aussi engagée depuis 1992 dans le respect de l’application de la loi littoral dans les landes e, saisissant à de nombreuses reprises le Tribunal administratif. A travers les jugements et arrêts obtenus,elle a ainsi obtenu certaines jurisprudences spécifiques applicables sur le littoral landais. Les premiers jugements obtenus par la SEPANSO Landes en 1993 concernent alors la nécessité de protéger dans les Plans d’occupation des sols de grandes espaces naturels sensibles tels que la zone humide d’arrière dune à Soustons, ou les Barthes à Hossegor. Grâce aux différents recours obtenus, les milieux dunaires anciens boisés et situés en site inscrit doivent donc être protégés. Ainsi, en plus des grands principes de protection définis par le «Schéma de cohérence» du Préfet des Landes et par celui de la Direction régionale de l’équipement d’Aquitaine, les jugements obtenus par des associations comme la SEPANSO permettent de définir certains milieux naturels à protéger. Les premières imprécisions des modalités d’application de la loi littoral s’effacent alors grâce à l’implication des différents acteurs concernés dans la défense du littoral. Les associations et les groupes locaux d’opposition qui agissent sur l’opinion publique, deviennent alors de nouveaux «pouvoirs» à part entière que les collectivités locales se doivent de prendre en compte. Face à l’annulation de nombreux projets touristiques landais, un nécessaire consensus doit s’ établir entre les associations, les groupes de pression et les élus afin de réfléchir à d’autres modes de développement touristique.
1 L.Laroque-Chounet
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1992: annulation de la seconde partie de la réalisation de la ZAC de Port-d’Albret.
1992: rejet projet de Golf de Moliets par annulation du POS de la commune
1992: rejet du projet immobilier de la ZAC de Labenne-Plage
1994: rejet de la ZAC du Golf de Labenne-Ondres par annulation du POS
1999: rejet du projet de village vacances et d’un pôle club méditerannée près de la foret de protection de la ZAC de Moliets.
L’annulation de nombreux projets touristiques immobiliers dans les Landes aux recours déposés
Un Club Med à Moliets
1989
Pas de Club Med à Moliets
1992
Convention entre le Club Méd et le Conseil général des Landes
1999
A Moliets, plusieurs tentatives d’installation du Club Méditerranée archives INA
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2 Avec la nouvelle répartition des rôles amenée par la décentralisation, l’absence d’un consensus entre la région, les départements et les communes rend la maîtrise de l’aménagement touristique difficile. Les pressions des opérateurs auprès des collectivités peu préparées se font alors sentir et multiplient les conflits d’usage du sol. En 1986, la « loi littoral» est alors votée afin de permettre un nécessaire équilibre entre les impératifs d’un développement économique et une protection efficace du littoral. Cependant cette nouvelle loi montre rapidement ses «limites» et l’ambiguïté de ses textes donne lieu à des interprétations multiples. Face à la difficile application de la loi littoral, une instruction ministérielle est prononcée en 1991 dans le but d’éclaircir ses grands principes d’application. Dans le département des Landes, elle donne alors rapidement lieu à un «Schéma de cohérence» tandis que de son coté la direction régionale de l’équipement d’Aquitaine propose un schéma régional afin de clarifier «les principes de cohérence et de gestion des milieux littoraux» . Mais l’absence de valeur réglementaire de ces documents ne leur donne qu’une légitimité réduite. Face aux projets ambitieux qui menaçaient la côte landaise, des groupes locaux d’opposition et, par leur bais, l’opinion publique, ont donc manifesté leur désir de protection des espaces sensibles du littoral en déposant de nombreux recours contre des projets de grande envergure. L’annulation de nombreuses opérations touristiques de la côte landaise, appuyée par les mouvements associatifs locaux, a petit à petit amené une nécessaire remise en question des modèles d’aménagement touristique en place.
