emoplux 2025

Page 1


EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2025

Lucas Leffler, Bleached Moment, 2025.

04 À propos de cette 10e édition par Paul di Felice et Pierre Stiwer

06 Repenser la photographie : du post-modernisme à l’IA par Pierre Stiwer

08 Arendt House, Rethinking Photography - European Month of Photography Arendt Award : Sylvie Bonnot, Marta Djourina, Raisan Hameed, Simon Lehner, Paulo Simão

14 Nationalmusée um Fëschmaart, Beyond the Frame. Rethinking Photography : Jessica Backhaus, Marta Djourina, Joan Fontcuberta, Alice Pallot, Jorma Puranen,  Letitia Romanini, Joost Vandebrug

22 Cercle Cité – Ratskeller espace d’exposition, Rethinking Photography : Presence / Absence, Visible / Invisible : Yann Annicchiarico, Marco Godinho, Raisan Hameed, Lucas Leffler, Paulo Simão

30 Villa Vauban – Musée d’Art de la Ville de Luxembourg, Michel Medinger (1941-2025) – Vanitas

34 neimënster, Révélation(s) : L’exposition : Liz Lambert, Birgit Ludwig, Letizia Romanini, Olivier Schillen, Luisa Maria Stagno, Giulia Thinnes, Julia Vogelweith

42 Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, TUBE.PHOTO.DASH, Christian Aschman, Julien Carreyn, Bertrand Cavalier, Wade Guyton, Pierre Hourquet, Aurélien Mole, Oliver Sieber & Katja Stuke, Batia Suter, Rebecca Topakian, Wolfgang Tillmans, Ruth Van Beek44

46 Casino Display, périscope - in situ creation : Shade Cumini

48 Clervaux Cité de l’image, Sept installations photographiques à ciel ouvert : Jörg Auzinger, Steven Cruz, Raoul Ries, Letizia Romanini, Luisa Maria Stagno, Emilie Vialet, Samantha Wilvert

54 Clervaux Brahaus, Floral Fiction : Claudia Larcher

56 Parc de Merl, Marianne Majerus – Portraits of Plants

58 Mudam Luxembourg - Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean, Lisa Oppenheim, Monsieur Steichen

60 CNA Steichen Collections, Les collections permanentes, Clervaux

62 CNA Display 01 Dudelange, Facettes de l’Humanité, la collection Teutloff

64 Konschthal Esch, Reality check, Gaëlle Choisne, Guillaume Greff, Erik Kessels, Birgit Ludwig, Séverine Peiffer, Marc Schroeder

68 Université du Luxembourg, site Belval, Daphné Le Sergent : Silicon Islands and War

72 Elektron au Centre Mercure, New Farmer : Bruce Eesly, Waldwandel / Forest Flux : Tamiko Thiel & Vaster than Empires : CROSSLUCID

80 Europäische Kunstakademie (Trier), Reconstructing Reality : Sissel Annett, Marc Josef Baruth, Matthias Grund, Lisa Hoffmann, Sonja Irouschek, Lia Meret Lehmkuhl, Eva Rosenstiel, Valerie Schmidt, Stefanie Schroeder

84 Centres d’art Nei Liicht, Serge Ecker : murmurare

86 Centres d’art Dominique Lang, Mémoires de fortune : Patrick Galbats et Camille Moreau

88 VF Art Projects - Junglinster, Château de Bourglinster, Lux Vitae : From Self to Society : Lee Shulman and The Anonymous Project

90 Reuter Bausch Art Gallery, Endroits | Ailleurs : Lisa Kohl, Baptiste Rabichon

92 Ceysson & Bénétière, Au-delà de la photographie : Marie José Burki, Paul di Felice, Gloria Friedmann, ORLAN, Aurélie Pétrel, Philippe Ramette

94 Instituto Camões, Centre culturel portugais, Emotional Extractions - Images of Disappearance : Duarte Perry

96 Photothèque de la Ville de Luxembourg, Les plaques Autochrome de Batty Fischer

100 Musée Dräi Eechelen, La cité transparente. Yann Tonnar

102 Bibliothèque nationale du Luxembourg, Raymond Clément : Le jazz à fleur de peau

104 BIL ( Banque Internationale à Luxembourg ), Expressions abstraites, Hommage à Olivier Dassault

108 Index des artistes

110 Informations pratiques

111 Remerciements / Partenaires

RETHINKING PHOTOGRAPHY

À PROPOS DE CETTE 10 E ÉDITION

Le Mois européen de la photographie au Luxembourg, ancré dans un réseau européen de festivals de la photographie depuis 2006, signera en 2025 sa dixième édition. C’est l’occasion de faire un rapide bilan de vingt ans de collaboration internationale avec des institutions aussi diverses que celle de la Maison européenne de la photographie de Paris - à l’origine du projet d’une collaboration internationale – Circulation(s) – Festival de la jeune photographie en Europe, les Kulturprojekte de Berlin, organisateur d’EMOP Berlin, la ville de Vienne et son festival Foto Wien à travers les institutions comme le Museum auf Abruf, Kunst Haus Wien et Foto Arsenal Wien, et plus récemment avec le centre d’art photo Hangar de Bruxelles et le Photo Brussels Festival ainsi que le festival Imago de Lisbonne.

Au cours de ces vingt ans, nous avons pu nouer des relations et des échanges avec – à une époque plus heureuse – avec la Maison de la photographie de Moscou, les Centres photographiques de Bratislava ou de Budapest, les festivals d’Athènes ou encore de Rome. Au gré des changements politiques, les échanges ont été favorisés ou étouffés selon que l’idée européenne était assurée de s’exprimer plus ou moins fortement et les moyens financiers que réclamaient les institutions étaient accordés ou pas.

Notre association, active depuis 1984 dans le domaine de la photographie, a pu trouver les appuis nécessaires tant auprès du Ministère de la culture que de la Ville de Luxembourg, et – pour le privé - auprès de l’étude Arendt qui nous a permis de proposer un prix prestigieux à travers le European Month of Photography Award. L’appui généreux et continu de nombreuses institutions d’Etat ou communales ont permis d’élargir le festival en lui donnant une dimension à laquelle nous ne nous serions pas attendus au départ avec la participation de plus de vingt galeries ou institutions. Nous pensons particulièrement aux musées et centres d’art au Luxembourg qui depuis le début ont participé à notre festival comme le Mudam, le MNAHA, le Casino Luxembourg, la Villa Vauban, neimënster, l’Université du Luxembourg, les centres d’arts Nei Liicht et Dominique Lang à Dudelange et le CNA.

D’autres initiatives dans le domaine de la photographie au Luxembourg comme Clervaux Cité de l’Image et Lët’z Arles et son prix LUPA, mais aussi des ouvertures à la photo comme l’Edward Steichen Award (ESAL), la nouvelle plateforme Elektron et l’’espace d’art Konschthal Esch dans le cadre d’EMOP montrent le dynamisme de la scène photographique et animent le débat artistique au Luxembourg.

Il reste que le monde politique et les arts évoluent au gré des changements de société et des mœurs. De multiples interrogations frappent la photographie notamment quand on considère l’arrivée de l’Intelligence artificielle et ses capacités de modifier le contenu ; la circulation des images sur les réseaux sociaux, la re-programmation idéologique des contenus en fonction de cultures identitaires multiples sont quelques aspects qui préoccupent les artistes. De sorte que nous avons initié le cycle « Rethinking » en présentant Rethinking Nature (2021) sur les questions de la représentation de la nature à notre époque de l’anthropocène et Rethinking Identity (2023) sur les constructions et déconstructions d’ identités politiques, culturelles et sociales et qui se conclut avec un questionnement sur le médium photographique à l’ère de l’IA sous le titre générique de Rethinking Photography (2025).

C’est ainsi que cette dixième édition se place à la fois dans un contexte de doute et d’interrogation alors même que l’intérêt du public pour la photographie n’a jamais été aussi prononcé. Nous remercions donc tous nos partenaires - dont un assez grand nombre nous accompagne depuis le début - de l’effort qu’ils consentent pour rendre possible un tel festival.

Leur engagement constitue le fondement même d’un événement culturel comme le Mois européen de la photographie au Luxembourg qui permet de placer le pays et ses acteurs culturels sur la scène internationale.

Paul di Felice et Pierre Stiwer (Café-Crème asbl) directeurs de EMoPLux (European Month of Photography Luxembourg).

Claudia Larcher, Still Life 3000, 2023/24

REPENSER LA PHOTOGRAPHIE DU POST-MODERNISME À L’IA.

Les objectifs et les ambitions de la photographie ont considérablement évolué depuis son apparition au XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, influencés par les progrès technologiques, les changements culturels fondamentaux comme le souci de reproduire le réel sont restés longtemps constants. Or avec l’arrivée de l’Internet et la multiplication vertigineuse de la création et circulation des images, plus récemment avec l’apparition de l’intelligence artificielle, le médium s’est vu confronté à de nouveaux défis tout comme le milieu des arts en général. Si le post-modernisme et la déconstruction avait déjà bouleversé le statut de l’image dans les années 80 du siècle dernier - en contestant l’idée même d’auteur, d’authenticité et de véracité - la fonction même de l’image dans notre société fait désormais l’objet d’une mise en cause fondamentale.

Lors du passage de l’analogique au digital dans les années 90 – et encore plus avec l’apparition des Iphone - la démocratisation de la production des images avait minoré le côté artisanal de la création d’un tirage photographique analogique, qui restait le garant, d’une certaine manière, d’un savoir faire artistique. Avec l’arrivée de logiciels qui s’appuient sur l’intelligence artificielle - tant pendant la prise que pendant le post-traitement - une image peut être modifiée fondamentalement de sorte qu’on peut s’interroger sur la valeur même de l’acte photographique même dans des contextes documentaires ou journalistiques et bien entendu aussi dans les arts.

Les interrogations sont complexes même si les questions ne datent pas seulement d’aujourd’hui. Son statut même en tant qu’expression artistique est longtemps resté en suspens. Le pictorialisme au tournant du 19e siècle - à travers Steichen ou Stieglitz entre autres - avait aspiré à placer la photographie sur le même piédestal que la peinture. C’étaient cependant les avant-gardes de l’entre-deux guerres qui allaient souligner la spécificité du médium et stimuler son potentiel artistique à l’égal des autres arts et cela en dépit de Walter Benjamin qui fit paraître - en 1936 - son fameux écrit L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique - où il annonçait que la possibilité de reproduire avec facilité toute œuvre d’art allait lui faire perdre son « aura ».

Il a fallu attendre les années 60 à 80 du siècle dernier pour voir l’esthétique photographique s’imposer sur les marchés de l’art et connaître une large reconnaissance. Les galeries d’art surtout avaient pris conscience du potentiel économique d’une pratique désormais centenaire. Tout à la fois vecteurs d’une valorisation de l’histoire de la photo qui permettait de mettre en avant les créateurs du 19 siècle et de l’avant-guerre et porteuses d’une créativité nouvelle originale, les galeries d’art offraient leurs cimaises à une nouvelle génération d’artistes-photographes. A la

reconnaissance des anciens (Edward Steichen, Robert Doisneau, Man Ray, André Kertesz, Henri Cartier-Bresson) s’adjoignait la promotion d’une pléthore de nouveaux créateurs comme William Klein, Robert Frank, Stephen Shore, Lewis Baltz, Andreas Gursky, ou encore Cindy Sherman et Prince. Un mélange heureux où une pratique encore partiellement artisanale cohabitait avec les démarches les plus originales de l’art contemporain. La photographie plasticienne – comme on l’appelait alors – devint pour un temps un réservoir très riche des pratiques artistiques du moment jusqu’à rejoindre les murs des institutions et musées les plus prestigieuses avec de grandes expositions.

On pourrait argumenter rétrospectivement que la découverte de la photographie par le marché de l’art dès les années 60 et 70 signifiait en quelque sorte aussi l’annonce de sa disparition dans les formes connues. La grande époque des reporters photographes venait de toucher à sa fin ; Life Magazine et d’autres revues prestigieuses étaient sur le point de disparaître et avec eux le photojournalisme remplacé par la télé et aujourd’hui par des millions d’individus qui utilisent leur téléphone portable pour enregistrer les événements pour les faire circuler sur les réseaux. C’est ainsi qu’au milieu des années 90, le théoricien de la photographie, Hubertus von Amelunxen pouvait signer un livre intitulé La Photographie après la photographie*. Kodak et Polaroid allaient bientôt faire faillite, Le touriste porteur d’un appareil photo (Leica, Nikon, Canon, ..) s’effaçait devant l’Iphone et sa caméra intégrée.

La société de consommation et l’avalanche de publicités qui étaient produites avait aussi changé le statut de l’image. L’omniprésence de celles-ci incitait une Cindy Sherman à faire des autoportraits où elle prenait des poses convenues telles qu’on les rencontrait dans les magazines populaires ; Richard Prince passait de la photographie à l’image en reproduisant, dans son travail, des photos prises par d’autres, en recyclant des photos publicitaires tirées de leur contexte.

L’un des aspects fondamentaux de cette photographie postmoderne était l’appropriation. Les artistes postmodernes ré-utilisaient et ré-interprétaient des images existantes, souvent tirées des médias, de la publicité ou de la culture populaire, pour remettre en question l’originalité et la propriété intellectuelle. Cette pratique anticipait sur l’impact des algorithmes de l’IA en particulier où l’apprentissage automatique à partir de vastes corpus de documents et de données existants allait produire inévitablement une pensée reçue, en favorisant les conventions et les clichés.

Sur un plan éthique, la photographie comme outil de documentation allait aussi subir des changements fondamentaux. À la photographie humaniste des Doisneau et Cartier-Bresson s’était substituée une pho-

tographie bien différente. La photographie de ces deux auteurs français pouvait être lue comme un art de l’empathie avec les couches populaires et donc porteur d’un message social mais guère idéologique. La critique des normes culturelles, à travers la photographie des années 80, notamment celles liées à l’identité, au genre, à la race, et à la classe sociale pour examiner la construction des identités et les stéréotypes culturels (Diane Arbus, Nan Goldin et Cindy Sherman, Barbara Kruger) s’inscrivait dans une critique sociale nettement plus affirmée, ce qui la plaçait dans le prolongement des mouvements contestataires proches d’une gauche classique. Plus près de nous, la photographie est de plus en plus vue comme un moyen pour promouvoir des causes identitaires – celles des femmes, des noires, des homosexuels, des trans - sur un mode bien différent des années 60 ou 80. Plus radicale dans ses affirmations, ce nouveau féminisme voit dans les nouvelles luttes moins la conquête de plus de justice sociale et de nouveaux droits, que l’éradication de ce qu’il décrit comme une masculinité toxique, le patriarcat de l’homme blanc avec comme vague de fond une contestation généralisée de la culture occidentale …. jusqu’à interdire et censurer toute critique qui va à l’encontre de ces principes idéologiques dans le mouvement Woke.

Dans la foulée est né ainsi un art photographique souvent évocateur de souffrance et centré sur la mise en avant de la « victime » comme nouvelle figure symbolique de référence notamment à travers la mise en image de toutes les formes de discrimination qui touchent à la question d’identité. Alors que la photographie moderniste mettait souvent l’accent sur l’authenticité que sous-tendait une idée de combat social pour plus d’égalité et de justice, la photographie woke considère l’image comme une construction, à l’égale de l’identité qui l’est elle aussi ( et non un fait biologique ). Et elle s’en sert pour construire ou affirmer –notamment dans le domaine du genre – ces nouvelles identités qu’elle oppose aux modèles traditionnels.

Cet art militant se situe en opposition à une autre courant, celui qui touche à l’essor du «selfie» et le partage constant d’images sur des plateformes comme Instagram et TikTok qui ont réduit la photographie à un outil de promotion de soi, favorisant souvent le narcissisme et la gratification instantanée. Le médium est transformé en un espace de récit personnel et de connexion sociale, fréquemment débridé et provocant. On peut y voir une modification fondamentale du paradigme de ce que doit être la photographie dans son rôle d’actant social. Certains critiques voient dans la banalisation de l’acte photographique ou son détournement par les médias une nouvelle chance pour l’artiste véritable. Ainsi Michel Poivert, historien de la photographie, pense que la photographie n’est pas image et que le retour à une forme de matérialité constitue l’avenir de la recherche artistique. Poivert observe que de nombreux artistes reviennent aux procédés argentiques et aux matériaux photographiques traditionnels. Ce retour aux sources constituerait une réaction face à la saturation d’images dématérialisées et permettrait aux artistes de se réapproprier une certaine matérialité de l’image.

Il est permis de douter de l’avenir d’une telle approche si elle n’est pas soutenue par un marché de l’art, des mécènes ou l’Etat en dernier recours. Concevoir l’art photographique comme une sorte de contre-

culture à la marchandisation des images utilisées comme vecteurs des forces politiques qui s’en servent pour promouvoir leurs intérêts est certes concevable. Mais le mouvement woke tout comme le retour des conservatismes traditionnels à droite peuvent aussi contribuer à stériliser les pratiques, soumises aux lois des marchés et aux consensus politiques, de gauche comme de droite.

Dans le monde saturé de médias d’aujourd’hui, nous sommes constamment bombardés d’images choquantes - de guerre, de pauvreté, de catastrophes environnementales et de souffrances humaines. Au point que certaines universités ou bibliothèques ont mis en place des « trigger warnings » pour prévenir des individus trop sensibles afin qu’ils ne s’exposent à des images trop choquantes. Cette surexposition a mené à une forme de désensibilisation pour les uns ou alors à une hypersensibilisation pour les autres. La censure radicale semble être, pour certaines institutions même prestigieuses, le dernier recours.

Les possibilités de manipulation par les médias sont aujourd’hui immenses. Les systèmes d’IA, qu’il s’agisse de modèles génératifs (comme les générateurs d’images ou de textes) ou d’algorithmes de recommandation, sont formés sur des ensembles de données qui relèvent d’un passé historique ou culturel constitué. Artistiquement parlant, un système d’IA peut également produire des œuvres qui ressemblent aux créations les plus populaires ou les plus « consensuelles » parce qu’il optimise souvent les résultats en fonction de ce qui a déjà fonctionné ou été largement apprécié. Cela conduit à un conformisme esthétique dans la création artistique, où les artistes eux-mêmes, dans une logique d’optimisation de la visibilité ou de la rentabilité, peuvent être tentés de produire des œuvres qui répondent aux attentes des algorithmes. On pourrait, dès lors, aussi s’attendre à un retour des pires académismes dans un mouvement inversé où la photographie aspire à devenir peinture voire un art du recyclage de modèles classiques. Face à ce risque d’uniformisation des styles et des thématiques quel parti doit prendre l’artiste ou quelle sera la place des cultures minoritaires ou marginales ? On pourrait être tenté de croire que la photographie d’art s’oriente vers une pratique de niche et qu’on lui réservera une place protégée dans les musées ou galeries pour autant que ceux-ci restent des espaces libres et disposés à échapper aux pressions idéologiques.

Le maintien d’une forme d’originalité, dans son sens vrai, se développera probablement dans un environnement hybride où les nouvelles technologies inquiètent autant qu’elles ouvrent les portes de l’innovation. On peut s’imaginer qu’une majorité d’artistes vont embrasser un ensemble varié d‘outils différents servant à la production d’images et que l’image photographique traditionnelle aura son existence parmi d’autres. Quant à la fonction de l’image dans la société de demain, on entre dans le domaine de la spéculation. Selon l’environnement politique et moral dans lequel cet art évoluera, il devra se situer par rapport à une pratique largement démocratisée et dominée par les réseaux sociaux. Il courra toujours le risque de son instrumentalisation par différentes forces économiques ou politiques.

Raisan Hameed, C-Prints Kodak, Mossul 1993-94, de la série Zer-Störung, 2022-2025.

ARTISTES LAURÉATS PRÉSÉLECTIONNÉS POUR LE PRIX

SYLVIE BONNOT (PARIS), MARTA DJOURINA (BERLIN), RAISAN HAMEED (LEIBZIG), SIMON LEHNER (VIENNE), PAULO SIMĀO (LISBONNE).

LE JURY DE LA 7ÈME ÉDITION DU ARENDT AWARD

PAUL DI FELICE, PRÉSIDENT EMOP, RUI PRATA (IMAGO LISBOA), DELPHINE DUMONT (HANGAR, PHOTOBRUSSELS), FELIX HOFFMANN AND MONA SCHUBERT (FOTO ARSENAL, FOTOWIEN), MAREN LÜBBKE-TIDOW (EMOP BERLIN).

RETHINKING PHOTOGRAPHY

EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY ARENDT AWARD 2025

Le prix EMOP Arendt Award, créé en 2013, est une distinction prestigieuse destinée aux artistes visuels émergents, reconnue pour récompenser leur talent artistique exceptionnel et leur pratique photographique en pleine évolution.

Le prix est parrainé par le cabinet d’avocats luxembourgeois Arendt & Medernach dont les espaces accueillent les lauréats lors d’une cérémonie de remise du prix et à l’occasion du vernissage de l’exposition où sont présentées les œuvres sélectionnées par le jury.

Très tôt, le cabinet d’avocats a joué un rôle essentiel dans la promotion de l’art photographique en s’engageant dans une politique d’achat et de soutien à la création artistique au Luxembourg. Après Rethinking Nature (2021) et Rethinking

Identity (2023), l’équipe curatoriale d’EMOP a choisi le thème de Rethinking Photography pour son édition 2025. Parmi un pool de positions artistiques proposées et discutées par les curateurs du réseau EMOP dans le cadre de ce thème, les cinq artistes suivants, qui vivent et travaillent tous en Europe, sont nominés pour le EMOP Arendt Award 2025 : Sylvie Bonnot (Paris), Marta Djourina (Berlin), Raisan Hameed (Leibzig), Simon Lehner (Vienne), Paulo Simāo (Lisbonne).

