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CONTEXTE
Inspiré.e.s
Acte 2 - Arts numériques
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Dans cette exposition, nous faisons l’expérience de deux états de la création numérique. Le premier, le numérique comme outil, moyen de production artistique qui permet à la photographie, la vidéo ou la sculpture de prendre corps. Le second, le numérique comme sujet à part entière de création, permettant à l’artiste d’aller jusqu’à développer une œuvre interactive, immersive en réalité virtuelle ou à intelligence artificielle et qui donne quartier libre à l’œuvre, pour entrer en relation avec le public sans médiation, questionnant autant notre relation au monde numérique qu’au monde réel. Un partenariat avec le fameux studio du Fresnoy, fleuron des lieux de création et de diffusion de ce support en France, qui a permis la sélection du travail de sept artistes qui y ont étudié entre 2014 et 2020. Chaque œuvre a été choisie pour son caractère accessible et pour sa capacité à faire vibrer autant le primo-visiteur que le connaisseur. Pour cette occasion, le Centre d’art dédiera chacun de ses espaces à un artiste. Chaque œuvre, dans les Arts numériques nécessitant d’être prise de manière autonome, car sonore, lumineuse ou interactive et pouvant interférer et s’amenuir au contact trop proche d’une autre expérience. Ainsi, vous pourrez découvrir le travail immersif et en réalité virtuelle de Saïd Afifi, vivre une danse effrénée avec l’œuvre immersive et interactive de David Ayoun, voyager dans l’univers sonore et gaming de Constantin Dubois Choulik, vous laisser entraîner dans la mécanique du trait automatisé de Bárbara Palomino Ruiz, entrer dans le laboratoire biomorphique 3D de Jonathan Pêpe, vibrer à travers l’installation photographique d’Evangelia Kranioti, ou encore interagir avec les sculptures antico-futuristes de Victor Vaysse. Chaque mois, un artiste de l’exposition en résidence sur les lieux, proposera à chacun d’entrer au cœur de sa pratique, tant à travers une “rencontre artiste” qu’en participant à des workshops. Vous pourrez également toucher au plus près le caractère pluridisciplinaire de ce support à travers des concerts, des soirées jeux d’arcades ou des performances chorégraphiques en interaction avec une sélection d’œuvres présentes dans l’exposition.
Yemaya Installation immersive en réalité virtuelle réalisée par Saïd Afifi en 2018
Production du Fresnoy - Studio national des arts contemporains, avec le soutien de Lsis Laboratory / Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes / I & M Team, Images & Models / umr cnrs 7296
Courtesy de l’artiste et du Fresnoy - Crédits photo de l’artiste
Saïd AFIFI
Né en 1983 à Casablanca, Saïd Afifi vit et travaille entre Casablanca et Paris.
Lauréat de l’Institut des Beaux-arts de Tétouan (Maroc) en 2008, il intègre la promotion Chantal Akerman du Studio national des arts contemporains - Le Fresnoy - de 2016 à 2018.
Passionné de cinéma, de littérature et de nouvelles technologies, il développe depuis 2012 une recherche autour de l’architecture postmoderniste, revendiquant entre autres l’influence des textes de Nietzsche et de Jean Baudrillard ainsi que les formes architecturales de Claude Parent et du Corbusier. Il n’hésite pas à leur emprunter certaines de leurs “obsessions” : temps, vitesse, archéologie, identité, etc. Plus récemment, son travail s’oriente vers les problématiques du paysage naturel, du biomimétisme et de l’impact des nouvelles technologies dans l’observation du monde. Ses œuvres sont exposées au Maroc, en France et ailleurs. En 2010, il participe à la Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée à Skopje (Macédoine), en 2013 au Festival Vidéoforme à Clermont-Ferrand, en 2015 à l’exposition Le Maroc contemporain à l’Institut du monde arabe de Paris. En 2017 et 2018, il présente les œuvres Etymologie et Yemaya lors des expositions Panorama 19 et Panorama 20 du Fresnoy, puis en 2019 à la Biennale de Rabat.
