La gazette Buissonniere Une info-lettre de l'enfance buissonniere n°2
/ été
2011 /
Parution variable
/ Gratuit ou prix libre
Cette gazette se veut un support d’informations et de question nements autour de la critique de l’âgisme, des catégories enfant / adulte ainsi que des théories et des pratiques qui s’y réferent. Cette gazette est aussi un moyen de se rencontrer, de mettre en commun nos problématiques et désirs de transformations . Nous souhaitons qu'elle puisse permettre de faire entendre différentes voix... Donc si ces textes vous interpellent, vous inspirent ou vous intriguent n'hésitez pas à nous faire signe... Participez à la prochaine gazette !
Vous pouvez y contribuer en envoyant textes ou images à:
La domination adulte critique d'un pouvoir incontesté
L'éducation à la désobéisance L'école est finie Agisme
enfance-buissonniere@poivron.org
Cette gazette paraîtra chaque fois que nécessaire et que possible sans garantie de régularité. Si vous souhaitez être tenu.e.s au courant des prochaines parutions de l'enfance buissonniere il existe une liste de diffusion : https://listes.poivron.org/listinfo/diffusi on-buissonniere
et bien sûr ce site incontournable : http://enfancebuissonniere.poivron.org
Mais ne restez pas trop longtemps devant l'écran , la vie est ailleurs...
Les boutiques d'enfants de berlin
la domination adulte en question Histoire d'école
Encore heureux qu'on va vers l'été
De rni e re s b roc hure s pa rue s
« Tout a commencéé avec quelques questions simples, par exemple : les parents ont-ils le droit de te forcer a mettre des vêtements que tu ne veux pas mettre ? quand doit-on aller se coucher ? Est-ce qu’un prof a le droit d’ interdire d’ aller au w.c pendant les cours ? » Extrait de : Les défenseurs des droits des enfants * veulent des changements fondamentaux (*KinderRÄchTsZÄnker) Krätzä.de
les dessins de ce numéro sont de Marion et d'Eliot (à part sur cette page)
Edito
La domination adulte critique d'un pouvoir incontesté Enoncer qu’il existe un rapport de domination des adultes sur les enfants peut sembler à la fois une évidence et une absurdité : une évidence, car on ne saurait nier que la position d’adulte confère globalement une position d’autorité sur celle d’enfant ; une absurdité, car cette position nous apparaît comme normale, naturelle et même positive. Elle s’appuie de plus sur des caractéristiques « objectives » : les enfants sont objectivement « dépendants », « fragiles », ce sont des « êtres en cours de formation » qu’il convient donc de « protéger », « d’éduquer », « d’encadrer », etc. Il existe pourtant des signes clairs qui permettent de montrer que ce rapport adulte/enfant est bien un rapport de domination, qui plus est particulièrement violent. Le statut inférieur accordé aux enfants est d’abord présent dans la manière de les nommer. L’enfant, étymologiquement, est celui « qui ne parle pas ». Il appartient au monde des « petits ». Jusqu’à l’âge de sa majorité, il est considéré comme un être « mineur ». Par ailleurs, la plupart des appellations utilisées pour le désigner sont de l’ordre du péjoratif : gosse, gamin, morveux, chiard... Et celles-ci sont souvent considérées comme des insultes quand elles sont appliquées à des adolescents ou des adultes (« bébé », « gamin », « ne fais pas l’enfant », etc.) [1]. Objectivement, l’enfant est évidemment dans une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis des adultes, et en particulier de ses parents : pas de ressources propres, pas d’indépendance possible, pas de droit de regard sur les décisions le concernant, y compris jusqu’à un âge avancé. Une fois scolarisé il est soumis à des horaires et à une charge de travail très importants, comparables à ceux endurés par beaucoup d’adultes dans leur vie professionnelle. En-dehors de l’école il n’est jamais totalement maître de son temps et de ses activités car c’est en général toujours l’organisation et la volonté des adultes qui l’emportent (« on doit partir, tu joueras plus tard »). Typique de nombre de relations de domination, cette dépendance est d’ailleurs totalement « renversée » dans certains discours : on parle ainsi « d’enfant-roi » ou « d’enfant-tyran », tout comme on insinue parfois que les chômeurs sont des privilégiés ou que les immigrés sont coupables de « racisme anti-français ».