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3. Vers une gestion intégrée du littoral landais L’abandon de nombreux «grands projets touristiques» de la côte landaise décidés par les tribunaux administratifs et appuyés par les mouvements associatifs locaux, ont peu à peu amené à remettre en question les modèles touristiques en place. « La station apparaît comme un objet périssable à la fois parce qu’elle vieillit en âge et en significations, mais aussi parce que ceux qui la fréquentent ne sont chaque année pas tout à fait les mêmes que l’année précédente. » Guerin, 2002
3.1 La recherche de nouvelles échelles de gestion du littoral landais 3.2.1 L’intercommunité, une nouvelle échelle de gestion Les premières lois de décentralisation ont marqué un certain manque de cohérence entre les divers acteurs concernés par les politiques d’aménagement touristique. Le nouveau défi de l’État est donc bien d’ assurer la cohérence nécessaire des politiques d’intervention en matière d’aménagement du territoire et de développement durable, un concept qui prend tout son sens depuis le sommet de de Rio en 1992. La décénie des années 1990 voit le fleurissement de nombreuses lois ayant permis de confirmer le processus de décentralisation et d’intégrer de nouvelles échelles dans la gestion du littoral. En 1999, La loi Voynet1 énonce alors que « la politique d’aménagement et de développement durable du territoire » repose sur un certain nombre de choix stratégiques parmi lesquels « le développement local » qui « favorise au sein de Pays présentant une cohésion géographique, historique, culturelle, économique et sociale la mise en œuvre des potentialités du territoire en s’appuyant sur une forte coopération intercommunale et sur l’initiative et la participation des acteurs locaux ». Un mois plus tard la loi Chevènement , relative au renforcement et à la simplification des procédures de coopération intercommunale consacre l’intercommunalité de projet en organisant la coopération intercommunale à plusieurs niveaux selon l’échelle des communes concernées. Les communes du littoral landais, faiblement peuplées se regroupent alors des «communautés de communes» . Alors que le rôle des responsables locaux est réaffirmé ceux-ci prennent davantage conscience de la richesse dont disposent les pays côtiers, la prise en compte de cette nouvelle dimension patrimoniale pousse à l’organisation intercommunale « à référence de pays » que les noms choisis par les communautés de communes littorales révèlent . L’ intercommunalité permet alors une meilleure gestion des problèmes environnementaux mais également, une valorisation touristique qui repose sur un référentiel identitaire, porteur de symboles et d’authenticité.
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Article 2 loi voynet
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Un exemple intéressant est la création par le SIVOM « Landes Côte Sud» qui rassemble les stations de Seignosse Le Penon, d’Hossegor de Capbreton et de Labenne. Les quatre stations, très proches géographiquement proposent alors une «destination Landes Côte Sud» car la zone balnéaire continue constitue un produit “ solidaire ” aux yeux des publics. Cette mise en commun des ressources de chacune des stations permet alors de proposer une offre complète tant au niveau de l’hébergement que des loisirs. 3.1.2 Une nouvelle mission pour la côte aquitaine Parallèlement à cette organisation intercommunale, l’ensemble du littoral aquitain tente depuis quelques années d’approcher de nouveaux mode de gestion «intégrées». La Gestion Intégrée du Littoral ou gestion intégrée des zones côtières est apparue afin de répondre de manière «globale» aux problèmes induits par l’intensification des activités humaines sur le littoral. Ce concept développé par la communauté scientifique insistait alors sur la nécessité d’adopter une approche systémique de toutes les problématiques, dans la mesure où les enjeux soulevés paraissent souvent opposés. On peut la résumer en la définissant comme l’application sur le littoral des principes du développement durable. Sa démarche est « territoriale » et entend intégrer de manière transversale les dimensions environnementales, sociales et économiques des zones côtières afin de générer une gestion «durable» du littoral et son développement économique . Pour cela, il est nécessaire de coordonner les liens entre les différents acteurs du développement durable sur le littoral. Collectivités, associations, élus et professionnels doivent pouvoir «se retrouver» dans une instance de gouvernance commune. Afin de trouver des réponses aux classiques situations conflictuelles engendrées sur le littoral, la définition de son action doit donc être le fruit de la participation de l’ensemble des acteurs ,afin de définir par le biais de la concertation une nouvelle forme de gouvernance. . En 2002, l’Union européenne incite alors ses pays membres à développer une stratégie nationale de gestion intégrée de leur littoral en publiant un «livre vert» qui élabore un premier bilan des expérimentations de GIL sur ses côtes. En l’année 2000 et à l’occasion de la préparation du Contrat de Plan État-Région «2000-2006», le Conseil Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT) met alors en place une «Mission littoral» dans le but d’engager, une réflexion d’ensemble sur le littoral. Alors que la loi littoral n’établit qu’un droit d’usage du sol, la démarche entend recréer une vue d’ensemble, pour préserver l’héritage d’une côte dans l’ensemble préservée et réfléchir à son avenir économique pour permettre aux jeunes d’y vivre et d’y travailler. La mission littoral à donc pour objectif de préserver les acquis des politiques publiques passées, de poursuivre un développement durable et de concilier développement des activités, urbanisation maîtrisée, préservation de la nature et qualité de l’aménagement. Le préfet reprend l’initiative en créant une Mission
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Interministérielle Régionale Littoral (MIRL), placée sous sa responsabilité. Celle-ci regroupe alors les administrations régionales ainsi que des établissements publics concernés par les questions littorales. Parallèlement une instance politique, réunissant les élus et les « forces vives » du territoire (associations, experts scientifiques, acteurs socio-économiques) est créé : Le « Conseil Supérieur du Littoral » devra donc accompagner la réflexion sur l’aménagement du littoral.