Une publication comprenant des livrets monographiques est éditée à cette occasion par Café Crème asbl.

RETHINKING PHOTOGRAPHY

Aujourd’hui, de plus en plus d’artistes contemporains revisitent les processus historiques, les questions de genre et le pouvoir potentiel des images pour affronter les défis et les possibilités de notre ère numérique. En se tournant vers des techniques analogiques et des matériaux sensibles à la lumière, ou en revisitant les archives publiques et personnelles, ils affirment ainsi une forme de résistance créative à l’immatérialité croissante induite par l’IA.

Dans ce contexte, « repenser la photographie » devient une exploration de la mémoire, de la matérialité et un défi créatif dans un monde de plus en plus virtuel et artificiel. Ainsi, sous le titre générique de Rethinking Photographie cette édition marque une nouvelle étape dans la réflexion photographique actuelle.

Photographe et plasticienne, l’artiste française Sylvie Bonnot, cherche à rendre la photogra-

phie plus tangible en interagissant directement avec la matière de l’image. Elle décolle la gélatine de ses photographies pour la déposer sur diverses surfaces, créant ainsi ce qu’elle appelle des « mues ». En se référant à la nature et particulièrement à la forêt, son œuvre, sculpturale et haptique, présente un large éventail de ces créations hybrides qui ouvrent de nouvelles visions photographiques.

Dans sa recherche artistique, Marta Djourina, née à Sofia et vivant à Berlin, s’intéresse aux différents phénomènes lumineux qu’elle explore comme médium dans sa pratique photographique. Elle utilise des techniques photographiques historiques pour capturer la notion de toucher, et crée des espèces de performances photographiques en transférant des mouvements performatifs directement sur du papier photo à l’aide de différentes sources lumineuses mobiles. Ainsi la photographie se dynamise à travers un processus gestuel qui s’apparente du pictural.

Paulo Simão, Erased Leif Ericsson Statue, de la série ERASED, 2021.
Sylvie Bonnot, Grand bois drapé (Saut Sabbat), Guyane, 2024.
Simon Lehner, Image Bastards XI, 2024. Courtesy KOW, Berlin.

En choisissant l’abstraction et une certaine picturalité dans sa série Zer-Störung, Raisan Hameed, jeune artiste germano-iraquien basé à Leipzig, réutilise les documents très abîmés provenant des archives familiales en les associant à ses propres images prises à Mossoul. Avec cette « autre » documentation, focalisée davantage sur la matérialité que l’iconicité, il exprime les dommages et destructions de la guerre, l’impermanence des choses tout en questionnant la force et l’impact de l’image photographique.

Le travail artistique de l’Autrichien Simon Lehner, en combinant divers média, part d’expériences personnelles autour de la vie domestique et de la violence émotionnelle. Son œuvre est générée par différents matériaux d’archives personnelles et de documents numériques qui à travers les modifications photographiques, vidéographiques et plastiques reconstituent ou déconstruisent la mémoire et les souvenirs traumatisants.

L’artiste portugais Paulo Simão présente une importante série de photographies en noir et blanc intitulée Erased qu’il s’est appropriée des archives de la Bibliothèque du Congrès américain en les transformant par l’effacement. De ces monuments d’hommes importants, il ne reste que le socle pour témoigner des contextes politiques passés. Ainsi cette série photographique qui évoque les débats de notre époque quant aux valeurs éthiques, aux connaissances historiques et à la mémoire collective interroge aussi l’image photographique dans son rapport aux représentations du pouvoir.

Ces propositions émergentes témoignent d’une nouvelle prise de conscience du rôle des images et de la responsabilité des artistes dans un monde de plus en plus virtuel.

Paul di Felice

Marta Djourina, Sans titre, 2025.
Joan Fontcuberta, Calyptuso aburendis, de la série De Rerum Natura, 2023.

ARTISTES

COMMISSAIRES

PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL) / RUUD PRIEM (MNAHA).

BEYOND THE FRAME. RETHINKING PHOTOGRAPHY

À l’ère de l’intelligence artificielle (IA) et des technologies numériques, la photographie traverse une transformation profonde. Face aux progrès technologiques et vu l’évolution vers une perfection croissante de l’image, certains artistes choisissent de revenir aux racines mêmes de la photographie.

En ré-utilisant des techniques anciennes, en redécouvrant la photographie analogique et en explorant les interactions complexes entre la lumière et les surfaces photosensibles, ces artistes créent des œuvres qui résonnent d’une profondeur tactile et matérielle. Ils s’engagent dans un dialogue avec le passé pour produire des photo-sculptures et des installations innovantes, réinventant ainsi les possibilités du médium photographique. De plus, en revisitant artistiquement les archives, ils établissent des ponts entre les époques, insufflant une nouvelle vie à des photographies oubliées tout en questionnant leur signification et leur pertinence à travers une réinterprétation contemporaine.

Ce phénomène n’est pas nouveau, car l’histoire de la photographie a toujours été marquée par des mouvements de réinvention et d’innovation. À la fin du XIXe siècle, le pictorialisme cherchait à élever la photographie au statut d’art en imitant les techniques de peinture. Puis, au début du XXe siècle, des mouvements d’avant-garde tels que le dadaïsme et le futurisme utilisaient la photographie pour déconstruire et réinventer les perceptions visuelles et sociales. Des artistes comme Man Ray ont expérimenté des techniques novatrices, telles que la solarisation et les photogrammes, créant des images qui défient les conventions de leur époque.

Dans les années 80 et 90, la photographie plasticienne a élargi le cadre traditionnel de la photographie, tandis que les grands formats des photographes de l’école de Düsseldorf et des artistes comme Bustamante en France ont commencé à considérer la photographie comme un « tableau », au même titre que la peinture.

Ces mouvements ont été théorisés par des penseurs tels que Roland Barthes, dont le livre La Chambre claire explore la nature ontologique de la photographie, ou encore Rosalind Krauss, qui a analysé le médium sous l’angle des avantgardes et de la théorie postmoderne. Willem Flusser, pour sa part, a étudié le fonctionnement des dispositifs photographiques en relation avec l’évolution de nouvelles formes d’expérience, en pensant à des artistes comme Sigmar Polke.

Aujourd’hui, face aux avancées technologiques, cette tradition d’expérimentation se poursuit. Paradoxalement, après avoir sorti la photographie du livre et l’avoir élevée au rang de tableau, l’artiste contemporain ouvre aujourd’hui le champ de la production et de la monstration de la photographie. En ré-interprétant des procédés historiques, ces artistes confrontent les défis et les possibilités de notre époque numérique. Certains se tournent vers des techniques analogiques et des matériaux sensibles à la lumière, renouant ainsi avec une dimension tactile et physique de la photographie. Cette démarche s’affirme comme une forme de résistance créative face à l’immatérialité croissante induite par l’IA. Ces pratiques offrent une richesse d’expression et de réflexion, soulignant la pertinence continue de la photographie, aussi bien comme forme d’art que comme moyen de transformation sociale et culturelle. Après Rethinking Nature et Rethinking Identity, Rethinking Photography, la troisième partie de cette trilogie initiée dans le cadre du Mois européen de la photographie, marque une nouvelle étape dans la réflexion photographique. Celle-ci continue d’être nourrie par des interrogations sur l’originalité de son langage, les potentialités de l’image en devenir, voire sur son rôle en tant qu’opérateur créatif dans l’univers visuel actuel.

Depuis la série Cut Outs (2021), le langage visuel de Jessica Backhaus s’est complexifié au niveau des surfaces, des formes et des couleurs, comme en témoigne sa nouvelle série, rassemblée dans sa publication récente Plein Soleil. À travers des assemblages minimalistes et des compositions abstraites qui naissent à partir de papier exposé à une chaleur intense, se pliant et se déformant ainsi face à la caméra, Backhaus crée des images vibrantes et transcendantales d’une beauté éphémère.

Marta Djourina, Untitled, 2020. Vue de l’exposition.
Jessica Backhaus, Untitled 12, de la série Plein soleil, 2023.

La lumière et l’abstraction jouent également un rôle majeur dans les créations singulières de Marta Djourina. Sa démarche diffère, bien que des points communs visuels existent entre les deux approches photographiques. S’intéressant aux différents phénomènes lumineux, elle utilise des techniques photographiques expérimentales analogiques, telles que le photogramme, et crée des papiers photographiques tridimensionnels qui occupent l’espace comme des sculptures. La photographie se développe ainsi à travers un processus gestuel, qui, dans sa phase finale, s’apparente à une forme picturale.

Depuis sa série Herbarium (1984), Joan Fontcuberta n’a cessé de questionner les limites du médium photographique à travers de nombreuses réalisations où réalité et fiction, science naturelle et technologie, photographie et art se mêlent pour créer un corpus d’images singulières qui existent au-delà de la vérité. Dans sa série récente De Rerum Natura (La nature des choses), il présente des « photographies » en noir et blanc générées par l’intelligence artificielle à partir des descriptions de plantes faites par les premiers découvreurs et évangélisateurs de l’Amérique, aux XVIe et XVIIe siècles. Ces plantes, qui n’existent pas dans la réalité, permettent néanmoins de comprendre et d’analyser les mécanismes de représentation d’une chose anticipée par l’esprit, « d’hallucinations fabuleuses qui établissent un lien avec la narration » (Fontcuberta).

Jorma Puranen. I cy Prospects no 38, 2007. Courtesy Arendt & Art Collection.

Dans sa série Algues Maudites, A Sea of Tears, Alice Pallot, en partant de la prolifération des algues vertes sur les côtes bretonnes, joue sur un imaginaire proche de la science-fiction, évoquant la vulnérabilité du monde face aux impacts du changement climatique et anticipant le déclin de la biodiversité. En utilisant la pollution visuelle comme filtre photographique et en altérant ses

impressions argentiques par les algues, elle crée une narration autour du monde naturel en mutation. À travers un processus plastique et photographique d’une grande sensibilité et force expressive, elle contribue artistiquement au débat sur la préservation des écosystèmes. Son travail photographique documentaire et expérimental explore des réalités cachées et interroge les effets de l’Anthropocène.

Alice Pallot, Pique solaire, de la série Algues maudites, Red Bloom, 2024. Courtesy Hangar Gallery.

Dans un registre plus autoréférentiel, Letizia Romanini aborde les questions de mémoire et de mutation en faisant dialoguer quatre images évoquant deux temporalités et spatialités différentes. Dans ses deux photographies Grotte di Frasassi, Genga, un ensemble de cavités souterraines karstiques découvert dans les années 1970 près de Pesaro, elle rend hommage à ses racines italiennes et exprime sa fascination pour la lente formation des stalactites et stalagmites. En revanche, dans Boue et Roche, elle réinterprète des images prises lors de son « Tour de Luxembourg » en août 2021, un parcours artistique effectué à pied pendant vingt jours dans l’idée de « saisir le paysage par des captations et des prélèvements photographiques ».

Ce travail témoigne de l’approche plasticienne de la photographie que Romanini met en exergue par le jeu de transparence et de matérialité, invitant le spectateur à projeter son image éphémère sur ses plaques de verre, où l’image est sérigraphiée avec une encre miroir.

Les travaux photographiques expérimentaux de Jorma Puranen, figure de proue de l’école de Helsinki, abordent la question de la réalité et de la représentation artistique en déconstruisant les genres traditionnels de la photographie. Son approche plasticienne le place parmi les photographes les plus créatifs des années 1990, sublimant le réel et substituant la représentation

Letizia Romanini, Grotte di Frassasi, Genga, Italy, de la série The Oath of Impermanence, 2023.

par l’expérience sensible. Ses réflexions sur le paysage, entre acte photographique et pictorialité, ainsi que son travail sur les archives, ont influencé de nombreux jeunes artistes qui partagent avec lui l’intérêt pour la matérialité de la photographie.

À la recherche d’une création originale, ré-interprétant la fragilité des techniques photographiques historiques, Joost Vandebrug, artiste

multidisciplinaire, recourt à diverses techniques d’impression, notamment des transferts de pigments et des tirages à la gélatine argentique, sur du papier Washi fait main, des plaques de cuivre et du papier baryté traditionnel. Contrairement à la beauté lisse de certaines images générées par des machines, il privilégie un travail artisanal où le processus n’est pas entièrement prévisible. Son art reflète ainsi un désir de remettre en question les méthodes traditionnelles tout en expérimentant la temporalité et la matérialité de la photographie à l’ère post-photographique. Ses compositions tactiles vont au-delà de la représentation paysagère classique, se transformant en diagrammes fragmentés.

En somme, ces artistes témoignent tous d’une quête d’expérimentation et d’innovation au sein du médium photographique, chacun à sa manière explorant les limites de la réalité, de la perception et de la matérialité. Par leurs approches uniques — que ce soit à travers l’utilisation de la lumière, des techniques analogiques ou digitales, la manipulation des supports — ils « repensent » la photographie et la redéfinissent comme un espace de recherche créative et plastique. Leurs œuvres, tout en étant profondément ancrées dans le présent, interrogent le futur de la photographie dans un monde en mutation, qu’il s’agisse de la nature, de la mémoire, de la représentation ou de l’impact de l’Anthropocène. Au-delà de l’image figée, leurs travaux nous poussent à repenser le rôle de l’art dans un contexte où l’authenticité, la matière et l’expérience humaine deviennent des éléments essentiels dans la relation entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur.

Joost Vandebrug, 25-32 de la série Pillow Book, 2025.
Marco Godinho, Blind Memory
(The Eyes of the Tiger), 2012, photo by Andrés Lejona, 2025.

ARTISTES

COMMISSAIRE

RETHINKING PHOTOGRAPHY

PRESENCE / ABSENCE, VISIBLE / INVISIBLE

Après Rethinking Nature en 2021 et Rethinking Identity en 2023, le cycle Rethinking se poursuit en 2025, dans le cadre de la dixième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg, avec le thème et titre générique : Rethinking Photography.

Ce troisième chapitre de la trilogie marque une nouvelle étape dans la réflexion sur le médium, son sens et son essence en tant que photographie, en prenant pour point de départ les questionnements des éditions précédentes. Ce renouveau de la pensée de l’image photographique, dans une société submergée, voire polluée, par des informations visuelles souvent douteuses, s’inscrit dans une logique de recherche artistique et d’engagement sociétal. Face aux « fake news » et aux dérives

liées à l’utilisation de l’IA pour la création d’images, certains photographes développent de nouvelles stratégies de monstration et de circulation de l’image : soit en résistant aux technologies, soit en les ré-utilisant et les déconstruisant.

L’histoire de la photographie regorge de typologies et d’exemples questionnant la présence et l’absence. Toute photographie porte en elle une part importante de hors-champ, de hors-temps, de hors-espace. Aujourd’hui, avec l’explosion quotidienne des images, ces réflexions nourries par une anthropologie visuelle émergente permettent de révéler de nouvelles perceptions et d’explorer des réalités latentes, dissimulées, absentes ou invisibles à première vue.

À travers ses photographies et installations, l’artiste luxembourgeois Yann Annicchiarico explore des mondes qui semblent visuellement inaccessibles. En créant de nouveaux rapports à l’espace et à la temporalité, il défie l’échelle des choses et ouvre des perceptions sensibles inédites. En « photographiant », à l’aide d’ un scanner posé au sol, il rend visible le monde nocturne des insectes et fait resurgir des vies furtives, marginales par rapport au centralisme humain. L’image photographique devient ainsi à la fois la trace du visible et de l’invisible, de la présence et de l’absence.

Dans un autre registre, le travail multimédia de l’artiste belge Lucas Leffler s’articule souvent autour des questions d’ontologie de l’image. Artiste plasticien et photographe, il revisite l’histoire de la photographie et ses techniques tout en interrogeant l’héritage industriel des grandes compagnies de production de matériel photographique telles que Agfa et Kodak. En créant ses propres émulsions photosensibles à partir de boues argentifères provenant de cours d’eau pollués, il aborde les questions écologiques liées à l’industrie de la photographie tout en repensant la pratique à l’ère numérique.

Yann Annicchiarico, Gibraltar Night, 2023-2024.
Lucas

Par son appropriation et sa déformation des photographies d’archives, Paulo Simão pose, avec sa série Erased, les questions de l’absence/présence et du visible/invisible dans un contexte historique et politique. S’inspirant de l’œuvre de Robert Rauschenberg Erased De Kooning Drawing, il revisite un ensemble d’images issues des archives de la Bibliothèque

du Congrès américain, représentant des monuments d’hommes importants ayant marqué l’histoire mais dont certains sont aujourd’hui contestés. À travers l’effacement des personnages, il met en lumière une « absence » historiquement chargée, tout en interrogeant les représentations du pouvoir, l’art public et le rôle de l’artiste aujourd’hui.

Paulo Simão, Erased Asbury Statue, de la série ERASED, 2021.
Paulo Simão, Erased Abraham Lincoln, de la série ERASED, 2021.
Paulo Simão, Erased Statue of Liberty, de la série ERASED, 2021.
Paulo Simão, Erased Greene Statue, de la série ERASED, 2021.

L’effacement prend une dimension plus destructrice dans la série Embers of Narratives (سرديات الجمر) de l’artiste germano-irakien Raisan Hameed, qui décline les différentes formes de destruction de façon abstraite dans un cycle initié par Risse et Zer-Störung. À partir d’images de Google Street View de sa ville natale, Mossoul, il crée des formes en utilisant un outil thermo-

graphique qui rappelle des traces de flammes, évoquant les lieux de guerre de son enfance. Ce processus expérimental, réalisé manuellement, et l’impression thermale génèrent une surface noire abstraite, rendant l’image partiellement invisible. L’ensemble de l’œuvre de Hameed est une remise en question de la mémoire et de la narration visuelle.

Raisan Hameed, O.T. de la série Embers of Narratives. Part I, 2023-2025, vue de l’exposition.

La narration accompagnée de poésie visuelle est récurrente dans la pratique artistique conceptuelle de l’artiste luxembourgeois-portugais Marco Godinho. Dans certaines œuvres, il utilise la photographie lenticulaire pour créer un espace multidimensionnel où le spectateur, selon sa position, recrée de nouvelles images et active ainsi de nouvelles temporalités de la photographie.

Dans Blind Memory (The Eyes of the Tiger), un double portrait de Jorge Luis Borges à partir d’une photographie de Eduardo Comesaña de 1969, il crée, toujours en collaboration avec le spectateur, un portrait inédit où la jonction des images révèle une forme obscure évoquant un troisième œil, l’œil du tigre - le tigre étant l’ultime représentation du temps pour Borges.

Dans l’oeuvre, The Hidden Library, Godinho, jouant sur les notions de visible et invisible, « nous invite à poursuivre l’expérience du déplacement physique et mental où absence et présence, distance et proximité, nous aide

à traduire la valeur intime et poétique d’une photographie dans une valeur esthétique collective et politique ». Il l’explique ainsi : « Par l’intervention d’un geste inframince, des photographies de voyages et de recherches sont dissimulées dans une bibliothèque publique, pour se transformer en marque-pages, où chaque photographie sort du cadre de l’image pour devenir un repère temporel et spatial de mon processus créatif ».

Ce lien engagé avec le visiteur, dans le cas de Marco Godinho « à travers une expérience active avec le dispositif, pour découvrir, à chaque déclenchement, une nouvelle constellation de sens », se retrouve également sous d’autres formes dans toutes ces propositions qui interrogent chacune à sa manière les limites de l’image photographique, tout en ouvrant de nouvelles perspectives et visions.

Marco Godinho, Blind Memory (The Eyes of the Tiger), 2012, vue de l’exposition, photo by Andrés Lejona, 2025.
Michel Medinger, Sans titre, 2018, Collection de l’artiste.

COMMISSAIRE

PAUL DI FELICE

EXPOSITION PRODUITE PAR LA VILLA VAUBAN, EN COLLABORATION AVEC LËT’Z ARLES ET AVEC LE SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL

MICHEL MEDINGER (1941-2025)

– VANITAS

Lorsque nous avons préparé l’exposition Vanitas, Michel Medinger était encore parmi nous. Pourtant, la vanité des réalisations et des plaisirs terrestres l’avait déjà partiellement quitté. Son humour, cependant, resurgissait de temps à autre dans le quotidien de son hospice. Sous le nom de Michel Medinger L’ordre des choses, les Rencontres d’Arles les Rencontres d’Arles, avec la complicité de Lët’z Arles dans le cadre du Luxembourg Photography Award, lui ont rendu un hommage prémonitoire en 2024.

Dans l’espace baroque qu’est la chapelle arlésienne de la Charité, sous la curation de Sylvie Meunier, des caissons lumineux, des polaroïds, des photos en noir et blanc et une partie de son cabinet de curiosités – cette source d’inspiration infinie – ont été installés, le temps du festival, incarnant l’essence même de son univers artistique.

Le retour au Luxembourg des œuvres de Michel Medinger prend forme à travers deux expositions distinctes : l’une à Dudelange, l’autre à LuxemSEE

bourg, chacune se distinguant par ses choix et sa présentation des œuvres. La première se déroule au Centre national de l’audiovisuel (CNA) à l’automne, tandis que l’autre, que nous présentons ici, se tient à la Villa Vauban au printemps.