Une vision profondément négative de l’enfant Les enfants bénéficient parfois d’une valorisation sur des aspects secondaires et limités, en général basée sur des attributs physiques ou des comportements conformes aux attentes : on les jugera « mignons », « adorables », « gentils », « polis », « bien élevés ». Mais ces valorisations temporaires masquent en réalité une vision extraordinairement négative de l’enfant, et ce dès sa naissance. Dans la plupart des discours (médicaux, éducatifs, psychologiques), l’enfant est considéré comme un être qui va « chercher la faille », « tester les limites », et qui, si on ne lui impose pas un cadre contraignant, va « en profiter », accumulera les bêtises et les comportements égoïstes. Héritage d’une tradition judéo-chrétienne et psychanalytique [2] cette vision fait croire à un enfant porteur de « vices » ou de « pulsions », qu’il va falloir redresser et corriger par le biais d’une éducation rigoureuse. Ainsi, dès les premiers instants, le bébé qui pleure sera accusé de « comédie » et de tentative de manipulation auxquelles il ne faut pas céder, sous peine d’être par la suite totalement débordé et, à la limite, transformé en esclave de son propre enfant. On trouverait sans doute là de nombreux parallèles avec d’autres formes de domination : on pourra citer les femmes, souvent réduites à leurs attributs physiques, et dont l’image reste souvent très négative (historiquement comme sources de péchés ou de tentations, aujourd’hui encore comme susceptibles de séduction, de manipulation ou de « bêtises » comme des dépenses excessives et futiles, etc.) ou les classes populaires, parfois valorisées pour divers attributs secondaires (le franc-parler, la convivialité, la force de travail...) mais fondamentalement extrêmement stigmatisées et implicitement soupçonnées de propension à la violence ou au racisme [3]. Une domination a en effet toutes les chances de paraître légitime si elle fait passer le groupe dominé comme potentiellement « dangereux ». La position dominée des enfants s’exprime aussi à travers la non prise en compte, voire la négation de leur parole et des besoins qu’ils peuvent exprimer. Bien souvent ces besoins ou envies sont considérés comme des « caprices », donc comme des demandes qui n’ont pas de valeurs en elles-mêmes. Un enfant qui a très envie d’une console de jeux se verra souvent accusé de « caprice ». Un adulte souhaitant acheter un iPhone, beaucoup moins (encore que cette probabilité augmentera fortement s’il s’agit d’une femme).
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Cette notion centrale de « caprice » commence d’ailleurs très tôt, y compris pour l’expression de besoins extrêmement fondamentaux (la faim, le besoin de contact ou d’attention) par les nouveau-nés. Et elle concerne également la négation du chagrin ou de la douleur : la plupart du temps, lorsqu’un enfant tombe et se fait mal, les premiers mots prononcés sont « ce n’est rien, ne pleure pas ». On se souviendra d’ailleurs que jusqu’à récemment les bébés étaient opérés sans anesthésie. Enfin, la domination adulte s’exprime le plus brutalement par la maltraitance dont les enfants sont souvent les objets. Au delà des cas extrêmes (les victimes de viols ou de meurtres « passionnels » liés à des séparations sont presque exclusivement des femmes ou des enfants), les enfants demeurent le seul groupe social qu’on a légalement le droit de frapper .[4] On accepte encore aujourd’hui que les enfants soient battus, pour leur bien, comme on acceptait hier que les femmes soient battues, pour les mêmes raisons. Et cela sans parler des violences psychologiques : insultes, cris, punitions, humiliations, qui sont monnaie courante à des degrés divers et le plus souvent parfaitement tolérées.