3.1.3 La création du GIP littoral aquitain Ces initiatives se traduisent en 2002 par l’écriture collective d’un Livre Bleu2. En dressant un bilan critique de l’action de la MIACA, ce document constitue la première ébauche du nouveau projet État-Région pour la gestion du littoral . En 2006, le GIP (groupement d’intérêt public) littoral aquitain est créé, réunissant l’État et les collectivités, autour d’un projet commun : le Plan de Développement Durable du Littoral Aquitain 2007- 2020. Le GIP Littoral doit mettre en place un « plan de développement durable du littoral aquitain «afin de faciliter la gestion intégrée du littoral dans tous ses aspects.» Se définissant de plus, comme un espace de concertation pour tous les acteurs du littoral aquitain , Le GIP s’inscrit alors dans une démarche similaire à celle de la MIACA. Son Plan de Développement Durable du Littoral Aquitain, sans avoir l’ambition des schémas d’aménagement de la MIACA, cherche à en retrouver la philosophie générale3. Les champs d’actions du GIP Littoral sont alors de : «- proposer des orientations pour un développement durable du littoral aquitain, en vue d’une gestion intégrée du littoral , tout en favorisant un cadre partenarial - assister les maîtres d’ouvrages, en favorisant la mobilisation des savoir-faire et en soutenant l’innovation - animer, fédérer et évaluer les politiques publiques relatives au littoral aquitain4». Le GIP apparaît donc comme l’instrument, à la fois technique et politique, permettant aux élus locaux, notamment au conseil régional, de reprendre en main le destin de la côte aquitaine. Différents défis l’animent alors: -un défi démographique face à la croissance récente et particulièrement forte de la population sur le littoral aquitain vis-à-vis du reste de la région, imposant ainsi d’apporter des réponses adaptées et durables en matière d’habitat et de logements, de mixité sociale, d’équipements et de services, dans le respect des équilibres naturels ; -un défi gestion des risques, prenant en compte les différents types d’aléas (érosion, submersion, inondation, feux de forêt) et les enjeux de protection ; -un défi écologique en agissant sur la préservation et la mise en valeur des espaces naturels remarquables, la qualité des eaux de baignade, la lutte contre
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Mission littoral, 2002
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B.Boutefeu, 2012
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www.littoral-aquitain.fr
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
Organisation, collaboration et enjeux du GIP littoral Aquitain
Exemples de documents stratégiques mis en place par le GIP littoral Aquitain www.littoral-aquitain.fr
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- un défi économique en diversifiant les activités et les emplois -un défi social visant à conforter et à qualifier l’emploi, à offrir un niveau correct de services et d’équipements et des possibilités de logement pour toutes les catégories de populations résidentes ou désireuses de s’établir. - un défi touristique qui impose à l’Aquitaine d’adapter et de qualifier son offre dans un contexte de plus en plus concurrentiel, marqué par l’évolution de la demande des clientèles et l’apparition sur le plan international de nouvelles destinations. 5
3.2 Des stations landaises en tension Alors que l’accroissement de la mobilité des hommes leur permettent de plus en plus facilement de se déplacer dans «l’espace-monde», les stations touristiques landaises doivent faire face à la concurrence accrue qui se fait jour entre les destinations. En effet, les stations ne semblent plus toujours correspondre aux référentiels d’une société en constante évolution. La fréquentation touristique du littoral fait alors l’objet de pratiques et d’attentes renouvelées. 