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Le magazine qui pétille d’idées jeunes Périodique trimestriel de l’asbl Empreintes
Pourquoi pas toi : l’Autre Pack
Dossier : No Government’s Land ?
À suivre : Ouvrez les églises Nos Empreintes : Des légumes sur le campus.
édito On entend que les Belges ne s’intéressent plus à la crise politique qui touche le pays, tant elle traine sans fin et qu’elle semble désormais faire partie du décor entre les frites et Manneken Pis. On entend encore que le pragmatisme des belges
frise l’indifférence… La manifestation du 24 janvier, baptisée « Shame », se voulait une sortie de l’apathie qui frappe les citoyens, et pas un unique sursaut médiatique. Leur but était-il de réclamer une Belgique unie ? Un gouvernement au plus vite ? De blâmer les politiques ? Ou de montrer que les belges ne s’en fichent pas ? Appeler cette marche « Shame » était-il vraiment
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judicieux ? Un gouvernement à tout prix, plus facile à dire qu’à faire… Il est tentant, dans une situation si complexe aux rebondissements répétitifs, de laisser les politiques se débrouiller « vu que nous on ne peut rien faire ». Et s’ils n’aboutissent à rien, c’est bien de leur faute ! Hum… sans doute pas si simple. Et nous, comment on s’y prendrait ? Quelle dure acrobatie que de jongler avec le respect de la démocratie et les souhaits de ses électeurs d’un côté, et de l’autre un idéal de pays, de solidarité que tous ne partagent plus. Entre temps, la vie continue. On compare, d’un air rigolard, la Belgique à l’Irak, qu’elle a dépassé le 17 février dans son
janvier - février mars 2011
statut de « pays le plus longtemps sans gouvernement ». Pourtant, les affaires tournent. Le complexe système institutionnel belge, tant critiqué, permet actuellement de faire tenir l’ensemble. S’il est clair qu’un gouvernement en affaires courantes ne suffit pas pour réellement progresser, il réussit à garder un cap dans la tempête. On peut voir la situation comme un cul-de-sac et baisser les bras. On peut aussi la voir comme un embranchement où plusieurs voies se présentent (mais aucune autoroute). Il semble nécessaire désormais d’être avant tout constructifs pour créer un nouvel ensemble qui puisse laisser à chacun sa part d’indépendance et sa part de Belgique. Lassés par le manège, on
Lady Gaga :
BC 4429
oublie en effet trop facilement que la Belgique c’est la nôtre… et que les Belges c’est nous. Edith Wustefeld
Le point Contre?
Pour?
Belgique - Belgïe P.P. - P.B. 5000 Namur 1
Clémentine
Clémentine Colpin, 19 ans est en 2e bac à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD), Louvain-la-Neuve. Ses bigoudis sont des cannettes de coca, ses chapeaux des bois de cerf, ses lunettes sont totalement opaques, ses coiffures sont surréalistes, son maquillage futuriste. Bref son style est incontournable, d’une originalité implacable et totalement excentrique. La provoc’lui donne du style et lui assure de faire parler d’elle : sa robe en viande, le clip « Alejandro » très chaud, ses interviews où elle est toujours dissimulée derrière une perruque et des lunettes, Une véritable démarche artistique ! Elle défend les droits des homosexuel (le) s et ceux-ci l’adorent. Ses clips sont de véritables réalisations cinématographiques. Le renouveau, l’excentricité et la qualité qu’ils proposent, ont fait d’elle la première artiste à atteindre le milliard de visionnages sur YouTube. De même, ses concerts sont réputés pour être de véritables shows qui valent le détour. C’est une véritable musicienne, pianiste de talent, et une bonne chanteuse. Sa voix en acoustique est vraiment très puissante. Cette ancienne gogo danseuse a décidé un jour de se faire connaître. Et voilà trois ans que l’on parle sans cesse d’elle dans tous les médias. Peu de gens y parviennent. Elle est la troisième artiste au monde à avoir placé trois singles numéro 1 dans les charts pour un premier album. On dit même d’elle qu’elle est la nouvelle Madonna. Et elle n’a que 24 ans ! Lady Gaga est une femme très intelligente qui sait comment gérer sa carrière et son image, sans être instrumentalisée par l’industrie de la musique. Elle ne laisse personne indifférent. Qu’on l’aime ou qu’on la déteste -elle, son style, ou ce qu’elle incarne- on ne peut nier sa personnalité artistique. Rien que pour ça, je suis pour !
Marie Marie Giet, 19 ans est sortie de rhéto en juin dernier, elle prend une année sabbatique pour partir en Argentine.
Lady Gaga représente l’univers de l’apparence. Elle utilise la provoc’ pour attirer l’attention. Plus elle choque, mieux c’est. Son but est qu’on parle d’elle. En bien ou en mal ? Je crois qu’elle s’en moque pourvu qu’elle fasse les gros titres. Montrer son corps, porter des robes en viande… Elle ose tout et devient du coup l’idole de toutes les jeunes filles qui aimeraient être aussi extravertie qu’elle. Elle n’a aucune limite. Tant que ça marche, pourquoi s’arrêterait-elle ? Elle se cache toujours derrière un masque pour ne pas avoir de visage défini. Elle peut devenir n’importe qui… ou n’importe quoi. C’est pour ça qu’elle a adopté un nom qui ne veut rien dire. « Lady Gaga » ? Aujourd’hui, ce nom nous semble familier parce qu’on l’entend tout le temps mais que signifie-t-il ? Femme folle ? Lady Gaga sait ce qu’elle fait, elle est son propre maître. Au niveau de la qualité musicale de ses chansons, elle est assez douée, même si, personnellement, je ne suis pas fan. Néanmoins, il faut avouer que le rythme de ses chansons est assez entraînant. Elle chante et danse bien. Mais c’est le cas de milliers d’autres personnes, elle l’a compris et fait donc en sorte de sortir du lot par d’autres moyens. Elle fait preuve d’intelligence dans sa manière de gravir les échelons. On peut critiquer le processus mais on ne peut pas nier qu’il ait porté ses fruits : la voilà sur tous les postes de radio, sur toutes les chaînes de télévision ainsi que dans tous les magazines ‘people Maintenant est-ce bien ou mal ? Je ne me permettrais pas de juger. Lady Gaga ne me choque pas et m’amuse même parfois. C’est vrai, qui d’autre aurait eu l’idée de porter une robe en viande?
Lady Gaga jouit d’une ascension fulgurante. Le nier serait naïf. Deux albums, cinq singles n° 1, 130 récompenses à travers le monde… C’est peut être qu’elle a saisi mieux que personne les rouages du succès moderne. Sa méthode ? Repousser les limites de la provoc’ et gérer son personnage comme une entreprise. Immorale ? Gaga l’est, mais pas trop. Elle se moque des valeurs de la société traditionaliste mais elle défend férocement celles des communautés. Elle soutient, par exemple, les homosexuels. Elle pratique ni plus ni moins que de la segmentation de marché. Elle définit une cible et se positionne stratégiquement. Lady Gaga est une implacable business woman. La provoc’ est la clé de voûte de toute une entreprise qui révèle une grande compréhension des rouages de la société du spectacle décrite par Guy Debord1 mais dans sa forme moderne. La culture développée par Lady Gaga est consommée en masse, aux quatre coins du monde. Lady Gaga est-elle une rebelle ? Une femme d’affaire ? Les deux ? Qu’en pensez-vous ? 1 : « La Société du Spectacle », 1 967
Bulles vertes #32 - p.1
Benoît Laloux