Design et développement local

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CAHIER 2

design et développement local Romain Thévenet mémoire de fin d’études sous la direction de Jacques-François Marchandise

JUIN 2008



introduction / l’approche des services sur les territoires de pays, des services publics à une approche globale et transversale / services publics

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// notion plus large de « services à la population »

> 11

/// les services existant sur un territoire ne sont pas uniquement des services à la population

> 13

//// quel est le rôle joué par le pays dans la mise en place, le développement et l’animation de ces services ?

> 16

///// comment centrer cette action sur les besoins ?

> 24

// quel designer pour le développement local ? /. design ?

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// en quoi consiste le métier de designer ? / approche

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// compétences et savoirs-faire

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/// une vision transversale

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/// comment, en tant que designer, je suis amené a travailler sur le territoire ?

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/// design et structure de pays, quelles collaborations? / avec quels partenaires ?

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// quel niveau d’intervention ?

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/// services pour la structure

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//// cohésion de différents services

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///// faire compagnie un projet de cohesion rurale

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conclusion bibliographie


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introduction « Design et développement local », voici une association qui n’a pas été faite souvent ! Le designer évolue habituellement dans le monde de l’industrie, comment peut-il se préoccuper de territoires de projet ? Designer de formation, je me suis longtemps interrogé sur le peu d’intérêt accordés aux problématiques rurales dans les projets de design. Pour aborder cette question, j’ai cherché à comprendre comment pouvait être mis en place des projets répondant aux besoins des habitants en milieu rural. J’ai découvert les problématiques de développement local, et me suis demandé comment apporter ma pierre à l’édifice. J’ai alors commencé une recherche dans la littérature des manuels de développement local, puis j’ai organisé des interviews de différents acteurs élus et techniciens pour comprendre le fonctionnement des logiques de « pays ». J’adresse donc cette étude à tous les acteurs de terrains qui cherchent à faire évoluer leurs pratiques, pour leur présenter comment pourrait s’associer les designers dans les réponses de services mis en place par les structures de pays. Je montrerai d’abord ma compréhension des actions du pays à travers mon approche basée sur l’usage et l’expérience du service rendu. Je présenterai l’intérêt pour le pays de porter la mise en place et l’accompagnement de services innovants. Puis, dans une deuxième partie nous verrons quel est ce métier de designer que j’entends pratiquer. Quels sont les compétences de ce professionnel, quelle est sont approche ? Comment est-il passer de la conception de produits physiques à la conception de système globaux, autour des services ? Nous terminerons par poser la question : comment le designer a trop longtemps été éloigné des problématiques rurales ?

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Une fois ces deux thèmes éclaircis : design et développement local, j’essaierai de les rapprocher pour présenter comment pourrait se construire la coopération entre un designer et une structure de pays. Quelles sont les acteurs avec qui travailler, comment peut se passer cette collaboration ? Tous les territoires peuvent s’organiser autour d’un projet de développement, apportant ainsi une vision ascendante et transversale de l’aménagement du territoire. Cependant le contexte choisi pour mener cette étude est celui du milieu rural et la démarche décrite ici concerne de manière spécifique les territoires de « pays » créés en application de la loi Voynet. Elle peut concerner également des territoires de communautés de communes construites autour d’un projet, ou encore les Parcs Naturels Régionaux.

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PARTIE 1

/ l’approche des services sur les territoires de pays, des services publics à une approche globale et transversale

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/ services publics Les services publics ont été organisés par l’État pour répondre aux besoins fondamentaux des habitants à l’échelle nationale. La définition de ces services est ambiguë puisque dans le contexte français, « service public » désigne indifféremment le concept général, l’objet de ce concept, un type de service ou encore l’entreprise qui assure ce service. Le contexte socio-économique actuel en fait, aujourd’hui, un sujet épineux qui cristallise beaucoup d’appréhensions et de tensions.

> Quelques éclaircissements : Pour considérer les services publics, tâchons d’abord d’éviter certaines confusions : On appelle parfois en France « Service public » des services qui n’en sont pas dans d’autres pays, ou des services qui sont rendus par des entreprises qui ont été publiques. Le service téléphonique par exemple a été dérégulé. C’est un service privé vendu par différents opérateurs. Il reste néanmoins une obligation de service public pour tous les citoyens par France Télécom, l’opérateur historique, qui doit garantir la couverture de l’ensemble du territoire. Un service public peut être rendu par un prestataire privé, c’est le cas aujourd’hui pour la distribution de l’eau ou les soins médicaux (médecins, pharmaciens…) Il y a certains services d’intérêt général qui n’ont jamais fait partie des services publics. Les aides à domicile pour les personnes âgées, par exemple, ont toujours été exercées par des prestataires privés. Enfin, les administrations publiques, aujourd’hui, ne sont pas construites comme des services. C’est le cas des centres d’impôts, qui assurent une gestion administrative de la collecte publique, mais qui n’offrent

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pas de prestations à proprement parler. On ne peut pas dire quelle est la réponse, quelle est l’économie de service, la qualité du service... Pourrait-on les amener à évoluer vers de vrais services pour apporter plus de qualité aux habitants ?

> La disparition des services publics nationaux Aujourd’hui, de nombreux territoires ruraux se voient menacés par la disparition et la réorganisation des services publics nationaux. Face au désengagement de l’État dans certaines réponses à leurs besoins, les habitants et les élus locaux se mobilisent régulièrement pour défendre la notion de service public et conserver des réponses publiques nationales à leurs besoins. Cependant la crise actuelle des services publics de proximité n’est pas seulement due à la décision de l’état de se retirer mais à une somme de facteurs. Les lois européennes, la décentralisation, l’autonomie des acteurs ont conduit à cette faillite. Dans l’ensemble, les prestataires de services publics ont été poussés vers des logiques de rentabilité qui ont pris le pas sur l’intérêt général. Tous les services dont les flux n’étaient pas suffisants ont été fermés, cela a conduit à un manque ou à une réponse partielle. Enfin le manque de cohérence sur un territoire entre les différents prestataires a empêché une maîtrise des coûts et des enjeux pour répondre de manière efficace aux besoins des habitants.

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// notion plus large de « services à la population » > L’enjeu des services à la population Ce changement de rôle de l’État tutélaire dans les prestations de services aux habitants a donné la possibilité aux prestataires privés d’apporter, eux aussi, des réponses à ces besoins (nouveaux opérateurs téléphoniques, nouveaux fournisseurs d’énergie…). Dans certains secteurs, l’État s’est désengagé totalement, permettant aux entreprises privées de construire de nouvelles offres concurrentielles. Dans d’autres secteurs, l’État n’a fait que déléguer ses compétences à un prestataire privé en donnant à ce prestataire des obligations légales. La Poste par exemple est devenue un prestataire privé pour un grand nombre de services que cette entreprise rend. Par contre, elle est toujours financée par l’État pour conserver deux missions de service public : la garantie de desservir l’ensemble du territoire français en offre postale, et une mission de cohésion du territoire. Afin de continuer d’assurer au plus grand nombre des réponses à leurs besoins, un relais partiel a été également assuré par les collectivités locales et les associations. Cette multiplication des prestataires de services sur le territoire a conduit à rendre encore plus floue la notion de service public. On parle aujourd’hui de « services à la population » pour décrire l’ensemble des services (publics ou privés) rendus aux habitants d’un territoire. Désormais, plus que le maintien des services publics, l’enjeu pour les territoires ruraux est de maintenir une offre de services à la population quel que soit le prestataire. En effet, de nombreux services privés sont aussi importants pour la population que des services publics parce que ce sont des éléments garants d’une cohésion territoriale. Le maintien d’un commerce multi-services ou d’une pharmacie est aussi vital que le maintien d’une classe d’école

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ou d’un bureau de poste. D’un territoire à l’autre, cette répartition n’est pas forcément la même puisque certains services deviennent vitaux lorsqu’ils deviennent rares. La fermeture d’un bar-tabac peut être un indicateur de fin de territoire autant que la fermeture d’un hôpital. Le maintien et le développement de ces services à la population est primordial pour faire vivre un territoire. Par contre, l’arbitrage est parfois difficile entre qualité et proximité. Vaut-il mieux conserver un service plus proche ou un service plus éloigné mais meilleur ? À partir de quelle distance le choix de la proximité est-il nécessaire ? Il faut donc avoir une vision globale et transversale de l’offre de services à la population sur un territoire donné pour répondre à ces questions.

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/// les services existant sur un territoire ne sont pas uniquement des services à la population > Différents bénéficiaires Les chartes de pays choisissent souvent comme axe de développement « les services à la population » pour garantir une cohésion du territoire comme réponse aux besoins des habitants. Les actions qui découlent de ces axes sont ensuite construits pour différentes catégories de cette population. Certains services sont orientés pour répondre aux personnes âgées, d’autres pour aider les gens en situation précaire, d’autres encore pour favoriser une diversité culturelle en direction des adolescents… D’autres services existent aussi sur le territoire. Ils s’adressent à différents usagers qui ne font pas partie à proprement parler de « la population ». Ces bénéficiaires peuvent être des professionnels, (qui sont souvent des habitants, mais qui ont des besoins spécifiques en fonction de leur activité). Ces services répondent plus aux besoins d’une structure que d’une personne. Il existe des services pour aider les artisans à développer leurs commerces, des services professionnels en direction des associations locales etc… Les bénéficiaires peuvent être également des citoyens non-résidents. Il existe par exemple des services construits pour accueillir les touristes ou les nouveaux arrivants (office du tourisme, chambre d’hôtes…) Les entreprises non installées sur le territoire peuvent également bénéficier de certains services pour s’y installer. Parce qu’ils s’adressent à une diversité de prestataires, « les services » sur le territoire englobent donc d’autres actions que les services à la population.

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> Enjeux et objectifs de ces services On peut identifier différents objectifs de développement de ces services. En fonction des bénéficiaires et des moyens mis en place, ils peuvent répondre à des objectifs : - de compétitivité : L’enjeu sera de développer économiquement le territoire en favorisant les entreprises locales. - d’attractivité : pour qu’un territoire soit dynamique, il existe des services permettant l’installation des jeunes couples, la création de nouvelles activités etc. - de qualité de vie et d’accueil : Certains services ont pour objectif d’encourager les activités de sports et loisirs ou de communication sur le territoire afin que la population se sente bien « au pays ». - de lien social et de solidarité : Pour pallier les difficultés de certains habitants, les associations mettent en place différents services d’entraide. - de réponses à des besoins fondamentaux. Ce sont des services liés à la santé, à l’éducation, à la protection des personnes, à l’alimentation etc.