3.1.1 L ‘évolution des attentes et des clientèles Le renouvellement des clientèles touristiques ont été révélées depuis le début des années 1990, alors que les problèmes de fréquentation ont incité les stations à réaliser des études de clientèle. Tous les cinq ans, le Comité départemental du tourisme des Landes réalise alors des enquêtes afin de mieux cerner les clientèles et de dégager des enjeux touristiques prospectifs pour son territoire. En 2008, son enquête souligne que, si l’océan et la plage restent les meilleures motivations des touristes pour venir sur la côte landaise, ils sont complétées par bien d’autres atouts. Les touristes du littoral landais citent par exemple une multiplicité d’autres facteurs tels que le climat, l’espace naturel, le cadre de vie , le calme , la forêt, la culture et l’art de vivre Ainsi, les atouts naturels et culturels de l’arrière pays participent eux aussi à qualité de la destination touristique landaise. Le cadre local devient alors peu à peu un critères intégré dans la définition des destinations touristiques. Mais l’évolution des clientèles témoigne aussi d’autres phénomènes. Dans un premier temps, le vieillissement des populations entraîne une montée des besoins de culture, de découverte, de sécurité et de plaisirs auxquelles l’offre touristique doit pouvoir répondre. Ensuite, l’ établissement croissant de résidents permanents dans les stations, qui représentent souvent d’anciens propriétaires de résidences secondaires pose la question du renouvellement urbain d’un espace uniquement conçu pour des vacances. Enfin, le vieillissement même du modèle touristique des stations et de leurs produits immobiliers se fait sentir au moment même ou une grande partir de la clientèle ne se satisfait plus de l’étroitesse des studios «standards»
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d’après www.littoral-aquitain.fr
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proposés. Mais alors que les stations sont marquées par l’évolution des attentes de la clientèle touristique elles doivent aussi s’adapter aux nouveaux enjeux portés par le développement durable. A la suite du Sommet de la Terre de Rio en 1992 ,la communauté internationale a peu à peu pris conscience des enjeux d’un développement durable. L’émergence puis l’affirmation de la durabilité comme projet de développement de société bouleverse alors progressivement les pratiques et les actions de tous les acteurs du tourisme.
Résultats de l’étude menée en 2008 par le comité département du tourisme des Landes synthèse du comité département des Landes
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3.1.2 Le nouveau référentiel du tourisme durable Le développement durable peut être appréhendé comme un mode de réflexion systémique dans lequel on est amené à définir des priorités, à créer des synergies et à valoriser l’ensemble des ressources locales, naturelles autant qu’humaines6. Ainsi , il doit être compris comme une «démarche» qui se décline dans différents champs et à différentes échelles. Cependant, ce concept a mis du temps à s’imposer dans le champ du tourisme. Dans L’Agenda pour le 21ème siècle proposé en 1992, lors du sommet de Rio, aucun chapitre ne traite spécifiquement du tourisme Il faut alors attendre plusieurs années pour qu’un Code mondial d’éthique du tourisme soit adopté par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) en 1999 et par l’ONU en 2001. C’est alors par le biais de différents canaux de transmission que le concept de développement durable est peu à peu amené aux territoires touristiques. Une multiplicité de rapport, de guides, et de chartes tentent depuis de décliner la problématique du développement durable aux stations touristiques. Ainsi la nature, l’ environnement et les paysages locaux sont considérés comme des éléments de renouvellement de l’offre touristique et « les collectivités découvrent la nature en tant que ressource »7. La perception du littoral landais évolue alors d’une bande côtière à un véritable littoral-pays abordant diverses thématiques «patrimoniales». Pour le territoire et ses décideurs, l’enjeu est alors de valoriser le capital naturel et culturel local dans le cadre des activités touristiques, tout en le préservant à long terme.
