Géopoésie de la cabane

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GĂŠopoĂŠsie de la cabane Une exploration pour un renouveau du logement


Mémoire de master d’architecture Géopoésie de la cabane - Une exploration pour un renouveau du logement Rédigé par Émilie Mendiboure Sous la direction du Séminaire Milieux Habités Antonnella Tufano, Céline Bodart, Anne Frémy École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette


« Beaucoup de gens dans ce monde habitent des maisons de briques et peuvent ignorer le monde extérieur. Mais mon esprit demeure sous les arbres, à ciel ouvert, reçoit directement les messages que lui apporte le vent, et, du fond de son être, répond à toutes les cadences musicales de la lumière et de l’ombre.» Rabindranath Tagore, La maison et le monde


SOMMAIRE

AVANT- PROPOS...........................................................................................................6 INTRODUCTION..........................................................................................................13

L’archétype de la cabane dans les théories architecturales..................................13

Pourquoi étudier la cabane.................................................................................16

Méthodologie.....................................................................................................18

PARTIE 1 - LA CABANE, L’ARCHÉTYPE D’UNE SENSIBILITÉ AU TERRITOIRE.......22

A. La projection de l’homme dans un environnement...........................................23

1. Une forme primitive de protection...............................................................23

2. Une expérience constructive......................................................................24

3. Révéler le caractère du lieu........................................................................29

B. La cabane en tant que situation.....................................................................31

1. Un mode de vie lié aux besoins primitifs.....................................................31

2. Marginalité et isolement..............................................................................34

3. Voyage dans l’intimité.................................................................................37

4. Dialectique du dedans/dehors....................................................................41

PARTIE 2 - LA POÉSIE DANS L’HABITAT...................................................................47

A. « HABITER EN POÈTE » ...............................................................................47

1. Habiter, habitat, habitation : constitution d’un cadre de vie..........................47 2. La rêverie dans la maison et la cabane........................................................51

3. La poésie comme exploration de soi et du monde.......................................53


B. LA NATURE ET LE RAPPORT AU MONDE.....................................................56

1. Une vision indépendante de la nature..........................................................56 2. Le rapport de l’être humain à la nature..........................................................57

3. Éthique et éveil à la nature...........................................................................58 C. UNE PERTE D’IDENTITÉ DE L’HABITAT DANS LE LOGEMENT.........................60

1. Le logement, une question de droit..............................................................60

2. La perte de poésie dans le logement............................................................62 3. L’habitat pluriel.............................................................................................63

PARTIE 3 - INTRODUIRE LA CABANE DANS LE LOGEMENT...................................67 A. DÉRIVES ET CARICATURES...........................................................................67

1.L’objet cabane comme lieu d’exception........................................................67

2. Le bois comme matériau archétypal.............................................................72

B. ANALYSE DE PROJETS CONTEMPORAINS DE LOGEMENTS POÉTIQUES EN HARMONIE AVEC LE SITE.......................................................................76 1. La Cascade, Charlotte Perriand...................................................................76

2. Le Canopée, Patrick Arotcharen...................................................................88

CONCLUSION...........................................................................................................103 BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................107 ICONOGRAPHIE.......................................................................................................111


FIG 1 - Croquis personnel d’une cabine et de son sauna dans la forêt Sylanmarka en Norvège

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AVANT-PROPOS

Si vous rencontrez un Norvégien, vous serez tentés de lui demander où il passe ses

week-ends et vacances. Il vous répondra qu’il possède une Ut dans la forêt, en dehors de la ville. Invité, vous vous aventurerez dans une randonnée de quelques heures avant d’atteindre une petite cabane, plus couramment appelée « cabine », située au bord d’un lac. Cette cabine, c’est la résidence secondaire de votre compagnon norvégien, il y passe ses temps libres à s’isoler et à vivre au plus près de la nature sauvage.

La Norvège est un pays avec une identité culturelle et architecturale forte qui

s’explique par une géographie complexe, composée majoritairement de fjords et d’eau et de ce fait, l’environnement est hostile, sauvage et préservé. Chaque Norvégien possède une cabine comme résidence secondaire, souvent localisée dans des lieux retranchés et difficiles d’accès. Le développement de cet habitat secondaire, modeste par définition, permet de vivre au plus près du mythe fondateur norvégien marqué par la vie agricole et d’assouvir une soif de nature, liée à cette géographie identitaire du pays.

La cabine est un endroit idéal pour se retrouver en famille. Son architecture simple,

brute et irrégulière, marquée par la temporalité permet un repère entre les générations. La proximité avec la rivière est importante car c’est là que se trouve l’eau courante pour boire, se nourrir et se laver. Un sauna se situe généralement à quelques pas de la cabine principale, il permet un instant de détente et de convivialité dans le respect d’une hygiène garantissant le confort de chacun. Son usage, revient à faire l’éloge de l’isolement. Elle permet de s’échapper de la routine quotidienne et procure le sentiment incroyable de pouvoir disposer d’un espace que l’on peut qualifier de refuge. C’est un habitat qui permet à l’homme un contact proche avec les éléments telluriques que son l’eau, la glace, le feu, la terre et l’air.

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En faire l’expérience pour quelques jours transforme notre notion du temps en particulier lorsque la source d’éclairage provient des lampes et que la vie dehors est rythmée par la luminosité disponible. L’atmosphère y est particulière. L’espace est sombre et petit. L’odeur est marquée par le feu qui crépite.

Les cabines sont donc qualifiées par des espaces restreints, faiblement éclairés et

sans équipement moderne, ce qui correspond habituellement à des taudis ou habitats perçus comme de faible qualité. Elles sont en réalités des habitats de qualité, dont l’architecture offre la possibilité de vivre des expériences sensitives, corporelles très intenses marquées par la temporalité des jours et des saisons.

J’ai alors saisi par cette expérience comment la cabane pouvait être un lieu de poésie

où l’esprit se déploie et part à la découverte de la nature sauvage. Sa figure alimente notre imaginaire, symptôme d’une nostalgie liée à l’enfance, au désir de protection et à la quête de refuge. Elles constituent également un modèle ou thème architectural qui inspire l’édification de résidences secondaires « intégrées au paysage » où la nature semble pénétrer à l’intérieur même de l’édifice. Les chasseurs-pêcheurs, les cueilleurs, édifient leur cabane pour y faire entrer des ressources issues de la nature (champignons, poissons, gibier). La démarche des architectes est semblable lorsque d’immenses baies vitrées laissent à voir le paysage naturel.

Ce qui nous attire chez les cabanes, c’est leur caractère inaccessible et reclus. En

s’établissant discrètement dans la nature, elles participent à la lecture du paysage qui les entoure et insufflent un nouvel élan à nos façons d’expérimenter un environnement naturel. Elles inspirent une certaine poésie du lieu par leur simplicité et le milieu habité qu’elles engendrent. Le projet de cabane synthétise le besoin humain de s’établir, l’économie et la géographie du lieu. Elle invite à comprendre un environnement au-delà de sa représentation visuelle, comme le proposerait une architecture située mais comme un milieu sensoriel et visuel perceptible par nos sens. C’est ainsi que j’ai compris la cabane n’était pas qu’une forme mais une réelle figure de l’habiter, à laquelle on aspire et qui pourrait se retranscrire dans des problématiques contemporaines de l’habitat. Il s’agit alors d’insuffler cette poésie de

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FIG 2 - Photographie personnelle d’un ponton et de sa cabine, près d’Oslo

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FIG 3 - Photographie personnelle d’un abri près du lac Agotvatnet sur l’île de Moskenesøya, Norvège

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l’ habiter dans un territoire, propre à la cabane dans le logement collectif. Ce mémoire explore les possibilités de corrélations entre paysage, anthropologie et architecture. Finalement le mémoire invite à considérer l’environnement naturel comme une ouverture pour réinventer nos espaces de vie.

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INTRODUCTION

L’archétype de la cabane dans les théories architecturales

En 1994, dans son ouvrage Le Plateau de L’Albatros, introduction à la géopoétique,

Kenneth White, poète écossais invite à retrouver les éléments d’un rapport sensible et intelligent à la Terre au travers d’un concept fort qu’il nomme géopoétique. Il l’a définie comme « une nouvelle cartographie mentale (...), d’un langage capable d’exprimer cette autre manière d’être au monde, mais en précisant d’entrée qu’il est question ici d’un rapport à la terre (énergies, rythmes, formes) (...), une poétique située »1. Cette démarche propose de développer un rapport sensible et ouvert entre l’Homme et la Terre, autrement dit, entre la matière et l’esprit2 et Kenneth White l’illustre en reprenant la formulation « L’homme habite en poète » énoncée par Martin Heidegger, philosophe allemand dans ses Essais et conférences publiées en 1958. En s’inspirant des poèmes d’Hölderlin, Heidegger établissait alors les liens entre l’acte de bâtir et l’être par l’analyse étymologique de l’intonation allemande « ich bin » signifiant « je suis ». Kenneth White reprend alors cette formulation pour justifier la place de la poésie dans l’action d’habiter devant un trait fondamental de la condition humaine. En architecture, la démarche géopoétique condamne la réduction de la trame vitale aux fonctions purement utilitaires pour développer une expérience phénoménologique de l’espace permettant de saisir le paysage en tant qu’objet culturel qui met en scène l’espace et le temps. L’arpentage dans cette approche, est un vecteur du processus de création qui permet une expérience du site reliant espace, moment et aspiration. Ainsi, Kenneth White se positionne vis à vis des considérations écologiques liées au développement durable en précisant : « La géopoétique a, sans aucune ambiguïté des liens profonds avec l’écologie.

1. WHITE Kenneth, Le Plateau de l’Albatros, introduction à la géopoétique, p.9, réédition de 2018, Éditions Le mot et le reste 2. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan

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Ce qui la différencie de l’écologie, ce qui fait qu’elle va plus loin, c’est que, là où celle-ci cherche à comprendre et à préserver le monde environnant , la géopoétique veut repenser radicalement le rapport de l’être humain au monde, opérer une véritable transformation culturelle. »3

L’architecte Jean-Paul Loubes4 transpose cette démarche dans le domaine de

l’architecture en introduisant la cabane comme figure de la démarche géopoétique. Ce médiateur entre poésie, nature et créativité est en effet devenu une potentialité à être un moment privilégié dans l’habitation de l’homme.

La figure de la cabane est un sujet qui a traversé l’histoire de l’architecture. Dès

le 1er siècle avant J-C, Vitruve, dans le tome II de son ouvrage De Architectura, la place à l’origine de l’architecture en tant que forme primitive de protection. Vitruve place la cabane comme première manifestation de l’homme de s’établir, son développant engendra le développement de l’architecture. Il déclare : « Doués d’ailleurs de plusieurs avantages que la nature avait refusés aux autres animaux, ils purent marcher droits et la tête levée, contempler le magnifique spectacle de la terre et des cieux, et, à l’aide de leurs mains si bien articulées, faire toutes choses avec facilité : aussi commencèrent-ils les uns à construire des huttes de feuillage, les autres à creuser des cavernes au pied des montagnes ; quelques-uns, à l’imitation de l’hirondelle qu’ils voyaient se construire des nids, façonnèrent avec de l’argile et de petites branches d’arbres des retraites qui parent leur servir d’abri. Chacun examinait avec soin l’ouvrage de son voisin, et perfectionnait son propre travail par les idées qu’il y puisait, et les cabanes devenaient de jour en jour plus habitables »5. Son archétype en tant que commencement et origine de l’architecture est ensuite repris par l’abbé Laugier, dans ses Essais sur l’architecture au milieu du 18ème siècle et par Gottfried Semper dans Du Style et de l’Architecture en 1834. Bien que les deux penseurs s’accordent sur l’expérience

3. WHITE Kenneth, Le Plateau de l’Albatros, introduction à la géopoétique, p.41, réédition de 2018, Éditions Le mot et le reste 4. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan 5. VITRUVE, De Arquitectura, Livre I & II, trad. nouvelle par M. Ch.-L. Maufras, publié par C. L. F. Panckoucke, 1847, collection Bibliothèque Latine-Française, http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Vitruve/index.htm

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des ressources de la nature que génère sa construction, ils diffèrent sur son intérêt. Laugier, défend la primauté de l’ossature de la cabane6 tandis que Semper s’intéresse à la paroi de la cabane qui génère un enclos et sentiment de protection.7

Le sujet de la cabane permet donc de renouer avec les questions de commencement

et d’origine pour initier un nouveau départ dans l’architecture. Son archétype invite à se replacer aux conditions initiales du développement de la culture humaine par rapport à un monde marqué par l’anthropisation où milieux et écosystèmes ont été transformés sous l’action de l’homme8. C’est dans cette dynamique que la maison Fallingwater (maison dans la cascade) de Frank Llyod Wright et le Cabanon à Roquebrune Cap Martin de Le Corbusier cherchent à redonner un souffle à l’architecture du milieu du 20ème siècle en prenant la forme de manifestes. La première maison invite à se reconnecter aux dynamiques de la nature. La seconde développe des raisonnements fonctionnels et minimalistes du projet d’architecture. Dans les deux projets, la figure de la cabane perdure dans l’imaginaire en véhiculant un idéal de protection, d’isolement et de proximité avec la nature. Cette forme archaïque a été réinterprétée par des architectes et artistes. Ainsi on peut voir dans l’œuvre A home is not a hole de l’architecte et artiste français, Didier Faustino et dans l’œuvre Gazebo de l’architecte italien Andrea Branzi, la conception d’une forme minimale habitable qui réinterroge les caractéristiques classiques de l’architecture liées à l’habitation pour atteindre une certaine sensibilité. Ces réinterprétations s’inscrivent dans une dynamique de renouvellement de l’habitat et dans l’exploration de formes d’habiter, plus simples qui entrent en résonance avec l’écosystème sauvage.

6. LUCAN Jacques, conférence ‘‘ Archaïsme et maniérisme ’’, colloque L’archaïque et ses possibles, organisé par le laboratoire GERPHAU à la Cité de l’Architecture et du patrimoine, 15 juin 2018 7. Ibid 8. LOUBES Jean-Paul, ‘‘ La cabane, figure géopoétique de l’architecture ‘‘, BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, Cabanes, Cabanons et Campements, 2000, Édition de Bergier

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Pourquoi la cabane ?

La cabane est définie dès 1387 en tant que « petite habitation sommaire » par

Phébus dans l’ouvrage La Chasse9, qui en précise la définition avec la mention suivante : « construction rudimentaire servant d’habitation, d’abri ou de resserre ». Elle est vue comme un archétype, en tant que forme qui persiste et qui interroge le projet d’architecture. On s’intéressera ici à cet objet hybride situé entre le simple abri temporaire isolé dans des milieux naturels sauvages et la construction chargée de valeurs multiples liées à la demeure permanente, qui s’inscrit dans une démarche de conception d’habitat.

En 1930, Dali a acquis sa première cabane à port Liligat en Espagne. Il la décrit

dans son journal Diari, comme un lieu tranquille, paisible où l’ambiance y est contrastée. Sa cabane est à la fois aride, sauvage, mélancolique et à la fois gaie, calme, lumineuse et remplie de brise. Elle renvoie Dali à comprendre le monde extérieur marqué par la crique, la végétation, le vent, le soleil et la topographie. Il y « habite en poète » et instaure une vie en harmonie avec les éléments du cosmos. Dès sa rencontre avec Gala en 1922, il annexe à sa première cabane d’autres structures et cette dernière se transforme peu à peu en maison (FIG 4). L’extérieur se détourne lentement pour venir se concentrer autour du maître et devient progressivement un palais populaire démesurément centré sur son propriétaire. La cabane est donc aux marges de l’architecture mais est ancrée sur terre en permettant à l’homme de renouer avec ses sens et son moi intérieur. Dans sa démarche, elle dépasse ce que l’on pourrait qualifier d’architecture située en proposant une façon d’habiter qui prend en compte le psychisme de l’habitant.

Dans son projet, l’Immeuble qui pousse (FIG 5), Edouard François réalise clairement

une introduction de la cabane dans le logement collectif. En suspendant de petites boites en bois, il construit et alimente l’imaginaire de l’isolement et de la protection généré par la cabane et le rend accessible au-delà de la maison individuelle. En 2004, il accorde une interview à l’association Le Recours aux forêts, fondée sous l’impulsion du film Eloge de la

9. CNRTL, définition de « cabane », http://www.cnrtl.fr/definition/cabane, consulté le 29 septembre 2019

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FIG 4 - Maison de Gala et Dali à Port Lligat, Cadaquès,1930

FIG 5 - L’immeuble qui pousse, Edouard François, Montpellier, 2000

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cabane réalisé par le cinéaste Robin Hunzinger et déclare: « Le projet aurait pu s’appeler Le balcon dans tous ses états : balcon-jardin pour manger, nombreux, entre amis. Balconscabane perché au milieu des arbres pour tête à tête plus intime. Balcon-plongeoir pour explorer, curieux, les frondaisons des cimes des arbres. Balcon-terrasse pour imaginer la maison individuelle. Mais il s’appelle l’Immeuble qui pousse.»10 Cependant ce projet pose des questions quant à l’introduction de la cabane dans ce type de programme. Quel renouveau de vie y a-t-il à introduire la cabane dans le logement ? N’y a t- il pas la possibilité d’une introduction plus sensible de la figure de la cabane dans les logements collectifs ? Comment s’exprime la figure géopoétique de la cabane dans ce type de projet ?

En étant à la fois archétype11 formel et conceptuel d’un architecture sensible, en

contact avec la nature et la sensorialité de l’habitant, la cabane est l’occasion d’être une référence pour envisager la poésie et la nature comme directions du projet d’architecture. Le mémoire cherchera donc à comprendre la cabane en tant que figure géopoétique qui peut s’introduire dans l’habiter collectif et posera la question : « Comment la figure de la cabane peut-elle servir à introduire une démarche géopoétique dans la conception de logement collectif? ». Il dépassera la question formelle de la cabane pour saisir les valeurs géopoétiques qu’elle propose. Il s’agit d’effectuer la transition d’une figure archaïque de l’intime pour en proposer une approche du groupé. La cabane en tant que démarche, servira de grille ou de filtre de lecture pour comprendre une approche géopoétique du logement.