L’univers de Saïd Afifi se pose en 2012 à travers la vidéo Naufrage du cube. Celle-ci présente un rectangle noir qui s’engouffre peu à peu dans la mer et questionne le spectateur sur la vacuité des choses dans le monde qui nous entoure. À travers elle, l’artiste entame une longue quête avec cette notion pour moteur de création, tout en nous faisant voyager entre les espaces minéraux ou organiques, aquatiques ou aériens, archéologiques et futuristes. En 2017, l’œuvre Étymologie - référence directe à l’architecte Carlo Scarpa (1906-1978), à qui il emprunte les formes circulaires et aériennes en béton - présente les vestiges archéologiques de ce qui semble être le témoignage d’une humanité aujourd’hui éteinte. Les plans rapprochés sur la pierre et les colonnes du site gallo-romain Glanum de Saint-Rémy-de-Provence, reprennent les codes du film documentaire, tandis que se dessine en images de synthèse une architecture aérienne en béton percée de hublots dont des coulées de roches organiques semblent s’échapper. Entre fascination et scénario apocalyptique, l’ambiance grisâtre et la lenteur contemplative des plans, place le spectateur dans un monde en suspension hors du temps, où parfois des poissons de roche flottent au-dessus du sol.
Il coexiste dans le travail de Saïd Afifi une ambivalence qui glisse d’une œuvre à l’autre sans jamais nous permettre de saisir l’intégralité des enjeux.
L’œuvre Yemaya présentée à l’ar[T]senal a été produite et exposée au Fresnoy en 2018. Il s’agit d’une installation immersive en réalité virtuelle. Le visiteur est ici invité - par le prisme de lunettes de réalité virtuelle - à parcourir une grotte lors d’une déambulation méditative et poétique.
Cette œuvre se compose d’images scientifiques de trois grottes sous-marines fidèles à la réalité (situées en Méditerranée). Ces images, sont le résultat de captations faites par une équipe de chercheurs du CNRS ; doublées de mesures acoustiques issues d’un système d’enregistrement de sons sous-marin. Les détails et volumes de ces grottes, ont été captés via le processus de photogrammétrie par des milliers de photographies bidimensionnelles en très hautes définitions, traitées et assemblées avec un logiciel de manière à reproduire un espace en trois dimensions.
Fasciné par la précision des images numériques scientifiques et leur capacité à renouveler notre perception du monde, Saïd Afifi s’est ici approprié cette matière pour rassembler ces images en une seule grotte. À la manière d’un chercheur et d’un collectionneur obsessionnel, il a extrait, dupliqué et assemblé des détails issus de chacune.
En combinant ces trois grottes, l’artiste réinvente le réel dans une sorte de voyage mental qui permettrait de faire le lien entre l’Europe et l’Afrique et qui - à la manière de son œuvre Naufrage du cube - fait fi de la réalité, jusqu’à en faire disparaître les frontières. En 2020, pendant le confinement, Saïd Afifi a créé Outside my land. Dans une démarche visant à questionner l’objectivité, il propose une nouvelle rencontre entre imaginaire et imagerie «scientifique». Dans une sorte de protocole d’inquisition, il localise les lieux supposés d’observation de phénomènes paranormaux et voyage à la rencontre de ces paysages via Google Earth®. Il réalise alors une collecte de données, coordonnées, images satellitaires, vidéos, témoignages, qu’il extrait de leurs contextes et détourne de leurs supports. Par l’utilisation de cette matière première présumée objective, assimilée par l’artiste avec ses propres médiums – caméra, appareil photographique, crayon – il en révèle le potentiel esthétique et interroge les possibilités mimétiques du dessin dans une mise en rapport entre le regard humain et celui de la machine.
Danse /// Fragment Installation multimédia co-générative réalisée par David Ayoun en 2015
Production du Fresnoy - Studio national des arts contemporains
Courtesy de l’artiste - © Adagp, Paris, 2021
DAVID AYOUN
Né en 1983 à Paris, David Ayoun est un artiste plasticien, réalisateur et performeur. Il vit et travaille à Lille. Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Art de Paris-Cergy puis de l’École Supérieure d’Art et de Design - TALM-Le Mans, il intègre la promotion Bill Viola du Studio National des Arts Contemporains - Le Fresnoy - de 2013 à 2015. Il est accompagné et soutenu par la malterie, Lille depuis 2015. Il y est artiste associé depuis janvier 2021 et en a été co-président entre 2018 et 2021. Depuis janvier 2020, il intervient en tant que professeur d’enseignement artistique au sein de l’École Supérieure d’Art de Dunkerque Tourcoing, en spécialité vidéo, son et pratiques numériques. Ayant grandi à l’île de la réunion, il se revendique lui-même comme un enfant de la “créolisation”. Passionné par la représentation du corps, de ses transformations et du mouvement, il conjugue arts visuels et pratiques du mouvement pour offrir au spectateur une expérience sensible et onirique. Questionnant les notions de langage, d’inconscient, de rite et de rêve, ses œuvres revêtent une dimension “interculturelle” où la fragilité de gestes simples - parfois archaïques - renvoie à une sensation d’appartenance universelle et de mémoire collective.