le tourisme: première activ 19
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définition de Charlot-Valdieu et Outrequin, 2009
7
Laroque-Chounet, 1998
Conférence de Lanzarote: ado
Le rapport Bruntdland définit pour la première fois le développement durable 1988
Conférence de Rio et Agenda 21: le tourisme 1992
1980
1990
3 janv. 1987 première loi relative à l'organisation régionale du tourisme 1987
23 dec. 1992: loi mouly, répartition des compétences 1992
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L'apparition du TOURISME DURABLE
juin 2009: réforme de l’administration territoriale de la mer et du littoral 2009
vité mondiale de service 994
option d'une charte du tourisme durable 1995 la Datar parle de "gestion intégrée du tourisme" 2004 Charte européenne du tourisme et des espaces protégés 1999
e peu mentionné
2000
2010
27 fev. 2002, loi relative à la démocratie de proximité 2002
dans le domaine du tourisme
aout 2004, loi de décentralisation 2004
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Depuis les années 1990, l’apparition de nouvelles stratégies de développement durable ont amené le littoral landais vers de la recherche de nouveaux modes d’aménagement touristique et de gestion de son littoral. Parallèlement à une nouvelle organisation intercommunale, l’ensemble du littoral aquitain tente depuis les années 2000 d’approcher un mode de gestion «intégrée» .Cette démarche, qui entend intégrer de manière transversale les dimensions environnementales, sociales et économiques des zones côtières cherche à permettre une gestion «durable» du littoral . Dans cette optique , le GIP littoral aquitain est alors créé en 2006, réunissant l’État, les collectivités et les acteurs locaux autour d’un Plan de Développement Durable du Littoral Aquitain ayant pour but de relever les nouveaux défis du littoral aquitain .
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II
Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais La décentralisation qui marque les années 1980 a attribué de nouveaux rôles aux collectivités locales mettant ainsi fin à la période la mission interministérielle de la côte aquitaine. Mais l’absence d’un consensus entre la Région, les départements et les communes a rendu la maîtrise de l’aménagement touristique difficile. Les pressions des opérateurs auprès des collectivités peu préparées se sont alors faite sentir et ont multiplié les conflits d’usage du sol. En 1986, le vote de la « loi littoral» devait permettre un nécessaire équilibre entre les impératifs d’un développement économique et une protection efficace du littoral. Face à la difficile application cette loi aux textes ambigus, des Schémas de cohérence pour l’application de la loi littoral ont été mis en place par le département des Landes puis par la région Aquitaine . Cependant, l’absence de valeur réglementaire de ces documents ne leur ont donné qu’une faible légitimité . Face à aux projets ambitieux qui ont menacé la côte landaise, des groupes locaux d’opposition locaux et par leur bais, l’opinion publique, ont donc manifesté leur désir de protéger leur cadre de vie. L’abandon de nombreux projets touristiques de la côte landaise décidé par les tribunaux administratifs et appuyés par les mouvements associatifs locaux, ont alors , petit à petit, amené une nécessaire remise en question des modèles touristiques en place. Depuis les années 1990, l’apparition de nouvelles stratégies de développement durable ont alors amené le littoral landais vers une recherche de nouveaux modes d’aménagement touristique et de gestion de son littoral. Parallèlement à une recherche de nouvelles échelles d’organisation et au succès de l’intercommunalité, l’ensemble du littoral aquitain tente depuis les années 2000 d’approcher un mode de gestion «intégrée» de son littoral .Cette démarche qui entend intégrer de manière transversale les dimensions environnementales, sociales et économiques des zones côtières cherche à permettre une gestion durable du littoral . Dans cette optique , le GIP littoral aquitain est alors créé en 2006, réunissant l’État, les collectivités et les acteurs locaux autour d’un Plan de Développement Durable du Littoral Aquitain ayant pour but de relever les nouveaux défis du littoral aquitain .