Méthodologie

Le mémoire sera divisé en trois chapitres. Le premier intitulé ‘‘ La cabane : archétype

d’une sensibilité au territoire ’’ analysera l’objet de la cabane. Le second ‘‘ La poésie dans l’habitat ‘‘ proposera une réflexion philosophique sur la notion d’habiter. Et enfin ‘‘ Introduire la cabane dans le logement collectif ‘‘ analysera les réinterprétations de la cabane dans les

10. LE RECOURS AUX FORETS, «Les cabanes d’Edouard François», site officiel, 2004, http://www.lerecoursauxforets.org/ spip.php?article38, consulté le 10 novembre 2018 11. On prendra le sens énoncé par Jacques Lucan dans sa conférence ‘‘ Archaïsme et maniérisme ’’ au colloque L’archaïque et ses possibles, organisé par le laboratoire GERPHAU à la Cité de l’Architecture et du patrimoine, 15 juin 2018

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programmes de vivre en collectif.

IDENTIFIER LA CABANE UN ARCHÉTYPE DE NOTRE SENSIBILITÉ AU TERRITOIRE

La cabane est un objet convoité lorsqu’il s’agit d’envisager un archétype architecturale

qui dialogue avec l’environnement naturel et qui touche à la sensibilité de l’usager. C’est par cette dualité que Jean-Paul Loubes affirme qu’elle est une figure géopoétique. Mais alors en quoi cette construction primitive constitue t-elle archétype de notre sensibilité au territoire? La cabane possède la double casquette d’être à la fois un lieu d’éveil des sens et de la conscience dès l’enfance qui perdure à l’âge adulte et d’être un processus de développement de notre sensibilité à la nature12. Mais avant d’être un mode d’habiter, elle est une expérience constructive dans un territoire sauvage et hostile qui répond à des besoins de limites chez l’être humain. Comment l’édification de la cabane participe t-elle à nous rendre plus sensible à notre territoire ? Cette sensibilité est possible par les dispositions intellectuelles et spatiales qu’elle offre. Elle est, en effet, un espace de déploiement du psychisme où s’entremêlent rêveries, intimité et recherche de recueillement par ses dispositions spatiales. La cabane sera envisagée par ses valeurs liées à un mode de vie primitif permettant d’être un lieu d’éveil de la conscience et menant à une ouverture mentale au monde extérieur.

La cabane sera abordée sous divers prismes thématiques afin d’en saisir les

différentes spécificités par des réflexions croisées. Ce chapitre ne constitue pas une lecture historique ou disciplinaire de la cabane mais plutôt une compréhension des différentes valeurs et enjeux de la cabane qui l’inscrivent dans une démarche géopoétique. Cet argumentaire exclut la cabane humanitaire d’urgence et se concentre sur la cabane comme figure de l’habiter poétique. Des écrits d’ouvrages dédiés à la cabane seront confrontés à des projets d’espaces et d’habitats individuels qui utilisent la figure de la cabane comme inspiration afin d’affirmer une position sur un renouveau possible de l’architecture d’habitation. Dans un premier temps la cabane sera envisagée comme une expérience constructive. L’ouvrage de Rykwert, La maison d’Adam au paradis, de Tiberghien, Notes sur la nature… la cabane et

12. Notion qui sera développée en deuxième partie.

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quelques autres choses et de Semper, Du style de l’architecture, Ecrits, 1834-69 alimenteront la réflexion. Puis la cabane sera considérée comme un réel mode d’habiter qui éveille les sens et le psychisme de l’habitant et qui est le paradigme d’une dialectique dedans-dehors. Les ouvrages de Tiberghien, de Jean-Paul Loubes, Traité d’architecture sauvage et Cabanes, Cabanons et Campements dirigé par Brun, Dufour, Picon et Ribereau-Gayon enrichiront l’argumentaire. Une analyse de ces valeurs démontrera l’idée que la cabane est une figure de l’habiter géopoétique.

COMPRENDRE L’ HABITER EN GÉOPOÉTIQUE

L’expression « L’homme habite en poète » est fréquemment utilisée par Kenneth

White et Jean-Paul Loubes pour décrire la notion d’habiter propre à la démarche géopoétique. Cette expression a la particularité de mettre en relation les notions d’habitat, poésie et nature par le concept de cabane qui permet de proposer une nouvelle forme d’habiter. Mais alors qu’entendons-nous par habiter? Ce concept occupe une place prépondérante dans la figure de la cabane en étant ce sentiment chez l’être humain d’ « être au monde ». Le paragraphe analysera l’association des termes d’habiter et de poésie pour comprendre comment elle permet de reconfigurer les rapports humaines à la nature et d’éveiller une éthique de l’habiter. Dans un contexte actuel où la relation à l’environnement est devenu un enjeu fondamental de l’habitat, le mémoire interrogera le concept de nature et son rôle dans la configuration de nouveaux modes d’habiter. Questionner les modes d’habiter amène à s’interroger sur la différence entre habiter et loger. Si habiter désigne dans un premier temps « demeurer dans un lieu » en quoi habiter dans la cabane diffère de l’habiter dans un logement?

Des textes philosophiques rédigés par des sociologues et philosophes, intéressés

par les questions d’espaces et d’architecture dans la philosophie et l’anthropologie et publiés par Chris Younès et Thierry Pacot, viendront argumenter le propos. Il s’agira de saisir les enjeux philosophiques et les définitions autour des notions d’habitat et d’habiter en tant que notions fondamentales de la condition humain vis à vis de la nature. Puis l’argumentaire interrogera comment la reconfiguration du concepte de nature et la relation de l’être humain à cette dernière est devenu un enjeu d’ouverture éthique et de sensibilité au monde. Enfin

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il analysera la dissociation entre logement et habitat et comprendra la figure de l’habitat individuel comme remède à la perte d’identité du logement. La cabane servira de pivot afin de comprendre la mise en relation de ces notions pour comprendre une nouvelle manière d’habiter inédite et géopoétique.

ANALYSER LA TRANSCRIPTION D’ENJEUX GEOPOETIQUES DANS DES PROJETS

DE LOGEMENTS COLLECTIFS

Enfin, le mémoire proposera une relecture de projets de logements collectifs sous

le prisme de la cabane dont les intentions tirent ses valeurs de la géopoétique. Dans un premier temps il examinera des caricatures et dérives de réinterprétations de la cabane dans le logement collectif. Ces projets contemporains ne cherchent pas à réintroduire la notion de l’habiter géopoétique précédemment développée mais plutôt à s’inscrire dans une dynamique qui comprend la cabane comme une figure de désirs séduisante et attirante. Le mémoire s’intéressera finalement à deux projets où la figure de l’habiter géopoétique véhiculé par la cabane sont repris : la résidence La Cascade aux Arcs 1600 en Savoie de Charlotte Perriand et le projet La Canopée, à Bayonne au Pays Basque de Patrick Arotcharen. L’un est situé en forêt périurbaine et l’autre en montagne dans une station de sports d’hiver. Malgré leurs différences géographiques et climatiques, ces projets empruntent à la cabane une réelle volonté de créer un cadre de vie où les notions d’habiter et de géographie sont au cœur de l’intention architecturale. Cette analyse permettra de comprendre de ce que serait la cabane, en tant que figure pour une démarche géopoétique du logement.

Le mémoire répondra à la question « Comment la figure de la cabane peut-elle servir

à introduire une démarche géopoétique dans la conception de logement collectif? » en passant d’une approche théorique des valeurs de la cabane à une réflexion philosophique afin de nourrir une réflexion quant à la possible géopoésie du logement collectif sous le prisme de la cabane. Il ouvrira sur la géopoésie comme démarche paysagère et anthropologique sensible qui est nécessaire pour repenser les rapports entre environnement bâti, usager et dynamiques naturelles et environnementales.

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FIG 6 - Hutte caraĂŻbe, gravure, Gottfried Semper, 1851

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PARTIE 1 : LA CABANE, L’ARCHÉTYPE D’UNE SENSIBILITÉ AU TERRITOIRE

A - Entre protection primitive et expérience du lieu UNE FORME PRIMITIVE DE PROTECTION

A l’origine, la cabane est une construction simple et précaire dont la principale fonction

est d’abriter pour protéger des conditions extérieures. Son passé mythique est lié au récit des origines de l’humanité et de l’architecture13 et au besoin de l’être humain de s’installer dans son environnement. Par sa création, il délimite son espace afin de s’arranger sommairement un lieu, un englobement où il s’installera. Située entre la tente et la maison, son archétype constitue la première forme d’introduction du sentiment d’intimité dans l’habitat. Elle s’inscrit alors dans l’évolution de l’habitat nomade à sédentaire.

Semper s’intéresse à son archétype en tant que forme d’enclos générant un

sentiment protection et d’enclos.14 Il l’inscrit en tant que référence sur des théories de l’origine de l’architecte: « C’est l’élément le plus ancien et le plus important – l’élément moral (das moralische Element) de l’architecture. Autour de lui gravitent trois autres qui sont pour ainsi dire les entités protectrices (die Schützentden Negationen) qui protègent la flamme du foyer contre les trois éléments naturels : le toit, la clôture (die Umfriedigung) et le terreplein (der Erdaufwurf) »15. L’image de la hutte caraïbe (FIG 6) est associée à ce modèle des quatre éléments de l’architecture énoncés précédemment. Elle constitue le parfait exemple

13. RYKWERT Joseph, La maison d’Adam au paradis, 1980, Seuil 14. LUCAN Jacques, conférence ‘‘ Archaïsme et maniérisme ’’, colloque L’archaïque et ses possibles, organisé par le laboratoire GERPHAU à la Cité de l’Architecture et du patrimoine, 15 juin 2018 15. SEMPER Gottfried, Du style de l’architecture, Ecrits,1834-69, p.125, trad. Jacques Soulilon, 2007, Éditions Parenthèses

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de la prévalence de la clôture sur l’ossature, symbole de protection et d’enveloppement. L’architecture alors consiste en un abri clos qui rend l’espace habitable et se caractérise par un foyer central interagissant avec les éléments telluriques.

La construction de la cabane constitue donc une forme primitive de protection

et d’adaptation aux conditions extérieures hostiles à l’être humain. La création d’un milieu propice et agréable à l’être humain a induit sa sédentarisation et a développé sa sociabilité : « Ce fut donc la découverte du feu qui amena les hommes à se réunir, à faire société entre, à vivre ensemble, à habiter dans un même lieu. »16 Ainsi le besoin de se protéger a induit l’édification de la cabane et la confrontation de l’être humain à son milieu et à l’expérience constructive. Sa construction est animée par l’envie de se créer un enclos, un espace fermé où l’on se sent protégé dans un environnement agréable. Elle correspond au besoin de l’être humain de vivre dans un espace délimité. L’ouverture à l’environnement naturel qui l’entoure lui fait naître ce désir d’appropriation d’éléments indépendants de son existence. Le projet ne naît alors que par la confrontation physique et sensorielle de l’être humain à l’environnement comme le précise Jaques Souillon : « C’est dans l’enveloppement d’un morceau de réalité qu’il va se trouver du même coup transformé dans ses qualités visuelles, tactiles et thermiques ».17

UNE EXPÉRIENCE CONSTRUCTIVE

En effet, la cabane c’est d’abord l’exercice d’un travail manuel pour ériger son abri.

Bien que son étymologie signifie « petite maison », la cabane diffère de la maison par la génération d’une activité de tressage et tissage. C’est à ce travail manuel que Semper s’intéresse précisément comme origine de la construction et de l’architecture. Dans son ouvrage Du style de l’architecture, il souligne le rôle de la confrontation de l’être humain aux conditions climatiques dans le développement de cette activité manuelle : « Si l’influence du

16. VITRUVE, De Architectura, livre II, trad.Ch.-L Maufras, Paris, 1847, http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Vitruve/index.html, consulté le 29 septembre 2018 17. Introduction de Jacques Soulillou de, SEMPER Gottfried, Du Style et de l’Architecture, écrits 1834-1869, p.13, trad. Jacques Soulilon, 2007, Éditions Parenthèses

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Scanned by CamScanner

FIG 7 - Scène de construction de demeures primitives, bois gravé, côme, 1521

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climat et d’autres circonstances suffisent à expliquer ce phénomène historique et culturel, et même si nous ne pouvons en conclure que nous sommes en présence d’une règle immuable de l’évolution de la civilisation, il n’en demeure pas moins qu’on a commencé à construire au moment où naissait le tissage, c’est à dire la barrière composée de branches et de rameaux entrelacés, dont la fabrication exige une technique qui est, pour ainsi dire, un cadeau de la nature à l’homme.»18

Ainsi l’activité manuelle est liée à l’expérimentation et la transformation de la nature

en éléments culturels. Thoreau décrit précisément dans son ouvrage, Walden ou la Vie dans les bois le processus de transformation des éléments naturels en éléments de construction manipulés et appropriés par l’être humain. Chaque tronc est marqué « du nom de son propriétaire, taillé dans l’aubier à la hache ou foré à la vrille, assez profond pour ne pas être effacé au cours du flottage sans pour autant abîmer le bois. »19 Tiberghien s’intéresse à cette description pour insister sur le processus d’appropriation des éléments naturels par l’être humain qui transforme des matériaux d’un état naturel sauvage en éléments de structure, fragments de culture20. En poursuivant sur une réflexion à propos des cabanes d’enfants, construites de divers éléments détournés, il démontre la dilution de l’identité des éléments en les associant avec d’autres objets. Enfin il conclut sur le processus de la cabane qui emprunte à l’ancien et permet une fuite dans un monde nouveau où nous devons nousmême. Elle est donc un processus, un voyage et est la description d’un rêve possible par la transformation matérielle des éléments et la création dans un lieu d’un nouveau lieu où l’esprit et l’homme se dévoile.

Cette étape de la construction est donc liée à une expérimentation des possibilités de

la nature auxquelles l’être humain fait face et à ses connaissances a priori. Elle est liée à son besoin d’expérimentation, de transcendantal21 vis à vis de son corps et de ses possibilités

18. SEMPER Gottfried, Du style de l’architecture, Ecrits, 1834-69, p.123, trad. Jacques Soulilon, 2007, Éditions Parenthèsesv 19. THOREAU Henry David, Walden ou la Vie dans les bois, p.4, Éditions Albin Michel 20. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, mars 2005, Éditions du Félin 21. Ibid.

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physiques. Thoreau décrit le processus physique de construction, indispensable à sa démarche, faisant ainsi face à ses faiblesses et sa vulnérabilité vis à vis de la nature, hostile à son activité : « ainsi continuai-je durant quelques jours à couper et façonner du bois de charpente, aussi des étais et des chevrons, tout cela avec ma modeste hache. »22 Construire une cabane n’est pas un acte ordinaire parce qu’elle est la première confrontation de l’enfant avec l’art d’édifier. Cet acte est même unique parce qu’en général il ne se reproduira plus la vie durant. Dans nos sociétés actuelles, le pouvoir de construire est, en effet, délégué à d’autres et nous verrons que là réside, en grande partie, une perte dans la constitution d’un environnement intime dans l’habitat. Constitue une façon d’être présent profondément dans le monde propre à la démarche géopoétique.

La cabane n’est pas un projet descriptible avant sa mise en œuvre. Elle est avant

tout expérimentation.23 Elle n’est guidée que par le projet de se protéger et se constituer un environnement intime. Son invention résulte alors d’une négation entre climat, géographie et besoin. Ainsi elle ne possède pas de forme standardisée et est la plupart du temps faite de bric et de broc, matériaux collectés dans l’environnement proche. Gilles Tiberghien précise dans son analyse de la cabane, « La cabane n’est pas l’élévation d’un dessin ou la composition anarchique de formes. C’est une résultante de forces contradictoires et les éléments dont elle est composée sont tendus vers des structures plus vastes, des constructions invisibles qui desserrent la limite inter, indécidable a priori »24. L’être humain dans son état de nature est placé en tant qu’interprète de la nature qui déchiffre les signes et dont les rêves et les interprétations sont des constructions matérielles. Ce processus est un moment de symbiose entre la nature, la créativité l’expression du constructeur et les éléments de la géographie. C’est ainsi qu’elle s’inscrit dans une démarche géopoétique en étant la résultante d’une sensibilité du territoire et d’un besoin de l’habiter.

22. THOREAU Henry David, Walden ou la Vie dans les bois, p.45, Éditions Albin Michel 23. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, mars 2005, Éditions du Félin 24. Ibid., p.68

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FIG 8 - Architecture : its natural mode, Joseph Michael Gandy, 1838

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RÉVÈLER LE CARACTÈRE DU LIEU

Construire une cabane, en avoir le désir, puis le projet, enfin l’accomplir, suppose

aussi une perception fine des choses et c’est en ce sens qu’elle a ce titre une situation géopoétique. L’expérimentation du site, via une compréhension et une analyse sensible est nécessaire pour en tirer les avantages et mettre en valeur ses caractéristiques. Tirer parti du lieu permet de rendre sa cabane plus agréable à vivre tant pour des considérations thermiques que paysagères comme le précise Jacques Soulillou dans l’introduction de l’ouvrage de Semper : « Il y a très clairement chez Semper un concept de Sud, qui ne renvoie pas à une localisation géographique précise mais à un état où les conditions optimales de lumière et de chaleur sont réunies pour que prenne naissance dans toute sa pureté le principe de revêtement. »25

La cabane se négocie avec le site, les matériaux présents et les outils disponibles.

L’invention se produit en fonction des ressources mais également de l’exploration des possibilités des matériaux. Imiter la nature c’est également la glorifier et prendre les éléments que l’on souhaite reproduire et célébrer. Vitruve place ainsi l’imitation de la nature à la base de l’architecture : « Doués d’ailleurs de plusieurs avantages que la nature avait refusé aux autres animaux, ils purent marcher droits et la tête levée, contempler le magnifique spectacle de la terre et des cieux, et, à l’aide de leurs mains si bien articulées, faire toutes choses avec facilité: aussi commencèrent-ils les uns à construire des huttes de feuillage, les autres à creuser des cavernes au pied des montagnes; quelques-uns, à l’imitation de l’hirondelle qu’ils voyaient se construire des nids, façonnèrent avec de l’argile et de petites branches d’arbres des retraites qui parent leur servir d’abri »26. Finalement, l’imitation de la nature a longtemps été le moteur d’innovation tant techniques, scientifiques qu’architecturales.