Une domination centrale Tenter de faire apparaître la relation adulte/enfant comme un rapport de domination comporte une double difficulté : chaque argument peut apparaître soit comme une évidence, soit être immédiatement réfuté, y compris par soi-même, par l’idée que cet état de fait est peut-être regrettable ou excessif, mais qu’il est nécessaire, sous peine de conséquences négatives. L’autre difficulté est qu’en tant qu’adulte, et encore plus en tant que parents, nous devons prendre conscience de cette domination en étant nous-mêmes dominants. Ceci passe alors par une remise en cause personnelle et un travail permanent pour ne pas se laisser aller à ce qu’on ferait souvent naturellement : se comporter avec ses enfants d’une manière qu’on n’accepterait pas de la part d’un homme envers une femme ou d’un patron envers ses employés. Pourtant cette domination est une question particulièrement cruciale : nous l’avons tous vécue en tant que dominés étant enfants. Nous avons tous subis nombre de violences plus ou moins grandes, nous les avons acceptées et elles nous apparaissent bien souvent, en tant qu’adulte, comme nécessaires et positives. Or cette expérience et cette acceptation de la domination jouent certainement un rôle dans sa reproduction plus tard en tant qu’adulte, mais aussi dans son application à d’autres contextes et vis-à-vis d’autres groupes sociaux. Sur le plan politique, enfin, tout ou presque reste à faire. En effet, à la différence d’autres types de dominations qui, à défaut d’être réellement combattues, ont au moins acquis une certaine visibilité (domination masculine, domination de classe, domination hétérosexuelle...), la domination adulte et la place des enfants sont des thématiques totalement absentes du champ politique. Les enfants ne sont présents, y compris dans les programmes de gauche, que par le prisme de l’école, de la santé ou des modes de garde. Avec une difficulté supplémentaire : si le plus souvent les dominés peuvent mener euxmêmes le combat contre leur domination, dans le cas des enfants c’est presque impossible... Au-delà des luttes pour les « droits de l’enfant » ou la « protection de l’enfance », qui visent en général à s’attaquer aux violences les plus flagrantes, un véritable travail de mise à jour et de construction politique est donc nécessaire si on souhaite aboutir progressivement à la fin des violences et à une égalité de considération et de traitement entre adultes et enfants Julien Barnier Juin 2010 Brochure disponible sur infokiosques.net.Texte paru initialement sur :lmsi.net/La-domination-adulte
Notes : [1]Pour une analyse plus détaillée on pourra se reporter au texte L’enfance comme catégorie sociale dominée, http://enfance-buissonniere.poivron.org/L'enfance_comme_catégorie_sociale_domin ée
[2]Pour une analyse historique détaillée de la genèse de cette conception négative de l’enfant, voir l’ouvrage d’Olivier Maurel, Oui, la nature humaine est bonne !, Robert Laffont, 2009. [3]Cf. la désormais célèbre citation de Nicolas Baverez : « Pour les couches les plus modestes, le temps libre, c est l alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance » [4]Sur la question de la violence physique sur les enfants et de son interdiction, voir le travail de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire, www.oveo.org
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Quelques films à voir L’éducation à la désobéissance (Erziehung zum Ungehorsam) L'éducation à la désobéissance est un court documentaire allemand de 1967 qui traite des crèches communautaires et antiautoritaires de l'époque . Elles étaient appelées « boutiques d'enfants » parce que les lieux loués et aménagés pour y établir ces communautés d'enfants étaient principalement d'anciens magasins de quartier ruinés par la grosse distribution . Motivés par le refus des pédagogies traditionnelles des jardins d'enfant (kindergarten) et inspirées par les théories de Wilhem Reich (La revolution sexuelle) ou Vera Schmidt (Modèle pour l'éducation antiautoritaire).Ces lieux voulaient développer l'indépendance et l'émancipation vis à vis de la famille et des valeurs bourgeoises. La nudité, la sexualité infantile et les pulsions destructrices n' y sont pas brimées..