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Conclusion L’aménagement touristique de la côte landaise s’est fait par étapes successives et l’État n’est pas toujours intervenu dans cet espace. La première mise en tourisme du littoral landais inscrit dans un paysage encore préservé les pratiques balnéaires du début du siècle. Avec l’ avènement du tourisme de masse et la valorisation du temps libre il s’y invente alors de nouvelles formes de loisirs et d’appropriation territoriale. Jusqu’aux années 1970, les touristes de la côte landaise, à travers leurs pratiques, ont précédé l’ intervention de l’État en «inventant» un programme touristique à cette région au faible dynamisme économique. Au delà des usages de la mer, les préoccupations nouvelles (environnementales, sociales) qui caractérisent les années 1970 ont elles aussi forgé, le type et la qualité de la réponse qui allait être apportée par l’État. L’exemple de l’aménagement de la côte Aquitaine témoigne alors de l’implication des citoyens (écologistes, touristes, habitants..) qui, à travers leurs revendications, ont participé à l’évolution des politiques publiques. Celles-ci sont alors passées par plusieurs évolutions. De 1970 à 1985, à travers l’expérimentation de la MIACA, l’État a pris en main le phénomène de l’arrivée massive des touristes sur le littoral landais et a, par la même occasion, posé les jalons d’une forme de politique d’aménagement touristique durable . S’il est relativement difficile d’établir un bilan de l’action de la MIACA il est intéressant de relever qu’en mettant en œuvre un schéma d’aménagement global, elle a permis au littoral landais de se préserver de désordres irréversibles qui ont pu toucher d’autres côtes françaises. La vaste opération d’aménagement initialement prévue a évolué progressivement. La crise pétrolière, l’opposition de certains aquitains, l’intervention du comité de défense de la côte aquitaine, ont amené la mission à réduire le projet initial. Cependant, les actions qu’elle a menée ont largement profilé la configuration actuelle du littoral landais. Au delà des résultats de son aménagement, il est intéressant de voir que la politique menée par la MIACA constitue en elle-même une expérimentation précurseuse; En effet, en articulant les enjeux de l’aménagement et ceux de la protection de l’environnement la MIACA à annoncé les prémisses de formes politiques et de modes de gestion devenus aujourd’hui courants et intégrés dans les évolutions portées par le développement durable. C’est d’abord en développant et en diffusant une vision prospective sur l’évolution du tourisme littoral par le biais d’ études et de statistiques que la MIACA à tenté d’inscrire le phénomène touristique dans un temps long. Même s’il est vrai que des problématiques nouvelles se posent aujourd’hui que la MIACA n’a su prévoir, l’ attitude qui tend à anticiper les tendances futures est aujourd’hui convoquée dans presque tous les projets d’aménagement du territoire. Ensuite, en mettant en place des cellules de concertation , d’information et d’animation impliquant un droit de regard de la part des citoyens, elle a amené
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dans le contexte politique français une façon différente de prendre des décisions, en multipliant les acteurs qui y sont associés. Cette mise en réseau d’un système d’acteurs divers ( État, collectivités locales, écologistes, artistes, citoyens...) à ainsi posé les bases d’un aménagement concerté, anticipant alors la nécessaire gouvernance d’un espace aussi complexe que le littoral . Au regard des multiples mouvements de contestation qui ont eu lieu , il est vrai que la prise en compte des voix citoyennes est difficilement mesurable. C’est indubitable, celles-ci ont eu un rôle primordial dans la préservation de nombreux espaces naturels qui caractérisent aujourd’hui l’attractivité du littoral landais. Au niveau du montage des opérations, la MIACA à permis une sorte de «décentralisation avant l’heure». En effet, chapotées par l’État , les collectivités locales ont eu un rôle fondamental dans la transformation de leur commune. Chargées de la réalisation des opérations elles ont pu, tout en recevant des aides de l’État , expérimenter avant l’heure une réorganisation politique amenée quelques années plus tard par la décentralisation. Les orientations générales du schéma d’ aménagement de la MIACA ont la permis la mise en place de plusieurs principes «durables» pour l’aménagement de la côte aquitaine. La mise en place d’une politique d’environnement et de protection de la nature , le désir de laisser une place au tourisme social ou encore l’expérience de la concertation en sont les témoins. Les méthodes de travail mises en place par la mission, entre conception pluridisciplinaire, échanges avec les populations concernées et rôle donné aux élus ont permis d’aborder de manière systémique la complexité du territoire landais. Jusqu’en 1985, la MIACA s’est alors imposée comme un modèle intéressant initiant la recherche d’une échelle de travail pertinente pour l’aménagement et la gestion durable du littoral landais.