Architecture: Its Natural Model, specimen six, (FIG 8) est une œuvre picturale de

25. Introduction de Jacques Soulillou de, SEMPER Gottfried, Du Style et de l’Architecture, écrits 1834-1869, p.18, trad. Jacques Soulilon, 2007, Éditions Parenthèses 26. VITRUVE, De Architectura, livre II, trad.Ch.-L Maufras, Paris, 1847, http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Vitruve/index.html, consulté le 29 septembre 2018

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Joseph Michael Gandy sur les enchevêtrements du temps humain et géologique. Au premier plan, se trouve un groupe de primates (une allusion à l’évolution humaine) fabriquant une hutte primitive par le pliage et le froncement des branches d’arbres. Devant la hutte, un primate à la tête simienne et au corps humain perché, « ignorant le fragment basaltique sur lequel il est assis, les ruines à facettes et monumentales de cette géologie de la normalisation se répandant tout autour de lui »27. Derrière cette hutte se cache la grotte de Fingal, une attraction touristique géologique en Écosse, transmettant le message: « L’histoire future de l’architecture était déjà inscrite dans le paysage, n’attendant que la civilisation humaine se rattrape ».28

Finalement la cabane est une sorte d’instrument analytique qui reconfigure notre

vision du territoire et de l’environnement en invitant à le comprendre. Elle rend visible ce qui était alors invisible en transformant l’environnement en lieu. Selon Charney, la cabane est susceptible de produire un contrepoint fonctionnant non comme un mythe d’origine mais plutôt comme un schème prospectif en citant l’exemple suivant : « Prenons le cas d’une cabane rustique découverte sur la rue Logan, à Montréal, pas très loin de la prison Parthenais, ou une autre à Laval ou encore dans les Laurentides. Elles montrent toutes des constructions réalisées à partir de l’assemblage de matériaux récupérés des détritus de notre vie contemporaine: clous rouillés, vieilles portes, blocs de béton fissurés, autobus accidenté, etc. Ce sont d’autres cabanes rustiques à d’autres moments de l’histoire: un modèle essentiel de la création architecturale. Elles confirment la venue d’une architecture qui se retrouve dans une préfiguration nouvelle et consciente des images d’images, des symboles de symboles et des signes de signes »29. Il voit ainsi la cabane comme une invitation à repenser l’architecture

27. Traduction personnelle « unaware of the basaltic fragment on which he is seated, the faceted and monumental ruins of this Classicizing geology spilling all around him. » Citation extraite de Brian Lukacher, Joseph Gandy: An Architectural Visionary in Georgian England, p.189, 2006, London: Thames and Hudson, par KULPER Amy Catania, dans ‘‘ Architecture’s Lapidarium: On the Lives of Geological Specimens ’’, Architecture in the Anthropocene: Encounters Among Design, Deep Time, Science and Philosophy, dirigé par Etienne TURPIN, https://quod.lib.umich.edu/o/ohp/12527215.0001.001/1:11/--architecture-in-the-anthropocene-encounters-among-design?rgn=div1;view=fulltext, consulté le 29 septembre 2018 28. Ibid, traduction personnelle « the future history of architecture was already written in the landscape, merely waiting for human civilization to catch up » 29. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, p.81, mars 2005, Éditions du Félin

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au travers de la cabane comme une possibilité de révéler le caractère d’un lieu et de s’inscrire dans un paysage.

Etre confronté à la cabane, c’est se retrouver dans une situation où l’on est confronté

à l’immensité de la nature. La cabane rend visible la nature car elle est un dehors sans être une véritable intériorité que ce soit dans la nature sauvage ou dans la ville. C’est un lieu psychique mais également un opérateur de visibilité qui permet de montrer à la manière qu’on développe une photographie. Ainsi l’origine de l’architecture selon Charney vient de l’imitation de la nature et c’est de ce procédé que l’art doit sa naissance. Dans la cabane, on retourne dans une forme de constructive primitive où la question des besoins physiologiques diminue pour être ramenée au stricte minimum. Ainsi la dimension psychologique de l’usager est développée pour s’éveiller.

B - La cabane en tant que situation UN MODE DE VIE LIE AUX BESOINS PRIMITIFS

Par son statut primitif et précaire, l’espace de la cabane est inadapté aux dimensions

du corps humain et nécessite une adaptation de ce dernier. L’espace est minimal et répond aux premiers besoins de l’être humain. La cabane est ainsi séparée de l’espace architectural. Les mouvements de l’être humain n’y sont pas les mêmes que dans la maison individuelle. Elle est donc une culture qui prend les habitudes et les transpose dans un environnement donné. L’espace y est également optimal en étant pensé rationnellement et fonctionnellement.

C’est ainsi qu’au milieu des pins du Cap-Martin dans les Alpes Maritimes que

s’établit le Cabanon (FIG 9) en bois de Le Corbusier, archétype de la cellule minimale. Par un geste fort, Le Corbusier réalise le minimum dans un site exceptionnel. Reclus, l’accès s’y fait progressivement en empruntant un sentier en pente qui descend vers la mer pour arriver au site. L’intérieur est très sobre et très peu meublé. Trois fenêtres sont implantées pour donner à voir le spectacle environnant du règne minéral, végétal et marin. Cette modeste baraque tente de renouer ainsi avec le mythe de la cabane originelle liée aux besoins primaires.

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FIG 9 - Le cabanon, Le Corbusier, Rocquebrune Cap-Martin, 1951

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FIG 10 - Photographie d’anciens moulins et de leurs accès près de Trondheim en Norvège

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Ainsi les fonctions intérieures minimums sont liées au foyer et les fonctions secondaires

déployées à l’extérieur. Une rivière, devient un espace à part entière de la cabane car elle permet un accès à l’eau pour boire et se laver. De même, le site extérieur est un lieu de stockage des ressources (dont le bois) pour produire du feu et de la chaleur. En Norvège par exemple, un sauna est souvent adjoint à la cabane pour être un lieu de purification où l’on se soigne. La cabane n’est pas réduit à l’espace au foyer. L’accès extérieur fait parti du processus de la cabane. Ainsi nous pouvons voir sur cette photographie (FIG 10) comment les accès des anciens moulins font partis intégrante de l’architecture de ces petites cabanes et accentuent la lecture du paysage et de la géographie du lieu.

La cabane dans son espace, est amenée à évoluer avec le temps en fonction des

besoins. Cet habitat est organique en étant un « chantier en perpétuelle transformation, un assemblage qui peut être monté et remonté à tout moment.»

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Elle propose ainsi une

nouvelle culture d’habiter, moins invasive en permettant le renouvellement des ressources, qui se détache des modèles dominants et qui propose ainsi des espaces où l’esprit et le psychisme peuvent s’y déployer.

MARGINALITÉ ET ISOLEMENT

L’habitat dans la cabane est associé au refuge en tant que complément, un espace

d’isolement supplémentaire par rapport à l’habitation, devenu un espace social. Y habiter, constitue un acte radical. Etant située en marginalité, elle est une expérience, un exercice de pensée vis-à-vis de la société et permet de la réinterroger.31 C’est ainsi que Thoreau qualifie son expérience dans sa cabane à Walden comme un exercice de pensée où l’on ne dépend que de soi pour ne pas se préoccuper des inquiétudes extérieures.32 Les usagers d’une cabane cherchent à fuir le quotidien en se situant hors du temps. Elle devient donc un échappatoire à la vie urbaine, rapide et stressante : « A la dichotomie entre vie de travail et

30. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, p.68-69, mars 2005, Éditions du Félin 31. Ibid. 32. THOREAU Henry David, Walden ou la Vie dans les bois, Éditions Albin Michel

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FIG 11 - Huts, Tadashi Kawamata, Centre George Pompidou, Paris, 2010

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vie familiale, les hommes de certaines régions répondent par l’échappatoire du cabanon. »33 Les Huts de Kawamata (FIG 11) réinterprètent l’imaginaire de l’isolement véhiculé par la cabane. Loin de l’agitation de la ville, à l’instar des nids d’oiseaux, elles affirment leur identité et leur marginalité. Comme un lieu de recueillement, la pièce principale ne s’offre pas directement à voir. A la fois intérieur et extérieur, cet abri force au calme et à la méditation, aux murmures d’église et aux bruits de la nature. La matérialité de bois assemblés aléatoirement reflète le désordre et l’accumulation des matériaux que l’on peut trouver en ville.

La cabane a toujours eu une portée symbolique importante dans la littérature.

Marquée par la marginalité, elle est un élément clé des contes et histoires, un lieu de passage où s’opère un changement de statut social; un moment où le héros obtient une aide conséquente qui fera basculer le récit. Selon l’article de Josiane Bru intitulé ‘‘ Une fille dans la cabane : ou l’entre-deux maisons dans les contes populaires ‘‘

, à l’intérieur de

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cet abri, le corps se transforme et les désirs naissent pour accomplir des actes marquants. Ce refuge est important pour les enfants et constitue une transition entre l’espace familial et l’espace social. Sophie Sauzade précise dans son article ‘‘ Cabanes : lieux de l’enfance ‘‘ 35 qu’il est aussi un lieu secret d’activités préférées, où les distinctions sociales disparaissent et dans lequel les adultes recréent les souvenirs de leur enfance. Dominique Bachelard dans son article ‘‘ « S’encabaner », art constructeur et fonctions de la cabane selon les âges ‘‘ montre l’évolution des fonctions de la cabane et son importance dans le développement de l’enfant à l’adolescent. Il révèle l’importance des « aires transitionnelles » et de la fonction des jeux dans le développement de l’enfant en s’appuyant des études de pédopsychiatres et de psychanalystes. Selon les âges, la cabane est en effet, refuge, espace de jeux moteurs, de jeux de socialisation, espace solitaire, de découverte de l’autre sexe. 36

33. PICON Bernard dans BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, Cabanes, Cabanons et Campements, p.349, 2000, Édition de Bergier 34. BRU Josiane, ‘‘ Une fille dans la cabane : ou l’entre-deux maisons dans les contes populaires ‘‘, dans Cabanes, Cabanons et Campements, dirigé par BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, 2000, Édition de Bergier 35. SAUZADE Sophie, ‘‘ Cabanes : lieux de l’enfance ‘‘, dans Cabanes, Cabanons et Campements, dirigé par BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, 2000, Édition de Bergier 36. BACHELARD Dominique, ’’ « S’encabaner », art constructeur et fonctions de la cabane selon les âges ‘‘, Éducation relative à l’environnement [En ligne], Volume 10, mis en ligne le 20 décembre 2012, http://journals.openedition.org/ ere/1029, consulté le 2 décembre 2018,

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Ce type d’abri constitue également un symbole de recueillement, d’isolement, en

particulier dans la culture japonaise 37. Situé souvent soit dans la forêt dite sacrée ou même en cœur de la ville pour les pavillons de thé, il permet le recueillement et particulièrement la redécouverte de soi. Cette idée renforce le caractère transitoire de la cabane qui permet d’aller vers le non quotidien. C’est un lieu de transition où s’opère des passages d’un opposé à l’autre comme le quotidien et le non quotidien, l’éphémère et le durable, le dedans et le dehors (par son espace et l’utilisation des matériaux). Dans la filmographie américaine également et particulièrement dans le film Citizen Kane de Orson Welles, où la cabane joue un rôle important dans la résolution de l’énigme autour des derniers instants de Charles Foster Kane. Elle acquiert sa force symbolique tout au long du film en étant un élément clé de compréhension de la personnalité de Kane qui voit en elle la nostalgie d’une innocence liée aux souvenirs de l’enfance.

VOYAGE DANS L’INTIMITÉ

L’intérieur des cabanes par leur atmosphère participe au confort psychologique et

psychique de l’usager. Dès l’origine, elles sont le symbole d’un monde façonné par l’être humain : « La vie domestique s’est développée dans ces huttes, par opposition à la vie libre dans la nature, pleine de souffrances et de luttes. Elles devinrent de petits mondes en soi, excluant tout ce qui n’appartenait pas à la famille, à la seule exception de la lumière amicale du jour passant à travers des trous laissés dans le mur. La famille et les animaux domestiques profitaient également de la protection du toit. Les huttes se dressent isolées, formant des groupes irréguliers dans le paysage naturel, essentiellement le long des berges accueillantes de quelque rivière ou ruisseau. » 38

37. HLADIK Murielle, ’’ Cabanes, ermitages et pavillons de thé au Japon. Lieux de réclusion, d’isolement ou de méditation ‘‘, dans Cabanes, Cabanons et Campements, dirigé par BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, 2000, Édition de Bergier 38. SEMPER Gottfried, Du Style et de l’Architecture, écrits 1834-1869, p.192, trad. Jacques Soulilon, 2007, Éditions Parenthèses

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FIG 12 - Cabane construite par Wittgenstein en Norvège à Sognefjord entre 1914 et 1921

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Elle deviennent un lieu de voyage à la fois dans la nostalgie de l’enfance mais

également dans un espace transitoire qui permet de passer dans un monde imaginaire où se déploient les pensées et l’inconscient.39 Cet instrument psychique est lié aux rêves et aux souvenirs. Par ses dispositions, la cabane devient un lieu de transformation car elle permet des dispositions intellectuelles.40 C’est un lieu de dépassement et déploiement de soi.

La cabane de Wittgenstein (FIG 14), construite entre 1914, en Norvège lui a permis

de se retrouver et de poursuivre son travail philosophique. Ce qui caractérise cette cabane, c’est le caractère quasi inaccessible du lieu et sa situation d’isolement total. Selon lui, vivre dans une cabane c’est sortir du monde des futilités. Dans ses Carnets rédigés entre 1914 et 1918, il décrit ses dispositions intellectuelles, ses luttes intérieurs, l’avancée de son travail. Cette cabane est pour lui un lieu de méditation et de réclusion qui lui a permis d’avancer dans son travail de philosophe.

La cabane est finalement en lien avec les corps dynamiques de la nature mais

également avec notre corps dynamique et organique. Ce corps doté d’une âme qui le pilote, comme le dit Aristote, s’oppose au corps en tant qu’objet avec qui la maison entretient une relation. La cabane apparaît finalement comme situation. Dans les mythes évoqués par la littérature, elle est notamment une sorte de machine à rêver. Comme disait Freud dans La Science des rêves, elle est un lieu psychique41. C’est un instrument qui permet un « rêve d’un voyage immobile et sans fin » comme disait Laurence Kahn42 en qualifiant la cabane de « petite Maison dans l’âme », car les cabanes sont aussi des images en nous aidant à nous plonger dans des pensées, des imaginaires et des rêves. Ces images sont favorisées par une disposition propre à cette construction d’être un paradigme de la dialectique dedansdehors.

39. BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, Cabanes, Cabanons et Campements, 2000, Édition de Bergier 40. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, mars 2005, Éditions du Félin, 41. Ibid 42. Référence utilisée par Gilles Tiberghien dans Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, p.48, mars 2005, Éditions du Félin

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FIG 13 - GAZEBO, Andrea Branzi, Fondation Cartier, 2008

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DIALECTIQUE DU DEDANS DEHORS

L’espace de la cabane n’est ni clos ni fermé car il dialogue avec l’extérieur en se

projettant. En effet, « les éléments dont elle est composée sont tendus vers des structures plus vastes, des constructions invisibles qui en desserrent la limite interne, indécidable a priori.»43. Chaque élément de l’environnement proche devient alors un lieu discernable et identifiable, une extension et un espace qui fait partie intégrante de l’abri.

L’environnement est inclus dans cette enveloppe formelle de la cabane par les

porosités et opacité conçues. La structure Gazebo (FIG 13) exposée à la fondation Cartier par Andrea Branzi dans le cadre d’une exposition rétrospective de son travail intitulée Andrea Branzi, Open Enclosures en 2008 révèle les conceptions de Branzi de la nature et de ses modes de conceptions comme modèles conceptuels pour l’architecture, ainsi que des forces avec lesquelles ils peuvent interagir. A la manière d’un kiosque traditionnel, l’installation d’Andrea Branzi est un pavillon minimal doté d’éléments décoratifs. Des formes de tressage en métal et de verre organique ornent ses côtés en fines barres d’acier, ajoutant sensualité et couleurs délicates. À l’intérieur, l’artiste a placé une « maison verticale », un meuble modulaire pouvant assurer diverses fonctions domestiques : lit, étagères ou espace de travail, transformant ainsi cette installation en un espace de vie imaginaire. Un belvédère est généralement un abri à partir duquel on peut contempler le paysage. Ici la nature n’est plus une décoration passive. Elle possède sa propre énergie « faible », semblable à l’énergie électronique qui a transformé les villes de manière invisible. Il intègre donc des plantes et des fleurs dans ses installations. Fragile, délicate et poétique, mais surtout radicale cette structure hybride illustre ce que l’artiste appelle « une modernité faible et diffuse », où perméabilité, temporalité et flexibilité sont les concepts-clés de l’architecture et du design du XXIe siècle.

43. TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, p.27, mars 2005, Éditions du Félin

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FIG 14a - Villa Schreiner, Sverre Fehn, Langmyrenda, 1959-1963

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FIG 14b - Villa Schreiner, Sverre Fehn, Langmyrenda, 1959-1963

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« La distance entre le monde naturel et le monde artificiel n’existe plus, car ce dernier est devenu un second monde naturel. Donc lorsque je réunis ensemble nature, techniques, industrie, art et artisanat, haute technologie, archétypes, tout devient plus clair. »44

En plus d’être l’enveloppe du lieu créé, l’environnement s’introduit dans l’espace

architectural intérieur comme prolongement de celui-ci. L’architecture scandinave applique un regard renouvelé de l’architecture en considérant la condition de tout objet architectural comme étant situé dans son lieu avec une intervention minimaliste et respectueuse. En effet, la géologie, la forêt, l’océan, les îles, les fjords sont des manifestations de la nature, spectaculaires en Scandinavie qui laissent l’être humain rare et petit. Les projets d’architectes norvégiens ou finlandais s’efforcent d’être capteur du cosmos, en résonance avec le ciel, l’horizon de glacier ou de fjords un couvert de verdure ou un environnement rocheux. La villa Schreiner (FIG 13a & 13b) de Sverre Fehn illustre cette relation de proximité avec l’environnement extérieur en possédant de larges parois vitrées qui coulissent et ainsi prolongent l’espace intérieur vers l’extérieur.45 Elle s’inspire des cabines norvégiennes qui abolissent les dualité nature/culture. Dans cette villa, les limites dedans/dehors s’effacent par des dispositifs architecturaux dont la projection de l’espace intérieur à l’extérieur et inversement. L’ environnement de proximité est une pièce à part entière de la cabane/villa.

En effet, archétype d’une approche sensible du territoire, la cabane entretient

une relation dynamique avec l’environnement et cela permet d’imaginer des approches architecturales futures plus en lien avec les éléments naturels. En s’adaptant à son environnement, elle se fond dans son contexte pour le révéler, que ce soit en ville ou dans la nature la plus sauvage et permet à son environnement le plus proche de devenir un réel lieu qui entre en résonance avec l’espace intérieur.