> Différents prestataires On distingue différents prestataires pour rendre ces services. Les opérateurs institutionnels d’abord. Ce sont soit les collectivités locales qui gèrent par exemple le ramassage des ordures, soit les grands opérateurs publics comme l’armée qui apportent par la gendarmerie présente sur le territoire une mission de protection des habitants. Les opérateurs associatifs qui sont généralement des associations locales (maison des jeunes, école de musique…) ou des associations nationales (la Croix Rouge, les Restos du Cœur…). Ces associations rendent essentiellement des services culturels ou de solidarité. Enfin les prestataires marchands qui peuvent être ici aussi de deux types : les commerces et artisans de services locaux (le coiffeur, le commerçant ambulant…), et les opérateurs privés nationaux (La Poste, Véolia...).

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//// quel est le rôle joué par le pays dans la mise en place, le développement et l’animation de ces services ? > Rôle du pays Sur quoi est-ce qu’un pays a une légitimité pour agir ? Le pays est essentiellement une force de proposition et d’encouragement des services, dans le cadre du projet global du territoire. Son rôle est donc de développer une offre de services cohérente. Avec les différentes Lois d’Aménagement et de Développement du Territoire, les pays ont obtenu une légitimité dans la définition et l’accompagnement à la mise en place des services. Ils sont garants de la cohésion des réponses locales aux besoins de la population. Je vais présenter ici la compréhension que j’ai de l’action des pays dans la construction de cette offre. Une offre cohérente est une offre qui répond aux besoins identifiés par le diagnostic de territoire ayant conduit à l’élaboration de la charte de territoire. Elle doit s’appuyer sur des études de besoins, d’opportunités, de pronostics… C’est une offre qui prend en compte l’existant et qui se donne les outils nécessaires pour évoluer, soit en créant de nouveaux services soit en encourageant les services existants dans leur développement. Cette échelle de territoire, par sa taille et sa logique de projet, paraît être la plus pertinente pour retrouver cette cohérence. La construction des réponses aux besoins par des services est connectée avec la logique même de développement local. Là où dans l’aménagement du territoire, les choix de développement sont des infrastructures, dans l’approche de pays, les projets d’actions se traduisent sous forme de services. Même si l’action encouragée ou générée par le pays concerne la construction d’un bâtiment, ou l’investissement dans une flotte de véhicules, cette action est motivée dans une logique de service rendu.

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Ainsi une piscine n’est pas intéressante en tant que bâtiment mais bien en tant que service de sport-et-loisirs apporté aux habitants du territoire. De la même manière, l’achat de véhicules peut être envisagé dans une logique de mise en place d’un service de transport à la demande par exemple.

> Les grands enjeux de ces services L’association ETD (Entreprise Territoires et Développement) a effectué une analyse thématique de la prise en compte des services par différents territoires de pays. Selon cette étude : « En schématisant, on peut distinguer les territoires qui souhaitent attirer des entreprises et de nouveaux habitants (ou limiter l’érosion de la population), de ceux qui portent leurs efforts sur la satisfaction des besoins de leurs habitants et sont dans une logique de conservation. »1 Nous pouvons donc distinguer : - Des projets de « construction », qui consistent à ouvrir des opportunités. Ce sont des actions qui visent à encourager l’innovation et le développement, dans différents domaines de services tels que l’économie, le tourisme, la connaissance, l’accessibilité… Il s’agit d’appuyer les forces du pays ou des communautés de communes pour aller plus loin et les développer. - Et des projets de « réparation » qui visent eux, à résoudre les déséquilibres propres au territoire. Ce sont par exemple les actions de solidarité qui cherchent à freiner le vieillissement, l’isolement, le chômage… On travaille ici sur les faiblesses qui doivent être réparées afin de construire un territoire cohérent. Ces objectifs sont complémentaires et le pays doit prendre garde à ne négliger aucune de ces ambitions. Une interconnexion est nécessaire : s’il n’y a pas d’offre locative, les salariés ne pouvant accéder directement à la propriété ne pourront pas venir travailler sur le territoire et l’on ne pourra pas développer d’économie. À l’inverse, si l’on ne prend en compte que les services à la population, on oublie les besoins des

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entreprises, et des acteurs professionnels du territoire. Par son approche transversale et multi acteurs, « Le pays […] est en capacité d’organiser une identification de l’offre et de la croiser avec des besoins en services présents et futurs au plus près des aspirations des usagers; […] Porteur d’un enjeu de solidarité, le pays est également en position de proposer une organisation qui assure un équilibre territorial de l’offre et qui tient compte des caractéristiques socio-économiques des populations donc des différents usages des services. Le pays enfin est doté d’une capacité d’impulsion, de coordination, d’animation qui peut assurer une adaptation constante des services à l’évolution des besoins, voire une anticipation sur cette évolution »1. Par la construction d’une charte de territoire, les pays mettent en place un projet global, une sorte de « plan de route » des actions à mener en termes de services. Ce « projet de territoire » est fait de différents « projets d’actions » qui rendent concrètes les orientations voulues dans la charte de territoire. Ces enjeux de services se traduisent par les actions mises en place par les pays. Attachons-nous à décrire désormais comment sont portées ces actions.

> Les échelles d’actions Aujourd’hui, le découpage communal propre au territoire français ne permet pas à la commune de mettre en place, seule, des services aux habitants, pour des raisons évidentes de moyens et de ressources insuffisantes. Le regroupement intercommunal permet de mutualiser ces moyens pour construire des services de proximité. La Communauté de commune ou le Canton (suivant les structures locales) peuvent mettre en place un ramassage scolaire efficace par exemple.

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La Région est l’architecte des pays, elle finance et structure les services de proximité. Elle peut porter un regard extraterritorial sur les enjeux de développement et dépasser les logiques de périmètres et de bassins (d’emplois, de vie...).


Malgré son retrait dans la contractualisation avec les pays (il n’existe plus de contrat État-Région, mais uniquement des contrats avec la Région), l’État conserve un rôle de labellisation des services, pour encourager leur développement et leur création. C’est le cas des « Relais service public ». Ce sont des structures d’accueil en milieu rural qui aident les habitants dans leurs démarches administratives. Enfin l’Europe encourage les services de proximité en lançant des appels à projets qu’elle financera. C’est le cas des différentes générations de projets LEADER qui mobilisent des crédits européens pour la revitalisation des zones rurales. Comment le pays, quant à lui, encourage et met en place les services ?

> Actions du pays « Le pays n’a pas pour vocation d’être un opérateur et s’il est un espace d’impulsion des projets et permet d’apporter des financements, ce sont les intercommunalités qui mettent en œuvre en partenariat avec d’autres acteurs. »1 Dans la logique de projet de territoire, le pays en tant que structure n’est jamais porteur de projet, mais doit être force de proposition. Il n’est jamais le prestataire de service, il aide les différents prestataires financièrement et méthodologiquement dans cette mise en place. C’est un acteur de l’accompagnement et de la proposition (dans la limite de ses moyens). Comme me l’a expliqué Cécile Chabrol au pays du Trégor Goëlo : « Pour que les projets s’engagent, une enveloppe budgétaire ne suffit pas, il faut aussi de l’animation de projet. Et c’est là notre rôle au pays. » Lorsqu’un besoin est identifié et qu’il n’existe pas de prestataire privé (entreprise ou association) ce sont généralement les communautés de communes qui portent les actions. Par exemple pour porter la mise en place d’un service de portage des repas à domicile, les communautés de communes peuvent être gérantes du service, qui est initié et épaulé par le pays, dans la logique de sa charte de territoire.

> Cécile Chabrol Animatrice territoriale, Pays du Trégor-Goëlo

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L’action du pays est donc de deux types : il aide au financement des actions grâce au contrat passé avec la Région, et il accompagne la construction des projets grâce à ses agents de développement qui ont les compétences pour construire la concertation et la mise en œuvre de ces projets (élaboration, planification, financement…)

> Qui apporte l’idée des nouveaux services dans l’action du pays ? Pour construire un service sur le territoire, le rôle du pays est essentiellement d’identifier d’éventuels porteurs de projet qui souhaiteraient développer ces services.

> Annaïg Hache Chargée de mission Développement de l’Economie sociale et solidaire, Pays de Rennes

Comme me l’a expliqué Anaïg Hache : « C’est ce qui se produit dans 80% des cas, l’idée du projet vient des associations, des entreprises, ou des collectivités locales qui ont identifié un besoin. Le soutien du pays consiste alors à monter le financement (mobiliser les financements publics) et à donner du crédit si la problématique du projet est inscrite dans les priorités de la charte. Cela permet d’apporter une visibilité, et de montrer aux éventuels financeurs que c’est un projet concerté. Le rôle du pays est alors de superviser et de réunir les savoirs-faire. » Comme nous l’avons vu, les porteurs de projets peuvent être soit des institutions locales, soit des prestataires privés (association ou société). Les services mis en place peuvent être également portés par des volontés politiques. Soit ce sont des politiques publiques animées par une volonté centralisée de construire des services sur le territoire. Le pays apporte, alors, les compétences locales de développement. C’est le cas des services de communication liés aux technologies du numérique qui ont fortement été encouragés par l’Europe et l’État dans les programmes de revitalisation rurale. Soit ce sont des élus locaux, qui ont été choisis par les habitants pour un programme politique, et qui s’appuient sur les capacités du pays pour le mettre en œuvre. Sur le

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? CONCEPTION

ÉLÉMENTS PHYSIQUES

?

INFORMATIONS

pays du Trégor Goëlo, par exemple, c’est un élu particulièrement actif PROBLÉMATIQUE qui a permis de mettre en œuvre un programme sur la question de CONCEPTION l’économie sociale et solidaire. FONCTIONS Dans les recherches que j’ai menées pour construire cette étude, j’ai eu peine à identifier la façon dont naissent des projets qui ne sont ni construits par des porteurs de projets, ni poussés par une volonté poliINSIGHTS tique. Je crois que le pont entre l’analyse du besoin et la proposition de projet n’est jamais explicité. Les agents de développement ont une idée, ou identifient une action qui a marché sur un autre territoire. Ils déterminent alors comment l’appliquer à leur territoire, mais je n’ai pas perçu de démarche méthodique de création de projet à partir de l’identification du besoin.

