
EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021


Pour la huitiĂšme Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg, nous avons choisi le titre âRethinking Nature / Rethinking Landscapeâ. Les thĂšmes quâĂ©voque ce titre sont Ă©videmment liĂ©s aux questions actuelles concernant les relations humaines avec lâenvironnement et aux nouvelles approches esthĂ©tiques du paysage, genre que la photographie a su mettre en valeur dĂšs ses dĂ©buts.
Avec les positions plus radicales des artistes du mouvement des New Topographics dans les annĂ©es 60, et lâarrivĂ©e du numĂ©rique dans les annĂ©es 90, les codes de reprĂ©sentation du paysage ont radicalement changĂ©s de sorte Ă faire Ă©merger aujourdâhui de nouvelles approches paysagĂšres multi-mĂ©diales.
Alors que les transformations du systĂšme terrestre par lâhomme laissent une empreinte indĂ©lĂ©bile, il est dâactualitĂ© de sâintĂ©resser aux nouvelles façons de voir ces phĂ©nomĂšnes aussi bien du point de vue sociĂ©tal, dans le contexte de lâAnthropocĂšne, quâartistique dans un dispositif de photographie politique et engagĂ©e.
Ancré dans un réseau européen de festivals de la photographie, depuis 2006, avec une nouvelle constellation comprenant Circulation(s) (Paris), Imago Lisboa (Lisbonne), Foto Wien (Vienne) et EuropÀischer Monat der Fotografie (Berlin) - le Mois européen de la photographie au Luxembourg
permet dâĂ©tablir une plateforme de la crĂ©ation photographique europĂ©enne qui sâenrichit dâĂ©dition en Ă©dition par rapport au thĂšme imposĂ© et Ă partir de laquelle Ă©mergent des expositions thĂ©matiques de groupe et monographiques.
Ainsi, avec Rethinking Nature / Rethinking Landscape EMoP poursuit ses recherches photographiques sur les changements politiques, écologiques et artistiques de notre société, présentées notamment dans les expositions Mutations (2006-2011) et DistURBANces (2012-2013), en révélant de nouvelles positions photographiques face aux enjeux de la mondialisation et du réchauffement climatique.
NĂ©anmoins, comme pour les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes, la sĂ©lection nâest pas dogmatique et reflĂšte lâidĂ©e dâĂ©change entre les partenaires europĂ©ens et nationaux tout en privilĂ©giant la crĂ©ation internationale Ă©mergente. De la photographie-sculpture et de la photographie-dessin aux installations, du noir&blanc sĂ©riel et conceptuel Ă lâimage hyper colorĂ© dĂ©clinĂ©e sur les supports les plus variĂ©s, la photographie de paysage proposĂ©e dans cette Ă©dition nâest pas lisse mais au contraire suscite des questionnements saillants sur notre rapport Ă la nature.
Cependant face à ce bouleversement planétaire, ces positions photographiques variées ne sont pas alarmistes et catastrophistes mais le résultat de
différentes approches esthétiques entre écologie éthique et résistance poético-philosophique.
En rĂ©flĂ©chissant aujourdâhui aux reprĂ©sentations photographiques de cette nature menacĂ©e, les artistes nous invitent Ă repenser le genre du paysage tout en lui donnant une dimension plus complexe oĂč la beautĂ© est aussi une question de sensibilitĂ© et de conscience de notre environnement.
Dans ce contexte thĂ©matique et Ă partir dâun ensemble dâune cinquantaine dâartistes, le jury dâEMoP (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne) a retenu cinq artistes en vue du prix European Month of Photography Arendt Award dont une partie des Ćuvres sera montrĂ©e au Arendt House parallĂšlement au Cercle Ratskeller et au MusĂ©e national dâHistoire et dâArt avec dâautres artistes prĂ©sentĂ©s lors des Ă©changes entre curateurs des festivals europĂ©ens et co-sĂ©lectionnĂ©s avec les partenaires luxembourgeois.
Les expositions au Mudam, Ă la Villa Vauban (installation au parc), au Casino Luxembourg, au centre culturel neimĂ«nster mais aussi Ă la CitĂ© de lâImage Ă Clervaux, au CNA Ă Dudelange, aux centres dâarts de Dudelange (Nei Liicht et Dominique Lang) et Ă la toute nouvelle Konschthal Esch dĂ©clinent le thĂšme en restant dans lâesprit de leur programmation.
Le Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg est toujours lâoccasion de cĂ©lĂ©brer la photographie sous ses formes les plus nouvelles comme celles du passĂ©. On peut ainsi redĂ©couvrir notre patrimoine photographique Ă travers les collections comme celle de The Family of Man ou Ă travers les expositions de la BibliothĂšque nationale ou des Archives nationales.
Les galeries luxembourgeoises comme Nosbaum Reding, Valerius, Fellner contemporary, MOB-ART studio tout comme lâInstitut français et lâInstitut CamĂ”es dĂ©fendent quant Ă eux un volet plus ancrĂ© dans le contemporain. Ă cela sâajoute la prĂ©sence incontournable de LĂ«tâz Arles dans le paysage photographique luxembourgeois.
Nous remercions pour cette Ă©dition le MinistĂšre de la Culture, la Ville de Luxembourg et plus particuliĂšrement nos partenaires institutionnels ainsi que ceux du privĂ© sans lesquels une manifestation comme celle-ci ne serait pas possible. Leur engagement constitue le fondement mĂȘme dâun Ă©vĂ©nement culturel comme le Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg.
COMMISSAIRE DE LâEXPOSITION
EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY ARENDT AWARD 2021
Le âEuropean Month of Photography Arendt Awardâ est un prix prestigieux rĂ©compensant tous les deux ans les artistes visuels Ă©mergents qui proposent un travail artistique innovant et pertinent par rapport Ă la thĂ©matique choisie par le rĂ©seau EMoP (European Month of Photography) dont lâassociation du mĂȘme nom a son siĂšge au Luxembourg.
Depuis 2013, Arendt, cabinet dâavocat indĂ©pendant, basĂ© Ă Luxembourg est affiliĂ© au Mois EuropĂ©en de la Photographie au Luxembourg. Ă travers le parrainage du Prix EMoP, Arendt offre une plateforme Ă cinq artistes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s choisis parmi ceux invitĂ©s aux expositions du rĂ©seau EMoP. En rĂ©compensant les jeunes laurĂ©ats et en participant aux expositions du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg, Arendt soutient lâart de la photographie depuis plus de 15 ans.
En choisissant Rethinking Nature / Rethinking Landscape comme thĂšme de son projet commun, lâAssociation du Mois europĂ©en de la photographie cherche Ă mobiliser le pouvoir du mĂ©dium de la photographie pour Ă©tendre le discours Ă©cologique Ă travers de nouveaux regards Ă©mergents sur la nature et le paysage.
Le jury EMoP était composé de Paul di Felice (président / Luxembourg), Bettina Leidl (vice-présidente / Vienne) et des membres du comité Emmanuelle Halkin (Paris), Verena Kaspar- Eisert (Vienne) et Rui Prata (Lisbonne).
Les cinq artistes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s sâintĂ©ressent Ă la complexitĂ© de la corrĂ©lation entre lâhomme et la nature et rĂ©flĂ©chissent chacun Ă sa façon sur les nouvelles reprĂ©sentations et fictions du paysage. Avec les photographies de Vanja BuÄan nous entrons dans un univers fantasmagorique et onirique illustrant un Ă©cosystĂšme disposĂ© de maniĂšre inhabituelle. Chez Inka & Niclas les visions perturbĂ©es du paysage sont de lâordre de lâĂ©trange et du sublime, alors que les photographies des villages ruraux russes en ruine
de Danila Tkachenko tĂ©moignent dâune Ă©poque historique rĂ©volue. Chez Anastasia Mituykova comme chez Maria Magdalena Ianchis, les reprĂ©sentations des icebergs et paysages de glace du GroĂ«nland se dĂ©clinent sous diffĂ©rentes formes dâimages mentales et rĂ©elles qui se prĂ©sentent dans des installations oĂč lâarchive et la mĂ©moire tentent de reprĂ©senter les stigmates de lâAnthropocĂšne et de combler le vide laissĂ© par lâimpossibilitĂ© de photographier la complexitĂ© de la nature.
Le travail de NoĂ©mie Goudal explore le rapport de la nature Ă lâartificiel, de la science Ă lâimaginaire, du construit Ă lâinventĂ©. Ă travers ses oeuvres, elle questionne le paysage sous diffĂ©rents angles, comme une Ă©dification du regard.
FascinĂ©e par la relation entre un paysage physique et sa construction mentale, elle joue de ce quâelle reprĂ©sente et de ce quâelle a reprĂ©sentĂ© historiquement dans lâimaginaire collectif. Une partie de lâoeuvre de lâartiste se compose de larges installations et sculptures quâelle fabrique
de toutes piĂšces et photographie in situ crĂ©ant ainsi des « espaces autres », comme ceux dĂ©crits par le philosophe Michel Foucault. La rĂ©union dâespaces fictionnels et dâespaces gĂ©ographiques fabrique des « hĂ©tĂ©rotopies », lieux concrets qui hĂ©bergent lâimaginaire.
ARTISTES
BRUNO
COMMISSAIRES DE LâEXPOSITION
PAUL DI FELICE (POUR CAFĂ-CRĂME ASBL),
Comme pour les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes du Mois europĂ©en de la photographie, le thĂšme gĂ©nĂ©rique âRethinking Nature / Rethinking Landscapeâ se dĂ©cline sous diffĂ©rentes formes et diffĂ©rents angles de vues, entre dĂ©construction du « paysage » et exploration artistique de la « nature ».
Les reprĂ©sentations paysagĂšres ont une longue et riche histoire dans lâart et leurs transgressions aussi. On pense notamment aux « marcheurs » anglais et autres formes du Land art qui Ă partir des annĂ©es 70 ont radicalement changĂ© la reprĂ©sentation du paysage. En devenant support, le paysage nâest plus reprĂ©sentĂ© par lâartiste en tant que sujet, mais traversĂ© physiquement comme expĂ©rience artistique.
Cette approche sâaccompagnait dĂ©jĂ dâune prise de conscience du rapport de plus en plus dĂ©sĂ©quilibrĂ© entre lâhomme et la nature.
Aujourdâhui, aux questions qui touchent Ă lâempreinte environnementale et le dĂ©passement des capacitĂ©s de la planĂšte, les artistes rĂ©pondent en participant de plus en plus Ă lâĂ©veil dâune nouvelle conscience Ă©cologique. Mais comment ces nouveaux constats se traduisent-ils visuellement ?
Rethinking Landscape propose cinq positions dâartistes portant un nouveau regard photographique sur les reprĂ©sentations du paysage et montrant de nouvelles approches esthĂ©tiques trĂšs variĂ©es entre fiction, sublimation et distanciation.
Câest ainsi que Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, artistes franco-italiens qui vivent au Luxembourg, sâintĂ©ressent au paysage en continuant leur recherche artistique sur la poĂŻĂ©tique de lâimage, lâacte photographique et les reprĂ©sentations visuelles. Les Ćuvres Si je me souviens et La pointe de lâIceberg dĂ©jouent le caractĂšre mnĂ©monique et indiciel de la trace photographique Ă travers une certaine dĂ©construction de lâimage symbolique de la montagne. Dâun cĂŽtĂ©, les inscriptions monumentales sur le flanc dâune carriĂšre oubliĂ©e Ă MontrĂ©al et de lâautre des images inversĂ©es des carriĂšres de Carrare. Dans lâune comme dans lâautre sĂ©rie, la vision des artistes est celle dâune rĂ©interprĂ©tation iconographique du paysage dans une confrontation historico-politique de lâimage.
Les Ćuvres dâInka & Niclas, artistes scandinaves (finlandais et suĂ©dois) Ă©tablis Ă Stockholm, sâinscrivent quant Ă elles plus dans une paraphrase des reprĂ©sentations romantiques du paysage que dans un questionnement politique. NĂ©anmoins, Ă travers leurs sĂ©ries Family Portraits ou 4 K ULTRA HD, ils jouent sur le rapport nature et homme dans un contexte paradoxal de sublimation et de distanciation du rĂ©el. LâartificialitĂ© quâils rajoutent aux images est Ă la fois un Ă©lĂ©ment fascinant et Ă©trange qui questionne les reprĂ©sentations classiques du paysage. Entre force presque sacrale et genius loci ou Ă©co-symbolicitĂ© (Berque), le paysage selon Inka & Niclas est autant une construction formelle quâune matĂ©rialitĂ© photographique.
Chez lâartiste suisse Douglas Mandry, le paysage plutĂŽt que dâĂȘtre une reprĂ©sentation telle-quelle, devient une reconstruction, une composition en strates proche dâune dĂ©marche archĂ©ologique. Ă partir de photographies prises lors de ses voyages, il dĂ©veloppe une approche plasticienne de la photographie en sâinspirant dâarchives et en collant et coloriant les images. PrĂ©sentĂ©es sous forme dâinstallation, oĂč wallpaper photographique et pho-
tographie encadrĂ©e se juxtaposent, ses Ćuvres de la sĂ©rie Unseen Sights renouent avec les reprĂ©sentations anciennes des cartes postales retouchĂ©es. Cependant par le dĂ©coupage et le coloriage pop, ces nouveaux « paysages » nous invitent Ă visiter un territoire imaginaire oĂč lâĂ©clectisme postmoderne domine. LâidĂ©e du paysage qui Ă©mane de la sĂ©rie en noir&blanc Cercle, Square de Daniel Reuter, artiste luxembourgeois vivant en Islande, est marquĂ©e par une dĂ©marche conceptuelle. Comme lâindique le titre, ces paysages renvoient Ă une certaine typologie et une relation formelle oĂč le rapport de force entre lâhomme et la nature nâest pas dĂ©fini. Comme des rĂ©miniscences visuelles de certaines installations des artistes du Land Art, ces photographies semblent se dĂ©tacher de leur sujet initial pour mettre en jeu un langage visuel formaliste. Pas dâhorizon, pas vraiment de point de vue central mais des fragmentations et des jeux de texture et dâĂ©chelle dans ces photographies qui paraissent comme une espĂšce de modĂ©lisation du paysage naturel.
âRETHINKING LANDSCAPEâ PROPOSE DE NOUVELLES APPROCHES
ESTHĂTIQUES TRĂS VARIĂES ENTRE FICTION, SUBLIMATION ET DISTANCIATION.
Les photographies de la sĂ©rie Motherland du photographe russe Danila Tkachenko traitent la question de lâabandon forcĂ© des villages ruraux pendant la collectivisation de lâĂšre communiste entre 1928 et 1937. En brĂ»lant les vestiges symboliques qui hantent ces paysages au fin fond des steppes soviĂ©tiques, lâartiste crĂ©e une espĂšce de rituel funĂ©raire nocturne. MalgrĂ© leur beautĂ© spectaculaire, ces images radicales nous font imaginer les tensions politiques et sociales dues Ă ces dĂ©sertifications. Lâaction de purification qui sâinscrit dans le prĂ©sent interagit avec les utopies Ă©chouĂ©es du passĂ© afin de crĂ©er une attitude critique envers ce paysage politique post-soviĂ©tique en mutation.
Lâexposition a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en partie dans le cadre dâune collaboration internationale de CafĂ©-CrĂšme asbl sous le titre de Rethinking Nature / Rethinking Landscape du rĂ©seau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dĂ©diĂ©es Ă la photographie de cinq capitales europĂ©ennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est prĂ©sentĂ©e au Luxembourg en plusieurs volets complĂ©mentaires au Cercle CitĂ© â Ratskeller et Arendt House Ă©galement.
DE
Avec âRethinking Natureâ le thĂšme gĂ©nĂ©rique de cette 8Ăšme Ă©dition est dĂ©clinĂ© de façon Ă provoquer une rupture avec ce quâon appelle le genre du paysage. Le point de vue et le cadrage nâobĂ©issent plus Ă la perspective euclidienne sĂ©culaire de la peinture ou de la photographie de paysage classique. NâĂ©tant pas non plus assimilable au genre de la nature morte, ces reprĂ©sentations ouvrent de nouveaux espaces micro et macro sur la nature.
En plus, le dispositif de fabrication de lâimage et dâexposition participe Ă lâexploration artistique de cette thĂ©matique. En consĂ©quence, ces approches artistiques photographiques se caractĂ©risent par la dĂ©matĂ©rialisation, la dĂ©construction et la fragmentation signifiant la vulnĂ©rabilitĂ© de cette nature et exprimant les conflits actuels dans son rapport avec lâhomme.
Plus que jamais, lâassociation avec dâautres disciplines artistiques et scientifiques permettent de nouvelles approches photographiques et vidĂ©ographiques interrogeant lâĂ©tat actuel et contribuant Ă une prise de conscience Ă©cologique. Ces nouvelles dĂ©marches photographiques qui se nourrissent des connaissances scientifiques participent aussi Ă la perception de la nature que nous avons aujourdâhui. Ainsi, les images de crise de la situation actuelle sont vĂ©hiculĂ©es artistiquement par une photographie qui se veut performative, multimĂ©dia et politique. Complice dâune expĂ©rience esthĂ©tique nouvelle, le regardeur est interpellĂ© par la mise en scĂšne et lâinstallation photographique sâouvrant Ă des champs inexplorĂ©s.
Lâartiste roumaine Maria-Magdalena Ianchis vivant Ă Vienne, sâintĂ©resse au changement climatique provoquĂ© par lâhomme. Ă travers ses recherches artistiques autour de trois glaciers islandais et autrichiens, elle montre dâun cĂŽtĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© et lâimpuissance de la nature et de lâautre la fragilitĂ© de lâhomme.
Son intĂ©rĂȘt pour les icebergs elle lâexprime ainsi : « Lorsquâun glacier fond, il saigne Ă mort, meurt et disparaĂźt Ă jamais de la surface de notre planĂšte. »
Ses photographies, ses installations, ses vidĂ©os prĂ©sentent sous le titre de Transition les tentatives presque vaines de ralentir la fonte des glaces et illustrent artistiquement les efforts illusoires dâĂ©ta-
blir une connexion forte avec notre environnement. NĂ©anmoins son engagement artistique nâest pas dogmatique mais ouvert Ă un imaginaire qui nous transpose dans les profondeurs de lâhumanitĂ©. Avec ses paysages sous-marins, lâartiste français Nicolas Flocâh nous plonge dans un univers fascinant des habitats marins immergĂ©s. Ses expĂ©ditions scientifiques et artistiques lâont amenĂ© Ă Ă©tudier les transformations dues au rĂ©chauffement climatiques et de voir comment en dehors de leur impact politique ses photographies trouvent des correspondances esthĂ©tiques en rĂ©fĂ©rence Ă la peinture et Ă dâautres reprĂ©sentations de paysages photographiques classiques. Pour lâartiste, celles-ci convoquent un ensemble dâĂ©poques et de recherches appartenant Ă un autre vocabulaire que celui du milieu sous-marin.
De ses plongĂ©es dans lâobscuritĂ© des profondeurs oĂč lâimage se rĂ©vĂšle davantage Ă posteriori, il collecte des milliers de prises de vue. LâĆuvre qui se prĂ©sente Ă nous est le rĂ©sultat dâun choix rigoureux dâordre plastique et esthĂ©tique, Ă partir dâun corpus important dâimages. Outre la beautĂ© des photographies et la qualitĂ© artistique du travail de Nicolas Flocâh, ces sĂ©ries dĂ©voilent une Ćuvre ouverte (Eco) oĂč de multiples espaces se croisent.
Lâart et les sciences sâentrecroisent aussi chez lâartiste luxembourgeoise Justine Blau. Sur les traces de Charles Darwin et la question dâextinction et de dĂ©s-extinction, elle crĂ©e des assemblages dâimages et des installations â photographies et vidĂ©os- qui
nous transposent dans un monde entre rĂ©el et imaginaire Ă travers une quĂȘte scientifique-artistique. Ă partir de mises en scĂšnes surrĂ©alistes et de théùtralisations des artefacts, elle propose de repenser la nature, en nous plongeant dans son univers fluide et ouvert tout en rĂ©vĂ©lant les controverses qui alimentent son questionnement scientifique, artistique et philosophique.
Selon elle, le mĂ©dium photographique, lui permet « par sa multitude de canaux dâutilisations et de rĂ©fĂ©rences et par quelques gestes de dĂ©tournements, de tenter dâune certaine maniĂšre, une mise en abyme de notre monde. »
COMPLICE DâUNE EXPĂRIENCE
ESTHĂTIQUE NOUVELLE, LE REGARDEUR EST INTERPELLĂ
PAR LA MISE EN SCĂNE ET LâINSTALLATION PHOTOGRAPHIQUE SâOUVRANT Ă DES CHAMPS
INEXPLORĂS.
Lâartiste slovĂšne vivant Ă Berlin Vanja BuÄan quant Ă elle, sâintĂ©resse aux corrĂ©lations de lâhomme avec la nature et aux questions liĂ©es aux Ă©cosystĂšmes. InspirĂ©e des natures mortes et arrangements insolites des surrĂ©alistes et dadaĂŻstes, elle dĂ©tourne des situations qui montrent ces relations entre le vĂ©gĂ©tal, lâanimal et lâhumain en reconstruisant des environnements dans son studio. Ă travers ses mises en scĂšnes et arrangements absurdes, elle perturbe avec ironie et enchantement notre vision de la nature. Les photographies gĂ©nĂ©ralement de grand format sont captivantes et curieuses par leur gĂ©nĂ©rositĂ© chromatique et leur imbrication de formes et de textures Ă©tranges.