44. «The distance between the natural world and the artificial world no longer exists today, because the latter has become second nature. So when I gather together nature, techniques, industry, arts and crafts, high technology and archetypes, everything seems much clearer» Traduction personnelle. BRANZI Andrea, interview avec Cristina Morozzi, ‘‘ La poétique de l’équilibre ‘‘, dans Branzi, de BURCKHARD François et MOROZZI Cristina, p.82, Éditions Dis Voir 45. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan

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POUR CONCLURE

En étant originellement une enveloppe et une expérience constructive de délimitation

de l’espace, la cabane est un lieu d’éveil des possibilités de l’être humain en tant que être vivant faisant parti d’une immensité appelée nature. Elle est la manifestation de l’acte de s’établir et sa construction résulte d’une expérience sensible, à la fois physique et sensorielle de l’environnement proche : protection vis à vis de celui-ci, utilisation des matériaux locaux, inscription dans un paysage, organisation centripète des usages. Par sa situation marginale, elle favorise des dispositions intellectuelles et participe au développement d’une personnalité en étant la synthèse d’une nostalgie de l’enfance et d’un voyage vers la révélation d’un environnement naturel.

La cabane comme le nid de Bachelard, est un lieu fragile et éphémère où l’être

humain s’isole, où son psychisme se déploie. Elle propose définitivement une nouvelle manière d’habiter dans laquelle notre corps en tant qu’objet physiologique entre en dialogue avec l’environnement naturel. Elle constitue ainsi une figure géopoétique de l’habitat en rapprochant poésie, habitat et nature. Cependant, pour se construire et s’accomplir, l’être humain a besoin de la maison qui le protège et qui répond à ses aspirations en tant qu’être sédentaire. Ainsi l’inclusion de la cabane en tant qu’habitat informel dans la maison, questionne notre façon d’habiter le monde pour proposer une approche plus intense de notre façon de demeurer et d’être éveillé à son environnement naturel.

Mais alors qu’entendons-nous par habiter lorsque Heidegger le concilie avec le terme

«poésie» dans la formule reprise d’Hölderlin « L’homme habite en poète »? Si on comprend la poésie dénudée de son sens esthétique comme un papillonnement, une excitation intérieure propre à l’être humain, dirigée vers l’irréel et l’esthétique, quels sont les liens qui s’établissent entre la poésie, habitat et condition humaine?

Il est important alors de distinguer cabane et maison. En étant un habitat à caractère

éphémère, la cabane ne témoigne d’aucune tentative de patrimonialisation et ne prétend aucunement être «ni témoin du passé, ni orgueil du présent» comme le précise Bernard

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Picon46. Ainsi, elle diffère de la maison. La cabane résiste aux essais de classification. Toute tentative de définition trop stricte perdrait d’ailleurs la richesse de son acceptation. Cette dernière concourt au double objectif d’être conservatoire d’un héritage et d’être un dispositif de représentation de ses habitants. La cabane est donc un espace de solitude et d’immensité intime, un lieu tourné vers l’extérieur alors que la maison est un espace socialisant. C’est un endroit à montrer et qui est revendiqué par son propriétaire, centrée sur lui-même. La cabane et non la maison est un archétype s’inscrivant dans une démarche d’habiter mais aussi de dialectique avec l’environnement naturel comme le suggère le préfixe « géo- » de géopoétique renvoyant à la géographie.

La compréhension de la notion de géographie revient à s’intéresser à la notion d’

environnement naturel et donc de nature comme précisé précédemment. Mais alors quels sont ces liens établis entre habitat , être poétique et nature ? De plus, il s’agira contextualiser également les enjeux autour du logement et à comprendre en quoi loger diffère d’habiter et pourquoi l’introduction de figure archétype dans le logement s’inscrit dans une logique de recherche de nouvelles formes d’habiter du logement?

46. BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, Cabanes, Cabanons et Campements, 2000, Édition de Bergier

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PARTIE 2 : HABITER ET POÉSIE

A - « Habiter en poète » HABITAT, HABITER, HABITATION : CONSTITUTION D’UN CADRE DE VIE

Les termes « habiter »47, « habitat » et « habitations » sont liés par leur étymologie.

Le verbe « habiter » a acquis des valeurs au cours des siècles pour passer d’une définition formelle désignant l’action de « s’établir » dans un lieu naturel ou urbain à des concepts plus philosophiques et sociologiques traitant des rapports entre les êtres humains et l’environnement proche. Le concept d’habiter48 va évoluer pour définir l’action sédentaire de s’établir. A l’antiquité, l’idée de fréquence et d’habitude définissent « habiter ». Il est en effet, issu du verbe latin habitare signifiant « avoir souvent » dont le mot latin dérivé habitudo signifie « habitude » en français. Ce n’est que vers 1050 qu’ « habiter » renvoie à la sédentarisation et au fait de « rester quelque part ». Il est alors restreint aux actions de « demeurer » ou de « rester » et donc de « séjourner ». Vers la fin XVème siècle, « habiter un pays », signifie alors le peupler.49 On voit les prémisses de la constitution d’une identité autour de l’action d’habiter. Habiter, c’est s’établir et marquer son empreinte. L’être humain cherche à exprimer son existence d’une certaine façon vis-à-vis du monde en faisant acte de rester dans un lieu et de se l’approprier.

47. Les termes utilisés entre guillemets réfèrent au mot même ou à sa définition.. 48. Les termes utilisés en italique renvoient aux concepts et notions véhiculées par le terme. 49. PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris, ‘‘Habitat, Habitation, Habiter, précisions sur trois termes parents’’, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, 2007, Éditions La Découverte

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Si le terme « habiter » est historiquement lié uniquement à l’action de « vivre », au

sens de « rester le plus souvent », dans un lieu ou dans un périmètre donné, le nom commun « habitation » qui lui est dérivé renvoie à la « demeure » et l’idée de protection. Ce dernier est issu du latin habitatio et exprime « le fait d’habiter » la demeure. Le verbe « habituer » a aussi longtemps signifié « habiller » comme son étymologie latine le laisse entendre, mais habituari veut également dire « avoir telle manière d’être », et également fait référence à l’apparence et donc aux vêtements, ce qui enveloppe. Cependant l’habitus en latin renvoie à l’« ensemble de cadres qui permet à l’individu de se situer de façon autonome par rapport à eux ».50

L’ « habitation » renvoie donc au cadre englobant qui protège l’être humain mais

qui lui sert également d’apparat. Cette notion joue sur les questions d’intimité en étant une protection enveloppante et une apparence en tant qu’expression de l’existence au monde et de son identité. Il s’agit donc de s’établir dans un cadre qui assure cette double fonction d’être toute en intériorité et extériorité. Le lieu où l’on habite, désigné par l’ « habitation » désigne finalement l’espace perçu de l’intérieur mais également l’extérieur où l’être humain évolue. Elle correspond au lieu de réclusion qui enveloppe et qui permet à l’usager de se retrouver dans une zone de confort, bien-être physique dans un premier temps puis psychologique en acquérant des valeurs de propriété et devant un « chez soi ». Mais elle correspond à l’espace délimité possédé par son habitant établissant un périmètre de protection et de possession vis à vis du reste du groupe social. L’habitation est en ce sens liée à la maison individuelle et au logement en étant une propriété foncière occupée par des usagers qui est à la fois un lieu d’enfermement vis-à-vis du monde et un espace social que l’on possède où l’exposition de sa personnalité s’entretient. Si la cabane devait être assimilée à l’habitation, elle se réduirait à l’enveloppe physique qui établit une frontière entre l’être humain et l’environnement extérieur. Elle est à l’instar de l’habitation un lieu de protection vis-à-vis de l’extérieur mais par sa marginalité et sa modestie elle ne constitue en aucun cas un espace social. En 1960, des approches de l’habiter sont donc envisagées par les sciences sociales et philosophiques ce qui va donner une véritable légitimité à la notion. Aujourd’hui il s’agit de s’intéresser à

50. PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris, ‘‘Habiter pour exister pleinement’’, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, p.6, 2007, Éditions La Découverte

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ces pratiques de l’habitation en considérant l’ habiter non plus comme une simple action de « demeurer » mais comme des pratiques propres aux êtres vivants, qui alimente ce besoin premier d’appropriation d’un lieu. Une nouvelle forme de rapport au monde s’établit par la conception et l’usage de l’ « habitat », terme contemporain, pour désigner le lieu des pratiques de l’habitant.

Au 19ème siècle, le terme « habitat » appartenait au vocabulaire de la botanique

désignait « un territoire occupé par une plante à l’état naturel » et renvoyait à des conditions biologiques. Très vite, ce terme s’est introduit dans les sciences de la terre pour désigner « un milieu géographique adapté à la vie d’une espèce animale ou végétale »51 puis en sociologie et philosophie, pour adopter une définition plus contemporaine décrivant alors un « mode d’occupation de l’espace par les individus et les groupes ». On a là deux notions du « cadre de vie » propice à l’évolution d’une espèce par sa composition ou conception et son appropriation et utilisation. Ainsi les concepts d’ habitat, d’ habitation et d’ habiter ont évolué pour passer d’une vision centrale du lieu de pratique de l’habiter par l’être humain pour désigner un cadre de vie général vis à vis d’un environnement ou d’un groupe. La maison individuelle, la cabane et le logement sont des lieux de pratiques de l’habiter qui leur sont propre, les habitudes y sont différentes par les modes de vie qu’ils proposent. La maison est un lieu de pratiques sociales, adapté aux événements de groupe tandis que la cabane est un lieu d’introversion sur soi-même. Le logement52 (collectif ou individuel) propose une véritable introversion vers le logis, tandis que la cabane propose un habitat qui s’étend au delà du périmètre architectural. La rivière, le bois, les végétaux sont des composants essentiels au cadre de vie et aux pratiques de l’usager. Le terme d’ « habitat » ne se restreint alors pas nécessairement au logis.

On constate souvent une utilisation abusive de l’association des termes « habitat

social », « habitat individuel », « habitat dense », « habitat temporaire», « habitat modulaire »,

51. LUSSAULT Michel, ‘‘Habiter, du lieu au monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain’’, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, p.5, PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris, 2007, Éditions La Découverte 52. Terme approfondit dans le chapitre ‘‘ La perte d’identité de l’habitat dans le logement. ’’

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« habitat écologique », « habitat innovant » ou encore « habitat économe » dans les théories sur l’habitat humain. L’habitat souffre d’un enfermement dans sa qualification formelle de « lieu où l’être humain dort »53. En effet, Lussault dénonce dans son ouvrage, une utilisation trop résidentielle du terme d’ « habitat » , identifié à un « espace où un individu ou groupe est installé pour y demeurer, et habiter ».54 Généralement ce terme est centré sur le logis, mais ce n’est pas seulement un contenant mais une organisation spatiale qui est support de pratiques d’espaces périphériques. L’ habitat en effet dépasse l’enveloppe physique de l’habitation pour désigner des lieux où des pratiques de l’ordre de l’habitude ont lieu. Ainsi l’intérêt des notions d’ habitat et d’ habiter est qu’elles appréhendent la conception d’espace dans la perspective d’y imaginer des pratiques et des stimulis sensorielles : « Plus qu’un cadre temporel, la situation est un événement, un moment au cours duquel de l’espace apparaît à travers les activités des individus.»55 L’habitation est un lieu de réclusion, un lieu de centralité de l’être humain, tandis que l’habitat étend l’occupation de l’usager et offre la possibilité de dialoguer avec le monde extérieur. La cabane par sa représentation formelle et conceptuelle rétablie la distinction des deux termes tout en réaffirmant leur lien intrinsèque. Habiter dans son habitation puis dans son habitat, ce n’est pas seulement s’approprier physiquement un lieu, c’est s’y déployer psychiquement en étant dans un cadre de vie qui permet son déploiement personnel. La cabane permet des formes d’habiter où les pratiques et le psychisme prennent une réelle place aussi bien dans l’espace intérieur qu’extérieur. La fonctionnalité n’est alors pas l’élément qui nourrit le projet de cabane mais plutôt la recherche d’intimité et de connexion avec l’environnement naturel extérieur. L’espace de vie se charge alors par la perception propre de l’usager de l’habiter et de sa « façon d’être au monde ».56 Cet habitat lié à la cabane en fait un espace organique où le corps en tant qu’organisme vivant morphologique et psychique est constamment stimulé.

53. LUSSAULT Michel, ‘‘Habiter, du lieu au monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain’’, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, p.5, PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris, 2007, Éditions La Découverte 54. Ibid, p.37 55. Ibid 56. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan

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LA RÊVERIE DANS LA MAISON ET LA CABANE

En 1980, dans son ouvrage Architecture, l’espace architectural, Henri Van Lier,

philosophe du XXème siècle, définit trois composantes essentielles de l’architecture : l’opération de construction, c’est à dire de projection de l’être humain dans le monde ; la conception d’espace en tant que lieu établi qui permet un engagement de l’être et la notion d’englobement, phénomène fondamental pour la vie humaine. Ce dernier est apparenté à l’englobement utérin, sorte de « paradis perdu », qui renvoie à des souvenirs de protection et de sécurité où s’exerce un contact continu autour du corps dans un espace comprimé. L’englobement est un sentiment de bien-être associé à une nostalgie du souvenir de gestation, situation initiale de l’être humaine et matrice où il prend son départ. En explicitant l’englobement comme composante essentielle de l’architecture, Henri van Lier, cherche à inscrire les productions humaines dans le processus d’organisation de la vie et en particulier de la sexualité, ellemême liée la reproduction et donc au souci de survie de l’espèce humaine. Créer une enveloppe relève alors de l’acte premier de se protéger face aux conditions climatiques d’une nature sauvage et hostile impropre au développement de l’être humain. Comme explicité en première partie, la cabane est avant tout cette protection primaire, qui comme un manteau, est une manifestation simple et modeste de ce qu’est l’enveloppe architecturale. L’englobement vécu dans l’espace architectural conduit lui aussi à la démarche de construction, et cela non seulement pour la raison banale qu’il doit prendre corps, mais plus profondément parce que, si la demeure construite englobe le vivant humain, la demeure en train de se construire l’englobe déjà autant, en étant un processus faisant partie intégrante de l’œuvre architecturale produite et de la construction psychique de l’individu. Mais alors en étant un lieu qui englobe, l’espace ne se limite plus au vêtement qui enveloppe mais devient un milieu où l’individu peut se mouvoir en demeurant continuellement chez lui. La cabane devient en effet un lieu où l’esprit, éloigné des sources de conflits extérieurs, se repose et se déploie en contact avec l’être primaire. Le dépaysement, alors proposé par l’espace de la cabane, est finalement la possibilité d’une fuite mentale de l’environnement humain. Il y a là le début de l’établissement de liens entre espace et phénoménologie du corps et du psychisme 57.

57. En tant qu’ensemble des mécanismes conscient et inconscient des phénomènes liés à notre esprit, affectivité et volonté.

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Les lieux que croise un individu sont naturellement chargés de souvenirs. Ces

souvenirs sont modulés par notre psychisme qui les hiérarchise et les organise pour développer des rêveries et aspirations à reconstituer des environnements familiers plaisants. Le confort n’est plus physique mais il devient subjectif par l’intervention du psychisme au travers des souvenirs vécus. C’est ainsi que le souvenir peut devenir moteur de projet chez l’être humain. En effet, Peter Zumthor dans son architecture accorde une grande place aux images vécues et à celle de l’enfance. Dans son ouvrage, Penser l’architecture, Zumthor déclare : « Quand je pense à l’architecture, des images remontent en moi. Beaucoup de ces images sont en rapport avec ma formation et mon travail d’architecte. Elles contiennent le savoir sur l’architecture que j’ai pu accumuler au cours du temps. D’autres évoquent mon enfance. Je me rappelle le temps où je faisais l’expérience de l’architecture sans y réfléchir. Je crois sentir encore dans la main une poignée de porte, une pièce de métal arrondie comme le dos d’une cuillère »58. Comme un enfant qui se construit une cabane dans les arbres ou un citadin qui cherche à partir en week-end dans une cabane isolée en forêt, construite de ses propres mains, l’architecte cherche à créer des espaces où l’habitant se sentira protégé, et où la sensation d’atmosphère est très momentanée voir instantanée en rejoignant la définition des images poétiques de Bachelard. Ainsi l’édification de l’abri, comme l’est la cabane, est dirigée par notre psychisme chargé de ses souvenirs. Son édification est alors, comme le précise Henri van Lier, la projection de l’individu dans le monde et la matérialisation de ses besoin psychiques et physiques.

La maison de campagne chez Bachelard possède une place fondamentale dans la

spatialisation de nos souvenirs et de nos rêves. L’espace par sa phénoménologie éveille nos sens et notre psychisme. En effet, dans son ouvrage La poétique de l’espace, Bachelard fait de la maison une « topographie de notre être intime » en polarisant nos souvenirs du bas vers le haut de la maison. Il fonde une démarche, la topo-analyse correspondant à l’« étude psychologique systématique des sites de notre vie intime »59 et associe la maison - dans notre cas, à la cabane - à un « véritable principe d’intégration psychologique ».60 Il s’appuie sur des 58. ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, p.7, trad.2010 par Laurent Auberson, 2006, Éditions Birkhäuser 59. BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, p.27, 2004, Éditions Presse universitaires de France 60. Ibid, p.28

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analogies et des images contrastées fortes, générées par l’imaginaire humain. Le haut et le bas de l’habitat ne sont qu’une analogie du rapport humain au ciel et à la terre, à la lumière et aux ténèbres, à la sécurité et à la peur 61. Ainsi la cabane, comme tout espace, livre des polarités devant-derrière, dedans-dehors, haut-bas qui éveillent l’imaginaire et polarise les souvenirs. En effet, « la poétique de l’espace se tient à mi-chemin des sollicitations du monde extérieur et des impulsions voire des pulsions du monde intérieur, pleinement lesté par les ombres de l’inconscient. »62. Alors en augmentant les valeurs de la réalité, l’imaginaire apporte des valeurs d’intimité dans ses espaces intérieurs de vie. La poésie devient la création, la matérialisation de ces souvenirs dans l’espace. En étant une synthèse entre le psychisme et l’espace vécu, elle charge l’espace, en particulier celui de la cabane est permet la projection de l’être humain dans son monde. En effet, c’est par le souvenir de la rencontre avec un lieu et de son appréhension par la construction, que la cabane se charge d’une histoire et donc de souvenirs qui habitent les espaces. La poésie devient alors le moyen de formulation d’un élan entre l’usager et ses sensations dans l’expérience de l’espace dans un espace.