Ses nombreuses rencontres et collaborations avec des artistes, chercheurs, chorégraphes, compositeurs ou encore programmeurs, viennent enrichir sa pratique et lui permettent de croiser les disciplines, toujours à la recherche d’une expérience artistiques métissée inattendue. Exposé en France et à l’international, il reçoit en 2010 le prix de la jeune création lors de la Fête des Lumières de Beaune/Lyon. En 2011, il bénéficie d’une exposition personnelle intitulée L’Autre visage aux Bains Douches d’Alençon. La même année, son travail est montré lors de la Nuit Blanche à Paris sur un vaste pignon rue de Rome. En 2017, il a exposé pendant 8 mois au Musée des Arts et Métiers à Paris, l’installation vidéo MOF réalisée en collaboration avec le photographe Thierry Caron et l’anthropologue Arnaud Dubois. En 2020, il présente sa performance Amnios Ignis au Musée de Tessé, au Mans, dans le cadre de l’exposition Jeu de balles / Jeux de ballons. La Galerie Ars Longa d’Aix-en-Provence présente son installation in situ First Contact - Vertical variation n°b.2 (2020). Il bénéficie d’une exposition personnelle jusqu’au 13 mars 2022 à la CENTRALE.box de Bruxelles dans le cadre de la Biennale Watch this space 11.
L’œuvre Danse///Fragment de David Ayoun - présentée à l’ar[T]senal dans le cadre de l’exposition Inspiré.e.s - Acte 2 - Arts Numériques - a été produite par le Fresnoy en 2015 et réalisée en collaboration avec Christian Laroche (programmation visuelle et électronique), Benoit Courribet (programmation sonore) et avec le soutien artistique de Cyril Teste (metteur en scène).
Il s’agit d’une installation interactive composée de capteurs, d’un Arduino, d’enceintes et carte son, d’un ordinateur, de deux programmes génératifs et d’un vidéo projecteur. En plus d’interroger notre rapport aux nouvelles technologies, l’œuvre
propose une expérience immersive et poétique autour de la décomposition du mouvement. En pénétrant l’espace de captation face à l’écran, le visiteur active l’œuvre. Ce qu’elle voit est généré en temps réel par un programme. Ce n’est pas une vidéo en boucle.
Au centre de l’image, une silhouette - celle d’un avatar humain 3D - danse. Elle est animée par la captation d’une performance de l’artiste - d’une durée de 10min. Parfois, cette silhouette enfle et se tord. Parfois, cette silhouette se déploie en une sorte de toile de lignes. Tout dépend du moment de l’activation. Déployées, les lignes se meuvent comme un tissu élastique dans un milieu liquide, dans lequel la silhouette semble prise au piège. Les positions et déplacements dans l’espace de la personne agissent indirectement sur le mouvement des lignes comme un mouvement induit dans un milieu liquide. Indirectement, elle les traque, tord, dynamise, gèle, tend ou relâche. Ainsi, par sa présence active, la personne participe à construire les conditions d’apparition de la figure et son récit. Elle la cache, l’enferme, la révèle, la libère.
Vous êtes invité à prendre le temps de l’expérience et de l’observation du processus de manière active. Être actif et observateur face à un écran peut sembler antinomique. Que cela raconte-t-il de notre rapport à l’image, au numérique et au corps ? Avec le temps, votre présence révèle et fait se succéder l’ensemble des couleurs du cercle chromatique, autre élément de composition de cet étrange récit en co-construction. Le son est synchronisé aux images et tente d’évoquer leur matérialité entre analogique et numérique.