FascinĂ©e depuis son jeune Ăąge par les pĂŽles nord et sud et lectrice des Ă©crits de Jean Malaurie comme Les Rois de ThulĂ© et de ses plaidoyers en faveur des inuits, Anastasia Mityukova, artiste de GenĂšve, prĂ©sente avec Iceworm Project un travail artistique complexe. Cette recherche photographique repose sur des archives de documents autour dâune base militaire nuclĂ©aire expĂ©rimentale construite
Ă ThulĂ© et abandonnĂ©e par les AmĂ©ricains en laissant les dĂ©chets enfouis dans le sol gelĂ© du Groenland. Un corpus de 6000 images accumulĂ© par lâartiste au courant des derniĂšres annĂ©es se prĂ©sente sous diffĂ©rentes formes Ă©volutives et organiques crĂ©ant une nouvelle narration en interaction avec les visions du spectateur.
Lâexposition a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en partie dans le cadre dâune collaboration internationale de CafĂ©-CrĂšme asbl sous le titre de Rethinking Landscape / Rethinking Nature du rĂ©seau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dĂ©diĂ©es Ă la photographie de cinq capitales europĂ©ennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est prĂ©sentĂ©e au Luxembourg en plusieurs volets complĂ©mentaires au MNHA, au Casino Forum dâart contemporain et Arendt House Ă©galement.
ARTISTE
DAPHNĂ LE SERGENT
COMMISSAIRE
PAUL DI FELICE (POUR CAFĂ-CRĂME ASBL) & LAURENCE LOCHU, DIRECTRICE DE LâINSTITUT FRANĂAIS DU LUXEMBOURG
EXPOSITION RĂALISĂE AVEC LE SOUTIEN DE LâINSTITUT FRANĂAIS DU LUXEMBOURG
« Envisager la fin du minerai dâargent et poser son regard sur une photo argentique, cela pourrait-il ĂȘtre un regard portĂ© sur sa propre finitude ? »
Daphné Le Sergent
Dans le cadre de la 8e Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie sous le thĂšme de Rethinking Nature - Rethinking Landscape , DaphnĂ© Le Sergent, artiste française dâorigine corĂ©enne, prĂ©sente avec Silver Memories un ensemble de paysages rĂ©alisĂ©s en diffĂ©rents mĂ©dias : photographie, dessin et vidĂ©o.
En partant de lâhypothĂšse que le minerai dâargent se rarĂ©fie, elle construit un narratif artistique hybride oĂč la photographie argentique est au centre du questionnement des enjeux artistiques, Ă©conomiques et Ă©cologiques.
Sa proposition multimĂ©dia qui se prĂ©sente, dâune part, comme une projection vidĂ©o et, de lâautre, comme une installation composĂ©e de photographies et de photographies-dessins, créées spĂ©cialement pour lâespace du Casino Luxembourg, montre de façon sensible la chaĂźne de production de la photographie argentique allant de lâextraction miniĂšre aux fluctuations boursiĂšres.
Dans ses dessins sur photographie, la mine de plomb semble se substituer Ă lâargentique et la trace scripturale dominer lâindex photographique. Le jeu de lâĂ©chelle, le rapport du proche et du lointain benjaminien, entre projection auratique dans les profondeurs de la matiĂšre et rĂ©flexion parodique Ă©mergeant des surfaces, est aussi un clin dâĆil Ă lâesthĂ©tique pictorialiste de la fin du XIXe siĂšcle. Aux « tableaux » photographiques ou faux daguerrĂ©otypes que DaphnĂ© Le Sergent compare Ă des peintures de vanitĂ©s, elle associe une vidĂ©o, lâimage extractive, qui retrace lâhistoire de la photographie selon une perspective Ă©conomique et gĂ©opolitique spĂ©culative liĂ©e Ă lâextraction et Ă la fabrication du mĂ©tal. Ainsi selon lâartiste, cette
image extractive vient « puiser dans les profondeurs de la terre tout autant quâarracher des informations au rĂ©el ». Ici, une panoplie dâimages, issues principalement dâarchives ainsi quâ une voix off racontent cette pĂ©ripĂ©tie Ă partir de la colonisation des terres mexicaines au XVIe siĂšcle jusquâĂ lâextraction miniĂšre rĂ©cente en crĂ©ant de façon poĂ©tico-visuelle une rĂ©flexion sur la surexploitation des ressources naturelles, sur les spĂ©culations boursiĂšres, mais aussi sur la reprĂ©sentation photographique, voire mĂȘme, comme lâexprime DaphnĂ© Le Sergent Ă travers certains de ses titres sur « la prĂ©ciositĂ© du regard et le dĂ©sir des choses rares ».
ARTISTES
COMMISSARIAT
Au dĂ©but dâannĂ©e, les festivals de photographie Foto Wien, le Mois europĂ©en de la photographie Luxembourg et Imago Lisboa ont lancĂ© conjointement un appel Ă candidatures international sur le thĂšme de âRepenser la natureâ. Parmi 168 soumissions provenant de 74 pays, les Ćuvres dâenviron 130 artistes ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es, puis Ă©ditĂ©es et organisĂ©es pour le diaporama âRethinking Natureâ.
Les photographes et artistes participants dĂ©montrent de maniĂšre impressionnante que le mĂ©dium de la photographie a un rĂŽle particulier Ă jouer dans lâeffort de comprĂ©hension de la relation actuelle entre lâhomme et la nature. Le diaporama Rethinking Nature rassemble une grande variĂ©tĂ© de points de vue sur la nature qui illustrent, filtrent et analysent lâambivalence actuelle de notre comprĂ©hension de la nature â dâune part la nature en tant que lieu de paix et de nostalgie, dâautre part comme cible de destruc-
tion environnementale et dâexploitation croissante. De mĂȘme, la mise en abyme que la traduction artistique crĂ©e inĂ©vitablement permet de rĂ©flĂ©chir aux multiples significations de la nature. De cette distanciation qui est Ă la base dâun potentiel particulier Ă©merge une qualitĂ© originale de la photographie de paysage. Les Ćuvres sĂ©lectionnĂ©es couvrent un champ de pensĂ©e artistique qui va de la rĂ©flexion philosophique, de la mise en scĂšne conceptuelle, du document neutre jusquâaux nouveaux romantismes. La compilation des diffĂ©rentes positions, en combinaison avec la musique composĂ©e spĂ©cialement pour le diaporama, ouvre une expĂ©rience audiovisuelle Ă multiples facettes qui permet dâexplorer les rapports subjectifs respectifs avec la nature.
HOLGER TRĂLZSCH, DOMINIQUE AUERBACHER
Dominique Auerbacher et Holger TrĂŒlzsch poursuivent depuis plusieurs annĂ©es une rĂ©flexion sur le paysage comme en tĂ©moignent leurs Ćuvres respectives.
Dans lâinstallation «Les paysages du Kairos», ils associent et font dialoguer leurs visions et Ă©vocations du paysage.
« Les photographies de Holger saisissent lâapparition de paysages dans les traces du sol maculĂ© de son atelier ou dâautres ateliers, ainsi que dans les coulures fugaces des couleurs renversĂ©es. Par ailleurs, sur ses polaroĂŻds peints (imprimĂ©s en grand format), les traces de peinture Ă©voquent les structures vĂ©gĂ©tales dâune nature luxuriante et ouvrent un autre espace, celui dâun paysage onirique » (D. A)
Les tableaux des entrelacs de phrases de la sĂ©rie «Reliefs» de D. Auerbacher, mĂȘlent dâaprĂšs la forme littĂ©raire du centon, des extraits de textes provenant dâorigines diverses (littĂ©raire, mythologique, ethnologique, scientifique, artistiqueâŠ) pour former, Ă partir de reliefs (au sens de restes, de traces), un ensemble dâimages mentales du paysage.
Paul di Felice : CrĂ©er une installation photographique pour le jardin/parc de la Villa Vauban dans le cadre de la 8e Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie dont le thĂšme est Rethinking Nature/ Rethinking Landscape est certainement un dĂ©fi comme chaque Ćuvre in situ mais en mĂȘme temps nâest-ce pas une autre façon pour vous de penser la reprĂ©sentation paysagĂšre Ă partir dâune recherche artistique dĂ©jĂ bien entamĂ©e depuis des annĂ©es. Les rĂ©fĂ©rences artistiques, littĂ©raires et philosophiques ne manquent pas dans vos « paysages reconstruits » qui sont aussi une sorte de mise en abyme et de distanciation du genre mais qui nous transposent aussi dans un imaginaire surprenant.
Dominique Auerbacher : « Les paysages du Kairos » Ă©voquent et dâune certaine maniĂšre convoquent la Nature, le Paysage, et le Jardin dans leurs relations aux beaux-arts, Ă la littĂ©rature, Ă la mythologieâŠ
En lâoccurrence, le petit dieu du Kairos, quâon ne peut saisir que par les cheveux quand il passe Ă toute vitesse, est au rendez-vous. Il a incarnĂ© pour nous lâinattendu susceptible de surgir, lâinstant fugitif et dĂ©cisif dâun Ă -propos propice.
Notre installation essaye de jouer avec la perception du proche et du lointain, de penser les lieux en fonction de lâagencement du jardin et des possibilitĂ©s de dĂ©placements et de haltes pour les visiteurs, ce qui nous ramĂšne Ă lâinterrogation de Henry Maldiney, Sommes-nous « devant » ou « dedans » le paysage ?
Il me semble quâun jardin est Ă la fois ce lieu de la nature, de lâartifice et de la mythologie oĂč on sâimagine apercevoir des personnages des MĂ©tamorphoses dâOvide sous la forme dâun rocher, dâun arbre ou dâun animal.
On retrouve dans cette installation, ArachnĂ©, la jeune mortelle de Lydie qui fut transformĂ©e en araignĂ©e par la dĂ©esse Minerve pour lâavoir dĂ©fiĂ©e et surpassĂ©e dans lâart du tissage et surtout avoir osĂ© reprĂ©senter sur sa tapisserie des dieux qui assouvissent leurs dĂ©sirs en recourant Ă des mĂ©tamorphoses pour abuser de leurs victimes.
Je pense Ă la phrase de Jean-Pierre Vernant « La mythologie, câest une vision de soi face au monde, elle marque une prise de distance par rapport Ă ce qui, aujourdâhui, nous semble Ă©vident ».
H. TrĂŒlzsch : Le jardin et le parc sont peut-ĂȘtre les derniers refuges qui nous permettent de rĂ©flĂ©chir Ă la nature en tant que culture du paysage. Dans le jardin du musĂ©e Vauban, notre installation dâimages et de textes sâorganise sur trois lieux qui, situĂ©s sur le cercle de la pelouse centrale, forment un triangle. La dĂ©ambulation circulaire semble ĂȘtre appropriĂ©e Ă la rĂ©flexion, Ă la mĂ©ditation ; par exemple dans le parc dâErmenonville, le chemin (aujourdâhui partiellement disparu) tracĂ© autour du lac oĂč se trouve le cĂ©notaphe de Jean-Jacques Rousseau, passait aussi devant les ruines du temple, la maison du philosophe, le tombeau du poĂšte inconnu et la pyramide. «Ce nâest donc ni en architecte, ni en jardinier, câest en PoĂšte et en Peintre quâil faut composer les paysages, afin dâintĂ©resser tout Ă la fois lâĆil et lâesprit». Cette citation est de RenĂ©-Louis de Girardin, ami de Rousseau, seigneur dâErmenonville et crĂ©ateur de ses jardins.
Paul di Felice : Plusieurs expressions se superposent dans ce travail trĂšs complexe oĂč le paysage peut devenir une interface de dĂ©marches artistiques et littĂ©raires dont la visualisation conceptuelle est le rĂ©sultat dâune pensĂ©e sensible et intelligible.
En partant de la peinture et de la gestualitĂ© dâun cĂŽtĂ©, de la philosophie et de la littĂ©rature de lâautre, vos mises en image paysagĂšres dĂ©passent la photographie pour devenir une installation voire sculpture photographique dans le cadre du jardin/parc de la Villa Vauban.
H. TrĂŒlzsch : Quand le visiteur est assis ou allongĂ© sur la pelouse, il peut contempler les trois images (dâun format horizontal de 3m x 2m), qui sont chacune une photographie dâune apparence du paysage ou de la nature sur le sol dâun atelier : une averse, un relief vallonnĂ© ressemblant Ă une gravure de Hercules Seghers, une formation liquide dâun Ă©den. En marchant autour de la pelouse, le visiteur dĂ©couvre Ă lâarriĂšre de chacune de ces trois images, un centon composĂ© des Ă©lements de Reliefs ( au sens de restes) de la mĂ©moire du paysage auquel est associĂ©e une image agrandie dâun PolaroĂŻd âoverpaintedâ ou une photographie dâun sol tachĂ© de craies de couleur qui Ă©voque les paysages mĂ©diterranĂ©ens dâAlbert Camus dans Noces Ă Tipasa ou dans LâEtĂ©.
D. Auerbacher : Les images de textes sur le paysage font partie dâune sĂ©rie intitulĂ©e Reliefs (au sens de restes, de traces). Les couleurs et les polices des caractĂšres composent un ensemble textuel pictural constituĂ© de vers, de phrases et dâextraits de textes provenant de divers auteurs. Jâutilise le genre littĂ©raire du centon pour re-contextualiser ces appropriations et ces dĂ©tournements en les entrelaçant dans une trame polysĂ©mique du paysage. Il y a aussi les supercheries ingĂ©nieuses du centon comme celle de Blaise Cendrars qui rĂ©vĂšle que les poĂšmes de son recueil Kodak (Documentaire) ont Ă©tĂ© « taillĂ©s Ă coups de ciseaux » dans le roman dâaventures, Le MystĂ©rieux docteur CornĂ©lius, de son ami Gustave Lerouge et quâil sâagit dâun collage « montĂ© comme un court-mĂ©trage poĂ©tique » ; il Ă©crira « ces poĂšmes, que jâai conçus comme des photographies verbales, forment un documentaire ».
Quant au lettriste Gil J Wolman, il dĂ©veloppera lâart de la citation dans son Art scotch aprĂšs lâavoir expĂ©rimentĂ© dans son rĂ©cit dĂ©tournĂ© JâĂ©cris propre dont il dira quâil est Ă©crit « aux ciseaux et Ă la colle » avec des phrases dĂ©coupĂ©es dans des livres et que le titre lui-mĂȘme est un dĂ©tournement du slogan publicitaire pour le stylo Bic.
Les spolia dans lâarchitecture ont aussi quelque chose du centon par leurs remplois dans une construction nouvelle de matĂ©riaux et dâĆuvres dâart provenant dâune construction ancienne ou de ruines. Ainsi de nos jours, le couple dâarchitectes chinois Wang Shu et Lu Wenyu inscrivent le savoir-faire traditionnel chinois dans la ville contemporaine notamment en ayant recours Ă la technique millĂ©naire dite « wa pan » qui utilise une mosaĂŻque de matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration pour reconstruire les murs des maisons dĂ©truites par les typhons.
H. TrĂŒlzsch : Quand je prends une photo, dans un premier temps, mon regard reste concentrĂ© sur lâĂ©cran LCD de lâappareil photo, jâexamine les structures du sol maculĂ© dâun atelier⊠il arrive quâun dĂ©tail se diffĂ©rencie dans des taches ou des traces liquides de peinture ⊠à cet instant et Ă cet endroit lĂ , le cadrage met en Ă©vidence ce que je reconnais comme un paysage. La surface laisse apparaĂźtre le non-visible.
Il ne sâagit pas dâune peinture photographiĂ©e et pas non plus dâune peinture gestuelle.
Lâimage qui se produit rĂ©sulte de ce procĂ©dĂ© de capture photographique sans lequel elle nâadviendrait pas.
CONCEPT DE LâEXPOSITION
TIMOTHY PRUS (ARCHIVE OF MODERN CONFLICT)
COMMISSAIRES
TIMOTHY PRUS (ASSISTĂ DE ED JONES, LUCE LEBART, GIULIA SHAH ET MICHELLE WILSON) ET MICHELLE COTTON (ASSISTĂE DE SARAH BEAUMONT ET CHRISTOPHE GALLOIS)
SCĂNOGRAPHIE
POLARIS ARCHITECTS
AVEC DES PHOTOGRAPHIES DE ANNA ATKINS,
PHOTOGRAPHIES DE LA COLLECTION
ARCHIVE OF MODERN CONFLICT
âEnfin seulesâ prĂ©sente une sĂ©lection de plus de deux cents images de la collection Archive of Modern Conflict. FondĂ©e en 1992 Ă Londres, cette organisation se dĂ©crit comme Ă©tant « dĂ©positaire des histoires perdues et oubliĂ©es que recĂšle la production photographique passĂ©e ». Initialement portĂ©e sur lâhistoire des conflits, elle sâapparente aujourdâhui davantage Ă un laboratoire quâĂ une archive traditionnelle, couvrant une multitude de genres.
Ă travers un ensemble de photographies provenant de tous les continents et couvrant une large pĂ©riode, du milieu du XIXe siĂšcle jusquâaux annĂ©es 1970, Enfin seules pose un regard inĂ©dit sur le monde vĂ©gĂ©tal dans toute sa diversitĂ©. Conçue comme un environnement immersif articulĂ© autour dâun espace central, assimilable Ă une « caverne », lâexposition dresse le portrait dâun monde fictionnel
dĂ©sertĂ© de toute vie humaine ou animale. La date et la raison de cette disparition, tout comme la maniĂšre dont elle se serait produite, ne sont pas prĂ©cisĂ©es. Des images de la flore, de champignons, de troncs dâarbres, de fougĂšres, de stalagmites ou dâaurores borĂ©ales investissent lâensemble des murs de la galerie. Ces panoramas de plantes, de roches et de lumiĂšres servent de toile de fond Ă une sĂ©lection de photographies historiques et rĂ©centes, aux techniques et procĂ©dĂ©s divers. Photographies dâartistes de renom figurent aux cĂŽtĂ©s de celles de personnalitĂ©s issues de diffĂ©rents champs disciplinaires - tels que la botanique, lâastronomie, les mathĂ©matiques ou la science, et dâimages anonymes.
LâEXPOSITION DRESSE LE PORTRAIT
DâUN MONDE FICTIONNEL DĂSERTĂ DE TOUTE VIE HUMAINE OU ANIMALE.
LA DATE ET LA RAISON DE CETTE DISPARITION, TOUT COMME
LA MANIĂRE DONT ELLE SE SERAIT PRODUITE, NE SONT PAS PRĂCISĂES.
LAND(E)SCAPE est une capture photographique de lâoubli. Des restes, porteurs de traces dâune vie perdue, constituent des nouveaux paysages qui incarnent lâabsence, la disparition dâune personne.
LâexpĂ©rience de lâobjet abandonnĂ© et retrouvĂ© devient un moment de dĂ©couverte et de tĂ©moignage dâun passĂ©.
Faire aujourdâhui de la photographie de paysage nâest pas une chose aisĂ©e pour une jeune artiste. Le paysage est polluĂ©, par lâhistoire ancienne et rĂ©cente, par nos excĂšs de consommation, de production et dâexploitation et par le passage de lâHomme, passage voulu ou contraint, libre ou obligĂ©.
Alors quand Lisa Kohl est arrivĂ©e en 2016 sur lâĂźle grecque de Lesbos, elle a Ă©tĂ© confrontĂ©e au paysage idyllique de lâĂźle Ă©gĂ©enne ou le ciel et la mer sont dâun azur profond et onirique, mais aussi aux milliers de migrants arrivĂ©s de Turquie qui sont passĂ©s par lĂ en quĂȘte dâune vie acceptable et digne.
Dans la sĂ©rie de photographies LAND(E)SCAPE, lâartiste tĂ©moigne avec un langage plastique trĂšs subtile et sensible de cette tragĂ©die humaine et du sort de ces hommes, femmes et enfants qui ont fui la terreur pour se retrouver dans un autre cauchemar, la fin de leur rĂȘve de libertĂ© et de paix. En photographiant les objets abandonnĂ©s, oubliĂ©s et perdus, lâartiste crĂ©e un nouveau paysage, un land(e) scape, qui par lâabsence nous suggĂšre la prĂ©sence. Les objets sont Ă©levĂ©s au statut dâicĂŽnes. En les dĂ©couvrant un par un, le spectateur a accĂšs Ă lâintimitĂ© des personnes, il les rencontre, il les voit et les entend. Il est pris dâĂ©motion. Lâoubli nâa pas lieu car lâhistoire est Ă©crite par le biais du langage photographique de Lisa Kohl.
Repenser, rĂ©inventer les paysages extĂ©rieurs pour mieux explorer les paysages intĂ©rieurs, et raconter les liens qui nous unissent Ă la nature, Ă notre environnement : Marine Lanier nous entraĂźne dans «la dimension lyrique et primitive» de la nature, «pour questionner la puissance sauvage qui nous entoure». Elle nous immerge dans le vĂ©gĂ©tal en particulier avec sa sĂ©rie de monochromes organiques Eldorado qui montre la flore Ă©paisse dâune pĂ©piniĂšre Ă lâabandon.
La nature est saisie dans son état brut, elle est personnifiée, et ses mystÚres nous happent, et nous échappent.
