9 minute read

DAVID AYOUN

Next Article
AVANT-PROPOS

AVANT-PROPOS

Exo-Biote Installation pneumatique et lumineuse réalisée par Jonathan Pêpe en 2015

Production Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, avec le soutien de la Banque Neuflize OBC et en collaboration avec l’équipe DEFROST de l’INRIA, l’Université de Lille, le CNRS, et le SCV.

Advertisement

Courtesy et crédits photo de l’artiste

JONATHAN PÊPE

Né à Toulouse en 1987 Jonathan Pêpe est un artiste plasticien qui vit et travaille à Lille. Diplômé du DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique) des Beaux-arts de Bourges en 2013, il intègre la promotion Bill Viola du Studio national des arts contemporains - Le Fresnoy - de 2013 à 2015. Fasciné par l’organique et le vivant, Jonathan Pêpe pratique le dessin, la vidéo et l’installation. Détournant les outils numériques tels que la modélisation 3D ou encore la soft-robotique, il crée des scénarios dystopiques qui questionnent le spectateur sur son rapport à la technologie et plus largement sur son avenir face à la robotique. Proche des philosophies de pensée ancienne, comme celle d’Aristote notamment, Pêpe questionne les notions d’être et de substance. Concentrant ses recherches sur la distinction entre le vivant et le non vivant, son univers frôle le discours des mouvances transhumanistes. Chez Pêpe, il n’est pas rare de déceler les augmentations possibles que l’usage des sciences et des technologies permettraient au corps et mêmes aux capacités intellectuelles de l’homme. Sans prendre position, il évoque ces thèses, tout en transmettant leurs limites et leurs dérives.

Le cinéma tient également une place primordiale dans sa pratique, ayant lui-même envisagé de devenir réalisateur, il pratique l’autohypnose pour créer des scénarios à partir d’un corpus de documents qui constituent son référentiel (images, textes, sons...). « Cette constellation fonctionne alors comme une machine à analogies. Une fois cet environnement défini, j’y introduit des protagonistes. Dans le cas d’une installations les protagonistes sont les spectateurs. » Jonathan Pêpe Cette méthode de création, qui laisse place à l’intuition et au hasard, nous permet d’envisager une certaine filiation entre l’artiste et le mouvement surréaliste, tandis que l’extrême technicité des médias convoqués pour concrétiser ces scénarios révèle la porosité entre des sujets plus contemporains : science et art, organique et synthétique, réel et imaginaire. Jonathan Pêpe bénéficie d’une visibilité en France et à l’international. En 2016, il a notamment exposé à la Villa Vassilief à Paris, ainsi qu’à la Pair2 Art center de Taïwan. La pluridisciplinarité de son travail l’a conduit à collaborer avec de nombreux acteurs scientifiques et artistiques. Pour l’exposition Rêve de formes qui s’est tenue au Palais de Tokyo en 2017, il a notamment collaboré avec le spécialiste du big data David Chavalarias et son ami d’étude l’artiste Thibaut Rostagnat à la réalisation de l’installation interactive et évolutive Stalagmèmes. En 2018, il a gagné le premier prix Pulsar de la Fondation EDF aux côtés de Fabien Zocco pour l’installation robotisée interactive Gost. En 2019, le prix Wicar lui a permis de bénéficier d’une résidence de trois mois à Rome, lors de laquelle il a réalisé, en collaboration avec le musée national d’art étrusque de la Villa Giulia, le courtmétrage Bassin d’attraction. Il a bénéficié d’une exposition personnelle à l’Institut Français de Budapest en 2020.