Apparition / disparition, torsion / vibration, formes pleines / formes vides... L’œuvre met à mal les limites du 4è mur, en positionnant le spectateur comme acteur et sujet. Entre fascination, apprentissage et introspection, l’artiste soulève les questions d’incarnation physique et les possibilités de la représentation numérique. Dessiner la danse ou danser le dessin, David Ayoun invite à cette dualité lors de l’activation de la pièce par le biais de la performance. Cette installation a déjà été montrée trois fois, en 2015 au Fresnoy, en 2016 au Théâtre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé et en 2021 dans le cadre de l’exposition collective Young Colors à l’Institut pour la photographie de Lille. Après le Corps utopique en 2016, l’artiste collabore à nouveau sur un projet de performance/installation en duo avec Esther Mollo: Les Ruines Circulaires – archéologie d’une disparition. Cette collaboration mêle langage chorégraphique et réalité augmentée, proposant une nouvelle fois, d’engager le spectateur dans une expérience sensitive, entre corps physique et corps numérique. Lauréat de la résidence AIRLab 2021-2022 cette recherche bénéficie du soutien du Fresnoy et est accompagnée par Ariane Martinez du laboratoire CEAC et par Sarah Troche du laboratoire STL de Lille.
Ère de repos Installation sonore immersive réalisée par Constantin Dubois Choulik en 2014 Production du Fresnoy - Studio national des arts contemporains
Courtesy et crédits photo de l’artiste
CONSTANTIN DUBOIS CHOULIK
Né en 1982 à Saint-Saulve (59), Constantin Dubois vit et travaille entre Bruxelles et le Nord de la France.
En 2006, il obtient son DEA de philosophie à l’ULB de Bruxelles. Il y rédige deux mémoires qui préfigureront les univers qu’il traitera dans sa pratique artistique. Le premier compare la notion de “Hasard” dans les philosophies de Deleuze, Nietzsche et Machiavel ; le second traite de « l’improvisation », notamment dans la musique du XXème siècle. Artiste autodidacte et protéiforme, il développe une pratique autour de la photographie, du son et du jeux vidéo. En 2012, il intègre la promotion Raul Ruiz au Studio national des arts contemporains – Le Fresnoy – qui l’engagera dans une pratique flirtant et oscillant toujours entre la musique, l’image fixe et les nouveaux médias. Passionné par la musique expérimentale, il fonde avec Aurélie Brouet en 2006 le duo d’improvisation : Les Chevaux de Przewalski et enregistre une vingtaine d’albums. L’ambiance Indie&DIY rythme leurs compositions construites avec une spontanéité enfantine et bercées par leur curiosité accrue du monde et des objets qui les entourent.
En 2006, il fonde sa propre maison de disques indépendante Nothing Out There. Ce label a donné lieu à une longue collaboration avec l’expérimentateur musical Robert Horton dont quatre disques ont été publiés. Certaines éditions de “NOT” ont intégré les collections de la BNF. Côté musique toujours, il se produit lors de concerts en live à travers la France et la Belgique. Il a également composé plusieurs bandes sonores pour des courts-métrages comme pour Acropolis Bye Bye d’Elsa Fauconnet en 2017 et pour des installations artistiques numérique comme pour Beyond the Rubicon de Lauren Moffat présentée notamment en 2018 lors des rencontres d’Arles.
Côté photographie, il cherche à “briser le voile de l’objectivité et de la finalité” convoquant : magie, rapidité, corps humain, animal, sensualité et cauchemar. À travers elle, il questionne entre autres, notre rapport à l’angoisse de la nuit. De 2009 à 2019, il publie sept ouvrages, notamment À l’Aveugle en 2015 qui présente 104 photographies en noir et blanc illustrant sa pratique quotidienne. Depuis 2006, son travail a fait l’objet de plusieurs expositions photographiques notamment : Speederbikeprimitive, au Grimmuseum à Berlin en 2011. Ère de repos présentée à l’ar[T]senal, dans le cadre de Inspirées - Acte 2 – Arts numériques nous permet d’entrer dans toute les dimensions de son travail : l’installation immersive, le son et le jeu vidéo.
Assis dans le noir sur un fauteuil qui fait partie de l’installation, le visiteur a pour consigne de porter un casque audio et de saisir une manette de jeu. Il pourra ainsi se déplacer selon son souhait dans un paysage sonore, accessible pleinement que si l’on ferme les yeux.