LE POÉSIE COMME EXPLORATION DE SOI ET DU MONDE

En effet, d’un côté, la poésie est bien ancrée dans les matières élémentaires, de leurs

combinaisons sous l’aspect de productions dites culturelles. L’être humain rêve en fonction du milieu et de ses configurations. Mais de l’autre côté, la poésie se situe dans l’inattendu, le mystérieux et suggéré. Pour Gaston Bachelard l’espace onirique est alors partout et nulle part, dans le moindre coin et recoin. L’espace est alors chargé de valeurs poétiques au travers des matières, formes et mouvements du dehors, mais aussi des images archaïques et des souvenirs d’enfance qui occupent la mémoire. Construire, bâtir c’est finalement édifier des lieux ou des espaces qui génèrent une sensibilité de l’usager. Et l’édification d’une cabane est la première manifestation de cette volonté d’habiter, manifestation de l’être, structurante à l’enfance puis source de nostalgie chez l’adulte.63 L’absence de projet prédéfini en font un

61. WUNENBURGER ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions La découverte, 2009 62. Ibid, p.52 63. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan

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objet dont le résultat est l’expression de la perception de l’usager du territoire. Son édification est un enveloppement ou un englobement comme dirait Henri Van Lier qui permet de relier cette idée à celle de l’architecture comme milieu et créé une interface entre notre substance, notre être et le dehors. Surtout, elle pose la question de la limite, physique et mentale ce qui fait le lieu. La cabane n’est autre qu’une potentialité, un médiateur entre la spatialité et la poésie, un moment privilégié dans l’habitation de l’être humain.64

Finalement en énonçant « L’homme habite en poète », Heidegger fait de l’habiter un

trait fondamental de la condition humaine où la poésie en est l’expression pleine. La poésie fait d’une habitation un lieu sensible propre et particulier à chacun qui se vit et s’habite. Habiter est alors le propre de l’homme au sens d’exister au monde et pourrait être défini par l’occupation de l’espace et de sa limite physiquement et mentalement où la poésie joue un rôle fondamental dans l’établissement de relations. Par le regard et la parole poétique l’être humain adhère au monde, il en fait une matrice de son bien-être et de son bonheur d’être. « Précisément, la phénoménologie de l’imagination poétique nous permet d’explorer l’être de l’homme comme l’être d’une surface, de la surface qui sépare la région du même et la région de l’autre. »65 En déclarant « Habiter est une exigence de liberté, un devoir d’humanité, un combat incessant avec la barbarie ordinaire », Thierry Paquot apparente l’ ‘‘ habiter ‘‘ à une respiration onirique qui nous enveloppe et nous transporte. Oui, pas si simple. ».66 Il insiste alors sur la profondeur onirique qui se cache derrière la notion d’habiter et révèle les grands enjeux liés à la position de l’être humain par rapport au monde qui sont en jeu. Si inhabiter s’apparente à des sentiments négatifs liés au manque, à l’absence, à la contrainte, à la souffrance, voir à une impossibilité à être pleinement soi, habiter donne accès à l’être profond qui se libère de ses enfermements pour se déployer vers l’extérieur.

Ainsi le langage poétique n’est autre que la formulation de ce rapport que l’être

entretient avec le monde en exprimant un déploiement de la conscience intérieur qui

64. LOUBES Jean-Paul, Traité d’architecture sauvage, 2010, Édition du Sextan 65. BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, p.199, 2004, Éditions Presse universitaires de France 66. WUNENBURGER ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.16, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions La découverte, 2009

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s’exerce au travers de l’expérience de l’espace et de sa phénoménologie. « Par le regard et la parole poétique l’homme adhère au monde, il en fait une matrice de son bien-être et de son bonheur d’être. (...) L’image poétique (...) vise à dévoiler un monde au-delà des dualités sujet-objet, intérieur et extérieur. » 67 L’architecture par l’imposition de frontière anime l’expérience des contraires : intérieur/extérieur, chaleur/fraicheur, compression/dilatation et c’est dans la phénoménologie de ces contraires que réside la poésie : « le propre de la rêverie poétique, de l’alliance du regard et des paroles est précisément de dépasser les oppositions figées, de concilier les contraires, de faire passer le petit dans le grand, le lointain dans le proche, l’extérieur vers l’intérieur et réciproquement.»

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Le corps ainsi entretient

une relation charnelle avec le monde extérieur et la poésie est la synthèse de l’individu, de sa volonté d’habiter et du monde extérieur: « par la poétique, le monde devient vraiment intime et l’intimité se découvre dans le miroir du monde.»69 Il s’approprie psychiquement ce qu’il ne peut s’approprier physiquement et ainsi rétablit une relation intime entre les deux composants, nature et être humain qui semblaient alors inconciliables. Située dans la nature sauvage et grande, la cabane est la manifestation de la poésie de la nature. Sa situation amplifie chez l’individu le sentiment d’appartenir à un environnement qui échappe à tout contrôle. Il cherche donc à rendre cette nature sauvage plus intime par la poésie. Alors qu’elle semblait être la manifestation d’un isolement et repli sur soi, cette dernière permet d’atteindre l’insaisissable, le lointain et est au contraire une ouverture vers un rapport au monde et à la nature, élément étranger à l’être humain.

67. WUNENBURGER ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.47, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions La découverte, 2009 68. Ibid, p.60 69. Ibid, p.59

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B - La nature et le rapport au monde UNE VISION BIOLOGIQUE INDÉPENDANTE

La cabane, est bien une production de la culture mais qui n’est construit qu’en

relation étroite avec la nature, la « vraie» nature dont il s’agit d’extraire les ressources, dont il faut se protéger mais aussi la nature imaginaire et inatteignable du fond du jardin. Ce concept de nature possède une ambiguïté à être un concept façonné par la société mais qui renvoie à être ce qui n’est pas culturel. Mais alors qu’entendons-nous par le mot nature ? Que signifie habiter dans cette nature ?

La « nature » se définit par tout ce qui n’est pas culturel, au sens touché, transformé,

envisagé par l’homme. Pour la conceptualiser on l’associe à d’autres mots formant ainsi des couples : « naturel » et « artificiel », « nature » et « société ».70 Elle est une entité indépendante à l’être humain, qui naît, se développe et évolue selon des conditions biologiques et biophysiques extérieures. A l’origine, la nature relève de la genèse. Liée au terme grec phù qui signifie « croître », « pousser », elle s’associe à la végétation. En effet, les Grecs à l’Antiquité étaient très attirés par la culture du végétal notamment au travers de la figure de Dyonisos, divinité du règne végétal avant d’être celle du vin. L’idée méditerranéenne de la nature, est toujours présente dans l’idée de germe, de graine enfouie, qui meurt pour renaître en plante. Il y a donc une perpétuité dans la vision renaissante de la nature en étant inspirée de la végétation, entité biologique qui meurt et renaît au fil des saisons.71 L’idée d’une entité indépendante et d’une grandeur sans précédent que serait la nature, attire l’être humain par son côté mystique et puissant. Elle est finalement quelque chose qui domine et qui réduit l’humain à une simple identité biologique faisant parti d’un tout. Cette dualité est nécessaire à celui-ci pour se retrouver dans sa conscience. L’attrait et l’imaginaire autour des cabanes situées dans des zones marginales de la ville, perdues au milieu d’une nature sauvage, dense et hostile est le symptôme du besoin d’existence d’éléments qui déconnectent l’être 70. MALDINEY Henri, ‘‘ Nature et cité ’’ dans Villes contre-nature, philosophie et architecture, YOUNES Chris, 1999, Édition La découverte 71.Ibid.

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humain de son histoire. Cependant en illustrant la polarisation des représentations humaines entre la culture et la nature, la cabane ne témoigne d’aucun point fixe qui permettrait de dire « ici commence le règne de la culture - ou de la nature ». La cabane dans la nature, c’est finalement bien la seule manifestation culturelle, ponctuellement localisée dans un contexte non transformé par l’être humain.

LE RAPPORT DE L’ÊTRE HUMAIN A LA NATURE

A une vision végétale, sauvage et indépendante de la nature ne correspond pas

une vision de l’être humain qui se voudrait « maître et entrepreneur de la nature ». La vision mécanique de la nature et des phénomènes de la vie et du végétal s’est alors substituée à cette vision biologique. Les végétaux sont devenus des exemples de mécaniques naturels. Aujourd’hui la nature est comprise et exploitée comme un ensemble de ressources qui constitue un stock permettant la perpétuité de l’espèce humaine. La cabane finalement s’inscrit dans cette continuité d’exploitation de la nature. L’être humain arrive et coupe les arbres pour façonner son abri, s’installer et habiter. Le processus de transformation des éléments naturels que sont notamment le bois, le foin, la terre en éléments constructifs dits culturels révèle cette vision de la nature comme potentialité à la survie de l’espèce humaine. Dès lors il est compliqué d’envisager une dualité parfaite entre les deux entités. La cabane est finalement le paradigme de cet état hybride entre culture et nature car elle se base sur la considération de cette dernière comme étant une ressource possible pour l’individu de s’établir.

En effet très tôt, l’être humain a su devenir cultivateur et jardinier de la nature.

Longtemps les champs ont été considérés dans le prolongement du jardin, associé à une parcelle de nature enclose et rattachée à la maison. Ces ressources ont permis dans un premier temps la survie de l’espèce mais également son développement vers des techniques plus avancées (charbon, pétrole) dans un souci de palier aux faiblesses humaines. Dans cette vision aliénée de la nature, il est alors question de s’interroger sur la notion de saltus, terme latin désignant la « terre non cultivée». En effet, il est de plus en plus difficile de percevoir de réelles parcelles de nature sauvage. Les endroits écartés sont de plus en plus

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aménagés en parcours sportifs ou touristiques. Dès lors l’individu peut-il réellement cesser d’être rattaché à son histoire ? La cabane possède cette capacité de proposer des manières d’habiter qui sortent de l’entendement commun. Habiter dans la cabane c’est d’abord vivre physiquement proche un environnement naturel. Mais habiter dans la nature c’est surtout s’éveiller et dialoguer avec cette dernière.

ÉTHIQUE ET EVEIL DE LA NATURE

La nature reste une entité sauvage et hostile dont les grandes dynamiques

tectoniques et physiques sont difficilement domptables par l’être humain. N’y a-t-il donc pas une certaine forme d’habiter particulière à la nature ? Par la puissance de la géologie et du climat, l’être humain peut se retrouver exposé à des lieux, d’expression forte de la nature où il ne peut habiter que dans le déploiement de son être et non en s’installant : dans les déserts, la forêt, l’océan, la montagne. En s’éveillant à l’environnement, il fait d’un endroit un lieu et entre en écho avec celui-ci. Il n’y a pas de lieu sans ouverture au lointain.72 Dans sa déclaration : « Devant l’immensité de la nature, dans l’appréhension des rapports, entre terre et ciel, entre un étang aux eaux dormantes et la lune, par exemple, peut naître une rêverie qui sert d’agrandissement aux élans intimes des images. »73, Wunenburger révèle cette capacité de la nature à éveiller chez l’être humain, non pas une considération purement fonctionnelle mais une révélation poétique et romantique. Le regard poétique alors permet de dissoudre des frontières entre l’être intérieur et le monde en le rendant plus intime.

Par ces dispositions architecturales, la cabane permet cet éveil de la nature qui

dépasse sa contemplation. Les rapports de frontières permettent l’interpénétration des mondes intérieur/extérieur, culturels et architecturaux pour donner des lieux propices à l’éveil poétiques. La polarité de la cabane précédemment énoncée est une composante indispensable à cet éveil du rapport au monde. Elle constitue donc un modèle de durabilité

72. MALDINEY Henri, ‘‘ Nature et cité ‘‘, dans Villes contre-nature, philosophie et architecture, YOUNES Chris, 1999, Édition La découverte 73. WUNENBURGER ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.55, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions, La découverte, 2009

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car elle exploite les ressources et permet leur renouvellement. Elle opère donc une transition entre le civilisé et le sauvage, une fusion de l’intime avec l’extérieur et la nature sauvage. Ces questions de durabilité entrent en résonance avec l’idée d’une architecture et de modes de vie et d’habiter plus en connexion forte avec la nature. Chez Berque, la « médiane » qui symbolise la frontière entre les dualités est une « demeure essentielle » qui permet de penser les rapports entre êtres humains et mondes biologiques et biophysiques. Ainsi il développe une théorie des rapports entre mondes humains et mondes biophysiques en partant de la spatialité de l’humain se posant la question du « où ». Les milieux où les êtres humains existent se transforment en lieux symboliques. Cette approche permet de saisir la transformation des mondes biophysiques en lieux par la perception visuelles et sensorielle de l’usager.

Les raisons pour lesquelles l’être humain se sent attiré par la nature résident dans

sa relation ambiguë avec cette entité. Finalement, en considérant l’espèce humaine comme une composante biologique qui a évolué simultanément avec la nature, la relation de réciprocité induit un besoin de s’y intéresser. L’être humain est finalement « le produit d’une coévolution des formes et milieux naturels amorcée il y a plus de deux milliards d’années dans les conditions d’exception que nous avons évoquées »74. Cette situation rend l’être humain solidaire et concerné par l’état globale de la biosphère, non seulement pour des raisons de survie liées à la composition atmosphérique, au spectre des rayonnements parvenant à la surface de la Terre, aux variations thermiques, aux dynamiques des flux océaniques et de la ressource en eau douce, etc. mais également pour la richesse des stimulations sensorielles et corporelles que présente le monde naturel. Ce dernier est issu de la diversité des formes de réalité que l’humain côtoie et qui lui en sont « co-naturelles »75. Dès lors, la question de l’éthique, au sens de responsabilité et de manière d’être (et de demeurer) entre en jeu dans la manière de configurer les rapports humains au monde. Le corps prend place dans l’espace architectural et la cohérence entre usages, sensations, émotions esthétiques et perceptions est essentielle. L’éthique rend ainsi le monde habitable et l’être humain prend 74. TINLAND Franck, ‘‘ Nouvelles conceptions de la nature et nouvelles figures de responsabilités ‘‘, dans Villes contre-nature, philosophie et architecture, p.82, YOUNES Chris, 1999, Édition La découverte 75. Ibid

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alors conscience qu’aménager la terre en tant qu’élément vivable et habitable, c’est surtout être confronté à sa vulnérabilité vis à vis de l’intervention de l’être humain. Le caractère fragile de l’ordre naturel correspond à la conscience chez l’individu de son affinité et de la complexité des liens qu’il entretient avec lui. Nature et êtres humains sont alors indissociables.

Construire une cabane c’est expérimenter les capacités et les faiblesses de la

nature, et comprendre que chaque geste effectué a des répercussions sur celle-ci. C’est également confronter l’être humain à ses propres capacités, ses propres envies et sa vulnérabilité. L’ouverture à la nature se fait d’abord par sa contemplation puis par la poésie. En somme, habiter poétiquement la nature c’est établir ce dialogue entre les deux entités et l’abri construit est un lieu de possibilités et de formulation de poésie entre poésie synthèse entre le lieu et la projection de son être. L’éveil et la compréhension de l’environnement fait partie du processus de construction et d’appropriation de son habitat. Habiter ne réside pas seulement dans l’occupation physique d’un lieu par la construction d’un abri mais plutôt dans ce dialogue, ce déploiement de la conscience dans un environnement qui entre en dialogue avec les entités de la nature. Aujourd’hui, il est rare pour un individu de posséder une habitation construite par ses propres mains. Il est courant de choisir un logement selon ses considérations fonctionnelles et financières.

C - La perte d’identité de l’habitat dans le logement LE LOGEMENT, UNE QUESTION DE DROIT

La différence entre le logement et l’habitation ne semble pas claire dans le langage

courant. Cependant elle s’opère plus facilement lorsqu’il s’agit d’employer le verbe loger au lieu d’habiter. En effet, le terme « logement » a été créé dans la nécessité de désigner les habitations construitent rapidement et en grande quantité. Il désigne « une unité résidentielle qui autorise l’action d’habiter – l’habitation. »76 Au XIXème siècle, il est étonnant de noter que

76. LUSSAULT Michel, ‘‘ Habiter, du lieu au monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain ‘‘, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, p.38, PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris,2007, Éditions La Découverte

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le mot « habitation » est synonyme de « logement » et de « logis ». Ces termes sont alors associés à la notion de « droit d’habitation » cité dans l’article 625 du code civil garantissant les droits pour un individu de posséder une habitation et d’en faire l’usage. Le terme de « logement » acquiert cependant sa popularité et sa définition plus contemporaine après loi de 1894 avec la création des habitations à bon marché, les fameux HBM. Il devient alors de plus en plus repris lorsqu’il s’agit d’aborder les problématiques d’habitations populaires concernant les « cités ouvrières » ou de logement des « classes laborieuses » au moment où la bourgeoisie découvre les notions de « chez soi » et d’intimité. Cette tendance se révèle notamment à l’époque à travers la littérature, dans des descriptions longues de l’ameublement, de la décoration et des ambiances des habitations bourgeoises des protagonistes. Ainsi le logement se connote rapidement par les notions de contraintes et de nécessité, qui s’opposent à l’idée d’appropriation et de projection propre à l’habitat. La notion d’appartenance est effacée et le phénomène de « déploiement de soi » décrit précédemment n’est alors plus possible.

L’habitation se distingue alors du logement. Dans son essai ‘‘ Habiter, du lieu au

monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain ‘‘

, Michel Lussault révèle une

77

enquête SCTB, intitulée ‘‘ L’habitat, c’est le logement et au-delà ‘‘ par Barbara Allen, dans le numéro n° 298 de la revue Urbanisme. Cette enquête regroupant 660 entretiens de résidants de neuf quartiers de banlieue parisienne, démontre alors la distinction entre les notions d’ « habitat » et « logement » . En effet, la surface du logement n’est pas le seul périmètre identifié à l’habitat. L’habitat est plus large que l’appartement, il déborde en intégrant cage d’escalier, ascenseur, hall d’entrée, local à bicyclette, abords immédiats de l’immeuble, cheminement menant à la rue, voisins etc. Le logement renvoie donc à un périmètre délimité plus qu’à une zone de pratique et de vie où le corps est stimulé par une phénoménologie de l’espace. Ainsi il ne possède aucune valeur de pratiques et d’appréhension de l’espace contrairement à l’habitat. Si le logement dans sa cellule unitaire devait être comparé à la cabane, l’opposition entre les deux termes serait évidente. Les deux formes d’enveloppe répondent à un besoin 77. LUSSAULT Michel, ‘‘ Habiter, du lieu au monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain ‘‘, dans Habiter le propre de l’humain, Villes, territoires et philosophie, p.38, PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris,2007, Éditions La Découverte

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indispensable de s’isoler vis à vis de conditions extérieures. L’un cependant, est le fruit d’un processus de création donc l’édification est la synthèse de la perception physiologique de l’habitant de son rapport au monde tandis que l’autre désigne une surface abritée attitrée à des habitants. La cabane invite au rapport à l’extérieur et à l’environnement, tandis que le logement n’est là que pour isoler vis-à-vis des autres logements. En somme, l’édification de logements a vu la perte de projection de l’être humain au monde pour l’isoler de plus en plus.