L'école est finie L'école est finie est un court métrage de Jules Celma - l'auteur du journal d'un éducastreur – avec la voix de Philippe Noiret « A la naissance il y a l’enfant et il y a l’adulte. Comme vous le voyez, c’est l’adulte qui tient en main l’enfant et pas l’inverse. A quoi sert l’adulte ? A emmerder l’enfant en lui apprenant ce qu’il ne faut pas faire et ce qu’il ne faut pas dire. L’enfant pourtant était né pour vivre totalement et jouir sans limite. Seulement y’a les adultes, ces éducastreurs flétris qui flétrissent ceux qui vivent à leur portée. Que se passe-t-il ? Quelques mois après la naissance l’enfant n’est plus qu’un tondu parmi des chauves, un bègue parmi des muets. Il ne fait plus areuh areuh, il devient « sociable », « discipliné », « travailleur », pro-chinois ou pro-xénète. Il ressemble à Papa qui lit Le Nouvel Observateur ou L’Humanité Dimanche. Enfant, attention, les grandes personnes sont là ! » On peut voir ces films et d'autres sur http://www.youtube.com/user/enfancebuissonniere
petit …
L E X I Q
Agisme :
Discrimination arbitraire basée sur l’âge (discrimination dont est victime un individu en raison de son âge). Idéologie et système de discriminations qui découle de la catégorisation des personnes en fonction de l’âge, de la création d’identités sociales liées à l’âge, et qui aboutit à la constitution de classes d’âge hiérarchisées.
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Les boutiques d'enfants de Berlin Pour les enfants, la contradiction entre la relativement grande liberté dans la commune et la discipline stricte et la répression au jardin d’enfants devenait de plus en plus insupportable. Cette contradiction devenait de plus en plus forte au fur et à mesure que nos relations avec les enfants se développaient plus spontanément et donc qu’ils pouvaient mieux satisfaire leurs besoins dans la commune. Nous-mêmes étions ainsi de plus en plus confrontés à la nécessité de créer une communauté d’enfants. Au début de février 1968, nous avons pris le rapport de V. Schmidt sur le foyer d’enfants de Moscou pour approfondir la discussion sur les problèmes de l’éducation des enfants. Dans la préface de cette brochure, nous avons exposé l’idée que nous nous faisions d’une communauté d’enfants. Nous pensions à un foyer d’enfants dans lequel ceux-ci coucheraient aussi. Cette idée a coïncidé avec le travail du comité d’action pour la libération de la femme qui à peu près au même moment a fondé à Neukölln et à Schöneberg les deux premières boutiques d’enfants. Des boutiques vides furent louées, rénovées, et installées pour recevoir des enfants. Il y avait dans ces boutiques environ huit enfants et chaque jour à tour de rôle deux parents. Dans les mois qui suivirent de nouvelles boutiques furent fondées dans d’autres quartiers. Comme notre plan coûteux d’un foyer d’enfants basé sur la psychanalyse n’était pas réalisable avant un temps infini, que d’autre part nous ne voulions plus envoyer nos enfants au jardin d’enfants municipal, nous sommes allés en avril aux discussions préparatoires à la création d’une autre boutique d’enfants. Nous avons décidé d’organiser quotidiennement des sorties au bord de la Havel avec tous les enfants, jusqu’à ce que nous nous soyons procuré un endroit qui convienne. La plupart des enfants ne voulaient venir que si leurs parents ou au moins l’un d’eux les accompagnaient. Donc les premiers temps les parents venaient aussi pour habituer les enfants à cette nouvelle expérience. La peur qu’ils avaient de s’en aller avec des adultes et des enfants étrangers n’était pas une peur névrotique de la séparation, mais résultait du fait de cette nouvelle expérience qui les mettait en présence d’un grand nombre d’enfants et d’adultes qu’ils ne connaissaient pas. Au bout de quelques semaines cette peur avait disparu chez la plupart des enfants, seuls les très jeunes enfants (deux-trois ans) et quelques uns parmi les plus vieux continuèrent à exiger que leurs parents les accompagnent. Nos enfants n’ont eu sur ce point aucune difficulté.
