Else #8 / November 2014

Page 1

else

Photography by Elysée

Applied

#8

Book

Collected Contemporary

Focus

Found

Haunted History

Object Serial

Still

07 9 772235 043008

0088 3 55 00 44 33 00 0 99 77 772 22 23 08 8

Musée de l’Elysée Lausanne www.elsemag.ch

CHF 14.00 | EUR 12.00


Jacques Henri Lartigue Picasso, 1955 Collection PKB

We share your love for art because we understand its worth. By tradition. PKB Privatbank Lugano Bellinzona Genève Zürich Antigua Panamá

www.pkb.ch

Financial Advisory Asset Management Corporate Banking Mortgages

Partner of the Musée de l’Elysée, Lausanne


L’activation des images ELSE a quatre ans. Quatre années à raconter des histoires visuelles en affirmant la suprématie des images sur le texte, à décloisonner, à militer pour un dialogue entre les pratiques vernaculaires et artistiques, contemporaines et historiques. Non par volonté de rapprocher les extrêmes, mais parce que les acteurs eux-mêmes brouillent les pistes, interchangent leurs rôles. Artistes, collectionneurs, historiens, conservateurs, tous semblent désormais rassembler des images, constituer des corpus. Dans ce vaste mouvement de réappropriation et de déplacement, les artefacts de la culture populaire deviennent le formidable terreau de la fabrication de nouvelles représentations. Les grands collecteurs réveillent les photographies endormies, celles qui dérivaient dans les profondeurs de l’inutile parce qu’elles avaient fait leur temps. Confinées hier à leur usage, elles ont été réactivées. Par le jeu de la transdisciplinarité, elles regardent ou disent à nouveau le monde. Depuis quatre ans, ELSE interroge sans relâche les images. Aujourd’hui, dans sa forme initiale, l’aventure se termine. Je profite de la dernière occasion qui m’est donnée pour remercier chaleureusement le comité éditorial. Il a eu la lourde tâche d’enrichir le magazine de ses propositions ; par sa pugnacité, il l’a fait exister. Merci à tous les contributeurs et artistes que nous avons publié. Merci à l’équipe du Musée de l’Elysée, à Idpure, et à tous ceux qui ont su le fabriquer. Et enfin, je voudrais vous remercier ; vous, lecteurs de ELSE, qui pendant quatre ans avez soutenu cette expérience éditoriale inédite et, qui par votre fidélité, l’avez fait vivre !

The Revival of Images ELSE is completing its fourth year. Four years of telling visual stories, asserting the supremacy of images over text, four years encouraging indiscriminate dialogues between vernacular and artistic, contemporary and historical. Not out of a will to bring extremes together, but because the actors involved are blurring the lines, and swapping roles. Artists, collectors, historians, or curators all seem to be collecting images and composing sets, using others’ images to produce their own work. In this vast movement of reappropriation and displacement, artifacts of popular culture have turned into an amazing fertile ground for the manufacture of new representations. The great collectors bring back to life sleeping photographs that had drifted to the depths of the useless because they had done their time. Yesterday confined to their usage, they are rekindled. Tossed in cross-disciplinary effervescence, they watch or tell the world again. ELSE ceaselessly questioned images. The adventure is now coming to an end, at least in its initial form. I would like to take this opportunity to thank the Editorial Committee whose pugnacious dedication and suggestions gave life to the magazine. Thank you to the many contributors and artists we have published. Thank you to the team at the Musée de l’Elysée, to IDPURE, and to everyone that knew how to produce it. And finally, I would like to thank you, our readers, for your constant and loyal support, so crucial to the existence of this original editorial experience !

Edito Sam Stourdzé

Else #8


Applied

Book

Collected

Contemporary

Focus

Found

Haunted

History

Object

Serial

→  4   6   11   13

→  3   10   12

→  8   9

→  7   8

→  11

Still

Index par catégories

→  3   13   14

→  2   3   5   6   7

→  4   6   8   13

→  2   9

→  1   5   12   14


1 p. 4

Anthony Hernandez, LA1971

→ Serial

Cortis & Sonderegger, Icons

2 p. 10 → Contemporary History

Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover, il Borghese

3 p. 18 → Book Collected Contemporary

Numbers

4 p. 24 → Applied Found

Roger Eberhard, Shanty Town Deluxe

5 p. 30 → Contemporary Serial

Reinaldo Loureiro, Farhana

6 p. 36 → Applied Found Contemporary

Elizabeth Heyert, The Travelers

7 p. 42 → Contemporary Haunted

Des nuages, des visages

8 p. 50 → Focus Found Haunted

Hal Fischer’s Gay Semiotics

9 p. 56 → Focus History 10 p. 62

Bon pied, bon œil

→ Collected

Léopold Szondi, le test des pulsions

11 p. 68 → Applied Object

Bikini Man On The Rooftop— Robert E. Jackson Collection 12 p. 72

→ Collected Serial 13 p. 78

No More Teenage Lust

→ Applied Book Found

American Neon Signs by Day & Night

14 p. 82 → Book Serial

Index par séries

Else #8


Anthony Hernandez LA1971 1

Présenté par Sam Stourdzé


Serial

Else #8

5


Anthony Hernandez, LA1971


Serial

Else #8

7


Gotham City… Voilà la première idée qui vient à l’esprit quand on découvre la série d’Anthony Hernandez, tant le sujet paraît en être la lourde porte métallique à travers laquelle le photographe a surpris des personnages en train de passer. Comment ne pas y voir un élément de décor pour un New York de fiction, tel que la bande dessinée et le cinéma l’ont fantasmé ? En l’occurrence, cette porte a tout de l’architecture moderniste, parfois grandiloquente jusqu’à la boursouflure, que l’on retrouve dans les Batman de Tim Burton. Et elle impose sa présence avec d’autant plus de force que les personnages n’ont guère plus de consistance que des figurants interchangeables : on est loin des stars qui tiendront des rôles dans la saga de l’homme chauve-souris. Un lecteur informé des choses de la photographie pourra toutefois voir autre chose dans la série d’Hernandez qu’un accès de curiosité pour un détail d’architecture. Il pourra être tenté d’y déceler un hommage ou une allusion ironique à une survivance d’un âge révolu. On pense ici bien sûr à l’« instant décisif » de Cartier-Bresson, dont la pratique peine à se renouveler à l’ère des Becher, alors que la spontanéité n’a plus sa place. Allusion ironique car l’élément de surprise, fondamental dans la perspective de Cartier-Bresson, est en grande partie contrarié par la mise en scène répétitive, aux effets plus ou moins attendus, contrôlés, qu’a imaginée Hernandez. Tenter de concilier deux principes aussi opposés que « l’instant décisif » et la mise en scène est un pari toujours audacieux. Artiste californien célèbre pour ses photographies de paysage — genre réputé ne pas privilégier le caractère fugitif des choses —, Hernandez s’y est risqué à son tour, non sans succès.

Gotham City… is the very first thought that comes to mind when looking at Anthony Hernandez’s series, as it seems to focus only on the heavy metal gate through which the photographer saw characters passing. How can it not be seen as an element of set for a fictional New York, like comics and cinema have imagined it? As a matter of fact, the gate bears all the features of Modernist architecture, at times grandiloquent to the point of swelling, as in Tim Burton’s Batman. A presence all the more firmly asserted since the characters have no more consistency than substitutable extras: contrary to the celebrities acting in the batman saga. A beholder acquainted with photography might however see something more to Hernandez’s series than a mere excess of curiosity for an architectural detail. He might be tempted to see it as homage, or ironical allusion, to the survival of a gone-by era. We are here clearly reminded of Cartier-Bresson’s “decisive moment,” a practice that seems to painstakingly survive in the Becherian era in which spontaneity has become irrelevant. An ironic allusion indeed, since the surprise element, so fundamental to Cartier-Bresson’s perspective, is here in great part stymied by the principle of repetitive staging, implementing some expected, controlled effects imagined by Hernandez. Attempting to reconcile such antagonistic principles as the “decisive moment” and staging is usually quite a bold challenge. A Californian artist famous for his landscape photography — a genre not known to favor the fugitive nature of things —, Hernandez dared the experience, quite successfully.

Jean-Christophe Blaser

Anthony Hernandez, LA1971


Serial

Else #8

9


La série Icons des artistes Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger prend l’histoire et la photographie à rebours. Ils construisent des maquettes à partir de photographies iconiques et élargissent le champ pour dévoiler les coulisses de leur fabrication. Imaginons pourtant que ces mises en scène, au lieu d’être inspirées par ces icônes, aient permis de les créer. Il faut en faire l’expérience : observer les maquettes du World Trade Center ou du pas de Neil Armstrong dans le sable, puis regarder les photographies originales comme si elles avaient été faites à partir de ces constructions artificielles, sans aucun lien avec le réel. Un nouveau monde s’offre alors au spectateur : les attentats du 11 septembre n’ont jamais eu lieu et le premier pas sur la Lune est un pur leurre. Une illusion, une imposture, une grossière supercherie, à l’image de ce faux monstre du Loch Ness de 1934 — fait d’un bout de plastique et d’une tête collée — qui a pourtant dupé le monde pendant près de 40 ans. Cortis et Sonderegger défont l’histoire comme un château de sable. Sur leurs images, les tubes de colle, les ciseaux, les crayons et les lampes apparaissent comme des restes abandonnés par les mains divines qui modèlent le monde. A moins qu’il ne s’agisse de celles des photographes, dont les possibilités de construire des icônes visuelles, et à travers elles l’histoire, semblent soudain infinies. En intégrant dans leur série l’une des premières photographies de Nicéphore Niépce, de 1826, les deux artistes affichent d’emblée leur questionnement sur le pouvoir de l’image photographique. La force de la série Icons réside sans doute dans ce sentiment de toucher au vrai, même si tout est faux.