Sous le titre Michel Medinger - Vanitas, cette exposition produite par la Villa Vauban en collaboration avec Lët’z Arles et avec le soutien du CNA, s’inscrit dans la programmation du Mois européen de la photographie au Luxembourg. Installée au milieu des salles de la collection de peintures classiques, cette exposition, entourée de noir, dévoile les petites compositions photographiques que Michel Medinger a réalisées tout au long de ces quarante dernières années : des représentations allégoriques et des versions contemporaines des vanités des XVIIe et XIXe siècles. Elles incarnent, avec une ironie douce, le sentiment du memento mori, rappelant la fragilité et la brièveté de l’existence humaine.

VILLA VAUBAN MUSÉE D’ART DE LA VILLE DE LUXEMBOURG

L’œuvre de Medinger se distingue par une qualité esthétique et plastique à la fois évocatrice et dérisoire, où l’on rencontre des objets insolites et des éléments banals du quotidien. Des fleurs découpées dialoguent avec des crânes d’oiseaux ou d’animaux empaillés, tandis que la nature morte, genre de prédilection de l’artiste, donne vie à des compositions surréalistes et baroques, tirées de son environnement quotidien. L’artiste savait ré-arranger les objets avec une forme de dérision, leur conférant un aspect hybride, tout en créant des scènes qui semblaient tout droit issues d’un rêve ou d’une réflexion métaphysique.

À travers ces petites mises en scène, réalisées uniquement pour la photographie, Michel Medinger laisse s’exprimer un imaginaire débordant, nourri jusqu’au moment où la maladie ne lui a plus laissé la force de créer. Il avait ce don de déplacer les objets de leur contexte habituel, de les associer à des éléments contradictoires, de leur donner une nouvelle signification, mais toujours en les enveloppant d’une beauté étrange et périssable. La composition, voire l’arrangement de ces éléments incongrus, et l’acte photographique lui-même étaient pour lui une tâche existentielle, une révélation et une fixation de l’éphémère et de la fragilité de l’existence humaine.

L’humour, en tant qu’arme subversive, se glisse dans chaque recoin de l’image. Les juxtapositions inattendues, les clins d’œil ironiques, défient les tabous, créant un dialogue entre le sacré et le profane. Ce n’est pas seulement une réflexion sur la vie et la mort, mais aussi une célébration de la liberté créatrice. Michel Medinger incarne cette attitude en photographie comme un acte de résistance artistique, un refus des dogmes qui étouffent l’expression individuelle.

De formation chimiste, Michel Medinger, artiste singulier, se situe dans la lignée des photographes plasticiens, ré-interprétant des techniques photographiques anciennes, à l’instar de personnalités comme Patrick Maître-Bailly-Grand. Ses compositions, proches des natures mortes avec des légumes

et fruits aux formes organiques évocatrices, rappellent le travail d’Edward Weston alors que les crânes nous font penser à l’univers sombre et grotesque de Joël Witkin.

Chaque photographie est une œuvre qui s’inspire des codes esthétiques de la nature morte et des vanités en peinture, notamment hollandaise et flamande, mais aussi des compositions surréalistes, où la lumière et les ombres subliment les détails et l’étrangeté des objets. Dans cette démarche d’ouverture de l’image à l’imaginaire, la photographie, par l’œil et l’esprit, devient un véritable tableau.

Paul di Felice

Michel Medinger, La vase rouge, polaroid transfert, 1997, Collection de l’artiste.
VILLA
Michel Medinger, Poires avec des ailes II, 2004, Collection de l’artiste.
Luisa Maria Stagno, Overcrowding, de la série
2024.

ARTISTES

COMMISSAIRE

KRYSTYNA

Plateforme : Révélation(s) c’est la possibilité offerte aux jeunes talents d’expliquer leur démarche artistique au grand public et à des experts de renommée internationale. C’est aussi une exposition organisée par

Café Crème asbl en partenariat avec neimënster où des artistes du Luxembourg et de la grande région représentatifs de la scène photographique et artistique actuelle présentent leur travail.

La sélection de jeunes talents, retenue par le jury d’EMOP Luxembourg, dans le cadre de la 10ième édition du Mois européen de la photographie, s’inscrit dans la continuité des questionnements autour du médium.

A la différence des revues de portfolios classiques, l’artiste sélectionné par un jury du Mois européen de la photographie du Luxembourg est invité à présenter et commenter son travail en public à travers un exposé devant public et experts européens de renom. A la fin des présentations, l’artiste échange individuellement avec chaque expert présent qui commente son travail en tête à tête.

Parmi les experts internationaux figurent : Delphine Dumont (curatrice et directrice, Photo Brussels Festival + Hangar, BE), Christian Gattinoni (critique d’art + rédacteur en chef de la revue en ligne « www.lacritique.org », FR), Rui Prata (directeur, Imago Lisboa, PT), Emmanuelle de l’Ecotais (curatrice et directrice de Photo Days Paris, FR) Maren Lübkke-Tidow (curatrice EMOP Berlin) et Mona Schubert, (curatrice Foto Arsenal Wien).

Le jury a nommé les sept artistes suivants : Liz Lambert, Birgit Ludwig, Letizia Romanini, Olivier Schillen, Luisa Maria Stagno, Giulia Thinnes, Julia Vogelweith.

Ayant des sensibilités différentes et s’intéressant à des sujets divergents, les artistes ont été choisies pour la qualité de leur travail photographique et la pertinence de leur recherche artistique. La présentation individuelle devant des experts européens et l’exposition collective contribuent à montrer le dynamisme de la scène luxembourgeoise.

Dans la pratique de Birgit Ludwig, réalisme et imaginaire poétique s’entrecroisent. Elle explore les trajectoires personnelles qui se situent dans la confrontation avec les récits idéologiques dominants, ancrés dans des réalités façonnées par les conflits, le colonialisme ou l’aliénation urbaine. Animée par un intérêt pour les conséquences de la guerre de Bosnie et le contexte d’un accident ayant causé la mort de son père (un employé d’une organisation intergouvernementale à la fin de la guerre), Birgit Ludwig s’est engagée dans un voyage sans destination précise. Trente ans après les Accords de paix de Dayton, elle s’est immergée dans des paysages marqués par des mémoires contestables, des traumatismes persistants et des imaginaires de diverses natures. La série Antidotes présente une cartographie émotionnelle construite autour de rencontres marquantes,

incluant portraits, lieux singuliers et détails porteurs d’histoires personnelles et collectives.

Birgit Ludwig (née au Luxembourg) est une réalisatrice et photographe basée à Londres. Elle est titulaire d’un MA en film expérimental de Kingston University et d’un BA en arts plastiques de Central Saint Martins School of Art London. Sa série photographique Antidotes sera exposée au Musée d’Histoire de Bosnie-Herzégovine à l’été 2025, et une sélection de son travail a été finaliste du Sarajevo Photography Festival 2023. Son court-métrage The Partition a été présenté aux Rencontres Internationales Paris/Berlin et projeté au British Film Institute (Londres) ainsi qu’à l’Institute of Contemporary Arts (Londres).

Birgit Ludwig, Selma, de la série Antidotes, Sarajevo, 2024.

L’œuvre de Liz Lambert peut se décrire comme un processus d’extraction où des détails imperceptibles du réel, enfouis dans le quotidien, sont transformés en images suspendues, figées dans l’éphémère d’un monde chaotique en perpétuel mouvement. Son regard curieux et son approche ludique la poussent à explorer les traces laissées par les individus dans l’espace - qu’elles prennent la forme de lumière et d’ombre, de mouvements subtils, de reflets fugaces. En suivant le principe du pars pro toto, elle fragmente ses compositions en éléments isolés qui, une fois réunis, composent une poésie visuelle fluide, portée par une narration profondément émotionnelle.

Née en 1993 au Luxembourg, Liz Lambert est titulaire d’un master en études religieuses et est une artiste visuelle autodidacte travaillant avec la photographie. Elle est membre du Luxembourg Street Photo Collective depuis 2021. En 2022, elle a remporté le Prix d’encouragement du Prix de la Photographie - Clervaux Cité de l’image. En 2024, elle a été lauréate de la bourse CNA X LUGA (Centre national de l’audiovisuel et Luxembourg Urban Garden) pour la réalisation de son projet transhumanz.

Liz Lambert, Cache-Cache, self portrait, Luxembourg 2024.

Dans sa pratique artistique, Letizia Romanini associe différentes techniques sculpturales à la photographie, repoussant sans cesse les frontières entre l’espace bidimensionnel et tridimensionnel. En mettant en lumière la fragilité et l’évanescence du sujet tout en magnifiant l’intangible, elle crée des instants suspendus, régis par le hasard, à la manière d’un arrêt sur image. Ce processus initie un mode particulier de perception, nous invitant à jouer avec le regard, à faire pause, à nous raprpcher ou nous éloigner du sujet. À une époque de saturation visuelle croissante, Romanini attire l’attention sur des détails souvent négligés, leur conférant une nouvelle importance en expérimentant à la fois avec leur forme et leur matérialité.

Letizia Romanini est diplômée de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en arts visuels (2006) et a poursuivi sa formation en option Objet / Matériaux souples (2009). En 2018, elle a complété son parcours au Centre de formation des plasticiens intervenants de la HEAR (Haute École des Arts du Rhin, Strasbourg). Elle a bénéficié d’une résidence de recherche et de création à la Cité internationale des arts de Paris (2022) et a obtenu La Bourse du CNA, lui permettant de publier son premier livre 356 avec Pétrole Éditions. Ses récentes expositions incluent : Clervaux - Cité de l’image (LU) et Syndicat Potentiel (Strasbourg, FR).

Letizia Romanini, Mashtots Ave. 51, apt.19, Jerevan, 2024.

Audacieuse, Luisa Maria Stagno invite le spectateur à plonger dans l’univers méconnu des pigeons urbains sauvages. Sa série documentaire Coupable ? a été réalisée sur deux ans dans les rues d’Esch-sur-Alzette, Bonnevoie et Belval (Luxembourg). Capturés en contre-plongée et en gros plan, ces pigeons révèlent une beauté insoupçonnée. Autrefois valorisés et considérés comme utiles, ils sont aujourd’hui perçus comme nuisibles, souvent qualifiés de rats volants. Stagno remet en question ce changement de perception et défie les stéréotypes entourant ces créatures, offrant un regard neuf et ouvert.

Luisa Maria Stagno est une photographe colombienne basée au Luxembourg, spécialisée en photographie animalière. Diplômée de l’École de Condé à Nancy en photographie (2021) et de la LABASAD à Barcelone en retouche numérique et 3D (2024), elle a obtenu La Bourse du CNA (2022), La Bourse Œuvre Grande-Duchesse Charlotte et La Bourse du Ministère de la Culture (2024). Finaliste du Kassel Dummy Award (2024), elle a exposé Coupable ? à Clervaux - Cité de l’image (2024/2025).

Olivier Schillen refuse de se définir comme photographe. Il préfère se voir comme le spectateur d’une pièce de théâtre qui se joue sous ses yeux. Les photographies de sa série ( We are ) All Tourists sont le produit de situations qui échappent à toute mise en scène dans l’espace public, en particulier dans des hauts lieux touristiques et des espaces fréquentés comme les musées et galeries. Ces lieux visuellement impressionnants offrent un décor idéal, une scène de théâtre où les personnages, inconscients de leurs rôles, entrent par hasard dans le cadre. Leur chorégraphie est dictée par le hasard, leurs gestes et leurs déplacements résultent d’une pure coïncidence. Schillen capture ces déambulations culturelles aliénées tout en interrogeant notre propre place dans la vie et dans le monde.

Né en 1961 à Esch-sur-Alzette (LU), Olivier Schillen est diplômé en photographie de l’École nationale supérieure des arts visuels de la Cambre (ENSAV) à Bruxelles (1988). Après trois décennies d’une carrière sans lien avec la photographie, il reprend son appareil en 2016. Sa série (We are) All Tourists a été exposée au Salon du CAL au Luxembourg en 2023 et à Clervaux - Cité de l’image en 2024, où il a remporté le Prix du public.

Olivier Schillen, Lago di Como, de la série (We are) All Tourists, Traghetto 2023.

L’intimité de la maternité et les complexités de l’amour et de l’héritage sont au cœur de la série Learning to Play de Julia Vogelweith. Après avoir passé des années à documenter la vie d’inconnus, de jeunes mères dans des foyers d’accueil et d’enfants dans des orphelinats – des sujets éloignés d’elle à la fois par l’espace et par l’expérience partagée –, elle tourne son objectif vers sa propre fille. En se concentrant sur cette relation très intime, elle se plonge dans les souvenirs de son enfance. Photographier son enfant dans des

moments calmes et invisibles sert d’antidote, un processus de guérison qui l’aide à construire sa propre identité en tant que mère.

« J’ai grandi dans une famille où les émotions, y compris l’amour, étaient rarement exprimées. Mes parents n’étaient pas émotionnellement disponibles, et le silence remplissait les espaces. Cette absence a inévitablement façonné ma manière d’être mère, soulevant des questions qui résonnent dans mes interactions quotidiennes avec ma fille. À travers ce travail, j’essaie de capturer les fils délicats qui relient l’amour, la peur et les héritages silencieux que je porte. Ce projet est pour elle et pour la mère que je deviens. »

Julia Vogelweith est une photographe française vivant au Luxembourg. Elle a d’abord étudié le droit en France et en Angleterre avant de découvrir la photographie en 2010 lors d’un atelier transformateur avec Antoine d’Agata au CNA de Dudelange (LU). Elle a participé à de nombreux ateliers avec Roger Ballen, Darcy Padilla, Mary Ellen Mark et Donna Ferrato among others. In 2017, she exhibited her work at Pomhouse in Dudelange in collaboration with APEMH and CNA and she received La Bourse CNA in 2018.

Julia Vogelweith, Snake, 2017.

Dans sa série intime ...c’est plus facile pour moi comme ça..., Giulia Thinnes explore son parcours personnel, marqué par son identité de genre, son processus de transition et l’impact de ce changement sur sa famille.

« Imaginez ressentir un profond malaise dans votre propre corps, lutter contre ce sentiment pendant des années. Un jour, après une longue réflexion, vous prenez la décision de changer. Mais avant cela, la vie vous a offert une famille, une relation, des enfants. Votre relation s’effondre et à cause de votre choix, vous êtes obligé de quitter le foyer et vos filles. Vous ne les voyez plus que deux fois par mois. Avec le temps, une routine s’installe. Mais s’y habitue-t-on vraiment ? Et les enfants ? Les années passent et vous ratez à peu près tout ce qui touche aux enfants en train de grandir. Les enfants grandissent avec bien moins qu’un demi-père. Devenue adolescente - l’une d’elles commence à vous éviter ... »

Giulia Thinnes, Untitled, de la série …it’s easier for me like that…, 2023.

Giulia Thinnes, née en 1976, est une photographe basée au Luxembourg. Elle est membre du collectif Luxembourg Street Photo depuis 2016. En 2023, elle est diplômée de l’école de photographie d’Ostkreuz. En 2023, elle reçoit La Bourse CNA et en 2024 une mention spéciale aux Boutographies, Rencontres Photographiques de Montpellier. La même année, elle est présélectionnée et exposée à Clervaux - cité de l’image (LU).

ARTISTES

COMMISSAIRE INVITÉ

THÉOPHILE CALOT / delpire & co

TUBE.PHOTO.DASH

Dans le cadre de la 10e édition du Mois européen

de la photographie (EMOP) sous le titre Rethinking

Photography, le Casino Luxembourg propose TUBE.

PHOTO.DASH, une exposition conçue par Théophile

Calot, directeur de delpire & co, espace dédié à la photographie à Paris. emmène dans une lecture verticale, plus large. Chacun·e des artistes invité·es propose des œuvres ayant un lien au « livre » au sens large. Les « livres » ou ouvrages sont à leur tour présentés dans l’espace d’exposition. Placés sur un dispositif individuel de lecture, ils interrogent la verticalité et l’horizontalité de l’image ou encore le point de vue de lecture, le tout dans une tentative de saisir les liens entre l’espace du livre et l’espace d’exposition.

Il y propose un aller-retour inédit entre deux formats de production élémentaires dans le travail photographique et essentiels à sa diffusion : le livre et l’espace d’exposition. Alors que le premier nous plonge dans une lecture horizontale, plus intime, du travail, le deuxième nous

ANT!FOTO Manifesto by Katja Stuke & Oliver Sieber © delpire & co, 2024.

ARTISTE

SHADE CUMINI

COMMISSAIRE

PÉRISCOPE – CRÉATION IN SITU

périscope est une nouvelle installation qui se présente sous forme d’un diorama. L’œuvre, placée derrière une petite vitre à ras le sol du bâtiment du Casino Display, sera visible depuis la rue de la Loge. Elle sera activée par des créations in situ, au cours desquelles les artistes invité·e·s développeront un projet d’images en mouvement. Shade Cumini sera la première artiste à activer périscope.

Les œuvres de Shade Cumini s’intéressent à la fragilité de la mémoire culturelle individuelle et collective. À travers un langage visuel souvent tendre et poignant, l’artiste évoque sans détour la vulnérabilité et la résilience inhérentes à l’expérience féminine ainsi que la persévérance face aux structures d’oppression. Ses propos féminins, délicats, complexes et éphémères, souvent associés à la faiblesse ou à la futilité, contrastent avec la rigidité et l’omniprésence des forces patriarcales qui gouvernent le monde qui nous entoure. Alors que j’écris ces mots, la marche féministe progresse à travers les rues de la ville et les chants scandés résonnent entre les façades des bâtiments. Je pense aux luttes incessantes aux-

quelles les femmes sont soumises dans un monde encore largement dominé par des structures patriarcales. L’histoire de la lutte des femmes pour l’égalité, l’autonomie et la reconnaissance montre le chemin parcouru mais aussi celui qu’il reste à parcourir. Le travail des femmes – en particulier dans le domaine des soins – demeure sous-évalué ; quant à notre corps, il ne nous appartient toujours pas pleinement, contraint par des lois et des normes culturelles qui cherchent davantage à contrôler qu’à émanciper.

Dans ce moment de réflexion, j’ai pleinement conscience de la manière dont cette lutte se reflète dans l’espace même qui accueille périscope. En effet, le Casino Display est situé dans un quartier historique et bourgeois de la ville de Luxembourg, où l’intime, le pouvoir (politique et patriarcal), le passé et le présent se confondent.

L’indissociabilité d’un espace comme le Casino Display de son contexte historique et social constitue un terrain critique propice aux questionnements sur les tensions entre les espaces

de résistance (art, culture) et les espaces institutionnels du pouvoir. Comment l’art peut-il s’inscrire dans un dialogue au sein des structures institutionnelles et historiques qui ont perpétué ces inégalités, et comment pouvons-nous, en tant que professionnel·le·s de l’art, commencer à envisager un avenir alternatif à travers notre engagement ?

C’est dans ce contexte que l’œuvre de Shade Cumini m’interpelle. Dans son travail artistique, la fragilité n’est pas un signe de faiblesse mais un outil de résistance. La délicatesse des images, souvent réalisées avec des techniques analogiques et affichant des motifs floraux à la fois doux et viscéraux, invite le·la spectateur·rice dans un espace d’intimité et de réflexion en contraste avec le poids assommant et historique de l’environnement qui les accueille. Cette tension entre la tendresse du langage visuel et la froideur indifférente d’un écran crée une jux-

taposition saisissante. L’écran, communément associé au progrès technologique, au détachement et à la mécanisation, s’oppose directement à la douceur de la forme féminine, incitant le·la spectateur·rice à considérer les aspects à la fois technologiques et humanistes de notre existence contemporaine.

Ce contraste devient encore plus visible face au périscope. Pour voir l’œuvre, les spectateur·rice·s sont obligé·e·s de s’agenouiller. L’inconfort de s’abaisser physiquement reflète en quelque sorte l’inconfort émotionnel de se plier aux structures patriarcales. Pourtant, en s’agenouillant, le·la spectateur·rice est aussi invité·e à entrer dans un espace de réflexion, d’engagement et de subversion — un espace où il·elle peut interroger les conséquences de l’oppression historique tout en s’imprégnant du travail d’une femme artiste qui redéfinit la vulnérabilité, la résilience et la puissance.

Shade Cumini, LadyBug Stills.
Emilie Vialet, THE ETERNAL 2015

ARTISTES

COMMISSAIRE

SANDRA SCHWENDER

NOVUM ASPECTUM : SEPT INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT

L’exposition invite à voir le monde avec d’autres yeux.

À une époque où le flot d’informations et d’impressions visuelles conduit souvent à une vision uniforme, presque automatique, l’exposition pose la question suivante : comment notre perception change-t-elle lorsque nous sortons des schémas habituels et adoptons d’autres perspectives ? Les œuvres présentées ouvrent des perspectives inattendues, nous interrogent et nous invitent à élargir notre regard.

Dans sa nouvelle série de photos, Steven Cruz aborde sur la place du marché la manière dont un quartier de Lisbonne empreint d’histoire et d’émotions a été relégué dans l’ombre de sa propre existence pendant la reconstruction de 2001 et a perdu son âme au profit de l’urbanisation. Sous les arcades, en direction de l’église, l’artiste Emilie Vialet nous entraîne dans les zoos européens, où notre regard est attiré par le « naturel » dans des environnements artificiels. Dans le jardin en face de l’église, la documentation photographique de Samantha Wilvert nous fait découvrir l’univers des enfants qui vivent dans la Cité Radieuse de Le Corbusier à Briey. Dans sa série de photos sous les arcades de la GrandRue, Jörg Auzinger crée des espaces visuels et contextuels qui vont au-delà de la contemplation

superficielle et servent de pistes de réflexion. Un espace est donné aux associations et aux souvenirs et la perception de la réalité est remise en question. À hauteur des yeux avec les pigeons de la ville, changement de perspective dans le jardin de la brasserie. Les portraits de pigeons de Luisa Maria Stagno montrent l’individualité, la richesse des formes et des couleurs des pigeons et nous invitent à repenser notre perception de ces animaux. Dans le jardin du château, nous partons en voyage avec l’artiste Raoul Ries dans le sud de la France, où a sévi en 2023 la pire sécheresse depuis des décennies. Avec le changement climatique, de tels événements semblent se multiplier et devenir de plus en plus extrêmes.