Les photos de Marine Lanier mettent en lumiĂšre une vĂ©gĂ©tation primaire, oĂč les Ă©lĂ©ments surgissent et dialoguent : pierres, roches des falaises, eaux
profondes des cascades, terre, glace, mais aussi la peau, le sang... Son univers est un monde sauvage, originel, qui renvoie les ĂȘtres Ă leurs pulsions primitives. Dans la sĂ©rie Le Soleil des loups, rĂ©alisĂ©e en ArdĂšche sur un territoire situĂ© au-dessus dâun volcan, Marine Lanier montre deux enfants dont les corps sont en symbiose avec cet espace rugueux et minĂ©ral. La photographe a suivi durant trois ans le parcours de deux frĂšres, un appareil argentique en main : la nature rustre, indomptable, absorbe magistralement les silhouettes de ces adolescents sans loi.
Leurs corps semblent des lianes ou des racines incrustĂ©es dans le paysage. Câest le cas aussi avec la sĂ©rie Les Contrebandiers, oĂč les ĂȘtres semblent faire partie intĂ©grante de leur environnement hostile, ils se fondent dans ces montagnes abruptes, ces territoires inaccessibles, impraticables, tout autant que sublimes.
Les Ćuvres de Marine Lanier explorent diffĂ©rentes Ă©chelles, lointaines ou fragmentaires. Les paysages dâArmĂ©nie, extraits de la sĂ©rie Les Lointains sont de grands dĂ©serts calcinĂ©s de chaleur. Leurs contours dramatiques racontent les conflits et les massacres invisibles, comme un probable hors-champ. Les panoramas ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s depuis des surĂ©lĂ©vations, des promontoires, des falaises, dâoĂč lâon peut embrasser les espaces environnants, prendre du recul, de la hauteur. Et surtout sentir la menace, la tension qui se jouent sur ces monts et ces gouffres, qui «accentuent lâimpression de traque du visible, rendant soudainement inquiĂ©tant et opaque des paysages lunaires oĂč seule affleure une gĂ©ologie tourmentĂ©e». En regard, les gros plans, les close-up bouleversent notre perception de lâĂ©chelle. Dans la sĂ©rie Les Contrebandiers notamment, ils nous perdent dans la possibilitĂ© dâun ailleurs, en nous renvoyant Ă dâautres grands espaces invisibles.
Lâutilisation des couleurs chez Marine Lanier convoque la palette du peintre. Les couleurs chaudes sâarticulent avec les couleurs froides ou le noir et blanc, les tons chauds Ă©voquent la brĂ»lure du soleil, les tons froids «lâĂ©nergie de la nuit, de la neige, du repli». En travaillant sur la sĂ©rie Eldorado, lâartiste explique : «Jâai vu cette couleur de lâor qui filtrait Ă travers la bĂąche des serres. Jâai dĂ©clinĂ© cette teinte, elle rĂ©sonnait avec cette idĂ©e de rĂȘves perdus». Câest ainsi quâest nĂ©e cette magnifique sĂ©rie vĂ©gĂ©tale de monochromes dorĂ©s.
Pour les photos en noir et blanc de la sĂ©rie Le Soleil des loups, la photographe commente : «Mon noir et blanc est plutĂŽt gris, comme une cendre qui se serait dĂ©posĂ©e sur la nature et sur les hommes, une sorte dâhommage au volcan». Les couleurs sont aussi un langage, des symboles. Ainsi par exemple le mauve invoque un monde onirique, celui des limbes, situĂ© entre la vie et la mort.
«La couleur est ce qui reste. Elle est lâessence, le souvenir, la sensation quand nous ne pouvons plus raconter», dit-elle aussi.
Marine Lanier aime citer des cinĂ©astes qui lâont marquĂ©e et ont influencĂ© ses images, tels que Bres-
son, Kieslowski ou Boorman et Laughton ; elle a dâailleurs aussi Ă©tudiĂ© le cinĂ©ma avant dâintĂ©grer lâĂcole nationale supĂ©rieure de la photographie dâArles. Son esthĂ©tique, en particulier en ce qui concerne son approche de la nature et des paysages, tisse des correspondances Ă©videntes avec les lieux mystĂ©rieux et organiques filmĂ©s par Tarkovski, ces espaces indĂ©terminĂ©s et habitĂ©s, Ă la fois sensuels et Ă©tranges, familiers et menaçants. Les univers quâelle met en scĂšne semblent comme suspendus dans le temps : ils appartiennent tout autant au passĂ©, au prĂ©sent et au futur. Chaque sĂ©rie est empreinte dâintemporalitĂ©, et place aussi le spectateur qui lâapprĂ©hende en dehors du temps, parce que dans un espace souvent indĂ©fini. «Mon apprĂ©hension du temps questionne alors les notions de limite, de transgression, et de mĂ©tamorphose».
La nature est le miroir de lieux intimes, qui racontent des fictions de quĂȘtes perpĂ©tuelles. «Le tout entre en collision avec lâautobiographie, elle rĂ©verbĂšre alors quelque chose de plus large, de plus grand, qui dĂ©passe le particulier pour se tourner vers la mĂ©moire collective, transgĂ©nĂ©rationnelle, vers nos mythologies, nos peurs primaires, cosmos invisible.»
«Le mythe de lâEldorado est nostalgie, rĂȘve de paradis perdu. Il dĂ©crit souvent un lieu dâinnocence naturelle situĂ© dans lâorigine des temps. Ici lâimaginaire de lâĂźle sâouvre sur une nature sauvage, hostile, spontanĂ©e. LâEldorado est une Ă©tape dans lâitinĂ©raire, un monde oĂč les valeurs sont inversĂ©es, une traversĂ©e aveugle, un refuge temporaire, une contrĂ©e fabuleuse.»
Le cheminement de Marine Lanier questionne inlassablement le rĂ©el, pour mieux le dĂ©passer. Elle ne cesse de tenter de saisir les mystĂšres de la Nature, le miracle dâĂȘtre en vie. Elle semble traquer les interstices de lâinvisible, elle nous livre des contes fantastiques, recrĂ©e un monde Ă la fois subtil et originel, comme pour faire Ă©merger lâirrĂ©alitĂ© du rĂ©el, la rĂ©alitĂ© de lâirrĂ©el. La photographe nous emporte dans les arcanes de lâimaginaire, pour dĂ©chiffrer les signes et les symboles en Ă©closion au sein du paysage. Lâaphorisme dâHĂ©raclite nâest jamais trĂšs loin «La Nature aime Ă se cacher» : ces secrets ances-
traux, quâils traitent des mystĂšres du passage de la vie Ă la mort, ou des miracles impudiques de la nature, nourrissent le travail de lâartiste. GrĂące Ă la force sauvage de ses photographies, Marine Lanier convoque en nous des Ă©motions profondes, viscĂ©rales, touche des zones inconscientes et sensibles, qui nous bouleversent. En dĂ©miurge, elle nous emporte au royaume des ombres, laissant planer un voile sur ses paysages larges ou fragmentaires, et en poĂ©tesse sâexprime par la mĂ©taphore et lâoxymore visuel.
Sâopposant Ă lâattitude promĂ©thĂ©enne (lâhomme doit se rendre maĂźtre et possesseur de la nature), et prĂŽnant rĂ©solument lâattitude orphique, câest-Ă dire que seuls le poĂšte et lâartiste sont en mesure de soulever le voile des mystĂšres de la nature[1], Marine Lanier photographie les hommes et les paysages en voilant de sa fiction la rĂ©alitĂ©, pour mieux nous en dĂ©voiler les secrets enfouis.
ARTISTES
ANNE-SOPHIE COSTENOBLE, PATRICK GALBATS, FLORIAN GLAUBITZ, THILO SEIDEL, ĂMILIE VIALET COMMISSARIAT DE LâEXPOSITION
NEIMĂNSTER, CAFĂ-CRĂME ASBL, NOUVEL OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DU GRAND-EST, SAARLĂNDISCHES KĂNSTLERHAUS SAARBRĂCKEN E. V
Cette interrogation sourd dans lâesprit du visiteur Ă chaque Ă©vĂšnement photographique. Se posait-on - dâemblĂ©e - une telle question il y a 40 ou 60 ans ? Il est permis dâen douter.
Si de toute Ă©poque chaque gĂ©nĂ©ration a ressenti que devenait rĂ©volu le monde qui lâavait pĂ©trie, jamais ce sentiment vague oĂč lâinquiĂ©tude le dispute Ă la nostalgie ne sâest trouvĂ© autant que maintenant justifiĂ© par une rĂ©alitĂ© tangible, corroborĂ©e, irrĂ©futable. La langueur diffuse sâest muĂ©e en brutale certitude.
Câest que ne sont plus en cause les seules Ă©volutions dâidĂ©es et de mode de vie. LâĂ©chec patent des systĂšmes politiques Ă bout de souffle entraĂźne une sinistre ronde de corollaires : Ă©conomie dâexclusion, violence sociale et dĂ©gĂąts Ă©cologiques irrĂ©versibles. Nos conditions de vie physiques sont en jeu, dorĂ©navant. Une telle constatation ne se borne pas Ă Ă©branler nos certitudes, elle les balaye pour en affirmer une nouvelle : Ă lâĂ©vidence le monde ne sera plus, ne pourra plus ĂȘtre, celui quâil a Ă©tĂ©.
Quâattendons-nous, alors, des photographes ? Un miracle, peut-ĂȘtre. Quâils fassent surgir lâespoir tĂ©nu que nous ne pouvons formuler, qui, enfoui derriĂšre notre conscience dĂ©sabusĂ©e, bien secrĂštement nous habite, lâespoir dâune espĂ©rance. Lâurgence cependant les commande, et souvent confirment-ils les inquiĂ©tudes qui nous taraudent, lĂšvent-ils les derniers doutes et dĂ©chirent-ils lâultime souffle dâespoir. Arpenteurs de la terre bouleversĂ©e, citadins en perpĂ©tuel transit Ă travers la froideur des ensembles urbains, observateurs tout Ă la fois alertĂ©s et distanciĂ©s, tĂ©moins intransigeants de nos (dis) fonctionnements, ils constatent, ils relatent. Sans pathos, sans attiser le repentir collectif, sans professer quelque prĂ©tendu message. Ă la diffĂ©rence dâattitudes antĂ©rieures, bien des gestes photographiques actuels ne portent plus, sur un rĂ©el dâailleurs fluctuant, un regard renouvelĂ©, mais laissent la nouveautĂ© du monde directement Ă©merger, sans filtre
ni code. Feraient-ils par leurs images se dessiner la carte du nouveau monde (qui, comme un legs tristement prospĂšre des New Topographics, tend tout entier au non-lieu), nombre de photographes, loin de sacrifier au systĂ©matisme de la Nouvelle objectivitĂ©, alimentent cette gĂ©ographie par des visions fortuites oĂč hasard et poĂ©sie se mĂȘlent, dans une rugueuse tendresse parfois. Ils collectionnent plus quâils nâinventorient. Avec une libertĂ© de cadrage qui traduit la prĂ©caritĂ© des situations.
Il est frappant de relever dans le corpus dâimages qui suit la quasi-Ă©viction de la figure humaine, tout au moins le dĂ©sintĂ©rĂȘt manifeste pour son individualitĂ©, instaurant par lĂ une relation dâĂ©vitement, pour reprendre Ă notre compte une terminologie ethnologique. Ă lâopposĂ© des heures glorieuses de la photographie humaniste, la foi en lâhomme semble sâĂȘtre Ă©teinte. Sâattache Ă lui, oserions-nous
avancer, une forme de culpabilitĂ© inhĂ©rente Ă son action (ou son inaction), voire Ă son essence-mĂȘme, qui le condamne au bannissement de lâimage, comme aprĂšs la rĂ©vĂ©lation des camps de la mort il Ă©tait, pour les peintres, devenu irreprĂ©sentable. Alors, il se tapit dans lâombre des images. Nature sans cesse remodelĂ©e par le travail, nature sauvage paradoxalement contrainte par musĂ©ification, arrogance urbaine, dĂ©chets de toutes sortes et en tout lieu, faune sauvage « conservĂ©e », animaux domesti-
quĂ©s, toujours la main de lâhomme se devine-t-elle en hors-champ. Toujours se voit ainsi ravivĂ© le sempiternel dialogue Nature/culture dont la permanence se teinte aujourdâhui dâune couleur rabattue.
Et toujours, par les photographes, sâĂ©veille en nous, Ă lâĂ©chelle tant singuliĂšre que commune, avec ce quâil faut de drame pour la magnifier, la rĂ©vĂ©lation de notre appartenance au monde.
ARTISTES
COMMISSAIRES
Dans le cadre du 8e Mois europĂ©en de la photographie (EMoPLux) au Luxembourg, les Centres dâArt de Dudelange et le Centre national de lâaudiovisuel (CNA) sâassocient pour prĂ©senter les trois expositions monographiques de Marie Capesius, Rozafa Elshan et Marie Sommer reliĂ©es sous le titre de « Archipel » : une Ăźle dont la cohabitation intrigante entre une communautĂ© naturiste et un camp militaire dĂ©fie lâidĂ©e-mĂȘme de paradis, un appartement qui sert de point dâobservation pour une Ă©tude expĂ©rimentale dâune fraction du quotidien captĂ© au moyen dâun tĂ©lĂ©objectif, un territoire dans la rĂ©gion arctique marquĂ© par une ligne de radars, dont les vestiges Ă©voluent au long des cycles de la fonte des glaces.
Les trois artistes explorent des territoires naturels, stratĂ©giques et intimes, Ă travers leurs strates de mĂ©moire et dâidĂ©ologies, et proposent une mise en perspective Ă travers des langages trĂšs variĂ©s tels que la photographie, la vidĂ©o, le son, la sculpture, le des-
sin, le journal intime et imprimĂ©, la performance, les images dâarchives.
« Archipel » nous parle dâun monde traversĂ© par les courants et vagues, ses fragilitĂ©s, beautĂ©s et paradoxes, sous la lumiĂšre des relations changeantes entre lâhomme et son environnement. « Archipel » est aussi un observatoire du rĂ©pertoire renouvelĂ© de lâimage pour le raconter aujourdâhui.
COMMISSAIRES
Au dĂ©but des annĂ©es 1930, « HĂ©liopolis », le premier village naturiste en Europe, a Ă©tĂ© fondĂ© sur lâĂźle du Levant, en MĂ©diterranĂ©e française. Les premiers adeptes du mouvement naturiste ont mis pied sur cette Ăźle sauvage, afin dâĂ©chapper Ă la vie de ville agitĂ©e et de vivre un mode de vie plus sain en accord avec la nature. de missile. Un grillage sĂ©pare ces deux mondes opposĂ©s, qui cohabitent dans le mĂȘme paysage. IntriguĂ©e par ces contrastes frappants, Marie Capesius documente avec sa camĂ©ra le quotidien dâHĂ©liopolis et va Ă la rencontre de ses habitants pendant plus de trois ans. Une dĂ©claration quâelle a souvent entendue âIci, câest le paradisâ a provoquĂ© sa rĂ©flexion sur la notion du paradis. Quâest-ce que le paradis ? Quâest-ce que cela pourrait ĂȘtre et a-t-il dĂ©jĂ existĂ© ?
De simples bungalows et terrains de camping ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s, plus tard une Ă©cole et une infrastructure de village se sont construits. Le fait que ce nâest quâen 1989 que HĂ©liopolis a Ă©tĂ© raccordĂ©e Ă lâĂ©lectricitĂ© marque la dĂ©termination de la communautĂ© naturiste Ă prĂ©server leur philosophie et style de vie naturel. Dans les annĂ©es 1950, la marine française sâĂ©tablit Ă©galement sur lâĂźle du Levant et utilise jusquâĂ aujourdâhui 90 % de la superficie de lâĂźle comme base militaire et de test de lancement
InspirĂ©e par lâhistoire dâAdam et Eve, elle compose intuitivement avec ses photographies et ses notes furtives un conte ouvert, qui questionne les sentiments subconscients liĂ©s au paradis et Ă lâenfer.
Elle vient Ă la conclusion que le paradis et lâenfer sont prĂ©sents des deux cĂŽtĂ©s du grillage, que la prĂ©sence de la vie et de la mort forme un ensemble, une Ă©volution cyclique de la nature. Elle utilise des symboles quâelle trouve dans la nature ; comme par exemple le serpent et le scorpion, pour Ă©voquer des rĂ©fĂ©rences archaĂŻques et souligner une interprĂ©tation mĂ©taphysique.
Pour le Mois européen de la photo au Luxembourg, dont le sujet est « Rethink Nature and Landscape », Marie Capesius présente sa série en cours Heliopolis, qui a initialement été montrée à Berlin, dans le cadre de son projet de fin
dâĂ©tude Ă lâĂ©cole « Ostkreuzschule fĂŒr Fotografie » fin de lâannĂ©e 2019. Dans une version plus Ă©tendue et avec une scĂ©nographie spĂ©cifique adaptĂ© au lieu dâexposition, notamment Ă la galerie « Nei Liicht », elle invite les spectateurs Ă plonger dans une vision plus intime des contrastes de paysages intĂ©rieurs et extĂ©rieurs de son travail. Elle inclut lâaffichage dâoriginaux extraits de ses cahiers de notes quâelle a tenus pendant ses recherches sur lâĂźle, une projection photo oĂč elle inclut des enregistrements de sons de la nature sur lâĂźle, une sĂ©rie de photographie de nu et des reprĂ©sentations visuelles du cĂŽtĂ© militaire, quâelle associe Ă la couleur bleue, faisant de lâombre Ă la citĂ© du soleil.
ARTISTE ROZAFA ELSHAN
COMMISSAIRES
Ă toi beaucoup t, (0000.....) 5fois infiniment fois
n Ă©tait exeloĂșs [sic].
Tu dĂ©sĆuvrais ta dĂ©monstration, contenue dans une boĂźte et tu la frottais Ă la peau de cet endroit de passage, pour (te) dĂ©payser, mesurer lâespace, une durĂ©e (avec la prĂ©cision dâun sismographe), tâessayer Ă une forme un peu plus attentive du quotidien. Ce quotidien exeloĂșs, de nos temps.
DĂ©montrer, tu disais, en Ă©prouvant un tas de trucs : la trace photographique, la reproduction infinie par photocopie, lâĂ©tirement dâun instant dans sa rĂ©pĂ©tition, la distribution du temps en forme de tickets numĂ©rotĂ©s, la couleur rouge, le point de vue camĂ©ra, les articulations hasardeuses dâune liste de films trouvĂ©e, le dispositif de vision formĂ© par des plaques de verre de diffĂ©rentes tailles, lâarpentage dâun espace et de ses contraintes, les bruits de leurs dĂ©sĆuvrements. DĂ©montrer pour Ă©prouver et pour informer une recherche, la manifester possiblement, dans la salle dâattente dâune gare.
(Entre parenthĂšses : dans la gare de M. Reihl, constructeur de rails et de trains qui nâont besoin dâarriver nulle part et des palais de verre qui sâeffondrent sous le poids dâexpositions et de clichĂ©s, on raconte quâil continuait de regarder devant lui, monsieur Reihl, mais rien Ă faire. Il nâarrivait vraiment pas Ă comprendre. Impossible. Vraiment, il nâarrivait pas Ă le voir. De quel cĂŽtĂ© Ă©tait la vie.)
Dans lâattente, tu collectais des petits bouts de papier glanĂ©s entre les livres trouvĂ©s au PĂȘle-mĂȘle et manipulĂ©s par des mains inconnues et anonymes. De ces solid objets, qui nous regardent, tu retenais la mince chance dâune rencontre, dâun retardement sur page. Une Ă©rotique des Ă©carts imprĂ©visibles par rapport Ă la ligne droite. (0000.....)
(âŠ) la poĂ©sie des infinies potentialitĂ©s imprĂ©visibles de mĂȘme que la poĂ©sie du vide naissent dâun poĂšte qui nâa aucun doute quant Ă la nature physique du monde. Cette pulvĂ©risation de la rĂ©alitĂ© sâĂ©tend aussi aux aspects visibles, et câest lĂ quâexcelle la qualitĂ© poĂ©tique de LucrĂšce : les grains de poussiĂšre qui
tourbillonnent dans un rayon de soleil au milieu dâune piĂšce sombre (II, 114-124) les toiles dâaraignĂ©e qui nous enveloppent sans que nous nous en apercevions tandis que nous marchons (III, 381-390).
AccordĂ©e Ă ces expĂ©riences qui se donnent en bordure de rĂ©cit, tu tâapprochais dâune sorte de point omĂ©ga, oĂč (quand/comme) le temps bascule dans lâespace, lâhorloge sâest arrĂȘtĂ© Ă 11 :11 et lâon ne cherche plus Ă aligner les causes aux effets : tout donnait lâimpression dâĂȘtre rĂ©el, le rythme Ă©tait rĂ©el, paradoxalement, des corps qui se mouvaient musicalement, des corps qui bougeaient Ă peine, une dodĂ©caphonie, des choses qui se passaient Ă peine, cause et effet si radicalement sĂ©parĂ©s que tout lui paraissait rĂ©el, Ă la façon dont sont dites rĂ©elles toutes les choses du monde physique que nous ne comprenons pas. (âŠ) LumiĂšre et son, tonalitĂ© sans paroles, la suggestion dâune vie au-delĂ du film, lâĂ©trange rĂ©alitĂ© criante qui respire et mange lĂ -bas, cette chose qui nâest pas du cinĂ©ma. (22)
Rester debout faisait partie de lâart, lâhomme debout participe. (âŠ) Mais il revenait toujours au mur pour un contact physique, faute duquel il risquait de se retrouver Ă faire quoi, il ne savait pas trop⊠(120)
Ces moments abstraits, de toute forme et toute taille, le motif du tapis, le grain du plancher, qui maintiennent son Ćil comme son esprit en alerte absolue, et puis le palier, en plongĂ©e⊠(119)
En contre-plongĂ©e du mur (Ă©cran) tu tâallongeais alors par terre et avec rigueur, sans bouger ni tâassouplir, tu essayais dâatteindre le plafond Ă lâaide dâune projection sur verre. Telle une Ă©criture jouĂ©e infiniment sur un bout de papier de la taille de cette salle de passage : de lâunivers clos au monde infini.
Michela SacchettoAvec des extraits et des citations de : Alessandro Baricco, ChĂąteaux de la colĂšre, Albin Michel, 1995 ; Italo Calvino, « LĂ©gĂšretĂ© » dans Leçons amĂ©ricaines, Gallimard, 2017 ; Don Delillo, Point OmĂ©ga, Actes Sud, 2010 ; Ămilie Hache (ed.), De lâUnivers clos au monde infini, Ăditions Dehors, 2014, Chris Marker, Le Tombeau dâAlexandre, 1992 ; Ă©changes avec Rozafa Elshan ; marque page trouvĂ© par Rozafa Elshan ; Virginia Woolf, Solid Objects, dans A Haunted House and Other Short Stories, Adelaide, 2009.
COMMISSAIRES
« LâĆil et la Glace » poursuit une recherche sur les lieux-archives de la guerre froide que Marie Sommer a amorcĂ©e en 2018 Ă la Stasi Ă Berlin. Lâinstallation explore cette fois les vestiges de la DEW Line (Distant Early Warning Line), un systĂšme de dĂ©fense mis en place dans le nord du Canada pour dĂ©tecter toute Ă©ventuelle invasion de lâAmĂ©rique du Nord par les SoviĂ©tiques. Cette ligne de radar et de communication Ă longue portĂ©e trace une frontiĂšre magnĂ©tique sur lâensemble du territoire arctique dâouest en est.
Sur les nombreuses stations construites entre 1954 et 1956, la trĂšs grande majoritĂ© a Ă©tĂ© abandonnĂ©e, mais sans avoir Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e. DĂ©gradĂ©s par les effets du temps, ces lieux constituent en soi une archive, dont lâhistoricitĂ© est circonscrite Ă lâintĂ©rieur dâun conflit qui sâest jouĂ© Ă lâabri des regards.
Lâinstallation se compose de trois parties : un film projetĂ© sur deux Ă©crans, des photographies tirĂ©es de fonds dâarchives canadiens et Ă©tats-uniens imprimĂ©es avec les donnĂ©es cartographiques de tous les sites et une table-objet qui reprend des Ă©lĂ©ments architecturaux des dispositifs de radar. Par son titre, lâinstallation fait rĂ©fĂ©rence Ă deux enjeux
gĂ©opolitiques dĂ©terminants de la guerre froide : la dĂ©tection Ă distance (lâĆil) et la conquĂȘte du Nord (la glace).
Le film a Ă©tĂ© tournĂ© aux environs de Tuktoyaktuk Ă quelques centaines de kilomĂštres de la station du nom de code BAR-3, situĂ©e Ă une latitude de 69° 26â 35â nord et une longitude de 132° 59â 55â ouest. Ne pouvant accĂ©der au site en raison dâune fonte prĂ©maturĂ©e de la glace, Marie Sommer dirige sa camĂ©ra vers cette nature en transition et capte les effets de ce changement climatique sur lâenvironnement. TournĂ© en 16mm, le film nâest ni documentaire ni narratif. Il est au contraire abstrait et affiche sa propre matĂ©rialitĂ© analogique : le montage des courtes sĂ©quences alterne entre des paysages et des prises de vue rapprochĂ©es, qui donnent Ă voir la texture singuliĂšre de la glace, et laisse apparaĂźtre des entrĂ©es de lumiĂšre, qui altĂšrent la pellicule. Le film semble ainsi sur le point de se dĂ©sagrĂ©ger de lui-mĂȘme.
Cette dĂ©matĂ©rialisation accentue la fonte de la glace et fait Ă©cho Ă la dĂ©gradation des sites militaires que montrent les images dâarchives. La juxtaposition des photographies met en contraste deux temps du conflit : les lieux au moment de leur mise en opĂ©ration, oĂč se rĂ©vĂšle la froideur de leur technologie, et les lieux dĂ©saffectĂ©s, oĂč les vestiges divulguent la nature particuliĂšrement prĂ©caire de leurs architectures. Conçues dans lâurgence de la menace et dans des conditions extrĂȘmes, les stations radars de la Dew Line Ă©taient vouĂ©es Ă lâobsolescence dĂšs leur origine en raison de lâĂ©volution extrĂȘmement rapide des technologies de surveillance durant cette pĂ©riode critique de la guerre froide. Les dispositifs de radar sâimposent majestueusement dans plusieurs photographies, mais leur monumentalitĂ© a quelque chose de fantomatique, comme si le futur quâils prĂ©figuraient sâĂ©tait figĂ© dans le passĂ©. Dans cette atmosphĂšre rĂ©tro-futuriste, que la comparaison des photographies laisse apparaĂźtre, on dĂ©cĂšle encore lâidĂ©e du progrĂšs malgrĂ© la dĂ©suĂ©tude qui y rĂšgne. Ces lieux-archives attesteraient ainsi dâune nouvelle temporalitĂ© que la guerre froide introduit et que « LâĆil et la Glace » interroge : un temps antĂ©-numĂ©rique, oĂč se joue la transition entre une technologie de surveillance analogique, qui requiert la prĂ©sence humaine, et une technologie numĂ©rique entiĂšrement informatisĂ©e et opĂ©rationnelle Ă distance. Montrer la dĂ©suĂ©tude de ces architectures de la guerre froide, comme le fait « LâĆil et la Glace », ne vise pas Ă parler de la fin dâun conflit, mais Ă montrer lâobsolescence programmĂ©e dont ils sont les tĂ©moins matĂ©riels.
ELINE BENJAMINSEN, 2021
On dit souvent que le jargon financier est dĂ©libĂ©rĂ©ment obscur ; en contrefaisant la complexitĂ©, il Ă©gare lâopinion publique. En parcourant le dictionnaire des termes financiers du Financial Times, Sami Hammana a dĂ©couvert quâune grande partie du vocabulaire employĂ© par les chroniqueurs financiers de ce quotidien se rĂ©fĂšre au monde naturel.
« Sâil existe une telle convergence » entre la nature et le marchĂ©, soutient-il, « alors la violence du capitalisme et la dĂ©gradation de lâenvironnement sont non seulement insĂ©parables, mais suivent des logiques similaires, sinon identiques, dans la dĂ©finition de stratĂ©gies dâĂ©mancipation. » (Hammana, The Geofinancial Lexicon, 2018)
Follement inspirée par des termes tels que « esprits animaux », « dead cat bounce », « ordres Iceberg », « jour des quatre sorciÚres » et « vampire des abysses », Benjaminsen a décidé de mettre en images ces bizarreries viscérales dans son dernier travail
âCollapsed Mythologies. An annex to the Geofinancial Lexiconâ. Lâobjectif de ce projet, créé durant sa rĂ©sidence artistique au Centre national de lâaudiovisuel au Luxembourg, est de formuler des plaidoyers visuels pour illustrer ces fictions financiĂšres et les dĂ©gager de leur opacitĂ© tout en examinant leurs Ă©tymologies et leurs mythologies. En tant que berceau mondial de la gigantesque industrie des fonds dâinvestissement, le grand-duchĂ© de Luxembourg a rĂ©cemment créé un centre dâinnovation dans le secteur des marchĂ©s verts et de la finance durable âun cadre idĂ©al pour cette recherche.
Entre la signification de ces termes (comme les interactions financiĂšres habituellement Ă©voquĂ©es par des emprunts dĂ©rivĂ©s de lâĂ©cologie) et le monde naturel dĂ©signĂ© par ces termes, gisent de riches rĂ©cits mythologiques.
ARTISTES
COMMISSAIRE
âLandRush - Ventures into global agricultureâ est une exploration artistique de lâimpact social et environnemental de lâagriculture Ă travers le monde.
Lâagriculture accĂ©lĂšre le dĂ©rĂšglement climatique, lâextinction, lâĂ©rosion et la rarĂ©faction des ressources en eau. Elle monopolise environ 40% des terres Ă©mergĂ©es et plus de 70% de lâeau douce de la planĂšte, assĂ©chant les lits des riviĂšres et tarissant les nappes phrĂ©atiques.
En raison de la surexploitation des sols et de lâintensification rapide du rĂ©chauffement climatique, la dĂ©sertification est une des plus lourdes menaces pesant sur la vie sur terre. Tous les jours, Ă chaque minute, lâavancĂ©e du dĂ©sert dĂ©truit 23 hectares de terres arables, tandis que la dĂ©gradation des sols rĂ©duit de 23% la productivitĂ© de lâensemble de la surface terrestre mondiale.
La population mondiale devrait frĂŽler les dix milliards dâhabitants dâici 2048. LâĂ©volution des rĂ©gimes alimentaires, plus riches en viande et en poisson, se traduira par une demande accrue en nourriture avec le risque dâune dĂ©gradation encore plus rapide des
sols par Ă©puisement, alors quâau mĂȘme moment les rĂ©coltes seront de plus en plus mauvaises en raison du dĂ©rĂšglement climatique. Les fertilisants dĂ©versĂ©s par les activitĂ©s agricoles industrielles dĂ©traquent les Ă©cosystĂšmes des cours dâeau et des zones cĂŽtiĂšres, tandis que la dĂ©forestation et la transformation des prairies en terres cultivables causent lâĂ©rosion des sols et lâappauvrissement de la biodiversitĂ©. La nature dĂ©cline globalement Ă un rythme sans prĂ©cĂ©dent dans lâhistoire de lâhumanitĂ© ; lâagriculture et les changements dans lâutilisation des sols en sont les principaux responsables et contribuent par ailleurs Ă lâĂ©mission dâun quart environ des gaz Ă effet de serre qui aggravent le dĂ©rĂšglement climatique. Plus que toute autre, lâagriculture est lâactivitĂ© par laquelle lâespĂšce humaine transforme la planĂšte, pourtant la plupart des gens ne mesurent pas Ă quel point nos systĂšmes alimentaires sont fragiles en rĂ©alitĂ©.
Frauke Huber et Uwe H. Martin documentent les consĂ©quences sociales et environnementales de lâagriculture mondiale depuis 2007. En adoptant une dĂ©marche de journalisme lent, ils nouent dâĂ©troites relations sur place avec des agriculteurs, des Ă©leveurs, des pĂȘcheurs et interviewent des responsables politiques, des activistes et des scientifiques. Leurs projets se dĂ©veloppent de maniĂšre organique, chapitre par chapitre, suivant un cycle constant de recherche, production et prĂ©sentation. Cette approche ouverte permet Ă leur travail de faire surface au sein de contextes toujours nouveaux, en jetant progressivement des ponts entre publications dans des revues, films documentaires, Web-documentaires linĂ©aires et applications interactives jusquâaux mises en espace dans des institutions culturelles.
White Gold (2007-2012) examine les effets sociaux et Ă©cologiques de la production mondiale de coton. Le coton entre dans la fabrication de nos vĂȘtements, des billets de banques, des aliments pour animaux, du dentifrice et des pellicules cinĂ©matographiques. Le commerce du coton a toujours Ă©tĂ© des plus inĂ©quitables et sa rĂ©putation de produit naturel nâest rien de plus quâune illusion. Le coton dĂ©truit des rĂ©gions entiĂšres par ses besoins excessifs en eau, emploie plus de pesticides que dâautres cultures et
dĂ©grade les Ă©cosystĂšmes. De plus, le coton stimule lâindustrialisation mondiale de lâagriculture.
Landrush (2011 â en cours) analyse lâimpact des investissements agricoles Ă grande Ă©chelle sur les Ă©conomies rurales et les droits fonciers, lâessor des carburants renouvelables, la rĂ©affectation des terres et lâavenir de lâagriculture Ă travers le monde, tout en documentant lâaccaparement nĂ©o-colonial des terres en Ăthiopie, les mĂ©ga compagnies industrielles au BrĂ©sil, les fermes familiales florissantes grĂące Ă la production dâĂ©thanol dans lâIowa, et lâagriculture biologique ainsi que les politiques dâamĂ©nagement du territoire en Allemagne orientale â parmi bien dâautres phĂ©nomĂšnes.
Dry West (2014 - en cours) documente la sociĂ©tĂ© hydroĂ©lectrique et les paysages façonnĂ©s par lâhomme de lâouest amĂ©ricain, oĂč les riviĂšres coulent dans des berges en bĂ©ton, Ă travers les montagnes et le dĂ©sert, tout en rapportant de lâargent. Ce systĂšme, qui a fait fleurir le dĂ©sert et grandir des villes, est de plus en plus dĂ©sĂ©quilibrĂ©. La rĂ©gion rĂ©clame plus dâeau que ne peut en fournir la nature. Plus de 80% de lâeau est engloutie par un systĂšme agricole qui a mĂ©tamorphosĂ© la moisson en opĂ©ration miniĂšre ; au lieu du cuivre, de lâor ou du pĂ©trole, il extrait de lâeau fortement subventionnĂ©e.
Les âSteichen Collectionsâ au Grand-DuchĂ© de Luxembourg rassemblent le patrimoine liĂ© Ă Edward J. Steichen (1879-1973). La longue carriĂšre de cet artiste amĂ©ricain mondialement connu et dâorigine luxembourgeoise a surtout Ă©tĂ© marquĂ©e par la photographie : dâune part, il travaille en tant que photographe prolifique, de lâautre comme direc-
teur au dĂ©partement photographie du Museum of Modern Art (MoMA) Ă New York, oĂč son travail de commissariat dâexposition a trouvĂ© une rĂ©sonance internationale.
Plusieurs collections tĂ©moignent de son travail crĂ©ateur au Luxembourg : celles du MusĂ©e national dâhistoire et dâart (MNHA), de la ville de Luxembourg et du Centre national de lâaudiovisuel (CNA). Le fonds des Steichen Collections du CNA comprend les deux expositions emblĂ©matiques The Family of Man (1955) et The Bitter Years (1962) que Steichen crĂ©e en tant que curateur au MoMA. Elles forment aujourdâhui deux ensembles iconiques de la photographie humaniste et documentaire du XXĂšme siĂšcle.
THE FAMILY OF MAN MĂMOIRE DU MONDE DE LâUNESCO (CHĂTEAU DE CLERVAUX)
En 1955, Edward Steichen conçoit The Family of Man pour le 25Ăšme anniversaire du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une exposition qui attirera le monde au musĂ©e et qui entrera dans lâhistoire de la photographie, par son ambition, son succĂšs
international et sa rĂ©ception enthousiaste et controversĂ©e Ă la fois. Lâexposition est pensĂ©e comme un panorama humaniste visant Ă tisser des liens entre les peuples via le pouvoir de communication de lâimage. Steichen saisit lâesprit du temps et dessine une image rassurante, incluant tensions et espoirs, sur le fond du contexte historique agitĂ© de la guerre froide.
503 images de 273 auteurs de 68 pays sont ici sĂ©lectionnĂ©es pour composer un manifeste pour la paix et lâĂ©galitĂ© fondamentale des hommes. Les images dâauteurs tels que Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Dorothea Lange, Robert Doisneau, August Sander, Ansel Adams, ⊠y sont mises en scĂšne dâune maniĂšre moderniste et spectaculaire.
AprĂšs une itinĂ©rance internationale et dĂ©cennale, la collection est lĂ©guĂ©e au Grand-DuchĂ© de Luxembourg dans les annĂ©es 1960. EntrĂ©es dans les archives du CNA au moment de sa crĂ©ation en 1989, les photographies originales y sont restaurĂ©es et prĂ©parĂ©es Ă lâexposition permanente au ChĂąteau de Clervaux â lieu choisi par Steichen lui-mĂȘme. Aujourdâhui, la collection fait partie de la MĂ©moire du Monde de lâUNESCO et est prĂ©sentĂ©e selon une interprĂ©tation contemporaine au respect de son histoire.
www.steichencollections.lu
Lâextinction du dernier haut fourneau de lâusine sidĂ©rurgique dâEsch/Belval, un quartier dâEsch-sur-Alzette, marque la fin dâune Ă©poque importante dans lâhistoire industrielle du Luxembourg. Avec sa sĂ©rie de photographies Derniers
Feux, vĂ©ritable monument Ă la mĂ©moire du monde disparu des hauts fourneaux et usines sidĂ©rurgiques du GrandDuchĂ©, Yvon Lambert prĂ©serve de lâoubli cette partie de notre histoire.
Lâalliance entre lâhomme, le feu et le fer est ancienne. Si les premiers fours de fusion furent construits il y a 3000 ans, le feu et le fer restent, aujourdâhui, des Ă©lĂ©ments essentiels, des Ă©lĂ©ments qui nâont rien perdu de leur force symbolique. La fascination quâinspirent ces Ă©lĂ©ments et leur transformation reste entiĂšre. Celui qui a eu lâoccasion de visiter une usine sidĂ©rurgique ne peut ignorer lâaura de ces anciennes cathĂ©drales industrielles.
Selon Roland Barthes « dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a Ă©tĂ© lĂ . Il y a double position conjointe : de rĂ©alitĂ© et de passĂ©. Ăa-a-Ă©tĂ© ; il a Ă©tĂ© absolument, irrĂ©cusablement prĂ©sent, et cependant dĂ©jĂ diffĂ©rĂ© ». Cette conception de la Photographie sâapplique particuliĂšrement Ă lâĆuvre dâYvon Lambert, sa pratique de la photographie argentique fondĂ©e sur des processus photochimiques qui transposent les traces lumineuses et temporelles dâune rĂ©alitĂ© manifeste. De lĂ , ce rĂ©alisme mĂ©lancolique et poignant propre aux tirages dâY. Lambert, malgrĂ© la grande diversitĂ© des sujets et des lieux quâils nous donnent Ă voir. Dans sa sĂ©rie Derniers Feux, cette rĂ©alitĂ© est celle du monde dĂ©sormais historique de la sidĂ©rurgie, du travail des hommes, des infrastructures techniques et de lâatmosphĂšre qui le caractĂ©risent. En procĂ©dant ainsi, ses images vont bien au-delĂ dâun intĂ©rĂȘt documentaire.
« Un Ćil du photographe, grand ouvert, regarde Ă Â travers le viseur, lâautre, fermĂ©, regarde Ă Â lâintĂ©rieur de sa propre Ăąme », Henri Cartier-Bresson dĂ©finit ainsi le caractĂšre duel du regard du photographe Ă Â la fois extĂ©rieur et intĂ©rieur. Cette mĂȘme dĂ©marche se retrouve chez Y. Lambert dans lâart dâaborder le sujet. Comme le dĂ©montrent ses autres sĂ©ries photographiques, il est un observateur extrĂȘmement fin et prĂ©cis. Cependant, câest par sa capacitĂ© Ă Â saisir des atmosphĂšres et des ambiances, par son intĂ©rĂȘt pour les gens, son empathie et sa curiositĂ© intellectuelle quâil va au-delĂ des images toutes faites pour rendre visible ce qui Ă Â premiĂšre vue ne lâest pas. Dans ces photographies le spectateur reste parfois en arrĂȘt devant la menace de gerbes dâĂ©tincelles. Force, dynamisme, concentration extrĂȘme sont nĂ©cessaires dans ces hauts et obscurs espaces qui ressemblent Ă Â de sombres cathĂ©drales et dans lesquelles les hommes paraissent petits et perdus dans leur harassant travail quotidien.
UN HOMMAGE Ă LA VIE ET AU TRAVAIL DES HOMMES QUI EN FURENT
LES ACTEURS.
Francis Frith (1822-1898) acquiert une Ă©norme renommĂ©e en Grande-Bretagne durant la seconde moitiĂ© du 19e siĂšcle, grĂące aux photos ramenĂ©es de ses trois voyages en Orient entre 1856 et 1860. LâĂ©gyptomanie submerge la sociĂ©tĂ© victorienne, les fouilles archĂ©ologiques suscitent un grand intĂ©rĂȘt et, en 1854, le public afflue pour voir lâEgyptian Court au Crystal Palace Ă Sydenham.
Frith est un homme au tempĂ©rament passionnĂ©, trĂšs religieux, Ă©rudit malgrĂ© le fait quâil ait arrĂȘtĂ© sa scolaritĂ© Ă lâĂąge de seize ans. Il relate dans son autobiographie que durant ses annĂ©es dâapprentissage Ă Sheffield, il sâest plongĂ© dans les Ă©crits mĂ©taphysiques de John Locke, Dugald Stewart et Adam Smith. Il aime aussi lire de la poĂ©sie, des rĂ©cits de voyages et des biographies[I]. La famille Frith fait partie du mouvement des quakers et Francis a une illumination
religieuse Ă la suite dâune dĂ©pression aux alentours de dix-neuf ans. Sa foi est alors devenue lâun des fondements de sa vie. Durant cette Ă©poque de mal-ĂȘtre, il voyage avec ses parents au Nord de lâAngleterre dans le Yorkshire, au Pays de Galles et en Ăcosse. Il dĂ©cide ensuite de se lancer dans le commerce alimentaire de gros avec un associĂ© Ă Liverpool, qui est Ă cette Ă©poque une ville maritime en plein essor. Lorsquâil vend son commerce Ă trente-quatre ans, il a amassĂ© une telle fortune quâil peut vivre de ses rentes. Câest Ă Liverpool quâon trouve la trace de son intĂ©rĂȘt pour la photographie, il est un des membres fondateurs de la Liverpool Photographic Society créée
Celle-ci a sa propre revue, le Liverpool Photographic Journal, qui mentionne en 1856 que Frith a participĂ© Ă lâexposition de la London Photographic Society et que « les meilleurs portraits sont ceux de notre membre, Mr. Frith, un amateur ».[III] Cette exposition prĂ©sente quatorze photos de Frith, dont deux portraits et des photos de paysages du Pays de Galles, dont des vues stĂ©rĂ©oscopiques, vendues par la sociĂ©tĂ© dâinstruments dâoptique Negretti and Zambra. Frith travaille avec le procĂ©dĂ© au collodion humide, qui produit les nĂ©gatifs les plus fiables et nets. Ce procĂ©dĂ© au collodion humide sur verre inventĂ© par lâanglais F. Scott Archer et rendu publique en 1851 sâavĂšre difficile Ă maĂźtriser, dâune part « Ă cause de la fragilitĂ© du support verre, mais aussi parce que lâhumiditĂ© de lâĂ©mulsion doit ĂȘtre maintenue de la prise de vue au fixage du nĂ©gatif. Les opĂ©rateurs, en voyage surtout, devaient agir rapidement et dĂ©velopper sur-le-champ. »[IV] Notons aussi que Frith signe dĂ©jĂ ses nĂ©gatifs en gravant son nom dans lâĂ©mulsion au collodion, pour contrecarrer le piratage[V]
Frith, qui dĂ©mĂ©nage Ă Reigate aprĂšs avoir vendu son affaire, se sent pourtant dĂ©sĆuvrĂ©. Câest alors quâil dĂ©cide de voyager: â The very best thing that a young man of means and leisure can do, if he has not yet found another destiny.â[VI] Câest dans lâĂ©tat dâesprit du Grand Tour en Orient, effectuĂ© par lâaristocratie ou la bourgeoisie aisĂ©e, quâil se lance dans lâaventure Ă©gyptienne.
En compagnie de son ami Francis Herbert Wenham, un ingĂ©nieur en optique et mĂ©canique, il part en Ăgypte de septembre 1856 jusquâen juillet de lâannĂ©e suivante. Les deux compagnons se complĂštent par leur inventivitĂ©, Wenham avec un bateau Ă vapeur de sa crĂ©ation quâil amĂšne en Ăgypte et Frith avec son chariot de travail couvert, en osier, utilisĂ© comme chambre noire sur roues et occasionnellement comme chambre Ă coucher. Les Ă©gyptiens spĂ©culent quâil transporte son harem dans son chariot, ce qui lui vaut beaucoup de respect.[VII] Lors de ce premier voyage, Frith remonte la VallĂ©e du Nil jusquâĂ Abou Simbel. Il a emportĂ© trois appareils photographiques de diffĂ©rents formats, un appareil Ă plaque standard
[III] Ibid., p. 44 et p. 189 Liverpool Photographic Journal 3, no.27 (8 mars 1856)
[IV] François Brunet La naissance de lâidĂ©e de photographie. Paris PUF, 2000 p. 222
[V] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 45
[VI] Ibid. p. 29 extrait de: Francis Frith A true story of my life
(200x250mm), un appareil Ă plaque mammouth (400 x 500 mm) et un petit appareil stĂ©rĂ©oscopique[VIII]. Wenham dit dans ses mĂ©moires que câĂ©tait les dĂ©buts du procĂ©dĂ© du collodion humide et quâils nâĂ©taient pas optimistes quant au rĂ©sultat, car ils Ă©taient les premiers Ă tenter lâexpĂ©rience dans des « pays chauds »[IX]
Wenham Ă©tant le consultant optique de Zegretti and Zambra, cette firme publie les premiĂšres vues stĂ©rĂ©oscopiques en 1857, que Frith leur envoie dâĂgypte.[X] Ă leur retour, ils restent trois mois en Angleterre, le temps de se refournir en matĂ©riel pour repartir pour six mois, cette fois jusquâen Palestine, via lâĂgypte, de novembre 1857 Ă mai 1858. Ils se rendent Ă Jaffa par la mer, puis ils vont Ă JĂ©rusalem, Hebron, la mer morte, Nazareth, Damas, Baalbek et Beyrouth[XI]
AprÚs ce voyage, Frith est déjà une célébrité, il donne des conférences, expose ses tirages grands formats et supervise la publication de son premier ouvrage.
Câest lâĂ©diteur James S. Virtue qui publie Egypt and Palestine en deux volumes avec 76 photos, distribuĂ©es par souscription en 25 fascicules avec un tirage de
[VII] Ibid. p. 47 extrait de: Francis Frith Egypt and Palestine, vol. 2. London James Virtue, 1858-60
[VIII] John Hannavy (ed.) Encyclopedia of nineteenth century photography. New York : Routledge, 2008, p. 558
[IX] Ibid. p. 48 extrait de : Francis Wenham A photographic tour: past and present (British journal of photography 45, no. 1997 (12 Aug. 1898)
[X] Colin Osman Egypt caught in time. Reading : Garnet, 1997, p. 35
[XI] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 29
2000 exemplaires[XII], en 1858 et en 1859. Ă cette pĂ©riode germe en Frith lâidĂ©e que lâillustration photographique de livres sera le futur de lâimprimerie et il sâassocie Ă un marchand dâimages londonien pour crĂ©er la firme Frith and Hayward.[XIII]
En 1859, Frith entreprend son dernier voyage en Orient, quâil considĂšre comme « une prouesse, et peut-ĂȘtre une folie »[XIV]. Il va plus loin que nâimporte quel photographe avant lui, presque jusquâĂ la troisiĂšme cataracte et atteint Soleb en Nubie. Ce pĂ©riple est trĂšs Ă©prouvant, il parcourt des kilomĂštres Ă dos de chameau. Il relate dans une lettre Ă la London Photographic Society du 7 aoĂ»t 1859: «[W]e were devoured by thousands of sandflies ; the water was bad, and the great heat. I worked hard, and took some fine pictures⊠I imagine the temperature in my little tent could not be less than 130° Fahrenheit; the developing solution was quite hot»[XV]. Il re-photographie certains sites notamment Ă cause de nouvelles excavations entreprises depuis sa derniĂšre visite et ajoute dâautres vues.
Ă son retour de voyage, il relocalise sa sociĂ©tĂ© dâimpression et dâĂ©dition pho-
[XII]
tographique Ă Reigate, sous le nom de F. Frith & Co. Il publie son travail et celui dâautres photographes. Devinant lâessor du tourisme naissant, il sâemploie Ă photographier chaque ville, village et site en Grande-Bretagne. Il est assistĂ© par dâautres photographes, quâil forme au style photographique distinctif de la maison. Il Ă©labore cette idĂ©e de gĂ©nie en commissionnant des photographes pour aller aux quatre coins du globe. En Orient, un de ces photographes est Frank Mason Good (1839-1928), dont on retrouve des photos dans lâalbum du Luxembourgeois Tony Dutreux, qui effectue un voyage en Orient en 1867. Mason Good est commissionnĂ© par Frith entre 1866 et 1867 et certaines photos prĂ©sentes dans lâalbum de Dutreux sont dans le catalogue Frithâs Photo-pictures, The Universal series (Sinai & Palestine). Elles Ă©taient publiĂ©es sous le nom de Frith dans son livre F. Frithâs photo-pictures from the Lands of the Bible. Illustrated by scripture words. Au Luxembourg, « un anglais du nom de Simpson, qui travaille pour [âŠ] Francis Frith, prend onze vues de la capitale. [âŠ] On retrouve ces vues collĂ©es dans des livres illustrĂ©s mis en vente sous le titre Frithâs photographs, sans mention du nom de lâauteur des clichĂ©s. Lâimprimeur-libraire luxembourgeois Pierre Bruck, les acquiert Ă son tour pour les vendre ensuite [soit] Ă lâunitĂ©, montĂ©es ou non sur carton Bristol, sous 3 formats diffĂ©rents [âŠ], [soit] rĂ©unies dans un album, toujours sans indication du nom du photographe.»[XVI] Julia Skinner de la Francis Frith Collection pense que Simpson est soit un photographe employĂ© par la F. Frith & Co., soit un photographe indĂ©pendant et que la F. Frith & Co. achĂšte les droits pour publier et distribuer ces photos ou que la F. Frith & Co. le commissionne spĂ©cialement pour prendre ces photos pour leur compte. La BibliothĂšque nationale du Luxembourg prĂ©sente dans son exposition les photos du Luxembourg extraites des deux albums quâelle possĂšde,[XVII] ainsi que les photos orientales de Francis Frith tirĂ©es du livre Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith.[XVIII]
Nadine Abel Esslingen
[XIII] Nickel p. 78
[XIV] Nickel
[XV]
75 (10 Feb. 1860)
[XVI] Edmond Thill et al. Charles Bernhoeft photographe de la Belle Ă©poque. Luxembourg MusĂ©e national dâhistoire et dâart, 2014, p. 81. « La Luxemburger Zeitung du 26 mai 1880, le signale dans ses colonnes p.2 »
[XVII] [Francis Frith] Souvenir de Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient onze photos (17 x 11 cm) numérotées de 9715-9726, datées c.1877 dans les registres tenus à la Francis Frith collection
[Francis Frith] Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient vingt photos (26 x 15 cm), par Frith numĂ©rotĂ©es comme suit: 9715-9720 ; 9722-9725 ; 11556-11560 ; 11562-11563 [s. n.: âPortail de la CathĂ©draleâ] 11568 [renversĂ©] ; 11571. Contient les 10 photos du 1er album, ainsi que dâautres vues, datĂ©es c.1879 dans la Francis Frith collection.
[XVIII] Francis Frith Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith for Messrs. Negretti and Zambra ; with descriptions and numerous wood engravings by Joseph Bonomi ; and notes by Samuel Sharpe. London : Smith, Elder and Co., 1862
Deux Ă©pidĂ©mies photographiques plus ou moins inoffensives affectent respectivement les photographes de la nature et les photographes du territoire. Lâun dâeux est, pour reprendre les termes de Lewis Baltz, lâ« esthĂ©tique de la carte postale » ; le second, le regard anesthĂ©siĂ© par lâironie. Bien que sâintĂ©ressant Ă la nature et se consacrant, il est vrai, Ă un territoire dĂ©limitĂ© spĂ©cifique (les plages et les villages de lâintĂ©rieur nord et du centre du Portugal), Tito Mouraz est Ă lâabri des deux.
PhotographiĂ©es entre 2011 et 2018, ces scĂšnes fluviales rĂ©vĂšlent une rĂ©flexion assez longue et patiente sur les maniĂšres dĂ©centes, sophistiquĂ©es et pertinentes de traiter photographiquement une gĂ©ographie tombĂ©e visuellement dans la banalitĂ©. Il nâest pas sans intĂ©rĂȘt de se souvenir que câest aussi de sa gĂ©ographie personnelle quâil sâagit qui est Ă lâorigine de ce questionnement et des difficultĂ©s additionnelles - photographiques mais pas exclusivement â Ă savoir comment traiter ses propres origines sans indulgence mais aussi sans duretĂ© excessive ? Comment
rĂ©inventer un paysage victime de conventions ? etc. La solution trouvĂ©e par Tito Mouraz semble avoir Ă©tĂ© la construction dâune ambiance de fiction - une ode au loisir - basĂ©e sur des gestes théùtraux et un regard qui abandonne le familier, Ă travers lesquels il conserve, pour ainsi dire presque paradoxalement, un sentiment dâappartenance intime et une empathie dĂ©complexĂ©e.
La sĂ©rie Fluvial tisse Ă©galement une analogie entre lâĂ©rosion et la vision, basĂ©e sur des analogies visuelles entre les corps humains et dâautres corps organiques et inorganiques. Tout comme les courants dĂ©forment les troncs dâarbres et façonnent des blocs minĂ©raux, qui Ă©mergent dans ces images presque comme des sculptures de land art, la relation de longue date avec un territoire a, dans cette Ćuvre de Tito Mouraz, une fonction purifiante et rĂ©vĂ©latrice, conduisant Ă voir ces figures humaines avant tout autre aspect, comme des formes analogues Ă celles-ci.
Ce geste a un double effet. Dâune part, il signale avec Ă©lĂ©gance les liens telluriques - ou, Ă proprement parler, fluviaux - entre certains corps et certains lieux. Mutatis mutandis, il nous met au dĂ©fi, de maniĂšre quelque peu provocante, en revanche, dâenvisager dans une perspective presque inconcevable les individus humains comme des Ćuvres de land art, comme de simples formes naturelles. Figures alĂ©atoires dâune Ă©tude continue des formes, de la lumiĂšre et de la couleur, dans la gĂ©ographie intime qui caractĂ©rise lâĆuvre de lâauteur au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, le rĂŽle de ces personnes nâest pas trĂšs diffĂ©rent de celui des modĂšles en peinture, sauf quâils se dĂ©placent librement. DifficultĂ© rĂ©solue ici par des principes de travail explicites, autour desquels est dĂ©clarĂ©e - intentionnellement ou non - lâinsĂ©parabilitĂ© entre lâexpertise technique et la pudeur envers un sujet.
Trois aspects en particulier, parmi dâautres, mĂ©ritent dâĂȘtre signalĂ©s. PremiĂšrement, le traitement de lâeau non seulement comme Ă©lĂ©ment qui permet de flotter ( lâobservateur face Ă lâirrĂ©ductibilitĂ© de la forme humaine), mais aussi comme instrument optique
Ă proprement parler oĂč lâimage rĂ©flĂ©chie des corps immergĂ©s apparaĂźt comme une mĂ©taphore oĂč se diluent les formes habituelles du vacancier. Puis, dans certains des portraits, la combinaison magistrale du flash avec lâutilisation de grandes ouvertures, une combinaison qui ne produit pas tout Ă fait des photographies de paysage mais plutĂŽt des photographies dâimages du paysage, comme des scĂ©narios ouverts suivant lesquels se mettent en Ă©vidence des corps dâhomme et oĂč le photographe sâapproprie la nature comme sâil sâagissait dâun grand studio privĂ©. Et enfin la maniĂšre dont - grĂące Ă une utilisation affirmĂ©e de la lumiĂšre discontinue - les corps sont accentuĂ©s dans des jeux dâombre et de lumiĂšre et oĂč les rĂ©fĂ©rents ne se trouvent peut-ĂȘtre pas dans la tradition photographique mais plutĂŽt dans lâhistoire de la peinture, chez des maĂźtres comme Manet ou Courbet. RĂ©aliste et pourtant onirique, paĂŻen dans sa façon de considĂ©rer la nature et recrĂ©ant lâambiance dâun dimanche sans fin, Fluvial sâimprime dans la mĂ©moire comme un rĂȘve dâĂ©tĂ© portugais.
Humberto Brito ( traduit du portugais par Pierre Stiwer )
ANALOGIE ENTRE LâĂROSION ET LA VISION, BASĂE SUR DES ANALOGIES
VISUELLES ENTRE LES CORPS HUMAINS ET DâAUTRES CORPS ORGANIQUES ET INORGANIQUES.
Les sujets photographiques sont gĂ©nĂ©ralement un Ă©lĂ©ment de distraction. Si lâindexicalitĂ© de la photographie est son plus grand atout, elle lui permet Ă©galement dâinduire en erreur le spectateur en lâ entraĂźnant vers des impasses sĂ©mantiques. Or, sujet et sens, bien que souvent distincts, sont la plupart du temps intimement liĂ©s. Ils nous donnent accĂšs Ă lâimage, tout en pointant vers un champ qui lui est extĂ©rieur, vers une possible Ă©vasion.
History of the Visit de Daniel Reuter semble documenter une visite en Islande, mais les apparences sont trompeuses. DĂ©ployant un langage formel rigoureux et concis, câest un voyage vers lâintĂ©rieur - une Ćuvre atmosphĂ©rique, empreinte dâune forte tension psychologique qui finit par hanter le spectateur. MarquĂ©es par une forme de retenue et
de discrĂ©tion, ces images sombres et faiblement contrastĂ©es nous font traverser le paysage islandais, tout en Ă©vitant les vues spectaculaires et les attractions touristiques. Branches cassĂ©es, hangars verrouillĂ©s, rochers et champs recouverts de mousse â tout est vu Ă travers un regard Ă la fois inquisiteur et distanciĂ©. Ces images de lichens, de roches et de prairies balayĂ©es par le vent rappellent le travail de Paul Caponigro et des photographes naturalistes, tout en jouant sur un registre plus mĂ©lancolique, voire sinistre. Si Minor White abandonnait les enseignements de Gurdjieff et se mettait Ă Ă©couter Sunn O))) et Brian Eno, câest probablement Ă cela que son travail ressemblerait.
Bien que dĂ©tachĂ©es et dâapparence minimaliste, les images de Daniel Reuter, par leurs tons sombres et leurs sujets Ă©voquant lâobscurcissement â portes fermĂ©es, cordes, parois rocheuses imposantes et broussailles infranchissables â renvoient Ă une intĂ©rioritĂ© insaisissable, hors de notre portĂ©e. Au touriste occasionnel, il nâest guĂšre donnĂ© de porter un regard plus approfondi sur le pays quâil dĂ©couvre. Au mieux, il Ă©cume la surface, glanant ici et lĂ des impressions plus significatives. Les images de Daniel Reuter semblent ainsi Ă premiĂšre vue se contenter dâune vision limitĂ©e de lâIslande et nâes-
saient pas de nous montrer une version dĂ©finitive du pays - Ă supposer que cela soit possible. Mais comme Roni Horn, qui a Ă©galement choisi lâIslande pour explorer un territoire avant tout psychologique, Daniel Reuter sonde les profondeurs en portant son regard Ă la fois vers lâextĂ©rieur et lâintĂ©rieur. Notre sĂ©jour en Islande au cĂŽtĂ© de lâartiste est certes court, mais qui a dit quâune visite devait durer pour affecter profondĂ©ment celui qui lâeffectue ?
( âHistory of the Visitâ : version lĂ©gĂšrement amendĂ©e dâun texte initialement publiĂ© dans âPaper Journalâ, 27 mars 2014 )
Lâexposition âOverseesâ de Daniel Reuter chez Nosbaum Reding combine et recontextualise pour la premiĂšre fois des Ćuvres des sĂ©ries âHistory of the Visitâ (2013) et âBeachheadâ (2018) ainsi que des Ćuvres rĂ©centes liĂ©es aux voyages de lâartiste au Chili.
BIEN QUE DĂTACHĂES ET DâAPPARENCE MINIMALISTE, LES IMAGES DE DANIEL REUTER, PAR LEURS TONS SOMBRES ET LEURS
SUJETS ĂVOQUANT LâOBSCURCISSEMENT (... ) RENVOIENT Ă UNE INTĂRIORITĂ INSAISISSABLE, HORS DE NOTRE PORTĂE.
Si lâon sâattache au parcours et aux choix de vie dâĂric Poitevin, des clichĂ©s sont toujours possibles : lâenracinement lorrain et la campagne meusienne, la mĂ©ritocratie des Beaux-Arts et la Villa MĂ©dicis, lâenseignement Ă Paris... Mais cette lecture de son parcours Ă©clairerait mal les choix esthĂ©tiques et lâoeuvre de ce photographe talentueux, simple, inventif et toujours passionnant.
Pour mieux dĂ©couvrir lâhomme de 56 ans, mieux vaut regarder ses photographies, dont certaines, plus quâune biographie documentĂ©e toujours Ă Â Ă©crire[1], parlent dâune forme dâapaisement et de quelques certitudes, assez rares chez un artiste. Commençons donc par ce quâil montre de la nature qui lâentoure, faune et flore confondues en gommant les ombres dans une lumiĂšre diffuse, un peu comme le faisait le regrettĂ© Thibaut Cuisset. Leurs oeuvres ne se ressemblent pas. Ici, le photographe
serre de beaucoup plus prĂšs son sujet pour saisir non pas un paysage (sauf au cap Corse) mais plutĂŽt une architecture naturelle, tout ce quâelle donne Ă Â dĂ©couvrir derriĂšre les entrelacs vĂ©gĂ©taux : la glaise, les tensions et une violence sourde. Violence mise Ă Â distance dans des photos de bĂȘtes abattues, lors de parties de chasse auxquelles Ăric Poitevin, pĂȘcheur en Ă©tang, ne va pas. Pour lui, pas dâidĂ©ologie ancrĂ©e dans la vĂ©ritĂ© dâune terre meusienne quâil aime pourtant au point dây vivre au long cours. Mais dâabord une curiositĂ© jamais rassasiĂ©e... VoilĂ qui nâen fait pas un grand voyageur et « mĂȘme de moins en moins ». Il sâagit plutĂŽt de creuser dans son prĂ©, dâapprocher sans cesse. DâoĂč cette complicitĂ© affichĂ©e avec lâĂ©crivain Jean-Christophe Bailly.
« Dans mon travail, jâai misĂ© sur le long terme. Pendant les annĂ©es 1980 en photographie, il fallait ĂȘtre dans la rĂ©pĂ©tition. Ăa ne mâintĂ©ressait pas. Dâune certaine façon, mes portraits dâanciens de la guerre 14-18 ont trop bien marchĂ©. TrĂšs vite, on mâa demandĂ© de rĂ©pĂ©ter le geste... Jâai alors choisi une stratĂ©gie de la rupture. Jâai pensĂ© quâĂ la fin de chaque travail, il fallait repartir de zĂ©ro.» En redistribuant les cartes. « DâoĂč mon corpus assez hĂ©tĂ©roclite qui mâa Ă©tĂ© reprochĂ©. Mais aujourdâhui, ces Ă©carts sont devenus comme le ciment de mon travail. » Il est donc possible de repĂ©rer des ruptures formelles : dâĂ©tonnantes photos en couleur dâune fanfare, de paysages en Corse qui lâont « libĂ©rĂ© de beaucoup de choses ». « Je suis passĂ© au grand format et je nâen suis jamais sorti. Câest une construction. Elle demeure le chemin le plus court entre lâimage et vous. Le numĂ©rique offre plus de prĂ©cision et moins de comprĂ©hension. Aujourdâhui, peut-ĂȘtre est-on en train de passer dâun oeil de bovin Ă un oeil de faucon ? De toute maniĂšre, il me faudra du temps pour passer au numĂ©rique. » Ăric Poitevin refuse radicalement lâurgence. Comment vivre de son travail de photographe alors que le soutien public sâĂ©rode et celui du privĂ© se nĂ©gocie le plus souvent sous condition ? Ne pas trop croire au mĂ©cĂ©nat et trĂšs rarement aux travaux de commande. « Trouver un Ă©quilibre grĂące
Ă des collectionneurs qui achĂštent vos photos » et des activitĂ©s dâenseignant « vĂ©cues beaucoup plus comme une initiation quâune transmission ». Les portraits dâĂric Poitevin saisissent les ĂȘtres au point de les faire parler. Assez statiques, ils livrent dans les regards et les esquisses de sourire, des rĂȘves, des attentes, une histoire. La dĂ©monstration Ă©tait sans doute plus facile Ă faire quand les sujets Ă©taient les combattants de 14-18. Plus compliquĂ©e peut-ĂȘtre avec des membres de la Curie romaine (travail Ă la Villa MĂ©dicis). Moins Ă©vidente avec ces musiciens de Longuyon, ville de Meurthe-et-Moselle oĂč il a grandi. Pourtant dans ses photographies, lâeffet de vĂ©ritĂ© est saisissant, Ă mille lieues des images mensongĂšres ou - et publicitaires. Son travail au Palais Galliera (« Anatomie dâune collection ») Ă©loigne du faux glamour pour un Ă©trange voyage ethnologique dans la mode. Câest encore plus vrai pour ses nus remarquables qui le rapprochent du Patrice ChĂ©reau dâIntimitĂ© ou de La Reine Margot. DensitĂ©, agilitĂ© et puissance des corps. La chair est lĂ , vivante. Ce ne sont pas des natures mortes. Comme sont vivantes les plantes, son nouvel objectif de photographe. Lâaventure se continuera aussi dans les Highlands, en Ăcosse, pour un retour aux paysages.
par François ErnenweinARTISTES
COMMISSAIRE YASEMIN ELCI
Les artistes de lâĂcole de Helsinki ont commencĂ© Ă explorer la nature Ă peu prĂšs au mĂȘme moment oĂč le chimiste atmosphĂ©rique Paul J. Crutzen, laurĂ©at du prix Nobel, a popularisĂ© le terme «AnthropocĂšne», terme utilisĂ© aujourdâhui pour dĂ©signer la pĂ©riode la plus rĂ©cente de lâhistoire de la Terre, oĂč lâactivitĂ© humaine a commencĂ© Ă avoir un impact drastique sur lâĂ©cosystĂšme.
Avec leur premiĂšre exposition au Luxembourg, les artistes de lâĂ©cole dâHelsinki Sandra Kantanen, Jaakko Kahilaniemi et Riitta PĂ€ivĂ€lĂ€inen engagent de nouvelles discussions autour de la relation conflictuelle de lâhumanitĂ© avec la nature Ă lâĂ©poque de lâ AnthropocĂšne, thĂšme qui est cĆur du Mois europĂ©en de la photographie, cette annĂ©e. Par Ăcole de Helsinki on dĂ©signe six gĂ©nĂ©rations dâartistes photographes depuis les annĂ©es 1990 qui ont Ă©tĂ© diplĂŽmĂ©s de lâUniversitĂ© Aalto de Helsinki
ou qui y ont participĂ©. PrĂ©sentĂ©e dans plus dâune centaine de publications et dâexpositions internationales, elle est aussi un des rares mouvements photographiques Ă avoir un impact durable et qui sâest transformĂ© en une marque internationale dans le monde de lâart. Chacun de ces artistes remet en question les frontiĂšres de la photographie par des associations avec dâautres disciplines et par des approches conceptuelles de sujets immatĂ©riels tels que le temps et la mĂ©moire. Les paysages oniriques de Sandra Kantanen oscillent entre passĂ© et futur, rĂ©el et surrĂ©alisme, mais aussi entre les diffĂ©rentes maniĂšres de voir la nature Ă lâest ou Ă lâouest. Depuis quâelle a dĂ©couvert que les montagnes sacrĂ©es quâelle a Ă©tudiĂ©es dans la peinture de paysage chinoise Ă©taient ruinĂ©es par les modes de vie «modernes», Kantanen a choisi de recrĂ©er «lâimage idĂ©alisĂ©e», soit en surexposant, en superposant ou en dĂ©formant numĂ©riquement les images.
Son travail photographique montre le passage du temps comme si un peintre laissait des coups de pinceau denses sur lâimage pour tenter de confiner une lumiĂšre fugitive. En recrĂ©ant lâintervention humaine sur la nature, Kantanen construit une mĂ©moire intemporelle de paysages fictifs et transcendants.
Alors que Sandra Kantanen cherche à raconter une histoire commune, Jaakko Kahilaniemi se concentre sur la sienne et de sa famille. La série
«100 Hectares of Understanding» de Kahilaniemi peut sembler Ă premiĂšre vue dĂ©pourvue dâĂ©lĂ©ments objectifs et scientifiques ; cependant, câest bien Ă un voyage personnel que lâartiste nous invite. En dissĂ©quant et en rassemblant cent hectares de forĂȘt, Kahilaniemi fait une premiĂšre tentative pour Ă©tablir une relation avec son futur hĂ©ritage. En conceptualisant des piĂšces documentaires, il se rĂ©approprie le rĂ©cit autour de cette terre qui a appartenu Ă sa
famille pendant des gĂ©nĂ©rations et son processus de visualisation expĂ©rimental transforme les ressources collectives en dĂ©claration personnelle. Tout comme Kahilaniemi, Ritta PĂ€ivĂ€lĂ€inen ne considĂšre pas le paysage uniquement comme un phĂ©nomĂšne objectif. Cependant, contrairement Ă Kahilaniemi, PĂ€ivĂ€lĂ€inen observe la nature Ă travers les traces de la prĂ©sence humaine. LâenchevĂȘtrement de lâhomme avec la nature est reprĂ©sentĂ© par ses «espaces sculpturaux» mĂ©taphoriques, des installations de tissus dansant dans la nature. Ses images mises en scĂšne reprĂ©sentent de rares moments oĂč lâinorganique et lâorganique semblent exister en harmonie lâun avec lâautre. Finalement, PĂ€ivĂ€lĂ€inen souligne lâeffort collectif de lâhumanitĂ© pour domestiquer lâenvironnement.
John Oesch, photographe professionnel basé au Luxembourg, joue avec ses objectifs comme un peintre avec ses couleurs.
Il met soigneusement en place des scÚnes extraordinaires, impressionnantes voire poétiques. Ses images sont toujours construites avec le plus grand soin et travaillées dans le moindre détail.
Les photographies prĂ©sentĂ©es dans le cadre de lâEmop ont valeur dâarchives et de tĂ©moins dâun Ă©vĂ©nement qui nous a tous marquĂ©s en 2020: le lockdown.
Luxembourg, ville devenue fantĂŽme, nous renvoie Ă lâimpact de lâHomme sur son environnement, Ă sa trace laissĂ©e, Ă une certaine vanitĂ© peut-ĂȘtre.
Des images exceptionnelles Ă la beautĂ© interpellante, reflets poĂ©tiques dâun instant fragile oĂč tout a basculĂ©, point de rupture de nos certitudes mĂ©galomaniaques oĂč la Nature prouve quâelle peut toujours reprendre le contrĂŽle.
« La naissance de Victoria et Helena a tout changĂ©. Rien nâest plus comme avant. Elles font partie de mon monde, de ma vie, de moi-mĂȘme. Nous Ă©voluons cĂŽte Ă cĂŽte, unies par un lien unique. Jâai commencĂ© « Instincts. Same but different » comme silencieuse observatrice de leur dyade naissante, de leurs explorations et de leurs rencontres. Je sais dĂ©sormais que tout au long de ce projet, je me suis redĂ©finie comme femme, mĂšre, et artiste.»
«Instincts. Same but different» se lit comme un journal intime dans lequel Cristina Dias de MagalhĂŁes dĂ©crypte visuellement et Ă©motionnellement son environnement familial. FascinĂ©e par le lien natif qui unit ses filles jumelles, elle sâest dĂ©tachĂ©e des autoportraits pour retrouver Ă travers leur regard les moments liĂ©s Ă la petite enfance : la joie de vivre, lâexploration de lâenvironnement, la dĂ©couverte de soi et la construction dâune relation avec les autres.
En incluant lâunivers animal que ses filles aiment observer et analyser, elle Ă©tablit un dialogue entre les images oĂč lâinstinct prĂ©vaut et nous guide. En tant que mĂšre, elle se projette dans la figure archĂ©typale de lâanimal, dotĂ©e de symbolisme et de caractĂ©ristiques humaines, qui accompagne ses filles au quotidien dans leur apprentissage. Ses diptyques dĂ©voilent un lien silencieux créé par les moments partagĂ©s et ressentis vĂ©cus. Cette rencontre physique, imaginaire et pourtant authentique nous rappelle que nous sommes nĂ©s dans un monde complexe oĂč les instincts sont la base de la survie.
à travers la présentation de nos mondes infantiles et instinctifs disparus, la série «Instincts. Same but different» fait référence à la relation que nous construisons avec les autres, notre environnement et notre planÚte, tout en nous poussant à redéfinir notre propre humanité.
DES MOBILES DE VĂRITĂS ET DâIDENTITĂS FIXES.
âLIQUID EARTHâ EST UNE EXPLORATION DE LâINVISIBLE ET DU TANGIBLE SUR DES TERRAINS MOUVANTS, LAISSANT DERRIĂRE ELLE
ARTISTES
CAECILIA TRIPP, ARMAND QUETSCH
COMMISSAIRES
POUR ARMAND QUETSCH : CHRISTIAN MOSAR
POUR CAECILIA TRIPP : CHRISTIAN MOSAR ( EN ASSOCIATION AVEC ERNA HĂCEY )
CAECILIA TRIPP : LIQUID EARTH
ARMAND QUETSCH : BY THE SAME PATHS
LIQUID EARTH
(FILM / PERFORMANCE 12â50 MIN) AVEC DES ENREGISTREMENTS SUR LE TERRAIN ET DES IMAGES FILMĂES DU VOLCAN NYIRAGONGO
PAR CAECILIA TRIPP 2018
âLiquid Earthâ est une exploration de lâinvisible et du tangible sur des terrains mouvants, laissant derriĂšre elle des mobiles de vĂ©ritĂ©s et dâidentitĂ©s fixes. Liquid Earth construit une «poĂ©tique de la relation» et de la migration Ă travers la sismologie et les plaques tectoniques, reliant les terrains locaux au volcan Nyiragongo situĂ© au Congo comme lâun des plus grands lacs actifs de lave volcanique au monde. Le volcan est surveillĂ© de prĂšs par le Centre europĂ©en de gĂ©odynamique et de sismologie du Luxembourg, en
collaboration avec le MusĂ©e royal de LâAfrique centrale (Belgique).
Le Nyiragongo est Ă©galement la source et la zone de conflit en raison de la prĂ©cieuse matiĂšre premiĂšre quâest le coltan, transformĂ© dans les smartphones et les ordinateurs.
Le cĆur de la Terre, «Un tremblement ensemble» comme lâaffirme Edouard Glissant, entre respiration et essoufflement, un souffle coupĂ©. Un PromĂ©thĂ©e qui vole le feu.
FilmĂ© dans les ruines dâune usine sidĂ©rurgique abandonnĂ©e, construite grĂące Ă la migration. RĂ©alisĂ© par Georges Maikel Pires Monteiro, un jeune chorĂ©graphe originaire de lâĂźle volcanique du Cap-Vert.
(traduit de lâanglais par Paul di Felice)
Avec le soutien du ministĂšre de la Culture du Luxembourg, en collaboration avec le Centre europĂ©en de gĂ©odynamique et de sismologie et le MusĂ©e royal de lâAfrique centrale (Belgique), remerciements particuliers Ă Nicolas dâOreye et MarlĂšne Kreins.
En noir et blanc, en positif ou en nĂ©gatif, la sĂ©rie proposĂ©e nous emmĂšne avant toute chose Ă suivre les pas dâune itinĂ©rance singuliĂšre.
Les photographies dâArmand Quetsch, dans un flux lent et rĂ©pĂ©titif, glanĂ©es dâun geste presque automatique Ă deux pas de son domicile, offrent une ode au regard. Loin de toute posture romantique ou intellectualisante, la dĂ©marche est pauvre, presque dĂ©nuĂ©e de toute intention, sans concept préétabli, sans dĂ©sirs. Et câest justement lĂ que son mĂ©dium lui tend sa part de merveilleux.
Dans un paysage dâune banalitĂ© presque aveuglante pour celui-ci, qui, prit de lassitude, refuse de connaĂźtre encore et se contente de reconnaĂźtre. Les images reconnues, que lâon saisit par la suite, ne sont que les balises dâun quotidien ennuyeux et sans espoir. Quetsch le sait et, maintenant son rythme, sâoblige Ă rester disponible aux lumiĂšres et aux formes, aux compositions et aux nuances.
Les pellicules, une fois développées, révÚlent une seconde fois, parfois des mois plus tard, la magie
Ă©manant de ses ritournelles. La lenteur du processus oeuvre dans un rite contemplatif ou il arrive que la lecture du nĂ©gatif puisse suffire. Le mĂ©dium photographique est gĂ©nĂ©reux et offre Ă profusion de subtils dĂ©tails, des nuances infinies. Reste nĂ©anmoins la question de composition. Ă mains levĂ©es, les images sont prises avec la rigueur dâun gĂ©omĂštre et lâorganisation dâun paysagiste. Pas ou peu de dĂ©chets. Vient enfin, la sĂ©lection dâimages quâimpose une grammaire personnelle pour Ă©crire une nouvelle, empreinte de minimalisme.
Une mĂ©ditation soutenue par un environnement proche, la contemplation des infinis du paysage, la rĂ©invention du rĂ©el comme palliatif de nos tourments. Armand Quetsch touche par le raffinement de ses images et lâĂ©lĂ©gance de son Ćuvre et par lâamplitude que prend son travail, en empruntant des sentiers similaires Ă celles dâun autre promeneur, Robert Walser: « Que tout Ă©tait devenu beau, Ă prĂ©sent, intime, dans la campagne qui sombrait dans la nuit. De braves prĂ©s verts filaient avec douceur, Ă©lĂ©gance et amitiĂ© devant moi des pensĂ©es de toutes sortes se bousculaient comme des chatons caressants sur mes talons. »
François GoffinARTISTES
COMMISSAIRES
MICHĂLE WALERICH, DANIELLE IGNITI
DANIEL REUTER : PROVIDENCIA
LISA KOHL : ERRE
Pour sa 4Ăšme participation aux Rencontres internationales de la photographie, LĂ«tâz Arles prĂ©sente, Ă lâĂ©tĂ© 2021 Ă Arles, deux artistes : Daniel Reuter et son projet Providencia ainsi que Lisa Kohl et son installation ERRE.
Leur sĂ©lection pour leurs expositions arlĂ©siennes par un jury dâexperts internationaux en photographie a apportĂ© un Ă©clairage supplĂ©mentaire sur leurs travaux et a permis de tisser des liens avec le
Mois EuropĂ©en de la Photographie au sein duquel il Ă©tait pertinent de leur donner Ă tous deux une place. Dans le sillage dâArles, les deux expositions Providencia et ERRE seront montrĂ©es Ă la Konschthal dâEsch au moment de son ouverture, inscrivant ainsi le medium photographique comme une des disciplines majeures dans la programmation de ce nouvel espace dâart contemporain.
Providencia - la providence - dans son sens biblique, dĂ©crit lâintervention de Dieu dans lâunivers, une influence hors du contrĂŽle humain. Le quartier Providencia, Ă Santiago du Chili, donne Ă la fois le cadre et le titre Ă cette nouvelle sĂ©rie de Daniel Reuter. Son regard explore les marques dâun contexte de divergence rĂ©cemment portĂ© Ă la surface, Ă partir dâune urbanitĂ© visuellement prosaĂŻque : dĂ©tails architecturaux, structures de fortune, arbres et feuillages, clĂŽtures de chantier obstruant la vue. Au lendemain de manifestations civiles, nous rencontrons des protagonistes confinĂ©s dans la complexitĂ© de leur existence. Sous une couche superficielle du quotidien, nous sentons la derniĂšre grande vague dâaspirations occidentales sâeffondrer. Des figures apparaissent, rĂ©itĂ©ration dâun narrateur ou de personnages Ă©voluant dans un rĂ©cit indĂ©fini ? En rĂ©sonance avec ses sujets de recherche tels que lâidentitĂ© et la mĂ©moire, lâartiste prend appui sur cette topographie chargĂ©e et traduit sa texture, son reflet et sa lumiĂšre. Se cristallise lâinvestigation dâun territoire plus profond et intĂ©riorisĂ©, conjurant rĂȘves et dĂ©senchantement dâun monde en mouvement.
A la Chapelle de la CharitĂ© ( Arles ), douze images de grand format entrent en conversation Ă travers un dispositif hexagonal inspirĂ© dâun kiosque moderniste du quartier Providencia. Un ouvrage accompagne lâexposition et offre une exploration immersive de cette sĂ©rie, utilisant plusieurs papiers, jeux de transparences, opacitĂ©s et matĂ©rialitĂ©s.
LISA KOHL
Lisa Kohl sâintĂ©resse Ă la relation entre la crĂ©ation artistique et la rĂ©alitĂ© sociale. Elle se rend sur le terrain pour rencontrer des personnes qui vivent dans des conditions prĂ©caires et elle Ă©tablit avec eux des relations dâĂ©change et de confiance. Les Ćuvres de Lisa Kohl parlent de fuite, dâexil, du non-lieu de vie ou de survie, dâinvisibilitĂ© et dâabsence. Avec audace, elle rĂ©ussit Ă lier le rĂ©el Ă la poĂ©sie. Son propos est social, il implique la protestation contre un Ă©tat hostile et froid et, simultanĂ©ment, il nous permet par lâesthĂ©tique poĂ©tique des images, de rĂȘver dâun monde oĂč tout pourrait ĂȘtre diffĂ©rent. Elle nous invite Ă la rĂ©flexion sur lâidentitĂ©, la patrie, le passage des frontiĂšres, la futilitĂ© et lâespoir.
Son projet ERRE pour la nef latĂ©rale de la Chapelle de la CharitĂ© Ă Arles est une installation composĂ©e de trois Ćuvres inĂ©dites. La projection au plafond de son film HAVEN (2021) entre en dialogue avec deux sĂ©ries de photographies : Shelter (2019) et Passage // 32°32â04.7ââN 117°07â26.3ââW (2019), prĂ©sentĂ©es sur des supports rĂ©tro-Ă©clairĂ©s. Le premier ouvrage de lâartiste, ERRE, accompagne lâexposition et prolonge lâexploration de ces thĂšmes par le biais de divers textes et par la prĂ©sentation dâautres Ćuvres rĂ©centes de Lisa Kohl.
LES ĆUVRES DE LISA KOHL PARLENT DE FUITE, DâEXIL, DU NON-LIEU DE VIE OU DE SURVIE, DâINVISIBILITĂ ET DâABSENCE.
Ne raconte-t-on pas que le vent du nord apporte le changement ? Et la terre du Nord ? Est-ce quâelle reflĂšte le visage de ce vent tant redoutĂ© ? Dans toute bonne histoire, le protagoniste, errant dans son existence, ne sâorientet-il pas vers le Nord pour (re)trouver son chemin ? Mais quelles sont donc ces questions confuses ? Que le spectateur dirige simplement son regard vers ladite direction pour dĂ©couvrir des perspectives nouvelles.
ĂTAT DES LIEUX, ETATS DâUN LIEU; CLERVAUX
CHRISTIAN ASCHMAN
Clervaux se situe au nord du Luxembourg. Le nom dĂ©signe Ă la fois une localitĂ© et une commune. La rĂ©gion rurale au Luxembourg fait partie dâune
stratĂ©gie politique soutenue au niveau national. Tous les domaines de la vie sociale sont visĂ©s dans cette perspective de dĂ©veloppement durable. Lâaccent est mis sur la qualitĂ© de vie, la culture, le tourisme, lâagriculture, lâindustrie, la protection du patrimoine ...