Voici un schéma qui présente les étapes de construction d’un projet dans une démarche de pays, telles que je les ai comprises :

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> Construction d’un projet d’action par la structure de Pays

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AGENT DE DÉVELOPPEMENT

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Les agents de développement déterminent une possibilité de projet (en ayant identifié une demande ou en imaginant une réponse possible). Ils montent alors le projet et proposent aux membres du conseil de développement de constituer un comité de pilotage propre à cette action. Ce sont eux qui valideront chaque étape du projet. Les agents de développement se chargent de construire le suivi de projet, les financements et font « la conduite du projet »

> À propos de rentabilité Comme nous l’avons évoqué précédemment, ce qui a conduit à la détérioration des services dans l’espace rural est leur nécessaire rentabilité. Comme me l’a précisé un agent de développement, rencontré au cours de cette étude, « Les élus de notre territoire nous poussent à considérer le pays comme une entreprise en affichant les logiques de rentabilité de nos actions. La question qui se pose aujourd’hui est « de quelle rentabilité parle-t-on ? ». Vaut-il mieux considérer une rentabilité financière ou une rentabilité d’intérêt des habitants ? Comment devons-nous arbitrer entre les deux ? » Les pays sont les moteurs du financement des services du territoire. Il est donc de leur ressort de construire les modèles économiques de leurs actions (en faisant appel à des financements de la Caisse des Dépôts, des Régions, de l’Europe…) La construction de ces projets ne doit pas être déficitaire, mais ces modèles ont pour but la viabilité du territoire, et non pas une rentabilité immédiate. Aujourd’hui l’ambition des pays doit être de concevoir des modèles viables, pas forcément rentables, mais avec une valeur sociale évidente pour le territoire. Dans ce contexte de disparition des services publics de proximité, le pays est la structure la mieux placée pour porter cette revendication. Surtout si l’on considère que la valeur sociale est traduisible en termes économiques sur un territoire. Si les habitants se sentent soutenus et aidés, c’est un argument d’attractivité du territoire susceptible d’attirer de nouveaux actifs et d’encourager l’économie locale. Comment apporter alors des réponses systémiques efficaces en termes de services ? 22


Au vue des capacités d’action du pays, je suis convaincu que cette structure est la bonne entrée pour construire les services des territoires ruraux. La structure du pays donne les bases nécessaires dans la construction des réponses aux besoins des habitants. C’est même la logique la plus pertinente pour construire un développement concerté et cohérent des zones rurales. Tâchons désormais de voir comment il serait possible d’aller plus loin dans la mise en place de services.

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///// comment centrer cette action sur les besoins ? > des logiques d’actions aux logiques de services rendus à travers ces actions

> Anne-Claire Sarchet Chargée de mission Services à la population, Pays du Trégor-Goëlo

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Comme nous l’avons vu, malgré la diversité des axes abordés dans la charte de territoire, les pays n’abordent généralement les services qu’à travers les services à la population. Au pays du Trégor Goëlo, a été conduite une analyse poussée des services à la population. AnneClaire Sarchet, chargée de mission sur les services à la population, m’a expliqué que « L’objectif était d’avoir à la fois une vision globale et prospective de l’organisation des services à la population sur le pays, et à la fois de repérer les carences de l’offre en les croisant avec les besoins recensés de la population. » Cette analyse est très pertinente, et il faudrait, à mon avis, l’étendre à l’ensemble des services du territoire. En effet, il existe de nombreux autres services existants ou à construire. Pour cela, j’ai choisi dans cette étude de considérer uniquement l’action du pays sous l’angle des services. Bien sûr, les pays assurent également des actions de gestion courante du territoire, mais elles sont à considérer dans une logique administrative classique et non plus de projet. En ce qui concerne le projet, le pays travaille avant tout sur la façon dont on rend les services. En considérant les actions par les services qu’elles rendent, on peut identifier de façon plus évidente les besoins des usagers auxquels on s’adresse (que ce soit les habitants, les entreprises, ou les acteurs locaux…) Par cette analyse plus centrée sur l’utilisateur, le pays pourrait apporter des réponses aux besoins des différents acteurs locaux et construire des services efficaces, rentables et cohérents.


Avec cette logique, les pays passent de la résolution de problèmes (d’attractivité, de solidarité…) à une stratégie globale dans la lignée des ambitions de la démarche de projet. Comme le souligne l’association ETD (le centre national de ressource pour la promotion du développement territorial, « [dans les analyse du besoin], On [les pays étudiés] s’intéresse d’avantage à l’offre ou à la cible qu’au prestataire, exception faite des grands opérateurs publics […] » Plus que considérer les acteurs comme des cibles, je préfère les appeler « bénéficiaires » ou « usagers » du service, pour essayer de se défaire de la logique de l’offre et entrer dans une logique du besoin. Dans cette analyse d’ETD, on souligne la nécessaire considération des différents prestataires qui est souvent négligée dans les approches de pays. Il ne s’agit plus de se reposer essentiellement sur les intercommunalités pour apporter des réponses aux besoins mais d’avoir une vision transversale, ici encore, pour apporter et accompagner des services cohérents quels qu’en soient les prestataires.

> Deux exemples Prenons deux exemples, en nous demandant ce que pourrait être un service qui n’est pas un service à la population, mais qui améliore quand même le quotidien de la population. 1. Lors d’une de mes visites j’ai rencontré Agnès Henry, secrétaire de mairie. J’ai également parlé de ce métier avec d’autres acteurs. On constate en général que le ou la secrétaire de mairie est l’interface entre les habitants et les services administratifs. Dans les villages ruraux, c’es la mairie qui est appelée par les personnes démunies face à un décès, un problème de voisinage, une affaire courante à régler etc. La secrétaire de mairie m’a confié « ici c’est le bureau des pleurs ». La difficulté n’est pas dans la sollicitation à la mairie mais dans les réponses de plus en plus complexes, le secrétaire de mairie se retrouve coincé entre le marteau de la demande et l’enclume de l’offre de service

> Agnès Henry Secrétaire de Mairie, communes de Empury, Pouques-Lormes et SaintAndré-en-Morvan

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(faite de réalités techniques et administratives compliquées) sans avoir les outils pour être l’interface. Afin de ne pas oublier ces besoins il est nécessaire de construire les services qui pourraient être des réponses aux acteurs intermédiaires. 2. Le pays de Combrailles réfléchit actuellement à la mise en place « d’une mallette du nouvel élu ». Cette idée part d’un constat simple : il est difficile pour un habitant qui devient conseiller municipal d’aborder la complexité du système administratif français. Le pays souhaite mettre en place un outil pour l’aider dans cette compréhension afin qu’il puisse remplir au mieux son rôle d’acteur de la gouvernance locale. Le projet est en cours, mais, selon moi, si cet outil est conçu sans définition plus précise du besoin et sans concertation avec ces nouveaux élus, il a de fortes chances de ne pas remplir l’objectif d’améliorer la gouvernance. Par contre, si l’ on considère que le pays, à travers cette action, apporte au conseiller municipal un service d’information de la complexité, des questions d’efficacité du service, de qualité perçue, d’usage de ce service… se poseront et, avec leur résolution, permettront d’apporter une meilleure offre à l’usager.

> Apporter des réponses différentes Je me suis rendu compte également que les ambitions affirmées de cohérence des services restent parfois des vœux pieux. Lorsque l’on interroge les techniciens chargés de la contractualisation au sein des Régions, on s’aperçoit que les actions pour lesquelles sont demandées des subventions dans le cadre des chartes de territoire concernent encore trop souvent des piscines et des gymnases. Malgré la volonté de travailler sur un projet en fonction de besoins, le résultat reste, somme toute, assez banal. D’autre part, comme nous l’avons vu dans la description de la création de service par les pays, il arrive souvent que certains axes, sans porteur de projet, et sans élu pour les mettre en avant, ne soient pas

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développés. Comme me l’a expliqué Gaëlle Touemont au pays du Trégor Goëlo, « Pour certains des huit objectifs définis dans notre charte de l’environnement, nous n’avons pas de projet à accompagner. Certains objectifs sont très porteurs, d’autres sont complètement oubliés. Là où il n’y a pas de projet ou bien là où les sujets sont trop délicats (par exemple l’incinération des déchets), notre rôle est limité à faire de la sensibilisation ». Enfin, à l’échelle régionale, on voit se multiplier les réponses en termes de services sans une vision globale claire. Ce qui fait dire à Stéphane Vincent de la 27ème Région1, que l’on assiste aujourd’hui à un excès de services. Parce que les services ne partent pas toujours de besoins locaux, ne sont pas adaptés ou manque de cohérence les uns avec les autres, parce qu’ils ne sont pas portés par des valeurs, Stéphane Vincent en vient à redouter une « Tyrannie des services » où l’on commence à faire du service pour du service, dans l’espoir que ce sera une bouée de sauvetage pour pallier la désertification. Mais la question se pose pour un décideur ou un technicien : où s’arrête-t-on dans les nouvelles propositions sachant qu’on ne pourra jamais apporter autant de services en milieu rural qu’en milieu urbain. Pour l’instant il y a une forte demande de l’habitant, mais les réponses ne sont pas toujours adaptées. Ces trois points montrent qu’il n’y a pas de hiérarchisation des projets mis en place en fonction des besoins mais en fonction des opportunités. Ce qui m’amène à demander : ne serait-il pas possible de partir des besoins pour construire des projets au lieu d’utiliser des prétextes pour leur construction ? Dans ce cas, c’est le pays qui doit affirmer sa force de proposition et construire des réponses innovantes en fonction des besoins. Comment apporter alors des outils pour trouver des réponses plus innovantes ?

> Gaëlle Touemont Chargée de mission Environnement, Pays de Guingamp et Pays du Trégor-Goëlo

> Stéphane Vincent Chef de projet, 27ème Région, « Laboratoire des nouvelles politiques publiques » 1/ La 27ème Région est un projet à l’initiative de l’Association des Régions de France et a pour ambition d’être « un laboratoire des nouvelles politiques publiques ». Mis en place depuis le début de l’année 2008, elle est en quelque sorte le nouveau laboratoire de Recherche et de Développement des 26 régions françaises.

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> Approche systémique et compréhension de l’immatériel sont nécessaires Cette difficulté de proposition est normale lorsque l’on souhaite porter de l’innovation dans les services. Comme me l’a expliqué Anaïg Hache au pays de Rennes : « La problématique ici n’est pas de construire un bâtiment, car il suffirait d’aller voir un promoteur privé. Dans la construction de projets de service, nous avons besoin de gens capables d’organiser de la concertation. Et, au-delà de cette concertation, il nous faut des professionnels capables d’apporter des réponses à la problématique. Tant que les produits n’existent pas, il est difficile de produire cette innovation » Parce qu’il est plus facile d’imaginer l’usage d’un bâtiment à l’usage d’un transport à la demande, il est normal que les réponses soient difficiles à partager et à rendre efficaces. Cela nécessite de rendre palpable l’immatériel, de construire des outils partageables et compréhensibles à l’aide, par exemple, de cartographies, de schémas…. Comment mettre en place des outils pour permettre au pays de se projeter plus facilement dans des réponses nouvelles en termes de services ?