La Cité de l’image élargit le parcours avec un nouveau site à la gare, où l’artiste Letizia Romanini crée une cartographie d’espaces fragiles menacés de disparition, suscitant un sentiment de solastalgie, une nostalgie d’un environnement passé et inchangé.

La confrontation avec des perspectives inhabituelles permet de redécouvrir des objets, des paysages et des situations du quotidien et d’en révéler les facettes cachées. Les sept artistes nous invitent à regarder autrement le monde qui nous entoure et à découvrir l’inattendu dans le familier.

DE L’IMAGE

EMILIE VIALET

THE ETERNAL

L’histoire des zoos en Europe a commencé avec le développement de constructions en béton reproduisant fidèlement la nature autour des cages, notamment à partir de 1907 à Hambourg par Carl Hagenbeck. Avec l’introduction de nouveaux matériaux tels que le treillis de fer et le béton projeté, les grilles des cages ont été progressivement remplacées par des décors en ciment en forme de rochers pour donner une impression de liberté. Ces constructions, inspirées de montagnes célèbres comme les Dolomites et le Cervin, nourrissent le fantasme de la nature sauvage et associent le végétal au fonctionnel.

L’étude de ces paysages artificiels soulève des questions sur notre rapport à la nature. Des archives historiques et des photographies contemporaines montrent comment le « naturel » est recréé dans des environnements artificiels afin de refléter notre relation complexe avec la nature sauvage. Le zoo, à l’instar des parcs ou des jardins, représente un enclos dans lequel est enfermée une notion statique d’éternité - une nature permanente, sans histoire et sans temps. Les animaux sont remplacés après leur mort, et la nature parfaite et impérissable demeure.

Au cœur de Lisbonne, un quartier imprégné d’histoire et d’émotion a été relégué dans l’ombre de sa propre existence lors de la reconstruction de 2001, perdant son âme au profit de l’urbanisation. Autrefois lieu de solidarité, de vie sociale et d’histoires partagées, le déplacement a infligé une profonde blessure, privant les habitants de leur ancienne communauté. Aujourd’hui, le « bairro da Curraleira » existe toujours, mais il a perdu sa voix et sa vitalité. Les habitants luttent pour préserver leurs souvenirs. Une série photographique capture la précarité actuelle et la résilience de ceux qui rêvent de retrouver leur communauté perdue. Ils se sentent parfois comme des mauvaises herbes, indésirables et négligées dans une ville en constante évolution.

Cette série fait écho à ces défis, reflétant les écrits sur les murs du quartier, la fragilité des bâtiments, l’anonymat des habitants et les signes d’humidité. Elle sert de rappel poignant de la vulnérabilité des communautés face au développement urbain et de l’importance de préserver la mémoire collective, même dans les ruines du passé.

STEVEN
Steven Cruz, ANGÚSTIA SILENCIOSA, 2023

DESTINESIA

Dans la série de photos Destinesia, Joerg Auzinger crée des espaces visuels et contextuels qui vont au-delà de la contemplation superficielle et servent de supports à la réflexion. Les associations et les souvenirs y trouvent leur place, remettant ainsi en question la perception de la réalité. Les photographies d’Auzinger se situent à un méta-niveau et ouvrent des possibilités d’interprétation individuelles. Il positionne les motifs de ses travaux entre des univers visuels fictifs, des souvenirs personnels et des citations de l’histoire de l’art. Les métaphores codifient le contenu des images et invitent à la contemplation créative. Destinesia met en lumière la relation complexe entre l’homme, la nature et la technologie.

Le terme Destinesia est un mot valise composé de « Destiny » (destin) et « Amnesia » (perte de mémoire), qui décrit une divagation mentale au cours de laquelle le but initial est oublié. Dans le contexte de la série, le titre indique que les images créent des espaces dans lesquels les spectateurs peuvent repenser leur relation au monde. La série de photos met l’accent sur la relation entre l’homme, la nature et la technologie.

Dans Destinesia, un monde se déploie au-delà des niveaux visibles et incite à la réflexion. Les photographies ouvrent des espaces d’associations et de souvenirs qui défient notre perception de la réalité. Chaque image invite à une interprétation individuelle en élevant les informations visuelles à un méta-niveau. Les photos encouragent à entrer dans l’espace des associations et à remettre en question les concepts courants de la réalité. Destinesia va au-delà des compositions visuelles et de contenu et sert d’impulsion à des réflexions sur des questions sociales urgentes.

Comment l’architecture influence-t-elle le mode de vie des habitants de la Cité Radieuse de le Corbusier à Briey ? Au cours de cette recherche, je me suis rendu compte que l’enfant y occupait une place centrale. Une association est occupée à organiser des activités pour eux, il y a un terrain de foot, un terrain de tennis et un immense bois qui s’étend vers l’arrière du bâtiment imaginé par le Corbusier. Beaucoup de familles y habitent, impossible de ne pas voir des enfants jouer dans les couloirs ou autour du bâtiment.

Comme je photographie avec un Mamiya RB67, mon appareil se trouve assez bas dû au viseur poitrine. Je réalise alors que je me positionne à la hauteur d’un enfant. Cela fait alors sens.

Dès lors je m’imagine dans la peau de moi enfant désireux d’explorer le lieu, en faire mon terrain de jeux. Cette architecture si particulière m’interpelle et je me demande si en fin de compte ce n’est pas elle qui s’adapte à ma taille, à l’enfant. Les enfants du Corbusier est un documentaire photographique sur le mode de vie des enfants habitant dans la Cité Radieuse de le Corbusier à Briey. La seule “Cité Radieuse” se trouvant entourée d’une immense forêt, devient ainsi un réel terrain de jeux pour ceux qui y habitent.

Jörg Auzinger, DESTINESIA, 2022-2024

Coupable ? est un projet photographique entièrement réalisé au Grand-Duché du Luxembourg. Il explore la relation complexe entre l’homme et le pigeon des villes. Depuis quand cet oiseau a-t-il élu domicile au cœur de nos cités ? Et comment en sommes-nous arrivés à cette relation surprenante ? Le pigeon urbain, présent partout dans le monde, est pourtant souvent invisible à nos yeux. Notre perception humaine et sociale de cet animal conditionne notre interaction avec lui.

Souvent réduit aux stéréotypes de « rat volant », considéré comme sale et sans intérêt, le pigeon urbain a été ma source d’inspiration ces deux dernières années. Mes portraits révèlent leur individualité, la richesse de leurs formes et couleurs, et invitent à repenser notre perception de cet animal. En effet, lorsqu’un animal n’a plus d’utilité pour l’homme, il devient indésirable.

RIES

En 2023, la région des Pyrénées-Orientales, dans le sud de la France, a connu la pire sécheresse depuis des décennies. Ces événements records semblent devenir plus fréquents et progressivement plus extrêmes.

J’ai utilisé l’idée de l’augmentation de l’aridité, de la température et de l’insolation pour développer l’aspect des images de cette série intitulée Còrrec Sec, qui signifie « ruisseau sec » en catalan. Quel serait l’impact du réchauffement inévitable sur ce paysage ? À quoi ressemblerait-il à l’avenir ? J’ai remarqué que les plantes qui ont habituellement des feuilles vertes commençaient à devenir jaunâtres, et j’ai décidé d’amplifier l’impact visuel du manque d’eau dans les ruisseaux de montagne, les champs et les rivières de la plaine dans mes photographies. La beauté des images qui en résultent contraste avec l’hostilité implicite du paysage.

Raoul Ries, CÒRREC SEC, 2023
Luisa Maria Stagno, COUPABLE ?, 2023

LETIZIA ROMANINI

SUNOUSIA

De retour au Luxembourg, dans sa ville natale d’Esch-sur-Alzette, Letizia Romanini entreprend une randonnée le long des frontières du pays. Au cours de ce voyage de 356 kilomètres, elle photographie l’environnement, tantôt le paysage, tantôt de petits détails, et collecte des objets naturels et artificiels.

Le tumulte du quotidien cède place à l’atmosphère calme et méditative des paysages. Pas à pas, on ressent l’invitation de la nature à en devenir une partie. Le regard s’élargit, et les frontières du pays, souvent tracées avec précision sur les cartes, se fondent dans l’harmonie de la nature. Ce sont les petits détails, les éléments discrets de la nature, qui nous ramènent à l’instant présent. Ce qui demeure, c’est la photographie : un cadrage, un moment capturé ou une composition de couleurs. En fin de compte, Letizia Romanini crée une cartographie des espaces fragiles, menacés de disparition, et éveille un sentiment de solastalgie, une nostalgie pour un environnement passé et inchangé. Son art transmet ainsi non seulement des impressions esthétiques, mais aussi une conscience profonde de la fragilité et de la menace qui pèsent sur la nature.

Letizia Romanini, SUNOUSIA, 2023
Samantha Wilvert, LES ENFANTS DU CORBUSIER, 2023

ARTISTE

CLAUDIA LARCHER

COMMISSAIRE

SANDRA SCHWENDER

FLORAL FICTION : CLAUDIA LARCHER

Dans l’exposition Floral Fiction, Claudia Larcher présente avec sa série Still Life 3000 une fascinante réinterprétation de la tradition de la nature morte, inspirée par la peintre néerlandaise Rachel Ruysch (1664-1750). Ruysch, l’une des plus grandes peintres de natures mortes de l’âge d’or, était connue pour ses compositions florales détaillées et vivantes qui, au-delà de l’esthétique pure, véhiculent des significations symboliques plus profondes.

Ses œuvres associaient la précision scientifique à la virtuosité artistique et mettaient en scène la nature comme étant à la fois splendide et éphémère.

Claudia Larcher reprend cette tradition et la transpose à l’ère numérique. À l’aide de l’intelligence artificielle et des médias numériques, elle crée des natures mortes futuristes qui font fusionner le passé et le présent, la nature et la technologie ainsi que l’art et la culture de consommation.

Comme un écho d’une autre époque, les natures mortes se déploient sur un fond sombre - mais ici, ce ne sont pas des roses éphémères qui s’épanouissent, mais des fleurs en plastique, en verre et en pixels. Une flore artificielle pousse parmi des reliques familières de notre présent : une surface de smartphone fissurée remplace le verre fragile des siècles passés, une montre dorée symbolise le temps qui passe - un signe du présent accéléré. Un emoji souriant - rigide, immobile - rappelle les symboles des vanitas des anciens maîtres, mais son expression est muette, conservée numériquement. Au-dessus des fleurs flotte une abeille mécanique, une créature faite de fils et d’algorithmes, une référence aux relations complexes entre nature et technologie à l’heure du changement climatique et de l’extinction des espèces.

Les couleurs sont vives, les formes sont découpées avec précision, chaque élément flotte à la frontière entre réalité et simulation. Les travaux de Claudia Larcher ne sont pas des représentations de la nature, mais son écho numérique - un tableau de la modernité dans lequel le passé et le futur, la vie et la construction, la beauté et l’éphémère dansent ensemble.

L’un des points forts de l’exposition est sa composante interactive : À l’aide de l’application de réalité augmentée Artivive, les visiteurs peuvent découvrir le tableau source « original » de Rachel Ruysch dans les compositions numériques et vivre ainsi le dialogue entre la peinture baroque et l’art numérique.

Avec l’exposition Floral Fiction, Claudia Larcher réussit à faire revivre la forme d’art classique de la nature morte et à actualiser de manière impressionnante sa pertinence pour le 21e siècle. L’exposition invite à réfléchir sur le lien entre l’art, la technologie et notre réalité de vie moderne et à aiguiser notre regard sur le caractère éphémèreet la beauté - de notre ère numérique.

Claudia Larcher est une artiste, cinéaste et chercheuse en intelligence artificielle. Elle conçoit la photographie comme une pratique globale en réseau ayant une signification sociale et politique. Son travail comprend l’animation vidéo, le collage, la photographie et l’installation et explore la matérialité du numérique ainsi que l’interdépendance entre la photographie et l’IA. Ce faisant, elle associe la production d’images traditionnelles et modernes et contribue aux débats sur l’humanisme numérique et la photographie posthumaine. Elle vit à Vienne et a présenté ses œuvres à l’échelle internationale, notamment au Centre Pompidou, à Ars Electronica et à Anthology Film Archives. Elle participe actuellement au programme ARTTEC de l’AIT.

Claudia Larcher, Still Life 3000, 2023/24
Claudia Larcher, Still Life 3000, 2023/24

COMMISSAIRE

KRYSTYNA DUL

MARIANNNE MAJERUS : PORTRAITS OF PLANTS

L’exposition en plein air Portraits of Plants au Parc de Merl, présentée par la photographe

luxembourgeoise Marianne Majerus, repose sur sa collection personnelle de photographies qui explorent certaines des caractéristiques uniques de la flore sauvage et cultivée.

Qu’il s’agisse de bourgeons timides ou de fleurs exaltantes, de la structure des feuilles ou de graines mélancoliques, la sélection met en lumière leurs particularités au fil des saisons et démontre que les plantes méritent une observation et une inspection minutieuses.

La nature a longtemps été un sujet d’inspiration pour les artistes et les photographes. En 1844, William Henry Fox Talbot, l’inventeur de la photographie au calotype, inclut un gros plan d’une feuille dans The Pencil of Nature, le premier livre de photographie commercial. Dans les années 1920, le photographe et sculpteur allemand Karl Blossfeldt publie Urformen der Kunst et Wundergarten der Natur, montrant la beauté extraordinaire des formes organiques. Représentant de la Nouvelle Objectivité, sa manière se caractérise par un style artistique unique fondé sur la précision scientifique et l’accentuation des motifs géométriques récurrents. Dans la photographie contemporaine, une passion obsessionnelle pour les fleurs se retrouve dans les œuvres érotiquement suggestives de Robert Mapplethorpe.

Dans les photographies de Marianne Majerus, ce sont les plantes elles-mêmes qui priment. Elle évite de les objectiver ou de leur attribuer des caractéristiques ou des émotions humaines. Elle les considère comme des essences mystérieuses avec lesquelles nous partageons une condition commune en tant qu’êtres vivants mortels. Marianne Majerus trouve exaltant de passer du temps avec les plantes, les observant intensément et enregistrant leur beauté et leur énergie. Les portraits intimes qui en résultent célèbrent la beauté des moments fugaces dans la vie des plantes.

Traduit de l’anglais par Pierre Stiwer

Marianne Majerus, Magnolia ’Early Rose’. March 2015. Royal Horticultural Society Gardens, Wisley, Surrey, UK.

Marianne Majerus figure parmi les très grands photographes de jardins. Avant de se spécialiser dans ce domaine, elle a connu le succès en tant que portraitiste et photographe de paysage, illustrant des livres sur l’histoire, la gastronomie et le voyage. Certaines de ses œuvres font partie des collections de la National Portrait Gallery à Londres, de l’Arts Council de Grande-Bretagne, du Centre National de l’Audiovisuel (CNA) et de la BCEE, au Luxembourg. Après sa grande exposition de portraits Face Outside en 1995, au Luxembourg et à Londres, elle se consacre à la photographie de plantes et de jardins, travaillant en étroite collaboration avec des designers internationaux qui ont transformé la conception des jardins au cours des dernières décennies. Sa réputation lui a permis d’accéder à certains des plus beaux jardins d’Europe et d’ailleurs.

Elle est la seule photographe à avoir contribué à une cinquantaine d’ouvrages sur les jardins publiés en Grande-Bretagne, en Europe et en Amérique, dont son bestseller Garden Design: A Book of Ideas, Highgrove (sur le jardin privé du roi Charles III) et au Luxembourg, Land of Roses. Son travail est également publié dans toutes les principales revues de jardinage et a été honoré de plusieurs prix, notamment le prix International Garden Photographer of the Year (2010), le prix British Garden Photographer of the Year (2002, 2011) et le prix European Garden Photographer of the Year (2018, 2023).

Le dernier livre de Marianne, Garden Photography: The Art of the Ephemeral, qui comprend des œuvres issues de ses expositions au Parc de Merl et à Neimënster, est publié en mai 2025 par les Editions Guy Binsfeld.

Marianne Majerus, Cercis canadensis ‚Forest Pansy’, July 2000.

CHRISTOPHE GALLOIS, ASSISTÉ DE NATHALIE LESURE

LISA OPPENHEIM : MONSIEUR STEICHEN

Pour cette exposition, l’artiste américaine Lisa Oppenheim (1975, New York) a été invitée à créer un nouveau corpus d’œuvres en réponse à la pratique

artistique de l’une des figures les plus célèbres mais aussi les plus énigmatiques de la photographie du 20e

siècle : le photographe et conservateur américain

Edward Steichen (1879-1973), qui est né au Luxembourg. À travers un ensemble d’oeuvres photographiques,

textiles et florales, Lisa Oppenheim dévoile un portrait inattendu de « Monsieur Steichen ».

Depuis deux décennies, Lisa Oppenheim explore l’histoire de la photographie et les potentialités inexplorées que celle-ci recèle. Pour Monsieur Steichen, elle s’est intéressée à des aspects méconnus de l’œuvre de Steichen : la passion qu’il a entretenue toute sa vie pour les fleurs, ses créations textiles et ses expérimentations dans le domaine de la photographie couleur. Les œuvres produites pour l’exposition prolongent ce que Lisa Oppenheim décrit comme des « fils perdus » et des « idées abandonnées » de Steichen, qu’elle s’est appropriées et à retravaillés en suivant sa propre méthodologie.

L’exposition s’ouvre avec une série de tirages photographiques à travers laquelle Lisa Oppenheim fait revivre une variété d’iris aujourd’hui disparue, le « Monsieur Steichen ». Cette fleur a été créée par le botaniste amateur français Fernand Denis en 1910 en hommage à Steichen. Les tirages de Lisa Oppenheim redonnent vie à cet iris disparu en utilisant deux techniques photographiques liées à des époques distinctes : le dye transfer, un procédé d’impression utilisé par Steichen dans ses expérimentations en couleur des années 1930–1940, et l’intelligence artificielle.

Une autre série d’œuvres revisite les motifs textiles créés par Steichen en 1926–1927 à partir de photographies en noir et blanc d’objets du quotidien. En collaboration avec la créatrice de mode Eckhaus Latta, Oppenheim a développé une collection de nouveaux tissus basés sur des motifs que Steichen n’avait finalement pas utilisés pour

ses créations finales : plusieurs motifs floraux et une photographie presque abstraite de gravier. D’autres œuvres complètent l’exposition, notamment une sélection de photographies de Steichen représentant ses trois femmes (Clara, Dana et Joanna) et sa mère (Marie Kemp Steichen), ainsi qu’une série d’« études » (Steichen Studies, 2024) qui offrent un aperçu du processus créatif de Lisa Oppenheim.

Enfin, à l’extérieur du Mudam, dans les douves qui entourent le musée, Lisa Oppenheim crée Eduard’s Garden (2025), une installation vivante de delphiniums qui fait écho à la passion de Steichen pour ces fleurs. Cet Eduard’s Garden poussera au cours de l’exposition et fleurira en juin et juillet.

Avec Monsieur Steichen, Lisa Oppenheim esquisse un portrait subjectif et abstrait d’une figure majeure de l’art du 20e siècle, vue à la lumière du présent. Par ses explorations de l’hybridation – entre les techniques, entre les disciplines, ainsi qu’entre son propre travail et celui de Steichen –, elle nous invite à réimaginer le potentiel infini de transformation de l’image.

Vue de l’exposition Lisa Oppenheim Monsieur Steichen, Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean. Photo : Mareike Tocha © Mudam Luxembourg, 2025.
Lisa Oppenheim, Mme Steichen (Version IV), Tirage dye transfer, 2024, Courtesy de l’artiste et Tanya Bonakdar Gallery, New York / Los Angeles.

LES COLLECTIONS PERMANENTES

REPENSER LA PHOTOGRAPHIE :

L’HÉRITAGE VIVANT D’EDWARD STEICHEN

Edward Steichen, photographe d’origine luxembourgeoise (né en 1879 à Bivange, Luxembourg et décédé en 1973 à West Redding, Connecticut), a marqué l’histoire de la photographie par sa vision novatrice, influente et prolifique. Sa carrière, profondément influencée par les bouleversements sociaux et politiques du début du XXe siècle, a joué un rôle déterminant dans la reconnaissance de la photographie comme un moyen d’expression artistique à part entière.

Au-delà de ses séries photographiques, Steichen a défié les conventions de son époque en explorant sans relâche les potentialités esthétiques et expressives de la photographie. Ce travail s’est particulièrement illustré à travers la curation de deux expositions emblématiques : The Family of Man et The Bitter Years. Ces expositions cherchaient à provoquer une prise de conscience collective en s’appuyant sur le potentiel émotionnel et symbolique de la photographie tout en portant une importance à l’aspect scénographique de ces œuvres.