A partir de 1985, les politiques d’aménagement touristique ont évolué vers la recherche d’un mode de gestion durable du littoral. Alors que la décentralisation a mis ainsi fin à la mission interministérielle de la côte aquitaine,celle-ci à permis d’ attribuer de nouveaux rôles aux collectivités locales. Mais, l’absence d’un consensus entre la Région, les départements et les communes a rendu la maîtrise de l’aménagement touristique difficile. Les pressions des opérateurs auprès des collectivités peu préparées se sont alors faites sentir et ont multiplié les conflits d’usage du sol. En 1986, le vote de la « loi littoral» devait permettre un nécessaire équilibre entre les impératifs d’un développement économique et une protection efficace du littoral. Mais face à la difficile application cette loi aux textes ambigus, des Schémas de cohérence pour l’application de la loi littoral ont été mis en place par le département des Landes puis par la région Aquitaine . L’ absence de valeur réglementaire de ces documents ne leur ont donné qu’une faible légitimité . Face à aux projets ambitieux qui ont menacé la côte
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landaise, des groupes locaux d’opposition locaux et par leur bais, l’opinion publique, ont donc manifesté leur désir de protéger leur cadre de vie. L’abandon de nombreux projets touristiques de la côte landaise décidé par les tribunaux administratifs et appuyés par les mouvements associatifs locaux, ont alors , petit à petit, amené une nécessaire remise en question des modèles touristiques en place. Depuis les années 1990, l’apparition de nouvelles stratégies de développement durable ont alors amené le littoral landais vers une recherche de nouveaux modes d’aménagement touristique et de gestion de son littoral. Parallèlement à la recherche de nouvelles échelles d’organisation et au succès de l’intercommunalité, l’ensemble du littoral aquitain tente depuis les années 2000 d’approcher un mode de gestion «intégrée» de son littoral .Cette démarche qui entend intégrer de manière transversale les dimensions environnementales, sociales et économiques des zones côtières cherche à permettre une gestion durable du littoral . Dans cette optique , le GIP littoral aquitain est alors créé en 2006, réunissant l’État, les collectivités et les acteurs locaux autour d’un Plan de Développement Durable du Littoral Aquitain ayant pour but de relever les nouveaux défis du littoral aquitain . Les politiques d’aménagement touristique ont peu peu mis en place les conditions d’un développement durable et aujourd’hui le littoral landais construit son identité touristique sur des valeurs telles que l’espace et le respect de la nature.
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Table des matières I. L’ouverture du littoral landais au tourisme de masse : entre planification de l’État et revendications locales 1.L’aménagement d’un «paysage landais» et la naissance d’une économie touristique
1.1 Assainissement des Landes et premières stations balnéaires
1.1.1 Du «Sahara landais» au désir de rivage
1.1.2 Stations de l’élite et stations embryonnaires
1.2 Tourisme de masse et naissance d’une économie locale 1.2.1 Le tourisme de masse et la nécessité d’un projet social 1.2.2 La prise en compte par l'État du tourisme balnéaire 1.2.3 Seignosse le Penon, une initiative locale
2. La naissance d’un nouveau paradigme environnemental, économique et social
2.1. L’apparition de la question naturelle 2.1.1 Un bouleversement national 2.1.2 Une prise de conscience mondiale 2.2.3 Une critique de la modernité 2.2 L’éveil des politiques publiques 2.2.1 Une position d’abord ambiguë 2.2.2 Un désir de protection du littoral
3. La formulation d’une réponse «durable» : la planification touristique du littoral aquitain
3.1 L’ État, grand aménageur du tourisme aquitain 3.1.1 la création de la MIACA 3.1.2 la mission St-Marc, un développement attentif à la nature et aux hommes 3.1.3 la mission Biasini, une mission du concret 3.2 La préparation de l’aménagement, des actions tranversales 3.2.1 Les principes de l’aménagement de la côte aquitaine 3.2.2 Une expérience de concertation locale 3.2.3 La politique d’environnement et de protection de la nature. 3.2.4 Acquisitions préalables et financements de la MIACA 3.3 L’ UPA9, l’ adaptation locale des principes d’aménagement 3.3.1 Une méthode de travail transversale 3.3.2 La prise en main de Seignosse Le-Penon