Lors des discussions hebdomadaires des parents nous avions dès le début défendu l’idée que nous devions trouver une personne « neutre » pour les enfants, qui les accompagnerait toujours dans les sorties et plus tard serait dans la boutique d’enfants. Sur ce point, nous nous écartions des idées et de la pratique des autres boutiques d’enfants dans lesquelles les parents se relayaient quotidiennement. Les expériences de sorties quotidiennes confirmèrent notre idée. Tout d’abord, les enfants dont les parents participaient alternativement aux sorties avaient des difficultés particulières : ils étaient spécialement agressifs, devaient sans cesse s’assurer de leur père ou de leur mère, ne pouvaient en partie pas supporter que d’autres enfants s’adressent à leurs parents pour résoudre leurs besoins et avaient ce jour là des difficultés à jouer avec les autres enfants ; la plupart du temps, ils voulaient jouer à quelque chose et que leurs parents les regardent. Cette situation était tout aussi nouvelle pour les parents. Ils avaient surtout des difficultés à se comporter comme d’habitude à l’égard de leurs propres enfants et tombaient dans une neutralité forcée en essayant de traiter leur enfant comme les autres. Cela intensifiait naturellement l’angoisse de leur propre enfant. Environ un mois après le début des sorties nous avons trouvé une jardinière d’enfants qui depuis est continuellement avec les enfants. Elle avait quitté son travail au jardin d’enfants municipal parce qu’elle y était contrainte par les conditions objectives de travail à soumettre sans cesse les enfants à des règlements. En collaboration avec les parents, elle a essayé d’organiser la boutique d’enfants de telle sorte que les enfants puissent y développer plus de liberté et d’initiative personnelle. (Les résultats pratiques et théoriques obtenus jusqu’à maintenant dans les boutiques d’enfants sont publiés dans une série de brochures éditées par le comité central des boutiques d’enfants socialistes de Berlin-Ouest. Une brochure détaillée sur cette boutique d’enfants a également été publiée.)
Ce texte est extrait de Kommune 2 – un ouvrage collectif paru en 1971 (traduit en français aux éditions Champ libre ) qui retrace cette expérience de vie collective – L'intégralité du chapitre 4 dont est extrait ce passage est parue en brochure (vers une communauté d'enfants)
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Une émission de radio a écouter : La domination adulte en question Digression discursive avec Nadine, active sur les questions de l’enfance et de la domination adulte, à travers son approche singulière. Réalisé par Phosphène. Diffusée le 22 janvier 2011 dans Offensive Sonore sur Radio Zinzine Aix. 54 min. esgourdes.net/medias/PADenfant.mp3
Un article a lire et a relire :
Histoire d'école
Un article publié dans (l'excellente) revue "Nous autres" nous a paru très intéressant pour les questions soulevées et les liens qu'il tisse entre des reflexions en cours et des expériences vécues, en voici le début histoire de vous donner envie de lire la suite...
« Ce texte se propose d’élaborer quelques questionnements autour de l’école, de l’éducation, de la place des enfants dans nos vies, à partir d’expériences et d’interrogations personnelles. La question scolaire a été récemment soulevée dans une autre revue, le Sabot (1): un entretien avec des enseignants Freinet et un article de réflexion interrogent les liens entre la pédagogie et la politique, du point de vue de l’émancipation. Ici, il s'agit plutôt de voir dans quelle mesure on peut imaginer nos propres structures en créant des lieux pour enfants où s’inventent d’autres rapports que ceux imposés par les écoles de l’Éducation Nationale, et à quelles limites on peut se trouver confrontés dans ces tentatives ? Récit d’un parcours à la première personne, forme volontairement choisie pour insister sur le fait que dans ces réflexions, on tâtonne, on cherche, au gré des rencontres et des opportunités. Ce texte cherche donc surtout à ré-ouvrir un débat, creuser une thématique, qui pourront peut-être se nourrir de nouveaux apports dans les prochains numéros de Nous Autres. » [1]Le Sabot, «outil de liaison locale» de Rennes et ses environs, numéro 5, avril 2010
lesabotblog.blog-libre.net