L’œuvre Exo-Biote présentée à l’ar[T]senal a été réalisée en 2015 dans le cadre de sa formation au Fresnoy. Dans sa première version scénario, l’œuvre est faite d’un ensemble de six objets réalisés en silicone et en matière PLA par une imprimante 3D. Chaque « sculpture » est reliée par des tubes transparents. Ces tuyaux acheminent l’air d’objets en objets, comme les veines de notre corps alimentent nos organes en sang pour leur permettre de remplir leurs fonctions vitales. Pour animer ces objets de la manière la plus maîtrisée qu’il soit, Jonathan Pêpe a réalisé ce qu’il nomme une “ chorégraphie spasmodique ”. Celle-ci définit quand et dans quelle intensité l’air passerait dans tel ou tel autre organe. Cet ensemble est visible depuis les vitres d’une structure dont la forme évoque celle de la couveuse en milieu stérile et (in)hospitalier. Rien n’est ici laissé au hasard...

Réalisée avec le soutien de la Banque Neuflize OBC et en collaboration avec l’équipe DEFROST de l’INRIA, l’Université de Lille, le CNRS, et le SCV, cette installation révèle les qualités sculpturales et poétiques d’une technologie émergente nommée soft robotique alliant technologie, sciences naturelles et plasticité (au sens esthétique, plus qu’artistique). Ces nouvelles recherches visent à réinventer la robotique telle qu’elle est appliquée en biomécatronique aujourd’hui. Pour les besoins de la chirurgie - en autres - les chercheurs travaillent depuis quelques années sur la robotisation de matières souples pour permettre une meilleure adaptabilité des prothèses au corps humain.

Tout en citant ces univers ultra-réels et futuristes, l’artiste à traves Exo Biote, détourne la matière de sa vocation scientifique première pour en dresser une typologie de formes et de mouvements. Ces prothèses hypothétiques questionnent le spectateur sur son avenir et sur sa possible dépendance / disparition au profit des machines dans un futur fantasmé.

Pour aller plus loin : En 2019, Jonathan Pêpe crée l’installation Haruspice, sur le même modèle, une œuvre complexe mêlant : impressions 3d, plâtre, moulage silicone, tuyaux pvc, cathéter, verre, compresseur, arduino... Haruspice désignait un oracle chez les populations Étrusques (264 avant J.C.) qui avait pour fonction de lire l’avenir dans les vicaires. L’installation composée de quatre organes synthétiques - disposés sur un fauteuil médical - est connectée à une intelligence artificielle nommée IBM Watson qui analyse en temps réel les émotions contenues par les messages postés sur Twitter. Selon la théorie des humeurs issue de la médecine antique, chaque organe réagit à une émotion particulière et se gonfle d’air. Lorsque les réservoirs atteignent une jauge d’intensité maximum, l’ensemble de l’œuvre atteint une sorte de paroxysme et se synchronise pour vibrer au même rythme avant de délivrer une prédiction sous la forme de quelques mots qui apparaissent sur un écran au pied du fauteuil. Cette œuvre a été particulièrement remarquée par le milieu de la soft robotique. Au cours des derniers mois, il a participé à la première édition au festival de la Villa Médicis et a été sélectionné pour intégrer le groupe de recherche “ Reflective interaction ” et la chaire “ Art et science ” de l’école nationale supérieure des Arts Décoratifs ENSAD.

We, now, you ! La galerie Installation interactive réalisée par Victor Vaysse en 2017 Résine de polyester semi-transparente,

Production Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains Courtesy et crédits photo de l’artiste

VICTOR VAYSSE

Née en 1989 à Paris, Victor Vaysse est un artiste photographe et plasticien. Il vit et travaille en Seine-Saint-Denis.

Diplômé des Beaux-arts de Paris en 2015, il intègre la promotion Manoel de Oliveira du Studio national des arts contemporains - Le Fresnoy - de 2015 à 2017. Passionné très tôt par la photographie, il cherche à en révéler l’ambivalence par la mise en espace des images qu’il produit. Cherchant à rendre visibles les mécanismes de fabrication et accordant autant d’importance au protocole de création qu’à l’image qui en résulte, il convoque les techniques de l’impression 3D, du moulage, du transfert et de la vidéo. Par un jeu de mise en abîme entre surface plane et tridimensionnelle, l’objet photographique n’est plus seulement le résultat de la captation d’une scène réelle et identifiable ; mais devient la mise en exergue d’un espace d’expression entre figuration et abstraction.