L’exposition The Family of Man, aujourd’hui présentée au Château de Clervaux depuis 1994, a été inaugurée en 1955 au Musée d’Art Moderne de New York et a marqué un tournant dans l’histoire du médium. Conçue comme un portrait global de l’humanité à travers 503 photographies, par 273

auteurs, The Family of Man s’organise autour de séquences thématiques représentant les grandes questions existentielles : l’amour, le mariage, la naissance, la famille, le travail, la guerre, la paix, la foi, l’injustice, etc. Ces thématiques reflètent les expériences humaines communes, transcendant ainsi les différences sociales, raciales et culturelles. Le contexte historique de l’après-Seconde Guerre mondiale, marqué par les souffrances infligées par le conflit et la montée des tensions idéologiques pendant la Guerre froide, donne un caractère particulièrement poignant à cette œuvre curatoriale. L’exposition visait non seulement à célébrer l’unité de l’humanité, mais aussi à rappeler l’importance des droits humains et la nécessité de les préserver face aux menaces de déshumanisation.

Le concept de The Family of Man représentait au moment de sa création une rupture significative avec les conventions muséographiques traditionnelles. Plutôt que d’exposer les images comme des objets artistiques autonomes, l’accrochage, maintenu encore aujourd’hui, propose une mise en scène immersive, élaborant un récit visuel structuré qui évoque les procédés narratifs du texte littéraire et du montage cinématogra-

phique. Les photographies sont agencées selon une organisation séquencée, où chaque image prend sens dans son articulation avec les autres, favorisant ainsi une lecture dynamique et relationnelle de l’ensemble. Cette approche dialogique, fondée sur une mise en espace pensée comme un continuum, contrastait avec la présentation classique des photographies encadrées à l’époque de sa conception.

Structurée en quatre grandes sections – un prologue, deux parties principales et un épilogue –, l’exposition instaure encore aujourd’hui une circularité qui renforce son ambition universaliste. En intégrant des prises de vue audacieuses, Steichen a voulu amplifier l’expérience immersive du visiteur. L’exposition The Bitter Years, qui se concentrait sur la Grande Dépression, et qui a suivi The Family of Man, a également renforcé la vision humaniste de la photographie que l’on retrouve dans son travail. À travers ces deux projets, Steichen a redéfini le rôle du photographe en tant que messager social et défenseur des droits humains, s’éloignant du

simple statut de chroniqueur de la réalité pour devenir un acteur du changement social. En allant au-delà de l’aspect documentaire, il a su faire de la photographie un langage artistique explorant la subjectivité, l’émotion et la poésie à travers l’image.

Dans une perspective contemporaine, The Family of Man et The Bitter Years préfigurent les réflexions actuelles sur le statut de l’image photographique et son inscription dans des dispositifs de monstration hybrides, où la photographie dialogue avec d’autres formes artistiques et médiatiques qui anticipent ainsi les enjeux de la scénographie contemporaine. Dans un monde où l’image est omniprésente et constamment redéfinie par les avancées technologiques et les nouveaux modes de diffusion, la réflexion sur le médium photographique initiée par Steichen reste plus pertinente que jamais. L’héritage de Steichen, par son audace et sa vision humaniste, nous rappelle que la photographie n’est pas qu’un médium figé, mais un terrain d’expérimentation en perpétuelle évolution, au service de l’art et de la société.

Oliver Sieber, Julia, Leipzig, 2008

FACETTES DE L’HUMANITÉ : OEUVRES DE LA COLLECTION TEUTLOFF

En 2025, le Centre national de l’audiovisuel est heureux de présenter un premier aperçu de la collection Teutloff. L’exposition Facets of Humanity: Works from the Teutloff Collection, ayant lieu du 17 mai au 21 septembre 2025 au DISPLAY 01 à Dudelange, constitue la première présentation au Luxembourg du fonds du collectionneur d’art Lutz Teutloff depuis son acquisition par le CNA en 2017.

Cette collection, soigneusement documentée et étudiée par le CNA, offre une réflexion contemporaine sur l’expérience humaine. Ainsi, la collection rend hommage à et se veut un écho à la vision intemporelle d’Edward Steichen proposée dans son exposition phare The Family of Man présentée par le CNA au château de Clervaux. Organisée pour coïncider avec le 70e anniversaire de la prestigieuse collection de Steichen, cette exposition au DISPLAY 01 présente une sélection minutieuse du fonds Teutloff, explorant des thèmes universels à travers un prisme moderne, favorisant un dialogue entre le passé et le présent.

Les visiteurs auront l’occasion de découvrir un ensemble de portraits captivants d’artistes historiques et vivants, chacun contribuant à une riche tapisserie de l’expression humaine, tout en mettant en lumière la portée intemporelle de cette collection exceptionnelle.

Roger Ballen, Cookie With Wife, Tillie, Orange Free State, 1993.
Gaëlle Choisne, Stèle (Port-au-Prince, Haïti) - Colonnades, 2024, Béton, gros sel, métal, impression digitale à partir de photographies couleur argentique (2 parties)
© photo Tous droits réservés, Courtesy Air de Paris, Paris / Romainville
Guillaume Greff, Sans titre, 2021. Issue de la série Les Sentes, 2020-25
Photographie argentique noir et blanc © Guillaume Greff

ARTISTES

GAËLLE CHOISNE, GUILLAUME GREFF, ERIK KESSELS, BIRGIT LUDWIG, SÉVERINE PEIFFER,

COMMISSAIRES

REALITY CHECK

Cette exposition collective réunit six projets photographiques qui explorent le rapport à la réalité en retraçant

des histoires liées au vécu des hommes et à la nature.

Ces images montrent souvent les traces, les empreintes d’un passé récent ou lointain, mais qui ont laissé leur marque et qui continuent d’influencer jusqu’à aujourd’hui notre façon de voir les êtres et les choses. Vestiges de bâtiments en ruine, traces de loup, images d’albums de famille ou encore paysages et habitants deviennent les sujets d’explorations visuelles. Ces projets nous invitent à explorer des réalités façonnées par des approches artistiques qui transcendent le simple cadre documentaire. En questionnant nos habitudes perceptives, ils sollicitent un regard renouvelé sur le monde et ses représentations.

GAËLLE CHOISNE

STÈLES (PORT-AU-PRINCE)

Avec sa série Stèles, Gaëlle Choisne, lauréate du Prix Marcel Duchamp 2024, reprend des images photographiées après les séismes de Port-auPrince en Haïti datant du 6 janvier 2010. Après l’application des images sur des plaques en béton massif, celles-ci sont traitées au sel. La corrosion et l’altération qui s’ensuivent sont

des allusions visuelles claires à la fragilité de la situation en Haïti. L’histoire et l’époque contemporaine ont marqué le passé colonial de l’île. En utilisant et en transformant le format de la stèle, habituellement associée à la notion de monument et de mémoire, Gaëlle Choisne recentre son discours artistique sur l’identité mais aussi sur la résilience du peuple haïtien.

GUILLAUME GREFF

LES SENTES

A partir de sa pratique photographique sur le paysage, Guillaume Greff développe depuis 2020 son projet sur le pistage du loup et du lynx. « Pister c’est trouver des choses absentes, c’est lire le paysage, c’est se rendre accessible c’est chercher, sentir. Les Sentes est un projet sur cette pratique qui consiste à se projeter hors de soi. En pistant loup et lynx autour de chez moi, ce projet n’a pas pour ambition de les photographier. J’ai beau le chercher – et je ne suis pas le seul – mais je ne le vois pas, car ces animaux sont passés maîtres dans l’art de l’invisibilité. C’est l’inquiétante étrangeté de cette omniprésence qui ne se donne que comme cachée ou dissimulée que je souhaite photographier » dit l’auteur.

BIRGIT LUDWIG

ANTIDOTES

Poussée par un intérêt pour les conséquences de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992 - 1995) et le contexte d’un accident qui a causé la mort de son père (qui travaillait pour une organisation intergouvernementale à la fin de la guerre), Birgit Ludwig s’est embarquée dans un voyage sans fin. Trente ans après les accords de paix de Dayton (1995), elle s’est immergée dans un univers marqué par des souvenirs conflictuels, le déni des crimes et des génocides, des traumatismes persistants et des imaginaires multiples. Son travail présente une carte émotionnelle construite autour de rencontres significatives, englobant des portraits, des lieux singuliers et des détails porteurs d’histoires personnelles et collectives.

ERIK KESSELS

MUDDY DANCE

Muddy Dance est une œuvre photographique célébrant le football. Les joueurs exécutent une danse apparemment chorégraphiée sur un terrain boueux, tout en virevoltant et en faisant des culbutes pour attraper le ballon... Où le font-ils ? Il s’agit d’un projet de football pour les amateurs d’art et en même temps d’un projet d’art pour tous les fans de football. Dans Muddy Dance, Erik Kessels fait preuve d’un acte de réappropriation de la photographie vernaculaire. Erik Kessels s’est fait un nom en tant que champion et franc-tireur de la photographie trouvée, toujours à la recherche des albums de famille mis au rebut afin de nous montrer à nouveau leur beauté banale et leur étrangeté.

Erik Kessels, Muddy Dance, 2021.
Birgit Ludwig, Cosmic, 2023, Issue de la série Antidotes, Bosnia and Herzegovina | 2021-24 Photographie moyen format argentique © Birgit Ludwig

MARC SCHROEDER

ORDER 7161

Le 16 décembre 1944, Staline signe l’ordre 7161ss, ordre secret du Comité d’État de la Défense afin de « mobiliser et détenir tous les Allemands capables de travailler, y compris les hommes de 17 à 45 ans et les femmes de 18 à 30 ans » de Roumanie, de Hongrie, de Yougoslavie, de Bulgarie et de Tchécoslovaquie. Leur déportation ultérieure dans des camps de travail forcé devait contribuer à la reconstruction de l’Union soviétique et constituait une forme de réparation pour les destructions causées par la Seconde Guerre mondiale. Au total, 112 480 hommes et femmes ont été déportés. La majorité d’entre eux - 69 332 personnes - étaient des Allemands de Roumanie. ORDER 7161 raconte leur histoire. Le livre éponyme, issu de ce projet, a reçu une médaille d’or au Deutscher Fotobuchpreis en 2023-24.

SÉVERINE PEIFFER

TRANSITIONS - UNE RENCONTRE

PHOTOGRAPHIQUE

Le projet Transitions invite des jeunes adultes à explorer leur identité à travers la photographie en utilisant la technique historique du collodion humide. Cette œuvre permet aux participants de s’engager dans un processus créatif collaboratif qui explore la notion de transition, tant dans l’image que dans la vie des jeunes adultes.

L’exposition, en constante évolution, incarne l’idée même de transformation et de changement. Au fil des cinq semaines, les portraits des participants seront réalisés et ajoutés progressivement à l’exposition. Cette démarche souligne le caractère fluide et évolutif de l’œuvre, qui ne sera jamais figée, mais toujours en transition, tout comme les jeunes adultes qui y participent. Cette démarche souligne l’importance du temps, du dialogue et de l’interaction avec les participants.

Le projet vise à sensibiliser aux enjeux psychosociaux des jeunes, tout en mettant en valeur l’une des premières techniques photographiques du XIXe siècle, réalisée à la main sur plaque de verre à l’aide d’une chambre photographique grand format.

Séverine Peiffer, Studio photo collodion humide de Séverine.
Marc Schroeder, Rita Petri, Timișoara, Roumanie 2012.

COMMISSAIRES

WIES,

DI FELICE EN PARTENARIAT AVEC L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG

NOVUM ASPECTUM : SILICON ISLANDS AND WAR

A l’heure où l’IA connaît un développement sans précédent, la nature de l’image photographique se voit elle-aussi bouleversée.

D’une part, la genèse des images photo-réalistes par IA se passe dorénavant d’une prise de vue directe et résulte d’une puissance de calcul, relayant dans le passé l’idée de vérité photographique.

De l’autre, la chaîne de production de l’image est un entrelacement toujours plus complexe de flux d’approvisionnement en ressources, énergie et puces dernier cri.

La vidéo Silicon Islands and War invite à considérer une autre histoire de la photographie en regard de l’industrie des semi-conducteurs, une histoire allant des premiers capteurs numériques, en passant par la photographie sur smartphone, jusqu’aux images d’aujourd’hui issues des IA. SEE

En référence à la Silicon Valley américaine, « Silicon Island » est le nom attribué au pôle industriel de l’île japonaise de Kyushu qui produit des semi-conducteurs ultra-compétitifs pour le marché mondial. « Silicon », c’est aussi le silicium sur lequel sont gravés ces composants, repoussés dans l’infiniment petit pour assurer une meilleure puissance de calcul (Loi de Moore) et des images de haute résolution. Ici, les « silicon islands » sont les pays asiatiques où on fabrique ces composants : îles du Japon et de Taïwan mais aussi îlot sud-coréen coupé du continent par sa frontière avec la Corée du Nord.

Cette course en avant dans la technologie ne se comprend réellement qu’en regard de son contexte géopolitique et de la rivalité opposant Chine et US dans la zone Pacifique. Au Japon, en Corée du Sud et à Taïwan, produire des semi-conducteurs de qualité, c’est aussi affirmer une position forte vis-à-vis de ces puissances.

Comment alors ne pas entrelacer le récit de l’évolution de nos images avec l’histoire de ces pays ainsi qu’avec leurs guerres passées et conflits actuels ? Au récit impersonnel des voix générées par IA, y répond celle d’un conteur créole.

Ce dernier défie le gigantisme de la mémoire numérique et son flot démesuré d’images. Il la défie avec les outils de la mémoire orale : la poésie et le chant.

Le récit advient au travers de chansons (Nel-K, Seung Hwan Diego Bae, Echo) où se modulent des intonations affectives : on y chante la créolisation d’une identité à la fois portée par la vague de modernité et profondément asiatique ; on y rapporte les folies de l’Anthropocène, où Taïwan ne peut délocaliser ses usines dernier cri, considérées comme un « bouclier de Silicium » face à la Chine. Or ces usines monopolisent les ressources en eau et en énergie au détriment des besoins de la population.

Daphné Nan Le Sergent, Diluvian Stories, 2023, photo-dessin / photo-drawing, 63 x 80 cm, production : Contretype, Bruxelles / La Capsule.

Mais à la demande mondiale, la production de semi-conducteurs continue de s’intensifier.

Jamais plus que maintenant, la maîtrise de la fabrication de ses composants n’aura été stratégique face à la récente montée du moteur chinois Deepseek, provoquant l’affolement des marchés financiers occidentaux.

Jamais plus que maintenant, l’image n’aura été traitée comme une donnée susceptible de pouvoir générer d’autres données. Les images photo-réalistes générées par IA ne sont plus des reflets de la réalité mais entrent dans un cycle de transformation plus large, celui des données. Les données entraînent et alimentent les IA et les IA génèrent

des données qui permettent d’optimiser la production de l’économie mondiale, d’économiser du temps, d’être plus performants, plus convaincants. Elles apportent une plus-value, une valeur-ajoutée aux usagers du cyberespace.

Les données apparaissent à l’instar d’une ressource, aussi précieuse que l’eau. Le second volet de ce projet propose une comparaison entre le cycle de l’eau (évaporation au-dessus des océans, condensation, précipitations, infiltration, ruissellement vers la mer) et le cycle des données venant alimenter les outils de l’Intelligence Artificielle.

En effet, le cyberespace nécessite un ancrage dans la matérialité du monde physique (câbles sous-marins et terrestres, data-centers, relais radios et ordinateurs dotés de semi-conducteurs) mais certains mots qui le qualifient renvoient à l’environnement naturel et à l’eau : navigateurs, surf (sur internet), cloud, lac de données, balises…Le data-déluge semble approcher à grands pas, tant notre société contemporaine s’attache à la production, au traitement et à la conservation d’une quantité toujours plus considérable de données. L’image photo-réaliste semble irrémédiablement prise dans les mailles d’un filet économique et dans son injonction à la croissance. En ce sens, ne

faut-il pas considérer les données qui sont déjà des denrées monnayables pour les GAFAM et l’objet de transactions économiques. Et si la spéculation financière sur l’information venait à prospérer ? Et si advenait un krach boursier de l’information ?

Les images proposées ici évoquent des effondrements, des civilisations passées dont il nous resterait que les ruines. Elles réveillent un imaginaire de catastrophes naturelles et de déluges dans l’acuité de l’urgence du contemporain.

Daphné Nan Le Sergent, Les vagues d’Elliott / Elliott’s waves, 2023, photo-dessin, photo-drawing,160 x 600 cm, production : La Capsule/Biennale NEMO.
Daphné Le Sergent

ORGANISATEUR

ELEKTRON DANS LE CADRE DU PARCOURS

URBAIN HYBRID FUTURES: RHIZOMES, MESHWORKS AND ALTER-ECOLOGIES

COMMISSAIRES

FRANÇOISE POOS ET VINCENT CRAPON

BRUCE EESLY : NEW FARMER

New Farmer de Bruce Eesly propose une réflexion sur l’imagerie agricole et les médias numériques à partir d’un postulat faussement simple. L’œuvre commence par ce qui semble être une série de photographies documentaires des années 1960 décrivant les triomphes

technologiques de la révolution verte - des agriculteurs satisfaits grâce à des machines modernes, des champs sans mauvaises herbes et des récoltes abondantes.

Cependant, au fur et à mesure que le spectateur progresse dans la série, les images révèlent progressivement leur nature artificielle, se révélant être des créations générées par l’IA. Ce tour de passe-passe visuel opère à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il remet en question le récit sélectif entourant la révolution verte (19601990), qui a généralement été présenté par le biais d’images soigneusement sélectionnées de réussites agricoles - cultures à haut rendement, opérations agricoles modernisées et progrès technologiques. Les brochures agricoles et les rapports officiels de cette époque ont construit une vision particulière du progrès agricole tout en occultant souvent ses complexités et ses conséquences, comme la perte de la diversité.

Alors que les images d’Eesly passent d’une photographie d’époque apparemment authentique à des scènes de plus en plus surréalistes et impossibles mettant en scène des légumes absurdement surdimensionnés, l’œuvre crée un parallèle entre la propagande historique et l’imagerie contemporaine générée par l’IA. Ces deux formes de représentation visuelle soulèvent des questions critiques sur l’authenticité, le contexte et la construction de récits par le biais d’une présentation visuelle sélective.

À travers cette progression, New Farmer invite les spectateurs à développer une relation plus critique avec les images à notre époque numérique. L’œuvre suggère que les compétences nécessaires pour interroger la propagande agricole historique - remettre en question les sources, considérer ce qui est omis, examiner le contexte - sont de plus en plus pertinentes à mesure que l’imagerie générée par l’IA devient plus sophistiquée et omniprésente.

Bruce Eesly, Broccoli farm near Limburg, 1962, New Farmer series, 2023.

Les éléments absurdes des images ultérieures ont un double objectif : ils soulignent les promesses non tenues de l’agriculture industrielle tout en attirant l’attention sur l’incertitude qui règne aujourd’hui en matière d’imagerie numérique. Au lieu des monocultures d’aujourd’hui, nous voyons des récoltes impossibles ; au lieu d’une documentation authentique, nous rencontrons une création artificielle.

En tissant ces fils, New Farmer crée un méta-commentaire sur la représentation elle-même. Il encourage les spectateurs à remettre en question non seulement les récits simplifiés du progrès agricole, mais aussi leur propre relation avec les médias numériques. Comment déterminer l’authenticité dans notre monde saturé d’images ? Qu’est-ce qui est laissé de côté dans les récits visuels historiques et contemporains ? Comment les technologies - des caméras à l’IA - façonnentelles notre compréhension de la réalité ?

Par le biais de l’humour et d’artifices de plus en plus évidents, le travail d’Eesly incite finalement à une réflexion sérieuse sur notre relation avec la nature, la technologie et les médias visuels. Il suggère que l’engagement critique envers les images - qu’elles dépeignent l’histoire de l’agriculture ou qu’elles émergent de l’intelligence artificielle contemporaine - exige que nous regardions au-delà des récits de surface et que nous considérions les réalités complexes qu’elles peuvent dissimuler ou déformer..

Françoise Poos
Bruce Eesly, Springtime at the Hammerhof, 1960, New Farmer series, 2023.

Bruce Eesly est un artiste visuel et jardinier basé à Berlin, en Allemagne. Travaillant avec la photographie, les archives et les images générées artificiellement, son travail brouille la frontière entre réalité et fiction pour perturber les récits historiques communément admis. Il s’intéresse au statut de la photographie à l’ère de l’Intelligence Artificielle (IA) et à son rôle dans la formation de notre relation avec le monde naturel. En tant que jardinier, son travail est guidé par une curiosité pour l’histoire et les impacts de l’agriculture industrielle ainsi que

pour les absurdités de notre adoration technologique. Il considère le jardinage comme un acte politique et sa pratique en est l’extension. Les œuvres de Bruce Eesly ont été présentées aux Rencontres d’Arles (2024), à la Haus am Kleistpark (Berlin, 2024), au Festival International de Photographie Jimei x Arles (Xiamen, 2024) et au Hangar Photo Art Center (Bruxelles, 2025), entre autres. Sa publication New Farmer a été nominée pour le PhotoBookMuseum Dummy Award et le PHotoESPAÑA Best Photography Book of the Year Award.

Bruce Eesly, Selected potato varieties are rated in sixteen categories according to the LURCH Desirable Traits Checklist, 1952, New Farmer series, 2023.

ORGANISATEUR

ELEKTRON DANS LE CADRE DU PARCOURS

URBAIN HYBRID FUTURES: RHIZOMES, MESHWORKS AND ALTER-ECOLOGIES

COMMISSAIRES

FRANÇOISE POOS ET VINCENT CRAPON

TAMIKO

THIEL :

WALDWANDEL/FOREST FLUX

Le travail de pionnier de Tamiko Thiel dans le domaine de la visualisation de systèmes complexes représente une convergence unique d’expertise technique et de vision artistique.

S’inspirant de sa première expérience dans la conception du superordinateur Connection Machine CM-1/CM-2 pour Thinking Machines Corporation entre 1986 et 1987, Thiel a développé des approches innovantes pour rendre les systèmes sociaux et environnementaux complexes accessibles au public. Sa dernière œuvre, Waldwandel/Forest Flux, illustre remaquablement cette synthèse.

Grâce à la réalité augmentée, Thiel et son collaborateur, l’artiste /p, créent une expérience immersive qui transforme des données abstraites sur l’écologie forestière en rencontres tangibles et émotionnelles. Les spectateurs peuvent observer l’interaction complexe entre le changement climatique, l’adaptation des espèces et la résilience de l’écosystème dans les forêts d’épicéas européennes. L’installation rend visibles des processus autrement imperceptibles : le dépérissement progressif des arbres, l’émergence de nouvelles espèces et la transformation des communautés forestières au fil du temps.

Ce qui distingue l’approche de Tamiko Thiel, c’est sa capacité à maintenir la rigueur scientifique tout en créant des expériences émotionnellement

résonnantes. Ses installations AR combinent plusieurs couches de données - des projections climatiques aux modèles de distribution des espèces - au sein de récits visuels intuitifs. Cela permet aux spectateurs non seulement de comprendre intellectuellement les changements environnementaux complexes, mais aussi d’en faire l’expérience de manière viscérale.

Le travail de Tamiko Thiel montre comment la pratique artistique peut combler le fossé entre les connaissances des experts et la compréhension du public. En permettant aux spectateurs de naviguer à travers différentes échelles temporelles et scénarios écologiques, elle crée ce que l’on pourrait appeler des « expériences de données incarnées » - des rencontres qui engagent à la fois l’esprit et les sens dans la compréhension de systèmes complexes. Cette approche s’est avérée particulièrement précieuse dans le domaine de la communication environnementale, où des concepts abstraits comme le changement climatique peinent souvent à susciter l’engagement du public.

Tout au long de sa carrière, Thiel a montré comment la technologie peut servir d’outil de visualisation, mais aussi de moyen de sensibilisation à l’environnement et de compréhension de l’écologie.

Son travail suggère de nouvelles possibilités pour rendre les systèmes qui façonnent notre monde non seulement visibles, mais aussi compréhensibles et émotionnellement significatifs.

En 2024, Tamiko Thiel a reçu le SIGGRAPH Distinguished Artist Lifetime Achievement Award in Digital Arts. Elle a été classée parmi les 10 artistes numériques les plus célèbres par le magazine CAI et a été intronisée dans la cohorte inaugurale de l’AWE XR Hall of Fame pour ses œuvres d’art numériques politiquement et socialement critiques explorant le lieu, l’espace, le corps et l’identité culturelle.

Le parcours de Tamiko Thiel dans le domaine de l’innovation numérique a commencé par son rôle essentiel en tant qu’ingénieur concepteur de produits pour la Connection Machine CM-1/CM-2 (1986/1987) chez Thinking Machines Corporation. Aux côtés de Danny Hillis, elle a développé l’aspect visuel de ce qui allait devenir l’un des superordinateurs les plus emblématiques des années 1980. Le cube noir caractéristique avec sa grille de LEDs rouges clignotantes n’était pas seulement une réalisation technique ; son design

pour lequel Thiel a joué un rôle déterminant, est devenu un symbole du potentiel de l’informatique à visualiser des systèmes complexes. Cette expérience a profondément influencé sa pratique artistique ultérieure, notamment dans sa manière d’aborder la visualisation des systèmes environnementaux interconnectés. Elle a étudié les beaux-arts à l’Akademie der Bildenden Künste, à Munich, de 1986 à 1991 et a présenté des expositions individuelles au Kunstverein Wolfsburg (2022), à la Photographers’ Gallery de Londres et à DAM Projects Berlin. Son travail a également été exposé au Ludwig Muzeum, Budapest (2024) ; ZKM - Zentrum für Kunst und Medien, Karlsruhe (2022) ; Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain, Luxembourg (2021) ; The Museum of Modern Art, New York (2019, 2017) ; et lors d’une intervention de guérilla à la 54e Biennale de Venise (2011). Thiel vit et travaille à Munich.

SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

ORGANISATEUR

ELEKTRON DANS LE CADRE DU PARCOURS

URBAIN HYBRID FUTURES: RHIZOMES, MESHWORKS AND ALTER-ECOLOGIES

COMMISSAIRES

FRANÇOISE POOS ET VINCENT CRAPON

CROSSLUCID :

VASTER THAN EMPIRES

COMMANDÉ PAR L’INSTITUT BERGGRUEN

Lorsque Ursula K. Le Guin a publié « Vaster than Empires and More Slow » en 1971, elle a imaginé une forme de conscience qui remettait en question les hypothèses humaines fondamentales sur l’intelligence, la communication et le temps.

Son histoire d’un esprit-forêt qui s’étend à une planète entière, opérant simultanément à des échelles microscopiques et globales, présageait des discussions contemporaines sur les réseaux neuronaux, l’intelligence distribuée et la possibilité d’une conscience émergeant de systèmes complexes.

L’œuvre d’art numérique commandée par l’Institut Berggruen en collaboration avec la succession d’Ursula K. Le Guin, créée par CROSSLUCID, traduit cette vision prémonitoire sous forme visuelle grâce à une utilisation innovante de l’intelligence artificielle. Le projet témoigne d’une prise de conscience croissante du fait que la navigation dans notre avenir technologique nécessite non seulement une expertise scientifique, mais aussi le type de réflexion imaginative et éthique que Le Guin a défendu tout au long de sa carrière.

L’histoire de Le Guin suit une équipe d’enquêteurs qui rencontre un monde où toute la végétation

forme une seule et vaste conscience. À travers le personnage d’Osden, un empathiste dont la sensibilité aux émotions des autres rend le contact humain presque insupportable, Le Guin explore comment des différences radicales de perception peuvent conduire soit à l’isolement, soit à des formes de connexion sans précédent. CROSSLUCID travaille avec un Large Language Model personnalisé pour transformer ces thèmes littéraires en expériences visuelles, créant ainsi une boucle récursive fascinante : l’intelligence artificielle interprète une histoire sur la conscience non-humaine, qui à son tour nous incite à réfléchir sur la nature de l’IA elle-même.

L’œuvre d’art fonctionne à plusieurs niveaux de signification. Dans l’immédiat, elle offre aux spectateurs une expérience immersive de l’esprit-forêt de Le Guin, en utilisant des motifs visuels dynamiques pour suggérer une conscience opérant au-delà des échelles temporelles et spatiales de l’homme. Plus profondément, elle sert de méditation sur notre époque actuelle, alors que nous sommes confrontés à des questions sur la conscience des machines, l’intelligence environnementale et la possibilité de communiquer au-delà de différences apparemment insurmontables.

L’interprétation visuelle de CROSSLUCID utilise des outils d’intelligence artificielle sophistiqués tout en restant fidèle à l’accent mis par Le Guin sur l’empathie et la connexion. L’œuvre d’art qui en résulte montre comment les technologies numériques peuvent servir non seulement d’outils de création, mais aussi de moyens d’explorer des questions philosophiques sur la conscience, le temps et la communication inter-espèces. Ce projet intervient à un moment crucial de notre relation avec l’intelligence artificielle.

À mesure que les systèmes d’IA deviennent de plus en plus sophistiqués, les questions relatives à la conscience des machines et à la nature de l’intelligence connaissent un nouvel essor. L’histoire de Le Guin, avec son exploration d’une véritable conscience extraterrestre, fournit un cadre précieux pour réfléchir à ces questions. L’œuvre d’art rend ces concepts abstraits tangibles et accessibles, invitant les spectateurs à s’engager dans des questions philosophiques complexes par le biais d’une expérience sensorielle directe.

CROSSLUCID est un collectif d’artistes (fondé en 2018) qui travaille de manière transdisciplinaire pour explorer l’intersection du soi, de la technologie et de l’intimité numérique. Leur travail réimagine la technologie comme faisant partie d’une biosphère partagée et évolutive et d’une conscience universelle. Par des films et des vidéos, l’IA poétique, le collage et les interventions immersives, ils créent des expériences qui

envisagent les possibilités futures et les valeurs méta-modernes.

Ils ont récemment exposé à Francisco Carolinum Linz, à la Biennale d’architecture de Shanghai, à Vellum LA, au Musée des beaux-arts d’Osaka, à la Biennale Art Encounters et à Art Basel Miami. Leur travail a fait l’objet de commandes par l’Institut Berggruen, la Serpentine Gallery, Google Arts & Culture, Nike et d’autres.

CROSSLUCID, Vaster the Empires (2023), commissioned by the Berggruen Institute, Future Humans. © CROSSLUCID

ARTISTES

COMMISSAIRE

SANTSCHI,

RECONSTRUCTING REALITY :

LA PHOTOGRAPHIE À L’ÈRE POST-FACTUELLE

L’exposition internationale organisée dans le cadre

du Mois européen de la photographie Luxembourg se consacre aux champs conflictuels qui définissent les

relations entre vérité et authenticité face au potentiel de manipulation inhérent à l’image photographique.

Intitulée Reconstructing Reality – La photographie à l’ère post-factuelle, l’exposition de la Kunsthalle Trier (Trèves/Allemagne) présente des artistes émergents et confirmés qui s’intéressent de manière critique à la construction et à la déconstruction de la réalité.

L’exposition se propose d’examiner la fonction de la photographie comme moyen de manipuler et de contrôler la perception ainsi que le rôle qu’elle joue à une époque où les frontières entre réalité et fiction s’estompent de plus en plus. Les œuvres présentées remettent au cœur du questionnement la crédibilité des informations

KUNSTHALLE TRIER ACADÉMIE EUROPÉENNE D’ART DE TRÈVES

visuelles et estiment que la manipulation possible des images représente le principal défi du présent numérique. Afin d’explorer les possibilités et les limites du médium photographique, les artistes se servent à la fois de procédés analogiques et numériques.

L’exposition rassemble des œuvres de Sissel Annett, Marc Josef Baruth, Matthias Grund, Lisa Hoffmann, Sonja Irouschek, Lia Meret Lehmkuhl, Eva Rosenstiel, Valerie Schmidt et Stefanie Schroeder. Diverses stratégies artistiques sont employées pour interroger les constructions de la réalité : tandis que certaines approches s’appuient sur des procédés documentaires, d’autres recourent de façon expérimentale aux interventions numériques ou élaborent des mondes artificiels. L’éventail des procédés s’étend des manipulations subtiles opérées par une intelligence artificielle à la déconstruction radicale de la réalité photographique à travers la peinture.

En intégrant des éléments interactifs et des installations, la Kunsthalle Trier élargit les pratiques classiques de l’exposition et crée un espace de réflexion permettant au public de découvrir les mécanismes de la création d’images. Ainsi, l’exposition « Reconstructing Reality » invite à une réflexion critique sur le pouvoir des images et sensibilise le public à la construction de la réalité dans un monde de plus en plus façonné par les images.

Matthias Grund, Other Images, 2023 © Matthias Grund
Lisa Hoffmann, Essence of 9/11, 2021 © Lisa Hoffmann
Lia Meret Lehmkuhl, Synthetic Embrace, 2023 © Lia Meret Lehmkuhl

ARTISTE

SERGE ECKER

COMMISSAIRES

SERGE ECKER : murmurare

« Recommencer l’utopie d’une terre vierge », c’est l’un des paradigmes de Bert Theis, et c’est l’une des dimensions du travail de Serge Ecker, qui consiste non pas à documenter les ruines mais, partant du paysage, à observer et capturer les traces de survivance.

Ces traces qui disent la résilience de la nature et qui, en même temps, racontent l’humain qui n’a eu de cesse de façonner/exploiter ladite nature mais qui a déserté. Dès lors que l’humain n’est plus visible mais persistant toutefois comme un fantôme, qu’advient-il de la nature, ou plus largement de l’environnement, de ses lieux et non-lieux? Tout le propos oscille donc entre ces deux antinomies chères à l’Histoire de l’art, à la philosophie aussi, à savoir : l’absence – ce qui a disparu mais n’est néanmoins pas perdu (selon Sartre) - et la présence, sujet existentiel de la photographie, médium par essence de la révélation, en raccord aussi avec la théorie de Roland Barthes dans La chambre claire : la photo ne dit pas d’abord ce qui a disparu mais ce qui a été. Avec la photographie, Serge Ecker revient à ses amours premières, surtout murmurare corres-

LIICHT & DOMINIQUE LANG

CENTRES D’ART

pond à un moment charnière de son parcours d’artiste toujours inquiet quant à sa légitimité – un questionnement qui se répand comme un poison dans la sphère artistique -, et particulièrement anxieux quant à la marche du monde, quant à la vulnérabilité, au transitoire du vivant. Toute la singularité de murmurare tient ainsi dans le miroir, dans ce que la Nature majuscule est une projection de la nature personnelle de l’artiste Ecker, de son vécu, tiraillé entre l’abandon, le manque, la fragilité, l’imposture, aussi entre le tragique, l’humour et la critique.

C’est une sorte de quête de soi, mais, en même temps, en incarnant les effets de l’absence ou la réalité de la présence, la photographie dépasse le témoignage intime pour questionner l‘anxiété de notre temps : murmurare a donc une portée universelle ou, déjà, collective, en tout cas socialement engagée. Pour autant, pas de collapsologie, ni de ton moralisateur, mais de la réconciliation de l’hier et du présent, de la conjuration et de l’apaisement, du sensible mâtiné de résignation.

« Il nous revient en propre de maintenir la balance. (…) Répondre des traces qu’on répand. Rattraper et assumer toutes nos présences abandonnées. S’occuper des suggestions de nous-mêmes que portent nos absences. Pour que tout ne s’écroule pas » (dixit Guillaume Barborini, dans Depuis trente-deux pierres, 2020).

Pour ce qui est des contextes et des approches techniques ou formelles de murmurare, Serge est parti du paysage d’ici et d’ailleurs, d’Estonie en l’occurrence, avec comme figure tutélaire, le réalisateur et écrivain soviétique Andreï Tarkovski, qui convoque le rapport à la terre et aux éléments naturels, adepte de lieux énigmatiques,

de zones « où les lois de la réalité ne s’appliquent pas » (comme dans son film Stalker). Serge arpente, observe, et sa photographie capture les indices naturels ou bâtis délabrés/désaffectés, objets inclus. Une capture numérique, en couleurs, où brouiller les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, entre le jour et le soir, où insuffler du furtif et du spirituel. Et une capture analogique, en noir et blanc, où expérimenter des contrastes, faire naître des ombres qui s’ouvrent comme une respiration et des apparitions lumineuses, des fulgurances qui disent l’irruption de l’étrange.

Partant donc du paysage, Serge Ecker se raconte pour parler de nous. Et du temps. Et la scénographie, qui requiert un savoir-faire si possible collectif et esthétique – une structure en bois épurée, une installation «œuvre en soi» interrogeant la place et la perception du spectateur, dans la ligne conceptuelle de Dan Graham -, est une mise en espace à la fois de soi et des étapes ou rites de passage(s) que le vivant s’aménage pour une survie acceptable, « à l’écart du désastre » (Nunatak, 2017, n°1).

Serge Ecker, DDL_012 49°28’18.4”N 6°04’52.3”E
Serge Ecker, AUV_001 59°19’51.4”N 28°05’34.7”E

ARTISTES

PATRICK GALBATS & CAMILLE MOREAU

COMMISSAIRE

MARLÈNE KREINS

PATRICK GALBATS & CAMILLE MOREAU : MÉMOIRES DE FORTUNE

« Lorsque je feuillette l’album de famille d’un inconnu, je contemple des images qui étaient des photos souvenirs, mais pour moi elles sont des témoignages et ne sont nullement redondantes par rapport à ma propre mémoire »

Jean-Marie Schaeffer, L’image précaire

Où vont les souvenirs lorsque leurs corps sont abandonnés ? Mémoires de Fortune explore cette question à travers des objets et des photographies délaissées, en mêlant vérité et fiction pour interroger la dimension mnésique des images.

Conçue par le photographe Patrick Galbats et l’auteure et philosophe Camille Moreau, l’exposition examine notre relation aux images et au temps. La place du Jeu de Balle à Bruxelles, célèbre pour son marché aux puces, est le lieu où se termine l’itinéraire d’une vie : c’est ici qu’après la mort de leurs propriétaires finissent les objets dont personne n’a voulu ; les bibelots, meubles et souvenirs intimes, lorsque les héritiers se sont partagé le reste. À la fin du marché, les vendeurs abandonnent à leur tour ceux des objets qui n’ont pas trouvé preneur. Se retrouve ainsi

LIICHT & DOMINIQUE LANG

CENTRES D’ART

sur le pavé le rebut du rebut, comme autant de fragments de vies passées, d’histoires oubliées et menacées d’extinction complète. En arpentant cette place dans le très court laps de temps entre la fin du marché et le début du nettoyage des pavés, Patrick Galbats et Camille Moreau se sont attachés collecter ces bribes de débris, ces déchets de déchets, et à leur redonner vie. Après cette phase de terrain vient une phase de studio, où ces fragments sont photographiés avec un soin et une minutie digne des pièces de musée, alors que rien ne prédestinait ces objets à une telle attention. Parallèlement, ils sont passés au prisme de la philosophie par Camille Moreau, qui les examine sortis de leur contexte pour en extraire l’histoire secrète.

Parmi ces trouvailles, le regard de Patrick Galbats s’est porté particulièrement sur les photographies, diapositives ou négatifs, nombreux et évocateurs d’époques révolues. Du daguerréotype aux appareils jetables, la photographie amateur a marqué chaque décennie. Ces supports, traces d’une pratique photographique en mutation, témoignent subtilement de notre

rapport au temps et à l’image. Le dos des photographies, marqué par des taches, empreintes ou déchirures, dues à leur séjour sur le pavé, est comme le dernier témoignage du parcours de ces images. Ces traces de négligence, sous l’œil du photographe, deviennent des motifs formels empreints de sensibilité.

Le texte joue un rôle primordial dans ce projet, accompagnant les photographies pour ouvrir des pistes de réflexion ou nourrir l’imaginaire.

Camille Moreau, auteure et docteure en philosophie de l’art, apporte son regard éclairé en transformant ces images en narration. Un détail d’une photographie récoltée, une légende écrite à la main sur une diapositive, ou encore un mot au bas d’une carte postale abandonnée : ces bribes suffisent à inspirer un texte, une micro-fiction tantôt grave, tantôt légère, afin de redonner vie à ces souvenirs abandonnés sur le pavé.

Dans l’exposition, les textes et images sont mis en scène pour troubler le visiteur, mêlant vérité et fiction. Entre humour, mélancolie et philosophie, Mémoires de Fortune invite à une immersion sensible dans la photographie, nous rappelant que l’image porte en elle une charge émotionnelle qu’il est difficile – et peut-être hasardeux – de négliger.

Patrick Galbats & Camille Moreau, Mémoires de fortune
Patrick Galbats & Camille Moreau, Mémoires de fortune

ARTISTE

LEE SHULMAN AND THE ANONYMOUS PROJECT

COMMISSAIRE

YASEMIN ELÇI

LUX VITAE : FROM SELF TO SOCIETY

VF Art Projects Productions est ravi d’annoncer les débuts au Luxembourg de l’artiste et cinéaste de renommée internationale Lee Shulman et de The Anonymous Project.

Également connu pour ses collaborations avec le réputé Martin Parr, Shulman poursuit son exploration de la puissance de la photographie vernaculaire en offrant une nouvelle perspective sur la mémoire collective et la narration visuelle.

Sous le commissariat de Yasemin Elçi, cette exposition promet une expérience immersive tout en s’inscrivant dans la thématique du Mois de la Photographie, « Rethinking Photography ». The Anonymous Project, initié par le cinéaste Lee Shulman en 2017, se consacre à la collecte et à la préservation de diapositives couleur vintage des 70 dernières années. À travers ces images du quotidien, le projet célèbre les récits potentiels qu’elles renferment, tout en confrontant les visiteurs à la beauté brute de la vie avant l’ère numérique.

L’exposition présente une sélection d’œuvres de la série « Vitraux », qui réinvente la vie au Château de Bourglinster. Des inconnus, figurants anonymes de photographies trouvées, deviennent ici les protagonistes de récits sacrés, transposés dans des vitraux créés par l’artiste.

Cette métamorphose s’étend à l’espace d’exposition lui-même, qui, de simple « cube blanc », se transforme en un sanctuaire ouvert à tous.

Le travail photographique de Shulman fait écho aux sculptures publiques emblématiques, brouillant les frontières entre les disciplines artistiques. Il remet en question les rapports de pouvoir entre le sujet et l’objet, redéfinissant ainsi notre perception des espaces sacrés et de l’art contemporain.

VF ART PROJECTSJUNGLINSTER CHÂTEAU DE BOURGLINSTER

VF_TV, Amici in Aeternum, 2025

En construisant chaque « vitrail », Shulman entraîne le public dans un voyage qui remonte aux origines du Château de Bourglinster au XIe siècle. Des figures anonymes issues du quotidien sont élevées au rang de personnages sacrés tandis que l’artiste fusionne une technique médiévale avec la photographie contemporaine, enrichissant son récit de symbolisme biblique. Il entrelace mémoire personnelle et collective, sacré et profane, passé et présent, incitant ainsi les spectateurs à « repenser la photographie » à l’ère du numérique. Le Château de Bourglinster, situé dans la commune de Junglinster, s’impose comme le cadre idéal pour l’œuvre intelligente et perspicace de Shulman, qui explore les évolutions culturelles et esthétiques à travers le temps et l’espace.