1/ Territoire et projets, pratique

de développement territorial. Notes de l’observatoire

2005, ETD.

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Selon le même rapport ETD cité plus haut, « On observe parfois une tendance à vouloir assurer une répartition égalitaire voire uniforme des services sur l’ensemble du territoire alors même que l’impasse est faite sur une analyse des usages de ces services. En effet, le niveau d’équipement ou de services est plus souvent analysé en termes de présence ou d’absence qu’en termes d’utilisation par les usagers »1. Les pays considèrent ici encore, d’abord une réponse matérielle avant d’envisager une réponse servicielle et ne vont peut-être pas assez loin dans la logique de stratégie globale qui fait leur force. Avec cette analyse, on participe à la mise en place de services qui ne sont pas rentables et qui conduisent à accentuer le déclin du territoire. Par contre, en recentrant l’action sur les besoins, les services rendus, la compréhension des possibilités de réponses, les pays pourraient construire des actions plus efficaces et maintenir une meilleure cohésion du territoire.


> Rôle d’innovation du service Si j’en crois Olivier Cavagna, rencontré au pays de Combrailles : « Si le territoire était une entreprise, la structure de pays serait le bureau d’étude chargé de l’organisation et de l’amélioration de l’entreprise » En allant plus loin, la structure de pays peut même être le bureau de Recherche et d’Innovation du territoire, puisqu’elle est en mesure de construire diagnostic, prospective, et construction de projet. Si son action peut aller au-delà de la gestion du territoire en travaillant sur les besoins des habitants, le pays pourra mettre en place de l’innovation sociale, considérer l’usage du territoire et l’expérience du vécu par les utilisateurs des services. Avec ce souci de cohérence qui l’anime, il est en mesure d’apporter une réponse globale aux habitants, à condition de bien prendre en compte leurs usages et leurs habitudes de vie.

> Olivier Cavagna Directeur du Syndicat Mixte pour l’Aménagement et le Développement des Combrailles (SMADC)

Au sein de l’entreprise, c’est le designer qui a la préoccupation des besoins, et qui crée l’interface entre l’utilisateur et le service rendu. Comment pourrait-on apporter de meilleures réponses pour les services au sein des pays, avec une approche qui intégrerait le designer ?

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// quel designer pour le développement local ? Ce court dialogue, quej’ai illustré ici de façon légère, a eu lieu régulièrement avec les différents acteurs que j’ai rencontrés lors de cette étude. En effet, le terme « design » surprend au premier abord, et devant l’incompréhension de certains de mes interlocuteurs, j’ai pris, par la suite, la précaution de me présenter comme « concepteur » de produits et de services. Chaque fois qu’il était nécessaire, j’ai pris le temps d’expliquer en quoi il est tout à fait logique qu’un designer se penche sur les problématiques de service en milieu rural. C’est ce que je vais m’employer à faire ici par écrit.

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/ design ? D’abord précisons que je ne tenterai pas une définition générale du Design car elle ouvrirait un trop large débat théorique. Je vais par contre me concentrer sur la définition que je partage de cette pratique.

> ORIGINE DU TERME ET DEFINITION FLOUE Le terme de « design » interroge du fait de son anglicisme. Il peut apparaître parfois prétentieux, ou déplacé et réservé au monde du « business » où l’on fait du « benchmark » et des « brainstormings »… En réalité, « design » serait un mot français, issu à la fois des termes « dessin » et « dessein ». Réapparu dans les années 20 après avoir été anglicisé par l’Amérique industrielle, il peine encore aujourd’hui, comme nous venons de le voir, à être compris par le public non-initié. Cette double origine nous renseigne mieux sur l’intention de cette pratique.

1/ GUIDOT Raymond. Histoire du design 1940 - 2000. Éd. Hazan, 2000. 2/ Petit Robert, dictionnaire de la langue Française. Édition 2005.

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Dans les pays anglophones, le design signifie « conception », ce qui le rend compréhensible par tous. La difficulté de définition est donc propre à notre culture française et contribue, encore aujourd’hui, à compliquer le sens qu’on peut lui donner. Ce qui permet en même temps de lui conserver un statut flou intéressant, obligeant chaque designer à définir précisément sa pratique. Roger Talon par exemple, un célèbre designer a définit le design ainsi : « Ce n’est ni un art, ni un mode d’expression, mais une démarche créative méthodique qui peut être généralisée à tous les problèmes de conception. »1 Nous retiendrons cette définition pour poursuivre la réflexion. Qu’est ce qu’on entend alors par « conception » ? Le petit Robert2 donne deux définitions : d’un côté elle est la formation d’un concept (c’est-à-dire une représentation mentale générale et abstraite d’un objet) dans l’esprit. De l’autre elle représente l’action de concevoir et de créer. Ce qui résume assez bien l’action du designer qui doit concevoir et créer des produits (au sens large) et rejoint tout autant l’étymologie dessein/dessin.


Ainsi, je suis de l’avis de ceux qui pensent que le design, plus qu’une attitude, est une façon d’aborder les projets (quelque soit l’objet de ce projet), dans une démarche « méthodique » au croisement de la « création » et de la « conception ». Pour expliquer cette intention, je vais commencer par présenter ce que n’est pas le design tel que je l’entends ici.

> JE N’ABORDERAI PAS LE DESIGN DANS LE SENS DE...

... L’adjectif esthétique « Design [dizajn ou dezajn], adj. D’un esthétisme moderne et fonctionnel »1 Largement galvaudé, on utilise aujourd’hui le terme « design » pour désigner n’importe quel objet nouveau. « Design » veut tout dire et ne rien dire à la fois. Ambiance design, cafetière design, cadeau design, resto design, coupe de cheveux design… Utilisé dans ce sens, il ne permet pas de définir un métier. Puisque le design est utilisé comme argument de vente, comment peut-on aujourd’hui définir ce qui est le fruit ou non d’une démarche de designer ?

... De la stylique

> capture d’écran du message d’erreur dans le logiciel Word 1/ Petit Robert, dictionnaire de la langue Française. Édition 2005.

Devant la difficulté de traduire cet anglicisme, le terme « stylique » paraissait plus français et a été proposé au milieu des années 90.2 Pratiquement plus personne aujourd’hui n’utilise ce mot. Le design n’est pas la stylique : il n’existe pas d’équivalent français parce que le

2/ En 1994, le Ministre de la Culture français Jacques Toubon invente le mot « stylique » pour remplacer l’anglicisme design et passe une loi préconisant l’usage du nouveau mot. Cette loi aura été vaine puisque quinze ans plus tard, qui utilise le mot « stylique » ?

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design, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, ne propose par seulement un travail de forme. L’anglicisme du terme a été nécessaire, non pas pour ajouter à l’argument commercial, mais bien parce qu’il n’y avait pas d’équivalent pour désigner cette pratique.

... de la production artistique ou de recherche Le design tel qu’il est abordé ici, n’est pas non plus le design pratiqué par un certain nombre de designers (souvent les plus médiatisés) qui travaillent avant tout dans une optique de production limitée (prototypes, objets de recherche, éditions à faibles tirages, objets uniques ou œuvre d’art) et qui diffusent leurs créations par le biais de circuits proches de ceux de la création contemporaine : galeries, salons, boutiques de musées, ventes privées… « Quantitativement infimes dans la création d’objets utiles, ces éditions limitées et pièces uniques sont d’une visibilité souvent inversement proportionnelle à leur nombre. »1 Ce qui ne signifie pas que je ne porte pas d’intérêt à cette pratique qui contribue à nourrir la culture du design. Les recherches sur les matériaux, les formes, les usages ou les nouvelles pratiques sont des sources d’inspiration essentielles.

> ÉVOLUTION DU DESIGN DANS L’ENTREPRISE DU PRODUIT AUX SERVICES

1/ GUIDOT Raymond (Dir.).

Design, carrefour des arts.

Flammarion, 2003, p.219

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La pratique du design décrite ici s’inscrit dans le cadre de l’entreprise. Par entreprise, nous entendrons toute organisation -à but lucratif ou non- dont la finalité est de produire, à destination d’un utilisateur final, des biens ou des services. Sont donc comprises dans cette définition à la fois des entreprises « économiques » , au sens courant du terme, mais également certaines associations ou institutions. Le design, tel que nous le considérons dans cette étude, est donc compris comme une activité de conception et de création au service des entreprises. Et pour le designer, « travailler pour l’entreprise » signifie être à la fois impliqué dans le projet et à la fois en prise avec la réalité, car ses


projets sont construits dans un contexte concret, fait d’intérêts différents qu’il doit concilier. Sans entrer en profondeur dans une approche historique du design, on peut considérer que jusqu’à la fin du XIXe siècle, la conception de produit était du ressort de celui qui en assurait la fabrication. Avec la révolution industrielle et la généralisation de la production en série, les différentes phases de la production, de la conception à la vente, se différencient et la conception de produit devient la responsabilité de différents corps de métier : ingénieurs, architectes… Le métier de designer fait alors son apparition, initialement en réponse au besoin de rendre « humains » ces objets industriels, d’apporter beauté, humanité, confort… à des biens fabriqués industriellement. De ces précurseurs aux pratiques du design actuelles, il est évident que le design a évolué et l’on peut considérer qu’il a, en quelque sorte, suivi les évolutions qui ont été celles de l’industrie. Ainsi, alors que la fin du XXe siècle a vu l’émergence d’une nouvelle ère industrielle - née de ce que certains historiens assimilent à une troisième révolution industrielle, la « révolution numérique » - on peut considérer qu’en moins de vingt ans, les pratiques de design ont radicalement évolué. De nouvelles pratiques du métier continuent de se développer, et investissent sans cesse de nouveaux champs d’application. Pour illustrer ces nouvelles pratiques, prenons l’exemple du microordinateur. L’ordinateur, en passant de la machine de calcul à un objet du quotidien a introduit une nécessité de réflexion sur les usages des technologies numériques. La question n’est plus seulement de donner une belle forme à l’objet, mais bien de travailler sur de nouveaux usages « virtuels ». L’utilisation d’un site web, par exemple, demande tout autant d’être conçu en termes de forme, d’usage, de fabrication, que l’est un aspirateur ou une voiture. Il a donc fallu travailler de la même manière que pour la production d’objets physiques pour rendre ces nouveaux objets virtuels « habitables » par leurs utilisateurs.

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Le développement des objets numériques a entraîné également un développement des services immatériels qui leur sont associés. Cette nouvelle donne technologique a généralisé un phénomène global de dématérialisation. Comme le montre Jeremy Rikkin, dans son livre l’âge de l’accès1 (essai fondamental sur la compréhension de cette nouvelle société de service), tous les secteurs de l’économie sont touchés par cette évolution. On assiste à une dématérialisation dans les secteurs de l’immobilier, une disparition des stocks, une dématérialisation de l’argent, une diminution des ventes au profit des locations, une demande accrue pour la sous-traitance, etc.… Toutes ces évolutions sont permises par les nouvelles possibilités des outils numériques, internet en tête. Sans faire une analyse détaillée, cette évolution s’explique aisément avec l’exemple du répondeur. Quand on évoque ce qu’était un répondeur il y a dix ans, on se souvient d’un appareil électrique en plastique noir qui permettait d’enregistrer sur des cassettes les messages laissés par des personnes souhaitant joindre des interlocuteurs pendant leur absence. Aujourd’hui l’objet répondeur a disparu. Il a été remplacé par un service proposé par les opérateurs téléphoniques pour un téléphone fixe ou un téléphone portable. Hier, il fallait considérer des questions d’usage, de coût, de fonctionnalité… dans la conception de « l’objet répondeur ». Aujourd’hui ces questions se posent de la même manière dans la conception du « service répondeur »

1/ Jeremy Rifkin, l’âge de l’accès, la révolution de la nouvelle économie, éditions la découverte, Saint-Amand-Montrond 2000 2/ Conférence au centre Georges Pompidou à Paris : « Les entretiens du nouveau monde industriel » 3 et 4 octobre 2008.

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Je me range à l’avis de Bernard Stiegler2, philosophe qui a beaucoup travaillé sur la compréhension de cette nouvelle civilisation du numérique, pour affirmer que nous n’entrons pas, comme certains ont pu le penser, dans une société « post-industrielle » due à la dématérialisation, mais plutôt dans une société « hyper industrielle ». En effet, la diminution des biens de consommation dans les pays occidentaux, plutôt que de limiter la production industrielle de produits physiques, encourage la production industrielle de services. Si bien que cette « dématérialisation » encourage une économie industrielle différente. Parce que l’ensemble de l’économie se dématérialise, les designers aussi se tournent vers d’autres secteurs d’activité. Les emplois fran-


çais dans le tertiaire ont fortement augmenté, les designers suivent le courant et offrent leurs compétences non plus seulement dans l’industrie de production mais aussi dans les entreprises de services. Si le designer considérait déjà le produit par le service (usage) qu’il rendait, avec la multiplication de ces services et la dématérialisation des objets physiques, la conception de ces services immatériels est aujourd’hui un nouveau champ d’action pour les designers.

> Design global Bien que le design soit par essence non-spécialisé et couvre des domaines très variés, une tendance à la séparation en sous-disciplines, s’est faite progressivement. On considère désormais différents types de design en fonction du champ dans lesquels il s’applique : design d’espace, design produit, motion design, design graphique, design sonore, web design, design de transport. A cela s’ajoute une dénomination en fonction des intentions ou des processus de design : design industriel, Design écologique, durable, Design pédagogique, Design interactif & numérique, Design stratégique, parametric design, design de recherche, design d’auteur… Certains designers préfèrent ne pas se spécialiser et exercent dans l’un et l’autre de ces champs d’application. Malgré l’évolution vers le design de service dont nous venons de parler, le designer peut, je pense, concevoir à partir de la même méthodologie et avec les mêmes types d’outils, toutes ces catégories d’objets (physiques ou immatériels) et dans une approche plus globale, concevoir la cohérence entre ces différents objets de l’entreprise. Je vais appeler « objet du projet » le résultat concrétisé après la phase de conception. Comme nous venons de le voir, il peut s’agir d’un objet physique, d’un logiciel informatique, d’un panneau d’information, d’un service de covoiturage etc. Pour résumer ce postulat, prenons l’exemple du Vélib’, le service de « vélopartage » mis en place à Paris à l’automne 2007. Le design de

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Vélib’ n’a pas été d’inventer un système de mise à disposition de vélos dans l’espace public, puisque ce principe existe depuis les années 70, et n’est, pour la version parisienne, qu’une déclinaison du service Cyclocity mis en place par l’entreprise Jean Claude Decaux à Lyon, Vienne et Bruxelles. Le design a consisté à concevoir l’usage (immatériel) du service et son organisation pour que la location soit la plus simple possible pour l’utilisateur. Pour organiser cet usage, il a fallu travailler trois types d’éléments du service : À la fois les objets physiques (le vélo, la borne, la carte magnétique…) ; les informations de ce service (matérialisées par le site Internet, l’interface de la borne, les publicités…) ; et l’interaction entre les personnes concernées par ce service (les utilisateurs, mais aussi les employés chargés de la maintenance). Le design aujourd’hui ne se résume donc plus à la conception d’objets physiques, mais à organisation de ces trois types d’éléments qui permet de rendre l’expérience de l’usager agréable devant des systèmes de plus en plus complexes.

ÉLÉMENTS PHYSIQUES

INFORMATIONS DESIGNER

FONCTIONS

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> éléments conçus par le designer, exemple du service Vélib’


Ces nouveaux champs d’application, liés aux services immatériels, semblent évidents étant donné le contexte actuel. Pourtant la réalité professionnelle cantonne, trop souvent encore, le designer à la conception d’objets physiques, et cette démarche de design global centré sur les services est relativement nouvelle. Dans cette étude, je souhaite montrer que la conception de l’objet physique et la modélisation de l’immatériel suivent la même démarche. La logique de création se fait simplement à des échelles de complexité plus ou moins grandes. Nous allons présenter maintenant en quoi consiste cette démarche.

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PARTIE 2

// en quoi consiste le métier de designer ? « le design n’existe pas, il n’y a que des designers »1

Partant de ce constat, concentrons nous sur le métier pour définir quels sont les champs d’intervention, les compétences, les méthodes… qui m’intéressent dans le métier de designer. Comme nous l’avons vu, ce métier est relativement jeune, comparé aux métiers d’architecte, d’ingénieur, ou d’artisan qui prenait en charge la conception des produits. Au début du XXe siècle, lorsque le métier s’est structuré, aucune formation ne délivrait de diplôme de designer. Parce qu’ils avaient des connaissances techniques des objets, un regard esthétique ou une capacité dans la conception de bâtiments, différents professionnels se chargeaient de la conception des produits. À partir de ces différentes filiations s’est, petit à petit, construit un métier généraliste mettant en œuvre diverses compétences « à la confluence des arts, des sciences et des techniques, de l’économie, des sciences humaines et sociales. »2 Parce que c’est un métier jeune, et que les professions créatives sont plus difficiles à cadrer, il est relativement compliqué de définir aujourd’hui ce qu’est un designer, à la différence d’un ingénieur par exemple dont on connaît les capacités par sa spécialisation et l’école dont il est issu. Néanmoins, aujourd’hui par l’évolution du métier et par les écoles qui forment à cette profession, nous sommes en mesure de définir quelques caractéristiques qui peuvent présenter le métier que j’entends pratiquer.

1/ HANS GOMBRICH Ernst. Histoire de l’art. Phaidon 2004. 2/ Editorial d’Alain Cadix, sur le site de l’Ensci/Les Ateliers. www.ensci.com

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> Lecteur CD, Muji, Naoto Fukasawa 1999. `

> Baladeur Sony Walkman II, Sony design, 1978, dans Catherine MCDERMOTT XXe siècle Design museum, Éd EPA.

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/ approche > Projection créative, innovation et représentations J’appelle « projection créative » une capacité à concevoir une idée nouvelle, et à la partager par une représentation de ce que deviendra cette idée après la phase de production. Cette projection, appelée aussi parfois « projétisation » est en fait la construction du projet quel qu’en soit l’objet. Il s’agit donc pour le designer de produire de l’innovation, et de savoir la représenter pour la rendre compréhensible par les différents acteurs du projet.

Innovation En général, le designer est sollicité pour apporter des idées nouvelles sur un projet. L’entreprise a besoin de «produire de l’innovation». Que ce soit pour renouveler une gamme, créer ou satisfaire de nouveaux besoins, on demande en général au designer de créer de la nouveauté. Contrairement à l’idée commune, je suis convaincu que l’innovation ne passe pas nécessairement par la nouveauté, mais peut être liée à l’amélioration de l’existant. C’est la différence entre l’innovation « de rupture » et l’innovation « incrémentale ». Sans approfondir, considérons que le travail du designer consiste à proposer du mieux (être, vivre, travailler etc.) par la nouveauté ou par l’amélioration de l’existant. Détaillons cependant quelques formes d’innovation, dans le champ de création du designer : - L’innovation formelle qui apporte une différenciation de l’objet du projet par l’image ou l’utilisation engendrées par cette nouvelle forme. - l’innovation technologique qui s’appuie sur des découvertes techniques et qui les rend utilisables. L’appropriation par les designers de certaines technologies nouvelles permettant d’apporter d’autres types d’innovation (formelle, usage…)

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- l’innovation d’usage qui apporte de nouvelles façons de vivre. Le baladeur walkman, par exemple, a utilisé la technologie de la cassette audio qui existait déjà, mais en en faisant un système d’écoute portable, il a complètement modifié notre rapport à l’écoute de la musique.

1/ “ This programme started by observing a phenomenon of social innovation: the emergence in Europe of groups of active, enterprising people inventing and putting into practice original ways of dealing with everyday problems (from childcare and care of the elderly to getting hold of natural food; from looking after green spaces to alternative means of transport; from building new solidarity networks to the creation of new forms of housing and shared facilities and services). ” Pour plus d’information, consulter le rapport d’action du programme EMUDE (Emergin User’s Demands for Sustainble Solutions) dont est tiré cette définition téléchargeable à l’adresse : http://81.246.16.10/videos/ EMUDE/EMUDE%20 final%20report.pdf

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- l’innovation sociale qui consiste à construire de nouveaux modes de relations entre les humains. Elle est pour l’instant peu appréhendée par les designers, et, est en général, une innovation spontanée dans la rencontre entre un besoin et différents utilisateurs. Elle se base sur « L’émergence en Europe de groupes de gens actifs et entrepreneurs qui inventent et concrétisent des façons originales de gérer leurs problèmes quotidiens. (de la garde d’enfants ou la prise en charge de personnes âgées, à la recherche d’une alimentation saine et naturelle ; de l’entretien d’espaces verts à l’usage de modes de transport alternatifs ; de la création de réseaux de nouvelles solidarités à la création de nouvelles façons d’habiter et de partager des biens et des services..) » Le programme européen EMUDE qui donne cette définition a été mené par les designers Ezio Manzini et François Jegou et avait pour but de recenser ces différents cas d’innovation sociale en Europe. Forts de cette recherche, ils ont conçu des nouveaux scénarios de vie, exposés dans leur livre «sustainable everyday».

Prospective Cette question de l’innovation rejoint évidemment celle de la prospective. Quand l’innovation permet de voir apparaître des conceptions nouvelles, la prospective permet d’anticiper des conceptions futures. Dans cet exemple, le designer a conçu un nouveau type d’hôtel porté par un dirigeable et un nouveau type de tourisme dédié. Même si le projet ne peut exister en l’état, il devrait voir le jour d’ici une dizaine d’années.


> Dirigeable, Studio Massaud, septembre 2005 dans catalogue de l’observeur du design, APCI 2007

> cas d’innovation social : coopérative d’achat à Milan, Italie, www.sustainable-everyday.net

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> Design centré sur l’utilisateur Le travail du designer défendu ici se base sur une approche centrée sur l’utilisateur. L’important pour comprendre à quel besoin est-ce que l’on veut répondre par la conception, n’est pas d’obtenir des chiffres ou des remarques générales, mais d’aller au-delà afin d’identifier les leviers pour d’éventuels projets Cette approche n’est pas une approche quantitative (comme peuvent l’être les sondages ou les enquêtes marketing), mais une approche qualitative. Aux notions de « panel représentatif », et de « cœur de cible » nous préférons travailler avec les gens qui ont un usage marginal de l’objet de l’étude (les plus concernés, les plus réfractaires, les plus motivés…) Car si la réponse apportée satisfait les utilisateurs extrêmes, elle devrait satisfaire les « cœurs de cibles ».

? CONCEPTION

?

PROBLÉMATIQUE

INSIGHTS

OUTILS DU DESIGNER

DESIGNER

UTILISATEUR

PROFESSIONNELS

> Participation de l’utilisateur et des professionnes dans la phase d’analyse.

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Les questionnaires de type QCM qui sont habituellement utilisés dans les enquêtes d’opinion orientent toujours les réponses et ne laissent pas la créativité des utilisateurs s’exprimer. Les designers choisissent donc, de plus en plus, de mettre en place des recherches utilisateurs in situ, et d’être le plus en empathie avec ce que vit l’utilisateur, plutôt que de demander l’avis d’un « groupe représentatif » lors de réunions de consommateurs. Ce type de méthode est plus proche de la sociologie ou de la psychologie, que les outils habituellement utilisés en entreprise, qui sont eux, plus proches de la statistique. Pour cela les designers associent les différents partenaires et utilisateurs tout au long de la construction du projet, dans les phases de conception d’idée, de maquettage, de résolution… afin d’apporter des réponses qui « collent » le mieux aux attentes des utilisateurs. Pendant trop longtemps, l’utilisateur a dû s’adapter aux systèmes, l’ambition de cette approche est que ce soit les systèmes qui s’adaptent aux utilisateurs. La difficulté de cette approche participative est que tout le monde ne peut pas être forcément pertinent dans ses commentaires, ou avoir un esprit critique affirmé. Même si la conception du service se fait avec les futurs utilisateurs, ce ne sont pas tous des concepteurs. Concevoir des outils différents pour chaque projet et construire cette participation devient nécessaire. Tantôt ce sera un plan du territoire permettant d’identifier des endroits stratégiques, tantôt ce sera un jeu de cartes permettant d’évaluer une réponse... Le travail du designer ne s’arrête donc pas à la conception du service, mais s’exprime aussi à travers la conception d’outils pour construire ce service avec la participation des habitants.

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// compétences et savoirs-faire > Analyse de la problématique Pour construire des réponses aux utilisateurs, le designer a besoin de comprendre le sujet auquel il doit répondre. Cela consiste à rencontrer des personnes concernées par la thématique choisie et à entrer le plus possible en empathie avec ces personnes pour comprendre la manière dont elles vivent, les choses qui leur manquent, celles qu’elles imaginent… dans leur quotidien. Cela peut passer par des rencontres, des partages d’expérience, dans le quotidien d’un usage, pour « expérimenter avec » et pointer les dérèglements auxquels le design peut palier. Dans l’entreprise Décathlon par exemple, lorsque les designers doivent concevoir de nouveaux gilets de sauvetage, ils partent suivre une équipe de sauvetage en mer, et rencontrent des plaisanciers pour comprendre l’usage des gilets. Ils cherchent à comprendre leur utilisation, à analyser les besoins, à reformuler la question. Dans cette analyse de l’existant, les designers font également des analyses de la concurrence, des recherches de tendances, et de systèmes déjà en place. Ainsi, toute démarche de conception, avant d’apporter des réponses, passe par une compréhension fine de la problématique.

> Représentation / communication Pour construire le projet, la particularité du designer est qu’il travaille à partir de différents outils de représentation. Parce qu’il travaille toujours avec d’autres professionnels, il a besoin de rendre visible le projet qu’ils imaginent ensemble. La représentation est également un moyen de construction de l’idée en l’extériorisant.

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Insights La méthode qui m’intéresse passe d’abord par une représentation des besoins recueillis lors des «recherches utilisateurs». Suite à cette analyse, le designer a besoin de présenter et de partager ces besoins identifiés, avant de construire des réponses. Cette représentation se fait sous la forme « d’insights ». Ce sont des phrases-clefs qui formalisent certains besoins.

> Exemple de recherchesutilisateurs menées par l’équipe du Red Project Pour plus d’information: http://www.designcouncil. info/RED/

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Le RED project est une opération conduite par le «Design Council» au Royaume Uni entre 2004 et 2006 pour construire différents projets autour de cinq thématiques: santé, vieillissement, démocratie, énergie, et citoyenneté.

Croquis La première forme de représentation est bien sûr le dessin, qui sert à représenter l’idée. Le croquis permet de dessiner une intention - même floue - et de la partager immédiatement. C’est un outil de dialogue compréhensible qui permet de réagir et de faire évoluer le projet.

> prototype de machine à laver, CDG Whirpool Europe.dans FAYOLLE Claire C’est quoi le design ? Éd autrement.

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Scénario Ensuite dans la construction du projet, le scénario (qui peut être représenté en dessin, en photomontage, en trucage vidéo…) permet de comprendre quelle est l’utilisation faite de l’objet du projet. En plusieurs étapes, on a, de façon lisible, une projection de la façon dont l’utilisateur peut utiliser la proposition qui lui est faite.

> Scénario d’utilisation d’un bureau de télétravail, dans MANZINI Ezio et JEGOU François Sustainable everyday, scenarios of urban life.

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Plan Au fur et à mesure de l’avancée du projet, sa résolution sera plus fine et l’on passera des croquis représentant une idée assez floue à des plans plus précis du résultat du projet. Dans le cas de la conception d’un objet, ce sera un plan technique, dans le cas d’un système, ce sera un organigramme, dans le cas d’un site web, ce sera une architecture du site, etc.

>KHAN ASSOCIATES extrait du schéma Gestion de l’espace Web des grandes entreprises françaises

juin 2003 www.kahnplus. com

Maquette Le designer n’est pas un spécialiste, sa représentation s’arrête en général à la maquette. La phase suivante, le prototype de l’objet du projet est fabriqué par un spécialiste en la matière. Le designer donc, s’il veut pouvoir représenter au mieux ce qu’il a conçu, devra fabriquer une maquette de son idée. C’est une maquette physique, à différentes échelles dans le cas de la conception d’un bâtiment par exemple ; une maquette virtuelle grâce à l’utilisation de logiciel de représentation en trois dimensions ; ou une maquette de site internet qui représentera les visuels des différentes pages du site sans qu’elles soient fonctionnelles ; ou bien encore une maquette de livre, en prévision d’une impression en série, etc.

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> Maquette de proposition d’aménagement pour le Centre Georges Pompidou photo Milamem Abdelaram-Dilah

Cycle de vie Pour ne pas seulement envisager la production de l’objet du projet, le designer peut utiliser le cycle de vie pour projeter les différentes étapes de la vie de l’objet, et concevoir également la façon dont cet objet vivra. Ce cycle de vie est en fait une représentation simplifiée de « l’analyse de cycle de vie », outil habituel de l’ingénieur en environnement. Je suis convaincu que cet outil qui se développe de plus en plus peut également permettre d’envisager les évolutions dans le temps d’un service ou d’un site web.

RECYCLAGE

INCINÉRATION

MISE EN DECHARGE

DEMONTAGE

> Cycle de vie pour expliquer les différents impacts environnementaux d’une étagère.

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Ces différents outils ne sont pas tous utilisés dans tous les projets. Cela donne un aperçu de la palette des moyens de représentation de la complexité dont peut se doter un designer.

> Créativité Le designer tel que je le conçois se caractérise par un effort constant de créativité. Son rôle n’est pas seulement, d’imaginer des réponses nouvelles à une problématique, mais d’imaginer une construction de projet qui peut apporter un renouvellement dans l’habitude d’une démarche déjà installée. Cette créativité est la valeur ajoutée du designer. Même si chacun peut exprimer une créativité sans avoir besoin d’être designer, il aura les outils pour convoquer cette innovation. Son rôle ne sera pas forcément d’inventer par lui-même des idées nouvelles, mais de faire ressortir la créativité des différents acteurs du projet, professionnels et utilisateurs et de faire le tri des idées pour apporter des innovations.

> Séduction Avec les capacités nécessaires de communiquer, voire de séduire, pour partager une idée ou un projet, le rôle du designer est aussi de donner envie à l’utilisateur (d’utiliser, de lire, d’acheter, d’adhérer…), l’objet du projet.. Cette séduction se concrétisera par le souci du détail, de l’esthétique, de la qualité perçue.

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/// une vision transversale Tout en ayant ce souci du détail, le designer doit pouvoir maitriser la complexité. C’est-à-dire avoir une vision « transversale », à la fois globale du projet, à la fois locale en maîtrisant chaque élément de ce projet.