Il participe en 2014 au prix Icart de l’espace Pierre Cardin et expose son travail photographique à la Samaritaire à Paris lors de l’exposition Carte Blanche à la jeune photographie. En 2015, il participe à l’exposition des diplômés de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris Transmission ; et au cloître Saint-Louis d’Avignon (Collection Lambert). Il y rencontre David Douard qui le formera à la technique du moulage, technique qui sera dès lors à la base de la majorité de ses pièces. Il participe en 2018 au prix de la Fondation d’entreprise Ricard. Pamis les pièces maitresses de son univers, Victor Vaysse réalise While True, une installation mêlant photographie, vidéo et programmation numérique. Cette œuvre cherche à démontrer l’existence d’un espace mental qui devrait se trouver entre l’objet photographique en deux dimensions et le corps du spectateur. Cet espace découlerait de l’imaginaire du spectateur, qui projetterait son interprétation et ses émotions au sein de la composition. Ici, trois machines, actionnent des caméras qui filment une photographie à la manière d’un traveling. Tournage, montage et diffusion, tout se fait en direct devant le regardeur. Entre sculpture et vidéo expérimentale, cette œuvre à la croisée des médiums propose une mise en abîme du processus de création des images et propose une vision dystopique de l’industrialisation du cinéma. Dans une volonté de déplacer l’image bidimensionnelle vers le volume et d’intégrer l’automate mécanique au processus de monstration, l’artiste crée en 2017 We, now, you! La galerie. Cette œuvre présentée à l’ar[T]senal dans le cadre de l’exposition Inspiré.e.s - Acte 2 – Arts numériques, a été réalisée au Fresnoy et exposée en 2020 lors de Panorama 19.

Il s’agit d’un ensemble de sculptures/images qui réagissent en fonction de la position du regardeur, de manière à présenter toujours le même côté. Pour cette œuvre, l’artiste a sélectionné des sculptures classiques des Musées Nationaux du Louvre et d’Orsay, dont il n’a conservé que l’image photographique et les contours. Ces reproductions sont transférées sur des silhouettes en résine de polyester semi-transparentes et positionnées sur un socle rotatif. Grâce à un système de caméra, d’arduino et de de détecteurs de mouvement, les sculptures tournent sur leur axe en réaction aux déplacements du spectateur. L’image acquiert ici une dimension quasi-holographique qui perturbe nos sens puisque l’œil capte la sensation du volume malgré la planéité de l’image et que pour ne rien gâcher, l’image à l’apparence plate, se meut en une sculpture mobile à la danse effrénée. Une émotion contradictoire naît de cette expérience. Ces sculptures nous semblent familières car elles renvoient à la conception universelle que l’on peut se faire de la sculpture. Pourtant, elles ne cessent d’échapper à notre regard. Intervient alors un déséquilibre chez le spectateur. En effet, si la sculpture classique est profondément inscrite dans la grande Histoire de l’art, le système de monstration qui découle des nouvelles technologies est quant à lui résolument contemporain et questionne autant l’authenticité de l’œuvre que le statut du créateur, à mi-chemin entre artiste et technicien, ou disparaissant au titre de seul concepteur, remplacé par une série d’ingénieurs ou de programmateurs qui interviennent pour faire vivre l’œuvre. Depuis 2019, l’artiste développe un travail d’expérimentations autour de la reproduction d’images à l’aide d’imprimantes domestiques “bricolées”. Les œuvres ainsi produites portent en elles les traces de la machine qui les a produites. Images anecdotiques de véhicules, fragmentées, agrandies et recomposées, elles deviennent les allégories de la mécanisation appliquées à l’Art. Actuellement, il mène un doctorat à l’ESAM de Caen/Cherbourg intitulé De Picturama : de la productibilité technique à l’expérience du faire, une thèse encadrée par Franck Varenne et Maxence Rifflet.

This article is from: