European Months of Photography Luxembourg catalogue 2021

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EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021

2 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 SOMMAIRE Inka & Niclas, 4K Ultra HD I, 2018
3 04 Avant-propos 06 Arendt & Art, Rethinking Nature / Rethinking Landscape: European Month of Photography Arendt Award 12 Arendt & Art, NoĂ©mie Goudal 14 MusĂ©e National d’Histoire et d’Art (MNHA), Rethinking Landscape 22 Cercle CitĂ© – Ratskeller espace d’exposition, Rethinking Nature 28 Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, DaphnĂ© Le Sergent - Silver Memories  32 Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Slide Show: Rethinking Nature 34 Villa Vauban – MusĂ©e d’Art de la Ville de Luxembourg,  Les paysages du Kairos 38 Mudam Luxembourg - MusĂ©e d’Art Moderne Grand-Duc Jean, Enfin seules. Photographies de la Collection “ Archive of Modern Conflict “ 42 neimĂ«nster, Land(E)scape - Lisa Kohl 46 neimĂ«nster, Les Contes sauvages - Marine Lanier 50 neimĂ«nster, Regards sans limites 54 Centre d’art Nei Liicht:  Archipel - Marie Capesius: Heliopolis - Dans l’ombre bleue de la CitĂ© du Soleil 58 Centre d’art Dominique Lang: Archipel - Rozafa Elshan: SynthĂšse d’une excursion 60 CNA Display 01, Archipel - Marie Sommer: l’ƒil et la Glace  62 CNA Pomhouse, Landrush 64 CNA Waassertuerm: Collapsed mythologies 66 Clervaux, The Family of Man, MĂ©moire du Monde de l’UNESCO 68 Archives nationales, Yvon Lambert - Derniers Feux 72 BibliothĂšque nationale du Luxembourg, Vues du Luxembourg et de « l’Orient » - Francis Frith, a Victorian photographer 76 Instituto CamĂ”es, Centre culturel portugais, Tito Mouraz: Fluvial 80 Galerie Nosbaum Reding, Daniel Reuter: Oversees 84 Fellner contemporary, Éric Poitevin 88 Valerius Gallery, Taming Nature - Helsinki School of Photography 92 MOB-ART studio, John Oesch 94 Parc de Merl, Instincts. Same but different : Cristina Dias de MagalhĂŁes 96 Konschthal Esch, Schaufenster 3: Armand Quetsch, Caecilia Tripp  100 Konschthal Esch, LĂ«t’z Arles - Daniel Reuter: Providencia & Lisa Kohl: ERRE 104 Clervaux CitĂ© de l’image, Nord: 6 Installations photographiques Ă  ciel ouvert 110 RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg 120 Index des artistes 122 Informations pratiques  123 Remerciements / Partenaires PAGE

AVANT-PROPOS

Pour la huitiĂšme Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg, nous avons choisi le titre “Rethinking Nature / Rethinking Landscape”. Les thĂšmes qu’évoque ce titre sont Ă©videmment liĂ©s aux questions actuelles concernant les relations humaines avec l’environnement et aux nouvelles approches esthĂ©tiques du paysage, genre que la photographie a su mettre en valeur dĂšs ses dĂ©buts.

Avec les positions plus radicales des artistes du mouvement des New Topographics dans les annĂ©es 60, et l’arrivĂ©e du numĂ©rique dans les annĂ©es 90, les codes de reprĂ©sentation du paysage ont radicalement changĂ©s de sorte Ă  faire Ă©merger aujourd’hui de nouvelles approches paysagĂšres multi-mĂ©diales.

Alors que les transformations du systĂšme terrestre par l’homme laissent une empreinte indĂ©lĂ©bile, il est d’actualitĂ© de s’intĂ©resser aux nouvelles façons de voir ces phĂ©nomĂšnes aussi bien du point de vue sociĂ©tal, dans le contexte de l’AnthropocĂšne, qu’artistique dans un dispositif de photographie politique et engagĂ©e.

Ancré dans un réseau européen de festivals de la photographie, depuis 2006, avec une nouvelle constellation comprenant Circulation(s) (Paris), Imago Lisboa (Lisbonne), Foto Wien (Vienne) et EuropÀischer Monat der Fotografie (Berlin) - le Mois européen de la photographie au Luxembourg

permet d’établir une plateforme de la crĂ©ation photographique europĂ©enne qui s’enrichit d’édition en Ă©dition par rapport au thĂšme imposĂ© et Ă  partir de laquelle Ă©mergent des expositions thĂ©matiques de groupe et monographiques.

Ainsi, avec Rethinking Nature / Rethinking Landscape EMoP poursuit ses recherches photographiques sur les changements politiques, écologiques et artistiques de notre société, présentées notamment dans les expositions Mutations (2006-2011) et DistURBANces (2012-2013), en révélant de nouvelles positions photographiques face aux enjeux de la mondialisation et du réchauffement climatique.

NĂ©anmoins, comme pour les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes, la sĂ©lection n’est pas dogmatique et reflĂšte l’idĂ©e d’échange entre les partenaires europĂ©ens et nationaux tout en privilĂ©giant la crĂ©ation internationale Ă©mergente. De la photographie-sculpture et de la photographie-dessin aux installations, du noir&blanc sĂ©riel et conceptuel Ă  l’image hyper colorĂ© dĂ©clinĂ©e sur les supports les plus variĂ©s, la photographie de paysage proposĂ©e dans cette Ă©dition n’est pas lisse mais au contraire suscite des questionnements saillants sur notre rapport Ă  la nature.

Cependant face à ce bouleversement planétaire, ces positions photographiques variées ne sont pas alarmistes et catastrophistes mais le résultat de

4 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
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différentes approches esthétiques entre écologie éthique et résistance poético-philosophique.

En rĂ©flĂ©chissant aujourd’hui aux reprĂ©sentations photographiques de cette nature menacĂ©e, les artistes nous invitent Ă  repenser le genre du paysage tout en lui donnant une dimension plus complexe oĂč la beautĂ© est aussi une question de sensibilitĂ© et de conscience de notre environnement.

Dans ce contexte thĂ©matique et Ă  partir d’un ensemble d’une cinquantaine d’artistes, le jury d’EMoP (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne) a retenu cinq artistes en vue du prix European Month of Photography Arendt Award dont une partie des Ɠuvres sera montrĂ©e au Arendt House parallĂšlement au Cercle Ratskeller et au MusĂ©e national d’Histoire et d’Art avec d’autres artistes prĂ©sentĂ©s lors des Ă©changes entre curateurs des festivals europĂ©ens et co-sĂ©lectionnĂ©s avec les partenaires luxembourgeois.

Les expositions au Mudam, Ă  la Villa Vauban (installation au parc), au Casino Luxembourg, au centre culturel neimĂ«nster mais aussi Ă  la CitĂ© de l’Image Ă  Clervaux, au CNA Ă  Dudelange, aux centres d’arts de Dudelange (Nei Liicht et Dominique Lang) et Ă  la toute nouvelle Konschthal Esch dĂ©clinent le thĂšme en restant dans l’esprit de leur programmation.

RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE

Le Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg est toujours l’occasion de cĂ©lĂ©brer la photographie sous ses formes les plus nouvelles comme celles du passĂ©. On peut ainsi redĂ©couvrir notre patrimoine photographique Ă  travers les collections comme celle de The Family of Man ou Ă  travers les expositions de la BibliothĂšque nationale ou des Archives nationales.

Les galeries luxembourgeoises comme Nosbaum Reding, Valerius, Fellner contemporary, MOB-ART studio tout comme l’Institut français et l’Institut CamĂ”es dĂ©fendent quant Ă  eux un volet plus ancrĂ© dans le contemporain. À cela s’ajoute la prĂ©sence incontournable de LĂ«t’z Arles dans le paysage photographique luxembourgeois.

Nous remercions pour cette Ă©dition le MinistĂšre de la Culture, la Ville de Luxembourg et plus particuliĂšrement nos partenaires institutionnels ainsi que ceux du privĂ© sans lesquels une manifestation comme celle-ci ne serait pas possible. Leur engagement constitue le fondement mĂȘme d’un Ă©vĂ©nement culturel comme le Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg.

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Paul di Felice et Pierre Stiwer (Café-CrÚme asbl) directeurs de EMoPLux 2021 (European Month of Photography Luxembourg).
6 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Inka & Niclas, Vista Point VIII, 2014

COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE

EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY ARENDT AWARD 2021

ARENDT & ART

Le “European Month of Photography Arendt Award” est un prix prestigieux rĂ©compensant tous les deux ans les artistes visuels Ă©mergents qui proposent un travail artistique innovant et pertinent par rapport Ă  la thĂ©matique choisie par le rĂ©seau EMoP (European Month of Photography) dont l’association du mĂȘme nom a son siĂšge au Luxembourg.

Depuis 2013, Arendt, cabinet d’avocat indĂ©pendant, basĂ© Ă  Luxembourg est affiliĂ© au Mois EuropĂ©en de la Photographie au Luxembourg. À travers le parrainage du Prix EMoP, Arendt offre une plateforme Ă  cinq artistes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s choisis parmi ceux invitĂ©s aux expositions du rĂ©seau EMoP. En rĂ©compensant les jeunes laurĂ©ats et en participant aux expositions du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg, Arendt soutient l’art de la photographie depuis plus de 15 ans.

En choisissant Rethinking Nature / Rethinking Landscape comme thĂšme de son projet commun, l’Association du Mois europĂ©en de la photographie cherche Ă  mobiliser le pouvoir du mĂ©dium de la photographie pour Ă©tendre le discours Ă©cologique Ă  travers de nouveaux regards Ă©mergents sur la nature et le paysage.

Le jury EMoP était composé de Paul di Felice (président / Luxembourg), Bettina Leidl (vice-présidente / Vienne) et des membres du comité Emmanuelle Halkin (Paris), Verena Kaspar- Eisert (Vienne) et Rui Prata (Lisbonne).

7 ARENDT & ART ‱ RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE
ARTISTES LAURÉATS PRÉSÉLECTIONNÉS POUR LE PRIX MARIA-MAGDALENA IANCHIS, INKA & NICLAS, VANJA BUČAN, ANASTASIA MITYUKOVA, DANILA TKACHENKO PAUL DI FELICE POUR CAFÉ-CRÈME ASBL EN COLLABORATION AVEC LES PARTENAIRES D’EMOP
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Les cinq artistes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s s’intĂ©ressent Ă  la complexitĂ© de la corrĂ©lation entre l’homme et la nature et rĂ©flĂ©chissent chacun Ă  sa façon sur les nouvelles reprĂ©sentations et fictions du paysage. Avec les photographies de Vanja Bučan nous entrons dans un univers fantasmagorique et onirique illustrant un Ă©cosystĂšme disposĂ© de maniĂšre inhabituelle. Chez Inka & Niclas les visions perturbĂ©es du paysage sont de l’ordre de l’étrange et du sublime, alors que les photographies des villages ruraux russes en ruine

de Danila Tkachenko tĂ©moignent d’une Ă©poque historique rĂ©volue. Chez Anastasia Mituykova comme chez Maria Magdalena Ianchis, les reprĂ©sentations des icebergs et paysages de glace du GroĂ«nland se dĂ©clinent sous diffĂ©rentes formes d’images mentales et rĂ©elles qui se prĂ©sentent dans des installations oĂč l’archive et la mĂ©moire tentent de reprĂ©senter les stigmates de l’AnthropocĂšne et de combler le vide laissĂ© par l’impossibilitĂ© de photographier la complexitĂ© de la nature.

8 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Danila Tkachenko, Motherland, 2016
9 ARENDT & ART ‱ RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE
Vanja Bučan, Concrete flowers
10 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Anastasia Mityukova, Disappearing act, 2021
11 ARENDT & ART ‱ RETHINKING NATURE / RETHINKING LANDSCAPE
Maria-Magdalena Ianchis, Memories
12 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Noémie Goudal, Iceberg, 2012

ARENDT & ART

NOÉMIE GOUDAL

Le travail de NoĂ©mie Goudal explore le rapport de la nature Ă  l’artificiel, de la science Ă  l’imaginaire, du construit Ă  l’inventĂ©. À travers ses oeuvres, elle questionne le paysage sous diffĂ©rents angles, comme une Ă©dification du regard.

FascinĂ©e par la relation entre un paysage physique et sa construction mentale, elle joue de ce qu’elle reprĂ©sente et de ce qu’elle a reprĂ©sentĂ© historiquement dans l’imaginaire collectif. Une partie de l’oeuvre de l’artiste se compose de larges installations et sculptures qu’elle fabrique

de toutes piĂšces et photographie in situ crĂ©ant ainsi des « espaces autres », comme ceux dĂ©crits par le philosophe Michel Foucault. La rĂ©union d’espaces fictionnels et d’espaces gĂ©ographiques fabrique des « hĂ©tĂ©rotopies », lieux concrets qui hĂ©bergent l’imaginaire.

13 ARENDT & ART ‱ NOÉMIE GOUDAL
ARTISTE NOÉMIE GOUDAL COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION PAUL DI FELICE
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14 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Inka & Niclas, 4K Ultra HD II (Tropical), 2018

ARTISTES

BRUNO

COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION

PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL),

RETHINKING LANDSCAPE

Comme pour les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes du Mois europĂ©en de la photographie, le thĂšme gĂ©nĂ©rique “Rethinking Nature / Rethinking Landscape” se dĂ©cline sous diffĂ©rentes formes et diffĂ©rents angles de vues, entre dĂ©construction du « paysage » et exploration artistique de la « nature ».

Les reprĂ©sentations paysagĂšres ont une longue et riche histoire dans l’art et leurs transgressions aussi. On pense notamment aux « marcheurs » anglais et autres formes du Land art qui Ă  partir des annĂ©es 70 ont radicalement changĂ© la reprĂ©sentation du paysage. En devenant support, le paysage n’est plus reprĂ©sentĂ© par l’artiste en tant que sujet, mais traversĂ© physiquement comme expĂ©rience artistique.

ET D’ART

Cette approche s’accompagnait dĂ©jĂ  d’une prise de conscience du rapport de plus en plus dĂ©sĂ©quilibrĂ© entre l’homme et la nature.

Aujourd’hui, aux questions qui touchent Ă  l’empreinte environnementale et le dĂ©passement des capacitĂ©s de la planĂšte, les artistes rĂ©pondent en participant de plus en plus Ă  l’éveil d’une nouvelle conscience Ă©cologique. Mais comment ces nouveaux constats se traduisent-ils visuellement ?

Rethinking Landscape propose cinq positions d’artistes portant un nouveau regard photographique sur les reprĂ©sentations du paysage et montrant de nouvelles approches esthĂ©tiques trĂšs variĂ©es entre fiction, sublimation et distanciation.

15 MNHA – MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE ET D’ART ‱ RETHINKING LANDSCAPE MNHA MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE
BALTZER/LEONORA BISAGNO (LUXBG.), INKA & NICLAS (FIN/SUÈDE), DOUGLAS MANDRY (SUISSE), DANIEL REUTER (LUXEMBOURG/ISLANDE), DANILA TKACHENKO (RUSSIE) RUUD PRIEM (POUR LE MUSÉE NATIONAL D’HISTORIE ER D’ART LUXEMBOURG)
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16 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, Sur la pointe de l’iceberg (03) Inka & Niclas, Family portrait III

C’est ainsi que Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, artistes franco-italiens qui vivent au Luxembourg, s’intĂ©ressent au paysage en continuant leur recherche artistique sur la poĂŻĂ©tique de l’image, l’acte photographique et les reprĂ©sentations visuelles. Les Ɠuvres Si je me souviens et La pointe de l’Iceberg dĂ©jouent le caractĂšre mnĂ©monique et indiciel de la trace photographique Ă  travers une certaine dĂ©construction de l’image symbolique de la montagne. D’un cĂŽtĂ©, les inscriptions monumentales sur le flanc d’une carriĂšre oubliĂ©e Ă  MontrĂ©al et de l’autre des images inversĂ©es des carriĂšres de Carrare. Dans l’une comme dans l’autre sĂ©rie, la vision des artistes est celle d’une rĂ©interprĂ©tation iconographique du paysage dans une confrontation historico-politique de l’image.

Les Ɠuvres d’Inka & Niclas, artistes scandinaves (finlandais et suĂ©dois) Ă©tablis Ă  Stockholm, s’inscrivent quant Ă  elles plus dans une paraphrase des reprĂ©sentations romantiques du paysage que dans un questionnement politique. NĂ©anmoins, Ă  travers leurs sĂ©ries Family Portraits ou 4 K ULTRA HD, ils jouent sur le rapport nature et homme dans un contexte paradoxal de sublimation et de distanciation du rĂ©el. L’artificialitĂ© qu’ils rajoutent aux images est Ă  la fois un Ă©lĂ©ment fascinant et Ă©trange qui questionne les reprĂ©sentations classiques du paysage. Entre force presque sacrale et genius loci ou Ă©co-symbolicitĂ© (Berque), le paysage selon Inka & Niclas est autant une construction formelle qu’une matĂ©rialitĂ© photographique.

17 MNHA – MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE ET D’ART ‱ RETHINKING LANDSCAPE
Douglas Mandry, Unseen Sights

Chez l’artiste suisse Douglas Mandry, le paysage plutĂŽt que d’ĂȘtre une reprĂ©sentation telle-quelle, devient une reconstruction, une composition en strates proche d’une dĂ©marche archĂ©ologique. À partir de photographies prises lors de ses voyages, il dĂ©veloppe une approche plasticienne de la photographie en s’inspirant d’archives et en collant et coloriant les images. PrĂ©sentĂ©es sous forme d’installation, oĂč wallpaper photographique et pho-

tographie encadrĂ©e se juxtaposent, ses Ɠuvres de la sĂ©rie Unseen Sights renouent avec les reprĂ©sentations anciennes des cartes postales retouchĂ©es. Cependant par le dĂ©coupage et le coloriage pop, ces nouveaux « paysages » nous invitent Ă  visiter un territoire imaginaire oĂč l’éclectisme postmoderne domine. L’idĂ©e du paysage qui Ă©mane de la sĂ©rie en noir&blanc Cercle, Square de Daniel Reuter, artiste luxembourgeois vivant en Islande, est marquĂ©e par une dĂ©marche conceptuelle. Comme l’indique le titre, ces paysages renvoient Ă  une certaine typologie et une relation formelle oĂč le rapport de force entre l’homme et la nature n’est pas dĂ©fini. Comme des rĂ©miniscences visuelles de certaines installations des artistes du Land Art, ces photographies semblent se dĂ©tacher de leur sujet initial pour mettre en jeu un langage visuel formaliste. Pas d’horizon, pas vraiment de point de vue central mais des fragmentations et des jeux de texture et d’échelle dans ces photographies qui paraissent comme une espĂšce de modĂ©lisation du paysage naturel.

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Douglas Mandry, Unseen Sights

„RETHINKING LANDSCAPE” PROPOSE DE NOUVELLES APPROCHES

ESTHÉTIQUES TRÈS VARIÉES ENTRE FICTION, SUBLIMATION ET DISTANCIATION.

19 MNHA – MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE ET D’ART ‱ RETHINKING LANDSCAPE
Daniel Reuter, #1003583 (de la série Circle, Square), 2015
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Danila Tkachenko, #3 from the series Motherland, 2017

Les photographies de la sĂ©rie Motherland du photographe russe Danila Tkachenko traitent la question de l’abandon forcĂ© des villages ruraux pendant la collectivisation de l’ùre communiste entre 1928 et 1937. En brĂ»lant les vestiges symboliques qui hantent ces paysages au fin fond des steppes soviĂ©tiques, l’artiste crĂ©e une espĂšce de rituel funĂ©raire nocturne. MalgrĂ© leur beautĂ© spectaculaire, ces images radicales nous font imaginer les tensions politiques et sociales dues Ă  ces dĂ©sertifications. L’action de purification qui s’inscrit dans le prĂ©sent interagit avec les utopies Ă©chouĂ©es du passĂ© afin de crĂ©er une attitude critique envers ce paysage politique post-soviĂ©tique en mutation.

L’exposition a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en partie dans le cadre d’une collaboration internationale de CafĂ©-CrĂšme asbl sous le titre de Rethinking Nature / Rethinking Landscape du rĂ©seau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dĂ©diĂ©es Ă  la photographie de cinq capitales europĂ©ennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est prĂ©sentĂ©e au Luxembourg en plusieurs volets complĂ©mentaires au Cercle CitĂ© – Ratskeller et Arendt House Ă©galement.

21 MNHA – MUSÉE NATIONAL D’HISTOIRE ET D’ART ‱ RETHINKING LANDSCAPE
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Vanja Bučan, Sans titre de la sĂ©rie „Sequences of Truth and Deception”

DE

RETHINKING NATURE

Avec “Rethinking Nature” le thĂšme gĂ©nĂ©rique de cette 8Ăšme Ă©dition est dĂ©clinĂ© de façon Ă  provoquer une rupture avec ce qu’on appelle le genre du paysage. Le point de vue et le cadrage n’obĂ©issent plus Ă  la perspective euclidienne sĂ©culaire de la peinture ou de la photographie de paysage classique. N’étant pas non plus assimilable au genre de la nature morte, ces reprĂ©sentations ouvrent de nouveaux espaces micro et macro sur la nature.

En plus, le dispositif de fabrication de l’image et d’exposition participe Ă  l’exploration artistique de cette thĂ©matique. En consĂ©quence, ces approches artistiques photographiques se caractĂ©risent par la dĂ©matĂ©rialisation, la dĂ©construction et la fragmentation signifiant la vulnĂ©rabilitĂ© de cette nature et exprimant les conflits actuels dans son rapport avec l’homme.

CERCLE CITÉ

Plus que jamais, l’association avec d’autres disciplines artistiques et scientifiques permettent de nouvelles approches photographiques et vidĂ©ographiques interrogeant l’état actuel et contribuant Ă  une prise de conscience Ă©cologique. Ces nouvelles dĂ©marches photographiques qui se nourrissent des connaissances scientifiques participent aussi Ă  la perception de la nature que nous avons aujourd’hui. Ainsi, les images de crise de la situation actuelle sont vĂ©hiculĂ©es artistiquement par une photographie qui se veut performative, multimĂ©dia et politique. Complice d’une expĂ©rience esthĂ©tique nouvelle, le regardeur est interpellĂ© par la mise en scĂšne et l’installation photographique s’ouvrant Ă  des champs inexplorĂ©s.

23 CERCLE CITÉ – RATSKELLER ESPACE D’EXPOSITION ‱ RETHINKING NATURE
RATSKELLER
ARTISTES MARIA-MAGDALENA IANCHIS, NICOLAS FLOC’H, JUSTINE BLAU, VANJA BUČAN, ANASTASIA MITYUKOVA COMMISSAIRE L’EXPOSITION PAUL DI FELICE, PIERRE STIWER (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL)
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L’artiste roumaine Maria-Magdalena Ianchis vivant Ă  Vienne, s’intĂ©resse au changement climatique provoquĂ© par l’homme. À travers ses recherches artistiques autour de trois glaciers islandais et autrichiens, elle montre d’un cĂŽtĂ© la vulnĂ©rabilitĂ© et l’impuissance de la nature et de l’autre la fragilitĂ© de l’homme.

Son intĂ©rĂȘt pour les icebergs elle l’exprime ainsi : « Lorsqu’un glacier fond, il saigne Ă  mort, meurt et disparaĂźt Ă  jamais de la surface de notre planĂšte. »

Ses photographies, ses installations, ses vidĂ©os prĂ©sentent sous le titre de Transition les tentatives presque vaines de ralentir la fonte des glaces et illustrent artistiquement les efforts illusoires d’éta-

blir une connexion forte avec notre environnement. NĂ©anmoins son engagement artistique n’est pas dogmatique mais ouvert Ă  un imaginaire qui nous transpose dans les profondeurs de l’humanitĂ©. Avec ses paysages sous-marins, l’artiste français Nicolas Floc’h nous plonge dans un univers fascinant des habitats marins immergĂ©s. Ses expĂ©ditions scientifiques et artistiques l’ont amenĂ© Ă  Ă©tudier les transformations dues au rĂ©chauffement climatiques et de voir comment en dehors de leur impact politique ses photographies trouvent des correspondances esthĂ©tiques en rĂ©fĂ©rence Ă  la peinture et Ă  d’autres reprĂ©sentations de paysages photographiques classiques. Pour l’artiste, celles-ci convoquent un ensemble d’époques et de recherches appartenant Ă  un autre vocabulaire que celui du milieu sous-marin.

24 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Justine Blau, Manipulation (autoportrait)

De ses plongĂ©es dans l’obscuritĂ© des profondeurs oĂč l’image se rĂ©vĂšle davantage Ă  posteriori, il collecte des milliers de prises de vue. L’Ɠuvre qui se prĂ©sente Ă  nous est le rĂ©sultat d’un choix rigoureux d’ordre plastique et esthĂ©tique, Ă  partir d’un corpus important d’images. Outre la beautĂ© des photographies et la qualitĂ© artistique du travail de Nicolas Floc’h, ces sĂ©ries dĂ©voilent une Ɠuvre ouverte (Eco) oĂč de multiples espaces se croisent.

L’art et les sciences s’entrecroisent aussi chez l’artiste luxembourgeoise Justine Blau. Sur les traces de Charles Darwin et la question d’extinction et de dĂ©s-extinction, elle crĂ©e des assemblages d’images et des installations – photographies et vidĂ©os- qui

nous transposent dans un monde entre rĂ©el et imaginaire Ă  travers une quĂȘte scientifique-artistique. À partir de mises en scĂšnes surrĂ©alistes et de théùtralisations des artefacts, elle propose de repenser la nature, en nous plongeant dans son univers fluide et ouvert tout en rĂ©vĂ©lant les controverses qui alimentent son questionnement scientifique, artistique et philosophique.

Selon elle, le mĂ©dium photographique, lui permet « par sa multitude de canaux d’utilisations et de rĂ©fĂ©rences et par quelques gestes de dĂ©tournements, de tenter d’une certaine maniĂšre, une mise en abyme de notre monde. »

25 CERCLE CITÉ – RATSKELLER ESPACE D’EXPOSITION ‱ RETHINKING NATURE
Nicolas Floc’h, paysages productifs, Initium Maris, Molene, 2019

COMPLICE D’UNE EXPÉRIENCE

ESTHÉTIQUE NOUVELLE, LE REGARDEUR EST INTERPELLÉ

PAR LA MISE EN SCÈNE ET L’INSTALLATION PHOTOGRAPHIQUE S’OUVRANT À DES CHAMPS

INEXPLORÉS.

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Maria-Magdalena Ianchis, Transition 13, video still

L’artiste slovĂšne vivant Ă  Berlin Vanja Bučan quant Ă  elle, s’intĂ©resse aux corrĂ©lations de l’homme avec la nature et aux questions liĂ©es aux Ă©cosystĂšmes. InspirĂ©e des natures mortes et arrangements insolites des surrĂ©alistes et dadaĂŻstes, elle dĂ©tourne des situations qui montrent ces relations entre le vĂ©gĂ©tal, l’animal et l’humain en reconstruisant des environnements dans son studio. À travers ses mises en scĂšnes et arrangements absurdes, elle perturbe avec ironie et enchantement notre vision de la nature. Les photographies gĂ©nĂ©ralement de grand format sont captivantes et curieuses par leur gĂ©nĂ©rositĂ© chromatique et leur imbrication de formes et de textures Ă©tranges.

FascinĂ©e depuis son jeune Ăąge par les pĂŽles nord et sud et lectrice des Ă©crits de Jean Malaurie comme Les Rois de ThulĂ© et de ses plaidoyers en faveur des inuits, Anastasia Mityukova, artiste de GenĂšve, prĂ©sente avec Iceworm Project un travail artistique complexe. Cette recherche photographique repose sur des archives de documents autour d’une base militaire nuclĂ©aire expĂ©rimentale construite

Ă  ThulĂ© et abandonnĂ©e par les AmĂ©ricains en laissant les dĂ©chets enfouis dans le sol gelĂ© du Groenland. Un corpus de 6000 images accumulĂ© par l’artiste au courant des derniĂšres annĂ©es se prĂ©sente sous diffĂ©rentes formes Ă©volutives et organiques crĂ©ant une nouvelle narration en interaction avec les visions du spectateur.

L’exposition a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en partie dans le cadre d’une collaboration internationale de CafĂ©-CrĂšme asbl sous le titre de Rethinking Landscape / Rethinking Nature du rĂ©seau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dĂ©diĂ©es Ă  la photographie de cinq capitales europĂ©ennes (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne). Elle est prĂ©sentĂ©e au Luxembourg en plusieurs volets complĂ©mentaires au MNHA, au Casino Forum d’art contemporain et Arendt House Ă©galement.

27 CERCLE CITÉ – RATSKELLER ESPACE D’EXPOSITION ‱ RETHINKING NATURE
Anastasia Mityukova, Project Iceworm, ongoing project
28 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
DaphnĂ© Le Sergent, photogramme extrait de la vidĂ©o „L’image extractive”, 2021, vidĂ©o HD noir et blanc/couleur, son, 20 min DaphnĂ© Le Sergent, photogramme extrait de la vidĂ©o „L’image extractive”, 2021, vidĂ©o HD noir et blanc/couleur, son, 20 min

ARTISTE

DAPHNÉ LE SERGENT

COMMISSAIRE

PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL) & LAURENCE LOCHU, DIRECTRICE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG

EXPOSITION RÉALISÉE AVEC LE SOUTIEN DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG

SILVER MEMORIES

« Envisager la fin du minerai d’argent et poser son regard sur une photo argentique, cela pourrait-il ĂȘtre un regard portĂ© sur sa propre finitude ? »

Daphné Le Sergent

Dans le cadre de la 8e Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie sous le thĂšme de Rethinking Nature - Rethinking Landscape , DaphnĂ© Le Sergent, artiste française d’origine corĂ©enne, prĂ©sente avec Silver Memories un ensemble de paysages rĂ©alisĂ©s en diffĂ©rents mĂ©dias : photographie, dessin et vidĂ©o.

En partant de l’hypothĂšse que le minerai d’argent se rarĂ©fie, elle construit un narratif artistique hybride oĂč la photographie argentique est au centre du questionnement des enjeux artistiques, Ă©conomiques et Ă©cologiques.

Sa proposition multimĂ©dia qui se prĂ©sente, d’une part, comme une projection vidĂ©o et, de l’autre, comme une installation composĂ©e de photographies et de photographies-dessins, créées spĂ©cialement pour l’espace du Casino Luxembourg, montre de façon sensible la chaĂźne de production de la photographie argentique allant de l’extraction miniĂšre aux fluctuations boursiĂšres.

29 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN ‱ DAPHNÉ LE SERGENT: SILVER MEMORIES
CONTEMPORAIN
CASINO LUXEMBOURG FORUM D’ART
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Dans ses dessins sur photographie, la mine de plomb semble se substituer Ă  l’argentique et la trace scripturale dominer l’index photographique. Le jeu de l’échelle, le rapport du proche et du lointain benjaminien, entre projection auratique dans les profondeurs de la matiĂšre et rĂ©flexion parodique Ă©mergeant des surfaces, est aussi un clin d’Ɠil Ă  l’esthĂ©tique pictorialiste de la fin du XIXe siĂšcle. Aux « tableaux » photographiques ou faux daguerrĂ©otypes que DaphnĂ© Le Sergent compare Ă  des peintures de vanitĂ©s, elle associe une vidĂ©o, l’image extractive, qui retrace l’histoire de la photographie selon une perspective Ă©conomique et gĂ©opolitique spĂ©culative liĂ©e Ă  l’extraction et Ă  la fabrication du mĂ©tal. Ainsi selon l’artiste, cette

image extractive vient « puiser dans les profondeurs de la terre tout autant qu’arracher des informations au rĂ©el ». Ici, une panoplie d’images, issues principalement d’archives ainsi qu’ une voix off racontent cette pĂ©ripĂ©tie Ă  partir de la colonisation des terres mexicaines au XVIe siĂšcle jusqu’à l’extraction miniĂšre rĂ©cente en crĂ©ant de façon poĂ©tico-visuelle une rĂ©flexion sur la surexploitation des ressources naturelles, sur les spĂ©culations boursiĂšres, mais aussi sur la reprĂ©sentation photographique, voire mĂȘme, comme l’exprime DaphnĂ© Le Sergent Ă  travers certains de ses titres sur « la prĂ©ciositĂ© du regard et le dĂ©sir des choses rares ».

30 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
DaphnĂ© Le Sergent, La prĂ©ciositĂ© du regard et le dĂ©sir des choses rares 4, 2021, 4 photo-dessins, vue d’installation, Casino Luxembourg
31 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN ‱ DAPHNÉ LE SERGENT: SILVER MEMORIES
DaphnĂ© Le Sergent, photogramme extrait de la vidĂ©o „L’image extractive”, 2021, vidĂ©o HD noir et blanc/couleur, son, 20 min DaphnĂ© Le Sergent, photogramme extrait de la vidĂ©o „L’image extractive”, 2021, vidĂ©o HD noir et blanc/couleur, son, 20 min
32 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Claudia Fritz Britta Baumann Nazanin Raissi Noemi Comi Anna Siggelkow Kaveer Rai Sonia Mangiapane Merve Terzi Elena Kristofor Gesche WÅrfel Calin Kruse Seulki Ki Phillipa Bloom

ARTISTES

COMMISSARIAT

SLIDE SHOWRETHINKING NATURE

Au dĂ©but d’annĂ©e, les festivals de photographie Foto Wien, le Mois europĂ©en de la photographie Luxembourg et Imago Lisboa ont lancĂ© conjointement un appel Ă  candidatures international sur le thĂšme de “Repenser la nature”. Parmi 168 soumissions provenant de 74 pays, les Ɠuvres d’environ 130 artistes ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es, puis Ă©ditĂ©es et organisĂ©es pour le diaporama “Rethinking Nature”.

Les photographes et artistes participants dĂ©montrent de maniĂšre impressionnante que le mĂ©dium de la photographie a un rĂŽle particulier Ă  jouer dans l’effort de comprĂ©hension de la relation actuelle entre l’homme et la nature. Le diaporama Rethinking Nature rassemble une grande variĂ©tĂ© de points de vue sur la nature qui illustrent, filtrent et analysent l’ambivalence actuelle de notre comprĂ©hension de la nature – d’une part la nature en tant que lieu de paix et de nostalgie, d’autre part comme cible de destruc-

tion environnementale et d’exploitation croissante. De mĂȘme, la mise en abyme que la traduction artistique crĂ©e inĂ©vitablement permet de rĂ©flĂ©chir aux multiples significations de la nature. De cette distanciation qui est Ă  la base d’un potentiel particulier Ă©merge une qualitĂ© originale de la photographie de paysage. Les Ɠuvres sĂ©lectionnĂ©es couvrent un champ de pensĂ©e artistique qui va de la rĂ©flexion philosophique, de la mise en scĂšne conceptuelle, du document neutre jusqu’aux nouveaux romantismes. La compilation des diffĂ©rentes positions, en combinaison avec la musique composĂ©e spĂ©cialement pour le diaporama, ouvre une expĂ©rience audiovisuelle Ă  multiples facettes qui permet d’explorer les rapports subjectifs respectifs avec la nature.

33 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN ‱ SLIDE SHOW - RETHINKING NATURE CASINO LUXEMBOURG FORUM D’ART CONTEMPORAIN
BRITTA BAUMANN, PHILLIPA BLOOM, NOEMI COMI, CLAUDIA FRITZ, SEULKI KI, ELENA KRISTOFOR, CALIN KRUSE, SONIA MANGIAPANE, KAVEER RAI, NAZANIN RAISSI, ANNA SIGGELKOW, MERVE TERZI, GESCHE WÜRFEL... FOTO WIEN, IMAGO LISBOA, MOIS EUROPÉEN DE LA PHOTOGRAPHIE LUXEMBOURG (CAFÉ-CRÈME ASBL)
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CONCEPT ET RÉDACTION VERENA KASPAR-EISERT, FOTO WIEN MUSIQUE © DAVID GERETSCHLÄGER ANIMATION PETER KOGER PHOTOGRAPHIES © LES PHOTOGRAPHES
34 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Dominique Auerbacher, Holger TrĂŒlzsch, dĂ©tail, LES PAYSAGES DU KAIROS - Arcadia, 2021, 190 x 300 cm

DE LUXEMBOURG

LES PAYSAGES DU KAIROS

HOLGER TRÜLZSCH, DOMINIQUE AUERBACHER

Dominique Auerbacher et Holger TrĂŒlzsch poursuivent depuis plusieurs annĂ©es une rĂ©flexion sur le paysage comme en tĂ©moignent leurs Ɠuvres respectives.

Dans l’installation «Les paysages du Kairos», ils associent et font dialoguer leurs visions et Ă©vocations du paysage.

« Les photographies de Holger saisissent l’apparition de paysages dans les traces du sol maculĂ© de son atelier ou d’autres ateliers, ainsi que dans les coulures fugaces des couleurs renversĂ©es. Par ailleurs, sur ses polaroĂŻds peints (imprimĂ©s en grand format), les traces de peinture Ă©voquent les structures vĂ©gĂ©tales d’une nature luxuriante et ouvrent un autre espace, celui d’un paysage onirique » (D. A)

Les tableaux des entrelacs de phrases de la sĂ©rie «Reliefs» de D. Auerbacher, mĂȘlent d’aprĂšs la forme littĂ©raire du centon, des extraits de textes provenant d’origines diverses (littĂ©raire, mythologique, ethnologique, scientifique, artistique
) pour former, Ă  partir de reliefs (au sens de restes, de traces), un ensemble d’images mentales du paysage.

MUSÉE D’ART DE LA VILLE

VILLA VAUBAN

Paul di Felice : CrĂ©er une installation photographique pour le jardin/parc de la Villa Vauban dans le cadre de la 8e Ă©dition du Mois europĂ©en de la photographie dont le thĂšme est Rethinking Nature/ Rethinking Landscape est certainement un dĂ©fi comme chaque Ɠuvre in situ mais en mĂȘme temps n’est-ce pas une autre façon pour vous de penser la reprĂ©sentation paysagĂšre Ă  partir d’une recherche artistique dĂ©jĂ  bien entamĂ©e depuis des annĂ©es. Les rĂ©fĂ©rences artistiques, littĂ©raires et philosophiques ne manquent pas dans vos « paysages reconstruits » qui sont aussi une sorte de mise en abyme et de distanciation du genre mais qui nous transposent aussi dans un imaginaire surprenant.

Dominique Auerbacher : « Les paysages du Kairos » Ă©voquent et d’une certaine maniĂšre convoquent la Nature, le Paysage, et le Jardin dans leurs relations aux beaux-arts, Ă  la littĂ©rature, Ă  la mythologie


35 VILLA VAUBAN – MUSÉE D’ART DE LA VILLE DE LUXEMBOURG ‱ LES PAYSAGES DU KAIROS
ARTISTE HOLGER TRÜLZSCH, DOMINIQUE AUERBACHER COMMISSAIRES PAUL DI FELICE (CAFÉ-CRÈME ASBL) EN COLLABORATION AVEC GABRIELE GRAWE (VILLA VAUBAN)
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En l’occurrence, le petit dieu du Kairos, qu’on ne peut saisir que par les cheveux quand il passe Ă  toute vitesse, est au rendez-vous. Il a incarnĂ© pour nous l’inattendu susceptible de surgir, l’instant fugitif et dĂ©cisif d’un Ă -propos propice.

Notre installation essaye de jouer avec la perception du proche et du lointain, de penser les lieux en fonction de l’agencement du jardin et des possibilitĂ©s de dĂ©placements et de haltes pour les visiteurs, ce qui nous ramĂšne Ă  l’interrogation de Henry Maldiney, Sommes-nous « devant » ou « dedans » le paysage ?

Il me semble qu’un jardin est Ă  la fois ce lieu de la nature, de l’artifice et de la mythologie oĂč on s’imagine apercevoir des personnages des MĂ©tamorphoses d’Ovide sous la forme d’un rocher, d’un arbre ou d’un animal.

On retrouve dans cette installation, ArachnĂ©, la jeune mortelle de Lydie qui fut transformĂ©e en araignĂ©e par la dĂ©esse Minerve pour l’avoir dĂ©fiĂ©e et surpassĂ©e dans l’art du tissage et surtout avoir osĂ© reprĂ©senter sur sa tapisserie des dieux qui assouvissent leurs dĂ©sirs en recourant Ă  des mĂ©tamorphoses pour abuser de leurs victimes.

Je pense Ă  la phrase de Jean-Pierre Vernant « La mythologie, c’est une vision de soi face au monde, elle marque une prise de distance par rapport Ă  ce qui, aujourd’hui, nous semble Ă©vident ».

H. TrĂŒlzsch : Le jardin et le parc sont peut-ĂȘtre les derniers refuges qui nous permettent de rĂ©flĂ©chir Ă  la nature en tant que culture du paysage. Dans le jardin du musĂ©e Vauban, notre installation d’images et de textes s’organise sur trois lieux qui, situĂ©s sur le cercle de la pelouse centrale, forment un triangle. La dĂ©ambulation circulaire semble ĂȘtre appropriĂ©e Ă  la rĂ©flexion, Ă  la mĂ©ditation ; par exemple dans le parc d’Ermenonville, le chemin (aujourd’hui partiellement disparu) tracĂ© autour du lac oĂč se trouve le cĂ©notaphe de Jean-Jacques Rousseau, passait aussi devant les ruines du temple, la maison du philosophe, le tombeau du poĂšte inconnu et la pyramide. «Ce n’est donc ni en architecte, ni en jardinier, c’est en PoĂšte et en Peintre qu’il faut composer les paysages, afin d’intĂ©resser tout Ă  la fois l’Ɠil et l’esprit». Cette citation est de RenĂ©-Louis de Girardin, ami de Rousseau, seigneur d’Ermenonville et crĂ©ateur de ses jardins.

Paul di Felice : Plusieurs expressions se superposent dans ce travail trĂšs complexe oĂč le paysage peut devenir une interface de dĂ©marches artistiques et littĂ©raires dont la visualisation conceptuelle est le rĂ©sultat d’une pensĂ©e sensible et intelligible.

En partant de la peinture et de la gestualitĂ© d’un cĂŽtĂ©, de la philosophie et de la littĂ©rature de l’autre, vos mises en image paysagĂšres dĂ©passent la photographie pour devenir une installation voire sculpture photographique dans le cadre du jardin/parc de la Villa Vauban.

H. TrĂŒlzsch : Quand le visiteur est assis ou allongĂ© sur la pelouse, il peut contempler les trois images (d’un format horizontal de 3m x 2m), qui sont chacune une photographie d’une apparence du paysage ou de la nature sur le sol d’un atelier : une averse, un relief vallonnĂ© ressemblant Ă  une gravure de Hercules Seghers, une formation liquide d’un Ă©den. En marchant autour de la pelouse, le visiteur dĂ©couvre Ă  l’arriĂšre de chacune de ces trois images, un centon composĂ© des Ă©lements de Reliefs ( au sens de restes) de la mĂ©moire du paysage auquel est associĂ©e une image agrandie d’un PolaroĂŻd “overpainted” ou une photographie d’un sol tachĂ© de craies de couleur qui Ă©voque les paysages mĂ©diterranĂ©ens d’Albert Camus dans Noces Ă  Tipasa ou dans L’EtĂ©.

D. Auerbacher : Les images de textes sur le paysage font partie d’une sĂ©rie intitulĂ©e Reliefs (au sens de restes, de traces). Les couleurs et les polices des caractĂšres composent un ensemble textuel pictural constituĂ© de vers, de phrases et d’extraits de textes provenant de divers auteurs. J’utilise le genre littĂ©raire du centon pour re-contextualiser ces appropriations et ces dĂ©tournements en les entrelaçant dans une trame polysĂ©mique du paysage. Il y a aussi les supercheries ingĂ©nieuses du centon comme celle de Blaise Cendrars qui rĂ©vĂšle que les poĂšmes de son recueil Kodak (Documentaire) ont Ă©tĂ© « taillĂ©s Ă  coups de ciseaux » dans le roman d’aventures, Le MystĂ©rieux docteur CornĂ©lius, de son ami Gustave Lerouge et qu’il s’agit d’un collage « montĂ© comme un court-mĂ©trage poĂ©tique » ; il Ă©crira « ces poĂšmes, que j’ai conçus comme des photographies verbales, forment un documentaire ».

36 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Esquisse pour LES PAYSAGES DU KAIROS, 2021

Quant au lettriste Gil J Wolman, il dĂ©veloppera l’art de la citation dans son Art scotch aprĂšs l’avoir expĂ©rimentĂ© dans son rĂ©cit dĂ©tournĂ© J’écris propre dont il dira qu’il est Ă©crit « aux ciseaux et Ă  la colle » avec des phrases dĂ©coupĂ©es dans des livres et que le titre lui-mĂȘme est un dĂ©tournement du slogan publicitaire pour le stylo Bic.

Les spolia dans l’architecture ont aussi quelque chose du centon par leurs remplois dans une construction nouvelle de matĂ©riaux et d’Ɠuvres d’art provenant d’une construction ancienne ou de ruines. Ainsi de nos jours, le couple d’architectes chinois Wang Shu et Lu Wenyu inscrivent le savoir-faire traditionnel chinois dans la ville contemporaine notamment en ayant recours Ă  la technique millĂ©naire dite « wa pan » qui utilise une mosaĂŻque de matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration pour reconstruire les murs des maisons dĂ©truites par les typhons.

H. TrĂŒlzsch : Quand je prends une photo, dans un premier temps, mon regard reste concentrĂ© sur l’écran LCD de l’appareil photo, j’examine les structures du sol maculĂ© d’un atelier
 il arrive qu’un dĂ©tail se diffĂ©rencie dans des taches ou des traces liquides de peinture 
 Ă  cet instant et Ă  cet endroit lĂ , le cadrage met en Ă©vidence ce que je reconnais comme un paysage. La surface laisse apparaĂźtre le non-visible.

Il ne s’agit pas d’une peinture photographiĂ©e et pas non plus d’une peinture gestuelle.

L’image qui se produit rĂ©sulte de ce procĂ©dĂ© de capture photographique sans lequel elle n’adviendrait pas.

37 VILLA VAUBAN – MUSÉE D’ART DE LA VILLE DE LUXEMBOURG ‱ LES PAYSAGES DU KAIROS
Propos recueillis par Paul di Felice Dominique Auerbacher, Holger TrĂŒlzsch, dĂ©tail, LES PAYSAGES DU KAIROS, 2021, 190 x 300 cm
38 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
José María Sert, Tree Study, c. 1910-1920, Silver gelatin print, Courtesy Archive of Modern Conflict

CONCEPT DE L’EXPOSITION

TIMOTHY PRUS (ARCHIVE OF MODERN CONFLICT)

COMMISSAIRES

TIMOTHY PRUS (ASSISTÉ DE ED JONES, LUCE LEBART, GIULIA SHAH ET MICHELLE WILSON) ET MICHELLE COTTON (ASSISTÉE DE SARAH BEAUMONT ET CHRISTOPHE GALLOIS)

SCÉNOGRAPHIE

POLARIS ARCHITECTS

AVEC DES PHOTOGRAPHIES DE ANNA ATKINS,

ENFIN SEULES.

PHOTOGRAPHIES DE LA COLLECTION

ARCHIVE OF MODERN CONFLICT

“Enfin seules” prĂ©sente une sĂ©lection de plus de deux cents images de la collection Archive of Modern Conflict. FondĂ©e en 1992 Ă  Londres, cette organisation se dĂ©crit comme Ă©tant « dĂ©positaire des histoires perdues et oubliĂ©es que recĂšle la production photographique passĂ©e ». Initialement portĂ©e sur l’histoire des conflits, elle s’apparente aujourd’hui davantage Ă  un laboratoire qu’à une archive traditionnelle, couvrant une multitude de genres.

À travers un ensemble de photographies provenant de tous les continents et couvrant une large pĂ©riode, du milieu du XIXe siĂšcle jusqu’aux annĂ©es 1970, Enfin seules pose un regard inĂ©dit sur le monde vĂ©gĂ©tal dans toute sa diversitĂ©. Conçue comme un environnement immersif articulĂ© autour d’un espace central, assimilable Ă  une « caverne », l’exposition dresse le portrait d’un monde fictionnel

dĂ©sertĂ© de toute vie humaine ou animale. La date et la raison de cette disparition, tout comme la maniĂšre dont elle se serait produite, ne sont pas prĂ©cisĂ©es. Des images de la flore, de champignons, de troncs d’arbres, de fougĂšres, de stalagmites ou d’aurores borĂ©ales investissent l’ensemble des murs de la galerie. Ces panoramas de plantes, de roches et de lumiĂšres servent de toile de fond Ă  une sĂ©lection de photographies historiques et rĂ©centes, aux techniques et procĂ©dĂ©s divers. Photographies d’artistes de renom figurent aux cĂŽtĂ©s de celles de personnalitĂ©s issues de diffĂ©rents champs disciplinaires - tels que la botanique, l’astronomie, les mathĂ©matiques ou la science, et d’images anonymes.

39 MUDAM ‱ ENFIN SEULES. PHOTOGRAPHIES DE LA COLLECTION ARCHIVE OF MODERN CONFLICT MUDAM MUSÉE D’ART MODERNE GRAND-DUC JEAN
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BRASSAÏ, FRED PAYNE CLATWORTHY, WILLIAM CRAVEN, HENRY JOHN ELWES, DMITRI ERMAKOV, AMELIA ELIZABETH GIMINGHAM, CONRAD THEODORE GREEN, BERTHA JAQUES, LEE MILLER, CHARLES NÈGRE, FERDINAND QUÉNISSET, WILLY RONIS, JOSÉ MARÍA SERT, FREDERICK CARL STØRMER, JOSEF SUDEK, GRAHAM SUTHERLAND, SHIKANOSUKE YAGAKI (SÉLECTION).
40 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Anna Atkins, Quercus, Portland U.S ., c. 1843-1853, Cyanotype, Courtesy Archive of Modern Conflict Dr. Conrad Theodore Green, Agaricus Sylvaticus (Blushing Wood Mushroom) before 1930, Courtesy Archive of Modern Conflict

L’EXPOSITION DRESSE LE PORTRAIT

D’UN MONDE FICTIONNEL DÉSERTÉ DE TOUTE VIE HUMAINE OU ANIMALE.

LA DATE ET LA RAISON DE CETTE DISPARITION, TOUT COMME

LA MANIÈRE DONT ELLE SE SERAIT PRODUITE, NE SONT PAS PRÉCISÉES.

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MUDAM ‱ ENFIN SEULES. PHOTOGRAPHIES DE LA COLLECTION ARCHIVE OF MODERN CONFLICT
Anonymous, Aurora Borealis, Alaska, c. 1940s, Real photo postcard, Courtesy Archive of Modern Conflict
42 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Lisa Kohl, LAND(E)SCAPE, Lesbos, 2016

LAND(E)SCAPELISA KOHL

LAND(E)SCAPE est une capture photographique de l’oubli. Des restes, porteurs de traces d’une vie perdue, constituent des nouveaux paysages qui incarnent l’absence, la disparition d’une personne.

L’expĂ©rience de l’objet abandonnĂ© et retrouvĂ© devient un moment de dĂ©couverte et de tĂ©moignage d’un passĂ©.

Faire aujourd’hui de la photographie de paysage n’est pas une chose aisĂ©e pour une jeune artiste. Le paysage est polluĂ©, par l’histoire ancienne et rĂ©cente, par nos excĂšs de consommation, de production et d’exploitation et par le passage de l’Homme, passage voulu ou contraint, libre ou obligĂ©.

NEIMËNSTER

Alors quand Lisa Kohl est arrivĂ©e en 2016 sur l’üle grecque de Lesbos, elle a Ă©tĂ© confrontĂ©e au paysage idyllique de l’üle Ă©gĂ©enne ou le ciel et la mer sont d’un azur profond et onirique, mais aussi aux milliers de migrants arrivĂ©s de Turquie qui sont passĂ©s par lĂ  en quĂȘte d’une vie acceptable et digne.

43 NEIMËNSTER ‱ LAND(E)SCAPE - LISA KOHL
ARTISTE LISA KOHL COMMISSAIRE DANIELLE IGNITI
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Dans la sĂ©rie de photographies LAND(E)SCAPE, l’artiste tĂ©moigne avec un langage plastique trĂšs subtile et sensible de cette tragĂ©die humaine et du sort de ces hommes, femmes et enfants qui ont fui la terreur pour se retrouver dans un autre cauchemar, la fin de leur rĂȘve de libertĂ© et de paix. En photographiant les objets abandonnĂ©s, oubliĂ©s et perdus, l’artiste crĂ©e un nouveau paysage, un land(e) scape, qui par l’absence nous suggĂšre la prĂ©sence. Les objets sont Ă©levĂ©s au statut d’icĂŽnes. En les dĂ©couvrant un par un, le spectateur a accĂšs Ă  l’intimitĂ© des personnes, il les rencontre, il les voit et les entend. Il est pris d’émotion. L’oubli n’a pas lieu car l’histoire est Ă©crite par le biais du langage photographique de Lisa Kohl.

44 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Lisa Kohl, LAND(E)SCAPE, Lesbos, 2016
45 NEIMËNSTER ‱ LAND(E)SCAPE - LISA KOHL
Lisa Kohl, LAND(E)SCAPE, Lesbos, 2016
46 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Marine Lanier, Eldorado

LES CONTES SAUVAGESMARINE LANIER

Repenser, rĂ©inventer les paysages extĂ©rieurs pour mieux explorer les paysages intĂ©rieurs, et raconter les liens qui nous unissent Ă  la nature, Ă  notre environnement : Marine Lanier nous entraĂźne dans «la dimension lyrique et primitive» de la nature, «pour questionner la puissance sauvage qui nous entoure». Elle nous immerge dans le vĂ©gĂ©tal en particulier avec sa sĂ©rie de monochromes organiques Eldorado qui montre la flore Ă©paisse d’une pĂ©piniĂšre Ă  l’abandon.

La nature est saisie dans son état brut, elle est personnifiée, et ses mystÚres nous happent, et nous échappent.

Les photos de Marine Lanier mettent en lumiĂšre une vĂ©gĂ©tation primaire, oĂč les Ă©lĂ©ments surgissent et dialoguent : pierres, roches des falaises, eaux

NEIMËNSTER

profondes des cascades, terre, glace, mais aussi la peau, le sang... Son univers est un monde sauvage, originel, qui renvoie les ĂȘtres Ă  leurs pulsions primitives. Dans la sĂ©rie Le Soleil des loups, rĂ©alisĂ©e en ArdĂšche sur un territoire situĂ© au-dessus d’un volcan, Marine Lanier montre deux enfants dont les corps sont en symbiose avec cet espace rugueux et minĂ©ral. La photographe a suivi durant trois ans le parcours de deux frĂšres, un appareil argentique en main : la nature rustre, indomptable, absorbe magistralement les silhouettes de ces adolescents sans loi.

47 NEIMËNSTER ‱ LES CONTES SAUVAGES - MARINE LANIER
ARTISTE MARINE LANIER COMMISSAIRE LAURENCE LOCHU - DIRECTRICE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG
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Leurs corps semblent des lianes ou des racines incrustĂ©es dans le paysage. C’est le cas aussi avec la sĂ©rie Les Contrebandiers, oĂč les ĂȘtres semblent faire partie intĂ©grante de leur environnement hostile, ils se fondent dans ces montagnes abruptes, ces territoires inaccessibles, impraticables, tout autant que sublimes.

Les Ɠuvres de Marine Lanier explorent diffĂ©rentes Ă©chelles, lointaines ou fragmentaires. Les paysages d’ArmĂ©nie, extraits de la sĂ©rie Les Lointains sont de grands dĂ©serts calcinĂ©s de chaleur. Leurs contours dramatiques racontent les conflits et les massacres invisibles, comme un probable hors-champ. Les panoramas ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s depuis des surĂ©lĂ©vations, des promontoires, des falaises, d’oĂč l’on peut embrasser les espaces environnants, prendre du recul, de la hauteur. Et surtout sentir la menace, la tension qui se jouent sur ces monts et ces gouffres, qui «accentuent l’impression de traque du visible, rendant soudainement inquiĂ©tant et opaque des paysages lunaires oĂč seule affleure une gĂ©ologie tourmentĂ©e». En regard, les gros plans, les close-up bouleversent notre perception de l’échelle. Dans la sĂ©rie Les Contrebandiers notamment, ils nous perdent dans la possibilitĂ© d’un ailleurs, en nous renvoyant Ă  d’autres grands espaces invisibles.

L’utilisation des couleurs chez Marine Lanier convoque la palette du peintre. Les couleurs chaudes s’articulent avec les couleurs froides ou le noir et blanc, les tons chauds Ă©voquent la brĂ»lure du soleil, les tons froids «l’énergie de la nuit, de la neige, du repli». En travaillant sur la sĂ©rie Eldorado, l’artiste explique : «J’ai vu cette couleur de l’or qui filtrait Ă  travers la bĂąche des serres. J’ai dĂ©clinĂ© cette teinte, elle rĂ©sonnait avec cette idĂ©e de rĂȘves perdus». C’est ainsi qu’est nĂ©e cette magnifique sĂ©rie vĂ©gĂ©tale de monochromes dorĂ©s.

Pour les photos en noir et blanc de la sĂ©rie Le Soleil des loups, la photographe commente : «Mon noir et blanc est plutĂŽt gris, comme une cendre qui se serait dĂ©posĂ©e sur la nature et sur les hommes, une sorte d’hommage au volcan». Les couleurs sont aussi un langage, des symboles. Ainsi par exemple le mauve invoque un monde onirique, celui des limbes, situĂ© entre la vie et la mort.

«La couleur est ce qui reste. Elle est l’essence, le souvenir, la sensation quand nous ne pouvons plus raconter», dit-elle aussi.

Marine Lanier aime citer des cinĂ©astes qui l’ont marquĂ©e et ont influencĂ© ses images, tels que Bres-

son, Kieslowski ou Boorman et Laughton ; elle a d’ailleurs aussi Ă©tudiĂ© le cinĂ©ma avant d’intĂ©grer l’École nationale supĂ©rieure de la photographie d’Arles. Son esthĂ©tique, en particulier en ce qui concerne son approche de la nature et des paysages, tisse des correspondances Ă©videntes avec les lieux mystĂ©rieux et organiques filmĂ©s par Tarkovski, ces espaces indĂ©terminĂ©s et habitĂ©s, Ă  la fois sensuels et Ă©tranges, familiers et menaçants. Les univers qu’elle met en scĂšne semblent comme suspendus dans le temps : ils appartiennent tout autant au passĂ©, au prĂ©sent et au futur. Chaque sĂ©rie est empreinte d’intemporalitĂ©, et place aussi le spectateur qui l’apprĂ©hende en dehors du temps, parce que dans un espace souvent indĂ©fini. «Mon apprĂ©hension du temps questionne alors les notions de limite, de transgression, et de mĂ©tamorphose».

La nature est le miroir de lieux intimes, qui racontent des fictions de quĂȘtes perpĂ©tuelles. «Le tout entre en collision avec l’autobiographie, elle rĂ©verbĂšre alors quelque chose de plus large, de plus grand, qui dĂ©passe le particulier pour se tourner vers la mĂ©moire collective, transgĂ©nĂ©rationnelle, vers nos mythologies, nos peurs primaires, cosmos invisible.»

48 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Marine Lanier, Le soleil des loups, Racines

«Le mythe de l’Eldorado est nostalgie, rĂȘve de paradis perdu. Il dĂ©crit souvent un lieu d’innocence naturelle situĂ© dans l’origine des temps. Ici l’imaginaire de l’üle s’ouvre sur une nature sauvage, hostile, spontanĂ©e. L’Eldorado est une Ă©tape dans l’itinĂ©raire, un monde oĂč les valeurs sont inversĂ©es, une traversĂ©e aveugle, un refuge temporaire, une contrĂ©e fabuleuse.»

Le cheminement de Marine Lanier questionne inlassablement le rĂ©el, pour mieux le dĂ©passer. Elle ne cesse de tenter de saisir les mystĂšres de la Nature, le miracle d’ĂȘtre en vie. Elle semble traquer les interstices de l’invisible, elle nous livre des contes fantastiques, recrĂ©e un monde Ă  la fois subtil et originel, comme pour faire Ă©merger l’irrĂ©alitĂ© du rĂ©el, la rĂ©alitĂ© de l’irrĂ©el. La photographe nous emporte dans les arcanes de l’imaginaire, pour dĂ©chiffrer les signes et les symboles en Ă©closion au sein du paysage. L’aphorisme d’HĂ©raclite n’est jamais trĂšs loin «La Nature aime Ă  se cacher» : ces secrets ances-

traux, qu’ils traitent des mystĂšres du passage de la vie Ă  la mort, ou des miracles impudiques de la nature, nourrissent le travail de l’artiste. GrĂące Ă  la force sauvage de ses photographies, Marine Lanier convoque en nous des Ă©motions profondes, viscĂ©rales, touche des zones inconscientes et sensibles, qui nous bouleversent. En dĂ©miurge, elle nous emporte au royaume des ombres, laissant planer un voile sur ses paysages larges ou fragmentaires, et en poĂ©tesse s’exprime par la mĂ©taphore et l’oxymore visuel.

S’opposant Ă  l’attitude promĂ©thĂ©enne (l’homme doit se rendre maĂźtre et possesseur de la nature), et prĂŽnant rĂ©solument l’attitude orphique, c’est-Ă dire que seuls le poĂšte et l’artiste sont en mesure de soulever le voile des mystĂšres de la nature[1], Marine Lanier photographie les hommes et les paysages en voilant de sa fiction la rĂ©alitĂ©, pour mieux nous en dĂ©voiler les secrets enfouis.

49 NEIMËNSTER ‱ LES CONTES SAUVAGES - MARINE LANIER
Laurence Lochu [I] Le Voile d’Isis, Pierre Hadot (Éditions Gallimard) Marine Lanier, Les lointains #8
50 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Florian Glaubitz, Ohne Titel (Hvilft) Untitled (Hvilft)

ARTISTES

ANNE-SOPHIE COSTENOBLE, PATRICK GALBATS, FLORIAN GLAUBITZ, THILO SEIDEL, ÉMILIE VIALET COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION

NEIMËNSTER, CAFÉ-CRÈME ASBL, NOUVEL OBSERVATOIRE PHOTOGRAPHIQUE DU GRAND-EST, SAARLÄNDISCHES KÜNSTLERHAUS SAARBRÜCKEN E. V

REGARDS SANS LIMITES

Que racontent du monde les photographes d’aujourd’hui?

Cette interrogation sourd dans l’esprit du visiteur Ă  chaque Ă©vĂšnement photographique. Se posait-on - d’emblĂ©e - une telle question il y a 40 ou 60 ans ? Il est permis d’en douter.

Si de toute Ă©poque chaque gĂ©nĂ©ration a ressenti que devenait rĂ©volu le monde qui l’avait pĂ©trie, jamais ce sentiment vague oĂč l’inquiĂ©tude le dispute Ă  la nostalgie ne s’est trouvĂ© autant que maintenant justifiĂ© par une rĂ©alitĂ© tangible, corroborĂ©e, irrĂ©futable. La langueur diffuse s’est muĂ©e en brutale certitude.

NEIMËNSTER

C’est que ne sont plus en cause les seules Ă©volutions d’idĂ©es et de mode de vie. L’échec patent des systĂšmes politiques Ă  bout de souffle entraĂźne une sinistre ronde de corollaires : Ă©conomie d’exclusion, violence sociale et dĂ©gĂąts Ă©cologiques irrĂ©versibles. Nos conditions de vie physiques sont en jeu, dorĂ©navant. Une telle constatation ne se borne pas Ă  Ă©branler nos certitudes, elle les balaye pour en affirmer une nouvelle : Ă  l’évidence le monde ne sera plus, ne pourra plus ĂȘtre, celui qu’il a Ă©tĂ©.

51 NEIMËNSTER ‱ REGARDS SANS LIMITES
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Qu’attendons-nous, alors, des photographes ? Un miracle, peut-ĂȘtre. Qu’ils fassent surgir l’espoir tĂ©nu que nous ne pouvons formuler, qui, enfoui derriĂšre notre conscience dĂ©sabusĂ©e, bien secrĂštement nous habite, l’espoir d’une espĂ©rance. L’urgence cependant les commande, et souvent confirment-ils les inquiĂ©tudes qui nous taraudent, lĂšvent-ils les derniers doutes et dĂ©chirent-ils l’ultime souffle d’espoir. Arpenteurs de la terre bouleversĂ©e, citadins en perpĂ©tuel transit Ă  travers la froideur des ensembles urbains, observateurs tout Ă  la fois alertĂ©s et distanciĂ©s, tĂ©moins intransigeants de nos (dis) fonctionnements, ils constatent, ils relatent. Sans pathos, sans attiser le repentir collectif, sans professer quelque prĂ©tendu message. À la diffĂ©rence d’attitudes antĂ©rieures, bien des gestes photographiques actuels ne portent plus, sur un rĂ©el d’ailleurs fluctuant, un regard renouvelĂ©, mais laissent la nouveautĂ© du monde directement Ă©merger, sans filtre

ni code. Feraient-ils par leurs images se dessiner la carte du nouveau monde (qui, comme un legs tristement prospĂšre des New Topographics, tend tout entier au non-lieu), nombre de photographes, loin de sacrifier au systĂ©matisme de la Nouvelle objectivitĂ©, alimentent cette gĂ©ographie par des visions fortuites oĂč hasard et poĂ©sie se mĂȘlent, dans une rugueuse tendresse parfois. Ils collectionnent plus qu’ils n’inventorient. Avec une libertĂ© de cadrage qui traduit la prĂ©caritĂ© des situations.

Il est frappant de relever dans le corpus d’images qui suit la quasi-Ă©viction de la figure humaine, tout au moins le dĂ©sintĂ©rĂȘt manifeste pour son individualitĂ©, instaurant par lĂ  une relation d’évitement, pour reprendre Ă  notre compte une terminologie ethnologique. À l’opposĂ© des heures glorieuses de la photographie humaniste, la foi en l’homme semble s’ĂȘtre Ă©teinte. S’attache Ă  lui, oserions-nous

52 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Emilie Vialet, “Fire along Columbia River, Wanapum“, L.A.C., 2018 Thilo Seidel, NeonForests, archival pigment print, 80x60cm, framed

avancer, une forme de culpabilitĂ© inhĂ©rente Ă  son action (ou son inaction), voire Ă  son essence-mĂȘme, qui le condamne au bannissement de l’image, comme aprĂšs la rĂ©vĂ©lation des camps de la mort il Ă©tait, pour les peintres, devenu irreprĂ©sentable. Alors, il se tapit dans l’ombre des images. Nature sans cesse remodelĂ©e par le travail, nature sauvage paradoxalement contrainte par musĂ©ification, arrogance urbaine, dĂ©chets de toutes sortes et en tout lieu, faune sauvage « conservĂ©e », animaux domesti-

quĂ©s, toujours la main de l’homme se devine-t-elle en hors-champ. Toujours se voit ainsi ravivĂ© le sempiternel dialogue Nature/culture dont la permanence se teinte aujourd’hui d’une couleur rabattue.

Et toujours, par les photographes, s’éveille en nous, Ă  l’échelle tant singuliĂšre que commune, avec ce qu’il faut de drame pour la magnifier, la rĂ©vĂ©lation de notre appartenance au monde.

53 NEIMËNSTER ‱ REGARDS SANS LIMITES
Anne Sophie Costenoble, sĂ©rie „des voix silencieuses” 001 Patrick Galbats, 2019, Bruxelles. Perruches Ă  collier.
54 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
© Marie Capesius

ARTISTES

COMMISSAIRES

Dans le cadre du 8e Mois europĂ©en de la photographie (EMoPLux) au Luxembourg, les Centres d’Art de Dudelange et le Centre national de l’audiovisuel (CNA) s’associent pour prĂ©senter les trois expositions monographiques de Marie Capesius, Rozafa Elshan et Marie Sommer reliĂ©es sous le titre de « Archipel » : une Ăźle dont la cohabitation intrigante entre une communautĂ© naturiste et un camp militaire dĂ©fie l’idĂ©e-mĂȘme de paradis, un appartement qui sert de point d’observation pour une Ă©tude expĂ©rimentale d’une fraction du quotidien captĂ© au moyen d’un tĂ©lĂ©objectif, un territoire dans la rĂ©gion arctique marquĂ© par une ligne de radars, dont les vestiges Ă©voluent au long des cycles de la fonte des glaces.

Les trois artistes explorent des territoires naturels, stratĂ©giques et intimes, Ă  travers leurs strates de mĂ©moire et d’idĂ©ologies, et proposent une mise en perspective Ă  travers des langages trĂšs variĂ©s tels que la photographie, la vidĂ©o, le son, la sculpture, le des-

sin, le journal intime et imprimĂ©, la performance, les images d’archives.

« Archipel » nous parle d’un monde traversĂ© par les courants et vagues, ses fragilitĂ©s, beautĂ©s et paradoxes, sous la lumiĂšre des relations changeantes entre l’homme et son environnement. « Archipel » est aussi un observatoire du rĂ©pertoire renouvelĂ© de l’image pour le raconter aujourd’hui.

55 CENTRE NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL & CENTRES D’ART DUDELANGE ‱ ARCHIPEL
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MARIE SOMMER, ROZAFA ELSHAN, MARIE CAPESIUS
CENTRE NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL & CENTRES D’ART DUDELANGE
MARLÈNE KREINS & MICHÈLE WALERICH
ARCHIPEL

COMMISSAIRES

MARIE CAPESIUS : HELIOPOLISDANS L’OMBRE BLEUE DE LA CITÉ DU SOLEIL

Au dĂ©but des annĂ©es 1930, « HĂ©liopolis », le premier village naturiste en Europe, a Ă©tĂ© fondĂ© sur l’üle du Levant, en MĂ©diterranĂ©e française. Les premiers adeptes du mouvement naturiste ont mis pied sur cette Ăźle sauvage, afin d’échapper Ă  la vie de ville agitĂ©e et de vivre un mode de vie plus sain en accord avec la nature. de missile. Un grillage sĂ©pare ces deux mondes opposĂ©s, qui cohabitent dans le mĂȘme paysage. IntriguĂ©e par ces contrastes frappants, Marie Capesius documente avec sa camĂ©ra le quotidien d’HĂ©liopolis et va Ă  la rencontre de ses habitants pendant plus de trois ans. Une dĂ©claration qu’elle a souvent entendue “Ici, c’est le paradis” a provoquĂ© sa rĂ©flexion sur la notion du paradis. Qu’est-ce que le paradis ? Qu’est-ce que cela pourrait ĂȘtre et a-t-il dĂ©jĂ  existĂ© ?

De simples bungalows et terrains de camping ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s, plus tard une Ă©cole et une infrastructure de village se sont construits. Le fait que ce n’est qu’en 1989 que HĂ©liopolis a Ă©tĂ© raccordĂ©e Ă  l’électricitĂ© marque la dĂ©termination de la communautĂ© naturiste Ă  prĂ©server leur philosophie et style de vie naturel. Dans les annĂ©es 1950, la marine française s’établit Ă©galement sur l’üle du Levant et utilise jusqu’à aujourd’hui 90 % de la superficie de l’üle comme base militaire et de test de lancement

InspirĂ©e par l’histoire d’Adam et Eve, elle compose intuitivement avec ses photographies et ses notes furtives un conte ouvert, qui questionne les sentiments subconscients liĂ©s au paradis et Ă  l’enfer.

56 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
CENTRE D’ART NEI LIICHT
ARTISTE MARIE CAPESIUS MARLÈNE KREINS ET MICHÈLE WALERICH
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Elle vient Ă  la conclusion que le paradis et l’enfer sont prĂ©sents des deux cĂŽtĂ©s du grillage, que la prĂ©sence de la vie et de la mort forme un ensemble, une Ă©volution cyclique de la nature. Elle utilise des symboles qu’elle trouve dans la nature ; comme par exemple le serpent et le scorpion, pour Ă©voquer des rĂ©fĂ©rences archaĂŻques et souligner une interprĂ©tation mĂ©taphysique.

Pour le Mois européen de la photo au Luxembourg, dont le sujet est « Rethink Nature and Landscape », Marie Capesius présente sa série en cours Heliopolis, qui a initialement été montrée à Berlin, dans le cadre de son projet de fin

d’étude Ă  l’école « Ostkreuzschule fĂŒr Fotografie » fin de l’annĂ©e 2019. Dans une version plus Ă©tendue et avec une scĂ©nographie spĂ©cifique adaptĂ© au lieu d’exposition, notamment Ă  la galerie « Nei Liicht », elle invite les spectateurs Ă  plonger dans une vision plus intime des contrastes de paysages intĂ©rieurs et extĂ©rieurs de son travail. Elle inclut l’affichage d’originaux extraits de ses cahiers de notes qu’elle a tenus pendant ses recherches sur l’üle, une projection photo oĂč elle inclut des enregistrements de sons de la nature sur l’üle, une sĂ©rie de photographie de nu et des reprĂ©sentations visuelles du cĂŽtĂ© militaire, qu’elle associe Ă  la couleur bleue, faisant de l’ombre Ă  la citĂ© du soleil.

57 CENTRE D’ART NEI LIICHT ‱ MARIE CAPESIUS: HELIOPOLIS - DANS L’OMBRE BLEUE DE LA CITÉ DU SOLEIL
© Marie Capesius

ARTISTE ROZAFA ELSHAN

COMMISSAIRES

ROZAFA ELSHAN : SYNTHÈSE D’UNE EXCURSION

À toi beaucoup t, (0000.....) 5fois infiniment fois

n Ă©tait exeloĂșs [sic].

Tu dĂ©sƓuvrais ta dĂ©monstration, contenue dans une boĂźte et tu la frottais Ă  la peau de cet endroit de passage, pour (te) dĂ©payser, mesurer l’espace, une durĂ©e (avec la prĂ©cision d’un sismographe), t’essayer Ă  une forme un peu plus attentive du quotidien. Ce quotidien exeloĂșs, de nos temps.

DĂ©montrer, tu disais, en Ă©prouvant un tas de trucs : la trace photographique, la reproduction infinie par photocopie, l’étirement d’un instant dans sa rĂ©pĂ©tition, la distribution du temps en forme de tickets numĂ©rotĂ©s, la couleur rouge, le point de vue camĂ©ra, les articulations hasardeuses d’une liste de films trouvĂ©e, le dispositif de vision formĂ© par des plaques de verre de diffĂ©rentes tailles, l’arpentage d’un espace et de ses contraintes, les bruits de leurs dĂ©sƓuvrements. DĂ©montrer pour Ă©prouver et pour informer une recherche, la manifester possiblement, dans la salle d’attente d’une gare.

(Entre parenthĂšses : dans la gare de M. Reihl, constructeur de rails et de trains qui n’ont besoin d’arriver nulle part et des palais de verre qui s’effondrent sous le poids d’expositions et de clichĂ©s, on raconte qu’il continuait de regarder devant lui, monsieur Reihl, mais rien Ă  faire. Il n’arrivait vraiment pas Ă  comprendre. Impossible. Vraiment, il n’arrivait pas Ă  le voir. De quel cĂŽtĂ© Ă©tait la vie.)

Dans l’attente, tu collectais des petits bouts de papier glanĂ©s entre les livres trouvĂ©s au PĂȘle-mĂȘle et manipulĂ©s par des mains inconnues et anonymes. De ces solid objets, qui nous regardent, tu retenais la mince chance d’une rencontre, d’un retardement sur page. Une Ă©rotique des Ă©carts imprĂ©visibles par rapport Ă  la ligne droite. (0000.....)

(
) la poĂ©sie des infinies potentialitĂ©s imprĂ©visibles de mĂȘme que la poĂ©sie du vide naissent d’un poĂšte qui n’a aucun doute quant Ă  la nature physique du monde. Cette pulvĂ©risation de la rĂ©alitĂ© s’étend aussi aux aspects visibles, et c’est lĂ  qu’excelle la qualitĂ© poĂ©tique de LucrĂšce : les grains de poussiĂšre qui

58 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
CENTRE D’ART DOMINIQUE LANG
MARLÈNE KREINS ET MICHÈLE WALERICH
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tourbillonnent dans un rayon de soleil au milieu d’une piĂšce sombre (II, 114-124) les toiles d’araignĂ©e qui nous enveloppent sans que nous nous en apercevions tandis que nous marchons (III, 381-390).

AccordĂ©e Ă  ces expĂ©riences qui se donnent en bordure de rĂ©cit, tu t’approchais d’une sorte de point omĂ©ga, oĂč (quand/comme) le temps bascule dans l’espace, l’horloge s’est arrĂȘtĂ© Ă  11 :11 et l’on ne cherche plus Ă  aligner les causes aux effets : tout donnait l’impression d’ĂȘtre rĂ©el, le rythme Ă©tait rĂ©el, paradoxalement, des corps qui se mouvaient musicalement, des corps qui bougeaient Ă  peine, une dodĂ©caphonie, des choses qui se passaient Ă  peine, cause et effet si radicalement sĂ©parĂ©s que tout lui paraissait rĂ©el, Ă  la façon dont sont dites rĂ©elles toutes les choses du monde physique que nous ne comprenons pas. (
) LumiĂšre et son, tonalitĂ© sans paroles, la suggestion d’une vie au-delĂ  du film, l’étrange rĂ©alitĂ© criante qui respire et mange lĂ -bas, cette chose qui n’est pas du cinĂ©ma. (22)

Rester debout faisait partie de l’art, l’homme debout participe. (
) Mais il revenait toujours au mur pour un contact physique, faute duquel il risquait de se retrouver à faire quoi, il ne savait pas trop
 (120)

Ces moments abstraits, de toute forme et toute taille, le motif du tapis, le grain du plancher, qui maintiennent son Ɠil comme son esprit en alerte absolue, et puis le palier, en plongĂ©e
 (119)

En contre-plongĂ©e du mur (Ă©cran) tu t’allongeais alors par terre et avec rigueur, sans bouger ni t’assouplir, tu essayais d’atteindre le plafond Ă  l’aide d’une projection sur verre. Telle une Ă©criture jouĂ©e infiniment sur un bout de papier de la taille de cette salle de passage : de l’univers clos au monde infini.

Avec des extraits et des citations de : Alessandro Baricco, ChĂąteaux de la colĂšre, Albin Michel, 1995 ; Italo Calvino, « LĂ©gĂšretĂ© » dans Leçons amĂ©ricaines, Gallimard, 2017 ; Don Delillo, Point OmĂ©ga, Actes Sud, 2010 ; Émilie Hache (ed.), De l’Univers clos au monde infini, Éditions Dehors, 2014, Chris Marker, Le Tombeau d’Alexandre, 1992 ; Ă©changes avec Rozafa Elshan ; marque page trouvĂ© par Rozafa Elshan ; Virginia Woolf, Solid Objects, dans A Haunted House and Other Short Stories, Adelaide, 2009.

59 CENTRE D’ART DOMINIQUE LANG ‱ ROZAFA ELSHAN: SYNTHÈSE D’UNE EXCURSION
© Rozafa Elshan

COMMISSAIRES

MARIE SOMMER : L’ƒIL ET LA GLACE

« L’ƒil et la Glace » poursuit une recherche sur les lieux-archives de la guerre froide que Marie Sommer a amorcĂ©e en 2018 Ă  la Stasi Ă  Berlin. L’installation explore cette fois les vestiges de la DEW Line (Distant Early Warning Line), un systĂšme de dĂ©fense mis en place dans le nord du Canada pour dĂ©tecter toute Ă©ventuelle invasion de l’AmĂ©rique du Nord par les SoviĂ©tiques. Cette ligne de radar et de communication Ă  longue portĂ©e trace une frontiĂšre magnĂ©tique sur l’ensemble du territoire arctique d’ouest en est.

Sur les nombreuses stations construites entre 1954 et 1956, la trĂšs grande majoritĂ© a Ă©tĂ© abandonnĂ©e, mais sans avoir Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e. DĂ©gradĂ©s par les effets du temps, ces lieux constituent en soi une archive, dont l’historicitĂ© est circonscrite Ă  l’intĂ©rieur d’un conflit qui s’est jouĂ© Ă  l’abri des regards.

L’installation se compose de trois parties : un film projetĂ© sur deux Ă©crans, des photographies tirĂ©es de fonds d’archives canadiens et Ă©tats-uniens imprimĂ©es avec les donnĂ©es cartographiques de tous les sites et une table-objet qui reprend des Ă©lĂ©ments architecturaux des dispositifs de radar. Par son titre, l’installation fait rĂ©fĂ©rence Ă  deux enjeux

gĂ©opolitiques dĂ©terminants de la guerre froide : la dĂ©tection Ă  distance (l’Ɠil) et la conquĂȘte du Nord (la glace).

Le film a Ă©tĂ© tournĂ© aux environs de Tuktoyaktuk Ă  quelques centaines de kilomĂštres de la station du nom de code BAR-3, situĂ©e Ă  une latitude de 69° 26’ 35” nord et une longitude de 132° 59’ 55” ouest. Ne pouvant accĂ©der au site en raison d’une fonte prĂ©maturĂ©e de la glace, Marie Sommer dirige sa camĂ©ra vers cette nature en transition et capte les effets de ce changement climatique sur l’environnement. TournĂ© en 16mm, le film n’est ni documentaire ni narratif. Il est au contraire abstrait et affiche sa propre matĂ©rialitĂ© analogique : le montage des courtes sĂ©quences alterne entre des paysages et des prises de vue rapprochĂ©es, qui donnent Ă  voir la texture singuliĂšre de la glace, et laisse apparaĂźtre des entrĂ©es de lumiĂšre, qui altĂšrent la pellicule. Le film semble ainsi sur le point de se dĂ©sagrĂ©ger de lui-mĂȘme.

60 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 DISPLAY01 CNA
ARTISTE MARLÈNE KREINS ET MICHÈLE WALERICH
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Cette dĂ©matĂ©rialisation accentue la fonte de la glace et fait Ă©cho Ă  la dĂ©gradation des sites militaires que montrent les images d’archives. La juxtaposition des photographies met en contraste deux temps du conflit : les lieux au moment de leur mise en opĂ©ration, oĂč se rĂ©vĂšle la froideur de leur technologie, et les lieux dĂ©saffectĂ©s, oĂč les vestiges divulguent la nature particuliĂšrement prĂ©caire de leurs architectures. Conçues dans l’urgence de la menace et dans des conditions extrĂȘmes, les stations radars de la Dew Line Ă©taient vouĂ©es Ă  l’obsolescence dĂšs leur origine en raison de l’évolution extrĂȘmement rapide des technologies de surveillance durant cette pĂ©riode critique de la guerre froide. Les dispositifs de radar s’imposent majestueusement dans plusieurs photographies, mais leur monumentalitĂ© a quelque chose de fantomatique, comme si le futur qu’ils prĂ©figuraient s’était figĂ© dans le passĂ©. Dans cette atmosphĂšre rĂ©tro-futuriste, que la comparaison des photographies laisse apparaĂźtre, on dĂ©cĂšle encore l’idĂ©e du progrĂšs malgrĂ© la dĂ©suĂ©tude qui y rĂšgne. Ces lieux-archives attesteraient ainsi d’une nouvelle temporalitĂ© que la guerre froide introduit et que « L’ƒil et la Glace » interroge : un temps antĂ©-numĂ©rique, oĂč se joue la transition entre une technologie de surveillance analogique, qui requiert la prĂ©sence humaine, et une technologie numĂ©rique entiĂšrement informatisĂ©e et opĂ©rationnelle Ă  distance. Montrer la dĂ©suĂ©tude de ces architectures de la guerre froide, comme le fait « L’ƒil et la Glace », ne vise pas Ă  parler de la fin d’un conflit, mais Ă  montrer l’obsolescence programmĂ©e dont ils sont les tĂ©moins matĂ©riels.

61 DISPLAY01 CNA DUDELANGE ‱ MARIE SOMMER : L’ƒIL ET LA GLACE
Marie Sommer, 2021, photogramme extrait du film l’ƒil et la Glace, double projection 16mm, environ 5’.
62 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
© Eline Benjaminsen, 2021, Vampire Squid. An exploitative or monopolising entity. Often equated to Goldman Sachs post 2008. First appeared in 19th century newspaper illustration.

COLLAPSED MYTHOLOGIES : UNE ANNEXE AU LEXIQUE GÉO-FINANCIER

ELINE BENJAMINSEN, 2021

On dit souvent que le jargon financier est dĂ©libĂ©rĂ©ment obscur ; en contrefaisant la complexitĂ©, il Ă©gare l’opinion publique. En parcourant le dictionnaire des termes financiers du Financial Times, Sami Hammana a dĂ©couvert qu’une grande partie du vocabulaire employĂ© par les chroniqueurs financiers de ce quotidien se rĂ©fĂšre au monde naturel.

« S’il existe une telle convergence » entre la nature et le marchĂ©, soutient-il, « alors la violence du capitalisme et la dĂ©gradation de l’environnement sont non seulement insĂ©parables, mais suivent des logiques similaires, sinon identiques, dans la dĂ©finition de stratĂ©gies d’émancipation. » (Hammana, The Geofinancial Lexicon, 2018)

Follement inspirée par des termes tels que « esprits animaux », « dead cat bounce », « ordres Iceberg », « jour des quatre sorciÚres » et « vampire des abysses », Benjaminsen a décidé de mettre en images ces bizarreries viscérales dans son dernier travail

“Collapsed Mythologies. An annex to the Geofinancial Lexicon”. L’objectif de ce projet, créé durant sa rĂ©sidence artistique au Centre national de l’audiovisuel au Luxembourg, est de formuler des plaidoyers visuels pour illustrer ces fictions financiĂšres et les dĂ©gager de leur opacitĂ© tout en examinant leurs Ă©tymologies et leurs mythologies. En tant que berceau mondial de la gigantesque industrie des fonds d’investissement, le grand-duchĂ© de Luxembourg a rĂ©cemment créé un centre d’innovation dans le secteur des marchĂ©s verts et de la finance durable –un cadre idĂ©al pour cette recherche.

Entre la signification de ces termes (comme les interactions financiĂšres habituellement Ă©voquĂ©es par des emprunts dĂ©rivĂ©s de l’écologie) et le monde naturel dĂ©signĂ© par ces termes, gisent de riches rĂ©cits mythologiques.

63 POMHOUSE & WAASSERTUERM ‱ COLLAPSED MYTHOLOGIES POMHOUSE CNA
ARTISTE ELINE BENJAMINSEN COMMISSAIRE DANIELA DEL FABBRO
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ARTISTES

COMMISSAIRE

LANDRUSH : VENTURES INTO GLOBAL AGRICULTURE

“LandRush - Ventures into global agriculture” est une exploration artistique de l’impact social et environnemental de l’agriculture à travers le monde.

L’agriculture accĂ©lĂšre le dĂ©rĂšglement climatique, l’extinction, l’érosion et la rarĂ©faction des ressources en eau. Elle monopolise environ 40% des terres Ă©mergĂ©es et plus de 70% de l’eau douce de la planĂšte, assĂ©chant les lits des riviĂšres et tarissant les nappes phrĂ©atiques.

En raison de la surexploitation des sols et de l’intensification rapide du rĂ©chauffement climatique, la dĂ©sertification est une des plus lourdes menaces pesant sur la vie sur terre. Tous les jours, Ă  chaque minute, l’avancĂ©e du dĂ©sert dĂ©truit 23 hectares de terres arables, tandis que la dĂ©gradation des sols rĂ©duit de 23% la productivitĂ© de l’ensemble de la surface terrestre mondiale.

La population mondiale devrait frĂŽler les dix milliards d’habitants d’ici 2048. L’évolution des rĂ©gimes alimentaires, plus riches en viande et en poisson, se traduira par une demande accrue en nourriture avec le risque d’une dĂ©gradation encore plus rapide des

sols par Ă©puisement, alors qu’au mĂȘme moment les rĂ©coltes seront de plus en plus mauvaises en raison du dĂ©rĂšglement climatique. Les fertilisants dĂ©versĂ©s par les activitĂ©s agricoles industrielles dĂ©traquent les Ă©cosystĂšmes des cours d’eau et des zones cĂŽtiĂšres, tandis que la dĂ©forestation et la transformation des prairies en terres cultivables causent l’érosion des sols et l’appauvrissement de la biodiversitĂ©. La nature dĂ©cline globalement Ă  un rythme sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire de l’humanitĂ© ; l’agriculture et les changements dans l’utilisation des sols en sont les principaux responsables et contribuent par ailleurs Ă  l’émission d’un quart environ des gaz Ă  effet de serre qui aggravent le dĂ©rĂšglement climatique. Plus que toute autre, l’agriculture est l’activitĂ© par laquelle l’espĂšce humaine transforme la planĂšte, pourtant la plupart des gens ne mesurent pas Ă  quel point nos systĂšmes alimentaires sont fragiles en rĂ©alitĂ©.

64 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
CNA
WAASSERTUERM
FRAUKE HUBER & UWE H. MARTIN DANIELA DEL FABBRO
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FRAUKE

Frauke Huber et Uwe H. Martin documentent les consĂ©quences sociales et environnementales de l’agriculture mondiale depuis 2007. En adoptant une dĂ©marche de journalisme lent, ils nouent d’étroites relations sur place avec des agriculteurs, des Ă©leveurs, des pĂȘcheurs et interviewent des responsables politiques, des activistes et des scientifiques. Leurs projets se dĂ©veloppent de maniĂšre organique, chapitre par chapitre, suivant un cycle constant de recherche, production et prĂ©sentation. Cette approche ouverte permet Ă  leur travail de faire surface au sein de contextes toujours nouveaux, en jetant progressivement des ponts entre publications dans des revues, films documentaires, Web-documentaires linĂ©aires et applications interactives jusqu’aux mises en espace dans des institutions culturelles.

White Gold (2007-2012) examine les effets sociaux et Ă©cologiques de la production mondiale de coton. Le coton entre dans la fabrication de nos vĂȘtements, des billets de banques, des aliments pour animaux, du dentifrice et des pellicules cinĂ©matographiques. Le commerce du coton a toujours Ă©tĂ© des plus inĂ©quitables et sa rĂ©putation de produit naturel n’est rien de plus qu’une illusion. Le coton dĂ©truit des rĂ©gions entiĂšres par ses besoins excessifs en eau, emploie plus de pesticides que d’autres cultures et

dĂ©grade les Ă©cosystĂšmes. De plus, le coton stimule l’industrialisation mondiale de l’agriculture.

Landrush (2011 – en cours) analyse l’impact des investissements agricoles Ă  grande Ă©chelle sur les Ă©conomies rurales et les droits fonciers, l’essor des carburants renouvelables, la rĂ©affectation des terres et l’avenir de l’agriculture Ă  travers le monde, tout en documentant l’accaparement nĂ©o-colonial des terres en Éthiopie, les mĂ©ga compagnies industrielles au BrĂ©sil, les fermes familiales florissantes grĂące Ă  la production d’éthanol dans l’Iowa, et l’agriculture biologique ainsi que les politiques d’amĂ©nagement du territoire en Allemagne orientale – parmi bien d’autres phĂ©nomĂšnes.

Dry West (2014 - en cours) documente la sociĂ©tĂ© hydroĂ©lectrique et les paysages façonnĂ©s par l’homme de l’ouest amĂ©ricain, oĂč les riviĂšres coulent dans des berges en bĂ©ton, Ă  travers les montagnes et le dĂ©sert, tout en rapportant de l’argent. Ce systĂšme, qui a fait fleurir le dĂ©sert et grandir des villes, est de plus en plus dĂ©sĂ©quilibrĂ©. La rĂ©gion rĂ©clame plus d’eau que ne peut en fournir la nature. Plus de 80% de l’eau est engloutie par un systĂšme agricole qui a mĂ©tamorphosĂ© la moisson en opĂ©ration miniĂšre ; au lieu du cuivre, de l’or ou du pĂ©trole, il extrait de l’eau fortement subventionnĂ©e.

65 POMHOUSE & WAASSERTUERM ‱ LANDRUSH : VENTURES INTO GLOBAL AGRICULTURE
© U we
Martin
H.
66 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
“The Family of Man”, ChĂąteau de Clervaux, 2021 © CNA / Girtgen Romain Edward Steichen, Self-Portrait with Camera, c.1917 © 2021 The Estate of Edward Steichen / Artists Rights Society (ARS), New York

COLLECTIONS PERMANENTES

Les “Steichen Collections” au Grand-DuchĂ© de Luxembourg rassemblent le patrimoine liĂ© Ă  Edward J. Steichen (1879-1973). La longue carriĂšre de cet artiste amĂ©ricain mondialement connu et d’origine luxembourgeoise a surtout Ă©tĂ© marquĂ©e par la photographie : d’une part, il travaille en tant que photographe prolifique, de l’autre comme direc-

teur au dĂ©partement photographie du Museum of Modern Art (MoMA) Ă  New York, oĂč son travail de commissariat d’exposition a trouvĂ© une rĂ©sonance internationale.

Plusieurs collections tĂ©moignent de son travail crĂ©ateur au Luxembourg : celles du MusĂ©e national d’histoire et d’art (MNHA), de la ville de Luxembourg et du Centre national de l’audiovisuel (CNA). Le fonds des Steichen Collections du CNA comprend les deux expositions emblĂ©matiques The Family of Man (1955) et The Bitter Years (1962) que Steichen crĂ©e en tant que curateur au MoMA. Elles forment aujourd’hui deux ensembles iconiques de la photographie humaniste et documentaire du XXĂšme siĂšcle.

THE FAMILY OF MAN MÉMOIRE DU MONDE DE L’UNESCO (CHÂTEAU DE CLERVAUX)

En 1955, Edward Steichen conçoit The Family of Man pour le 25Ăšme anniversaire du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une exposition qui attirera le monde au musĂ©e et qui entrera dans l’histoire de la photographie, par son ambition, son succĂšs

THE STEICHEN COLLECTIONS

international et sa rĂ©ception enthousiaste et controversĂ©e Ă  la fois. L’exposition est pensĂ©e comme un panorama humaniste visant Ă  tisser des liens entre les peuples via le pouvoir de communication de l’image. Steichen saisit l’esprit du temps et dessine une image rassurante, incluant tensions et espoirs, sur le fond du contexte historique agitĂ© de la guerre froide.

503 images de 273 auteurs de 68 pays sont ici sĂ©lectionnĂ©es pour composer un manifeste pour la paix et l’égalitĂ© fondamentale des hommes. Les images d’auteurs tels que Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Dorothea Lange, Robert Doisneau, August Sander, Ansel Adams, 
 y sont mises en scĂšne d’une maniĂšre moderniste et spectaculaire.

AprĂšs une itinĂ©rance internationale et dĂ©cennale, la collection est lĂ©guĂ©e au Grand-DuchĂ© de Luxembourg dans les annĂ©es 1960. EntrĂ©es dans les archives du CNA au moment de sa crĂ©ation en 1989, les photographies originales y sont restaurĂ©es et prĂ©parĂ©es Ă  l’exposition permanente au ChĂąteau de Clervaux – lieu choisi par Steichen lui-mĂȘme. Aujourd’hui, la collection fait partie de la MĂ©moire du Monde de l’UNESCO et est prĂ©sentĂ©e selon une interprĂ©tation contemporaine au respect de son histoire.

www.steichencollections.lu

67 THE STEICHEN COLLECTIONS CNA ‱ COLLECTIONS PERMANENTES
CNA
CONSERVATRICE ANKE REITZ
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68 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Yvon Lambert, Derniers Feux, Rigole basculante // Arbed, Esch-Belval, Haut-fourneau B, 1997

DERNIERS FEUX

L’extinction du dernier haut fourneau de l’usine sidĂ©rurgique d’Esch/Belval, un quartier d’Esch-sur-Alzette, marque la fin d’une Ă©poque importante dans l’histoire industrielle du Luxembourg. Avec sa sĂ©rie de photographies Derniers

Feux, vĂ©ritable monument Ă  la mĂ©moire du monde disparu des hauts fourneaux et usines sidĂ©rurgiques du GrandDuchĂ©, Yvon Lambert prĂ©serve de l’oubli cette partie de notre histoire.

L’alliance entre l’homme, le feu et le fer est ancienne. Si les premiers fours de fusion furent construits il y a 3000 ans, le feu et le fer restent, aujourd’hui, des Ă©lĂ©ments essentiels, des Ă©lĂ©ments qui n’ont rien perdu de leur force symbolique. La fascination qu’inspirent ces Ă©lĂ©ments et leur transformation reste entiĂšre. Celui qui a eu l’occasion de visiter une usine sidĂ©rurgique ne peut ignorer l’aura de ces anciennes cathĂ©drales industrielles.

ARCHIVES NATIONALES DE LUXEMBOURG

Selon Roland Barthes « dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a Ă©tĂ© lĂ . Il y a double position conjointe : de rĂ©alitĂ© et de passĂ©. Ça-a-Ă©tĂ© ; il a Ă©tĂ© absolument, irrĂ©cusablement prĂ©sent, et cependant dĂ©jĂ  diffĂ©rĂ© ». Cette conception de la Photographie s’applique particuliĂšrement Ă  l’Ɠuvre d’Yvon Lambert, sa pratique de la photographie argentique fondĂ©e sur des processus photochimiques qui transposent les traces lumineuses et temporelles d’une rĂ©alitĂ© manifeste. De lĂ , ce rĂ©alisme mĂ©lancolique et poignant propre aux tirages d’Y. Lambert, malgrĂ© la grande diversitĂ© des sujets et des lieux qu’ils nous donnent Ă  voir. Dans sa sĂ©rie Derniers Feux, cette rĂ©alitĂ© est celle du monde dĂ©sormais historique de la sidĂ©rurgie, du travail des hommes, des infrastructures techniques et de l’atmosphĂšre qui le caractĂ©risent. En procĂ©dant ainsi, ses images vont bien au-delĂ  d’un intĂ©rĂȘt documentaire.

69 ARCHIVES NATIONALES DE LUXEMBOURG ‱ ÉTAT DES LIEUX
ARTISTE YVON LAMBERT
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« Un Ɠil du photographe, grand ouvert, regarde à travers le viseur, l’autre, fermĂ©, regarde à l’intĂ©rieur de sa propre Ăąme », Henri Cartier-Bresson dĂ©finit ainsi le caractĂšre duel du regard du photographe à la fois extĂ©rieur et intĂ©rieur. Cette mĂȘme dĂ©marche se retrouve chez Y. Lambert dans l’art d’aborder le sujet. Comme le dĂ©montrent ses autres sĂ©ries photographiques, il est un observateur extrĂȘmement fin et prĂ©cis. Cependant, c’est par sa capacitĂ© à saisir des atmosphĂšres et des ambiances, par son intĂ©rĂȘt pour les gens, son empathie et sa curiositĂ© intellectuelle qu’il va au-delĂ  des images toutes faites pour rendre visible ce qui à premiĂšre vue ne l’est pas. Dans ces photographies le spectateur reste parfois en arrĂȘt devant la menace de gerbes d’étincelles. Force, dynamisme, concentration extrĂȘme sont nĂ©cessaires dans ces hauts et obscurs espaces qui ressemblent à de sombres cathĂ©drales et dans lesquelles les hommes paraissent petits et perdus dans leur harassant travail quotidien.

70 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Yvon Lambert, Derniers Feux, Rigole basculante / Arbed, Esch-Belval, Haut-fourneau B, 1997

CE TÉMOIGNAGE D’UNE ANCIENNE CULTURE INDUSTRIELLE EST AUSSI

UN HOMMAGE À LA VIE ET AU TRAVAIL DES HOMMES QUI EN FURENT

LES ACTEURS.

71
ARCHIVES NATIONALES DE LUXEMBOURG ‱ ÉTAT DES LIEUX
Yvon Lambert, Derniers Feux, Plancher de coulée / Arbed, Esch-Belval, Haut-fourneau B, 1997
72 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Luxembourg: 9723 Luxembourg du parc Mansfeld Luxembourg: 9717 Pfaffenthal, du jardin Pescatore

VUES DU LUXEMBOURG ET DE « L’ORIENT »

Francis Frith (1822-1898) acquiert une Ă©norme renommĂ©e en Grande-Bretagne durant la seconde moitiĂ© du 19e siĂšcle, grĂące aux photos ramenĂ©es de ses trois voyages en Orient entre 1856 et 1860. L’égyptomanie submerge la sociĂ©tĂ© victorienne, les fouilles archĂ©ologiques suscitent un grand intĂ©rĂȘt et, en 1854, le public afflue pour voir l’Egyptian Court au Crystal Palace Ă  Sydenham.

Frith est un homme au tempĂ©rament passionnĂ©, trĂšs religieux, Ă©rudit malgrĂ© le fait qu’il ait arrĂȘtĂ© sa scolaritĂ© Ă  l’ñge de seize ans. Il relate dans son autobiographie que durant ses annĂ©es d’apprentissage Ă  Sheffield, il s’est plongĂ© dans les Ă©crits mĂ©taphysiques de John Locke, Dugald Stewart et Adam Smith. Il aime aussi lire de la poĂ©sie, des rĂ©cits de voyages et des biographies[I]. La famille Frith fait partie du mouvement des quakers et Francis a une illumination

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG

religieuse Ă  la suite d’une dĂ©pression aux alentours de dix-neuf ans. Sa foi est alors devenue l’un des fondements de sa vie. Durant cette Ă©poque de mal-ĂȘtre, il voyage avec ses parents au Nord de l’Angleterre dans le Yorkshire, au Pays de Galles et en Écosse. Il dĂ©cide ensuite de se lancer dans le commerce alimentaire de gros avec un associĂ© Ă  Liverpool, qui est Ă  cette Ă©poque une ville maritime en plein essor. Lorsqu’il vend son commerce Ă  trente-quatre ans, il a amassĂ© une telle fortune qu’il peut vivre de ses rentes. C’est Ă  Liverpool qu’on trouve la trace de son intĂ©rĂȘt pour la photographie, il est un des membres fondateurs de la Liverpool Photographic Society créée

73 BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG ‱ VUES DU LUXEMBOURG ET DE « L’ORIENT »
ARTISTE FRANCIS FRITH COMMISSAIRE BNL (NADINE ABEL-ESSLINGEN)
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en 1853[II] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine: a Victorian photographer abroad. Princeton : Princeton Univ. Press, 2004, notes p. 184 extrait de Francis Frith A true story of my life: a biographical, metaphysical, and religious history by Francis Frith (1884): un manuscrit non publié, qui est dans la famille de Frith et que son biographe principal Douglas R. Nickel a pu consulter et dont il cite de nombreux extraits II Ibid., p. 29
FRANCIS FRITH, LE REGARD D’UN PHOTOGRAPHE DE L’ÉPOQUE VICTORIENNE

Celle-ci a sa propre revue, le Liverpool Photographic Journal, qui mentionne en 1856 que Frith a participĂ© Ă  l’exposition de la London Photographic Society et que « les meilleurs portraits sont ceux de notre membre, Mr. Frith, un amateur ».[III] Cette exposition prĂ©sente quatorze photos de Frith, dont deux portraits et des photos de paysages du Pays de Galles, dont des vues stĂ©rĂ©oscopiques, vendues par la sociĂ©tĂ© d’instruments d’optique Negretti and Zambra. Frith travaille avec le procĂ©dĂ© au collodion humide, qui produit les nĂ©gatifs les plus fiables et nets. Ce procĂ©dĂ© au collodion humide sur verre inventĂ© par l’anglais F. Scott Archer et rendu publique en 1851 s’avĂšre difficile Ă  maĂźtriser, d’une part « Ă  cause de la fragilitĂ© du support verre, mais aussi parce que l’humiditĂ© de l’émulsion doit ĂȘtre maintenue de la prise de vue au fixage du nĂ©gatif. Les opĂ©rateurs, en voyage surtout, devaient agir rapidement et dĂ©velopper sur-le-champ. »[IV] Notons aussi que Frith signe dĂ©jĂ  ses nĂ©gatifs en gravant son nom dans l’émulsion au collodion, pour contrecarrer le piratage[V]

Frith, qui dĂ©mĂ©nage Ă  Reigate aprĂšs avoir vendu son affaire, se sent pourtant dĂ©sƓuvrĂ©. C’est alors qu’il dĂ©cide de voyager: “ The very best thing that a young man of means and leisure can do, if he has not yet found another destiny.”[VI] C’est dans l’état d’esprit du Grand Tour en Orient, effectuĂ© par l’aristocratie ou la bourgeoisie aisĂ©e, qu’il se lance dans l’aventure Ă©gyptienne.

En compagnie de son ami Francis Herbert Wenham, un ingĂ©nieur en optique et mĂ©canique, il part en Égypte de septembre 1856 jusqu’en juillet de l’annĂ©e suivante. Les deux compagnons se complĂštent par leur inventivitĂ©, Wenham avec un bateau Ă  vapeur de sa crĂ©ation qu’il amĂšne en Égypte et Frith avec son chariot de travail couvert, en osier, utilisĂ© comme chambre noire sur roues et occasionnellement comme chambre Ă  coucher. Les Ă©gyptiens spĂ©culent qu’il transporte son harem dans son chariot, ce qui lui vaut beaucoup de respect.[VII] Lors de ce premier voyage, Frith remonte la VallĂ©e du Nil jusqu’à Abou Simbel. Il a emportĂ© trois appareils photographiques de diffĂ©rents formats, un appareil Ă  plaque standard

[III] Ibid., p. 44 et p. 189 Liverpool Photographic Journal 3, no.27 (8 mars 1856)

[IV] François Brunet La naissance de l’idĂ©e de photographie. Paris PUF, 2000 p. 222

[V] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 45

[VI] Ibid. p. 29 extrait de: Francis Frith A true story of my life

(200x250mm), un appareil Ă  plaque mammouth (400 x 500 mm) et un petit appareil stĂ©rĂ©oscopique[VIII]. Wenham dit dans ses mĂ©moires que c’était les dĂ©buts du procĂ©dĂ© du collodion humide et qu’ils n’étaient pas optimistes quant au rĂ©sultat, car ils Ă©taient les premiers Ă  tenter l’expĂ©rience dans des « pays chauds »[IX]

Wenham Ă©tant le consultant optique de Zegretti and Zambra, cette firme publie les premiĂšres vues stĂ©rĂ©oscopiques en 1857, que Frith leur envoie d’Égypte.[X] À leur retour, ils restent trois mois en Angleterre, le temps de se refournir en matĂ©riel pour repartir pour six mois, cette fois jusqu’en Palestine, via l’Égypte, de novembre 1857 Ă  mai 1858. Ils se rendent Ă  Jaffa par la mer, puis ils vont Ă  JĂ©rusalem, Hebron, la mer morte, Nazareth, Damas, Baalbek et Beyrouth[XI]

AprÚs ce voyage, Frith est déjà une célébrité, il donne des conférences, expose ses tirages grands formats et supervise la publication de son premier ouvrage.

C’est l’éditeur James S. Virtue qui publie Egypt and Palestine en deux volumes avec 76 photos, distribuĂ©es par souscription en 25 fascicules avec un tirage de

[VII] Ibid. p. 47 extrait de: Francis Frith Egypt and Palestine, vol. 2. London James Virtue, 1858-60

[VIII] John Hannavy (ed.) Encyclopedia of nineteenth century photography. New York : Routledge, 2008, p. 558

[IX] Ibid. p. 48 extrait de : Francis Wenham A photographic tour: past and present (British journal of photography 45, no. 1997 (12 Aug. 1898)

[X] Colin Osman Egypt caught in time. Reading : Garnet, 1997, p. 35

[XI] Douglas R. Nickel Francis Frith in Egypt and Palestine, p. 29

74 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Egypt: Plate LXXXII Colossal statue of Rameses, Abou Simbel, stereoscopic view

2000 exemplaires[XII], en 1858 et en 1859. À cette pĂ©riode germe en Frith l’idĂ©e que l’illustration photographique de livres sera le futur de l’imprimerie et il s’associe Ă  un marchand d’images londonien pour crĂ©er la firme Frith and Hayward.[XIII]

En 1859, Frith entreprend son dernier voyage en Orient, qu’il considĂšre comme « une prouesse, et peut-ĂȘtre une folie »[XIV]. Il va plus loin que n’importe quel photographe avant lui, presque jusqu’à la troisiĂšme cataracte et atteint Soleb en Nubie. Ce pĂ©riple est trĂšs Ă©prouvant, il parcourt des kilomĂštres Ă  dos de chameau. Il relate dans une lettre Ă  la London Photographic Society du 7 aoĂ»t 1859: «[W]e were devoured by thousands of sandflies ; the water was bad, and the great heat. I worked hard, and took some fine pictures
 I imagine the temperature in my little tent could not be less than 130° Fahrenheit; the developing solution was quite hot»[XV]. Il re-photographie certains sites notamment Ă  cause de nouvelles excavations entreprises depuis sa derniĂšre visite et ajoute d’autres vues.

À son retour de voyage, il relocalise sa sociĂ©tĂ© d’impression et d’édition pho-

[XII]

tographique Ă  Reigate, sous le nom de F. Frith & Co. Il publie son travail et celui d’autres photographes. Devinant l’essor du tourisme naissant, il s’emploie Ă  photographier chaque ville, village et site en Grande-Bretagne. Il est assistĂ© par d’autres photographes, qu’il forme au style photographique distinctif de la maison. Il Ă©labore cette idĂ©e de gĂ©nie en commissionnant des photographes pour aller aux quatre coins du globe. En Orient, un de ces photographes est Frank Mason Good (1839-1928), dont on retrouve des photos dans l’album du Luxembourgeois Tony Dutreux, qui effectue un voyage en Orient en 1867. Mason Good est commissionnĂ© par Frith entre 1866 et 1867 et certaines photos prĂ©sentes dans l’album de Dutreux sont dans le catalogue Frith’s Photo-pictures, The Universal series (Sinai & Palestine). Elles Ă©taient publiĂ©es sous le nom de Frith dans son livre F. Frith’s photo-pictures from the Lands of the Bible. Illustrated by scripture words. Au Luxembourg, « un anglais du nom de Simpson, qui travaille pour [
] Francis Frith, prend onze vues de la capitale. [
] On retrouve ces vues collĂ©es dans des livres illustrĂ©s mis en vente sous le titre Frith’s photographs, sans mention du nom de l’auteur des clichĂ©s. L’imprimeur-libraire luxembourgeois Pierre Bruck, les acquiert Ă  son tour pour les vendre ensuite [soit] Ă  l’unitĂ©, montĂ©es ou non sur carton Bristol, sous 3 formats diffĂ©rents [
], [soit] rĂ©unies dans un album, toujours sans indication du nom du photographe.»[XVI] Julia Skinner de la Francis Frith Collection pense que Simpson est soit un photographe employĂ© par la F. Frith & Co., soit un photographe indĂ©pendant et que la F. Frith & Co. achĂšte les droits pour publier et distribuer ces photos ou que la F. Frith & Co. le commissionne spĂ©cialement pour prendre ces photos pour leur compte. La BibliothĂšque nationale du Luxembourg prĂ©sente dans son exposition les photos du Luxembourg extraites des deux albums qu’elle possĂšde,[XVII] ainsi que les photos orientales de Francis Frith tirĂ©es du livre Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith.[XVIII]

Nadine Abel Esslingen

[XIII] Nickel p. 78

[XIV] Nickel

[XV]

75 (10 Feb. 1860)

[XVI] Edmond Thill et al. Charles Bernhoeft photographe de la Belle Ă©poque. Luxembourg MusĂ©e national d’histoire et d’art, 2014, p. 81. « La Luxemburger Zeitung du 26 mai 1880, le signale dans ses colonnes p.2 »

[XVII] [Francis Frith] Souvenir de Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient onze photos (17 x 11 cm) numérotées de 9715-9726, datées c.1877 dans les registres tenus à la Francis Frith collection

[Francis Frith] Luxembourg Luxembourg : Pierre Bruck, [ca. 1880] : contient vingt photos (26 x 15 cm), par Frith numĂ©rotĂ©es comme suit: 9715-9720 ; 9722-9725 ; 11556-11560 ; 11562-11563 [s. n.: „Portail de la CathĂ©drale”] 11568 [renversĂ©] ; 11571. Contient les 10 photos du 1er album, ainsi que d’autres vues, datĂ©es c.1879 dans la Francis Frith collection.

[XVIII] Francis Frith Egypt, Nubia, and Ethiopia / illustrated by one hundred stereoscopic photographs, taken by Francis Frith for Messrs. Negretti and Zambra ; with descriptions and numerous wood engravings by Joseph Bonomi ; and notes by Samuel Sharpe. London : Smith, Elder and Co., 1862

75 BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG ‱ VUES DU LUXEMBOURG ET DE « L’ORIENT »
Jean Vercoutter L’Égypte Ă  la chambre noire: Francis Frith, photographe de l’Égypte retrouvĂ©e. Paris : Gallimard, 2002, p. 9 cite Francis Frith A true story of my life p. 59 Nickel p. 59 Report of the collodion committee, ”Supplement to the photographic News”, no.
76 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Tito Mouraz, untitled, project Fluvial, 2018

TITO MOURAZ : FLUVIAL

Deux Ă©pidĂ©mies photographiques plus ou moins inoffensives affectent respectivement les photographes de la nature et les photographes du territoire. L’un d’eux est, pour reprendre les termes de Lewis Baltz, l’« esthĂ©tique de la carte postale » ; le second, le regard anesthĂ©siĂ© par l’ironie. Bien que s’intĂ©ressant Ă  la nature et se consacrant, il est vrai, Ă  un territoire dĂ©limitĂ© spĂ©cifique (les plages et les villages de l’intĂ©rieur nord et du centre du Portugal), Tito Mouraz est Ă  l’abri des deux.

PhotographiĂ©es entre 2011 et 2018, ces scĂšnes fluviales rĂ©vĂšlent une rĂ©flexion assez longue et patiente sur les maniĂšres dĂ©centes, sophistiquĂ©es et pertinentes de traiter photographiquement une gĂ©ographie tombĂ©e visuellement dans la banalitĂ©. Il n’est pas sans intĂ©rĂȘt de se souvenir que c’est aussi de sa gĂ©ographie personnelle qu’il s’agit qui est Ă  l’origine de ce questionnement et des difficultĂ©s additionnelles - photographiques mais pas exclusivement – Ă  savoir comment traiter ses propres origines sans indulgence mais aussi sans duretĂ© excessive ? Comment

rĂ©inventer un paysage victime de conventions ? etc. La solution trouvĂ©e par Tito Mouraz semble avoir Ă©tĂ© la construction d’une ambiance de fiction - une ode au loisir - basĂ©e sur des gestes théùtraux et un regard qui abandonne le familier, Ă  travers lesquels il conserve, pour ainsi dire presque paradoxalement, un sentiment d’appartenance intime et une empathie dĂ©complexĂ©e.

La sĂ©rie Fluvial tisse Ă©galement une analogie entre l’érosion et la vision, basĂ©e sur des analogies visuelles entre les corps humains et d’autres corps organiques et inorganiques. Tout comme les courants dĂ©forment les troncs d’arbres et façonnent des blocs minĂ©raux, qui Ă©mergent dans ces images presque comme des sculptures de land art, la relation de longue date avec un territoire a, dans cette Ɠuvre de Tito Mouraz, une fonction purifiante et rĂ©vĂ©latrice, conduisant Ă  voir ces figures humaines avant tout autre aspect, comme des formes analogues Ă  celles-ci.

77 INSTITUTO CAMÕES, CENTRE CULTUREL PORTUGAIS ‱ TITO MOURAZ: FLUVIAL INSTITUTO CAMÕES CENTRE CULTUREL PORTUGAIS ARTISTE TITO MOURAZ
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

Ce geste a un double effet. D’une part, il signale avec Ă©lĂ©gance les liens telluriques - ou, Ă  proprement parler, fluviaux - entre certains corps et certains lieux. Mutatis mutandis, il nous met au dĂ©fi, de maniĂšre quelque peu provocante, en revanche, d’envisager dans une perspective presque inconcevable les individus humains comme des Ɠuvres de land art, comme de simples formes naturelles. Figures alĂ©atoires d’une Ă©tude continue des formes, de la lumiĂšre et de la couleur, dans la gĂ©ographie intime qui caractĂ©rise l’Ɠuvre de l’auteur au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, le rĂŽle de ces personnes n’est pas trĂšs diffĂ©rent de celui des modĂšles en peinture, sauf qu’ils se dĂ©placent librement. DifficultĂ© rĂ©solue ici par des principes de travail explicites, autour desquels est dĂ©clarĂ©e - intentionnellement ou non - l’insĂ©parabilitĂ© entre l’expertise technique et la pudeur envers un sujet.

Trois aspects en particulier, parmi d’autres, mĂ©ritent d’ĂȘtre signalĂ©s. PremiĂšrement, le traitement de l’eau non seulement comme Ă©lĂ©ment qui permet de flotter ( l’observateur face Ă  l’irrĂ©ductibilitĂ© de la forme humaine), mais aussi comme instrument optique

Ă  proprement parler oĂč l’image rĂ©flĂ©chie des corps immergĂ©s apparaĂźt comme une mĂ©taphore oĂč se diluent les formes habituelles du vacancier. Puis, dans certains des portraits, la combinaison magistrale du flash avec l’utilisation de grandes ouvertures, une combinaison qui ne produit pas tout Ă  fait des photographies de paysage mais plutĂŽt des photographies d’images du paysage, comme des scĂ©narios ouverts suivant lesquels se mettent en Ă©vidence des corps d’homme et oĂč le photographe s’approprie la nature comme s’il s’agissait d’un grand studio privĂ©. Et enfin la maniĂšre dont - grĂące Ă  une utilisation affirmĂ©e de la lumiĂšre discontinue - les corps sont accentuĂ©s dans des jeux d’ombre et de lumiĂšre et oĂč les rĂ©fĂ©rents ne se trouvent peut-ĂȘtre pas dans la tradition photographique mais plutĂŽt dans l’histoire de la peinture, chez des maĂźtres comme Manet ou Courbet. RĂ©aliste et pourtant onirique, paĂŻen dans sa façon de considĂ©rer la nature et recrĂ©ant l’ambiance d’un dimanche sans fin, Fluvial s’imprime dans la mĂ©moire comme un rĂȘve d’étĂ© portugais.

Humberto Brito ( traduit du portugais par Pierre Stiwer )

78 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Tito Mouraz, untitled, project Fluvial, 2013

LA SÉRIE „FLUVIAL” TISSE UNE

ANALOGIE ENTRE L’ÉROSION ET LA VISION, BASÉE SUR DES ANALOGIES

VISUELLES ENTRE LES CORPS HUMAINS ET D’AUTRES CORPS ORGANIQUES ET INORGANIQUES.

79
Tito Mouraz, untitled, project Fluvial, 2012 INSTITUTO CAMÕES, CENTRE CULTUREL PORTUGAIS ‱ TITO MOURAZ: FLUVIAL
80 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Daniel Reuter, Sans titre (#36 de la série History of the Visit), 2013

DANIEL REUTER : OVERSEES

Les sujets photographiques sont gĂ©nĂ©ralement un Ă©lĂ©ment de distraction. Si l’indexicalitĂ© de la photographie est son plus grand atout, elle lui permet Ă©galement d’induire en erreur le spectateur en l’ entraĂźnant vers des impasses sĂ©mantiques. Or, sujet et sens, bien que souvent distincts, sont la plupart du temps intimement liĂ©s. Ils nous donnent accĂšs Ă  l’image, tout en pointant vers un champ qui lui est extĂ©rieur, vers une possible Ă©vasion.

History of the Visit de Daniel Reuter semble documenter une visite en Islande, mais les apparences sont trompeuses. DĂ©ployant un langage formel rigoureux et concis, c’est un voyage vers l’intĂ©rieur - une Ɠuvre atmosphĂ©rique, empreinte d’une forte tension psychologique qui finit par hanter le spectateur. MarquĂ©es par une forme de retenue et

de discrĂ©tion, ces images sombres et faiblement contrastĂ©es nous font traverser le paysage islandais, tout en Ă©vitant les vues spectaculaires et les attractions touristiques. Branches cassĂ©es, hangars verrouillĂ©s, rochers et champs recouverts de mousse – tout est vu Ă  travers un regard Ă  la fois inquisiteur et distanciĂ©. Ces images de lichens, de roches et de prairies balayĂ©es par le vent rappellent le travail de Paul Caponigro et des photographes naturalistes, tout en jouant sur un registre plus mĂ©lancolique, voire sinistre. Si Minor White abandonnait les enseignements de Gurdjieff et se mettait Ă  Ă©couter Sunn O))) et Brian Eno, c’est probablement Ă  cela que son travail ressemblerait.

81 GALERIE NOSBAUM REDING ‱ DANIEL REUTER: OVERSEES ARTISTE DANIEL REUTER SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION GALERIE
NOSBAUM REDING

Bien que dĂ©tachĂ©es et d’apparence minimaliste, les images de Daniel Reuter, par leurs tons sombres et leurs sujets Ă©voquant l’obscurcissement – portes fermĂ©es, cordes, parois rocheuses imposantes et broussailles infranchissables – renvoient Ă  une intĂ©rioritĂ© insaisissable, hors de notre portĂ©e. Au touriste occasionnel, il n’est guĂšre donnĂ© de porter un regard plus approfondi sur le pays qu’il dĂ©couvre. Au mieux, il Ă©cume la surface, glanant ici et lĂ  des impressions plus significatives. Les images de Daniel Reuter semblent ainsi Ă  premiĂšre vue se contenter d’une vision limitĂ©e de l’Islande et n’es-

saient pas de nous montrer une version dĂ©finitive du pays - Ă  supposer que cela soit possible. Mais comme Roni Horn, qui a Ă©galement choisi l’Islande pour explorer un territoire avant tout psychologique, Daniel Reuter sonde les profondeurs en portant son regard Ă  la fois vers l’extĂ©rieur et l’intĂ©rieur. Notre sĂ©jour en Islande au cĂŽtĂ© de l’artiste est certes court, mais qui a dit qu’une visite devait durer pour affecter profondĂ©ment celui qui l’effectue ?

( “History of the Visit” : version lĂ©gĂšrement amendĂ©e d’un texte initialement publiĂ© dans “Paper Journal”, 27 mars 2014 )

L’exposition “Oversees” de Daniel Reuter chez Nosbaum Reding combine et recontextualise pour la premiĂšre fois des Ɠuvres des sĂ©ries “History of the Visit” (2013) et “Beachhead” (2018) ainsi que des Ɠuvres rĂ©centes liĂ©es aux voyages de l’artiste au Chili.

82 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Adam Bell Daniel Reuter, #1004336 (de la série Beachhead), 2017 Daniel Reuter, #1004451 (de la série Beachhead), 2017

BIEN QUE DÉTACHÉES ET D’APPARENCE MINIMALISTE, LES IMAGES DE DANIEL REUTER, PAR LEURS TONS SOMBRES ET LEURS

SUJETS ÉVOQUANT L’OBSCURCISSEMENT (... ) RENVOIENT À UNE INTÉRIORITÉ INSAISISSABLE, HORS DE NOTRE PORTÉE.

83 Daniel Reuter, No Pasar, 2016 GALERIE NOSBAUM REDING ‱ DANIEL REUTER: OVERSEES
84 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Éric
Ed/5
Poitevin, Sans titre, 2018,

ÉRIC POITEVIN

Si l’on s’attache au parcours et aux choix de vie d’Éric Poitevin, des clichĂ©s sont toujours possibles : l’enracinement lorrain et la campagne meusienne, la mĂ©ritocratie des Beaux-Arts et la Villa MĂ©dicis, l’enseignement Ă  Paris... Mais cette lecture de son parcours Ă©clairerait mal les choix esthĂ©tiques et l’oeuvre de ce photographe talentueux, simple, inventif et toujours passionnant.

Pour mieux dĂ©couvrir l’homme de 56 ans, mieux vaut regarder ses photographies, dont certaines, plus qu’une biographie documentĂ©e toujours à écrire[1], parlent d’une forme d’apaisement et de quelques certitudes, assez rares chez un artiste. Commençons donc par ce qu’il montre de la nature qui l’entoure, faune et flore confondues en gommant les ombres dans une lumiĂšre diffuse, un peu comme le faisait le regrettĂ© Thibaut Cuisset. Leurs oeuvres ne se ressemblent pas. Ici, le photographe

serre de beaucoup plus prĂšs son sujet pour saisir non pas un paysage (sauf au cap Corse) mais plutĂŽt une architecture naturelle, tout ce qu’elle donne à dĂ©couvrir derriĂšre les entrelacs vĂ©gĂ©taux : la glaise, les tensions et une violence sourde. Violence mise à distance dans des photos de bĂȘtes abattues, lors de parties de chasse auxquelles Éric Poitevin, pĂȘcheur en Ă©tang, ne va pas. Pour lui, pas d’idĂ©ologie ancrĂ©e dans la vĂ©ritĂ© d’une terre meusienne qu’il aime pourtant au point d’y vivre au long cours. Mais d’abord une curiositĂ© jamais rassasiĂ©e... VoilĂ  qui n’en fait pas un grand voyageur et « mĂȘme de moins en moins ». Il s’agit plutĂŽt de creuser dans son prĂ©, d’approcher sans cesse. D’oĂč cette complicitĂ© affichĂ©e avec l’écrivain Jean-Christophe Bailly.

85 FELLNER CONTEMPORARY ‱ ÉRIC POITEVIN ARTISTE ÉRIC POITEVIN SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION FELLNER CONTEMPORARY
[I]
Hors de la somme qui est consacrĂ©e Ă  son parcours de photographe : Éric Poitevin. Photographies 1981/2014, de Mayeur, Éd. Toluca, 432 p.

« Dans mon travail, j’ai misĂ© sur le long terme. Pendant les annĂ©es 1980 en photographie, il fallait ĂȘtre dans la rĂ©pĂ©tition. Ça ne m’intĂ©ressait pas. D’une certaine façon, mes portraits d’anciens de la guerre 14-18 ont trop bien marchĂ©. TrĂšs vite, on m’a demandĂ© de rĂ©pĂ©ter le geste... J’ai alors choisi une stratĂ©gie de la rupture. J’ai pensĂ© qu’à la fin de chaque travail, il fallait repartir de zĂ©ro.» En redistribuant les cartes. « D’oĂč mon corpus assez hĂ©tĂ©roclite qui m’a Ă©tĂ© reprochĂ©. Mais aujourd’hui, ces Ă©carts sont devenus comme le ciment de mon travail. » Il est donc possible de repĂ©rer des ruptures formelles : d’étonnantes photos en couleur d’une fanfare, de paysages en Corse qui l’ont « libĂ©rĂ© de beaucoup de choses ». « Je suis passĂ© au grand format et je n’en suis jamais sorti. C’est une construction. Elle demeure le chemin le plus court entre l’image et vous. Le numĂ©rique offre plus de prĂ©cision et moins de comprĂ©hension. Aujourd’hui, peut-ĂȘtre est-on en train de passer d’un oeil de bovin Ă  un oeil de faucon ? De toute maniĂšre, il me faudra du temps pour passer au numĂ©rique. » Éric Poitevin refuse radicalement l’urgence. Comment vivre de son travail de photographe alors que le soutien public s’érode et celui du privĂ© se nĂ©gocie le plus souvent sous condition ? Ne pas trop croire au mĂ©cĂ©nat et trĂšs rarement aux travaux de commande. « Trouver un Ă©quilibre grĂące

Ă  des collectionneurs qui achĂštent vos photos » et des activitĂ©s d’enseignant « vĂ©cues beaucoup plus comme une initiation qu’une transmission ». Les portraits d’Éric Poitevin saisissent les ĂȘtres au point de les faire parler. Assez statiques, ils livrent dans les regards et les esquisses de sourire, des rĂȘves, des attentes, une histoire. La dĂ©monstration Ă©tait sans doute plus facile Ă  faire quand les sujets Ă©taient les combattants de 14-18. Plus compliquĂ©e peut-ĂȘtre avec des membres de la Curie romaine (travail Ă  la Villa MĂ©dicis). Moins Ă©vidente avec ces musiciens de Longuyon, ville de Meurthe-et-Moselle oĂč il a grandi. Pourtant dans ses photographies, l’effet de vĂ©ritĂ© est saisissant, Ă  mille lieues des images mensongĂšres ou - et publicitaires. Son travail au Palais Galliera (« Anatomie d’une collection ») Ă©loigne du faux glamour pour un Ă©trange voyage ethnologique dans la mode. C’est encore plus vrai pour ses nus remarquables qui le rapprochent du Patrice ChĂ©reau d’IntimitĂ© ou de La Reine Margot. DensitĂ©, agilitĂ© et puissance des corps. La chair est lĂ , vivante. Ce ne sont pas des natures mortes. Comme sont vivantes les plantes, son nouvel objectif de photographe. L’aventure se continuera aussi dans les Highlands, en Écosse, pour un retour aux paysages.

86 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021

[...] DANS SES PHOTOGRAPHIES, L’EFFET DE VÉRITÉ EST SAISISSANT, À MILLE LIEUES DES IMAGES MENSONGÈRES ET / OU PUBLICITAIRES.

87 FELLNER CONTEMPORARY ‱ ÉRIC POITEVIN
Éric Poitevin, Sans titre, 2016, Ed/5
88 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Sandra Kantanen, Jellyfish #2, 2015, Pigment print on aluminum, framed, 128 x 108 cm, Courtesy of Persons Projects and Valerius Gallery

ARTISTES

COMMISSAIRE YASEMIN ELCI

APPRIVOISER LA NATURE

Les artistes de l’École de Helsinki ont commencĂ© Ă  explorer la nature Ă  peu prĂšs au mĂȘme moment oĂč le chimiste atmosphĂ©rique Paul J. Crutzen, laurĂ©at du prix Nobel, a popularisĂ© le terme «AnthropocĂšne», terme utilisĂ© aujourd’hui pour dĂ©signer la pĂ©riode la plus rĂ©cente de l’histoire de la Terre, oĂč l’activitĂ© humaine a commencĂ© Ă  avoir un impact drastique sur l’écosystĂšme.

Avec leur premiĂšre exposition au Luxembourg, les artistes de l’école d’Helsinki Sandra Kantanen, Jaakko Kahilaniemi et Riitta PĂ€ivĂ€lĂ€inen engagent de nouvelles discussions autour de la relation conflictuelle de l’humanitĂ© avec la nature Ă  l’époque de l’ AnthropocĂšne, thĂšme qui est cƓur du Mois europĂ©en de la photographie, cette annĂ©e. Par École de Helsinki on dĂ©signe six gĂ©nĂ©rations d’artistes photographes depuis les annĂ©es 1990 qui ont Ă©tĂ© diplĂŽmĂ©s de l’UniversitĂ© Aalto de Helsinki

VALERIUS GALLERY

ou qui y ont participĂ©. PrĂ©sentĂ©e dans plus d’une centaine de publications et d’expositions internationales, elle est aussi un des rares mouvements photographiques Ă  avoir un impact durable et qui s’est transformĂ© en une marque internationale dans le monde de l’art. Chacun de ces artistes remet en question les frontiĂšres de la photographie par des associations avec d’autres disciplines et par des approches conceptuelles de sujets immatĂ©riels tels que le temps et la mĂ©moire. Les paysages oniriques de Sandra Kantanen oscillent entre passĂ© et futur, rĂ©el et surrĂ©alisme, mais aussi entre les diffĂ©rentes maniĂšres de voir la nature Ă  l’est ou Ă  l’ouest. Depuis qu’elle a dĂ©couvert que les montagnes sacrĂ©es qu’elle a Ă©tudiĂ©es dans la peinture de paysage chinoise Ă©taient ruinĂ©es par les modes de vie «modernes», Kantanen a choisi de recrĂ©er «l’image idĂ©alisĂ©e», soit en surexposant, en superposant ou en dĂ©formant numĂ©riquement les images.

89 VALERIUS GALLERY ‱ APPRIVOISER LA NATURE
SANDRA KANTANEN, JAAKKO KAHILANIEMI, RIITTA PÄIVÄLÄINEN
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

Son travail photographique montre le passage du temps comme si un peintre laissait des coups de pinceau denses sur l’image pour tenter de confiner une lumiĂšre fugitive. En recrĂ©ant l’intervention humaine sur la nature, Kantanen construit une mĂ©moire intemporelle de paysages fictifs et transcendants.

Alors que Sandra Kantanen cherche à raconter une histoire commune, Jaakko Kahilaniemi se concentre sur la sienne et de sa famille. La série

«100 Hectares of Understanding» de Kahilaniemi peut sembler Ă  premiĂšre vue dĂ©pourvue d’élĂ©ments objectifs et scientifiques ; cependant, c’est bien Ă  un voyage personnel que l’artiste nous invite. En dissĂ©quant et en rassemblant cent hectares de forĂȘt, Kahilaniemi fait une premiĂšre tentative pour Ă©tablir une relation avec son futur hĂ©ritage. En conceptualisant des piĂšces documentaires, il se rĂ©approprie le rĂ©cit autour de cette terre qui a appartenu Ă  sa

famille pendant des gĂ©nĂ©rations et son processus de visualisation expĂ©rimental transforme les ressources collectives en dĂ©claration personnelle. Tout comme Kahilaniemi, Ritta PĂ€ivĂ€lĂ€inen ne considĂšre pas le paysage uniquement comme un phĂ©nomĂšne objectif. Cependant, contrairement Ă  Kahilaniemi, PĂ€ivĂ€lĂ€inen observe la nature Ă  travers les traces de la prĂ©sence humaine. L’enchevĂȘtrement de l’homme avec la nature est reprĂ©sentĂ© par ses «espaces sculpturaux» mĂ©taphoriques, des installations de tissus dansant dans la nature. Ses images mises en scĂšne reprĂ©sentent de rares moments oĂč l’inorganique et l’organique semblent exister en harmonie l’un avec l’autre. Finalement, PĂ€ivĂ€lĂ€inen souligne l’effort collectif de l’humanitĂ© pour domestiquer l’environnement.

90 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Par Yasemin Elçi (traduit de l’anglais par Paul di Felice) Jaakko Kahilaniemi, 100 Planted Saviours of the Heritage, 2015 From the series 100 Hectares of Understanding, Pigment print, framed, 68 x 122 cm, Courtesy of Persons Projects and Valerius Gallery

LES ARTISTES DE L’ÉCOLE

D’HELSINKI [...] ENGAGENT DE NOUVELLES DISCUSSIONS AUTOUR DE LA RELATION CONFLICTUELLE DE L’HUMANITÉ AVEC LA NATURE À L’ÉPOQUE DE L’ ANTHROPOCÈNE.

91 VALERIUS GALLERY ‱ APPRIVOISER LA NATURE
Riitta PÀivÀlÀinen, Crack Willow, 2019, From the series Shelter, Archival pigment print, Diasec, framed, 100 x 125 cm Edition 1 / 5 + 2AP, Courtesy of Persons Projects and Valerius Gallery
92 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
John Oesch, LOCKDOWN 2020 - Kirchberg John Oesch, LOCKDOWN 2020 - Luxembourg Airport

JOHN OESCH

John Oesch, photographe professionnel basé au Luxembourg, joue avec ses objectifs comme un peintre avec ses couleurs.

Il met soigneusement en place des scÚnes extraordinaires, impressionnantes voire poétiques. Ses images sont toujours construites avec le plus grand soin et travaillées dans le moindre détail.

Les photographies prĂ©sentĂ©es dans le cadre de l’Emop ont valeur d’archives et de tĂ©moins d’un Ă©vĂ©nement qui nous a tous marquĂ©s en 2020: le lockdown.

Luxembourg, ville devenue fantĂŽme, nous renvoie Ă  l’impact de l’Homme sur son environnement, Ă  sa trace laissĂ©e, Ă  une certaine vanitĂ© peut-ĂȘtre.

Des images exceptionnelles Ă  la beautĂ© interpellante, reflets poĂ©tiques d’un instant fragile oĂč tout a basculĂ©, point de rupture de nos certitudes mĂ©galomaniaques oĂč la Nature prouve qu’elle peut toujours reprendre le contrĂŽle.

93 MOB-ART STUDIO ‱ JOHN OESCH ARTISTE JOHN OESCH SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
MOB-ART STUDIO
94 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Cristina Dias de Magalhães, Guardian, 2020 Simulation de l’installation dans le parc

INSTINCTS. SAME BUT DIFFERENT

« La naissance de Victoria et Helena a tout changĂ©. Rien n’est plus comme avant. Elles font partie de mon monde, de ma vie, de moi-mĂȘme. Nous Ă©voluons cĂŽte Ă  cĂŽte, unies par un lien unique. J’ai commencĂ© « Instincts. Same but different » comme silencieuse observatrice de leur dyade naissante, de leurs explorations et de leurs rencontres. Je sais dĂ©sormais que tout au long de ce projet, je me suis redĂ©finie comme femme, mĂšre, et artiste.»

«Instincts. Same but different» se lit comme un journal intime dans lequel Cristina Dias de MagalhĂŁes dĂ©crypte visuellement et Ă©motionnellement son environnement familial. FascinĂ©e par le lien natif qui unit ses filles jumelles, elle s’est dĂ©tachĂ©e des autoportraits pour retrouver Ă  travers leur regard les moments liĂ©s Ă  la petite enfance : la joie de vivre, l’exploration de l’environnement, la dĂ©couverte de soi et la construction d’une relation avec les autres.

En incluant l’univers animal que ses filles aiment observer et analyser, elle Ă©tablit un dialogue entre les images oĂč l’instinct prĂ©vaut et nous guide. En tant que mĂšre, elle se projette dans la figure archĂ©typale de l’animal, dotĂ©e de symbolisme et de caractĂ©ristiques humaines, qui accompagne ses filles au quotidien dans leur apprentissage. Ses diptyques dĂ©voilent un lien silencieux créé par les moments partagĂ©s et ressentis vĂ©cus. Cette rencontre physique, imaginaire et pourtant authentique nous rappelle que nous sommes nĂ©s dans un monde complexe oĂč les instincts sont la base de la survie.

À travers la prĂ©sentation de nos mondes infantiles et instinctifs disparus, la sĂ©rie «Instincts. Same but different» fait rĂ©fĂ©rence Ă  la relation que nous construisons avec les autres, notre environnement et notre planĂšte, tout en nous poussant Ă  redĂ©finir notre propre humanitĂ©.

95 PARC DE MERL ‱ CRISTINA DIAS DE MAGALHÃES - INSTINCTS. SAME BUT DIFFERENT
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION PARC DE MERL
ARTISTE CRISTINA DIAS DE MAGALHÃES

DES MOBILES DE VÉRITÉS ET D’IDENTITÉS FIXES.

96 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Caecilia Tripp, “Liquid Earth”, 170x120, Diasec, framed ED3+2AP, Caecilia Tripp 2018, Courtesy of the artist and Erna Hecey Gallery
“LIQUID EARTH” EST UNE EXPLORATION DE L’INVISIBLE ET DU TANGIBLE SUR DES TERRAINS MOUVANTS, LAISSANT DERRIÈRE ELLE

ARTISTES

CAECILIA TRIPP, ARMAND QUETSCH

COMMISSAIRES

POUR ARMAND QUETSCH : CHRISTIAN MOSAR

POUR CAECILIA TRIPP : CHRISTIAN MOSAR ( EN ASSOCIATION AVEC ERNA HÉCEY )

SCHAUFENSTER 3 :

CAECILIA TRIPP : LIQUID EARTH

ARMAND QUETSCH : BY THE SAME PATHS

LIQUID EARTH

(FILM / PERFORMANCE 12’50 MIN) AVEC DES ENREGISTREMENTS SUR LE TERRAIN ET DES IMAGES FILMÉES DU VOLCAN NYIRAGONGO

PAR CAECILIA TRIPP 2018

“Liquid Earth” est une exploration de l’invisible et du tangible sur des terrains mouvants, laissant derriĂšre elle des mobiles de vĂ©ritĂ©s et d’identitĂ©s fixes. Liquid Earth construit une «poĂ©tique de la relation» et de la migration Ă  travers la sismologie et les plaques tectoniques, reliant les terrains locaux au volcan Nyiragongo situĂ© au Congo comme l’un des plus grands lacs actifs de lave volcanique au monde. Le volcan est surveillĂ© de prĂšs par le Centre europĂ©en de gĂ©odynamique et de sismologie du Luxembourg, en

collaboration avec le MusĂ©e royal de L’Afrique centrale (Belgique).

Le Nyiragongo est Ă©galement la source et la zone de conflit en raison de la prĂ©cieuse matiĂšre premiĂšre qu’est le coltan, transformĂ© dans les smartphones et les ordinateurs.

Le cƓur de la Terre, «Un tremblement ensemble» comme l’affirme Edouard Glissant, entre respiration et essoufflement, un souffle coupĂ©. Un PromĂ©thĂ©e qui vole le feu.

FilmĂ© dans les ruines d’une usine sidĂ©rurgique abandonnĂ©e, construite grĂące Ă  la migration. RĂ©alisĂ© par Georges Maikel Pires Monteiro, un jeune chorĂ©graphe originaire de l’üle volcanique du Cap-Vert.

(traduit de l’anglais par Paul di Felice)

Avec le soutien du ministĂšre de la Culture du Luxembourg, en collaboration avec le Centre europĂ©en de gĂ©odynamique et de sismologie et le MusĂ©e royal de l’Afrique centrale (Belgique), remerciements particuliers Ă  Nicolas d’Oreye et MarlĂšne Kreins.

97 KONSCHTHAL ESCH ‱ SCHAUFENSTER 3
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION KONSCHTHAL ESCH

En noir et blanc, en positif ou en nĂ©gatif, la sĂ©rie proposĂ©e nous emmĂšne avant toute chose Ă  suivre les pas d’une itinĂ©rance singuliĂšre.

Les photographies d’Armand Quetsch, dans un flux lent et rĂ©pĂ©titif, glanĂ©es d’un geste presque automatique Ă  deux pas de son domicile, offrent une ode au regard. Loin de toute posture romantique ou intellectualisante, la dĂ©marche est pauvre, presque dĂ©nuĂ©e de toute intention, sans concept préétabli, sans dĂ©sirs. Et c’est justement lĂ  que son mĂ©dium lui tend sa part de merveilleux.

Dans un paysage d’une banalitĂ© presque aveuglante pour celui-ci, qui, prit de lassitude, refuse de connaĂźtre encore et se contente de reconnaĂźtre. Les images reconnues, que l’on saisit par la suite, ne sont que les balises d’un quotidien ennuyeux et sans espoir. Quetsch le sait et, maintenant son rythme, s’oblige Ă  rester disponible aux lumiĂšres et aux formes, aux compositions et aux nuances.

Les pellicules, une fois développées, révÚlent une seconde fois, parfois des mois plus tard, la magie

LOIN DE TOUTE POSTURE ROMANTIQUE OU INTELLECTUALISANTE, LA DÉMARCHE EST PAUVRE, PRESQUE DÉNUÉE DE TOUTE INTENTION.

Ă©manant de ses ritournelles. La lenteur du processus oeuvre dans un rite contemplatif ou il arrive que la lecture du nĂ©gatif puisse suffire. Le mĂ©dium photographique est gĂ©nĂ©reux et offre Ă  profusion de subtils dĂ©tails, des nuances infinies. Reste nĂ©anmoins la question de composition. À mains levĂ©es, les images sont prises avec la rigueur d’un gĂ©omĂštre et l’organisation d’un paysagiste. Pas ou peu de dĂ©chets. Vient enfin, la sĂ©lection d’images qu’impose une grammaire personnelle pour Ă©crire une nouvelle, empreinte de minimalisme.

Une mĂ©ditation soutenue par un environnement proche, la contemplation des infinis du paysage, la rĂ©invention du rĂ©el comme palliatif de nos tourments. Armand Quetsch touche par le raffinement de ses images et l’élĂ©gance de son Ɠuvre et par l’amplitude que prend son travail, en empruntant des sentiers similaires Ă  celles d’un autre promeneur, Robert Walser: « Que tout Ă©tait devenu beau, Ă  prĂ©sent, intime, dans la campagne qui sombrait dans la nuit. De braves prĂ©s verts filaient avec douceur, Ă©lĂ©gance et amitiĂ© devant moi des pensĂ©es de toutes sortes se bousculaient comme des chatons caressants sur mes talons. »

98 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
99
(2019
KONSCHTHAL ESCH ‱ SCHAUFENSTER 3
Armand Quetsch, Wald#1, excerpt from „by the same paths“
ongoing)
100 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021 Daniel Reuter, Sans titre (de la série Providencia ), 2019

ARTISTES

COMMISSAIRES

MICHÈLE WALERICH, DANIELLE IGNITI

LËT’Z ARLES 2021 :

DANIEL REUTER : PROVIDENCIA

LISA KOHL : ERRE

Pour sa 4Ăšme participation aux Rencontres internationales de la photographie, LĂ«t’z Arles prĂ©sente, Ă  l’étĂ© 2021 Ă  Arles, deux artistes : Daniel Reuter et son projet Providencia ainsi que Lisa Kohl et son installation ERRE.

Leur sĂ©lection pour leurs expositions arlĂ©siennes par un jury d’experts internationaux en photographie a apportĂ© un Ă©clairage supplĂ©mentaire sur leurs travaux et a permis de tisser des liens avec le

Mois EuropĂ©en de la Photographie au sein duquel il Ă©tait pertinent de leur donner Ă  tous deux une place. Dans le sillage d’Arles, les deux expositions Providencia et ERRE seront montrĂ©es Ă  la Konschthal d’Esch au moment de son ouverture, inscrivant ainsi le medium photographique comme une des disciplines majeures dans la programmation de ce nouvel espace d’art contemporain.

101 KONSCHTHAL ESCH ‱ LËT’Z ARLES 2021
DANIEL REUTER, LISA KOHL
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
KONSCHTHAL ESCH

PROVIDENCIA

DANIEL REUTER

Providencia - la providence - dans son sens biblique, dĂ©crit l’intervention de Dieu dans l’univers, une influence hors du contrĂŽle humain. Le quartier Providencia, Ă  Santiago du Chili, donne Ă  la fois le cadre et le titre Ă  cette nouvelle sĂ©rie de Daniel Reuter. Son regard explore les marques d’un contexte de divergence rĂ©cemment portĂ© Ă  la surface, Ă  partir d’une urbanitĂ© visuellement prosaĂŻque : dĂ©tails architecturaux, structures de fortune, arbres et feuillages, clĂŽtures de chantier obstruant la vue. Au lendemain de manifestations civiles, nous rencontrons des protagonistes confinĂ©s dans la complexitĂ© de leur existence. Sous une couche superficielle du quotidien, nous sentons la derniĂšre grande vague d’aspirations occidentales s’effondrer. Des figures apparaissent, rĂ©itĂ©ration d’un narrateur ou de personnages Ă©voluant dans un rĂ©cit indĂ©fini ? En rĂ©sonance avec ses sujets de recherche tels que l’identitĂ© et la mĂ©moire, l’artiste prend appui sur cette topographie chargĂ©e et traduit sa texture, son reflet et sa lumiĂšre. Se cristallise l’investigation d’un territoire plus profond et intĂ©riorisĂ©, conjurant rĂȘves et dĂ©senchantement d’un monde en mouvement.

A la Chapelle de la CharitĂ© ( Arles ), douze images de grand format entrent en conversation Ă  travers un dispositif hexagonal inspirĂ© d’un kiosque moderniste du quartier Providencia. Un ouvrage accompagne l’exposition et offre une exploration immersive de cette sĂ©rie, utilisant plusieurs papiers, jeux de transparences, opacitĂ©s et matĂ©rialitĂ©s.

102 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Daniel Reuter, Sans titre (de la série Providencia ), 2020

ERRE

LISA KOHL

Lisa Kohl s’intĂ©resse Ă  la relation entre la crĂ©ation artistique et la rĂ©alitĂ© sociale. Elle se rend sur le terrain pour rencontrer des personnes qui vivent dans des conditions prĂ©caires et elle Ă©tablit avec eux des relations d’échange et de confiance. Les Ɠuvres de Lisa Kohl parlent de fuite, d’exil, du non-lieu de vie ou de survie, d’invisibilitĂ© et d’absence. Avec audace, elle rĂ©ussit Ă  lier le rĂ©el Ă  la poĂ©sie. Son propos est social, il implique la protestation contre un Ă©tat hostile et froid et, simultanĂ©ment, il nous permet par l’esthĂ©tique poĂ©tique des images, de rĂȘver d’un monde oĂč tout pourrait ĂȘtre diffĂ©rent. Elle nous invite Ă  la rĂ©flexion sur l’identitĂ©, la patrie, le passage des frontiĂšres, la futilitĂ© et l’espoir.

Son projet ERRE pour la nef latĂ©rale de la Chapelle de la CharitĂ© Ă  Arles est une installation composĂ©e de trois Ɠuvres inĂ©dites. La projection au plafond de son film HAVEN (2021) entre en dialogue avec deux sĂ©ries de photographies : Shelter (2019) et Passage // 32°32’04.7’’N 117°07’26.3’’W (2019), prĂ©sentĂ©es sur des supports rĂ©tro-Ă©clairĂ©s. Le premier ouvrage de l’artiste, ERRE, accompagne l’exposition et prolonge l’exploration de ces thĂšmes par le biais de divers textes et par la prĂ©sentation d’autres Ɠuvres rĂ©centes de Lisa Kohl.

103 KONSCHTHAL ESCH ‱ LËT’Z ARLES 2021
Lisa Kohl, Shelter, SĂ©rie photographique, Los Angeles, États-Unis, 2019
LES ƒUVRES DE LISA KOHL PARLENT DE FUITE, D’EXIL, DU NON-LIEU DE VIE OU DE SURVIE, D’INVISIBILITÉ ET D’ABSENCE.
104 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Christian Aschman, État des lieux, Ă©tats d’un lieu; Clervaux

CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE

Ne raconte-t-on pas que le vent du nord apporte le changement ? Et la terre du Nord ? Est-ce qu’elle reflĂšte le visage de ce vent tant redoutĂ© ? Dans toute bonne histoire, le protagoniste, errant dans son existence, ne s’orientet-il pas vers le Nord pour (re)trouver son chemin ? Mais quelles sont donc ces questions confuses ? Que le spectateur dirige simplement son regard vers ladite direction pour dĂ©couvrir des perspectives nouvelles.

ÉTAT DES LIEUX, ETATS D’UN LIEU; CLERVAUX

CHRISTIAN ASCHMAN

Clervaux se situe au nord du Luxembourg. Le nom dĂ©signe Ă  la fois une localitĂ© et une commune. La rĂ©gion rurale au Luxembourg fait partie d’une

stratĂ©gie politique soutenue au niveau national. Tous les domaines de la vie sociale sont visĂ©s dans cette perspective de dĂ©veloppement durable. L’accent est mis sur la qualitĂ© de vie, la culture, le tourisme, l’agriculture, l’industrie, la protection du patrimoine ...

Christian Aschman a observĂ© ce changement durant plus d’un an (fin 2018 - dĂ©but 2020). Ses images montrent des compositions imbriquĂ©es de l’activitĂ© urbanistique. Contrastes forts, imbrications harmonieuses, ajouts audacieux, constructions fonctionnelles et pastorales.

105 CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE ‱ NORD: SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT
ARTISTES
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
EVGENIA ARBUGAEVA, CHRISTIAN ASCHMAN, JEROEN HOFMAN, SANTERI TUORI, DONOVAN WYLIE, PAOLO VERZONE COMMISSAIRE ANNICK MEYER
NORD SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT

MAMMOTH HUNTERS EVGENIA ARBUGAEVA

La RĂ©publique russe de Sakha, ou Yakoutie, situĂ©e dans le nord-est de la SibĂ©rie, est le théùtre d’une histoire qui n’a rien Ă  envier Ă  la plume d’un Jules Verne. Le pergĂ©lisol fond en raison du rĂ©chauffement climatique. Le sol libĂšre ce qu’il recouvre depuis 4 000 ans : des restes de mammouth laineux.

Evgenia Arbugaeva a accompagné des chasseurs

de mammouths. Ils parcourent la toundra glacĂ©e de SibĂ©rie jusqu’à 18 heures par jour. Se saisir d’une dĂ©fense peut prendre jusqu’à 24 heures d’excavations sans interruption. Les photographies montrent des scĂšnes Ă  caractĂšre surrĂ©aliste. Une certaine intensitĂ© dramatique se crĂ©e lorsque le passĂ© et le prĂ©sent se croisent.

106 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Evgenia Arbugaeva, Mammoth Hunters

ZEELAND JEROEN HOFMAN

« Zeeland », la ZĂ©lande, est une destination populaire pour les touristes en gĂ©nĂ©ral. Diverses nationalitĂ©s se rencontrent au bord de la mer du Nord. Ce littoral conserve encore de fortes traces, dites naturelles, au milieu d’un paysage culturel, dans le sens que le terrain a Ă©tĂ© sculptĂ© par deux intervenants, la nature et l’homme.

C’est un paysage Ă  multiples facettes qui reprĂ©sente un pont entre le passĂ© et le prĂ©sent. La confrontation de ces forces opposĂ©es ne nuit guĂšre Ă  l’harmonie optique du panorama. À ciel ouvert, toutes les tensions et les divergences semblent s’estomper dans le spectacle colorĂ© des nuages gris et bleus. Mais pas le souvenir, qui survit et impressionne rĂ©trospectivement, combinĂ© Ă  un goĂ»t lĂ©gĂšrement salĂ©, provenant du vent du nord.

107
CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE ‱ NORD: SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT
Jeroen Hofman, Saeftinghe Oyster, from the series ZEELAND

NORTH WARNING SYSTEM

DONOVAN WYLIE

Les progrĂšs technologiques et le dĂ©veloppement de bombardiers Ă  longue portĂ©e ayant rendu les frontiĂšres arctiques du Canada vulnĂ©rables aux attaques aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, le Canada et les États-Unis se sont vus obligĂ©s de construire un rĂ©seau de stations radar le long des frontiĂšres nord du pays dans les annĂ©es 1950. Ces systĂšmes ont finalement Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©s dans les annĂ©es 1990, pour devenir le « SystĂšme d’alerte du Nord », jouant un rĂŽle de plus en plus actif au fil des ans. Le voyage qu’entreprend Donovan Wylie suit un plan Ă©laborĂ©. Le poste de surveillance sans per-

sonnel, construit aux frontiĂšres de la civilisation sur une chaĂźne de montagnes, et dont le rĂŽle est de dĂ©tecter des menaces invisibles, est lentement visĂ© en hĂ©licoptĂšre et stratĂ©giquement contournĂ©. Alors que la tour radar est toujours le point de mire, le paysage environnant change constamment ; les nuages se dĂ©chirent et rĂ©vĂšlent des rochers, de la glace et des fjords glaciaires. Le calme apparent au milieu de ce paysage blanc est cependant trompeur - l’Ɠil vigilant de la station militaire est dirigĂ© vers nous et enregistre le moindre de nos mouvements.

108 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Donovan Wylie, North Warning System

SKY & FOREST SANTERI TUORI

La sĂ©rie d’images « Forest » du photographe finlandais Santeri Tuori est basĂ©e sur des annĂ©es d’observation de motifs et d’endroits identiques (2011-2019) et sur la reprĂ©sentation rĂ©pĂ©tĂ©e de ceux-ci. La superposition de nĂ©gatifs individuels donne naissance Ă  de nouvelles images. Le pouvoir du « moment dĂ©cisif » est annulĂ©. Le moment n’est qu’une partie d’un tout, en somme, une nouvelle Ɠuvre d’art complĂšte est créée.

L’effort pour dĂ©finir la crĂ©ation artistique comme un processus se reflĂšte Ă©galement dans son travail « Sky ». Si l’on considĂšre le ciel comme une surface de projection pour une variĂ©tĂ© infinie de formations nuageuses, leurs mouvements et leurs changements ne peuvent s’expliquer que par le phĂ©nomĂšne du temps. Les photographies de Santeri Tuori font l’effet d’images d’un monde parallĂšle, d’un univers soumis Ă  la loi du temps mais qui se meut et qui existe en dehors des paradigmes humains.

ARCTIC ZERO PAOLO VERZONE

Le Svalbard est un archipel de l’Arctique. Son territoire est rattachĂ© Ă  la NorvĂšge, mais, Ă©tant dĂ©clarĂ© zone dĂ©militarisĂ©e, il occupe un statut neutre. Dans la langue norvĂ©gienne, le nom « Svalbard » dĂ©signe un « littoral frais », une description qu’on peut prendre Ă  la lettre, car la tempĂ©rature moyenne est de -6° C.

L’archipel nordique a le potentiel de toutes les narrations fantastiques ; son sol est peuplĂ© d’une diversitĂ© des espĂšces Ă©tonnante. Ses paysages sont riches en surface et sous terre.

Aujourd’hui, le Svalbard est un terrain d’action pour une dizaine de nations diffĂ©rentes se profilant dans la recherche scientifique. Entre rĂ©serve naturelle Ă  accĂšs rĂ©duit et zone de lancement de ballons-sondes scientifiques, cet archipel est fortement liĂ© Ă  notre Ă©poque et soumis au rythme du prĂ©sent.

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CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE ‱ NORD: SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT
Paolo Verzone / Agence Vu, Arctic Zero Santeri Tuori, Forest
110 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Hartmann Jana, Isaac’s circle

ARTISTES

RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO PLATEFORME – LUXEMBOURG

ÉDITION 2019

CARTE BLANCHE AUX ARTISTES-PHOTOGRAPHES SÉLECTIONNÉS EN 2019

Les pages suivantes sont dĂ©diĂ©es aux sept laurĂ©ats qui ont prĂ©sentĂ© leurs portfolios lors de la troisiĂšme Ă©dition de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg le 15 mai 2019 dans l’auditorium du Cercle CitĂ©. Nous proposons traditionnellement quelques pages dans l’édition de l’annĂ©e suivante du Mois europĂ©en de la photographie pour documenter ce travail qui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au public.

Créée par CafĂ©-CrĂšme asbl et l’UniversitĂ© du Luxembourg dans le cadre du Mois europĂ©en de la photographie au Luxembourg et Ă©laborĂ© par Cristina Dias de MagalhĂŁes, la premiĂšre Ă©dition de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme a eu lieu en avril 2015 Ă  l’Abbaye NeumĂŒnster (NeimĂ«nster) Ă  Luxembourg. Pour cette Ă©dition 2019, les laurĂ©ats avaient Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  expliquer leurs projets photographiques (prĂ©sentation de dix minutes en anglais) devant le

public et un jury d’experts internationaux de l’image composĂ© par Thomas Licek, ancien directeur de Eyes On – Month of Photography (Autriche), Verena Kaspar-Eisert, curatrice au Kunst Haus Wien (Vienna, Autriche) et de FotoWien, Christian Gattinoni, membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art, rĂ©dacteur en chef de la revue en ligne « www.lacritique.org » (France), Branislav Stepanek curateur au Central European House of Photography (Bratislava, Slovaquie), Gabriela Uhl, curatrice et professeur Ă  l’UniversitĂ© de Budapest (Hongrie), Angela Ferreira, artiste, curatrice ( Portugal), Maria Livia Brunelli, curatrice, galeriste (Ferrare, Italie), Audrey Hoareau, curatrice, co-fondatrice et codirectrice de The Red Eye (France) et Anouk Wies, responsable programmation culturelle et directrice artistique, Cercle CitĂ© (Luxembourg).

111 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019 ‱ RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2019
PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019
KEVEN ERICKSON, PATRICK GALBATS, JANA HARTMANN, VÉRONIQUE KOLBER, CAROLE MELCHIOR, SÉVERINE PEIFFER, MARTINE PINNEL
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

À l’issue des prĂ©sentations, les participants ont pu commenter sur une table individuelle leurs photos, leur publication ou autre documentation et Ă©changer individuellement avec les experts prĂ©sents. Le but de RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme –Luxembourg est de crĂ©er des opportunitĂ©s pour les artistes-photographes luxembourgeois et pour ceux qui ont dĂ©jĂ  exposĂ© au Luxembourg : leur rencontre avec des experts internationaux de renommĂ©e peut aboutir Ă  de futurs projets d’expositions ou de publications pour les participants.

Ainsi VĂ©ronique Kolber a Ă©tĂ© invitĂ©e par le membre de notre jury d’expert, Anouk Wies, Ă  montrer Fictitious location spotting for a non-existing movie au Cercle CitĂ© au Luxembourg-City. Patrick Galbats a exposĂ© Hit Me One More Time lors du festival Imago Lisboa 2020. Carole Melchior a exposĂ© eleutheromania en septembre 2020 au Centre d’Art Nei Liicht et a obtenu la bourse de publication

CNA 2019 pour ce projet, qui paraĂźtra en 2021 aux Gevaert Editions.

Véronique Kolber, Patrick Galbats et Carole Melchior sont trois des six photographes que le CNA a mandatés en 2020 pour témoigner de la pandémie actuelle.

SĂ©verine Peiffer continue sa sĂ©rie Transitions qu’elle a montrĂ©e dans l’espace publique en 2020 sur la place Guillaume-II et en 2021 dans le parc de Merl Ă  Luxembourg.

En 2019, Martine Pinnel a exposé Sea Dream Avenue au Salon artistique CAL (Luxembourg) et au Centre Culturel Niederanven et en 2020 à Art2Cure (Banque International Luxembourg).

En 2021, Jana Hartmann exposera Mastering the elements à la Alfred Ehrhardt Stiftung (Allemagne) et son livre photographique correspondant sera publié dans les éditions The Eriscay Connection.

112 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Galbats Patrick, Ancien cimetiĂšre juif Ă  Legyesbenye

IMMOBILE

KEVEN

La sĂ©rie « Immobile » vient de ma fascination pour une attitude de plus en plus rĂ©pandue qui veut que les individus sont de plus en plus isolĂ©s, enfermĂ©s, constamment accrochĂ©s Ă  leur tĂ©lĂ©phone. Cela me dĂ©range que nous choisissons de nous dĂ©connecter volontairement des autres alors que mon plus grand dĂ©fi dans la vie a toujours Ă©tĂ© de surmonter le fait d’ĂȘtre introverti.

Nous sommes tellement absorbés par les smartphones que nous oublions ce qui se passe autour de nous. Pire encore, en marchant et en fixant le smartphone, nous nous transformons en une sorte de zombie, présents physiquement, absents mentalement. Je documente ce phénomÚne en parallÚle à mon exploration de divers

documents mĂ©dicaux en relation avec les problĂšmes qui peuvent en dĂ©couler. Je saisis des mouvements qui ont changĂ© en raison de l’utilisation du smartphone. Le rythme de la marche habituelle a Ă©tĂ© perturbĂ© et s’est transformĂ© en un mouvement alĂ©atoire. Il semble que le monde physique se transforme en un monde virtuel. Nous assistons Ă  un processus qui gĂ©nĂšre une dĂ©formation de notre perception, menant Ă  un aveuglement oĂč notre perception du monde extĂ©rieur est dĂ©viĂ©e vers le monde virtuel. Comme dans un jeu, je joue avec les figurants, je les dispose sur une scĂšne soigneusement arrangĂ©e oĂč leurs chemins se croisent et oĂč je prĂ©vois des collisions inĂ©vitables. Cette danse erratique, j’en ai bien peur, ne connaĂźtra pas de fin heureuse.

113 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019 ‱ RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2019
Keven Erickson ( traduction de l’anglais par Pierre Stiwer ) Erickson Keven, unnamed

AU PAYS D’ESZTER

UNE INVESTIGATION

PHOTOGRAPHIQUE AUTOUR DE L’AFFAIRE DE TISZAESZLAR.

Un matin d’avril 1882, Ă  TiszaeszlĂĄr, dans la campagne hongroise, Eszter, une jeune fille de quatorze ans disparaĂźt en allant faire les courses. Ce jour-lĂ , une rĂ©union se tient Ă  la synagogue du village pour choisir un abatteur rituel parmi les candidats venus de toute la rĂ©gion. TrĂšs vite, la rumeur se rĂ©pand : les juifs auraient enlevĂ© et Ă©gorgĂ© la jeune chrĂ©tienne pour ajouter son sang au pain azyme de la pĂąque juive...

(extrait du roman L’affaire Eszter Solymosy de Gyula Krudy (1931) )

Ces fausses accusations menaient à un procÚs contre 15 juifs au tribunal correctionnel de Nyireghaza (H), pour meurtre, complicité de crime et dissimulation de

corps. L’histoire est devenue connue au niveau international sous le nom de l’Affaire de Tiszaeszlar et n’a fait que nourrir l’ambiance antisĂ©mite croissante de l’époque.

L’acquittement et la libĂ©ration des 15 prisonniers en aoĂ»t 1883 a dĂ©clenchĂ© une vague de violences contre la population juive d’Europe.

Des dĂ©cennies plus tard, l’Holocauste a causĂ© presque 600 000 victimes dans la communautĂ© juive de Hongrie. AprĂšs 1945, seulement quelques rescapĂ©s des camps de concentrations sont retournĂ©s dans la rĂ©gion.

Aujourd’hui, Ă  Tiszaeszlar et dans sa rĂ©gion, aucune trace rappelle l’injustice faite contre les accusĂ©s d’antan. Seul le monument Ă©rigĂ© en 1994 sur le cimetiĂšre catholique de Tiszaeszlar en l’honneur d’Eszter Solymosi, nous laisse deviner que pour certains l’affaire n’est toujours pas close.

Voici le point de départ de mon investigation.

114 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Galbats Patrick, Chemin rural vers l’ancien Tiszaeszlar

MASTERING THE ELEMENTS

(2017-21)

JANA HARTMANN

La nature «post-factuelle» de notre Ă©poque se manifeste Ă©galement par une crise de crĂ©dibilitĂ© croissante de la science moderne. NĂ©anmoins, nous vivons dans une phase de l’AnthropocĂšne oĂč la communautĂ© mondiale dĂ©pend plus que jamais de l’autoritĂ© qui Ă©mane de solutions scientifiques solides afin d’affronter les risques complexes et existentiels du futur.

Dans son travail Mastering the elements, l’artiste Jana Hartmann examine la conquĂȘte de notre monde par la science dans des photographies qui juxtaposent la vision holistique du monde de l’alchimie avec les pratiques de la recherche moderne. Le travail photographique qui porte sur la recherche scientifique ou les sciences naturelles trouve son complĂ©ment dans une recherche sur des Ă©crits d’alchimistes et des publications de notre Ă©poque. En les reliant ensemble contextuellement, Jana Hartmann interpelle le systĂšme de valeurs de la recherche scientifique des origines Ă  nos jours et dessine le tableau d’une quĂȘte constante pour prolonger la vie humaine et augmenter la prospĂ©ritĂ©. Selon elle, ce que l’humanitĂ© moderne doit Ă  l’alchimie se dĂ©couvre dans une philosophie oĂč l’homme et la nature, l’esprit et la matiĂšre sont Ă©troitement liĂ©s.

115 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019 ‱ RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2019
Jana Hartmann ( traduction à partir de l’anglais par Pierre Stiwer ) Hartmann Jana, The wet and cold amalgamate Hartmann Jana, Cosmological formations

FICTITIOUS LOCATION SPOTTING FOR A NON-EXISTING MOVIE VÉRONIQUE KOLBER

MarquĂ©e depuis son plus jeune Ăąge par les livres de H.P. Lovecraft, Edgar A. Poe et surtout Stephen King, VĂ©ronique Kolber a dĂ©veloppĂ© au fil des annĂ©es une attirance certaine pour l’étrange et les ambiances obscures de tension et de peur romantiques. AttirĂ©e par les histoires et les personnages de ces livres et de leurs adaptations filmiques, ainsi que par les univers mystĂ©rieux et la face ordinaire et dĂ©traquĂ©e de l’AmĂ©rique, elle entreprend plusieurs voyages aux « States » pendant huit ans. InspirĂ©e entre autres par Eggleston et Shore, elle rĂ©alise ainsi le projet American Diorama, une sĂ©lection de photographies personnelles de son pĂ©riple, de lieux inconnus, non identifiables et sans prĂ©sence humaine qui provoquent toutefois une sensation de dĂ©jĂ -vu et dĂ©clenchent irrĂ©mĂ©diablement une vague d’associations auprĂšs du spectateur, comme un film qui se met automatiquement en route. En rĂ©fĂ©rence au cinĂ©ma et Ă  son expĂ©rience profes-

sionnelle en tant que photographe de plateaux de tournages, le projet Ă©volue pour aboutir Ă  fictitious location spotting for a non-existing movie. Les photographies sont accompagnĂ©es par des extraits de scripts de David Lynch, des frĂšres Coen, Christopher Nolan etc., revus par VĂ©ronique Kolber, qui rĂ©ussit par ces nouvelles associations Ă  faire Ă©merger – entre hommage et dĂ©tournement des univers des maĂźtres –une autre narration.

L’artiste prĂ©sente des images vraies, comme figĂ©es dans le temps, en attente d’action et d’histoires Ă  Ă©crire : elle livre la toile de fond, le mirage amĂ©ricain, et invite le spectateur Ă  fournir la narration, pour complĂ©ter la scĂšne suivante.

En infiltrant la filmographie de rĂ©alisateurs amĂ©ricains par des scripts qu’elle Ă©crit elle-mĂȘme, l’artiste rajoute une dimension qui instaure un glissement inverse de la rĂ©alitĂ© des scĂ©narios Ă  la fiction autobiographique et instaure le flou entre existence rĂ©elle, apparence et imaginaire collectif.

116 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Texte par Anouk Wies Véronique Kolber, NY WINDOW, 2019, (5 + 2 EA)

ELEUTHEROMANIA CAROLE MELCHIOR

L’expĂ©rience des plis, accords et dĂ©saccords.

L’idĂ©e d’une libertĂ© excessive, ses possibles, ses dĂ©rives.

C’est sensible, incertain. Quel est le voyage ?

L’envers du manĂšge, doute et suspension, comme une pause, la pensĂ©e.

De multiples narrations sont possibles.

S’agit-il de la fabrication d’un territoire ayant une fin ouverte, d’un pur prĂ©sent Ă  composer ?

Circulation ininterrompue, rencontres, coexistences.

DĂ©placement physique, psychique, intĂ©rioritĂ© et extĂ©rioritĂ© conversent, des temporalitĂ©s se tissent, de proche en proche, Ă  travers des corps, des objets, l’intuition des mains, structure, l’idĂ©e d’images Ă  venir.

Onze images mĂšre visage film d’archives terre Ă©clipse

Touché électronique bande magnétique temps écoute expérimentation monde en relation

S’émouvoir penser devoir voir entendre penser Ă©crire l’envers

Carole Melchior

117 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019 ‱ RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2019
Carole Melchior, untitled

TRANSITIONS SÉVERINE PEIFFER

Transitions est une sĂ©rie d’images rĂ©alisĂ©e par la photographe luxembourgeoise SĂ©verine Peiffer en collaboration avec des Ă©lĂšves de l’enseignement secondaire au Luxembourg. Un projet Ă  caractĂšre pĂ©dagogique soutenant une dĂ©marche autobiographique comme outil Ă  la construction identitaire. Depuis son invention au milieu du 19e siĂšcle, la photographie a permis Ă  l’Homme de dĂ©couvrir sa propre image et d’explorer toutes les facettes de son ĂȘtre. AccompagnĂ©s par SĂ©verine, les jeunes ont fait l’expĂ©rience du langage artistique pour exprimer leurs pensĂ©es, leurs peurs, leurs doutes, leurs identitĂ©s et enfin, se rĂ©vĂ©ler Ă  eux-mĂȘmes. Si certains ont choisi de montrer leur optimisme et leur dĂ©termination, d’autres ont choisi la voie de la vulnĂ©rabilitĂ© et de la sensibilitĂ©, ou encore ont prĂ©fĂ©rĂ© garder une part de secret. Tous ont relevĂ© le dĂ©fi d’affirmer leur personnalitĂ© par le biais de la crĂ©ation artistique

et particuliÚrement la photographie au collodion humide, un procédé datant du 19e siÚcle, appréciée par la photographe pour ses qualités à créer des portraits uniques et fascinants.

La sĂ©rie parle des Ă©motions de ces jeunes face au monde qui les entoure, atteste de leur prĂ©sence au monde et propose un dialogue entre eux et le public qui les regarde. C’est aussi l’occasion pour eux, de prendre une respiration dans leur cursus scolaire et de prendre le temps de s’affirmer en tant qu’individu dans la sociĂ©tĂ© actuelle.

La crise sanitaire actuelle et les mesures de protection introduites par le gouvernement ont profondĂ©ment impactĂ©es le systĂšme de l’éducation et la vie des jeunes. Il est devenu primordial de se prĂ©occuper de questions d’ordre Ă©motionnel et psychologique concernant ces adultes en devenir. Quelles sont les difficultĂ©s auxquelles ils sont confrontĂ©s en temps d’incertitude? Et, que faisons-nous, en tant qu’adultes, pour les soutenir Ă  faire face aux enjeux sociĂ©taux engendrĂ©s par une telle crise?

118 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
Peiffer Séverine

SEA DREAM AVENUE MARTINE PINNEL

Salton Sea est un environnement surrĂ©el; avec sa superficie de mille kilomĂštres carrĂ©s, le lac - ou mer intĂ©rieure - est situĂ© sur la faille de San Andreas, dans l’un des endroits les plus chauds et les plus secs du sud de la Californie.

Au début du XXe siÚcle, le site a attiré des colons qui en ont fait une zone agricole.

Le lac tel que nous le connaissons aujourd’hui a Ă©tĂ© créé accidentellement en 1905 lorsque de fortes crues du Colorado ont provoquĂ© des inondations. Cela a provoquĂ© la rupture d’un canal d’irrigation qui a alimentĂ© pendant deux ans le bassin assĂ©chĂ© de Salton.

Au fur et Ă  mesure que l’industrie agricole se dĂ©veloppait dans la vallĂ©e, de plus en plus d’eau, principalement les eaux de ruissellement de l’agriculture, se dĂ©versaient dans le bassin.

A partir des annĂ©es 20 du 20e siĂšcle, il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un puisard agricole. MĂȘme si le lac est une saline et l’eau de plus en plus salĂ©e, le lac est devenu un habitat pour de nombreuses espĂšces de poissons et d’oiseaux.

Dans les années 60, Salton Sea était devenu une zone de loisirs animée, attirant de nombreuses célébrités comme Frank Sinatra, les Beach Boys et Jerry Lee Lewis.

Mais aprĂšs de nombreuses catastrophes - l’une a fait mourir des millions de poissons quotidiennement sur ses rives - et l’inondation des stations balnĂ©aires voisines dans les annĂ©es 1990, provoquant le dĂ©part des gens, la vallĂ©e se trouvait pratiquement oubliĂ©e.

La sĂ©cheresse persistante en Californie, ainsi que la rĂ©duction des apports d’eau - en raison de changements conventionnels dans la rĂ©partition des eaux du Colorado - assĂ©chait le lac.

Les niveaux d’eau diminuaient et libĂ©raient des poussiĂšres toxiques et dangereuses pour les habitants de Salton Sea ainsi que pour toute la population du sud de la Californie.

Martine Pinnel vient Ă  Salton Sea depuis 8 ans, connaĂźt l’endroit intimement et comprend ses charmes et ses difficultĂ©s.

Au printemps 2018, elle a sĂ©journĂ© pendant six semaines Ă  Salton Sea avec l’artiste Melanie Planchard pour produire un court mĂ©trage et une sĂ©rie de photographies. Des portraits intimistes permettent au spectateur d’avoir un aperçu de la vie des personnes vivant autour de cette mĂšre intĂ©rieure et de leur maniĂšre d’affronter un avenir incertain. Ce projet, intitulĂ© « Sea Dream Avenue », prĂ©sente un ensemble d’Ɠuvres qui documente la rĂ©alitĂ© visuelle de l’histoire moderne de Salton Sea.

( traduction de l’anglais par Pierre Stiwer )

119 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2019 ‱ RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2019
Pinnel Martine, American Dreams (Desert Shores)

ASCHMAN CHRISTIAN

*1966

vit et travaille Ă  Bruxelles & Luxembourg www.christian-aschman.com

ARBUGAEVA EVGENIA

*1985 République de Yakoutie (Russie) vit et travaille à Londres www.evgeniaarbugaeva.com

AUERBACHER DOMINIQUE

*1955

vit et travaille entre Paris, Strasbourg (France), Peterskirchen (Allemagne) et Berlin

BALTZER BRUNO

*1965

vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.bruno-baltzer.net

BENJAMINSEN ELINE

*1992 NorvĂšge vit et travaille aux Pays-Bas www.elinebenjaminsen.com

BISAGNO LEONORA

*1977

vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.leonorabisagno.com

BLAU JUSTINE

*1977

vit et travaille Ă  Luxembourg www.justineblau.com

BUČAN VANJA

*1973 Nova Gorica, Slovenie vit et travaille Ă  Berlin www.vanjabucan.com

CAPESIUS MARIE

*1989

Vit et travaille au Luxembourg www.mariecapesius.com

COSTENOBLE ANNE-SOPHIE

*1967 vit et travaille en Belgique www.ascostenoble.be

DIAS DE MAGALHÃES CRISTINA

*1979 Luxembourg vit et travaille Ă  Luxembourg www.cristina-dias.com

ELSHAN ROZAFA

*1994 Vit et travaille Ă  Bruxelles www.rozafaelshan.com

ERICKSON KEVEN

*1979 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.erickson-photo.com

FLOC’H NICOLAS

*1970 Rennes (France) vit et travaille Ă  Paris www.nicolasfloch.net

FRITH FRANCIS

*1882-1898 Chesterfield (Derbyshire, Angleterre); mort Ă  Cannes, France http://pic.nypl.org/constituents/1746

GALBATS PATRICK

*1978 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.patrickgalbats.com

GLAUBITZ FLORIAN

*1985 Allemagne

vit et travaille Ă  Maintz et Leipzig, Allemagne www.flux4art.de/kuenstler-innen/florian-glaubitz

GOUDAL NOÉMIE

*1984 vit et travaille entre Paris et Londres www.noemiegoudal.com

HARTMANN JANA

*1971 Allemagne vit et travaille Ă  Francfort-sur-le-Main, Allemagne www.janahartmann.eu

HOFMAN JEROEN

*1976 vit et travaille Ă  Amsterdam www.jeroenhofman.com

HUBER FRAUKE

*1966

vit et travaille Ă  Hambourg Allemagne www.landrushproject.com

IANCHIS MARIA-MAGDALENA

*1982 Roumanie vit et travaille entre ReykjavĂ­k, Islande et Vienne, Autriche

www.maria-magdalenaianchis.at

INKA & NICLAS (LINDERGÅRD)

*1985 Finlande & *1984 SuĂšde vivent et travaillent Ă  Stockholm, SuĂšde www.inkaandniclas.com

KAHILANIEMI JAAKKO

*1989 Finlande vit et travaille Ă  Helsinki, Finlande www.jaakkokahilaniemi.com

KANTANEN SANDRA

*1974 Finlande vit et travaille Ă  Hanko, Finlande www.sandrakantanen.com

KOHL LISA

*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.lisa-kohl.com

KOLBER VÉRONIQUE

*1978 Luxembourg vit et travaille Ă  Steinsel, Luxembourg www.veroniquekolber.com

LAMBERT YVON

*1955 vit et travaille Ă  Esch/Alzette (Luxembourg)

LANIER MARINE

*1981 Valence (France) vit et travaille entre Crest et Lyon. www.marinelanier.com

LE SERGENT DAPHNÉ

*1975 Corée du Sud vit et travaille à Paris, France www.daphnelesergent.com

120 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021

MANDRY DOUGLAS

*1989

vit et travaille Ă  ZĂŒrich, Suisse www.douglasmandry.com

MARTIN UWE H.

*1973

vit et travaille Ă  Hambourg, Allemagne www.uwehmartin.de

MELCHIOR CAROLE

*1972 Belgique vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique www.carolemelchior.com

MITYUKOVA ANASTASIA

*1992

vit et travaille Ă  GenĂšve, Suisse www.anastasiamityukova.ch

MOURAZ TITO

*1977

vit et travaille Ă  Lisbonne, Portugal www.titomouraz.com

OESCH JOHN

*1965

vit et travaille au Luxembourg www.vision.lu

PÄIVÄLÄINEN RIITTA

*1969

vit et travaille Ă  Helsinki, Finlande www.riittapaivalainen.com

PEIFFER SÉVERINE

*1981 Luxembourg vit et travaille Ă  Luxembourg www.severinepeiffer.com

PINNEL MARTINE

*1988 Luxembourg vit et travaille au Luxembourg www.martinepinnel.com

POITEVIN ERIC

*1961 Longuyon (France, Meurthe & Moselle) vit et travaille en France

QUETSCH ARMAND

*1980

vit et travaille au Luxembourg www.armandquetsch.com

REUTER DANIEL

*1976

vit et travaille entre Luxembourg et Reykjavik, Islande www.danielreuter.net

SEIDEL THILO

*1987

vit et travaille Ă  Sarrebruck, Allemagne

SOMMER MARIE

*1984

Vit et travaille Ă  Paris www.mariesommer.com

TKACHENKO DANILA

*1989

vit et travaille Ă  Moscou, Russie www.danilatkachenko.com

TRIPP CAECILIA

*1968 nomade www.caeciliatripp.com

TRÜLZSCH HOLGER

*1939 vit et travaille entre Peterskirchen (Allemagne ), Berlin et Paris

TUORI SANTERI

*1970 Finlande vit et travaille Ă  Helsinki www.santerituori.com

VERZONE PAOLO

*1967 Italie vit et travaille en Italie et en Espagne www.paoloverzone.com

VIALET ÉMILIE

*1980

vit et travaille Ă  Strasbourg, France www.emilievialet.com

DONOVAN WYLIE

*1971 Irlande du Nord vit et travaille Ă  Belfast www.donovanwylie.studio

INDEX DES ARTISTES

Artists of the Mudam exhibition featured in the catalogue:

ATKINS ANNA GREEN CONRAD THEODOR

SERT JOSÉ MARÍA

Artists of the slide show «Rethinking Nature» featured in the catalogue:

BRITTA BAUMANN

PHILLIPA BLOOM

NOEMI COMI

CLAUDIA FRITZ

SEULKI KI

ELENA KRISTOFOR

CALIN KRUSE

SONIA MANGIAPANE

KAVEER RAI

NAZANIN RAISSI

ANNA SIGGELKOW

MERVE TERZI

GESCHE WÜRFEL

121 INDEX DES ARTISTES

INFORMATIONS PRATIQUES

LIEUX D’EXPOSITION / VENUES AND EXHIBITIONS

LUXEMBOURG

Archives nationales de Luxembourg

2 Plateau du Saint-Esprit, 1475

Tél : (+352) 24 78 66 60

E-mail : relations.publiques@an.etat.lu

www.anlux.public.lu

Exposition Yvan Lambert, Derniers Feux > 29.09.2021 – 30.04.2022 (sous rĂ©serve)

Arendt & Art

41 A, Avenue J. F. Kennedy, L-2082

Luxembourg

Tél : (+352) 40 78 78 1

www.arendt.com

EMoP Arendt Award remise du prix 02.06.2021

EMoP Selection > 09.05 - 12.09.2021

Noémie Goudal > automne - hiver 2021

BibliothĂšque nationale du Luxembourg

37d Avenue John F. Kennedy, 1855

Luxembourg

Tél : (+352) 26 55 9-100

www.bnl.public.lu

E-mail : info@bnl.etat.lu

Views of Luxembourg and the “Orient”

Francis Frith and Victorian Photography > 06.05 - 26.06.2021

Casino Luxembourg – Forum d’art

contemporain

41, rue Notre-Dame L-2240 Luxembourg

Tél : (+352) 22 50 45

www.casino-luxembourg.lu

Daphné Le Sergent : Silver Memories (Rethinking Nature / Rethinking Landscape) > 03.04 - 06.06.2021

Slide Show: Rethinking Nature > 01.06.07.06.2021

RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme –Luxembourg – Ă©dition 2021 > 2.06.2021

Cercle CitĂ© – Espace d’exposition

Ratskeller

Place d’Armes 2, rue du CurĂ© L-1368

Luxembourg

Tél : (+352) 46 49 46 - 1

www.cerclecite.lu

Rethinking Nature ( V.Bučan, A. Mituykova, M. Ianchis, J. Blau, N. Floc’h ) > 30.04 - 27.06.2021

Fellner contemporary

2a, Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg www.fellnercontemporary.lu

Éric Poitevin > 17.06 - 28.08.2020

MOB-ART studio

19a Avenue de la Porte-Neuve, L-2224 Luxembourg

Tél : (+352) 691 10 96 45

www.mob-artstudio.lu

John Oesch > 21.04 - 22.05.2021

Galerie Nosbaum Reding

4 Rue Wiltheim, L-2733 Luxembourg

Tél : (+352) 26 19 05 55

www.nosbaumreding.lu

Daniel Reuter: Oversees > 22.0412.06.2021

Galerie Valerius

1, Place de Theatre | L-2613 Luxembourg info@valeriusartgallery.com

www.valeriusartgallery.com/

Taming Nature > 26.05 - 26.06.2021

Instituto CamÔes, Centre culturel portugais

4, Place Joseph Thorn, L-2637 Luxembourg

Tél : (+352) 46 33 71-1

www.instituto-camoes.pt

Tito Mouraz: Fluvial > 04.06 -16.07.2021

Mudam Luxembourg – MusĂ©e d’Art

Moderne Grand-Duc Jean

3, Park DrÀi Eechelen, L-1499

Luxembourg-Kirchberg

Tél : (+352) 45 37 85 1

www.mudam.com

Enfin seules. Photographies de la collection Archive of Modern Conflict > 01.05 – 19.09.2021

MusĂ©e National d’Histoire et d’Art

Luxembourg (MNHA)

Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg

Tél : (+352) 47 93 30 1

www.mnha.lu

Rethinking Landscape: Inka & Niclas, Daniel Reuter, Douglas Mandry, Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, Danila

Tkachenko > 07.05 - 17.10.2021

Neimënster (Abbaye de Neumunster)

28, rue MĂŒnster, L-2160 Luxembourg

Tél: (+352) 26 20 52 1 www.neimenster.lu

Lisa Kohl – Land (E)scape > 29.0403.06.2021

Regards sans limites, Patrick Galbats, Anne-Sophie Costenoble, Florian Glaubitz, Thilo Seidel, Émilie Vialet > 29.04 - 03.06.2021

Marine Lanier / Les Contes sauvages > 29.04 - 03.06.2021

Parc de Merl – Luxembourg Instincts. Same but different - Cristina Dias de Magalhaes > 04.2021 - 09.2021

Villa Vauban – MusĂ©e d’Art de la Ville de Luxembourg

18, Avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg

Tél : (+352) 47 96 49 00 www.villavauban.lu

Holger TrĂŒlzsch / Dominique Auerbacher: Les Paysages du Kairos > 27.04 - 12.09.2021

CLERVAUX

Clervaux – citĂ© de l’image a.s.b.l. Maison du Tourisme et de la Culture

11, Grand-rue, L-9710 Clervaux

TEL : (+352) 26 90 34 96 www.clervauximage.lu

NORD – Six installations photographiques à ciel ouvert

Jeroen Hofman 16/09/2020 - 15/09/2021

Christian Aschman 25/09/202024/09/2021

Paolo Verzone 25/09/2020 - 24/09/2021

Evgenia Arbugaeva 23/10/202022/10/2021

Santeri Tuori 26/03/2021 – 25/03/2022

Donovan Wylie 09/04/2021 – 08/04/2022

The Family of Man - Steichen Collections

CNA – Chñteau de Clervaux

L-9710 Clervaux

Tél.: +352 92 96 57 www.steichencollections-cna.lu

The Family of Man > 01.03.202101.01.2022

DUDELANGE

Centre national de l’audiovisuel (CNA) 1b, rue du Centenaire, L-3475 Dudelange

Tél : (+352) 52 24 24 1 www.cna.lu

Waassertuerm : Collapsed Mythologies / Une annexe au lexique géo-financier

d’ Eline Benjaminsen > 22.05 - 28.08.2021

Pomhouse : LandRush / Ventures into global agriculture de Frauke Huber & Uwe

H. Martin > 20.03 - 29.08.2021

Display 01 : Marie Sommer - L’Oeil et la Glace > 24.04. - 29.08.2021

Centre d’Art Nei Liicht

Rue Dominique Lang, 3505 Dudelange

Tél : (+352) 51 61 21-292

https://www.galeries-dudelange.lu/

Marie Capesius - Heliopolis > 24.04.13.06.2021

Centre d’Art Dominique Lang Gare Dudelange-Ville

Tél : (+352) 51 61 21-292

https://www.galeries-dudelange.lu/

Rozafa Elshan - Synthùse d’une excursion > 24.04. - 13.06.2021

ESCH / ALZETTE

Konschthal Esch

29-33 Bvd Prince Henri L-4280 Esch-sur-Alzette info@konschthal.lu www.konschthal.lu

Schaufenster 3 : Caecilia Tripp: Liquid Earth

Armand Quetsch: by the same paths > 29.05. - 29.08.2021

LĂ«t’z Arles - Daniel Reuter (Providencia) et Lisa Kohl (ERRE) > automne / hiver 2021-2022

122 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021

REMERCIEMENTS / THANKS TO

Mme Sam Tanson, Ministre de la Culture

M. Jo Kox, premier conseiller de Gouvernement au MinistĂšre de la Culture

Mme Lydie Polfer, Maire de la Ville de Luxembourg

Mme Josée Kirps, directrice des Archives nationales de Luxembourg

Mme Sanja Simic, responsable communication des Archives nationales de Luxembourg

M. Claude D. Conter, directeur de la BibliothĂšque Nationale du Luxembourg

Mme Nadine Esslingen, responsable de la médiathÚque de la BNL

M. Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain

Mme Stella Arieti, commissaire d’exposition au Casino LuxembourgForum d’art contemporain

M. Paul Lesch, directeur du Centre National de l’Audiovisuel

Mme MichÚle Walerich, responsable du département photo au CNA

Mme Daniela Del Fabbro, commissaire d’exposition au CNA

Mme Anke Reitz, responsable de la collection Edward Steichen au CNA

Mme Suzanne Cotter, directrice du Mudam Luxembourg – MusĂ©e d’Art Moderne

Grand-Duc Jean

Mme Michelle Cotton, chef de dĂ©partement, programmation artistique et contenu, Mudam Luxembourg – MusĂ©e d’Art Moderne Grand-Duc Jean

M. Christophe Gallois, curateur, responsable des expositions, Mudam Luxembourg –MusĂ©e d’Art Moderne Grand-Duc Jean

M. Michel Polfer, directeur du MusĂ©e National d’Histoire et d’Art Luxembourg

M. Timothy Prus, directeur de l’Archive of Modern Conflict, Mudam Luxembourg –MusĂ©e d’Art Moderne Grand-Duc Jean

M. Ruud Priem, conservateur du MusĂ©e National d’Histoire et d’Art Luxembourg

Mme Ainhoa Achutegui, directrice du CCR Neimënster

M. Claudio Minelli, responsable des expositions CCR Neimënster

Mme Christiane Sietzen, responsable des services culturels de la Ville de Luxembourg

Mme Anouk Wies, directrice artistique du Cercle CitĂ© – Ratskeller espace d’exposition

Mme Vanessa Cum, coordinatrice culturelle de la Ville de Luxembourg

M. Guy Thewes, directeur Les 2 Musées de la Ville de Luxembourg

Mme Gabriele Grawe, conservatrice Ă  la Villa Vauban - MusĂ©e d’Art de la Ville de Luxembourg

Mme Annick Meyer, directrice Clervaux CitĂ© de l’Image

Mme Marlùne Kreins, directrice des centres d’art de la Ville de Dudelange

M. Christian Mosar, directeur artistique de la Konschthal Esch

Mme Florence Reckinger-TaddeĂŻ, prĂ©sidente de LĂ«t’z Arles

M. Bruno Perdu, ambassadeur de France, Luxembourg

Mme Laurence Lochu, directrice de l’Institut français, Luxembourg

M. AntĂłnio Gamito, ambassadeur du Portugal au Luxembourg

Mme Adília Martins de Carvalho, directrice du Centre Culturel Portugais - CamÔes

M. Philippe Dupont, associé Etude Arendt

Mme Danielle Igniti, commissaire d’exposition

M. Alex Reding, galeriste

M. Luc Schroeder, galeriste

M. Gerard Valerius, galeriste

Mme Yasemin Elci, commissaire d’exposition

LES GALERIES SUIVANTES / THE FOLLOWING GALLERIES

ANTWERP

NK Gallery Antwerp Pourbusstraat 19, 2000 Antwerp www.nkgallery.be

BERLIN

Dorothée Nilsson Gallery

Potsdamer Straße 65 10785 Berlin www.dorotheenilsson.com

PARIS

Galerie Les Filles du Calvaire 17, rue des Filles du Calvaire 75003 Paris www.fillesducalvaire.com

Galerie Maubert 20 rue Saint-Gilles 75003 Paris www.galeriemaubert.com

ZÜRICH

Bildhalle Galerie Stauffacherquai 56 CH-8004 ZĂŒrich www.bildhalle.ch

LUXEMBOURG

Galerie Fellner contemporary 2a Rue Wiltheim

L-2733 Luxembourg

www.fellnercontemporary.lu

Galerie Nosbaum & Reding

2 + 4, rue Wiltheim

L-2733 Luxembourg

www.nosbaumreding.lu

MOB-ART Studio

19a Avenue de la Porte-Neuve L-2224 Luxembourg www.mob-artstudio.lu

Valerius Gallery

1, Place du Théùtre L-2613 Luxembourg

www.valeriusartgallery.com

BOURSE REGARDS SANS LIMITES / BLICKE OHNE GRENZEN PARTENAIRES / SOUTIENS FINANCIERS

Nouvel Observatoire Photographique du Grand-Est Région Grand-Est

DĂ©partement de la Moselle MinistĂšre de l’Education et de la Culture de la Sarre SaarlĂ€ndisches KĂŒnstlerhaus SaarbrĂŒcken e. V Abbaye de Neumunster

THE EMOP NETWORK

BERLIN

City of Berlin

Tim Renner (Permanent Secretary for Cultural Affairs)

Moritz van DĂŒlmen (director of Kulturprojekte Berlin)

Oliver Baetz, manager of Kulturprojekte Berlin and the European Month of Photography Berlin

LISBONNE

Imago Lisboa, Rui Prata

LUXEMBOURG

Café-CrÚme asbl, Paul di Felice, Pierre Stiwer, directors

PARIS

Emmanuelle Halkin, commissaire membre du Comité artistique du collectif FETART

VIENNA

Dr. Bettina Leidl, director of Kunst Haus Vienna Verena Kaspar-Eisert, curator at Kunst Haus, Vienna

123 INFORMATIONS PRATIQUES / REMERCIEMENTS

COLOPHON

Editor / Publisher

Paul di Felice, Pierre Stiwer ( Café-CrÚme asbl )

Organisation du Mois européen de la photographie Luxembourg / Managers of EMoP Luxembourg

Paul di Felice, Pierre Stiwer (directeurs)

Assistante principale / Main assistant

Krystyna Dul

Traductions selon indications / Translations as indicated

Pierre Stiwer & Simon Welch; Claire di Felice

RĂ©vĂ©lation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg

Cristina Dias de Magalhães & Café-CrÚme asbl

Conception graphique / Graphic Design

hyke.studio

Droits / Credits

All pictures if not otherwise stated: courtesy and copyright The Artist No part of this publication may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording or any other information storage and retrieval system, without prior permission in writing from the publisher.

Imprimé / Printed

Offset Printing House KOPA, Vilnius, Lituanie

ISBN 978-99959-674-8-2

photo de la couverture / cover photo

Vanja Bučan ©

NOSBAUM & REDING ART CONTEMPORAIN

SaarlĂ€ndisches KĂŒnstlerhaus SaarbrĂŒcken e.V.

124 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2021
BERLIN, LISBONNE, LUXEMBOURG, PARIS, VIENNE
RETHINKING NATURE
RETHINKING LANDSCAPE

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