4. Tensions et contradictions de la côte Aquitaine: d’une théorie à sa mise en œuvre
4.1 Les «imprévus» de la MIACA 4.1.1 Crise économique et réorientation des objectifs 4.1.2 Les remous de la politique foncière 4.3.1. Un projet ambitieux 4.3.2. Mobilisation de l’opinion publique et abandon du projet
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4.2 Les opposants à l’aménagement de la côte aquitaine 4.2.1 La lutte du comité de défense de la côte aquitaine 4.2.2 Actions juridiques, actions culturelles 4.3 Les différents points de l’aménagement remis en question 4.3.1 Le canal transaquitain remis en question 4.3.2 Le coup de frein au tourisme social 4.3.3 L’oubli des populations
4.4. La ZAC de Notre Dame, un aménagement qui fait débat
II. Décentralisation et développement durable: vers une gestion durable du littoral landais
1. Les débuts de la décentralisation entre avancées et déclins des engagements de l'État
1.1 Les lois de décentralisation : d’un Etat souverain à un état arbitre 1.1.1 Une nouvelle répartition des rôles 1.1.2 Aménagement et protection des espaces naturels 1.1.3 Une reconnaissance du local 1.2 Une reprise difficile du rôle de la MIACA par les collectivités locales 1.2.1 Les nouvelles compétences de la région, du département et des communes 1.2.2 Le manque de moyens financiers des collectivités locales
1.3 L’évolution du littoral landais dans les années 80
1.3.1 La responsabilité de l’État face aux stratégies de développement des communes littorales
1.3.3 L’ effacement du tourisme social au profit d’un tourisme de l’élite.
2. L' encadrement réglementaire de l'État
2.1 L’institutionnalisation de la loi littoral comme réponse a la gestion difficile du littoral
2.1.1 2.1.2 2.1.3 2.1.4
Une lente évolution de la politique de protection des espaces naturels Les principes de la loi littoral: un désir de protection du littoral Les ambiguïtés de la loi Des projets avortés par la loi littoral
2.2. Des schémas d’adaptation locaux pour l’application de la loi littoral 2.2.1 Le schéma de cohérence des Landes 2.2.2 Le schéma de cohérence de l’Aquitaine 2.2.3. les «contre pouvoir» pour le respect de la loi littoral
3. Vers une gestion intégrée du littoral landais
3.1 La recherche de nouvelles échelles de gestion du littoral landais
3.2.1 L’intercommunité, une nouvelle échelle de gestion 3.1.2 Une nouvelle mission pour la côte aquitaine 3.1.3 La création du GIP littoral aquitain 3.2 Des stations landaises en tension 3.1.1 L ‘évolution des attentes et des clientèles 3.1.2 Le nouveau référentiel du tourisme durable
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L’aménagement touristique de la côte landaise
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Journaux Journal «Sud-Ouest» 10 janvier 1973, 24 janvier 1973, 03 avril 1973, 04 avril 1973, 03 juin 1973 5 juillet 2010 , 4 novembre 2010 , 23 septembre 2011 Journal « le monde » 22 juillet 1973, 14 février 1976, 3 avril 1976, 17 avril 1976 , 16 août 1976 , 17 novembre 1976, 20 novembre 1976, 20 novembre 1976, 20 novembre 1976, 1 janvier 1977, 5 novembre 1977, 11 octobre 1978, 17 octobre 1978, 21 octobre 1978, 6 août 1979, 8 décembre 1979, 21 juin 1980, 1 octobre 1980, 18 juin 1981, 1 août 1983, 5 novembre 2002, 22 janvier 2005 , 9 novembre 2011 Journal « l’Unité » 26 novembre 1973, 21 novembre 1975,1 décembre 1972, 14 juillet /1978 , 5 janvier 1979, 14 octobre 1983 Journal « Le nouvel observateur»
131
29 mai 1975
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Films «film littoral» de Sylvie Licard Archives de l’INA
Thème central «l’aménagement du littoral, revue «Urbanisme» N°123-124, 1971
Thème central «l’aménagement de la côte Aquitaine» N°130, 1972
Thème central «le littoral un espace sensible» revue «Urbanisme» N°145, 1974
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Annexes
L’aménagement touristique de la côte landaise
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