> Différentes réalités Comme nous l’avons vu, l’action du designer consiste généralement à pondérer différentes contraintes. Il doit, pour cela, prendre en compte trois types de réalité et d’intérêts parfois contradictoires : la réalité de l’entreprise, la réalité de l’utilisateur et l’intérêt général. Pour pouvoir construire cette pondération, il devra sans cesse faire le pont entre le projet général et les intérêts particuliers.

Intérêts de l’entreprise Le contexte de l’entreprise dans lequel intervient le designer l’amène à prendre en compte, dans la conception, une somme de contraintes liées aux moyens de cette entreprise: contraintes physiques, économiques, légales. Il ne connaît pas, bien sûr, toutes les réponses possibles au vu de ces contraintes, et c’est pour cela qu’il est amené à travailler avec des ingénieurs, des marketers, des juristes etc. Ce travail en équipe existe naturellement sans la présence du designer, mais, en maîtrisant les outils de la représentation évoqués précédemment, il apporte un plus dans la médiation du projet.

Intérêts de l’utilisateur Le designer travaille toujours pour un usage. Cela l’amène naturellement à réfléchir à cet usage et à se projeter à la place de l’utilisateur pour apporter des réponses satisfaisantes. Là encore, d’autres acteurs peuvent intervenir, par exemple, des ergonomes ou des sociologues

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pour affiner cette prise en compte de l’utilisateur final. Charge alors à cette équipe de rendre l’expérience de l’usage satisfaisante. Pour cela, les contraintes sont d’ordre esthétique, ergonomique, pratique… Le designer est souvent l’acteur qui rappelle les besoins de l’utilisateur et qui essaie toujours de ne pas considérer les objets dans une logique d’offre, mais dans une logique de demande.

Intérêt général Enfin les contraintes les moins prises en compte dans les projets (surtout dans l’entreprise économique, d’où viennent la plupart des projets), sont les contraintes d’intérêt général. Avec la prise de conscience autour du développement durable, les choses évoluent et ces contraintes (essentiellement environnementales et sociales) sont de plus en plus présentes. Il faudra désormais pondérer ces intérêts, au même titre que ceux de l’entreprise ou de l’utilisateur. Le jeu d’équilibre entre ces intérêts parfois contradictoire fait appel à cette vision transversale. Cependant ces « contraintes » sont en fait souvent des « opportunités » permettant une plus forte créativité. En effet, c’est devant la complexité du problème que doit se déployer la plus forte énergie créative de la part de l’équipe de projet. À mon sens, il est préférable de partir des contraintes, productrices d’innovation, pour apporter des réponses, que de partir de projets trop ouverts, qui risquent de rester bancals par manque de prise avec le réel.

> Travail en équipe et médiation Comme nous venons de le voir, le projet impliquant un designer doit être un projet de groupe. Pour arriver à construire des objets performants, il faut réfléchir aux projets à la fois avec des spécialistes de domaines les plus variés possibles et à la fois avec les utilisateurs de l’objet du projet. Cet exercice d’aller-retour entre le projet général et les visions de chacun prend tout son sens ici aussi. Enfin, encore une

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fois, les outils de représentation du projet peuvent apporter un meilleur dialogue entre ses différents acteurs, et permettre à un ingénieur, un sociologue, un coloriste… autant qu’à une ménagère, un enfant, ou un usager d’apporter leur expertise dans la construction du projet et aboutir ensuite à des propositions d’objets plus performants, plus qualitatifs, etc. Les designers travaillent habituellement de deux façons différentes. Soit ils sont « intégrés » dans l’entreprise et travaillent toujours pour la même structure et souvent donc pour le même type de projets, ce qui leur permet de devenir très pointus dans certains domaines (par exemple au bureau de design de Renault). Soit ils travaillent en «freelance» en vendant leurs services à d’autres entreprises, ce qui leur permet d’avoir un champ d’actions très varié. Ce type de designer travaille soit en indépendant, soit au sein de structures plus grosses comprenant par exemple un bureau d’étude, qui offrent une prestation complète dans le montage de projet pour les entreprises.

> Le projet, un ensemble de sous-projets. Chaque projet est composé de différents éléments de construction. Prenons un exemple d’objet à concevoir aussi banal qu’un grille-pain. L’équipe de projet doit prendre en compte les différents éléments le composant (la grille, la coque, l’appareillage électrique…) C’est-à-dire considérer chaque contrainte relative à ces composants (l’assemblage électrique doit répondre aux normes européennes, la coque doit se démouler après injection…) tout en construisant un ensemble cohérent : un objet simple, beau et facile à utiliser. C’est en tout cas l’ambition de départ d’un projet intégrant la démarche de design. Chaque modification sur l’un de ces éléments pouvant entraîner des modifications involontaires sur les autres parties, l’équipe de projet devra toujours garder une vision globale de l’objet final. Et si l’équipe oublie cette notion générale, chacun défendant des intérêts différents, le designer peut rappeler, par la représentation, cette nécessaire cohérence.

> Grille-pain Tefal, Design DELO LINDO 2007

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Cette construction transversale est valable, il faut le rappeler, quelque soit l’objet du projet. Cette considération transversale de la complexité permet de produire une cohésion dans les réponses, là où une logique sectorielle ? a le risque d’aboutir à des réponses plus difficiles à utiliser.

L AI RAV UPE DE T

CONCEPTION

ÉLÉMENTS PHYSIQUES

> Itération

?

Il est important aussi de préciser que cette approche du métier de desiINFORMATIONS gner est une approche itérative. Cette méthode, basée sur un processus PROBLÉMATIQUE cyclique, consiste à maquetter, prototyper, tester, analyser et redéfinir CONCEPTION un projet tout au long de sa phase de conception. L’aller/retour entre le projet et l’utilisateur permet d’informer et de modifier le projet à FONCTIONS réaliser en fonction des différents avis ou expérimentations. Les outils de représentation de l’objet permettent de mettre en place ces phases INSIGHTS tests et de faire comprendre à l’utilisateur l’avancée du projet et surtout ce que va être l’objet final.

IO N

Encore aujourd’hui, trop de projets se font de manière linéaire et partent en phase de construction (fabrication, mise en place…) sans que l’objet ait été testé, entraînant à des coûts supplémentaires et surtout obligeant l’utilisateur à s’adapter au système mis en place, quand ce devrait être au système de s’adapter aux contraintes de l’utilisateur.

N ATIO ITÉR

FABRICATION CRÉATION | PONDÉRATION

AVANT PROJET

CONCEPTION

PROJET

DÉVELOPPEMENT

PROGRAMMATION GRAPHISME

RECRUTEMENT FORMATION

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CROQUIS | SCÉNARIOS MAQUETTES | REMUE-MÉNINGES

DESIGNER

PROFESSIONNELS DE L'ÉQUIPE PROJET

PROFESSIONNELS


> Non spécialité Le designer n’est jamais un spécialiste de l’objet du projet. On pourrait considérer que c’est sa faiblesse. Même lorsqu’il a choisi de se spécialiser dans la conception de stands d’expositions, par exemple, il fait en général appel à des standistes pour réaliser le projet qu’il a conçu. Cette généralité est en fait souvent une force puisqu’elle peut lui permettre de faire l’interface entre les différents spécialistes justement, et entre les utilisateurs également, sans entreprendre un projet en partant des contraintes, mais toujours de l’expérience d’usage. C’est sa spécificité de démarche plus qu’une spécialité.

Voici donc, la manière que les professionnels -dont je fais partie- utilisent pour construire et mettre en place les projets. En réfléchissant à ces paramètres, nous voyons que finalement toutes ces actions relèvent simplement du bon sens. Seulement, devant la complexité des différents types de projets mis en place par les différents types d’entreprises, il est souvent nécessaire de faire appel à un designer pour construire la maitrise de la complexité du projet avec une approche transversale, centrée sur l’usage final de l’objet. Si cette complexité est suffisamment maîtrisée, l’expérience de l’utilisateur n’en sera que meilleure. Même si la présentation que je fais ici de ces outils et méthodes semble précise et définie, certaines de ces méthodes sont émergentes et beaucoup d’outils restent à inventer. La conception de produits physiques a, de son côté, un siècle d’expérience alors que la conception de produits immatériels n’existe, elle, que depuis une dizaine d’années. Si la démarche de création est la même, certains outils (représentation virtuelle, projection temporelle…) seront amenés à évoluer. Nous allons à présent déterminer comment cette approche d’un designer pourrait s’insérer dans des problématiques de territoire.

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/// comment, en tant que designer, je suis amené a travailler sur le territoire ? > DESIGN ET RURALITE Ce mémoire a pour point de départ « la ruralité «, avec une envie de travailler à la fois sur ce type de territoire et avec les gens qui l’habitent. En effet, je m’étais souvent étonné du peu d’intérêt porté par les designers au territoire rural et forcément, du peu de projets, intégrant des designers, construits en milieu rural. Comme s’il existait un frein à cette rencontre, comme si les zones rurales ne « méritaient » pas de projets de design, à la différence des territoires urbains. Deux projets ont cependant retenu mon attention. Tout d’abord la conception d’un tracteur, « l’Agrotron », de la marque « Deutz Fahr » conçu en collaboration avec des designers de l’entreprise Porsche. Ce projet est malheureusement devenu pratiquement un contre-exemple du métier que je souhaitais exercer, lorsque j’ai appris l’envers du décor en discutant avec mon oncle, mécanicien agricole. « Lors de la conception de l’Agrotron, il y a eu une lutte en interne entre les designers et les ingénieurs concernant la forme du capot du tracteur. Les ingénieurs préconisaient un capot troué pour permettre au moteur de refroidir, les designers, quand à eux, ne trouvaient pas nécessaire cette modification car elle n’allait pas dans le sens «esthétique» de leur projet. Ce sont les designers qui ont eu le dernier mot, et les aérations n’ont pas été conçues dans la fabrication du tracteur. Si bien qu’aujourd’hui, alors que la panne due au manque de refroidissement est connue, les agriculteurs pallient à ce disfonctionnement en pratiquant eux-mêmes les aérations, en perçant le capot ou en ressoudant des grilles à la place. »

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Par rapport à tout ce que je défends autour de l’itération du projet et le travail en équipe, un des rares projets de design qui travaile spécifiquement pour le milieu rural, montre complètement l’inverse. Ceci n’aide pas à présenter une image positive de la démarche de design dans le milieu rural! De plus, ce projet, parce qu’il n’a pas été conçu de façon itérative avec les utilisateurs, n’a pas réellement d’ancrage territorial. Le second projet est la conception d’un pigeonnier par Matali Crasset : ce pigeonnier « Capsule « a été conçu à la demande de l’association colombophile « La Défense «, à Beauvois-en-Cambrésis dans le NordPas-de-Calais. C’est à la fois un habitat pour les pigeons voyageurs dont s’occupe l’association et une structure pédagogique pour faire découvrir cette activité. Cette construction étonnante soulève des enjeux importants tels que la sauvegarde de savoirs qui ont tendances à disparaître. On a bien là un projet de design répondant de manière globale à l’expérience de l’utilisateur.