LA PERTE DE POÉSIE DANS LE LOGEMENT

C’est en 1947, que la question de l’habiter s’introduit dans les logements, incluant

à la fois l’habitat pavillonnaire et les grands ensembles collectifs. En effet, Henri Lefebvre, sociologue français, ouvre un nouveau terrain d’investigation en examinant la conscience habitante et les pratiques spatiales des résidents de ces pavillons et ainsi bouleverse les considérations sur l’ habitat. Il en ressortit que le sentiment du « chez soi » apparaissait comme une véritable philosophie caractéristique de l’habiter, et que ce sentiment était largement éloigné des rigidités et des déterminations fonctionnelles qui orientent l’édification des logements. Le logement collectif, semble aujourd’hui être toujours un véritable terrain d’investigation et d’exploration architectural. Le déménagement de l’habitant d’une habitation édifiée par sa personne physique et psychique à des cellules de vie préfabriquée et empilées a définitivement joué dans la perte de sens du concept d’habiter.

On peut lire chez Bachelard, quelques clés de compréhension quant à la perte

d’appropriation de l’habitation chez les habitants des logements collectifs. La réduction de l’immeuble à un ensemble de cellules habitées assemblées les unes à côté des autres a engendré une perte d’identité de l’habitat. A l’intérieur du logement, les rapports à l’espace sont artificiels et il n’y a plus ce déploiement possible de l’être dans l’espace où les sens et le psychisme sont constamment sollicités. Bachelard explique cela notamment par l’absence de racines (caves) et de toit (grenier) synonyme de protection et qui sont les éléments fondamentaux de la rêverie et de l’imagination. Il déclare alors qu’ « au manque des valeurs intimes de verticalité, il faut adjoindre le manque de cosmicité de la maison des grandes villes. Les maisons n’y sont plus dans la nature. Les rapports de la demeure et de l’espace

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y deviennent factices. Tout y est machine et la vie intime y fuit de toute part. »78 En effet, l’habitation chargée et construite par les souvenirs et la sensibilité de son habitant a disparu, et « le chez soi, n’est plus qu’une simple horizontalité. »79 L’atrophie de cette imagination dans le logement s’explique surtout par une perte de poésie des lieux en faveur d’un rationalisme et un fonctionnalisme pur, directeurs du projet. Le hasard, le mystère, le secret et le recoin, lieux d’amplification de la rêverie et de la poésie n’ont plus leur place dans des considérations d’optimisation de l’espace. Ainsi la perte de l’étonnement et de la surprise, ouvertures vers lesquelles la poésie est attirée déchargent la symbolique de l’habitation pour la réduire à une enveloppe primaire contenue dans une machine plus grande.

Wünenburger, en déclarant « Bachelard se plaint d’une atrophie de l’imagination

occasionnée par un monde moderne qui remplace les maisons par des appartements, les chandelles par de l’électricité, les gestes des artisans par des mécanismes industriels dépoétisés.»80 dans son texte explique l’atrophie du logement aussi par la perte de repères vers les éléments qui nous connecte avec l’ordre naturel. Ainsi l’habitant voit sa vie régit par des phénomènes purement mécaniques, automatiques et artificiels et perd peu à peu ses repères vis-à-vis du monde naturel extérieur. L’abri et plus largement la maison de campagne individuelle décrite par Bachelard a cet intérêt d’être totalement possédé par l’habitant au sens qu’ils sont, comme nous l’avons explicité précédemment, une projection de l’être humain dans le monde par leur édification. Le logement n’est qu’une réponse rationnelle au besoin de vivre dans un environnement propice à la vie humain. Le logement en somme, impose une vision de l’habitation universelle.

L’HABITAT PLURIEL

C’est à la suite de ces constats, que l’habitat individuel, en tant qu’archétype de

l’habitation appropriée par ses habitants a connu un regain d’intérêt dans la conception de

78. BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, p.42, 2004, Éditions Presse universitaires de France 79. Ibid, p.42 80. WUNENBURGER, ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.59, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions, La découverte, 2009

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logements. Depuis la fin des années 80, des expositions, des colloques, ou diverses formes de communication sont régulièrement consacrés à la question de la densité, thématique qui semble alors inconciliable avec les notions d’appropriation et d’individualité traditionnellement associées à l’espace domestique. Toutefois, des modèles d’habitat qui conjuguent ces notions émergent « à partir du dépassement du constat d’échec du collectif des années 60 et de l’individuel des années 70-80 »81. Le programme de recherche du PUCA, à travers son ouvrage Habitat pluriel, densité urbanité et intimité dirigé par Sabri Bendimérad, a dressé un portrait des formes et enjeux liés aux formes mixtes d’habitats individuels et collectifs, localisés notamment en zone périurbaine. L’habitat individuel dense « a pour vertus et qualités de permettre d’habiter ensemble mais séparément, jusqu’au toit et aussi près du sol que possible sans trop consommer »82 explique Bendimérad dans l’introduction de l’ouvrage. Ainsi on retrouve dans ce commentaire l’importance de la connexion sol/ciel clamée par Bachelard, et indispensable à la recherche d’une poétique de l’espace de l’habiter. Le mémoire de Jules Zaffran intitulé ‘‘ Références à la maison individuelle dans le logement collectif ‘‘, soutenu en Janvier 2018 a démontré que par des procédés architecturaux identifiés l’habitat individuel pouvait s’introduire dans le collectif en proposant des nouvelles typologies. Parmi ces projets où l’habitat individuel s’insère dans le collectif, on peut citer les logements à Bègles réalisés en 2012 par LAN Architecture et les Nids à Courbevoie, réalisés en 2010 par KOZ Architecture. Par ces procédés, une recherche de l’individualisation et donc de l’appropriation du logement par ces habitants.

Introduire des formes mixtes d’habitat c’est à la fois pallier au sentiment de perte

de repère et de poésie dans le logement vécu par ses habitants et recréer via le logement des habitations plus à l’échelle de l’usager et de ses usages. Finalement, l’introduction de la cabane dans le logement collectif s’inscrit dans cette dynamique. Elle permet de dépasser la recherche d’individualité83 ou de relation à l’environnement,84 en proposant de rétablir l’habiter, en tant que sentiment d’appartenir au monde et la poésie, en tant que synthèse

81. BENDIMERAD Sabri, Habitat Pluriel, densité urbanité et intimité, p.9, mai 2010, collection Recherche du PUCA n°199 82. Ibid 83. Comme le proposerait une forme d’habitat mixte 84. Comme ce serait le cas pour une architecture dite «située»

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entre la sensibilité de l’habitant et l’environnement qu’il l’entoure.

POUR CONCLURE

Le terme « habiter », est lié au verbe « demeurer » désignant « s’établir », « marquer

son empreinte dans son territoire ». Habiter propose une réelle forme de rapport au monde qui dépasse l’idée d’occupation spatiale. L’habitation en étant lié au vêtement, son étymologie révèle sa double fonction d’être à la fois un lieu de protection, où l’englobement, sentiment lié au psychisme de l’habitant se produit et lieu de pratiques qui préfigurent le rapport entre être humain, être psychique et physique et l’espace. L’habitat joue un rôle fondamental dans la question de l’habiter. Il s’agit de sortir sa définition résidentielle pour désigner les lieux de sensibilité et de pratiques où l’habiter à lieux. Chargée sentimentalement, la cabane est devenue un réel espace vécu qui favorise une exploration du soi et du monde. Comme la poésie, est la synthèse entre expression personnelle et phénoménologie liée à notre environnement, la cabane est la synthèse entre la volonté d’habiter et la définition des rapports au monde et plus précisément à la nature. Ainsi la cabane possède donc une capacité à animer le corps pour qu’il entretienne une relation charnelle au monde extérieur tout en permettant le déploiement intérieur de son habitant. L’éveil poétique n’est en effet possible que par la stimulation de nos sens et de nos souvenirs, qui résident dans l’établissement de limites physiques ou psychologiques symbolisant les polarités extérieurs/intérieures, ciel/terre, devant/derrières. Ces dernières sont symptômes de la relation contradictoire de distance et de dépendance que l’être humain entretient avec la nature et la cabane en est le paradigme. Par son éveil à la nature, il s’expose à sa propre vulnérabilité et fragilité et prend conscience du besoin d’entretenir des rapports avec elle.

Cependant la cabane est poétisée en étant un abri construit et vécu par son habitant.

Il est aujourd’hui plus rare de construire et posséder sa propre habitation. La question de l’habitat s’oriente alors principalement vers des problématiques liées au logement notamment collectif. L’ « habitat » se distingue en effet du concept de « logement » qui fait référence à l’« unité résidentielle ». Ce dernier souffre d’une perte de poésie dû à l’artificialisation de ses composants et à la perte de symboles et de liens au monde pour des considérations

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fonctionnelles et à la perte d’appropriation. Il s’agit de questionner la possible réinsertion de l’habiter géopoétique par la figure de la cabane. L’introduction de la cabane dans des formes plus contemporaines d’habitat que constitue le logement permettrait d’envisager des considérations plus sensibles que sont la géographie, le climat, le milieu et plus généralement l’environnement. La cabane en tant que référence pour le projet de logement a déjà été le fruit de nombreuses productions architecturales. Certains architectes prenne la cabane comme référence populaire pour l’introduire dans le logement comme objet ou espace à part entière. Ces projets ne cherchent pas à s’inscrire dans une démarche géopoétique, propre à la cabane mais plutôt à utiliser la cabane comme un objet qui stimule nos aspirations en tant qu’urbain. Cependant, n’y aurait-il pas une forme de réinterprétation ou de référence possible à la figure géopoétique liée à la cabane plutôt qu’à la cabane en elle-même? En quoi des projets s’inscriraient-ils dans cette démarche ?

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PARTIE 3 : INTRODUIRE LA CABANE DANS LE LOGEMENT

A - DÉRIVES ET CARICATURES

Beaucoup d’architectes réinterprètent la figure de la cabane dans des projets

contemporains de logement collectifs. On peut voir là un effet de mode lié à l’idée d’un retour à la nature, à la recherche d’un petit paradis dans des logements de plus en plus asséchés, à une tendance d’une architecture plus atténuée ou à un simple renouvellement passager de l’esthétique du logement. Quel-qu’en soit la raison, il y a là une rupture radicale avec le regard posé sur ce que la civilisation moderne a fait du logement. Mais alors en est-il vraiment fini avec la « machine à habiter » ? La figure de la cabane permet-elle réellement l’introduction de la poésie d’habiter dans le logement? Ou est-ce un simple apparat ? Deux thématiques autour de la cabane attirent les concepteurs de logements collectifs : le lieu d’exception qu’elle propose et l’utilisation de matériaux naturels.

L’OBJET CABANE COMME LIEU D’EXCEPTION

Se référer à la cabane permet d’introduire l’idée d’un petit paradis alors perdu et

cela constitue un enjeu dans les constructions de logements collectifs. L’enjeu est de créer un espace qui répond à deux aspirations : le besoin de proximité de la nature et isolation, valeurs propres à la cabane85. L’introduction de références aux habitations individuelles dans le logement collectif semble prendre une dynamique positive pour permettre le sentiment d’appropriation chez les usagers et pallier au manque de poésie dans le logement. Cependant la cabane en tant qu’annexe au logement permet-elle une réelle démarche géopoétique ?

85. Cela a été traité dans le chapitre ‘‘ La cabane, l’archétype d’une sensibilité au territoire ‘‘.

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Le projet, l’Immeuble qui pousse (FIG 15) d’ Edouard François, introduit la figure de

la cabane dans sa forme la plus évidente pour proposer des espaces extérieurs intimes. Cet immeuble comprend soixante-quatre logements au Château de Lez à Montpellier, regroupés dans une « barre » de cent mètre de long sur sept étages. Jusque-là, cet immeuble reste d’une grande banalité et d’une standardisation très commune. Des cabanes, sortes de boîtes en bois, sont annexées à la barre de logement et servies par des passerelles de six mètres de long, plantés sur trois poteaux chacune. Elles offrent notamment un espace extérieur et une terrasse de seize mètres carrés. L’espace y est suffisamment généreux pour être qualifié de réel « séjour d’été ». L’ensemble est situé dans un environnement de platanes afin de recréer le jeu des cabanes perchées dans les arbres. Edouard François annonce86 régler les problèmes de visibilité des balcons en introduisant cette figure. En effet, le promoteur étant réticent à l’idée d’avoir dans balcons sur cet immeuble, Edouard François a vu en la cabane la possibilité de prolonger l’habitat lié au logement vers l’extérieur en introduisant cette image de cabane perchée et renfermée. Malgré la conception de pièces extérieures au logement, la reconstitution d’un paysage « naturel » par l’implantation de platanes et la recherche d’une architecture inspirée de la nature et marquée par le temps (utilisation d’une façade où les plantes devaient grimper), ce projet reste limité dans sa manière de renouveler l’habiter dans le logement. La cabane y est envisagée par son stéréotype de boîte en bois qui se ferme complètement de l’extérieur pour n’être qu’intériorité. Le sentiment d’intériorité, de protection propre à la cabane devient l’argument principal pour proposer un espace renfermé sur luimême où le peu d’ouverture ne saurait satisfaire une manière d’habiter en dialogue avec l’environnement extérieur. Il y a là l’absence total de renouveau de l’habitat en considérant la cellule du logement de sa manière la plus standard et cela malgré l’inclusion de ce « séjour d’été ». L’architecte joue finalement sur la vision enfantine et imagée de la cabane en bois perchée dans les arbres pour insuffler à son logement à nouveau souffle.

Le côté rêveur et rêvé de la cabane attire en effet. La vision de la cabane en tant que

situation, lieu d’exception et objet intrigue. KOZ assume pleinement cette intention dans son

86. FRANCOIS Edouard, Département de l’Hérault, Conférence ‘‘Perspective - Edouard François : Nouvelles formes d’habitat écologique’’ , à Pierrevives, 16 octobre 2014, https://www.dailymotion.com/video/x29d2mo, consulté le 29 novembre 2018

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FIG 15 - L’immeuble qui pousse, Edouard François, Montpellier,

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FIG 16 - Têtes en l’air, KOZ, Paris , 2013

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projet Têtes en l’air, (FIG 16) réalisé à Paris. Cet ensemble regroupe trente logements sociaux dans un immeuble faubourien rénové rue Philippe de Girard et un bâtiment neuf côté cour construit entièrement en bois. Le long de cet immeuble, dans la cour qui forme un grand jardin, des jeux de retraits et de surplombs, introduit par des boîtes émergentes viennent enrichir la rationalité de la façade87. L’idée était non seulement de marquer des ruptures dans la lecture de la façade, mais également de rendre chaque logement unique en donnant l’impression aux usagers d’avoir une pièce en plus mise en scène. Cette boîte, ou cabane, porte donc l’identité forte du programme en réservant à ses habitants un espace de vie, qui accueillera un usage particulier selon les envies, sur des volumes singuliers88. L’ensemble est également un « petit havre de paix », une respiration champêtre dans la ville, où on imagine facilement les futurs habitants se balader la « tête en l’air ». La cabane devient alors un objet un peu mystique qui surprend de l’extérieur et qui suspend depuis l’intérieur dans un univers naturel, qu’est devenu la cour jardin. Cette intention correspond parfaitement à l’idée de ramener la cabane du fond des bois dans la ville. Le projet joue également beaucoup sur les notions d’intériorité et de situation propres à la cabane où l’habitant est invité à vivre dans un cadre spécifique, ici reconstitué à l’aide de la végétation et de la suspension. Cependant cette vision de la figure de la cabane s’attarde encore sur son stéréotype de construction en bois. Les architectes jouent finalement encore sur l’image formelle de la cabane avec des prémisses de recherche de l’habiter poétique grâce à l’idée de suspension et de marginalité, situation de l’habitat exceptionnel dans la ville. Cependant toutes les questions liées aux limites dedans-dehors, intérieur-extérieur semblent oubliées. Les questions des transitions et d’ interpénétration des espaces sont également en suspens dans ce projet. La référence très formelle à la cabane prend le dessus sur les recherches plus subtiles de démarche de l’habiter géopoétique. La cabane rien que par sa forme semble être un remède aux maux du citadin décrit par Sylvain Tesson : « Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence) toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu »89. La cabane très convoitée comme habitation en bois de la forêt, 87. ARCHDAILY, «Têtes en l’air / KOZ Architects», site officiel, 31 décembre 2013, consultée le 6 décembre 2018 88. Ibid. 89. TESSON Sylvain, Dans les forêts de Sibérie, 4ème de couverture, 2011, éditions Gallimard

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semble n’être qu’un objet accroché au logement qui n’en justifie pas son renouvellement. D’autres projets s’inspirent de la cabane mais comme la référence d’une architecture plus douce avec un impact environnemental réduit au travers de l’utilisation du bois.

LE BOIS COMME MATÉRIAU ARCHÉTYPAL

L’engouement pour les cabanes est animé par un désir de sauvage et de naturel

notable chez les urbains. Ingrid Bonhême déclarait « L’avenir de l’humanité réside dans l’union plénière du civilisé avec le sauvage ». Il s’agit de trouver dans la ville, un espace fabriqué propice à l’union plénière de l’homme avec sa foret intime.