« Les vitraux m’emmènent dans un lieu où même les gestes les plus simples du quotidien prennent un sens, presque comme des rituels », explique l’artiste. Pour lui, ils capturent la lumière d’une manière qui transforme ces instants en quelque chose de sacré. « Inspirés des vitraux d’églises traditionnels, ils transforment la vie quotidienne en quelque chose de plus grand, qui mérite d’être contemplé. Ils me rappellent l’importance de la famille, des petites routines qui nous façonnent et de la présence spirituelle qui habite les moments que nous avons tendance à négliger. À travers eux, l’ordinaire devient extraordinaire, célébrant les liens qui donnent un véritable sens à nos vies. »

LISA KOHL, BAPTISTE RABICHON : ENDROITS | AILLEURS

L’art de Baptiste Rabichon se situe à la croisée de la photographie, de l’expérimentation technique et de l’hybridation des médiums. Dans un rapport au images autant critique qu’amoureux, il conduit une exploration de la photographie sous toutes ses formes, s’attelant aussi bien aux méthodes ancestrales (photogrammes, sténopés…) qu’aux outils de l’imagerie moderne qu’il tente, avec toujours avec la même jubilation, de pousser dans leurs retranchements.

Ses images sont souvent des compositions à plusieurs niveaux de réalité : des captures photographiques qu’il réalise lui-même, des éléments d’archives ou d’images préexistantes, des

traces lumineuses et colorées, issues de manipulations en chambre noire ou en post-production numérique. Ce mélange crée des compositions où le réel et l’artificiel se confondent, donnant naissance à des œuvres d’une richesse visuelle unique. La série intitulée Mother’s Room explore un souvenir d’enfance à travers des espaces liés à la figure maternelle, potentiellement en lien avec des thèmes de mémoire et d’identité.

Le travail de Lisa Kohl peut être compris comme un conglomérat de médias numériques, d’installations, de recherches sur le terrain, de documentation, de mise en scène et de poésie visuelle. Ses explorations artistiques s’articulent autour de l’éphémère, de la disparition et de l’imaginaire en interrogeant l’existence humaine, la vulnérabilité et l’absurdité. Les phénomènes esthétiques de l’absence, du mouvement et de la situation jouent un rôle central dans son œuvre. Dans le champ de tension entre la présence matérielle et les événements réels d’une part, et le domaine du possible, du fictif et de l’invisible d’autre part, elle trouve une multitude de possibilités artistiques pour fusionner ces deux instances en simulations.

Les Silences du Palais, photographie, 2025 L’image présente un décor théâtral où se mêlent architecture ancienne imposante et éléments de construction contemporaine, instables, créant une tension sculpturale. Cette juxtaposition, mêlant métal, carrelage, tissu brut et reliefs

classiques, évoque l’arte povera et génère une tension visuelle entre le sublime et le fonctionnel, l’ancien et le moderne. Le tissu fluide rappelle les drapés antiques et la Pietà, ajoutant une connotation historique. L’espace hybride,

entre intérieur et extérieur, confronte le visible à l’invisible, et l’histoire de l’art au présent. La scène invite à une réflexion sur la mémoire, le déclin et la transformation entre le passé et l’avenir, l’intemporalité et l’éphémère.

Lisa Kohl, LES SILENCES DU PALAIS 1, 2025
Gloria Friedmann, Image du monde #4, 1995, ©Gloria Friedmann, courtesy Ceysson & Bénétière.

ARTISTES

COMMISSAIRE

CLÉMENCE BOISANTÉ

AU-DELÀ DE LA PHOTOGRAPHIE

Pour sa troisième participation à l’EMOP, la galerie Ceysson & Bénétière est ravie de présenter une exposition consacrée à la photographie plasticienne sous le titre Au-delà de la photographie. Cet événement met en lumière des artistes dont les pratiques interrogent et repoussent les limites du médium photographique, offrant ainsi une réflexion sur l’image et ses multiples usages dans l’art contemporain.

Depuis sa création, la galerie s’est illustrée par son engagement envers le mouvement Supports/Surfaces, soutien qu’elle maintient tout en élargissant son champ d’action. Tout au long de l’année, elle organise dans ses diffé-

rents espaces des expositions dédiées à des plasticiens pluridisciplinaires, de renommée internationale et issus de diverses générations. Son ambition est d’accompagner les artistes dans leurs recherches et de favoriser la découverte d’expressions artistiques variées. Avec le temps, la galerie a su tisser des liens forts avec ses artistes et son public. Outre ses espaces d’exposition en France, au Luxembourg, à New York et prochainement à Tokyo, elle a inauguré une résidence d’artiste à La Chaulme, en Auvergne, offrant aux créateurs un cadre propice à l’expérimentation et à l’échange. Dans cette même volonté d’ouverture, la galerie de Saint-Étienne s’est dotée d’un bistrot, un lieu convivial et accessible, où amateurs et collectionneurs peuvent se rencontrer et dialoguer autour de l’art.

L’exposition Au-delà de la photographie incarne cette dynamique, en explorant la diversité des médiums et en questionnant les frontières de la photographie contemporaine. Elle réunit des artistes aux approches singulières, proposant un regard inédit sur l’image et ses transformations.

CEYSSON & BÉNÉTIÈRE

Marie José Burki, Sans Titre, 2019, © Marie José Burki, courtesy Ceysson & Bénétière

ARTISTE

DUARTE PERRY

COMMISSAIRE

JULIAN DENZLER

DUARTE PERRY : EMOTIONAL EXTRACTIONS - IMAGES OF DISAPPEARANCE

Extractions Émotionnelles est une série photographique poignante de Duarte Perry, une sorte de chronique du parcours personnel de l’artiste où la nostalgie, le deuil et la perte, déclenchés par la maladie dégénérative de son père et son décès, occupent la place centrale.

Perry cherche à « résumer et encapsuler ce chapitre de sa vie1 », en affrontant la complexité émotionnelle qui accompagne la disparition des êtres qui nous sont chers – physiquement et dans nos souvenirs. Le titre de la série reflète ce processus où émotions, moments vécus et rela-

tions spécifiques sont distillées et transformées en quelque chose de tangible mais inévitablement éphémère.

Les formes textiles comme réceptacles de mémoire

On trouve, au cœur du travail de Perry, son utilisation des tissus, considérés comme des corps abstraits où s’incarnent - pour ainsi dire - les relations familiales passées et présentes.

Ces formes agissent comme des substituts, incarnent l’absence de ceux qui ne sont plus là. En interagissant avec elles dans un cadre studio contrôlé, Perry met en scène des instants suspendus entre le souvenir et le lâcher-prise. Son travail met en évidence l’importance des rituels de guérison accomplis par les vivants lorsqu’ils traversent le territoire émotionnel de la perte. À travers ces interactions, les rôles et obligations familiaux se redéfinissent, et les relations entre les vivants continuent d’évoluer.

Mémoire, temps et la nature de l’oubli Cette série explore des questions fondamentales sur le temps qui passe : comment vivons-nous la disparition progressive d’un être cher ?

Comment les souvenirs se forment-ils à partir d’instants que nous reconnaissons comme significatifs pour l’avenir ? Pouvons-nous préserver davantage l’essence de certains moments simplement en nous efforçant de les ressentir plus intensément ?

INSTITUTO CAMÕES CENTRE CULTUREL PORTUGAIS

Duarte Perry, Emotional Extractions, 2023-2025.

Selon la théoricienne culturelle Aleida Assmann, l’oubli – et non le souvenir – est l’état par défaut de l’existence humaine et sociale. Les souvenirs ne restent pas intacts ; ils se condensent, se transforment et s’estompent lentement. Se souvenir exige un effort, un acte conscient de préservation2. Perry s’engage dans cet effort à travers la photographie, en traduisant ses souvenirs personnels en images raffinées. Sa série est à la fois une tentative de retenir la mémoire et un manifeste visuel reconnaissant l’impossibilité de se saisir pleinement du passé.

La photographie comme production d’images Perry utilise la photographie comme un outil de composition et de réflexion. L’arrangement et la présentation de la série varient en fonction du contexte d’exposition. Pour l’exposition au Centre Culturel Portugais du Luxembourg, il a sélectionné huit images d’une collection plus vaste où il retrace le processus émotionnel du début à la fin. L’accrochage reflète la thématique centrale de la disparition à travers sa façon de souligner l’aspect fugace des moments. L’un des éléments les plus symboliques de l’exposition est une grande pièce composée de 49 morceaux distincts de papier standard. Initialement assemblés en une image complète, les

fragments individuels se détachent ensuite progressivement et tombent au sol au fil de l’exposition. L’image se décompose partiellement ; à terme, seuls quelques fragments épars subsistent. Ce qui était autrefois un tout se morcelle en détails isolés – certains éléments gagnent en importance, tandis que d’autres s’effacent. Il n’y a pas de règle qui définit ce qui doit être souvenir : certains fragments, avec le recul, accèdent à une signification tandis que d’autres disparaissent comme s’ils n’avaient jamais existé.

La nature éphémère de la mémoire Avec Extractions Émotionnelles, Perry propose une exploration visuelle du souvenir tout en abordant simultanément le processus de l’oubli à travers la mise en scène de l’exposition. Le caractère éphémère de la mise en place fait écho à la thématique ce qui donne lieu à une présentation à la fois sensible et puissante. Les morceaux d’image qui se désagrègent rappellent des feuilles d’automne emportées par le vent. Certaines des plus belles feuilles peuvent être recueillies et préservées, tandis que les autres doivent s’envoler.

Julian Denzler

Traduit de l’anglais par Pierre Stiwer

Duarte Perry, Emotional Extractions, Performative Image (2023-2025), vue de l’exposition.
Batty Fischer, Portrait de femme, vers 1910–1940 ; © Photothèque de la Ville de Luxembourg

LES PLAQUES AUTOCHROME DE BATTY FISCHER

CONFÉRENCE PROPOSÉE PAR FRANÇOISE PLOYE

À l’occasion d’une campagne de restauration de sa collection de 300 Autochrome réalisées par Batty

Fischer, la Photothèque de la Ville de Luxembourg propose une conférence dédiée à la technique favorite du photographe luxembourgeois pour restituer les nuances colorées de la nature.

Inventée en 1903, et commercialisée entre 1907 et 1934, la célèbre plaque nommée « Autochrome » par les frères Lumière, est une photographie positive transparente dont les couleurs sont restituées par un réseau très fin de fécules colorées de pomme de terre.

Ainsi, plus de 60 ans après l’invention de la photographie, voici enfin le premier procédé photographique en couleurs commercialisé à grande

échelle et accessible à un large public de photographes professionnels et amateurs. À l’instar du daguerréotype, son ancêtre monochrome, l’Autochrome est une photographie positive directe, il s’agit donc d’une œuvre unique, résultat direct de l’action de la lumière dans la chambre photographique ce qui lui confère une valeur toute particulière. La fécule de pommes de terre colorée lui procure une esthétique qui restera inégalée par son effet doux pointilliste, particulièrement apprécié des adeptes du pictorialisme et des amoureux de la nature.

DE LA VILLE DE LUXEMBOURG

La collection remarquable de la Photothèque révèle un Batty Fischer, excellent autochromiste, qui a su s’inscrire dans la lignée avant-gardiste des artistes photographes adeptes de la couleur au début du 20e siècle. Parmi les photographes les plus connus ayant utilisé cette technique, on trouve en effet Edward Steichen, Alfred Stieglitz, Jean-Jacques Lartigue et Heinrich Kühn.

La conférence de Françoise Ploye sera l’occasion de découvrir les détails techniques de l’Autochrome et d’en comprendre les enjeux de conservation. Nous évoquerons également les travaux initiés sur la collection Batty Fischer afin d’en assurer la préservation pour les générations futures.

Françoise Ploye est restauratrice du patrimoine photographique diplômée de l’Institut national du patrimoine (INP) à Paris. De 2002 à 2008, elle est responsable de la programmation et de la mise en œuvre de divers projets de conservation préventive et de restauration à l’Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris. Depuis 2008, elle se consacre à son entreprise personnelle dont la vocation est de proposer un ensemble de services dédiés à la préservation, la diffusion et l’authentification des collections photographiques patrimoniales. Outre la publication d’articles et la tenue de conférences sur son travail, elle enseigne la conservation préventive et la restauration des photographies à l’INP depuis 2002.

Batty Fischer, Nature morte, Vers 1910 – 1940 © Photothèque de la Ville de Luxembourg
Batty Fischer, Portrait d’homme, vers 1910–1940 © Photothèque de la Ville de Luxembourg
Yann Tonnar, Vue du Phaffenthal, de la série La cité transparente, collage numérique, 2025.
Yann Tonnar, Prise de la Porte de Mansfeld, de la série La cité transparente, collage numérique, 2025.

COMMISSAIRE

FRANÇOIS REINERT

LA CITÉ TRANSPARENTE. YANN TONNAR

Entre 1828 et 1829, les neuf lithographies de la série

Vues de Luxembourg sont éditées et commercialisées au

Luxembourg : Il s’agit de six dessins réalisés par JeanBaptiste Fresez (1800-1867) et de trois autres par son

élève Jean-Nicolas Bernard (1803-1866).

Destinées à l’origine aux bourgeois aisés et aux officiers prussiens comme souvenirs, ces images ont progressivement acquis une dimension nostalgique, voire romantique. Elles évoquent un Luxembourg d’antan, celui du temps de la forteresse, et se sont inscrites dans l’imaginaire collectif. Aujourd’hui encore, on trouve des reproductions dans les salons bourgeois de la ville, témoignant de leur ancrage dans l’histoire et la perception d’une identité nationale. C’est à ce titre qu’elles figurent dans l’exposition permanente du Musée Dräi Eechelen, installé dans l’ancien fort Thüngen au Kirchberg.

Près de deux cents ans plus tard, le photographe et réalisateur Yann Tonnar revisite et photographie les mêmes points de vue. À travers une technique de collage digital, il superpose ses photographies contemporaines aux lithographies originales. Ce photomontage met en

lumière le passage du temps et l’irruption du monde moderne dans le paysage urbain : l’arrivée du train, de l’avion et de la voiture, le développement du tourisme, les chantiers incessants, les nouveaux quartiers, et, fait le plus marquant dans ce contexte : le démantèlement de la forteresse. Celui-ci fut décidé en mai 1867 par le Traité de Londres et a permis à la toute jeune nation de garder son indépendance.

La cité transparente reflète un regard qui à la fois traverse et révèle les strates historiques de la ville, ainsi que la technique employée, qui joue sur la transparence des images superposées.

Ainsi coexistent dans une même image non seulement différentes époques, mais également différentes techniques qui renvoient chacune à son époque : la lithographie et la photographie numérique. Sans oublier l’art du collage, qui a acquis ses lettres de noblesse au début du XXème siècle, parmi des artistes cherchant à traduire la complexité de la représentation du monde moderne. Les images composites de Yann Tonnar s’inscrivent dans une démarche similaire et interrogent notre rapport à notre environnement construit et déconstruit, à l’histoire et à l’identité collective.

Raymond Clement, Miles DAVIS - 22 à Nancy.

COMMISSAIRE

NADINE ESSLINGEN

RAYMOND CLEMENT : LE JAZZ À FLEUR DE PEAU

Raymond Clement était musicien avant de devenir photographe, il jouait de la trompette, du piano et de l’orgue, ce qui explique l’extraordinaire sensibilité qui ressort de ses portraits de « jazzmen ». On ressent l’effort de la création de la musique dans la combinaison des corps tendus couverts de sueur et des émotions irradiant les visages.

Sa série débuta en 1970 : dépêché par Tony Krier au Festival de Wiltz, il photographia le monstre du Jazz Duke Ellington, et courut depuis lors, de caves de jazz en festivals, pour prendre ses clichés sur le vif. Le titre de son exposition itinérante Family of Jazz qui voyagea jusqu’au Nevada en 1977 est un clin d’oeil à Edward Steichen, qui l’a inspiré dans sa vocation. Au festival de Jazz à Berlin en 1964, Dr. Martin Luther King Jr. décréta dans son allocution: « Jazz speaks for life. […] This is triumphant music. » C’est également au Berlin Jazzfest en 1983 que Clement rencontra l’icône Miles Davis. Le style vestimentaire de ce dernier avait évolué des costumes seyants des années cinquante au style hippie inspiré en 1968 par sa femme, la chanteuse Betty Mabry (qui l’a également introduit au rock, initiant sa phase

jazz-rock fusion) jusqu’au look psychédélique que Clement photographia. Pour rendre justice à cette tenue rouge écarlate, il lui fallut emprunter des pellicules couleur à un collègue, étant jusqu’alors dans le registre des portraits en noir-blanc. Grâce à Davis, on peut dire que… Clement a commencé à photographier la vie en couleur. Miles avait été ravi de sa tournée en Europe, « […] les gens étaient heureux de me voir, et entraient vraiment dans la musique. » Il semblait avoir changé de personnalité après son passage à vide de 1975 à 1980 et donna aussi de nombreuses interviews dans chaque ville. Miles avait eu le talent de se réinventer à chaque époque en s’entourant toujours de talentueux musiciens. L’hommage de Clement à Miles se lira jusque dans le titre de son exposition Miles & more..from Family of Jazz en 2023. Quand on contemple les photos de Miles prises par Clement, on pense à la citation de George Wein: “Miles put the bell of his horn right into the microphone and changed the whole world of jazz.” Clement nous fait redécouvrir ces pointures du jazz, anciennes et nouvelles, avec des photos pleines de vie.

Nadine Esslingen

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG

Olivier Dassault, Intervalle

EXPRESSIONS ABSTRAITES: HOMMAGE À OLIVIER DASSAULT

« Une lueur qui dessine les courbes d’un sujet, c’est

cette poésie visuelle qu’Olivier aimait capturer.

De ce rayon naissait une géométrie variable selon l’inspiration et le geste. Pour lui, l’essentiel c’était la rencontre avec la lumière… L’homme qui riait avec ses yeux, aimait sculpter la lumière. »

Natacha Dassault

En plus de 40 ans, son œuvre s’est inscrite d’abstractions instantanées en compositions improvisées au moyen d’expositions multiples et de surimpressions à la prise de vue. Progressivement, il s’est libéré de la contrainte du réalisme pour explorer la couleur et la forme. L’incidence de la lumière est l’élément révélateur. La couleur joue aussi un rôle essentiel dans la composition des photographies d’Olivier Dassault ; elle

est à la fois source d’inspiration et de création. Il disait que « l’art participe à cet espace vital où la liberté de créer fait appel à la nécessité d’espérer » et qu’il aimait « donner à voir et à émouvoir par l’esthétique du regard » .

La surimpression, signature caractéristique de son travail, était une technique de la photographie argentique où plusieurs images se superposent sur une même surface sensible. Apparue dès les débuts de la photographie, elle était d’abord le fruit du hasard avant d’être adoptée par certains artistes. Grâce à l’avancement de la pellicule synchronisée avec l’armement de l’obturateur, cette pratique était devenue plus accessible.

Très tôt, Olivier Dassault s’était passionné pour cet exercice d’équilibre entre verticalité et horizontalité. Il explorait sans relâche cette technique, multipliant les prises de vue en une seule image et façonnant ainsi son identité visuelle. Il expliquait ainsi : « La surimpression est une manière de sublimer un sujet qui, à première vue, semblait ordinaire. Techniquement, je prends plusieurs photos du même sujet sur une seule pellicule argentique. »

Au cœur de son travail, la lumière jouait un rôle fondamental. Elle lui permettait « de transformer

l’apparence des choses et leur interprétation ». « C’est avec elle que je compose. J’aime dire que photographier, c’est peindre instantanément la lumière du quotidien. » Cette approche, alliant instinct et maîtrise technique, confère à ses œuvres une dimension unique, entre abstraction et poésie.

Ses photographies s’inscrivent aux catalogues de plusieurs musées et institutions, de la Bibliothèque Nationale de France au Israël Museum de Jérusalem, du Museum of Fine Arts à Houston

Texas au Palm Springs Art Museum en Californie. En 2023, son œuvre rejoint les collections du Centre Pompidou à Paris.

Son travail reflète une quête incessante d’un cliché unique et marquant. À travers ses « confessions iconiques », transparaissent son esprit espiègle, sa sensibilité et la précision de son geste. Chaque œuvre capture un instant de vie, où la lumière se mêle à la matière pour révéler la beauté du monde et nous inviter à la préserver. L’éphémère devient alors intemporel.