Christian Aschman a observĂ© ce changement durant plus dâun an (fin 2018 - dĂ©but 2020). Ses images montrent des compositions imbriquĂ©es de lâactivitĂ© urbanistique. Contrastes forts, imbrications harmonieuses, ajouts audacieux, constructions fonctionnelles et pastorales.
La RĂ©publique russe de Sakha, ou Yakoutie, situĂ©e dans le nord-est de la SibĂ©rie, est le théùtre dâune histoire qui nâa rien Ă envier Ă la plume dâun Jules Verne. Le pergĂ©lisol fond en raison du rĂ©chauffement climatique. Le sol libĂšre ce quâil recouvre depuis 4 000 ans : des restes de mammouth laineux.
Evgenia Arbugaeva a accompagné des chasseurs
de mammouths. Ils parcourent la toundra glacĂ©e de SibĂ©rie jusquâĂ 18 heures par jour. Se saisir dâune dĂ©fense peut prendre jusquâĂ 24 heures dâexcavations sans interruption. Les photographies montrent des scĂšnes Ă caractĂšre surrĂ©aliste. Une certaine intensitĂ© dramatique se crĂ©e lorsque le passĂ© et le prĂ©sent se croisent.
ZEELAND JEROEN HOFMAN
« Zeeland », la ZĂ©lande, est une destination populaire pour les touristes en gĂ©nĂ©ral. Diverses nationalitĂ©s se rencontrent au bord de la mer du Nord. Ce littoral conserve encore de fortes traces, dites naturelles, au milieu dâun paysage culturel, dans le sens que le terrain a Ă©tĂ© sculptĂ© par deux intervenants, la nature et lâhomme.
Câest un paysage Ă multiples facettes qui reprĂ©sente un pont entre le passĂ© et le prĂ©sent. La confrontation de ces forces opposĂ©es ne nuit guĂšre Ă lâharmonie optique du panorama. Ă ciel ouvert, toutes les tensions et les divergences semblent sâestomper dans le spectacle colorĂ© des nuages gris et bleus. Mais pas le souvenir, qui survit et impressionne rĂ©trospectivement, combinĂ© Ă un goĂ»t lĂ©gĂšrement salĂ©, provenant du vent du nord.
DONOVAN WYLIE
Les progrĂšs technologiques et le dĂ©veloppement de bombardiers Ă longue portĂ©e ayant rendu les frontiĂšres arctiques du Canada vulnĂ©rables aux attaques aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, le Canada et les Ătats-Unis se sont vus obligĂ©s de construire un rĂ©seau de stations radar le long des frontiĂšres nord du pays dans les annĂ©es 1950. Ces systĂšmes ont finalement Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©s dans les annĂ©es 1990, pour devenir le « SystĂšme dâalerte du Nord », jouant un rĂŽle de plus en plus actif au fil des ans. Le voyage quâentreprend Donovan Wylie suit un plan Ă©laborĂ©. Le poste de surveillance sans per-
sonnel, construit aux frontiĂšres de la civilisation sur une chaĂźne de montagnes, et dont le rĂŽle est de dĂ©tecter des menaces invisibles, est lentement visĂ© en hĂ©licoptĂšre et stratĂ©giquement contournĂ©. Alors que la tour radar est toujours le point de mire, le paysage environnant change constamment ; les nuages se dĂ©chirent et rĂ©vĂšlent des rochers, de la glace et des fjords glaciaires. Le calme apparent au milieu de ce paysage blanc est cependant trompeur - lâĆil vigilant de la station militaire est dirigĂ© vers nous et enregistre le moindre de nos mouvements.
La sĂ©rie dâimages « Forest » du photographe finlandais Santeri Tuori est basĂ©e sur des annĂ©es dâobservation de motifs et dâendroits identiques (2011-2019) et sur la reprĂ©sentation rĂ©pĂ©tĂ©e de ceux-ci. La superposition de nĂ©gatifs individuels donne naissance Ă de nouvelles images. Le pouvoir du « moment dĂ©cisif » est annulĂ©. Le moment nâest quâune partie dâun tout, en somme, une nouvelle Ćuvre dâart complĂšte est créée.
Lâeffort pour dĂ©finir la crĂ©ation artistique comme un processus se reflĂšte Ă©galement dans son travail « Sky ». Si lâon considĂšre le ciel comme une surface de projection pour une variĂ©tĂ© infinie de formations nuageuses, leurs mouvements et leurs changements ne peuvent sâexpliquer que par le phĂ©nomĂšne du temps. Les photographies de Santeri Tuori font lâeffet dâimages dâun monde parallĂšle, dâun univers soumis Ă la loi du temps mais qui se meut et qui existe en dehors des paradigmes humains.
Le Svalbard est un archipel de lâArctique. Son territoire est rattachĂ© Ă la NorvĂšge, mais, Ă©tant dĂ©clarĂ© zone dĂ©militarisĂ©e, il occupe un statut neutre. Dans la langue norvĂ©gienne, le nom « Svalbard » dĂ©signe un « littoral frais », une description quâon peut prendre Ă la lettre, car la tempĂ©rature moyenne est de -6° C.
Lâarchipel nordique a le potentiel de toutes les narrations fantastiques ; son sol est peuplĂ© dâune diversitĂ© des espĂšces Ă©tonnante. Ses paysages sont riches en surface et sous terre.
Aujourdâhui, le Svalbard est un terrain dâaction pour une dizaine de nations diffĂ©rentes se profilant dans la recherche scientifique. Entre rĂ©serve naturelle Ă accĂšs rĂ©duit et zone de lancement de ballons-sondes scientifiques, cet archipel est fortement liĂ© Ă notre Ă©poque et soumis au rythme du prĂ©sent.
CARTE BLANCHE AUX ARTISTES-PHOTOGRAPHES SĂLECTIONNĂS EN 2019
Les pages suivantes sont dĂ©diĂ©es aux sept laurĂ©ats qui ont prĂ©sentĂ© leurs portfolios lors de la troisiĂšme Ă©dition de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio â Plateforme â Luxembourg le 15 mai 2019 dans lâauditorium du Cercle CitĂ©. Nous proposons traditionnellement quelques pages dans lâĂ©dition de lâannĂ©e suivante du Mois europĂ©en de la photographie pour documenter ce travail qui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au public.
Créée par CafĂ©-CrĂšme asbl et lâUniversitĂ© du Luxembourg dans le cadre du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg et Ă©laborĂ© par Cristina Dias de MagalhĂŁes, la premiĂšre Ă©dition de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio â Plateforme a eu lieu en avril 2015 Ă lâAbbaye NeumĂŒnster (NeimĂ«nster) Ă Luxembourg. Pour cette Ă©dition 2019, les laurĂ©ats avaient Ă©tĂ© invitĂ©s Ă expliquer leurs projets photographiques (prĂ©sentation de dix minutes en anglais) devant le
public et un jury dâexperts internationaux de lâimage composĂ© par Thomas Licek, ancien directeur de Eyes On â Month of Photography (Autriche), Verena Kaspar-Eisert, curatrice au Kunst Haus Wien (Vienna, Autriche) et de FotoWien, Christian Gattinoni, membre de lâAssociation Internationale des Critiques dâArt, rĂ©dacteur en chef de la revue en ligne « www.lacritique.org » (France), Branislav Stepanek curateur au Central European House of Photography (Bratislava, Slovaquie), Gabriela Uhl, curatrice et professeur Ă lâUniversitĂ© de Budapest (Hongrie), Angela Ferreira, artiste, curatrice ( Portugal), Maria Livia Brunelli, curatrice, galeriste (Ferrare, Italie), Audrey Hoareau, curatrice, co-fondatrice et codirectrice de The Red Eye (France) et Anouk Wies, responsable programmation culturelle et directrice artistique, Cercle CitĂ© (Luxembourg).
Ă lâissue des prĂ©sentations, les participants ont pu commenter sur une table individuelle leurs photos, leur publication ou autre documentation et Ă©changer individuellement avec les experts prĂ©sents. Le but de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio â Plateforme âLuxembourg est de crĂ©er des opportunitĂ©s pour les artistes-photographes luxembourgeois et pour ceux qui ont dĂ©jĂ exposĂ© au Luxembourg : leur rencontre avec des experts internationaux de renommĂ©e peut aboutir Ă de futurs projets dâexpositions ou de publications pour les participants.
Ainsi VĂ©ronique Kolber a Ă©tĂ© invitĂ©e par le membre de notre jury dâexpert, Anouk Wies, Ă montrer Fictitious location spotting for a non-existing movie au Cercle CitĂ© au Luxembourg-City. Patrick Galbats a exposĂ© Hit Me One More Time lors du festival Imago Lisboa 2020. Carole Melchior a exposĂ© eleutheromania en septembre 2020 au Centre dâArt Nei Liicht et a obtenu la bourse de publication
CNA 2019 pour ce projet, qui paraĂźtra en 2021 aux Gevaert Editions.
Véronique Kolber, Patrick Galbats et Carole Melchior sont trois des six photographes que le CNA a mandatés en 2020 pour témoigner de la pandémie actuelle.
SĂ©verine Peiffer continue sa sĂ©rie Transitions quâelle a montrĂ©e dans lâespace publique en 2020 sur la place Guillaume-II et en 2021 dans le parc de Merl Ă Luxembourg.
En 2019, Martine Pinnel a exposé Sea Dream Avenue au Salon artistique CAL (Luxembourg) et au Centre Culturel Niederanven et en 2020 à Art2Cure (Banque International Luxembourg).
En 2021, Jana Hartmann exposera Mastering the elements à la Alfred Ehrhardt Stiftung (Allemagne) et son livre photographique correspondant sera publié dans les éditions The Eriscay Connection.
IMMOBILE
KEVEN
ERICKSONLa sĂ©rie « Immobile » vient de ma fascination pour une attitude de plus en plus rĂ©pandue qui veut que les individus sont de plus en plus isolĂ©s, enfermĂ©s, constamment accrochĂ©s Ă leur tĂ©lĂ©phone. Cela me dĂ©range que nous choisissons de nous dĂ©connecter volontairement des autres alors que mon plus grand dĂ©fi dans la vie a toujours Ă©tĂ© de surmonter le fait dâĂȘtre introverti.
Nous sommes tellement absorbés par les smartphones que nous oublions ce qui se passe autour de nous. Pire encore, en marchant et en fixant le smartphone, nous nous transformons en une sorte de zombie, présents physiquement, absents mentalement. Je documente ce phénomÚne en parallÚle à mon exploration de divers
documents mĂ©dicaux en relation avec les problĂšmes qui peuvent en dĂ©couler. Je saisis des mouvements qui ont changĂ© en raison de lâutilisation du smartphone. Le rythme de la marche habituelle a Ă©tĂ© perturbĂ© et sâest transformĂ© en un mouvement alĂ©atoire. Il semble que le monde physique se transforme en un monde virtuel. Nous assistons Ă un processus qui gĂ©nĂšre une dĂ©formation de notre perception, menant Ă un aveuglement oĂč notre perception du monde extĂ©rieur est dĂ©viĂ©e vers le monde virtuel. Comme dans un jeu, je joue avec les figurants, je les dispose sur une scĂšne soigneusement arrangĂ©e oĂč leurs chemins se croisent et oĂč je prĂ©vois des collisions inĂ©vitables. Cette danse erratique, jâen ai bien peur, ne connaĂźtra pas de fin heureuse.
AU PAYS DâESZTER
UNE INVESTIGATION
PHOTOGRAPHIQUE AUTOUR DE LâAFFAIRE DE TISZAESZLAR.
PATRICK GALBATSUn matin dâavril 1882, Ă TiszaeszlĂĄr, dans la campagne hongroise, Eszter, une jeune fille de quatorze ans disparaĂźt en allant faire les courses. Ce jour-lĂ , une rĂ©union se tient Ă la synagogue du village pour choisir un abatteur rituel parmi les candidats venus de toute la rĂ©gion. TrĂšs vite, la rumeur se rĂ©pand : les juifs auraient enlevĂ© et Ă©gorgĂ© la jeune chrĂ©tienne pour ajouter son sang au pain azyme de la pĂąque juive...
(extrait du roman Lâaffaire Eszter Solymosy de Gyula Krudy (1931) )
Ces fausses accusations menaient à un procÚs contre 15 juifs au tribunal correctionnel de Nyireghaza (H), pour meurtre, complicité de crime et dissimulation de
corps. Lâhistoire est devenue connue au niveau international sous le nom de lâAffaire de Tiszaeszlar et nâa fait que nourrir lâambiance antisĂ©mite croissante de lâĂ©poque.
Lâacquittement et la libĂ©ration des 15 prisonniers en aoĂ»t 1883 a dĂ©clenchĂ© une vague de violences contre la population juive dâEurope.
Des dĂ©cennies plus tard, lâHolocauste a causĂ© presque 600 000 victimes dans la communautĂ© juive de Hongrie. AprĂšs 1945, seulement quelques rescapĂ©s des camps de concentrations sont retournĂ©s dans la rĂ©gion.
Aujourdâhui, Ă Tiszaeszlar et dans sa rĂ©gion, aucune trace rappelle lâinjustice faite contre les accusĂ©s dâantan. Seul le monument Ă©rigĂ© en 1994 sur le cimetiĂšre catholique de Tiszaeszlar en lâhonneur dâEszter Solymosi, nous laisse deviner que pour certains lâaffaire nâest toujours pas close.
Voici le point de départ de mon investigation.
(2017-21)
JANA HARTMANN
La nature «post-factuelle» de notre Ă©poque se manifeste Ă©galement par une crise de crĂ©dibilitĂ© croissante de la science moderne. NĂ©anmoins, nous vivons dans une phase de lâAnthropocĂšne oĂč la communautĂ© mondiale dĂ©pend plus que jamais de lâautoritĂ© qui Ă©mane de solutions scientifiques solides afin dâaffronter les risques complexes et existentiels du futur.
Dans son travail Mastering the elements, lâartiste Jana Hartmann examine la conquĂȘte de notre monde par la science dans des photographies qui juxtaposent la vision holistique du monde de lâalchimie avec les pratiques de la recherche moderne. Le travail photographique qui porte sur la recherche scientifique ou les sciences naturelles trouve son complĂ©ment dans une recherche sur des Ă©crits dâalchimistes et des publications de notre Ă©poque. En les reliant ensemble contextuellement, Jana Hartmann interpelle le systĂšme de valeurs de la recherche scientifique des origines Ă nos jours et dessine le tableau dâune quĂȘte constante pour prolonger la vie humaine et augmenter la prospĂ©ritĂ©. Selon elle, ce que lâhumanitĂ© moderne doit Ă lâalchimie se dĂ©couvre dans une philosophie oĂč lâhomme et la nature, lâesprit et la matiĂšre sont Ă©troitement liĂ©s.
MarquĂ©e depuis son plus jeune Ăąge par les livres de H.P. Lovecraft, Edgar A. Poe et surtout Stephen King, VĂ©ronique Kolber a dĂ©veloppĂ© au fil des annĂ©es une attirance certaine pour lâĂ©trange et les ambiances obscures de tension et de peur romantiques. AttirĂ©e par les histoires et les personnages de ces livres et de leurs adaptations filmiques, ainsi que par les univers mystĂ©rieux et la face ordinaire et dĂ©traquĂ©e de lâAmĂ©rique, elle entreprend plusieurs voyages aux « States » pendant huit ans. InspirĂ©e entre autres par Eggleston et Shore, elle rĂ©alise ainsi le projet American Diorama, une sĂ©lection de photographies personnelles de son pĂ©riple, de lieux inconnus, non identifiables et sans prĂ©sence humaine qui provoquent toutefois une sensation de dĂ©jĂ -vu et dĂ©clenchent irrĂ©mĂ©diablement une vague dâassociations auprĂšs du spectateur, comme un film qui se met automatiquement en route. En rĂ©fĂ©rence au cinĂ©ma et Ă son expĂ©rience profes-
sionnelle en tant que photographe de plateaux de tournages, le projet Ă©volue pour aboutir Ă fictitious location spotting for a non-existing movie. Les photographies sont accompagnĂ©es par des extraits de scripts de David Lynch, des frĂšres Coen, Christopher Nolan etc., revus par VĂ©ronique Kolber, qui rĂ©ussit par ces nouvelles associations Ă faire Ă©merger â entre hommage et dĂ©tournement des univers des maĂźtres âune autre narration.
Lâartiste prĂ©sente des images vraies, comme figĂ©es dans le temps, en attente dâaction et dâhistoires Ă Ă©crire : elle livre la toile de fond, le mirage amĂ©ricain, et invite le spectateur Ă fournir la narration, pour complĂ©ter la scĂšne suivante.
En infiltrant la filmographie de rĂ©alisateurs amĂ©ricains par des scripts quâelle Ă©crit elle-mĂȘme, lâartiste rajoute une dimension qui instaure un glissement inverse de la rĂ©alitĂ© des scĂ©narios Ă la fiction autobiographique et instaure le flou entre existence rĂ©elle, apparence et imaginaire collectif.
ELEUTHEROMANIA CAROLE MELCHIOR
LâexpĂ©rience des plis, accords et dĂ©saccords.
LâidĂ©e dâune libertĂ© excessive, ses possibles, ses dĂ©rives.
Câest sensible, incertain. Quel est le voyage ?
Lâenvers du manĂšge, doute et suspension, comme une pause, la pensĂ©e.
De multiples narrations sont possibles.
Sâagit-il de la fabrication dâun territoire ayant une fin ouverte, dâun pur prĂ©sent Ă composer ?
Circulation ininterrompue, rencontres, coexistences.
DĂ©placement physique, psychique, intĂ©rioritĂ© et extĂ©rioritĂ© conversent, des temporalitĂ©s se tissent, de proche en proche, Ă travers des corps, des objets, lâintuition des mains, structure, lâidĂ©e dâimages Ă venir.
Onze images mĂšre visage film dâarchives terre Ă©clipse
Touché électronique bande magnétique temps écoute expérimentation monde en relation
SâĂ©mouvoir penser devoir voir entendre penser Ă©crire lâenvers
Carole Melchior
Transitions est une sĂ©rie dâimages rĂ©alisĂ©e par la photographe luxembourgeoise SĂ©verine Peiffer en collaboration avec des Ă©lĂšves de lâenseignement secondaire au Luxembourg. Un projet Ă caractĂšre pĂ©dagogique soutenant une dĂ©marche autobiographique comme outil Ă la construction identitaire. Depuis son invention au milieu du 19e siĂšcle, la photographie a permis Ă lâHomme de dĂ©couvrir sa propre image et dâexplorer toutes les facettes de son ĂȘtre. AccompagnĂ©s par SĂ©verine, les jeunes ont fait lâexpĂ©rience du langage artistique pour exprimer leurs pensĂ©es, leurs peurs, leurs doutes, leurs identitĂ©s et enfin, se rĂ©vĂ©ler Ă eux-mĂȘmes. Si certains ont choisi de montrer leur optimisme et leur dĂ©termination, dâautres ont choisi la voie de la vulnĂ©rabilitĂ© et de la sensibilitĂ©, ou encore ont prĂ©fĂ©rĂ© garder une part de secret. Tous ont relevĂ© le dĂ©fi dâaffirmer leur personnalitĂ© par le biais de la crĂ©ation artistique
et particuliÚrement la photographie au collodion humide, un procédé datant du 19e siÚcle, appréciée par la photographe pour ses qualités à créer des portraits uniques et fascinants.
La sĂ©rie parle des Ă©motions de ces jeunes face au monde qui les entoure, atteste de leur prĂ©sence au monde et propose un dialogue entre eux et le public qui les regarde. Câest aussi lâoccasion pour eux, de prendre une respiration dans leur cursus scolaire et de prendre le temps de sâaffirmer en tant quâindividu dans la sociĂ©tĂ© actuelle.
La crise sanitaire actuelle et les mesures de protection introduites par le gouvernement ont profondĂ©ment impactĂ©es le systĂšme de lâĂ©ducation et la vie des jeunes. Il est devenu primordial de se prĂ©occuper de questions dâordre Ă©motionnel et psychologique concernant ces adultes en devenir. Quelles sont les difficultĂ©s auxquelles ils sont confrontĂ©s en temps dâincertitude? Et, que faisons-nous, en tant quâadultes, pour les soutenir Ă faire face aux enjeux sociĂ©taux engendrĂ©s par une telle crise?
Salton Sea est un environnement surrĂ©el; avec sa superficie de mille kilomĂštres carrĂ©s, le lac - ou mer intĂ©rieure - est situĂ© sur la faille de San Andreas, dans lâun des endroits les plus chauds et les plus secs du sud de la Californie.
Au début du XXe siÚcle, le site a attiré des colons qui en ont fait une zone agricole.
Le lac tel que nous le connaissons aujourdâhui a Ă©tĂ© créé accidentellement en 1905 lorsque de fortes crues du Colorado ont provoquĂ© des inondations. Cela a provoquĂ© la rupture dâun canal dâirrigation qui a alimentĂ© pendant deux ans le bassin assĂ©chĂ© de Salton.
Au fur et Ă mesure que lâindustrie agricole se dĂ©veloppait dans la vallĂ©e, de plus en plus dâeau, principalement les eaux de ruissellement de lâagriculture, se dĂ©versaient dans le bassin.