Par l’installation des circulations dans une structure en bois pour le projet Boréal

(FIG.17) à Nantes, Tétrarc fait assume pleinement son intention d’évoquer l’ambiance d’une promenade dans les bois.90 Montés sur pilotis pour abriter les voitures, les trenteneuf logements sont desservis par deux cages d’escaliers seulement. Des coursives extérieures dilatent les circulations communes et se déploient aux troisième et quatrième étages en véritables terrasses communes à investir. Le platelage bois de ces cheminements s’accompagne d’un filtre vertical de ganivelles évoquant la cabane dans les arbres. A l’intérieur de ces circulations l’atmosphère d’une forêt est reconstituée. Il s’agit de ramener des ambiances de nature dans la ville et ainsi de créer des respirations. Le bois aussi a des vertus environnementales et symboliques dans ce projet. Son utilisation propose de souligner l’ « incidence concrète des exigences environnementales sur les formes de notre habitat »91 et de voir comment ce matériau permet de développer des constructions plus respectueuses de l’environnement. Le bois est souvent désigné comme le matériau propre à la cabane. Cependant ce jugement semble bien hâtif si l’on considère la grande variété de matérialités que peut revêtir une cabane : branchages en forêt, bric et broc en périurbain, couverture et carton, terre, pierre sèches en Provence etc. Il est le matériau que l’on assimile à la recherche de dialectique avec l’environnement naturel et son utilisation dans la cabane

90. TETRARC, Dossier de presse du projet Boréal, octobre 2014 91. Ibid

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FIG 17 - Projet Boréal, Tétrarc, Nantes, 2011

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en fait une construction durable en étant un matériau qui se renouvelle dans la nature.

Nous pourrions évoquer encore une fois le projet Têtes en l’air de KOZ architecture

où l’utilisation du bois est clairement un choix dit « écologique » qui réduit l’emprunte carbone de la construction de l’immeuble et une référence à l’archétype architectural de la cabane. D’après Schweitzer dans sa conférence

‘‘

Le bois dans l’art de bâtir, de la préhistoire au

20e siècle ‘‘ lors des Petites Leçons de Ville 2018, Matières de ville92, le bois est le premier matériau utilisé dans la construction. En effet, à l’époque de la préhistoire, la planète était recouverte de quatre-vingt dix pour cent de forêt, il y a donc un lien intrinsèque entre la cabane primitive et l’utilisation du bois. Et la cabane en bois comme référence permettrait de proposer une architecture plus en relation avec la nature dont la construction est respectueuse de l’environnement. Le bois a également la vertu d’évoluer avec le temps et de laisser suggérer une écriture poétique des saisons sur le bâtiment.

Pour appréhender la crise écologique et du logement, l’utilisation du bois et de la

cabane permettrait d’envisager l’ensemble de logement collectif comme la possibilité d’être une respiration dans la ville, un « havre de paix » où l’habitant est plongé, la plupart du temps, dans un artifice de forêt sauvage au milieu du bois. Ces logements ne satisfont pas une nouvelle façon d’appréhender le monde qui nous conduirait à ressentir de manière bien plus immédiate notre impact sur l’environnement dans notre manière d’être. Mais alors comment penser l’habiter géopoétique en réinterprétant la cabane ? Réinterpréter signifie, d’après le Larousse, « attribuer à quelque chose un sens mystique ou allégorique ». On peut s’interroger sur la légitimité de l’interprétation dans les cas précédents où la figure de la cabane n’est que transposée dans sa forme. Mais alors n’y a t-il pas une réelle forme d’interprétation dans les valeurs et effets architecturaux, plus subtiles, possible, afin d’atteindre une démarche géopoétique ? Nous verrons deux projets de logements collectifs, la résidence de sports d’hiver La Cascade, de Charlotte Perriand et la résidence de la ZAC Séqué La Canopée de Patrick Arotcharen qui s’inscrivent dans une démarche d’habitat géopoétique. 92. SCHWEITZER Rolland, ‘‘ Le bois dans l’art de bâtir, de la préhistoire au 20e siècle‘‘, Conférences Petites Leçons de Ville 2018 ‘‘ MATIÈRES DE VILLE ‘‘, C.A.U.E. Paris, 8 mars 2018, http://www.caue75.fr/content/le-bois, consulté le 29 novembre 2018

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REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

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FIG 18 - Plan masse des Arcs 1600 montrant la négociation du site

REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

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B - ANALYSE DE PROJETS RELATION AVEC LE SITE

DE

LOGEMENTS

POÉTIQUES

EN

LA CASCADE, CHARLOTTE PERRIAND, LES ARCS 1600, BOURG-SAINT-MAURICE, 1969

La Cascade est la seconde résidence construite aux Arc 1600 en 1969, conçue

par Charlotte Perriand en collaboration avec Guy Rey-Millet de l’Atelier d’Architecture en Montagne. La volumétrie de cet immeuble est particulière par un double décalage. En plan, chaque niveau est décalé d’un mètre quarante pour ouvrir des terrasses côté Sud-Ouest, imposant une façade inclinée au côté nord-est. En hauteur, chacun des sept immeubles mitoyens sont décalés d’un mètre quarante pour établir une relation plus douce avec la pente de la montagne.

L’empreinte

En effet, la volumétrie du bâtiment cherche à épouser la topographie du site en

accentuant la pente de la montagne par le décalage des hauteurs. L’ensemble s’inscrit dans les courbes du versant et établit une relation harmonieuse et sensuelle avec la montagne et son paysage. Pour Charlotte Perriand la campagne et la ville ne s’opposent pas, tout comme paysan et l’ouvrier, le bois et le métal, le bâtiment à la nature. Ainsi, son « amour de la nature, une vertu héréditaire qui ne l’abandonnera jamais, compose une relation charnelle avec la matière brute »93. La nature est une grande source d’inspiration dans son travail de photographe, de designer et d’architecture. Elle « prône inlassablement l’intégration : architecture-équipement-environnement, mettant en valeur une volumétrie intérieure faite d’harmonie, en rapport avec le paysage. »94

Cette recherche sur le travail de l’empreinte du bâtiment est largement influencée

par la notion d’ ‘‘ Art Brut ’’ développée par Charlotte Perriand et proche du Land Art. Cette notion d’Art brut a été explorée par Perriand, elle-même et Pierre Jeanneret qui parcouraient 93. BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, p.14-15, 2011, Édition 5 Continents 94. Ibid, p.29

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FIG 19 - Photographie des pentes de montagne près du site des Arcs 1600

FIG 20 - Croquis montrant le rapport de l’immeuble à la montagne

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FIG 21 - Grès plage Normandie, vers 1935

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pendant leur temps libre, sur les côtes françaises, à la recherche d’objets façonnés par la mer. Galets, bouts de bois, squelettes de poissons étaient récoltés puis nettoyés, exposés, photographiés pour accéder au statut d’œuvre d’art à Paris. Il nomment ainsi cette « création naturelle dépourvue de démarche artistique »95, l’ ‘‘ Art brut ’’. La question de l’empreinte est importante et permet de développer une fusion entre construction, géographie et climat. Ainsi la neige qui tombe, et l’immeuble en hiver se revêt de son blanc manteau. Il devient aussi blanc que la montagne pour ne faire qu’un. L’été, le bois de la façade se fond dans la texture verdoyante du site, par son aspect et sa couleur, elle entre en résonance avec les pins qui lui font face. La volumétrie du bâtiment est inspirée des formes naturelles qu’offre le site et son aspect évolue au fil des saisons comme le sol et les éléments environnants.

Du sol au ciel

L’accès au bâtiment est vu comme une véritable transition du sol aux étages. La

montée est conçue comme escalade progressive de la montagne, ponctuée de paliers. La pierre comme matériau du chemin s’inspire des matériaux rocheux du sol. L’assise du bâtiment en béton blanc accroche son bâtiment. Il en résulte un effet d’enrochement entre le sol naturel enneigé et l’élévation de l’ensemble. Ce travail des accès est important dans l’appréhension d’un territoire, d’un paysage. Ce dernier « se laisse contempler, mais peut être encore mieux en le parcourant à pied, en marchant à travers lui au rythme lent du corps. »96 Ce socle solide et dur est contrasté par le bois de la façade qui suggère envol et légèreté. Progressivement on entre dans ces appartement en bois, synonymes d’intimité et de chaleur où l’on se sent protégé comme dans une cabane en bois. La proximité des pins accentue l’effet d’élévation, de sentiment d’isolement et de proximité avec une nature dominante.

95. BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, 2011, Édition 5 Continents 96. WUNENBURGER ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, dans PAQUOT Thierry & YOUNES Chris, Le territoire des philosophes : Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.56, 2009, Éditions La Découverte

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FIG 22 - Photographie des accès aux immeubles

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FIG 23 - Croquis du hall d’entrÊe, le banc permet aux skieurs de se chausser avant de skier

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Le paysage, un incubateur spatial

Chez Perriand, le paysage est un véritable incubateur spatial : « le rapport intérieur-

extérieur est une préoccupation centrale de (son) architecture (...). Elle pratique une forme de photographie sans appareil, à travers le percement des fenêtres ou des baies vitrées. Les fenêtres, dit-elle à l’époque, devraient être percées aux endroits de plus large perspective, devant une enfilade de vue, par exemple. »97 Le site et le paysage ont façonné le bâtiment et l’on voit la passion qu’éprouvait Charlotte Perriand pour la montagne dans son projet. En effet, Barsac affirme que La Cascade est conçue « pour que l’usager n’ait devant lui que la montagne, afin que son regard, en immersion totale, se perde dans la nature, comme dans ses photos de montagnes. »98 La relation au paysage se tisse de manière suivante : chaque étape de l’expérience de cet immeuble se base sur la découverte progressive du paysage extérieur. Le regard est dirigé et mesuré pour être sollicité régulièrement. Tinland déclara à propos du paysage, il « est une composante essentielle dans les rapports que les êtres humains entretiennent avec la nature, plus ou moins transformée, mais à laquelle demeure attaché un fort potentiel affectif, en liaison avec les facteurs qui conditionnent la qualité de la vie et dont l’analyse comme la prise en compte rationnelle sont impuissantes à saisir la complexité. »99 En effet, c’est le paysage qui est ici le centre du projet, le point de départ de la conception. Son travail comme photographe a largement influencé ce projet. L’environnement qui entourait Charlotte Perriand stimulait son esprit créateur, au point de permettre aujourd’hui quelques comparaisons entre photographie et architecture. Ayant le sens du cadrage, il a été, au-delà d’une approche fonctionnelle rigoureuse un point important de l’architecture intérieure et des mobiliers pour offrir de véritables cadrages picturaux. 100 Ainsi dans l’appartement, la relation dedans-dehors se tisse par la pénétration des paysages extérieurs dans l’espace intérieur. Le bois, utilisé pour tout le mobilier, prolonge cette sensation permettant d’accentuer l’effet d’une cabane perchée dans les arbres. L’habitant de l’appartement s’approprie l’espace par

97. BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, p.28, 2011, Édition 5 Continents 98. Ibid, p.121 99. TINLAND Franck, ‘‘ Nouvelles conceptions de la nature et nouvelles figures de responsabilités ‘‘ dans Villes contre-nature, philosophie et architecture, p.56, YOUNES Chris, 1999, Édition La découverte 100. BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, p.29, 2011, Édition 5 Continents

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FIG 24 - Photographie d’un appartement regardant vers le balcon et les arbres au Sud

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FIG 25 - Plan et coupe de l’appartement montrant la projection de l’espace vers l’extérieur

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FIG 26 - Photographie de la façade Nord de l’immeuble

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le regard et les sens. En effet, « le point de départ de la composition des espaces intérieurs, des cloisonnements ou des rangements est conditionné par la hauteur du regard de l’homme ou de la femme, par les mensurations humaines et par les gestes. (Charlotte Perriand) débute souvent ses études en dessinant un œil accolé à une silhouette. »101. L’appartement est ainsi conçu pour permettre l’habiter poétique en étant un véritable incubateur sensoriel par les polarités ciel-terre et extérieur-intérieur qu’il offre et jouant sur les limites naturel/artificiel.

101. BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, p.29, 2011, Édition 5 Continents

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FIG 27 - Photographie d’une palombière près de Sare au Pays Basque

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LA CANOPÉE, PATRICK AROTCHAREN, ZAC SEQUE, BAYONNE, 2011

La palombière

Sur un site étroit de 5000 mètres carrés, près de Bayonne, cinquante logements

sont regroupés en deux entités résidentielles principales. Trente-huit logements collectifs sont reliées par des passerelles surélevées à douze maisons individuelles disséminées par la présence luxuriante de platanes. Chaque unité est surélevée sur des pilotis, libérant ainsi le sol et limitant l’emprise du bâtiment. On peut alors voir dans ce projet une claire référence aux palombières du Pays Basque, petites cabanes en bois aménagées pour cacher les chasseurs d’oiseaux (FIG 27). Ces palombières sont généralement situées à la cime des arbres, camouflées à plus de vingt-cinq mètres de hauteur. Toujours installées au sommet des arbres dominants, en général des hêtres ou des chêne, les chasseurs d’oiseaux s’installent dans ces cabanes aménagées où se trouvent postes de tirs, cuisine et espace pour dormir. Un réel monde intime se créé entre les hommes et la nature. A l’instar de la palombière, La Canopée est construite de matériaux disponibles à proximité. Le bois provient des forêts des Landes qui pousse à cinquante kilomètres du site. Les éléments sont pour la plupart préfabriqués pour réduire les coûts de construction. Il y a là une démarche économique et durable, proche de la cabane dans l’édification d’habitats.

La ballade onirique

Les passerelles en bois, desservant les logements sont élevées au premier étage, se

frayant un chemin parmi les grands arbres qui offrent une atmosphère sensorielle et onirique. Les paliers sont des espaces semi-privés ne desservant que deux logements maximum. Ils sont vastes et ouverts sur un fond naturel verdoyant, réduisant ainsi l’impression de densité visuelle. Les habitations individuelles surélevées sont reliées aux espaces communs de circulation verticale comme des appartements collectifs par des passerelles en bois afin que tous les résidents partagent les mêmes expériences quotidiennes, collectives ou

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FIG 28 - Photographie des espaces extÊrieurs regardant les façades Nord des logements

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FIG 29 - Photographie des accès privatisés

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individuelles102. Les accès verticaux extérieurs se veulent lumineux et promulguent la sensation de grimper une échelle afin d’accentuer l’effet d’élévation. Leurs sur-dimensionnements leurs donne un réel rôle dans la transition progressive des espaces publics aux espaces semiprivés puis privés. Ainsi cette ballade regorge de coins, de recoins et de cadrage qui offrent la sensation de passer d’une cabane à l’autre en passant par les arbres. Le recoin, l’ inattendu, nous l’avons vu, sont les lieux de création de poésie : « l’espace onirique est partout et nulle part. Dans le moindre coin et recoin, dans la moindre parcelle de nature, l’imagination peut s’envoler, se libérer, l’être rêveur peut enrichir le monde en suivant les axes de l’irréel. »103

Entre intimité et ouverture

Chaque unité est orientée au Sud pour bénéficier d’un ensoleillement maximal et d’un

confort thermique optimum, contribuant à un confort psychique. Tous les appartements et les maisons ont une double orientation et un espace de vie entièrement vitré de six mètres de long orienté principalement au Sud. Cet espace est extensible par un balcon privé généraux en bois de douze mètres carrés qui est protégé visuellement par l’utilisation judicieuse d’écrans pare-soleil en bois et de balustrades accueillant des bacs à fleurs encastrés où la végétation pousse et s’agrippe progressivement à la façade. La flexibilité du plan ouvert dans chaque logement correspond au style de vie local de cette région tempérée où l’on passe et vit autant à l’extérieur qu’à l’intérieur.104 L’élévation à l’intérieur de l’appartement est accentuée par l’organisation de ce dernier en duplex avec les chambres à l’étage. Chaque pièce bénéficie d’un lien avec l’extérieur en étant éclairée et ventilée naturellement. Ces dispositifs plongent l’habitant dans une réelle atmosphère ou bien-être et connexion à la forêt s’entremêlent. De l’intérieur, le mouvement et le bruissement perceptible des feuillages permet d’habiter au delà de l’occupation de l’espace mais dans le déploiement du psychisme de l’habitant. Il se sent constamment sollicité par ses sens, son habitat devient un véritable espace transitoire qui permet d’échanger avec le territoire.

102. Texte de l’architecte, ‘‘ Collective Eco-Housing La Canopée / Patrick Arotcharen Architecte ‘‘ ,site officiel Archdaily, 2013 103. WUNENBURGER, ‘‘ Gaston Bachelard et la topoanalyse poétique ‘‘, Le territoire des philosophes, Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, p.59, PAQUOT Thierry, YOUNES Chris, Éditions, La découverte, 2009 104. Texte de l’architecte, ‘‘ Collective Eco-Housing La Canopée / Patrick Arotcharen Architecte ‘‘, site officiel Archdaily, 2013

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FIG 30 - Plan masse de la résidence La Canopée montrant l’orientation des balcons

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94 REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT

REALISE A L'AIDE D'UN PRODUIT AUTODESK VERSION ETUDIANT FIG 31 - Plan d’un appartement duplex T3 montrant la projection de l’espace vers l’extérieur

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FIG 32 - Photographie du balcon d’une unitÊ

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La forêt intime

C’est par l’expérience du sol que se vit la forêt. Notre regard découvre l’immensité

du site dégagé des volumes. Puis l’ascension nous ramène à la hauteur des feuillages et se poursuit dans le logement. L’ouverture entière à ce paysage, profond par son immensité, libère la rêveur et de son propre être et de ses rêves Comme nous l’avons vu précédemment, la poésie permet de rendre le monde plus intime et c’est ainsi que par l’exploration de ce site, la forêt devient un contexte auquel on s’ouvre et qui nous protège. Bachelard cite ainsi André Pieyre de Mandiargues dans son livre Le lis de mer pour parler de la puissance poétique de la forêt en disant : « La forêt surtout, avec le mystère de son espace indéfiniment prolongé au-delà du voile de ses troncs et de ses feuilles, espace voilé pour les yeux, mais transparent à l’action, est un véritable transcendant psychologie. »

105

On peut faire en effet un parallèle

entre l’aménagement paysager du projet et la notion d’immensité intime énoncée par Bachelard. Il distingue alors plusieurs types d’immensité intime comme celles de la forêt, de la nuit, du froid, et on pourrait également rajouter celle de la cabane. Le vaste unifie l’homme et le monde et regroupe les contraires. L’espace intime et l’espace extérieur s’encouragent dans leur croissance et rentrent en résonance. Et finalement le temps, le climat et les saisons viennent s’imprimer sur la peau des volumes en marquant le bois et en laissant la végétation grimper le long des brise-soleils.

Ce logement va bien au-delà des réponses aux besoins biologiques de la « machine

à habiter ». Il permet d’habiter en poète une forêt à la fois immensité et intimité. L’image et le caractère de la cabane se retrouvent ici dans la volonté d’intégrer, de furtivité, de moindre impact. Ces deux projets témoignent d’un travail significatif sur la figure de la cabane.

105. BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, 2004, p.170, Éditions Presse universitaires de France

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FIG 33 - Coupe dans une unité montrant le duplex T3 et la proximité de la végétation

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FIG 34 - Croquis du sol dégagé sous les logements

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FIG 35 - Croquis des unitÊs de logements en façade Sud

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POUR CONCLURE

Des tentatives de réinterprétations de la cabane dans le logement collectif cherchent

à rompre avec l’idée de la « machine à habiter » pour offrir de nouvelles qualités spatiales au logement et un renouveau du cadre de vie des usagers. La cabane est devenue une occasion à être un espace à part entière dans le logement. Sa mise en scène permet à l’architecte de définir une identité forte pour son bâtiment et tente de se détacher des modèles formels dominants. L’imaginaire autour de la « cabane suspendue dans les arbres » est un moteur de création de situation inédite qui cherche à pallier le manque de poésie dans le logement. Enfin, le recours aux matériaux inspirés de l’architecture primitive comme le bois, participe à adoucir l’empreinte du bâtiment dans son environnement en s’inscrivant dans la recherche d’architecture plus authentique. Cependant ces procédés relèvent plus de la transformation formelle du logement collectif par l’insertion de ce que serait le stéréotype formel de la cabane, une petite boite construite en bois, plus qu’un renouveau d’une démarche du projet.

C’est ainsi que les projets La Cascade et La Canopée constituent des exemples de

logements collectifs où la cabane est renouvelée pour être dépassée et envisagée comme un prisme de démarche géopoétique dans la conception d’habitat poétique inséré dans son territoire et environnement naturel. Bien que ces deux projets soient formellement très différents de ce que serait la forme d’une petite cabane, ils introduisent l’idée de l’habiter géopoétique qui entre en résonance avec l’environnement naturel. Trois thématiques en ressortent. L’empreinte du bâtiment à la géographie du lieu est envisagée comme une réelle problématique. En fusion avec le sol comme une terraformation ou en surélévation, la construction cherche à s’inspirer des formes naturellement présentes pour entrer en fusion avec elles. Les accès de l’espace public à l’appartement sont vu comme une réelle ballade onirique et recréent des situations (escalader pour La Cascade, grimper dans La Canopée) et joue sur la sensorialité des usages. Enfin, le paysage est vu comme une perspective directrice de la conception spatiale en envisageant l’espace comme une dimension sensorielle (et non plus strictement géométrique) qui s’ouvre à l’environnement naturel dans le but de créer un dialogue intime à ce dernier. Finalement la cabane permet de définir une nouvelle architecture de l’habiter poétique et situé, un habiter géopoétique.

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FIG 36 - Photographie de la végétation présente sur la façade sud

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CONCLUSION

S’intéresser à l’archétype de la cabane, c’est s’intéresser à un geste primitif,

un point de départ qui nous ramène à l’essence de l’architecture. La cabane réduite à ses éléments les plus simples ne se limite pas à un imaginaire formel mais plutôt à une réelle démarche qui lie habitant et monde naturel. Elle est donc un point de rencontre privilégié entre expression culturelle et nature. L’être humain expérimente alors cette nature non pas à l’abri du monde comme le proposerait un logement opaque mais plutôt hors de soi en privilégiant la transgression des frontières. Ainsi elle condense des valeurs de protection et d’ouverture et par ses polarités ciel/terre, intérieur/extérieur, elle est un lieu psychique à l’origine des mécanismes de rêves et de suspension de la temporalité.

Une architecture située semblerait suffire à satisfaire la recherche de constructions qui

offrent une sensibilité au monde naturel en tirant parti des ressources d’un lieu, des caractères spécifiques d’un site, ainsi que des processus de croissance et des phénomènes naturels spontanés et accidentels. La cabane configure des pratiques de l’habiter en leur insufflant un souffle onirique qui dépasse la recherche de dialectique avec le site. Ce mode d’habiter, qu’elle propose est alors un état d’éveil psychique et sensoriel qui permet l’ouverture vers le monde extérieur. Le jeu sur les limites de l’espace construit est la condition de cet éveil qui induit par la suite la création de poésie en tant que synthèse ou pont entre l’individu et le monde naturel. La cabane est finalement un mode de vie unifiant où l’habitant se veut composant du monde naturel auquel il appartient et non plus dominateur absolu. La nature est alors considérée comme une composante géologique et biologique coexistante de l’être humain qui le détache de son histoire pour le plonger dans son être.

103


Cet archétype peut être finalement envisagé comme une matrice capable de générer autant de formes possibles qui ne se limite à la recherche d’habitats individuels, mais, qui par sa diversité, permet d’ouvrir vers d’autres typologies que constitue le logement collectif. La cabane possède trois composantes similaires à la maison individuelle : la dialectique haut et bas, composante essentielle du rêve et de l’imagination selon Bachelard, le logis ou espace de vie et la relation à l’extérieur. L’opération de transposition de l’individuel, représenté par l’archétype de la cabane dans le collectif permet alors le renouvellement du logement vers des considérations plus géopoétiques.

Le recours à la cabane dans le logement collectif a généré des productions

architecturales formant des icônes spectaculaires et fantaisistes dans l’espace urbain et périurbain. Cependant imaginer le logement sous le prisme de la cabane géopoétique revient plutôt à conjuguer poésie et nature comme éléments directeurs du projet. Il s’agit de voir en cette démarche un chantier possible du renouvellement de l’architecture contemporaine en s’inscrivant dans les problématiques actuelles de redéfinition des rapports entre êtres humains et nature et dans la recherche d’une anthropologie de l’espace qui lie psychisme, sensorialité et expérience de l’espace. La cabane est vue comme un schéma prospectif qui s’inscrit dans une dynamique de critique du logement collectif contemporain qualifiable de dépoétisé et inadapté au développement personnel de ses habitants.

La démarche géopoétique du logement emprunte à la cabane l’idée d’expérience

des caractéristiques du lieu. La volumétrie du bâtiment est l’occasion d’être l’expression de la géographie d’un territoire dans lequel il s’inscrit. Formes construites et naturelles entrent en harmonie. La frontière entre l’espace public et le logis (ou espace privé), la limite entre l’intérieur et l’extérieur, la polarité entre ciel et terre deviennent un enjeu dans le renouvellement du logement. Elles permettent de développer l’espace de l’habitat sensoriel comme l’occasion d’un éveil poétique vers le monde naturel. Enfin la question du paysage visuel et sensoriel est une composition essentielle pour envisager une relation intime et un éveil à l’environnement.

104


Pour John Brinckerhoff Jackson106, le paysage est une autre façon de mesurer le

temps. En effet, il met en scène toutes les échelles du temps passés et confronte ainsi l’être humain à l’immensité de la nature. Parler de paysage c’est finalement convoquer les perceptions individuelles et les représentations collectives du rapport entre nature et société. La nature est un véritable terrain d’expérimentation. En effet, même si elle rappelle souvent ses droits, elle se laisse appréhender par l’être humain. La cabane par sa construction conçoit un nouvel horizon d’un lieu en transposant les formations naturelles en constructions humaines. Mais alors façonner des paysages pourrait il être la finalité de l’architecture? A l’instar du sol qui se fracture ou se plisse, les architectures donne finalement à lire et à pratiquer « des paysages accidentés ou mouvementés, lisses ou continus »107 qui rompent ainsi avec la ligne d’horizon naturelle. Si paysage et architecture restent deux disciplines distinctes, l’inscription en continuité l’un de l’autre offre à l’architecture la possibilité de faire corps avec son environnement « en battant au même rythme dans un lien organique. »108

106. JACKSON John Brinckerhoff, A Sense of Place, a Sense of Time cité par TIBERGHIEN Gilles A. dans Nature, Art, Paysage, p. 9, 2001, Actes Sud / Ecole Nationale Supérieure du Paysage / Centre du Paysage 107. FRAC, «Habiter le Paysage», dossier pédagogique, 2013, http://www.frac-centre.fr/upload/document/pedagogique/2013/FILE_52f3be11dac5c_peda_13_thema_habpay_bd.pdf/peda_13_thema_habpay_bd.pdf, consulté le 26 décembre 2018 108. Ibid

105


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BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES : AALTO Alvar, La table blanche et autres textes, trad. Anne olin du Terrail,1997, Éditions Parenthèses BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, 2004, Éditions Presse universitaires de France BARSAC Jacques, Charlotte Perriand et la photographie : l’oeil en éventail, 2011, Édition 5 Continents, BENDIMERAD Sabri, Habitat Pluriel, densité urbanité et intimité, mai 2010, Collection Recherche du PUCA n°199 BRUN, DUFOUR, PICON, RIBEREAU-GAYON, Cabanes, Cabanons et Campements, 2000, Édition de Bergier LOUBES Jean-Paul, Traité de la cabane sauvage, manifeste pour une architecture située, 2011, Éditions du Sextan PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris, Habiter le propre de l’humaine, Villes, territoires et philosophie. 2007, Éditions La Découverte PAQUOT Thierry & YOUNES Chris, Le territoire des philosophes : Lieu et espace dans la pensée au XXème siècle, 2009, Éditions La Découverte RAMADE François, Dictionnaire encyclopédique de l’écologie et des sciences de l’environnement, 2ème édition, 2002, Éditions Dunod REY Alain, Dictionnaire culture en langue française, tome 2 et 3, 2005, Éditions Dictionnaire Robert. RYKWERT Joseph, La maison d’Adam au paradis, 1978, trad. Lucienne Lotringer, Édition Parenthèse SEMPER Gottfried, Du Style et de l’Architecture, écrits 1834-1869, trad. Jacques Soulillou, Éditions Parenthèses 2007

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THOREAU Henry David, Walden ou la Vie dans les bois, Édition Albin Michel TIBERGHIEN Gilles A., Nature, Art, Paysage, 2001, Actes Sud / Ecole Nationale Supérieure du Paysage / Centre du Paysage TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, mars 2005, Éditions du Félin TUPIN Etienne, Architecture in the anthropocene: encounters among Design, deep time, science and philosophy, 2012, Open Humanities Press VITRUVE, De Arquitectura, Livre I & II, trad.vnouvelle par M. Ch.-L. Maufras, publié par C. L. F. Panckoucke, 1847, Collection Bibliothèque Latine-Française WHITE Kenneth, Le Plateau de l’Albatros, introduction à la géopoétique, réédition de 2018, Éditions Le mot et le reste YOUNES Chris, Villes contre-nature, philosophie et architecture, 1999, Éditions La Découverte ARTICLES : KULPER Amy Catania, dans ‘‘ Architecture’s Lapidarium: On the Lives of Geological Specimens ’’, Architecture in the Anthropocene: Encounters Among Design, Deep Time, Science and Philosophy, dirigé par Etienne TURPIN, https://quod.lib.umich.edu/o/ ohp/12527215.0001.001/1:11/--architecture-in-the-anthropocene-encounters-among-design?rgn=div1;view=fulltext, consulté le 29 septembre 2018 ZERBONE Julien, ‘‘ Cabanes ‘‘, Revue 303 n°141, 2016 SITES INTERNET : BOUVET Rachel et WHITE Kenneth, ‘‘ Le nouveau territoire: L’exploration géopoétique de l’espace’’, Site de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain, Vol18 p224, publié en 2008 par Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, coll. Figura, <http://oic.uqam.ca/fr/ publications/le-nouveau-territoirelexploration-geopoetique-de-lespace> DELORME Franck, ‘‘ L’Atelier d’architecture en montagne. Contribution à la mise au point d’une architecture de montagne ‘‘, In Situ revue des patrimoines, https://journals. openedition.org/insitu/11198 EDOUARD FRANCOIS, site officiel, http://www.edouardfrancois.com/projets/tous-lesprojets/article/256/limmeuble-qui-pousse/#.WsTHv9NubVo FRAC, ‘‘ Habiter le Paysage ‘‘, dossier pédagogique, 2013, http://www.frac-centre.fr/ upload/document/pedagogique/2013/FILE_52f3be11dac5c_peda_13_thema_habpay_ bd.pdf/peda_13_thema_habpay_bd.pdf, consulté le 26 décembre 2018

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KOZ, site officiel, http://www.koz.fr/indexhibit/index.php/project/girard/ LE CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES TEXTUELLES ET LEXICALES, site officiel, http://www.cnrtl.fr/ LE RECOURS AUX FORETS, ‘‘ Les cabanes d’Edouard François ‘‘, site officiel, 2004, http://www.lerecoursauxforets.org/spip.php?article38 TALLI ARCHITECTS, ‘‘Loft Building : Tila Housing Block’’, site officiel, https://www.talli.fi/en/projects/loft-building-tila-housing-block TETRARC, site officiel, https://www.tetrarc.fr/projet-all-21-8 CONFÉRENCES : GERPHAU, ‘‘L’archaïque et ses possibles’’, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Juin 2018, https://webtv.citedelarchitecture.fr/video/archi-philo-2018-archaique-j1pt1

MÉMOIRES : HAMON Marie, La cabane : une figure géopoétique ?, Juin 2014 ZAFFRAN Jules, Références à la maison individuelle dans le logement collectif, Juin 2017

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ICONOGRAPHIE

COUVERTURE - WINE James, Highrise of Homes, axonométrie, 1981, dessin encre sur papier, 35.5 x 28.1 cm, copyright Philippe Magnon, http://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/site/highrise-homes-64.html?authID=98&ensembleID=293 FIG 1 - Croquis personnel FIG 2 - Photographie personnelle FIG 3 - Photographie personnelle FIG 4 - SANS AUTEUR, photographie extraite de Traité de la cabane sauvage, manifeste pour une architecture située, LOUBES Jean-Paul, p.195, 2011, éditions du Sextan FIG 5 - SANS AUTEUR, photographie extraite du site officiel Maison Edouard François, http://www.edouardfrancois.com/projets/tous-les-projets/article/256/limmeuble-quipousse/#.W9wda3pKjVo, consulté le 18 décembre 2018 FIG 6 - SEMPER Gottfried, gravure extraite de Du Style et de l’Architecture, écrits 18341869, trad. Jacques Soulillou, p.181, Éditions Parenthèses 2007 FIG 7 - AUTEUR INCONNU, extrait de TIBERGHIEN Gilles A., Nature, Art, Paysage, 2001, Actes Sud / Ecole Nationale Supérieure du Paysage / Centre du Paysage FIG 8 - GANDY Joseph Michael, tableau extrait de ‘‘Architecture’s Lapidarium: On the Lives of Geological Specimens’’, KULPER Amy Catania dans Architecture in the Anthropocene: Encounters Among Design, Deep Time, Science and Philosophy, Etienne TURPIN, https://quod.lib.umich.edu/o/ohp/12527215.0001.001/1:11/--architecture-in-theanthropocene-encounters-among-design?rgn=div1;view=fulltext, consulté le 29 septembre 2018 FIG 9 - SANS AUTEUR, photographie extraite de ‘‘Le Cabanon de Le Corbusier’’, site officiel de Cap Moderne, https://capmoderne.com/fr/lieu/le-cabanon/, consulté le 7 septembre 2018 FIG 10 - Photographie de Martin de Gaulle FIG 11 - SANS AUTEUR, photographie extraite de ‘‘Le cas (WAMATA) mis à l’étude (1/2) TADASHI KAWAMATA’’ Artplastikk, CPES-CAAP Lycée Simone Veil , 10 mai 2015

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http://arplastik-simoneveil.blogspot.com/2015/05/le-cas-wamata-mis-letude-12.html, consulté le 7 septembre 2018 FIG 12 - SANS AUTEUR, photographie extraite de TIBERGHIEN Gilles A., Notes sur la nature… la cabane et quelques autres choses, p.50, mars 2005, Édition du Félin FIG 13 - FREMY Anne, banque d’image personnelle FIG 14a & 14b - BERNTSEN Per, photographie extraite de «Sverre Fehn: Villa Schreiner, 1963», Fine Art Photography by Per Berntsen, http://www.perberntsen.com/_commercial/_ pages/schreiner.php, consulté le 18 décembre 2018 FIG 15 - SANS AUTEUR, site officiel Maison Edouard François, http://www.edouardfrancois.com/projets/tous-les-projets/article/256/limmeuble-qui-pousse/#.W9wda3pKjVo, consulté le 18 décembre 2018 FIG 16 - SANS AUTEUR, site officiel de KOZ, http://www.koz.fr/indexhibit/index.php/project/girard/, consulté le 18 décembre 2018 FIG 17 - SANS AUTEUR, site officiel de TETRARC, https://www.tetrarc.fr/projet-all-21-8 FIG 18 - Pièce graphique réalisée sous Autocad FIG 19 - Photographie personnelle FIG 20 - Croquis personnel FIG 21 - PERRIAND Charlotte, photographie extraite de Charlotte Perriand et la photographie : l’œil en éventail, BARSAC Jacques, p.166, 2011, Édition 5 Continents FIG 22 - Photographie personnelle FIG 23 - Croquis personnel FIG 24 - SANS AUTEUR, site officiel Altimag, https://www.alti-mag.com/alti-cosy/ les-arcs-appartement-charlotte-perriand, consulté le 18 décembre 2018 FIG 25 - Pièce graphique réalisée sous Autocad FIG 26 - Photographie personnelle FIG 27 - SANS AUTEUR, ‘‘ Pantières : Lanne décroche la boïna ‘‘, site officiel sud OUEST, 2012, http://sare.blogs.sudouest.fr/archive/2012/11/30/pantieres-lanne-decroche-la-boina.html, consulté le 18 décembre 2018 FIG 28 - Photographie personnelle FIG 29 - Photographie personnelle

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FIG 30 - Pièce graphique réalisée sous Autocad FIG 31 - Pièce graphique réalisée sous Autocad FIG 32 - Photographie personnelle FIG 33 - Pièce graphique réalisée sous Autocad FIG 34 - Croquis personnel FIG 35 - Croquis personnel FIG 36 - Photographie personnelle

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N’avons nous pas tous rêvés de vivre dans une cabane ? A l’heure où les questions d’ habiter et de nature sont de plus en plus envisagées comme intrinsèquement liées, ce mémoire étudie les possibilités de la cabane en tant que référence pour repenser le vivre en collectif dans une démarche géopoétique. La cabane est abordée dans un premier temps comme univers psychique, paradigme d’une sensibilité à la nature. Puis en examinant comment elle propose un renouveau de l’habiter plus poétique, la cabane sera abordée comme un prisme d’analyse de logements collectifs pour explorer son une possible démarche géopoétique.

Rédigé par Émilie Mendiboure


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