Revue « Nous autres » La Maison de l'Arbre 9, rue François Debergue. 93100 Montreuil / nousautres@ptitcanardnoir.org L'intégralité de l'article est aussi lisible sur enfancebuissonniere.poivron.org/Histoire_d_ecole
« Tandis que les adultes, les pauvres, ils ont une espece de maladie qui les oblige à choisir d’êêtre toujours la même chose. Ça s’appelle un rôle. » extrait d'« Apprends à reconnaître le rôle de ta maman et de ton papa » cité dans la brochure « Même pas sage, même pas mal » disponible dans ton infokiosque local
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Encore heureux qu'on va vers l'été (extrait) L
a question était que, puisqu'on était tellement, on pourrait s'organiser un peu mieux que ça, faire des actions communes, avoir des liaisons, et se conduire comme un vrai mouvement, qu'on est d'ailleurs. Celui qui parlait avait dans les quatorze, un peu plus vieux donc que la plupart. Il expliquait qu'on était une force, et que c'était bête de la disperser dans tous les sens, on devrait s'entendre sur une base, et définir nos objectifs. Se structurer en régions et cantons, et se rassembler en grands groupes, par exemple pour tomber sur un village, et exiger des vivres de la population, en lui expliquant. –Dis donc, murmura Grâce, je m'emmerde... Lui expliquer quoi ? dit une voix. Que nous ne sommes pas des délinquants comme disent les journaux mais un mouvement, et qu'ils doivent comprendre nos raisons et nous aider. Et qui c'est qui sera le chef de l'organisation ? dit une voix nette. Pas de réponse, un autre monta sur la souche, un plutôt grand aussi. On est un mouvement assez fort pour poser nos conditions. Quelles conditions ? fusa de plusieurs endroits. Suppression de la sélection scolaire, annulation de la nouvelle réforme. Participation à tous les décisions, et à l'établissement des programmes. Plein salaire pour les apprentis (rumeurs on s'en fout). Majorité à seize ans. Qu'est-ce qu'on en a à foutre ? Droit de vote à douze ans ! proclama opportunément l'orateur. Libre choix de l'orientation. Liberté sexuelle ! hurlèrent quelques uns. Liberté sexuelle, adopta l'orateur sans hésiter. Je m'emmerde ! brailla Grâce. (Rires). Respect de la dignité, suppression des brimades, égalité devant la loi... On s'en fout de la loi ! cria Grâce, qui s'énervait. Et engagement qu'il ne sera pris aucune sanction. Si ? entendit-on distinctement. Quoi, dit l'orateur. Si quoi, ces conditions ? précisa la voix nette qui était à Lucrèce, situées tout près du podium. Nous n'accepterons de retourner que si, la suite fut couverte par un chahut grandiose, sous lequel les deux orateurs essayaient de placer :
Mais qu'est-ce que vous croyez qu'on peut faire ? On n'a pas d'armes ! Eux ils sont organisés, eux ! Si on, Ils nous, Il faut, Profitons que nous sommes forts sinon, Quand ils auront repris la moitié on ne pourra plus rien leur demander !... Nous ne nous rendrons pas, déclara Vivien, perché sur une souche opposé, et levant Durandal. Je propose que ceux qui veulent se mettre par grands groupes s'y mettent, et ceux qui veulent pas se mettent pas, dit Régina. Si on marche par grands groupes ils nous encerclent facile, appuya David. C'est eux les militaires, pas nous. Si on ne se bat pas avec leurs armes on n'arrivera à rien. Si on se bat avec leurs armes on n'en a pas. Ben, c'est justement là qu'on veut arriver, dit une voix. A rien. C'est pas sérieux disaient les orateurs vous ne vous rendez pas compte du rapport de, vous allez vous faire. Qui c'est qui t'envoie ? dit Lucrèce. Dis-le. Qui t'a envoyé ? Dis ! dit Lucrèce, elle sauta sur la souche près du tribun et elle le dépassait. Dis ! Ptit con. Ptit chef. Elle lui cracha dans la figure. Elle redescendit et se dilua dans la foule. Je propose qu'on ne fasse plus d'assemblée, dit une voix. Je propose qu'on danse, dit Grâce, elle actionna Maracasse le baigneur rempli de glands, Régina tapa les bouts de bois, David prit sa trompette-kazou, et par-dessus le petit espace libre autour d'eux, dû à Mignon, ça gagna. Ça finit comme ça. Les délégués disparurent dans le désordre avec leurs porte-documents et leurs petits pince-nez, gémissant que ça allait mal finir les gosses n'étaient pas mûrs quel dommage encore une occasion manquée. (...)