The series Icons by artists Jojakim Cortis and Adrian Sonderegger revises history and photography. They build models from iconic photographs and expand the field of vision beyond the actual frame to reveal the backstage of these constructions. Let us imagine however that the staging, instead of being inspired by these icons, had contributed to their inception. The experience is worthwhile: observe the World Trade Center model, or that of Neil Armstrong’s step on the sand, and then watch the original photographs as if they had been made from these artificial constructions with no link to the real. A brand new world is then offered to the beholder: the September 11 attacks never occured, and the first step on the Moon is nothing but a sham. An illusion, an imposture, a huge fraud, like the fake 1934 Loch Ness monster—made out of a piece of plastic and a glued head—that nonetheless tricked the world during for 40 years. Cortis and Sonderegger undo history like a sand castle. Their images expose tubes of glue, scissors, light stands, as if they were leftovers forgotten by the divine hands that model the world. Unless these hands belong to the photographers, whose possibilities for building visual icons, and through them, history, suddenly seem infinite. By integrating in their series one of the first photograph by Nicéphore Niépce taken in 1826, the pair instantly exposes their reflections about the power of the photographic image. And the power of the series Icons resides in that feeling of grasping the real thing, even if everything is fake.

Cortis & Sonderegger Icons 2

Présenté par Pauline Martin


Making of Nessie (by Marmaduke Wetherell, 1934), 2013

Contemporary History

Else #8

11


Making of La cour du domaine du Gras (by Joseph Nicéphore Niépce, 1826), 2012

Cortis & Sonderegger, Icons


Making of 9/11 (by Sean Adair, 2001), 2013

Contemporary History

Else #8

13


Making of The Hindenburg Disaster (by Sam Shere, 1937), 2014

Cortis & Sonderegger, Icons


Making of AS11–40–5878 (by Edwin Aldrin, 1969), 2014

Contemporary History

Else #8

15


Making of Rhein II (by Andreas Gursky, 1999), 2012

Cortis & Sonderegger, Icons


Making of Tiananmen (by Stuart Franklin, 1989), 2013

Contemporary History

Else #8

17


L’artiste Renaud Auguste-Dormeuil s’intéresse aux images, mais, loin de les enfermer dans leurs propres représentations, il préfère tourner autour, les prendre de biais, par leurs angles, afin de mieux les ausculter, les augmenter ou les occulter. Et, pour ce faire, il a recours aux différentes techniques de l’image numérique, mais aussi à de simples procédés manuels tels que le caviardage à l’encre de chine ou, dans la lignée d’un Robert Heinecken, la découpe précise du scalpel. Il Borghese, magazine italien qui se veut politique (très clairement marqué à droite) et culturel (là, c’est un peu plus flou…), ne se prive pas de jouer à saturation (particulièrement dans les années 1970) du motif accrocheur de la pin-up de couverture. C’est ainsi que l’artiste décide de faire remonter à la surface d’autres motifs, choisis dans les pages intérieures du magazine, afin que se côtoient des éléments disparates qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Le geste radical d’incision participe à la fois d’une destruction et d’une construction. Pas de retour en arrière possible, la coupe doit être précise afin de faire ressortir un élément qui s’encastre dans celui de la couverture. C’est alors que l’on voit surgir derrière une pin-up (jouant alternativement de la pose aguichante et de la mise en scène) tantôt une bonne sœur, tantôt un couple au quotidien, un homme politique ou des militantes. Au-delà du brouillage des valeurs et des codes de représentation du magazine, la série condense clichés, tabous et obsessions, si révélateurs des antagonismes qui font et défont la culture italienne.

Images are of great interest for the artist Renaud Auguste-Dormeuil, but instead of confining them to their own representations, he prefers to circumvent them, seizing them sideways, through the angles, so as to scrutinize, augment or conceal them. To this end, he uses various digital techniques, but also simple manual ones such as meticulously concealing parts of it with Indian ink, or cutting with scalpel-like precision, as would Robert Heinecken. Il Borghese, an Italian would-be political (clearly right-wing) and cultural (well, so to speak…) magazine, uses and abuses (particularly in the 1970s) of the eye-catching pinup cover. So the artist chose to retrieve other motifs from the inside pages of the magazine, thus bringing together various elements that would otherwise never have merged. The radical incision gesture is both destructive and constructive. No possible stepping back; the incision must be precise in order to bring forth an element that combines with another on the cover. And behind the pinup (alternatively enticing or staged) emerges in turn a nun, a couple in their daily life, a political figure or female militants. Blurring the magazine’s representational values and codes, the series condenses clichés, taboos and obsessions that tell of the antagonisms that feed and dissolve Italian culture.

Renaud AugusteDormeuil Uncover, il Borghese 3

Présenté par Véronique Terrier Hermann


Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover — il Borghese, 1 Agosto 1971, 2013

Book Collected Contemporary

Else #8

19


21 Marzo 1971

31 Gennaio 1971

13 Agosto 1964 Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover — il Borghese, 2013

12 settembre 1971

Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover, il Borghese


Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover — il Borghese, 4 aprile 1971, 2013

Book Collected Contemporary

Else #8 Else #7

21


Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover — il Borghese, 31 ottobre 1971, 2013

Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover, il Borghese


Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover — il Borghese, 25 Luglio 1963, 2013

Book Collected Contemporary

Else #8

23


Ce qui commença par une série de photographies nostalgiques d’amateurs se change rapidement en une série d’images curieuses lorsque des nombres sont inscrits dessus. La combinaison de ces images et de ces taches blanches aléatoires et numérotées crée une certaine tension visuelle. Qui sont ces individus ? Pourquoi ces photographies ? Et quelle est la signification de tous ces nombres ? On peut y voir des enfants jouant à un drôle de jeu dans la rue, ou une image de la traditionnelle célébration de la Saint-Nicolas et du père Fouettard, toutes avec ces chiffres bizarres inscrits dessus. Ils deviennent plus ironiques lorsqu’on les retrouve sur la photographie de deux hommes jouant aux échecs dans une piscine : chacun porte un chiffre différent sur son bonnet de bain. Ce degré de lecture numérique particulier rajouté aux images crée une esthétique totalement différente, qui n’est pas sans rappeler d’autres travaux de différents artistes contemporains. A vrai dire, ces photographies et leur numérotation n’ont qu’une fonction utilitaire. Elles ont été trouvées sur le site Internet du conseil municipal d’une petite ville en Hollande, dans l’espoir d’identifier les individus sur les images et de découvrir leur histoire. Le propos était de compléter toutes les légendes manquantes, de manière à ce que l’histoire du village et les événements qui s’y sont déroulés puissent être reconstitués.

What began as a series of nostalgic, amateur photographs turns into a new, more curious series of images when numbers are placed onto them. The combination of the images with the random white spots and numbers creates a certain visual tension. Who are these people? Why these photographs in particular? And what’s the meaning of all the numbers on them? We see kids playing a weird game in the street, an image of the traditional Dutch Sinterklaas and a Zwarte Piet celebration, all with these somewhat bizarre numbers. These numbers become more ironic when they are placed over the image of two men playing chess in a swimming pool, as they each bear different figures on their swimming caps. By adding this peculiar numeric layer to these images, an entirely new aesthetic is created, one that can be seen in the work of several contemporary artists. The truth is that these photographs with the corresponding numbers have purely a useful function. They were placed on the website of the local council of a small town in Holland, hoping to identify the individuals in the photos and learn the stories behind them. The final goal was to get all the captions to the photographs complete, so the village history, with its local events, could finally be completed.

Numbers 4

Présenté par Erik Kessels


Applied Found

Else #8

25


Numbers


Applied Found

Else #8

27


Numbers


Applied Found

Else #8

29


Roger Eberhard Shanty Town Deluxe 5

Présenté par Sam Stourdzé


Contemporary Serial

Else #8

31


Une douzaine de cabanes constituées de murs en tôle aux couleurs délavées. Des chaises de fortune ingénieusement bricolées à l’aide de cordages et de pneus. Des braseros extérieurs décorés de motifs jaunes et répétitifs. De simples ampoules fixées à l’entrée de ces modestes habitations. A première vue anodine, la similarité est troublante, et cette impression est accentuée par le vide entre les baraquements. Comment peut-il y avoir autant d’espace entre des logements de misère ? La réponse se niche justement dans cette ambiguïté car, à l’abri sur le gazon d’une réserve protégée, loin des immenses quartiers insalubres de Soweto, ce sont en réalité les treize bungalows d’un lodge de luxe quatre étoiles sud-africain que le photographe Roger Eberhard nous dévoile ici. Shanty Town Deluxe — d’après le nom de l’hôtel, Shanty Town — est le nouveau projet de l’artiste suisse, dans lequel il poursuit son questionnement sur ces lieux qui ne sont pas ce qu’ils semblent au premier abord. La construction « béchérienne » de cette série participe au sentiment d’unité, qui s’oppose complètement à la réalité des bidonvilles. Ici tout est à sa place, structuré, symétrique. Pas de promiscuité avec la pauvreté, pas de déchets qui jonchent le sol, pas d’odeurs persistantes. Juste un terrain de jeu pour de riches touristes en quête d’aventures aseptisées qui, le temps d’un séjour avec wi-fi et air conditionné, pensent expérimenter ce que d’autres endurent au quotidien. Que Roger Eberhard ait choisi d’utiliser un appareil Polaroïd 320 des années 1970 et de surexposer volontairement ses images pour leur donner cet aspect vieilli n’a sûrement rien d’anodin. De cette manière, il renvoie le spectateur à l’histoire de l’Afrique du Sud, celle de l’Apartheid. Dès lors, ces images deviennent celles d’un touriste occidental visitant le pays depuis son 4×4 blindé, qui ramène quelques photographies gênantes en guise de trophées de son safari urbain. Avec cette série, Roger Eberhard interroge ce périlleux glissement qui s’établit lorsque l’architecture de la pauvreté devient une forme de patrimoine culturel.

A dozen sheet metal shacks in faded colors. Makeshift chairs ingeniously built out of ropes and tires. Outdoor braziers with yellow-painted repeated patterns. Bare bulbs fixed over the doorway of the modest housings. At first glance insignificant, the similarity becomes disturbing, an impression accentuated by the void between the shacks. How can there be so much space between these wretched shacks? The answer actually lies in that ambiguity: sheltered on the lawn of a protected reserve, away from Soweto’s huge insalubrious districts, they are the thirteen bungalows of a South African fourstar luxury lodge, exposed by photographer Roger Eberhard. Shanty Town Deluxe—according to the name of the hotel, Shanty Town—is the latest project by the Swiss artist pursuing his investigations on venues that are not what they seem to be at first glance. The series’ Becherian construction stresses a sense of unity, in total contradiction with the reality of shantytowns. Here, everything is in place, structured, symmetrical. No promiscuous poverty, no garbage scattered across the ground, no persisting odors. Just a playing ground for rich tourists looking for aseptic adventures, and who, for the duration of their air-conditioned stay with Wi-Fi, believe they are experiencing what others endure on a daily basis. The fact that Roger Eberhard chose to use a seventies Polaroid 320 and purposely overexposed his images to convey a vintage feel is certainly no coincidence. In doing so, he brings the beholder back into South African history, Apartheid. And these images become those of a Western tourist visiting the country from an armored 4×4, who brings back home a few embarrassing photographs as trophies of his urban safari. With this series, Roger Eberhard challenges the perilous shift at work when poverty architecture becomes a form of cultural heritage.

Elsa Frémont

Roger Eberhard, Shanty Town Deluxe


Contemporary Serial

Else #8

33


Roger Eberhard, Shanty Town Deluxe


Contemporary Serial

Else #8

35


Reinaldo Loureiro, globe-trotter et photographe documentaire, a toujours été intéressé par les zones frontières et leur influence sur ceux qui y vivent ou les traversent. Son projet Farhana porte sur les migrants qui remettent leur sort entre les mains d’un contrebandier à la frontière de Melilla (enclave espagnole au nord du Maroc). Beaucoup sont appréhendés alors qu’ils tentent de la traverser et c’est à ce moment-là qu’un photographe de la police espagnole prend en photo leur cachette. Ces images, disponibles en ligne, servent à documenter les opérations de contrôle de l’immigration, mais sont également mises à la disposition des agences de presse. Dans le cadre de son documentaire sur l’immigration clandestine, Loureiro se propose de récupérer ces photographies et de les diffuser en série, après en avoir supprimé les symboles institutionnels. Par la mise en commun de ces images, il permet la compréhension d’un drame humain collectif, au-delà de l’anecdote individuelle, et contribue à faire réfléchir sur la représentation et la visibilité des immigrés dans la société espagnole contemporaine. Tirant parti de l’abondance de ressources disponibles sur le Web, Farhana se profile comme une alternative efficace aux modèles documentaires traditionnels ; ces images, pourtant accessibles à tous, par un simple changement de contexte, sont réinsérées dans le discours critique de l’auteur.

Globetrotter and documentary photographer, Reinaldo Loureiro has always been interested in borders and in their influence over those who live along or cross them. His project Farhana focuses on migrants whose fates rely on a smuggler along the border of Melilla (Spanish enclave in northern Morocco). Many of them are caught while trying to cross that border, and it is at that particular moment that a Spanish police officer photographs them in their hideout. The images are made available on Internet to document immigration control operations, and also to press agencies. As part of his documentary about clandestine immigration, Loureiro downloads these photographs and releases them in series after removing institutional symbols. By associating these images, he allows for a better understanding of a collective human drama, and beyond the individual anecdotes, contributes to a reflection about the representation and visibility of migrants in contemporary Spanish society. Farhana thus becomes an efficient alternative to traditional documentary models by benefiting from the many resources available on the web; these images, accessible to anyone, are reinserted into the author’s critical rhetoric through a simple shift in context.

Reinaldo Loureiro Farhana 6

Présenté par Joan Fontcuberta


Applied Found Contemporary

Else #8

37


Reinaldo Loureiro, Farhana


Applied Found Contemporary

Else #8

39


Reinaldo Loureiro, Farhana


Applied Found Contemporary

Else #8

41


Pour cette série de portraits réalisés dans une entreprise de pompes funèbres à Harlem (New York), la photographe Elizabeth Heyert, se situant quelque part entre le style classique du portrait post mortem en vogue au XIXe siècle et la facture saisissante des photographies d’Andres Serrano, a troqué la part funeste ou macabre du sujet pour une invitation à la rêverie, au songe, au voyage. Effectivement, ce qui surprend chez ces Travelers, c’est la présence forte des sujets, le cadrage non conventionnel, la prise de vue du haut, qui densifie les corps, associés à la mise au noir du contour, ainsi que l’extrême sophistication des tenues, robes aux couleurs chatoyantes ou costumes de gala. De plus, à sa manière de convoquer l’histoire de l’art — on pense notamment aux sublimes peintures de Hans Holbein dont les personnages marquent de leur présence toute la surface du tableau — et une iconographie plus quotidienne — comme ces poupées apprêtées, avec leurs habits rutilants et leurs coiffes soyeuses, méticuleusement disposées dans leur belle boîte —, la photographe nous livre finalement bien autre chose qu’une représentation de la mort. Néanmoins, lorsque la série fut exposée à Manhattan, la presse américaine s’en fit fortement l’écho. Et, comme chaque fois que la photographie nous met face à la mort, l’effervescence se focalisa sur la question éthique. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle témoigne aussi de ce qui est d’ailleurs un simple constat, à savoir l’extrême ghettoïsation de certains quartiers de Harlem.

From a perspective standing somewhere between the classical postmortem portraiture in fashion in the nineteenth century and the seizing nature of Andres Serrano’s photographs, photographer Elizabeth Heyert has traded the fateful, macabre atmosphere of the situation for an invitation to a reverie, a dream, a journey, with her series of portraits produced at a Funeral Parlor in Harlem (New York). Indeed, what is striking in these Travelers is the weight of their presence, the unconventional framing from above, making the corpses thicker, sheer black all around, and the extreme sophistication of their outfits, shimmering colorful dresses or gala suits. Furthermore, with her distinctive invocation of Art History—notably reminiscent of Hans Holbein’s sublime paintings whose subjects fill the entire canvas with their presence—or of a more common iconography—like these dolls meticulously propped up in their pretty boxes, smartly dressed in their glittering outfits and satiny hair—, the photographer actually leads us well beyond a mere representation of death. The series nevertheless caught much attention from the American press when it was shown in Manhattan. But the effervescence was mainly focused on the ethical issue—as is always the case when photography confronts us with death. Yet, we can’t help but notice that she also points to a generally otherwise disregarded issue, namely the extreme ghettoization of parts of Harlem.

Elizabeth Heyert The Travelers 7

Présenté par Véronique Terrier Hermann


French Perry Born: September 1924, Kittrel, North Carolina Died: September 2003, Harlem, New York

Contemporary Haunted

Else #8

43


Nathalie Ames Born: September 1951, Brooklyn, New York Died: January 2004, Harlem, New York

Elizabeth Heyert, The Travelers


Lola B. Hopkins Born: September 1922, Madison, Georgia Died: January 2004, Harlem, New York

Contemporary Haunted

Else #8

45


Joel Goff Born: April 1950, Bronx, New York Died: November 2003, Harlem, New York

Elizabeth Heyert, The Travelers


James «La Smoothe» Patterson Jr. Born: September 1966, New York, New York Died: February 2004, Harlem, New York

Contemporary Haunted

Else #8

47


Raymond E. Jones Sr. Born: December 1928, Memphis, Tennessee Died: January 2004, Harlem, New York

Elizabeth Heyert, The Travelers


Rosie Inez Miller Born: Unknown Died: October 2003, Harlem, New York

Contemporary Haunted

Else #8

49


Curieux phénomène que celui de la paréidolie. Il consiste à associer des formes produites aléatoirement à des figurations connues. Deviner un signe dans une tache sur un mur, un nuage en formation, un roc observé depuis un certain angle, voire dans le tourbillon d’un liquide trouble ou la buée formée sur le miroir par l’haleine, relève de cette catégorie d’illusions optiques. Depuis quelques années, une forme particulière de paréidolie s’est répandue sur Internet. Elle décline les différents subjectiles sur lesquels apparaît la silhouette ou plus généralement le visage du Christ : une ombre sur un mur, la peau tachetée d’une banane, une tache d’humidité, une moisissure, un toast trop grillé, une poêle à frire, un tronc d’arbre, un nœud dans le bois, le pelage d’un cheval, ou — c’est plus inattendu — un anus canin. Il y a dans ces images vues, prises et transmises une métaphore de la projection visuelle. Elles démontrent de manière paroxystique et presque caricaturale que notre désir de voir induit toujours un peu ce que nous voyons.

Pareidolia is indeed a curious phenomenon. It involves associating randomly produced forms to known figurations. Guessing a sign in a stain on a wall, a cloud in formation, a rock observed from a specific angle, in the whirl of some murky liquid or in the mist from breathing on a mirror, are all optical illusions. In recent years, a particular kind of pareidolia is spreading on the Internet: different media revealing the silhouette, or more generally the face of Christ in a shadow on a wall, the flecked skin of a banana, a stainof humidity or mildew, an overly toasted slice of bread, a frying pan, a tree trunk, a knot in a piece of wood, a horse’s coat, or—more unexpectedly—a dog’s anus. These images seen, taken and shared are a metaphor of the visual projection. They demonstrate in paroxysmal and somewhat caricatural ways how our desire to see almost always implies what we see.

Des nuages, des visages 8

Présenté par Clément Chéroux


Photographies représentant le visage du Christ sur différents supports, réalisées par des auteurs anonymes et postées sur Internet de 2012 à 2014.

Focus Found Haunted

Else #8

51


Des nuages, des visages


Focus Found Haunted

Else #8

53


Des nuages, des visages


Focus Found Haunted

Else #8

55


Gay Semiotics est l’un des premiers travaux conceptuels à intégrer le langage du structuralisme et de la linguistique dans le monde de la photographie. Gay Semiotics présente les codes d’orientation et d’identification sexuelles observés par Fischer dans les quartiers de Castro et de Haight-Ashbury à San Francisco comme un essai anthropologique de facture ironique. Vingt-quatre photographies — sur lesquelles sont inscrits des textes — sont classées en « Images médiatiques archétypales », « Signifiants », « Mode branchée » et « Fétiche ». ELSE présente une sélection d’images tirées de ces quatre catégories. L’utilisation de mots en images est l’une des plus importantes contributions de la photographie conceptuelle à l’art ; c’est aussi la marque distinctive du très libre groupe Photographie et Langage, influencé en partie par Lew Thomas, et constitué de Hal Fischer, Lutz Bacher, Sam Samore, Peter D’Agostino et de quelques autres artistes de la région de San Francisco. Gay Semiotics a été publié « à une époque où les homosexuels ont été obligés à la fois d’évaluer et de défendre leurs styles de vie ». C’est la déclaration proactive d’une voix issue de la communauté gay, à l’opposé de Robert Mapplethorpe ; ainsi que l’exprimait un critique dans Artforum en 1977 : « Cela signifie que Fischer ne fait jamais dans le sensationnalisme, ni dans le voyeurisme pourtant naturel en photographie. » Trente-sept années plus tard, Gay Semiotics reste l’une des œuvres conceptuelles les plus significatives émanant de la côte Ouest à la fin des années 1970 ; un regard profond dans les années qui suivirent l’épisode du Watergate et avant les assassinats politiques de Harvey Milk et George Moscone, le traumatisme de Jonestown, l’ascension de Ronald Reagan, ancien gouverneur de Californie, au sommet de la politique américaine, et la dévastation provoquée par le sida.

Gay Semiotics is one of the first conceptual works to bring the language of structuralism and linguistics into the photo world. Gay Semiotics presents the codes of sexual orientation and identification Fischer saw in San Francisco’s Castro and Haight-Ashbury districts as a tongue-in cheek anthropological essay. Twenty-four photographs — with text printed into the photographs—are codified as “Archetypal Media Images,” “Signifiers,” “Street Fashion,” and “Fetish.” ELSE presents a selection from these four categories. The use of words as pictures is one of conceptual photography’s most important contributions to art today, and a hallmark of the loose Photography and Language group influenced in part by Lew Thomas, which included Hal Fischer, Lutz Bacher, Donna-Lee Phillips, Sam Samore, Peter D’Agostino and others working in the San Francisco Bay Area. Hal Fischer’s Gay Semiotics was published, “at a time when gay people have been forced to both evaluate and defend their lifestyles.” It is a proactive statement from a voice within the gay community, and it goes in the opposite direction of Robert Mapplethorpe: as one Artforum reviewer wrote in 1977, “This is to say that Fischer never sensationalizes, and the voyeurism which seems to come so naturally to photography is absent.” Thirty-seven years later, Gay Semiotics stands as one of the most significant conceptual works coming from the West Coast in the late 1970s; a profound look at the years just after Watergate and before the political assassinations of Harvey Milk and George Moscone, the trauma of Jonestown, the ascendancy of Ronald Reagan, California’s former governor, to the height of American politics, and the devastation wrought by AIDS.

Hal Fischer’s Gay Semiotics 9

Présenté par Philip Martin


Focus History

Else #8

57


Hal Fischer’s Gay Semiotics


Focus History

Else #8

59


Hal Fischer’s Gay Semiotics


Focus History

Else #8

61


Bon pied, bon œil 10

Peter Miller, Photuris Présenté par Werner Kühler


Photographe anonyme, série de photographies de pieds, 1937 (Collection particulière, Paris)

Collected

Else #8

63


Bon pied, Pied, bon oeil Ĺ“il


Collected

Else #8

65


On ne sait rien de cette série de photographies de pieds, si ce n’est qu’elle est datée de décembre 1937 et a été conservée jusqu’à très récemment dans les archives d’un quotidien américain avant d’être mise en vente sur le site d’enchères en ligne eBay. Alors, de quoi s’agit-il ? De l’incroyable collection d’un fétichiste du pied ? Ils sont nombreux, dit-on. Certains neuroscientifiques n’hésitent d’ailleurs pas à expliquer cette paraphilie très répandue en affirmant que les pieds et les parties génitales sont contrôlés par la même zone du cortex sensoriel. Que cette étonnante série de photographies « podophiles » ait été réalisée tout juste un an après que le célèbre sexologue britannique Havelock Ellis eut consacré un chapitre de ses Studies in the Psychology of Sex à la question du « shoefetichism » tendrait à confirmer cette hypothèse. Mais ce pourrait tout aussi bien être un hommage à la série de clichés pris dix ans plus tôt par Eli Lotar à la foire de Paris, voire une préfiguration de celle réalisée quelques années plus tard par Lisette Model dans les rues de New York. Ou encore un ensemble de photographies saisies par une personne atteinte de nanisme sévère, ou de taille normale mais aimant se déplacer à plat ventre sur les trottoirs des villes. Qu’un opérateur en mal d’expérimentations ait eu l’idée de fixer son appareil photographique autour du cou de son chien, et il aurait obtenu des images similaires. Mais, trêve de suppositions, il s’agit plus probablement des illustrations d’un article, comme il y en avait tant dans la presse des années 1930, sur ce que le choix ou l’état des chaussures révèlent de la psychologie d’une personne, tant toutes ces images semblent faire écho au dicton : « Dis-moi comment tu te chausses, je te dirai qui tu es. »

Bon pied, bon œil

We know nothing about this series of photographs of feet, except that it is dated December 1937 and was until recently held in the archives of an American daily newspaper before being auctioned on eBay. So what is it? A foot fetishist’s amazing collection? They are many it seems. Neuroscientists explain this very popular paraphilia by asserting that a zone in the sensorial cortex actually controls both feet and genitals. This stunning series of “podophile” photographs were made barely a year after famous British sexologist Havelock Ellis dedicated a chapter of his Studies in the Psychology of Sex to the issue of “shoe-fetichism;” this would tend in favor of the assertion. But it could also be an homage to the series of shots made ten years prior by Eli Lotar at the Paris Trade Fair, even a prefiguration of the one made a few years later by Lisette Model on the streets of New York. Or again a set of photographs made by an individual suffering from severe dwarfism, or by a normal size individual but keen on crawling about the city’s sidewalks. Or an operator might have experimented by placing his camera around the neck of his dog, thus obtaining similar images. Enough speculation. It most probably is a series of illustrations for an article such as those often produced in the thirties, about what the choice and condition of shoes reveal about the psychology of an individual. Indeed, each one of them seems to support the saying: “Tell me what shoes you wear, I’ll tell you who you are.”


Collected

Else #8

67


Créé en 1937 par le psychanalyste hongrois Léopold Szondi, le Diagnostic expérimental des pulsions est une méthode de « psychologie profonde » qui, selon son auteur, permet de mettre en lumière « les aspirations pulsionnelles inconscientes de l’individu ». Ce test est constitué de 48 portraits photographiques d’hommes et de femmes dont l’examen clinique a révélé des pulsions « maniaques », « dépressives », « schizophrènes paranoïdes », « schizophrènes catatoniques », « hystériques », « épileptiques », « sadiques » ou « hermaphrodites ». Le patient soumis au test est invité à choisir parmi ces visages, de manière instinctive et rapide, ceux qui lui paraissent les plus sympathiques ou les plus antipathiques. L’expérience repose sur l’hypothèse qu’il choisira parmi les plus sympathiques ceux qui lui ressemblent le plus et inversement. Susan Deri, qui fut une élève de Szondi et participa à la large diffusion de sa méthode aux Etats-Unis, explique que l’expérience peut aussi être prolongée en demandant « au sujet d’imaginer une histoire à propos des photos choisies ». Ce prolongement permet d’affiner le « profil pulsionnel » du patient. Si l’hypothèse sur laquelle repose le test paraît assez douteuse — il fut d’ailleurs vivement critiqué au moment de sa publication et n’est plus guère utilisé aujourd’hui —, il offre néanmoins une belle modélisation du principe de projection en photographie. C’est, en somme, une sorte de Rorschach photographique.

According to Hungarian psychoanalyst Leopold Szondi, the Experimental Diagnostics of Drives he established in 1937 is a method of “deep psychology” that exposes “an individual’s unconscious drive instinct.” The test comprises 48 photographic portraits of men and women whose clinical examination has revealed “maniac,” “depressive,” “paranoid schizophrenic,” “catatonic schizophrenic,” “hysterical,” “epileptic,” “sadistic” or “hermaphroditic” drives. The patient submitted to the test is invited to instinctively and quickly choose among these portraits those perceived as the most pleasant and, inversely, the most unpleasant. The experience rests upon the assumption that the patient will choose among the most pleasant looking portraits those who look most like him and inversely. Susan Deri, who was one of Szondi’s students and contributed to the large dissemination of the method in the United States, explains that “asking the patient to imagine a story related to the photographs picked” can also extend the experience in order to refine the patient’s “drive profile.” While the test’s underlying assumption may seem somewhat unlikely—it was indeed greatly criticized when released, and is no longer in use today—, it nonetheless establishes an interesting template for the projection principle in photography: a kind of photographic Rorschach.

Léopold Szondi, le test des pulsions 11

Présenté par Clément Chéroux


Boite du Szondi-Test, Experimentelle Triebdiagnostik, Berne, Hans Huber Verlag, 1947 (collection particulière, Paris)

Applied Object Haunted Serial

Else #8

69


LĂŠopold Szondi, le test des pulsions


Applied Object

Else #8

71


En 1997 à Los Angeles, une exposition de l’UCLA et de l’Armand Hammer Museum of Art intitulée Scene of the Crime signalait l’entrée du monde de l’art dans l’ère du soupçon et du doute. Pour le public, cela voulait dire que le temps était venu de mettre en question la nature et la signification des œuvres qui étaient proposées à sa réflexion, d’émettre des hypothèses les concernant. Un comportement de détective était dorénavant attendu de lui (il l’est d’ailleurs toujours aujourd’hui). Or, depuis quelques années, dans le monde de l’image, on est passé à une situation encore plus problématique. Cela se vérifie en particulier pour les amateurs de photographie vernaculaire. Découvrir la signification d’images dont ils ignorent tout, le contexte, l’auteur, la date jusqu’au lieu, est un problème auquel ils sont régulièrement confrontés et devant lequel ils restent souvent sans réponse. Dans leur quête de sens, ils en sont parfois réduits à chercher du renfort du côté de la fiction. La série de l’homme en bikini sur le toit est un bon exemple de cette évolution. Une fois inventoriés quelques maigres indices — solarium, travestissement…—, une fois formulées quelques hypothèses — s’agit-il d’un jeu homoérotique, d’une provocation de copains un lendemain de beuverie ? —, une fois donc effectué le travail de détective, le besoin se fait sentir d’en appeler à l’imagination pour faire parler les images : et s’il nous était donné à voir le bizutage d’un aspirant lieutenant de police ?

In 1997 in Los Angeles, an exhibition organized by UCLA and Armand Hammer Museum of Art entitled Scene of the Crime marked the shift into an age of suspicion and doubt in the art world. For visitors, this meant that time had come to question the nature and meaning of the art pieces provided for reflection, to raise assumptions about them. A detective-like attitude was hence expected from the beholder (as is still the case today). In the world of images however, we have evolved into an even more problematic situation lately. This is particularly the case for vernacular photography. To guess the meaning of images about which one knows nothing about, context, author, date or location, is a problem to which one is often confronted to, and often left without answers. And in this quest for meaning, one is sometimes left only to rely on fiction. The series of images of a man in a bikini on a rooftop is a good example of this evolution. Once the few rare details have been inventoried—sun deck, cross-dressing…—, once assumptions are suggested—is this some homoerotic game, a friendly prank after a night of binge drinking?—, so once done with the detective work comes an urge to conjure imagination in order to understand the images: could this be the hazing ritual of a police lieutenant candidate?

Jean-Christophe Blaser

Bikini Man On The Rooftop— Robert E. Jackson Collection 12

Présenté par Sam Stourdzé


Collected Serial

Else #8

73


Bikini Man On The Rooftop—Robert E. Jackson Collection


Collected Serial

Else #8

75


Bikini Man On The Rooftop—Robert E. Jackson Collection


Collected Serial

Else #8

77


No More Teenage Lust 13

Présenté par Erik Kessels


La censure sur Internet produit souvent un langage visuel original. Des pans censément choquants de certaines photographies sont masqués avec une certaine créativité. C’est souvent le cas d’objets ou d’images liés à la Seconde Guerre mondiale proposés à la vente. On peut voir un post-it, des pièces, des boutons et même des fleurs recouvrant l’image d’Adolf Hitler ou des croix gammées… La question est de savoir si ces interventions protègent l’observateur contre quelque chose qui pourrait être considéré comme offensant, ou si cela attise sa curiosité. Ces interventions pourraient effectivement être perçues comme autant d’interférences visuelles et, en ce sens, créer de nouvelles œuvres d’art (indépendamment du fait que la personne opérant cette censure en soit consciente ou non). Un exemple de ce phénomène concerne la vente en ligne du livre de Larry Clark Teenage Lust. De nombreuses solutions créatives ont servi à masquer la couverture compromettante de cet ouvrage, où l’on voit deux jeunes gens se masturbant mutuellement : un coup de flash photographique, un morceau de papier ou de carton, et même un autocollant « smiley » qui dit « Merci ». Le masquage de l’image rend Teenage Lust plus intrigant. C’est un ouvrage iconique, et trouver sa couverture altérée et manipulée aux quatre coins du Web le rend encore plus iconique et monumental. Lorsque des images originales sont manipulées ou censurées, cela crée à mon sens de nouvelles œuvres d’art.

Applied Book Found

Censorship on the Internet often creates an unusual visual language. Seemingly offensive portions of certain items are creatively concealed. This is often the case with WWII items and imagery on sale. We see post-it notes, coins, buttons and even flowers covering up the image of Adolf Hitler, of swastikas, etc. The question is whether this intervention protects the viewer from seeing something offensive, or if tickles curiosity even more? The interventions can indeed be seen as visual interferences and, in this way, they create a new work of art. (Regardless of whether or not the person censoring the image is conscious of it.) A good example of this is when people attempt to sell on line Larry Clark’s book Teenage Lust. There are a lot of different creative solutions to cover-up the compromising book cover showing two teenagers mutually masturbating: a camera flash, a piece of paper or cardboard, and even a smiley sticker saying “Thank You.” The fact that the image is covered up makes it even more intriguing. Teenage Lust is an iconic book, and finding its cover altered and manipulated all over the Web makes it even more iconic and monumental. When original images are manipulated or censored in any way, I believe it creates new works of art.

Else #8

79


No More Teenage Lust


Applied Book Found

Else #8

81


American Neon Signs by Day & Night 14

Présenté par Olivier Cablat


Toon Michiels, American Neon Signs by Day & Night, imprimé par Drukkerij Rosbeek, Nuth (Pays-Bas), 1980, 200 × 200 mm, pages dépliées 200 × 392 mm, 58 pages, 30 photographies couleur

Book Serial ?

Else #8

83


Programmatique, le titre de cette série décrit parfaitement ce que nous donnent à voir les images : des enseignes lumineuses photographiées aux Etats-Unis de jour et de nuit. Le processus se répète avec une précision implacable, comme s’il s’agissait du catalogue d’un vendeur d’enseignes lumineuses. Pourtant, ce projet de 1979 conserve encore un pouvoir de fascination. Il s’y joue beaucoup plus que la simple application rigoureuse d’un protocole photographique parfaitement maîtrisé. Toon Michiels se démarque nettement des traitements habituels de ce type de sujets, lieux communs nostalgiques auxquels se livrent la plupart des photographes en quête de « road trip ». Ici, Michiels privilégie la rigueur descriptive et implacable d’un élément fonctionnel, dans une filiation évidente avec Learning from Las Vegas, le livre dans lequel Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour font une étude précise de l’architecture populaire, fonctionnelle et commerciale du grand Ouest américain. Le protocole photographique mis en place par Michiels permet l’émergence d’une dimension à la fois documentaire et conceptuelle : la répétition d’un même point de vue, présenté à l’identique de jour et de nuit et disposé en diptyque, autorise un rendu visuel parfaitement en phase avec la capacité du médium à l’enregistrer. De la même façon, l’ellipse temporelle entre les deux prises de vue s’accorde avec la mécanique invariable de ces enseignes et du commerce auxquelles elles se réfèrent. C’est sans doute l’existence d’un livre qui a permis au travail de Michiels de conserver une influence souterraine mais certaine depuis sa publication en 1980. A l’heure où certains s’interrogent sur le devenir de la matérialité photographique, le livre reste un support privilégié d’archivage, de présentation et de circulation, au-delà des limitations de l’espace et du temps.

The programmatic title of this series perfectly describes what the images have to offer: neon signs alternatively photographed by day and by night in the United States. The process is repeated with stubborn precision, as if it were for the catalogue of some light signage salesman. Yet, the project produced in 1979 still remains fascinating today. There is much more at play than the mere rigorous application of a perfectly mastered photographic protocol. Toon Michiels stays clear of the nostalgic common place perspectives usually delivered for this kind of subject by most photographers in quest of a road trip experience. Here, Michiels favors the descriptive and implacable rigor of a functional element, clearly in line with Learning From Las Vegas, the book in which Robert Venturi, Denise Scott Brown and Steven Izenour establish a precise study of popular, functional and commercial architecture in the great American West. The photographic protocol established by Michiels reveals an altogether documentary and conceptual dimension: the repetition of a single point of view, presented identically by day and by night and presented in diptychs, conveys a visual rendering perfectly in line with the medium’s capacity to record it. Likewise, the temporal ellipse between the two images agrees with the invariable mechanics at work both in the signage and its trade of reference. This series clearly owes to its existence in book form to have retained an underground yet constant influence since its release in 1980. At a time when some people are reflecting upon the future of photographic materiality, the book remains the primary archival, presentation and distribution mode, beyond the limitations of space and time.

American Neon Signs by Day & Night


Book Serial

Else #8

85


American Neon Signs by Day & Night


Book Serial

Else #8

87


American Neon Signs by Day & Night


Book Serial

Else #8

89


Renaud Auguste-Dormeuil Renaud Auguste-Dormeuil (1968, France) vit à Paris. Ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome, il travaille depuis le milieu des années 1990 au dévoilement des structures invisibles qui questionnent notre relation à un réel toujours médiatisé. Il s’intéresse à la fabrique de l’image envisagée dans son espace politique. Visibilité/invisibilité, mémoire/oubli, ce que l’on sait/ce que l’on croit savoir, évoquer/ montrer, dire sans raconter… sont autant de balises pour appréhender ses œuvres, qui mettent en scène les codes organisant le flux des images.

Renaud Auguste-Dormeuil (1968, France) lives in Paris. A former resident at Villa Medici in Rome, he has been focusing since the mid-1990s on revealing the invisible structures that question our relation to an ever-mediatized real. He is interested in the making of images from the perspective of its political space. Visibility/invisibility, memory/memory lapse, what we know/what we think we know, evoking/showing, expressing without telling… are some of the keys to understand his work highlighting the codes organizing image flows.

Jean-Christophe Blaser Critique d’art, Jean-Christophe Blaser publie régulièrement des articles et des essais dans la presse et les catalogues de musées. Il est président de Kunstart, association qui gère le Centre d’art de Neuchâtel, et curateur d’expositions d’art contemporain et de photographie. Ancien conservateur au Musée de l’Elysée, il a participé à plusieurs projets : Le Siècle du corps ; New York après New York : Mémoire d’une ville blessée ; Je t’envisage : La disparition du portrait ; reGeneration 1 ; Tous photographes !; Hans Steiner : Chronique de la vie moderne ; Gilles Caron : Le conflit intérieur ; Bernd & Hilla Becher : Imprimés 1964 – 2 013 ; Construire l’image : Le Corbusier et la photographie…

As an art critic, Jean-Christophe Blaser regularly publishes essays for the press and museum catalogues. President of Kunstart, the association in charge of the Neuchatel Art Centre, he is also a freelance curator of contemporary art and photography exhibitions. As previous curator at the Musée de l’Elysée, he participated in several projects, including Le Siècle du corps; New York après New York: Mémoire d’une ville blessée; Je t’envisage: La disparition du portrait; reGeneration 1; Tous photographes ! ; Hans Steiner: Chronique de la vie moderne; Gilles Caron: Le conflit intérieur; Bernd & Hilla Becher: Imprimés 1964–2013; Construire l’image: Le Corbusier et la photographie…

Olivier Cablat Fabricant d’image, il s’intéresse autant aux zones commerciales qu’à tous les restes et déchets qui en sont plus ou moins directement issus : vieux disques et emballages, vignettes Panini, portraits de Kadhafi… Maniant le style documentaire, comme pour mieux appuyer le caractère ambigu des relations entre la photographie et le réel, il construit une œuvre monumentale qui interroge sans cesse la nature descriptive des images. Un travail qui pourrait être destiné à des ethnologues du futur, dont il s’efforce de compliquer la tâche en réécrivant sans cesse les règles d’interprétation.

A manufacturer of images, his main interest lies in commercial areas, and the leftovers and rubbish directly or indirectly resulting from them: old records and packaging, Panini stickers, portraits of Gaddafi… Through a documentary approach that stresses the ambiguity of the link between photography and the real, he is building a monumental body of work that ceaselessly questions the descriptive nature of images. A body of work possibly intended for future ethnologists, whose task he thrives to complicate by endlessly rewriting the interpretive rules.

Clément Chéroux Conservateur au Centre Pompidou-Musée national d’art moderne où il dirige le Cabinet de la photographie, historien de la photographie, Docteur en histoire de l’art, il a publié une vingtaine d’ouvrages. Il est commissaire de nombreuses expositions, dont La subversion des images : surréalisme, photographie, film (2009), Edvard Munch : l’œil moderne (2011), Derrière le rideau, L’Esthétique Photomaton (2012), Henri Cartier-Bresson (2014) et Paparazzi ! (2014).

Curator, and director of the Cabinet de Photographie, at the Centre Pompidou-Musée national d’art moderne, photography Historian and Doctor in Art History, he has published approximately twenty books. He curated many exhibitions, including La subversion des images: surréalisme, photographie, film (2009); Edvard Munch: l’œil moderne (2011); Derrière le rideau, L’Esthétique Photomaton (2012); Henri Cartier-Bresson (2014) and Paparazzi! (2014).

Jojakim Cortis Jojakim Cortis (1978, Allemagne.) vit à Zürich depuis 2001. Il a travaillé avec les photographes Ben Isselstein, Aachen, Torkil Gudnason, New York et au sein de l’agence Walter Schupfer Management. Diplômé en Photographie de l’Ecole des arts et de design Zürich (2006), il y travaille comme assistant à mi-temps depuis 2009, et réalise des projets en duo freelance avec Adrian Sonderegger.

Jojakim Cortis (1978, Germany) lives in Zürich since 2001. He’s worked with photographers Ben Isselstein, Aachen, Torkil Gudnason, New York, and at the agency Walter Schupfer Management. After graduating in photography from ZHdK (2006), he joins the school as part-time assistant, and works with Adrian Sonderegger as a freelance photographer duo.

Roger Eberhard Roger Eberhard (1984, Zürich) a étudié la photographie à l’Institut Brooks (Californie). En 2009, il publie Wilted Country, son premier livre chez Scheidegger & Spiess, dans lequel il documente des petits villages du Midwest américain dont la population ne dépasse pas 100 habitants. Il explore souvent des lieux artificiellement inventés qui agissent comme des trompe-l’œil, sortes de villages Potemkine modernes. Il se concentre principalement sur les façades de ces endroits pour les révéler en images stéréotypées.

Born in Zürich (1984), he studied photography at the Brooks Institute, California. In 2009, he published Wilted Country, his first book with Scheidegger & Spiess, in which he documented small villages of the American Midwest comprising no more than 10 0 inhabitants. He often explores artificially contrived settlements that are not what they appear to be, modern Potemkin villages of sorts. He focuses mainly on facades, to reveal them as stereotyped images.

Hal Fischer Hal Fischer a participé à d’importantes expositions, telles que Photographs and Words (SFMMA, 1981) et Under the Big Black Sun, California Art 1974 – 1981 (MCA – Los Angeles, 2011). Les photographies de Hal Fischer ont fait l’objet de deux publications

Biographies

Hal Fischer has exhibited widely, participating in such important exhibitions as Photographs and Words (SFMMA, 1981) and Under the Big Black Sun, California Art 1974 –1981 (MCA–LA, 2011). Hal Fischer’s photographs were the subject of two


essentielles chez NFS : Gay Semiotics, A Photographic Study Of Visual Coding Among Homosexual Men (1977) et 18 th near Castro St. × 24 (1978). Hal Fischer a aussi écrit pour différentes revues, dont Artforum et Artweek. La galerie Cherry and Martin à Los Angeles organisera une exposition individuelle de son travail en janvier 2015.

groundbreaking NFS publications: Gay Semiotics, A Photographic Study Of Visual Coding Among Homosexual Men (1977) and 18 th near Castro St. × 24 (1978). Hal Fischer also wrote for such journals as Artforum and Artweek. A solo presentation of his photographs will be on show at Cherry and Martin in Los Angeles in January 2015.

Joan Fontcuberta Vit et travaille à Barcelone. En 40 ans de travail photographique, cet artiste prolifique a développé une œuvre tant artistique que théorique centrée sur les conflits entre nature, technologie, photographie et vérité. De nombreux musées lui ont consacré une exposition personnelle, dont le MoMA de New York, l’Institut d’art de Chicago et l’IVAM de Valence, et ses œuvres ont rejoint les collections d’institutions majeures (Metropolitan Museum of Art, San Francisco Museum of Modern Art, National Gallery of Art, Musée Folkwang, Centre Pompidou–Musée national d’art moderne, Stedelijk Museum, MACBA, MNCARS).

He lives and works in Barcelona. With nearly 40 years of dedication to photography, this prolific artist has developed both an artistic and theoretical practice, focused on conflicts between nature, technology, photography and truth. He’s had solo shows at New York MoMA, Chicago Art Institute or Valencia IVAM among others, and his work has joined the collections of major institutions (Metropolitan Museum of Art, San Francisco Museum of Modern Art, National Gallery of Art, Folkwang Museum, Centre Pompidou–Musée national d’art moderne, Stedelijk Museum, MACBA, MNCARS).

Elsa Frémont Historienne spécialiste du Moyen-Orient, Elsa Frémont est coordinatrice éditoriale au Musée de l’Elysée. Elle poursuit actuellement ses études en histoire de l’art et ses recherches portent sur les pratiques artistiques engagées dans le commissariat d’exposition.

A Historian specialized in the Middle East, Elsa Frémont is editorial coordinator at the Musée de l’Elysée. She is currently pursuing her studies in Art History, focusing her research on artistic practices engaged in exhibition curating.

Anthony Hernandez Anthony Hernandez (1947, Los Angeles) a étudié 2 ans à l’East Los Angeles College avant de rejoindre le service médical de l’armée américaine durant la guerre du Vietnam. Dans les années 1970, ses photographies en milieu urbain se portent sur des personnes prises au dépourvu, fixant l’objectif, ou souvent capturées dans des moments intimes de pensée ou de conversation. A partir des années 1980, la plupart de ses photographies sont dénuées de sujets humains — même si parfois on ressent leur présence.

Anthony Hernandez (1947, Los Angeles) studied at East Los Angeles College and spent 2 years in the medical services of the US Army in the Vietnam War. His 1970s photographs of urban dwellers are often focused on odd-looking people staring right at the camera. His subjects often appear surprised and slightly perturbed, as if caught unaware in private moments of thought or conversation. Most of his pictures since the mid-1980s are devoid of human subjects—although their presence may be felt.

Elizabeth Heyert Elizabeth Heyert a été pendant 20 ans une photographe internationale d’architecture avant de se consacrer à des portraits photographiques expérimentaux. Surtout connue pour sa trilogie, The Sleepers, The Travelers et The Narcissists, et pour les publications qui en ont découlé, ses photographies ont fait l’objet de nombreuses expositions et ont rejoint les collections du MoMA et du SFMMA. Elle vient de terminer The Bound, une série photographique extrême liée à la publication d’un livre.

Elizabeth Heyert left a thriving 20-year long career as an international architecture photographer to create experimental portrait photographs. Best known for her trilogy, The Sleepers, The Travelers and The Narcissists, her work has been exhibited extensively and joined the collections of MoMA and San Francisco Museum of Modern Art. The Bound, her latest and most extreme photography and book project to date, has just been completed.

Robert E. Jackson Collectionneur de clichés depuis 1997. Fin 2007, sa collection a constitué la base de l’exposition et du catalogue The Art of the American Snapshot : 1888 –1978, National Gallery of Art. Il publie Pure Photography, (Ampersand Gallery & Fine Books, Portland, 2011) traitant d’images non narratives. En 2012, Marquand Books, Seattle, ont présenté les clichés couleurs de sa collection dans The Seduction of Color. En 2013, la galerie Pace/MacGill de New York organisait pour la première fois l’exposition Snap Noir : Snapshot Stories, basée sur des rapprochements de photographies de sa collection.

Collector of snapshots since 1997. In 2007, his collection formed the basis of The National Gallery of Art’s exhibition and catalogue, The Art of the American Snapshot: 1888 –1978. He published Pure Photography (Ampersand Gallery & Fine Books, Portland, 2011) dealing with non-narrative images. In 2012, Marquand Books, Seattle, featured his color snapshots collection in the book The Seduction of Color. In 2013, Pace/MacGill Gallery in New York City showed Snap Noir: Snapshot Stories, based on photo groupings curated from his collection.

Erik Kessels Directeur de création chez KesselsKrammer (Amsterdam, Londres, Los Angeles), Kessels (1966) a publié plusieurs ouvrages de photographie vernaculaire chez KesselsKramer Publishing, dont la série In Almost Every Picture. Il est l’un des éditeurs du magazine alternatif Useful Photography, et commissaire de nombreuses expositions, dont 24hrs of Photos et Album Beauty (2012), et a coorganisé From Here On (2011).

Creative Director at KesselsKramer (Amsterdam, London, Los Angeles), Kessels (1966) published several books of vernacular photography through KesselsKramer Publishing, including the series In Almost Every Picture. He is co-editor for the alternative magazine Useful Photography, and curated many exhibitions: 24hrs of Photos, Album Beauty (2012), and co-curated From Here On (2011).

Werner Kühler Photographe et collectionneur allemand (1968, German photographer and collector (Bochum, Bochum). Après des études dans une école d’art 1968). After studying at a Dusseldorf Art school, he

Else #8

91


à Düsseldorf, il décide de ne pas devenir artiste, mais de pratiquer, au gré des occasions ou des commandes, tout l’éventail de la photographie appliquée. Depuis une quinzaine d’années, il collectionne la photographie vernaculaire.

decides not to become an artist, but rather to practice, on occasion or to order, the full range offered by applied photography. He has been collecting vernacular photography for fifteen years.

Reinaldo Loureiro Reinaldo Loureiro (1970, Espagne) est un photographe basé au Bengladesh. Après des études en philologie romane, il obtient un Master en photojournalisme et photographie documentaire du London College of Communication (2006). Il œuvre à partir de portraits, de paysages, d’images trouvées et d’archives pour créer des reportages sur les notions de travail et de mouvements migratoires dans un contexte d’inégalités politiques et économiques, parus notamment dans Du Magazine (CH), Foto8 (GB), The British Journal of Photography (GB) et National Geographic (USA). Il a également participé à plusieurs expositions collectives au Royaume-Uni, en Argentine et en Espagne.

Reinaldo Loureiro (1970, Spain) is a photographer currently based in Bangladesh. After studying Romance Philology, he mastered in Photojournalism and Documentary Photography from London College of Communication (2006). He works with portrait, landscape, found images and archives to create photo essays about the complexity of labor and migration movements in the context of political and economic inequality, published in Du Magazine (CH), Foto8 (UK), The British Journal of Photography (UK) and National Geographic (US). He also has participated in several group exhibitions in the UK, Argentina and Spain.

Pauline Martin Historienne de l’art, Pauline Martin est commissaire de la Nuit des images au Musée de l’Elysée. Elle a notamment publié L’œil photographique de Daniel Arasse — Théories et pratiques d’un regard (Fage éditions, 2012) et a été commissaire de l’exposition Do you speak touriste ? Quand les photographes décodent le cliché (2014).

Art Historian, Pauline Martin is curator for the Night of the images at the Musée de l’Elysée. She has authored L’œil photographique de Daniel Arasse— Théories et pratiques d’un regard (Fage éditions, 2012) and was curator for the exhibition Do you speak touriste? Quand les photographes décodent le cliché (2014).

Philip Martin Cofondateur de Cherry and Martin, Los Angeles, galerie fondée en 2006. Parmi leurs dernières expositions : Supports/Surfaces is Alive and Well et Photography into Sculpture/The Expanded Photographic Object, un projet qui revisitait l’exposition événement organisée par Peter Bunnell, Photography into Sculpture (1970). La présentation de Cherry and Martin d’une sélection de travaux issus de cette dernière a remporté le prix de la meilleure exposition dans une galerie commerciale de l’International Art Critics Association en 2011.

Co-owner of Cherry and Martin gallery in Los Angeles (est. in 2006). Recent shows include Supports/ Surfaces is Alive and Well and Photography into Sculpture/The Expanded Photographic Object, an exhibition exploring curator Peter Bunnell’s landmark 1970 show, Photography into Sculpture. Cherry and Martin’s presentation of selected works won the International Art Critics Association Award for Best Show in a Commercial Gallery Nationally in 2011.

Toon Michiels Michiels (1950, Pays-Bas) a étudié le graphisme et la photographie à l’Académie royale des arts à Boisle-Duc. De l’Afrique du Sud à l’Indonésie, en passant par les Etats-Unis, il se présente comme un « photographe voyageur pur et dur ». Ses travaux figurent dans les collections de musées et de particuliers aux Pays-Bas et à l’étranger. Il travaille actuellement comme graphiste indépendant et photographe à Den Dungen (Pays-Bas).

Michiels (1950, Netherlands) studied graphic design and photography at the Royal Academy of the Arts in ’s-Hertogenbosch. From South Africa to Indonesia and the USA, he presents himself as a “pure blood road photographer.” His work is both in public and private collections in the Netherlands and abroad. He now works as an independent graphic designer and photographer in Den Dungen (NL).

Adrian Sonderegger Adrian Sonderegger (1980, Suisse) vit à Zürich depuis 2001. Il a étudié à la ZHdK, d’abord en design puis en photographie. Assistant du photographe Jules Spinatsch (2007–2011), puis conférencier à la ZHdK (2010 –2012), il collabore depuis 2006 avec Jojakim Cortis sur différents projets en duo freelance en Suisse et à l’étranger.

Adrian Sonderegger (1980, Switzerland) settled in Zürich in 2001. He studied at ZHdK, first in design, and then in photography. Assistant to Jules Spinatsch (2007– 2011), lecturer at ZHdK (2010 – 2012), he has been collaborating with Jojakim Cortis as a freelance photographer duo working both in Switzerland and abroad.

Sam Stourdzé Directeur des Rencontres d’Arles et ancien directeur du Musée de l’Elysée, Sam Stourdzé étudie les mécanismes à l’œuvre dans la circulation des images, avec pour champ de prédilection les rapports entre photographie, art et cinéma.

Director of the Rencontres d’Arles and former director of the Musée de l’Elysée, Sam Stourdzé studies the mechanisms at work in the distribution of images, with a focus on the links between photography, art and cinema.

Véronique Terrier Hermann Docteure en histoire de l’art, professeure à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes, elle travaille plus particulièrement sur les liens qu’entretient l’art contemporain avec le cinéma et le documentaire. Elle participe au programme de recherche Start Making Sense! Cinéma et art contemporains transforment l’essai, à la Head-Genève, ainsi qu’à Frontières, Spatialités, Art, auprès du LAUA, ENSA/ ESBA, Nantes.

Biographies

Doctor in Art History and Professor at the Ecole supérieure des beaux-arts in Nantes, her research focuses more specifically on the links between contemporary art and cinema and documentary. She is involved in the research programs Start Making Sense! Cinéma et art contemporains transforment l’essai, at Head-Geneva, and Frontières, Spatialités, Art, at LAUA, ENSA/ESBA, Nantes.


13.16 NOV 2014 GRAND PALAIS

Else #8

93

UNTITLED (MEN IN THE CITIES), 1976 – 1982 © ROBERT LONGO - COURTESY IN CAMERA GALERIE


HORST TAPPE, Ella Maillart, 1994 // Tiré de l’ouvrage Horst Tappe, L’art du Portrait, 50 ans de photographie // Till Schaap Edition

L’IMPRIMEUR DES PHOTOGR APHES GENOUD ENTREPRISE D’ARTS GRAPHIQUES SA · PRÉPRESSE ET IMPRESSION · CHEMIN DE BUDRON D4 · 1052 LE MONT/LAUSANNE · TÉL. 41 (0)21 652 99 65 · www.genoudsa.ch


Rue d’Italie 49 • 1800 Vevey - Switzerland Tél +41 (0) 21 923 32 00 • Fax +41 (0) 21 923 33 99 www.hoteltroiscouronnes.ch • info@hoteltroiscouronnes.ch

Else #8

95


M ESUR E ET D ÉMESUR E

TONDA METROGR APHE

Acier Mouvement chronographe automatique Bracelet acier Made in Switzerland

PARTENAIRES D’ÉMOTIONS

www.parmigiani.ch


Crédits

1 Anthony Hernandez, LA1971 Courtesy of the artist and Von Lintel Gallery, 1971

2 Jojakim Cortis & Adrian Sonderegger, Icons © Jojakim Cortis & Adrian Sonderegger, 2012 –2014

3 Renaud Auguste-Dormeuil, Uncover, il Borghese Courtesy Galerie In Situ – Fabienne Leclerc Paris

4 Numbers Erik Kessels

5 Shanty Town Deluxe © Roger Eberhard, 2014

6 Reinaldo Loureiro, Farhana © Ministerio del Interior / Guardia Civil (2014)

7 Elizabeth Heyert, The Travelers © 2005 Elizabeth Heyert Studios, Inc. 8 Photographies représentant le visage du Christ sur différents supports, réalisées par des auteurs anonymes et postées sur Internet de 2012 à 2014

9 Gay Semiotics, A Photographic Study Of Visual Coding Among Homosexual Men © Hal Fischer, 1977

10 Photographe anonyme, série de photographies de pieds, 1937 (Collection particulière, Paris)

11 Boite du Szondi-Test, Experimentelle Triebdiagnostik, Berne, Hans Huber Verlag, 1947 (Collection particulière, Paris)

12 Bikini Man On The Rooftop Robert E. Jackson, private collection Exhibited at Pace /Mac Gill Gallery 2013 13 No More Teenage Lust Erik Kessels 14 American Neon Signs by Day & Night, 1980 © Toon Michiels, Courtesy Luïscuis Books Couverture : Anthony Hernandez, LA1971

Impressum ELSE est une publication du Musée de l’Elysée. ELSE est publié grâce au soutien généreux du Cercle du Musée de l’Elysée. Le Musée de l’Elysée est une institution du Canton de Vaud.

Editeur Musée de l’Elysée 18 avenue de l’Elysée 1006 Lausanne, Suisse Directeur de publication | Rédacteur en chef Sam Stourdzé Comité éditorial Jean-Christophe Blaser Yannick Bouillis Florent Brayard Clément Chéroux Joan Fontcuberta Erik Kessels Christoph Schifferli Joachim Schmid Véronique Terrier Hermann Secrétariat de rédaction Elsa Frémont Arthur Brügger arthur.brugger@vd.ch Traduction | Relecture Frédérique Destribats Publicité | Relation Presse Julie Maillard julie.maillard@vd.ch Abonnements Manuel Sigrist manuel.sigrist@vd.ch Conception | Réalisation This is Not www.thisisnot.ch Caractères Plain, Optimo Cavallo, Eracom / Donovan Bernini Impression | Conseils techniques Entreprise d’arts graphiques Jean Genoud SA www.genoudsa.ch Distribution Nathalie Choquard nathalie.choquard@vd.ch Swiss : www.olf.ch World : www.ideabooks.nl Remerciements Merci à tous les artistes, à tous les auteurs, aux équipes du Musée de l’Elysée et de IDPURE, ainsi que tous ceux qui, par leur aide et leur soutien, ont permis à ce numéro de voir le jour, et plus particulièrement à Christien Bakx, Robert E. Jackson, Yannick Luthy, Philip Martin, Dana Sorman, et Noëlla Roland.

www.elsemag.ch www.elysee.ch

Edito Sam Stourdzé Imprimé en Suisse © 2014, droits réservés / Musée de l’Elysée

Les auteurs sont seuls responsables de leurs contributions. En aucun cas, ELSE ne peut être tenu responsable pour les textes, documents et photographies publiés dans le présent volume. La reproduction de tout ou partie de la présente publication, sous toute forme que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite et préalable de l’éditeur. ISSN : 2235-0438

Else #7 Else #8

5


Exhibitions until January 4, 2015

Chaplin, entre guerres et paix (1914–1940) Chaplin, between wars and peace (1914–1940)

Amos Gitai Architecte de la mémoire Amos Gitai Achitect of Memory

jusqu’au 30 novembre 2014 Exhibition until November 30, 2014

Gilles Peress, Telex Iran Gilles Peress, Telex Iran

Musée de l’Elysée 18, avenue de l’Elysée CH - 1006 Lausanne Ma-Di 11h-18h Tu-Su 11am-6pm

www.elysee.ch

Juliette Binoche dans Désengagement d’Amos Gitai, 2007 © Agav Films/Ziv Koren Juliette Binoche in Disengagement by Amos Gitai, 2007 © Agav Films/Ziv Koren

Expositions jusqu’au 4 janvier 2015


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.