Olivier Dassault, Ouvrage Montresso

CHRISTIAN ASCHMAN

*1966 Luxembourg

Vit et travaille entre Bruxelles et Luxembourg

Ig: christianaschman

SISSEL ANNETT

*1975 Stavanger (Norvège)

Vit et travaille à Moss (Norvège) www.sissel-annett.com

YANN ANNICCHIARICO

*1983 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg www.yannannicchiarico.com

JÖRG AUZINGER

* 1972 Linz (Autriche)

Vit et travaille entre Vienne et Graz (Autriche) www.auzinger.net

JESSICA BACKHAUS

*1970 Cuxhaven (Allemagne)

Vit et travaille à Berlin www.jessicabackhaus.net

MARC JOSEF BARUTH

*1974 Siegen (Allemagne)

Vit et travaille à Siegen (Allemagne) www.marcbaruth.com

SYLVIE BONNOT

*1982 France

Vit et travaille à Saint Léger sous La Bussière (France) www.sylviebonnot.com

MARIE JOSÉ BURKI

*1961 Bienne (Suisse)

Vit et travaille à Bruxelles www.mjburki.be

JULIEN CARREYN

*1973 Angers (France)

Vit et travaille à Paris (France) www.galeriecrevecoeur.com/artists/julien-carreyn/bio

BERTRAND CAVALIER

*1989 France

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.bertrandcavalier.com

GAËLLE CHOISNE

*1985 Cherbourg-en-Cotentin (France)

Vit et travaille à Paris www.gaellechoisne.com

RAYMOND CLEMENT

*1944 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg www.raymondclement.com

CROSSLUCID

Collectif d’artistes fondé en 2018 www.crosslucid.zone

STEVEN CRUZ

*1996 Luxembourg

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.stevenccruz.com

SHADE CUMINI

*1998 Luxembourg Vit et travail au Luxembourg www.shadecumini.myportfolio.com

OLIVIER DASSAULT

*1951 France +2021 France

PAUL DI FELICE

*1953 Differdange (Luxembourg) Vit et travaille au Luxembourg Ig: pauldifelice

MARTA DJOURINA

*1991 Sofia (Bulgarie) Vit et travaille à Berlin www.martadjourina.com

SERGE ECKER

*1982 Esch-sur-Alzette (Luxembourg) Vit et travaille entre Luxembourg et Berlin www.sergeecker.com

BRUCE EESLY

*1984 Berlin (Allemagne) Vit et travaille à Berlin www.eesly.xyz

BATTY FISCHER *1877 Luxembourg +1958 Luxembourg www.wikipedia.org/wiki/Batty_Fischer

JOAN FONTCUBERTA

*1955 Barcelone (Espagne)

Vit et travaille à Barcelone (Canada) Ig: joanfontcuberta_

GLORIA FRIEDMANN

*1950 Kronach (Allemagne)

Vit et travaille entre Aignay-le-Duc et Paris fr.wikipedia.org/wiki/Gloria_Friedmann

PATRICK GALBATS

*1978 Luxembourg Vit et travaille au Luxembourg www.patrickgalbats.com

MARCO GODINHO

*1976 Salvaterra de Magos (Portugal)

Vit et travaille entre Luxembourg et Paris. www.marcogodinho.com

GUILLAUME GREFF

*1977 Sarreguemines (France) Vit et travaille à Strasbourg www.guillaumegreff.com

MATTHIAS GRUND

*1995 Cologne (Allemagne) Vit et travaille à Cologne www.matthiasgrund.com

WADE GUYTON

*1972 Les États-Unis Vit et travaille à New York Ig: wadeguytonoff

RAISAN HAMEED

*1991 Mossoul (Irak) Vit et travaille à Leipzig (Allemagne) www.raisanhameed.com

LISA HOFFMANN

*1989 Bocholt (Allemagne) Vit et travaille à Kiel (Allemagne) www.lhoffmann.com

PIERRE HOURQUET

*1974 à Mont de Marsan

Vit et travaille à Paris

SONJA IROUSCHEK

*1972 Allemagne Vit et travaille à Düsseldorf www.sonja-irouschek.de

ERIK KESSELS

*1966 Roermond (Pays-Bas) Vit et travaille à Amsterdam (Pays-Bas) www.erikkessels.com

LISA KOHL

*1988 Luxembourg Vit et travaille entre Leipzig, Allemagne et Luxembourg www.lisa-kohl.com

LIZ LAMBERT

*1993 Luxembourg Vit et travaille au Luxembourg. www.liz-lambert.com

CLAUDIA LARCHER

*1979 Bregenz (Autriche) Vit et travaille à Vienne www.claudialarcher.com

LIA MERET LEHMKUHL *1997 Cologne (Allemagne) Vit et travaille à Berlin www.lialehmkuhl.de

LUCAS LEFFLER *1993 Virton (Belgique) Vit et travaille à Bruxelles www.lucasleffler.com

SIMON LEHNER

*1996 Wels (Autriche) Vit et travaille à Vienne www.simon-lehner.com

DAPHNÉ LE SERGENT

*1975 Corée du Sud Vit et travaille à Paris www.daphnelesergent.com

BIRGIT LUDWIG

*1977 Luxembourg Vit et travaille à Londres. www.birgitludwig.com

MARIANNE MAJERUS

*1956 Clervaux (Luxembourg) Vit et travaille entre Luxembourg et Londres. www.mariannemajerusportfolio.com

MICHEL MEDINGER

*1941 Luxembourg +2025 Luxembourg

AURÉLIEN MOLE

*1975 Téhéran (Iran) Vit et travaille à Paris www.contenant.net

LISA OPPENHEIM

*1975 New York

Vit et travaille à New York www.lisaopp.net

ORLAN

*1947 France

Vit et travaille entre Paris et Los Angeles www.orlan.eu

ALICE PALLOT

*1995 Paris

Vit et travaille entre Paris et Bruxelles www.alicepallot.com

SÉVERINE PEIFFER

*1981 Luxembourg Vit et travaille à Luxembourg www.severinepeiffer.com

DUARTE PERRY

*1999 Lisbonne Vit et travaille entre Zurich et Lisbonne www.duarteperry.com

AURÉLIE PÉTREL

*1980 Lyon (France) Vit et travaille entre Rome, Paris et Genève www.aureliepetrel.eu

JORMA PURANEN

*1951 Helsinki (Finlande) Vit et travaille à Helsinki Ig: jormapuranen

BAPTISTE RABICHON

*1987 Montpellier (France)

Vit et travaille à Paris www.rabichon.com

PHILIPPE RAMETTE

*1961 Auxerre (France)

Vit et travaille à Paris Ig: philippe_ramette

RAOUL RIES

*1968 Luxembourg

Vit et travaille entre Luxembourg et Londres www.raoulries.com

EVA ROSENSTIEL

*1951 Allemagne

Vit et travaille à Freiburg (Allemagne) www.evarosenstiel.de

LETITIA ROMANINI

*1980 Esch-sur-Alzette (Luxembourg)

Vit et travaille entre Luxembourg et Strasbourg www.romaniniletizia.com

OLIVIER SCHILLEN

*1961 Esch-sur-Alzette (Luxembourg) Vit et travaille au Luxembourg www.olivierschillen.com

LEE SHULMAN

*1973 Londres

Vit et travaille à Paris www.anonymous-project.com

VALERIE SCHMIDT

*1982 Düsseldorf (Allemagne)

Vit et travaille à Berlin www.valerieschmidt.de

MARC SCHROEDER

*1974 Luxembourg Vit et travaille entre Luxembourg, Lisbonne et Berlin www.marcpschroeder.com

STEFANIE SCHROEDER

*1981 Weimar (Allemagne) Vit et travaille à Leipzig www.schroederstefanie.de

OLIVER SIEBER

*1966 Allemagne

Vit et travaille à Düsseldorf (Allemagne) www.oliversieber.de

PAULO SIMÃO

*1973 Santarém (Portugal)

Vit et travaille à Lisbonne www.paulosimao.pt

LUISA MARIA STAGNO

*1990 Colombie Vit et travaille à Differdange (Luxembourg) www.luisamariastagno.com

EDWARD STEICHEN

*1879 Luxembourg +1973 Les États-Unis

KATJA STUKE

*1968 Allemagne

Vit et travaille à Düsseldorf (Allemagne) www.katjastuke.de

INDEX DES ARTISTES

BATIA SUTER

*1967 Bülach (Suisse) Vit et travaille à Amsterdam www.batiasuter.org

TAMIKO THIEL

*1957 Les États-Unis Vit et travaille à Munich (Allemagne) www.tamikothiel.com

GIULIA THINNES

*1976 Luxembourg Vit et travaille au Luxembourg www.giuliathinnes.com

WOLFGANG TILLMANS

*1968 Allemagne Vit et travaille à Berlin et à Londres www.tillmans.co.uk

YANN TONNAR

*1975 Luxembourg Vit et travaille au Luxembourg Ig: yanntonnar

REBECCA TOPAKIAN

*1989 Vincennes, France Vit et travaille entre Paris et Erevan (Arménie) www.rebeccatopakian.com

RUTH VAN BEEK

*1977 Les Pays-Bas Vit et travaille aux Pays-Bas www.ruthvanbeek.com

JOOST VANDEBRUG *1982 Harlingen (Les Pays-Bas) Vit et travaille entre Londres et Anvers www.joostvandebrug.com

EMILIE VIALET

*1980 Les Ulis (France) Vit et travaille à Ranrupt, France www.emilievialet.com

JULIA VOGELWEITH

*1978 Strasbourg (France) Vit et travaille au Luxembourg Ig: juliavogphotos

SAMANTHA WILVERT

*2000 Esch-sur-Alzette (Luxembourg) Vit et travaille au Luxembourg www.samanthawilvert.com

Simon Lehner, Ethics of Images, 2025. Courtesy de l’artiste et KOW, Berlin.

INFORMATIONS PRATIQUES

LIEUX D’EXPOSITION / VENUES AND EXHIBITIONS

LUXEMBOURG

Arendt House

41 A, Avenue J. F. Kennedy, L-2082 Luxembourg

Tél : (+352) 40 78 78 1 www.arendt.com

EMoP Arendt Award remise du prix 15.05.2025

Rethinking Photography - EMoP Arendt Award > 16.05 - 28.09.2025

Bibliothèque nationale

37D, Avenue John F. Kennedy, 1855 Luxembourg

Tél: (+352) 26 55 9 - 100 bnl.public.lu

Raymond Clement, Le jazz à fleur de peau 06.5 - 21.6.2025

Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain

41, rue Notre-Dame L-2240 Luxembourg

Tél : (+352) 22 50 45 www.casino-luxembourg.lu

TUBE.PHOTO.DASH > 09.05 - 14.09.2025

Casino Display

1 rue de la Loge L-1945 Luxembourg

Tél : (+352) 22 50 45 www.casino-luxembourg.lu/en/casino-display

Shade Cumini: périscope - in situ creation > 06.06 - 07.09.2025

Cercle Cité – Espace d’exposition

– Ratskeller rue du Curé

L-1368 Luxembourg

Tél : (+352) 46 49 46-1 www.cerclecite.lu

Rethinking Photography: Presence / Absence, Visible / Invisible > 25.04 - 29.06.2025

Centre Culturel Portugais – Camões 4, Place Joseph Thorn, L-2637 Luxembourg

Tél : (+352) 46 33 71-1 www.instituto-camoes.pt Emotional extracions.

Images of Disappearance: Duarte Perry > 13.05 - 05.09.2025

Mudam Luxembourg – Musée d’Art

Moderne Grand-Duc Jean 3, Park Dräi Eechelen, L-1499 Luxembourg-Kirchberg

Tél : (+352) 45 37 85 1 www.mudam.com

Lisa Oppenheim : Monsieur Steichen > 14.02 – 24.08.2025

Musée Dräi Eechelen

5 Park Dräi Eechelen, 1499 Luxembourg

Tél : (+352) 26 43 35 www.m3e.lu

La cité transparente. Yann Tonnar > 24.04. - 16.11.2025

Nationalmusée um Fëschmaart

Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg

Tél : (+352) 47 93 30 1 www.nationalmusee.lu

Beyond the Frame.

Rethinking Photography > 26.04 - 16.11.2025

Neimënster ( Abbaye de Neumunster ) / Chapelle

28, rue Münster, L-2160 Luxembourg

Tél: (+352) 26 20 52 1 www.neimenster.lu

Révélation(s) : The exhibition > 30.04 > 31.05.2025

Parc de Merl – Luxembourg

Marianna Majerus: Portraits of Plants > 12.06 - 30.09.2025

Photothèque de la Ville de Luxembourg

10, Rue Eugène Ruppert, 2453 Luxembourg

Tél: (+352) 47 96 47 00 www.phototheque.lu

Conférence de Françoise Ploye

Les plaques Autochrome de Batty Fischer, 7 mai à 18:00 au Cercle Cité ( Auditorium Cité ) 3 Rue Genistre L-1623 Luxembourg

Villa Vauban – Musée d’Art de la Ville de Luxembourg 18, Avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg

Tél : (+352) 47 96 49 00 www.villavauban.lu

Michel Medinger (1941-2025) - Vanitas > 29.03 - 15.06.2025

BIL ( Banque internationale à Luxembourg )

69 route d’Esch, L-2953 Luxembourg Expressions abstraites : Hommage à Olivier Dassault > 28.04 - 18.07.2025

Galerie Ceysson & Bénétière 13-15 Rue d’Arlon, 8399 Koerich ( Luxembourg ) + 352 26 20 20 95

www.ceyssonbenetiere.com/fr/locations/ Beyond Photography > 02.05 - 25.05.2025

Reuter Bausch Art Gallery 14, rue Notre-Dame, L-2240 Luxembourg www.reuterbausch.lu

Endroits | Ailleurs : Baptiste Rabichon, Lisa Kohl > 14.05 - 07.06.2025

CLERVAUX

Clervaux - Cité de l’image

Maison du Tourisme et de la Culture 11, Grand-rue, L-9710 Clervaux

Tél. : (+352) 27 800 283 www.clervauximage.lu

Sept installations photographiques à ciel ouvert

08.10.2024 - 07.09.2025

Clervaux - Cité de l’image Brahaus

Montée du Château, L-9710 Clervaux

Tél. : +352 27 800 280 www.clervauximage.lu

Floral Fiction: Claudia Larcher > 04.07 - 28.09.2025

The Family of Man

– Steichen Collections CNA

Château de Clervaux

L-9712 Clervaux

Tél. : +352 92 96 57 www.steichencollections-cna.lu

The Family of Man > 01.03.202501.01.2026

DUDELANGE

Centre National de l’Audiovisuel (CNA) 1b, rue du Centenaire, L-3475 Dudelange

Tél : (+352) 52 24 24 1 www.cna.lu

Display 01

Facettes de l’Humanité, œuvres de la collection Teutloff, 17.05. - 21.09.2025

Ouvert mercredi à dimanche, 12:00 - 18:00 | Entrée libre

Centre d’Art Nei Liicht

Rue Dominique Lang

3505 Dudelange

Tél : (+352) 51 61 21-292 www.galeries-dudelange.lu

Serge Ecker: murmurare

Centre d’Art Dominique Lang

Gare Dudelange-Ville

Tél : (+352) 51 61 21-292 www.galeries-dudelange.lu

Patrick Galbats & Camille Moreau : Mémoires de fortune

26.04.2025 - 15.06.2025

ESCH / ALZETTE

Elektron

Centre Mercure 12, rue de l’Alzette 4010 Esch-sur-Alzette www.elektron.lu

Bruce Eesly, New Farmer

Tamiko Thiel, Waldwandel/Forest Flux

> 17.05 - 10.2025

CROSSLUCID, Vaster than Empires > 17.05 - 26.07.2025

Konschthal Esch

29 Bvd Prince Henri, 4280 Esch-sur-Alzette

https://www.konschthal.lu

Reality Check > 17.05 - 26.06.2025

Université du Luxembourg

Campus Belval

Maison du Savoir

2, place de l’Université

L-4365 Esch-sur-Alzette

www.uni.lu/life-en/culture

Daphné Le Sergent: Silicon Islands and War > 16.05 - 13.06.2025

BOURGLINSTER

VF Art Projects - Junglinster

Château de Bourglinster

8 Rue du Château

6162 Bourglinster

The Anonymous Project by Lee Shulman > 03.05 - 08.06.2025

Open Friday, Saturday & Sunday from 11am to 7pm

TRIER

Kunsthalle Trier (EKA)

Aachener Str. 63, 54294 Trier, Allemagne

Tél : +49 651 89 782

www.kunsthalle-trier.de

Reconstructing Reality > 08.05 - 08.06.2025

REMERCIEMENTS / THANKS TO

• M Eric Thill, Ministre de la Culture

• Mme Lydie Polfer, Maire de la Ville de Luxembourg

• Mme Vanessa Cum & Catherine Krier, responsables des services culturels de la Ville de Luxembourg

• M Benoît Andries, directeur, Agence luxembourgeoise d’action culturelle

• Mme Marion Vergin & Camilla Cuppini, responsables programmation culturelle du Cercle Cité

• M. Guy Thewes, directeur des 2 Musées de la Ville de Luxembourg

Mme Gabriele Diana Grawe, conservatrice à la Villa Vauban - Musée d’Art de la Ville de Luxembourg

Mme Gaby Sonnabend, responsable de la Photothèque de la Ville de Luxembourg

• M. Christian Aschman, photographe à la Photothèque de la Ville de Luxembourg

• Mme Tania Brugnoni, directrice du Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art Luxembourg

• M. François Reinert, conservateur délégué à la direction Musée Dräi Eechelen

• M. Ruud Priem, Chef de service & conservateur des collections Beaux-Arts, MNAHA Luxembourg

• Mme Bettina Steinbrügge, directrice du Mudam Luxembourg

– Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean

M. Christophe Gallois, curateur sénior au Mudam Luxembourg

– Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean

M. Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain

• Mme Stilbé Schoeder, commissaire d’exposition au Casino Luxembourg

– Forum d’art contemporain

• M. Philippe Dupont, associé fondateur Arendt & Medernach

• M. Gilles Zeimet, directeur du Centre National de l’Audiovisuel Dudelange

• Mme Daniela Del Fabbro, responsable des expositions au CNA

• Mme Claire di Felice, chargée de mission Steichen Collections au CNA

• Mme Ainhoa Achutegui, directrice du CCR Neimënster

• M. Alexandre Bugnet, responsable des expositions CCR Neimënster

Mme Claire Lignières-Counathe, Ambassadeur de France, Luxembourg

M. Maxime Dafri, directeur de l’Institut français, Luxembourg

M. Pedro Sousa e Abreu, Ambassadeur du Portugal au Luxembourg

Mme Adília Martins de Carvalho, Centre culturel portugais (Instituto Camões)

• Mme Marlène Kreins, directrice des centres d’art de la Ville de Dudelange

• Mme Anouk Wies, Strategic advisor / Cell for cultural affairs, Université du Luxembourg

• M. Christian Mosar, directeur Konschthal Esch

• Mme Charlotte Masse, Curatrice / Responsable des expositions Konschthal Esch

• Mme Françoise Poos, directrice artistique et scientifique d’Elektron

• Mme Sandra Schwender, directrice de Clervaux Cité de l’Image

• M. Simon Santschi de l’Académie européenne d’art de Trèves (Allemagne)

Mme Clémence Boisanté, directrice de Galerie Ceysson & Bénétière Luxembourg

M. Jeffrey Dentzer, directeur de la Banque Internationale à Luxembourg

Mme Chantal Dusserre-Bresson, directrice artistique Studio OD Paris

• Mme Stéphanie Breydel de Groninghe, historienne de l’art, commissaire d’expositions

• Mme Florence Reckinger-Taddeï, présidente de Lët’z Arles

• Mme Cécilia Zunt-Radot, directrice de Lët’z Arles

• M. Alex Reding de la Galerie Nosbaum-Reding

• Mme. Yasemin Elçi, commissaire d’exposition

Ainsi que Fondation Indépendance by BIL Luxembourg Kultur | lx , Arts Council Luxembourg

LES GALERIES SUIVANTES / THE FOLLOWING GALLERIES

BERLIN

Galerie Robert Morat Linienstraße 107 10115 Berlin www.robertmorat.de

Galerie Kow Kurfürstenstraße 145 / Entrance Frobenstraße, 10785 Berlin

Tél. +49 30 311 66 77-0 gallery@kow-berlin.com

BRUXELLES

Hangar Centre d’art photo Place du Châtelain 18 1050 Bruxelles www.hangar.art

LUXEMBOURG

Galerie Ceysson & Bénétière Luxembourg

Koerich www.ceyssonbenetiere.com

Reuter Bausch Art Gallery www.reuterbausch.lu

VF Art Projects

Violeta Frank www.vfprojects.com

THE EMOP NETWORK

BERLIN

City of Berlin

Moritz van Dülmen (directeur de Kulturprojekte Berlin)

Maren Lübbke-Tidow, directrice artistique d’EMOP Berlin

BRUSSELS

Mme Delphine Dumont, directrice de Hangar Bruxelles et de Photo Brussels Festival Paul de La Marandais, gallery manager de Hangar Bruxelles

LISBONNE

Rui Prata, directeur de Imago Lisboa

LUXEMBOURG

Café-Crème asbl, Paul di Felice, Pierre Stiwer, directeurs et fondateurs

VIENNA

Felix Hoffmann, directeur et curateur

Foto Arsenal Wien & Foto Wien & Vienna

Digital Cultures

COLOPHON

Editor / Publisher

Paul di Felice, Pierre Stiwer ( Café-Crème asbl )

Organisation du Mois européen de la photographie Luxembourg / Managers of EMoP Luxembourg

Paul di Felice, Pierre Stiwer (directeurs), Krystyna Dul (assistante à la direction)

Traductions / Translations

Pierre Stiwer, Paul di Felice

Assisted by Google Translate, Deepseek, Chat GPT and DeepL

Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg

By Café-Crème asbl

Conception graphique / Graphic Design hyke.studio

Droits / Credits

All pictures if not otherwise stated: courtesy the artist

No part of this publication may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording or any other information storage and retrieval system, without prior permission in writing from the publisher.

Imprimé / Printed

Offset Printing House KOPA, Vilnius, Lituanie

ISBN 978-99987-973-0-7

photo de la couverture / cover photo

Joan Fontcuberta, Liquidambar mirabilis, 2023, de la série De Rerum Natura, Courtesy Joan Fontcuberta.

Ceysson & Bénétière

RETHINKING PHOTOGRAPHY

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.