A partir des annĂ©es 20 du 20e siĂšcle, il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un puisard agricole. MĂȘme si le lac est une saline et lâeau de plus en plus salĂ©e, le lac est devenu un habitat pour de nombreuses espĂšces de poissons et dâoiseaux.
Dans les années 60, Salton Sea était devenu une zone de loisirs animée, attirant de nombreuses célébrités comme Frank Sinatra, les Beach Boys et Jerry Lee Lewis.
Mais aprĂšs de nombreuses catastrophes - lâune a fait mourir des millions de poissons quotidiennement sur ses rives - et lâinondation des stations balnĂ©aires voisines dans les annĂ©es 1990, provoquant le dĂ©part des gens, la vallĂ©e se trouvait pratiquement oubliĂ©e.
La sĂ©cheresse persistante en Californie, ainsi que la rĂ©duction des apports dâeau - en raison de changements conventionnels dans la rĂ©partition des eaux du Colorado - assĂ©chait le lac.
Les niveaux dâeau diminuaient et libĂ©raient des poussiĂšres toxiques et dangereuses pour les habitants de Salton Sea ainsi que pour toute la population du sud de la Californie.
Martine Pinnel vient Ă Salton Sea depuis 8 ans, connaĂźt lâendroit intimement et comprend ses charmes et ses difficultĂ©s.
Au printemps 2018, elle a sĂ©journĂ© pendant six semaines Ă Salton Sea avec lâartiste Melanie Planchard pour produire un court mĂ©trage et une sĂ©rie de photographies. Des portraits intimistes permettent au spectateur dâavoir un aperçu de la vie des personnes vivant autour de cette mĂšre intĂ©rieure et de leur maniĂšre dâaffronter un avenir incertain. Ce projet, intitulĂ© « Sea Dream Avenue », prĂ©sente un ensemble dâĆuvres qui documente la rĂ©alitĂ© visuelle de lâhistoire moderne de Salton Sea.
( traduction de lâanglais par Pierre Stiwer )
ASCHMAN CHRISTIAN
*1966
vit et travaille Ă Bruxelles & Luxembourg www.christian-aschman.com
ARBUGAEVA EVGENIA
*1985 République de Yakoutie (Russie) vit et travaille à Londres www.evgeniaarbugaeva.com
AUERBACHER DOMINIQUE
*1955
vit et travaille entre Paris, Strasbourg (France), Peterskirchen (Allemagne) et Berlin
BALTZER BRUNO
*1965
vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.bruno-baltzer.net
BENJAMINSEN ELINE
*1992 NorvĂšge vit et travaille aux Pays-Bas www.elinebenjaminsen.com
BISAGNO LEONORA
*1977
vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.leonorabisagno.com
BLAU JUSTINE
*1977
vit et travaille Ă Luxembourg www.justineblau.com
BUÄAN VANJA
*1973 Nova Gorica, Slovenie vit et travaille Ă Berlin www.vanjabucan.com
CAPESIUS MARIE
*1989
Vit et travaille au Luxembourg www.mariecapesius.com
COSTENOBLE ANNE-SOPHIE
*1967 vit et travaille en Belgique www.ascostenoble.be
*1979 Luxembourg vit et travaille Ă Luxembourg www.cristina-dias.com
ELSHAN ROZAFA
*1994 Vit et travaille Ă Bruxelles www.rozafaelshan.com
ERICKSON KEVEN
*1979 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.erickson-photo.com
FLOCâH NICOLAS
*1970 Rennes (France) vit et travaille Ă Paris www.nicolasfloch.net
FRITH FRANCIS
*1882-1898 Chesterfield (Derbyshire, Angleterre); mort Ă Cannes, France http://pic.nypl.org/constituents/1746
GALBATS PATRICK
*1978 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.patrickgalbats.com
GLAUBITZ FLORIAN
*1985 Allemagne
vit et travaille Ă Maintz et Leipzig, Allemagne www.flux4art.de/kuenstler-innen/florian-glaubitz
GOUDAL NOĂMIE
*1984 vit et travaille entre Paris et Londres www.noemiegoudal.com
HARTMANN JANA
*1971 Allemagne vit et travaille Ă Francfort-sur-le-Main, Allemagne www.janahartmann.eu
HOFMAN JEROEN
*1976 vit et travaille Ă Amsterdam www.jeroenhofman.com
HUBER FRAUKE
*1966
vit et travaille Ă Hambourg Allemagne www.landrushproject.com
IANCHIS MARIA-MAGDALENA
*1982 Roumanie vit et travaille entre ReykjavĂk, Islande et Vienne, Autriche
www.maria-magdalenaianchis.at
INKA & NICLAS (LINDERGĂ RD)
*1985 Finlande & *1984 SuĂšde vivent et travaillent Ă Stockholm, SuĂšde www.inkaandniclas.com
KAHILANIEMI JAAKKO
*1989 Finlande vit et travaille Ă Helsinki, Finlande www.jaakkokahilaniemi.com
KANTANEN SANDRA
*1974 Finlande vit et travaille Ă Hanko, Finlande www.sandrakantanen.com
KOHL LISA
*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.lisa-kohl.com
KOLBER VĂRONIQUE
*1978 Luxembourg vit et travaille Ă Steinsel, Luxembourg www.veroniquekolber.com
LAMBERT YVON
*1955 vit et travaille Ă Esch/Alzette (Luxembourg)
LANIER MARINE
*1981 Valence (France) vit et travaille entre Crest et Lyon. www.marinelanier.com
LE SERGENT DAPHNĂ
*1975 Corée du Sud vit et travaille à Paris, France www.daphnelesergent.com
MANDRY DOUGLAS
*1989
vit et travaille Ă ZĂŒrich, Suisse www.douglasmandry.com
MARTIN UWE H.
*1973
vit et travaille Ă Hambourg, Allemagne www.uwehmartin.de
MELCHIOR CAROLE
*1972 Belgique vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique www.carolemelchior.com
MITYUKOVA ANASTASIA
*1992
vit et travaille Ă GenĂšve, Suisse www.anastasiamityukova.ch
MOURAZ TITO
*1977
vit et travaille Ă Lisbonne, Portugal www.titomouraz.com
OESCH JOHN
*1965
vit et travaille au Luxembourg www.vision.lu
PĂIVĂLĂINEN RIITTA
*1969
vit et travaille Ă Helsinki, Finlande www.riittapaivalainen.com
PEIFFER SĂVERINE
*1981 Luxembourg vit et travaille Ă Luxembourg www.severinepeiffer.com
PINNEL MARTINE
*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.martinepinnel.com
POITEVIN ERIC
*1961 Longuyon (France, Meurthe & Moselle) vit et travaille en France
QUETSCH ARMAND
*1980
vit et travaille au Luxembourg www.armandquetsch.com
REUTER DANIEL
*1976
vit et travaille entre Luxembourg et Reykjavik, Islande www.danielreuter.net
SEIDEL THILO
*1987
vit et travaille Ă Sarrebruck, Allemagne
SOMMER MARIE
*1984
Vit et travaille Ă Paris www.mariesommer.com
TKACHENKO DANILA
*1989
vit et travaille Ă Moscou, Russie www.danilatkachenko.com
TRIPP CAECILIA
*1968 nomade www.caeciliatripp.com
TRĂLZSCH HOLGER
*1939 vit et travaille entre Peterskirchen (Allemagne ), Berlin et Paris
TUORI SANTERI
*1970 Finlande vit et travaille Ă Helsinki www.santerituori.com
VERZONE PAOLO
*1967 Italie vit et travaille en Italie et en Espagne www.paoloverzone.com
VIALET ĂMILIE
*1980
vit et travaille Ă Strasbourg, France www.emilievialet.com
DONOVAN WYLIE
*1971 Irlande du Nord vit et travaille Ă Belfast www.donovanwylie.studio
Artists of the Mudam exhibition featured in the catalogue:
ATKINS ANNA GREEN CONRAD THEODOR
SERT JOSĂ MARĂA
Artists of the slide show «Rethinking Nature» featured in the catalogue:
BRITTA BAUMANN
PHILLIPA BLOOM
NOEMI COMI
CLAUDIA FRITZ
SEULKI KI
ELENA KRISTOFOR
CALIN KRUSE
SONIA MANGIAPANE
KAVEER RAI
NAZANIN RAISSI
ANNA SIGGELKOW
MERVE TERZI
GESCHE WĂRFEL
LIEUX DâEXPOSITION / VENUES AND EXHIBITIONS
LUXEMBOURG
Archives nationales de Luxembourg
2 Plateau du Saint-Esprit, 1475
Tél : (+352) 24 78 66 60
E-mail : relations.publiques@an.etat.lu
www.anlux.public.lu
Exposition Yvan Lambert, Derniers Feux > 29.09.2021 â 30.04.2022 (sous rĂ©serve)
Arendt & Art
41 A, Avenue J. F. Kennedy, L-2082
Luxembourg
Tél : (+352) 40 78 78 1
www.arendt.com
EMoP Arendt Award remise du prix 02.06.2021
EMoP Selection > 09.05 - 12.09.2021
Noémie Goudal > automne - hiver 2021
BibliothĂšque nationale du Luxembourg
37d Avenue John F. Kennedy, 1855
Luxembourg
Tél : (+352) 26 55 9-100
www.bnl.public.lu
E-mail : info@bnl.etat.lu
Views of Luxembourg and the âOrientâ
Francis Frith and Victorian Photography > 06.05 - 26.06.2021
Casino Luxembourg â Forum dâart
contemporain
41, rue Notre-Dame L-2240 Luxembourg
Tél : (+352) 22 50 45
www.casino-luxembourg.lu
Daphné Le Sergent : Silver Memories (Rethinking Nature / Rethinking Landscape) > 03.04 - 06.06.2021
Slide Show: Rethinking Nature > 01.06.07.06.2021
RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio â Plateforme âLuxembourg â Ă©dition 2021 > 2.06.2021
Cercle CitĂ© â Espace dâexposition
Ratskeller
Place dâArmes 2, rue du CurĂ© L-1368
Luxembourg
Tél : (+352) 46 49 46 - 1
www.cerclecite.lu
Rethinking Nature ( V.BuÄan, A. Mituykova, M. Ianchis, J. Blau, N. Flocâh ) > 30.04 - 27.06.2021
Fellner contemporary
2a, Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg www.fellnercontemporary.lu
Ăric Poitevin > 17.06 - 28.08.2020
MOB-ART studio
19a Avenue de la Porte-Neuve, L-2224 Luxembourg
Tél : (+352) 691 10 96 45
www.mob-artstudio.lu
John Oesch > 21.04 - 22.05.2021
Galerie Nosbaum Reding
4 Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg
Tél : (+352) 26 19 05 55
www.nosbaumreding.lu
Daniel Reuter: Oversees > 22.0412.06.2021
Galerie Valerius
1, Place de Theatre | L-2613 Luxembourg info@valeriusartgallery.com
www.valeriusartgallery.com/
Taming Nature > 26.05 - 26.06.2021
Instituto CamÔes, Centre culturel portugais
4, Place Joseph Thorn, L-2637 Luxembourg
Tél : (+352) 46 33 71-1
www.instituto-camoes.pt
Tito Mouraz: Fluvial > 04.06 -16.07.2021
Mudam Luxembourg â MusĂ©e dâArt
Moderne Grand-Duc Jean
3, Park DrÀi Eechelen, L-1499
Luxembourg-Kirchberg
Tél : (+352) 45 37 85 1
www.mudam.com
Enfin seules. Photographies de la collection Archive of Modern Conflict > 01.05 â 19.09.2021
MusĂ©e National dâHistoire et dâArt
Luxembourg (MNHA)
Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg
Tél : (+352) 47 93 30 1
www.mnha.lu
Rethinking Landscape: Inka & Niclas, Daniel Reuter, Douglas Mandry, Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, Danila
Tkachenko > 07.05 - 17.10.2021
Neimënster (Abbaye de Neumunster)
28, rue MĂŒnster, L-2160 Luxembourg
Tél: (+352) 26 20 52 1 www.neimenster.lu
Lisa Kohl â Land (E)scape > 29.0403.06.2021
Regards sans limites, Patrick Galbats, Anne-Sophie Costenoble, Florian Glaubitz, Thilo Seidel, Ămilie Vialet > 29.04 - 03.06.2021
Marine Lanier / Les Contes sauvages > 29.04 - 03.06.2021
Parc de Merl â Luxembourg Instincts. Same but different - Cristina Dias de Magalhaes > 04.2021 - 09.2021
Villa Vauban â MusĂ©e dâArt de la Ville de Luxembourg
18, Avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg
Tél : (+352) 47 96 49 00 www.villavauban.lu
Holger TrĂŒlzsch / Dominique Auerbacher: Les Paysages du Kairos > 27.04 - 12.09.2021
Clervaux â citĂ© de lâimage a.s.b.l. Maison du Tourisme et de la Culture
11, Grand-rue, L-9710 Clervaux
TEL : (+352) 26 90 34 96 www.clervauximage.lu
NORD â Six installations photographiques Ă ciel ouvert
Jeroen Hofman 16/09/2020 - 15/09/2021
Christian Aschman 25/09/202024/09/2021
Paolo Verzone 25/09/2020 - 24/09/2021
Evgenia Arbugaeva 23/10/202022/10/2021
Santeri Tuori 26/03/2021 â 25/03/2022
Donovan Wylie 09/04/2021 â 08/04/2022
The Family of Man - Steichen Collections
CNA â ChĂąteau de Clervaux
L-9710 Clervaux
Tél.: +352 92 96 57 www.steichencollections-cna.lu
The Family of Man > 01.03.202101.01.2022
Centre national de lâaudiovisuel (CNA) 1b, rue du Centenaire, L-3475 Dudelange
Tél : (+352) 52 24 24 1 www.cna.lu
Waassertuerm : Collapsed Mythologies / Une annexe au lexique géo-financier
dâ Eline Benjaminsen > 22.05 - 28.08.2021
Pomhouse : LandRush / Ventures into global agriculture de Frauke Huber & Uwe
H. Martin > 20.03 - 29.08.2021
Display 01 : Marie Sommer - LâOeil et la Glace > 24.04. - 29.08.2021
Centre dâArt Nei Liicht
Rue Dominique Lang, 3505 Dudelange
Tél : (+352) 51 61 21-292
https://www.galeries-dudelange.lu/
Marie Capesius - Heliopolis > 24.04.13.06.2021
Centre dâArt Dominique Lang Gare Dudelange-Ville
Tél : (+352) 51 61 21-292
https://www.galeries-dudelange.lu/
Rozafa Elshan - SynthĂšse dâune excursion > 24.04. - 13.06.2021
ESCH / ALZETTE
Konschthal Esch
29-33 Bvd Prince Henri L-4280 Esch-sur-Alzette info@konschthal.lu www.konschthal.lu
Schaufenster 3 : Caecilia Tripp: Liquid Earth
Armand Quetsch: by the same paths > 29.05. - 29.08.2021
LĂ«tâz Arles - Daniel Reuter (Providencia) et Lisa Kohl (ERRE) > automne / hiver 2021-2022
Mme Sam Tanson, Ministre de la Culture
M. Jo Kox, premier conseiller de Gouvernement au MinistĂšre de la Culture
Mme Lydie Polfer, Maire de la Ville de Luxembourg
Mme Josée Kirps, directrice des Archives nationales de Luxembourg
Mme Sanja Simic, responsable communication des Archives nationales de Luxembourg
M. Claude D. Conter, directeur de la BibliothĂšque Nationale du Luxembourg
Mme Nadine Esslingen, responsable de la médiathÚque de la BNL
M. Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg â Forum dâart contemporain
Mme Stella Arieti, commissaire dâexposition au Casino LuxembourgForum dâart contemporain
M. Paul Lesch, directeur du Centre National de lâAudiovisuel
Mme MichÚle Walerich, responsable du département photo au CNA
Mme Daniela Del Fabbro, commissaire dâexposition au CNA
Mme Anke Reitz, responsable de la collection Edward Steichen au CNA
Mme Suzanne Cotter, directrice du Mudam Luxembourg â MusĂ©e dâArt Moderne
Grand-Duc Jean
Mme Michelle Cotton, chef de dĂ©partement, programmation artistique et contenu, Mudam Luxembourg â MusĂ©e dâArt Moderne Grand-Duc Jean
M. Christophe Gallois, curateur, responsable des expositions, Mudam Luxembourg âMusĂ©e dâArt Moderne Grand-Duc Jean
M. Michel Polfer, directeur du MusĂ©e National dâHistoire et dâArt Luxembourg
M. Timothy Prus, directeur de lâArchive of Modern Conflict, Mudam Luxembourg âMusĂ©e dâArt Moderne Grand-Duc Jean
M. Ruud Priem, conservateur du MusĂ©e National dâHistoire et dâArt Luxembourg
Mme Ainhoa Achutegui, directrice du CCR Neimënster
M. Claudio Minelli, responsable des expositions CCR Neimënster
Mme Christiane Sietzen, responsable des services culturels de la Ville de Luxembourg
Mme Anouk Wies, directrice artistique du Cercle CitĂ© â Ratskeller espace dâexposition
Mme Vanessa Cum, coordinatrice culturelle de la Ville de Luxembourg
M. Guy Thewes, directeur Les 2 Musées de la Ville de Luxembourg
Mme Gabriele Grawe, conservatrice Ă la Villa Vauban - MusĂ©e dâArt de la Ville de Luxembourg
Mme Annick Meyer, directrice Clervaux CitĂ© de lâImage
Mme MarlĂšne Kreins, directrice des centres dâart de la Ville de Dudelange
M. Christian Mosar, directeur artistique de la Konschthal Esch
Mme Florence Reckinger-TaddeĂŻ, prĂ©sidente de LĂ«tâz Arles
M. Bruno Perdu, ambassadeur de France, Luxembourg
Mme Laurence Lochu, directrice de lâInstitut français, Luxembourg
M. AntĂłnio Gamito, ambassadeur du Portugal au Luxembourg
Mme AdĂlia Martins de Carvalho, directrice du Centre Culturel Portugais - CamĂ”es
M. Philippe Dupont, associé Etude Arendt
Mme Danielle Igniti, commissaire dâexposition
M. Alex Reding, galeriste
M. Luc Schroeder, galeriste
M. Gerard Valerius, galeriste
Mme Yasemin Elci, commissaire dâexposition
LES GALERIES SUIVANTES / THE FOLLOWING GALLERIES
ANTWERP
NK Gallery Antwerp Pourbusstraat 19, 2000 Antwerp www.nkgallery.be
BERLIN
Dorothée Nilsson Gallery
Potsdamer StraĂe 65 10785 Berlin www.dorotheenilsson.com
PARIS
Galerie Les Filles du Calvaire 17, rue des Filles du Calvaire 75003 Paris www.fillesducalvaire.com
Galerie Maubert 20 rue Saint-Gilles 75003 Paris www.galeriemaubert.com
ZĂRICH
Bildhalle Galerie Stauffacherquai 56 CH-8004 ZĂŒrich www.bildhalle.ch
LUXEMBOURG
Galerie Fellner contemporary 2a Rue Wiltheim
L-2733 Luxembourg
www.fellnercontemporary.lu
Galerie Nosbaum & Reding
2 + 4, rue Wiltheim
L-2733 Luxembourg
www.nosbaumreding.lu
MOB-ART Studio
19a Avenue de la Porte-Neuve L-2224 Luxembourg www.mob-artstudio.lu
Valerius Gallery
1, Place du Théùtre L-2613 Luxembourg
www.valeriusartgallery.com
BOURSE REGARDS SANS LIMITES / BLICKE OHNE GRENZEN PARTENAIRES / SOUTIENS FINANCIERS
Nouvel Observatoire Photographique du Grand-Est Région Grand-Est
DĂ©partement de la Moselle MinistĂšre de lâEducation et de la Culture de la Sarre SaarlĂ€ndisches KĂŒnstlerhaus SaarbrĂŒcken e. V Abbaye de Neumunster
THE EMOP NETWORK
BERLIN
City of Berlin
Tim Renner (Permanent Secretary for Cultural Affairs)
Moritz van DĂŒlmen (director of Kulturprojekte Berlin)
Oliver Baetz, manager of Kulturprojekte Berlin and the European Month of Photography Berlin
LISBONNE
Imago Lisboa, Rui Prata
LUXEMBOURG
Café-CrÚme asbl, Paul di Felice, Pierre Stiwer, directors
PARIS
Emmanuelle Halkin, commissaire membre du Comité artistique du collectif FETART
VIENNA
Dr. Bettina Leidl, director of Kunst Haus Vienna Verena Kaspar-Eisert, curator at Kunst Haus, Vienna
Editor / Publisher
Paul di Felice, Pierre Stiwer ( Café-CrÚme asbl )
Organisation du Mois européen de la photographie Luxembourg / Managers of EMoP Luxembourg
Paul di Felice, Pierre Stiwer (directeurs)
Assistante principale / Main assistant
Krystyna Dul
Traductions selon indications / Translations as indicated
Pierre Stiwer & Simon Welch; Claire di Felice
RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio â Plateforme â Luxembourg
Cristina Dias de Magalhães & Café-CrÚme asbl
Conception graphique / Graphic Design
hyke.studio
Droits / Credits
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Offset Printing House KOPA, Vilnius, Lituanie
ISBN 978-99959-674-8-2
photo de la couverture / cover photo
Vanja BuÄan ©
NOSBAUM & REDING ART CONTEMPORAIN
SaarlĂ€ndisches KĂŒnstlerhaus SaarbrĂŒcken e.V.