Extrait de " Encore heureux qu'on va vers l'été" de Christiane Rochefort, paru aux éditions Grasset
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Dernieres brochures parues Une domination sociale n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle nous apparaît comme « naturelle » et demeure en grande partie invisible. Les multiples rapports de domination qui structurent notre vie sociale sont visibles à des degrés divers : certains sont connus et reconnus (la domination masculine par exemple), d’autres ont été mis en évidence mais restent en partie cachés (on pourra citer la domination culturelle et symbolique). On sait aussi que mettre au jour un rapport de domination ne suffit en rien à le faire disparaître, mais c’est pourtant une étape nécessaire : il faut prendre conscience de quelque chose pour pouvoir commencer à lutter contre. Or il existe au moins un type de domination qui reste aujourd’hui presque totalement invisible, que nous côtoyons pourtant tous les jours, et pour lequel nous avons tous été à la fois dominé et dominant : il s’agit de la domination exercée par les adultes sur les enfants. (suite page 2 et 3)
Ces textes sont le fruit de lectures, de rencontres, et de discussions avec des femmes, des parents, des mères, des professionnels de santé, dans le cadre de réflexions sur la place des femmes au sein d’une société en proie à une médicalisation et une technicisation croissantes. Une société où la domination masculine, et celle des experts, des industriels et des institutions restent considérables, même après des années de luttes féministes. Nous voulons réfléchir à la maîtrise que les femmes pourraient avoir sur les événements qui les concernent d’abord en propre, qui touchent à leur corps, à l’intime, à leur vie. Ces réflexions autour de l’accouchement cheminent autour de questions sur la maternité, l’avortement, la contraception, l’allaitement, ou encore « l’accompagnement » des enfants. Nous souhaitons qu’au fur et à mesure de sa diffusion, cette brochure puisse s’enrichir de nouveaux textes et témoignages. Pour nous écrire : n a i s s a n c e e n m o u v e m e n t @ g m a i l . c o m
Cette brochure reprend le chapitre 4 de Kommune 2 un ouvrage collectif qui retrace une expérience de vie communautaire et révolutionnaire à Berlin en 1968. Extrait de l'introduction de la brochure « Vers une communauté d'enfants »: Le chapitre choisi traite de la « question des enfants ». Si les grilles d’analyse marxiste et psychanalytique utilisées ne nous touchent pas vraiment, si l’assurance avec laquelle sont assénées nombre d’interprétations nous insupporte, la volonté de réfléchir sur ses comportements quotidiens sans oublier qu’ils sont modelés par une organisation sociale et, inversement, de remettre en cause l’organisation de notre société en tenant compte de son influence sur notre vie quotidienne, ainsi que l’ambition de lier « la théorie et la praxis » dont ils ont fait preuve nous interpelle.
Recueil de textes incongrus, littéraires et personnels autour du passage de l' enfance à l'âge adulte tout en se demandant si l'enfance et l'âge adulte sont des trucs bien réels, une invention ou autre chose ? Le tout accompagné d'images, de collages, d'extraits, de cadavres exquis impromptus et à propos; issus d'un atelier d'écriture au sein du réseau tomate (l'ancêtre de l'enfance buissonniere) « Lutter et experimenter à propos de ces choses qui touchent à « l'enfance ».Les petits, les vieux, les grands, les jeunes, les enfants, les adultes, les parents, les mineurs, la loi , les jeux , l'école , les prisons et les médicaments. Un soir, pour réflechir et passer du bon temps , nous avons lancé un atelier d'écriture ... Toutes ces brochures sont disponibles – ainsi que d'autres – sur le site : enfance-buissonniere.poivron.org