> Le pigeonnier capsule. Base de loisirs de Caudry. Conception : Matali Crasset

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Dans l’ensemble, les projets de ce type existent en milieu rural, mais concernent en général uniquement la sauvegarde d’un patrimoine. Ce sont souvent de beaux projets, produisant de l’innovation, mais qui ne répondent qu’à une seule problématique d’ailleurs non-propre aux zones rurales. Enfin les autres projets sont des produits fabriqués par des artisans ou des PME installés en milieu rural, mais n’impliquent pas directement les habitants. Je me suis alors posé la question suivante: si le design est proche de la mode et des secteurs « en avance » par sa logique créative et innovante, n’est-il pas nécessairement éloigné de la ruralité? Comme si les designers, de même que les couturiers ou les publicitaires étaient des professionnels urbains parce qu’ils auraient du mal à trouver le terreau nécessaire à leur expression lorsqu’ils sont loin des lieux où s’expriment les nouveautés et les dernières tendances. 1/ Le pigeonnier Capsule. Matali Crasset. Éd. Pyramid, 2004.

> Vitrine, Paris 1er. Boutique de meubles et objets de décoration d’inspiration « design ».

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La ruralité est-elle donc forcément signe de récession empêchant toute « modernité rurale »?


Pourtant certaines marques définissent un « design urbain ». Est-ce un pléonasme ou pouvons-nous lui trouver un antonyme ? Ne pourrait-il pas exister de la même manière un « design rural » qui, loin des préoccupations de la mode ou des tendances serait tourné vers des problématiques sociétales propres à ces territoires, à des problématiques environnementales, d’égalité des territoires ? Qu’en est-il des autres concepteurs, habituellement rattachés à la ville ? De leur côté, les urbanistes ont défini un « urbanisme rural ». Il existe des formations spécifiques, et des professionnels travaillant exclusivement sur cette question. Même si elle concerne surtout l’aménagement des bourgs et des villages et rarement les paysages agricoles, cette activité est aujourd’hui largement acceptée. Le designer peut-il lui aussi se tourner vers ces problématiques propres aux zones rurales ? Si l’on en revient à l’aménagement du territoire, en milieu urbain, l’apport du design dans les propositions au public n’est plus à démontrer. Les urbanistes travaillent avec des designers pour concevoir le mobilier public, les acteurs du développement travaillent de plus en plus souvent avec eux dans la construction de nouveaux services (de transport, d’accessibilité…) Par exemple sur la mise en place du nouveau tramway des Maréchaux à Paris, un travail global de design a été conduit par la RATP sur le matériels et les services associés. Pourquoi la question ne se pose-t-elle pas de la même manière dans le développement local en milieu rural ? La question de l’usage du territoire ne se pose-t-elle pas dans les zones moins peuplées ? Y a-t-il moins de services proposés en milieu rural parce qu’il y a moins d’habitants ? En réalité, comme nous l’avons vu dans la première partie, il existe de nombreux services, avec des questions d’usages associés qui s’y mettent en place. Comment le designer peut-il intervenir dans la conception de ces nouveaux services ? Pour pouvoir aborder la question de l’intervention du designer en milieu rural, j’ai d’abord envisagé différentes possibilité d’action.

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- La première possibilité consiste à travailler avec les entreprises du territoire pour leur proposer d’appliquer une démarche de design dans leur processus de conception de produits d’entreprises installées en milieu rural, de petites ou moyenne taille, industrielle ou artisanale. - Ensuite, compte tenu de l’approche des services qui m’intéresse, j’ai envisagé de travailler avec les entreprises privées offrant des services en milieu rural et suffisamment importantes pour intégrer cette démarche de design de services (par exemple La Poste, Veolia… ) - Suite à la réflexion sur les pays que j’ai exposée dans la première partie, et devant cette multiplication des services de proximité, il y aurait un intérêt à travailler sur du design de services portés par le pays. L’entrée par le design de service pourrait apporter cette démarche au sein d’autres structures que les entreprises privées. - Finalement, j’ai choisi de travailler sur la continuité entre les différentes réponses, en essayant de proposer une démarche de design global, orientée sur le service. La question n’est pas seulement de travailler sur du design de service pour le territoire, mais du design global intégrant la continuité dans la mise en place des réponses pour rendre satisfaisante non seulement l’expérience de l’usager, mais aussi celle de l’acteur administratif, de l’intérêt général… En travaillant sur le système des services, leurs usages combinés, les objets permettant ces usages, peut-on construire une cohérence et un usage plus agréable des réponses apportées par le territoire ? Après m’être interrogé dans la première partie sur la façon dont les services étaient mis en place sur le pays, puis avoir préciser quelle est mon approche en tant que designer dans la deuxième partie, comment serait-il possible de faire se rencontrer ces deux notions en proposant des nouveaux projets intégrant la démarche de design dans les services portés par le pays?

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PARTIE 3

/// design et structure de pays, quelles collaborations? Après avoir identifié le contexte dans lequel je souhaiterais inscrire ma démarche professionnelle, cherchons à présent à aller plus loin dans la définition de cette collaboration possible, à l’échelle d’un pays, entre un designer et les acteurs du territoire. Dans la première partie, j’ai montré l’importance de considérer les actions des pays comme des services en définissant mieux les prestataires et les usages qui sont associés à ces services, afin de garder une bonne maîtrise de la démarche de projet. Dans la deuxième, j’ai montré comment les designers s’étaient construit des outils pour concevoir à la fois des services et, à la fois les éléments de ces services. Je vais maintenant essayer de définir comment associer des designers dans la construction de ces projets de territoire. A quel niveau ce professionnel pourrait-il intervenir ? À quel moment dans le développement des projets ? En collaboration avec quels acteurs ? Quels seraient les outils qu’il pourrait mettre en place et développer ? Quels résultats pourrait-on attendre de l’implication d’un designer dans un projet de territoire ?

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/ avec quels partenaires ? L’organisation d’un territoire est complexe. Il est souvent difficile de déterminer quels sont les acteurs locaux qui peuvent intervenir dans la construction d’un nouveau projet de services, et avec quelles compétences ils peuvent le faire. Surtout dans le cadre des territoires ruraux, ces acteurs ont souvent plusieurs rôles. Un agent de développement peut être maire d’une commune du pays, tout en étant président de l’office du tourisme et, il est aussi un habitant du territoire. Ce qui implique un mélange des genres avec lequel les porteurs de projet, comme les nouveaux arrivants ont du mal à se retrouver. La question, ici, est de déterminer avec quels partenaires le designer pourrait travailler sur la construction de projets de services et comprendre qu’elles seraint les relations à construire.

> Les décideurs D’après ce que j’ai pu constater lors de plusieurs visites « sur le terrain », les projets de services à la population doivent être soutenus par les élus locaux. Même dans une démarche participative telle que prônée par les territoires de projets, ce sont les représentants élus qui ont la légitimité de décider de la construction d’un nouveau projet. Ce sont eux, les commanditaires ou les acheteurs de nouveaux services pour le compte d’une structure publique du type mairie ou communauté de commune. Ce sont eux aussi qui déterminent si les services soutenus ou mis en place par le pays correspondent aux axes de la charte de pays. Au-delà des élus locaux, il faut compter sur le soutien des différentes échelles administratives : département, région, pour établir les financements du projet. Les représentants de la société civile, dont nous avons déjà parlé, font également partie des décideurs. Dans la logique de projet de territoire, ils sont associés aux décisions du pays.

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Le rôle des agents de développement est souvent de préparer la rencontre entre les élus et les représentants de la société civile. Avec l’aide d’un designer, ils peuvent travailler à la mise en place de différents outils de dialogue entre ces décideurs ainsi que d’outils d’évaluation des projets. En effet, il est important de travailler dès le départ à l’association des différents décideurs pour construire un projet qui, même s’il ne fait pas forcément consensus, soit compréhensible par tous afin que chacun puisse apporter son soutien ou son opposition en connaissance de cause. Lors de la construction de projet, le designer qui a l’habitude de «maquetter» les réponses pourrait permettre de rendre plus concret le projet aux yeux des décideurs, et amener ainsi de nouvelles formes d’évaluation. Cette représentation du service avec de nouveaux moyens pourrait permettre également aux porteurs de projet d’être plus convaincant en rendant les services plus compréhensibles.

COMITÉ DE PILO

ÉVALUATION

CONCEPTION

E TAG

PROJET

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> Les agents de développement Pour déterminer la façon dont un designer peut travailler sur ces problématiques de territoires, il ne faut pas seulement prendre en compte les personnes qui décident de la création de nouveaux services mais aussi ceux qui les construisent et les élaborent. Lors de mes différentes visites dans des structures de pays, on m’a régulièrement posé la question de la différence entre un designer et un agent de développement. En effet, il s’est avéré que la manière dont je présentais mon métier se rapprochait du rôle mené par ces professionnels sur le terrain. Il m’a donc paru important de faire le point sur cette question. Pour comprendre ce métier d’agent de développement, je me suis servi de l’ouvrage Guide des professionnels du développement local1 qui présente quel est ce métier, ses compétences, ses fonctions et son statut, dans une logique proche de ce que je me suis employé à faire plus haut à propos du designer. J’en ai tiré différentes conclusions : Ce qui fait la force de ces deux professionnels et que ni l’un ni l’autre ne sont des spécialistes. En restant généralistes, ils peuvent garder une vision transversale des projets et travailler avec une multitude d’acteurs différents. Ce qui les oblige naturellement à faire de la médiation pour construire les projets. Que l’on parle de designer ou d’agent de développement, on fait face à une même incompréhension du grand public. Ce sont des métiers difficiles à décrire, à cerner, qui peuvent s’exercer de multiples façons, après avoir suivi des formations diverses. Le flou de leur définition conduit à une méconnaissance de ces deux métiers. Cela implique de devoir toujours convaincre les différents interlocuteurs de l’utilité de leur démarche, de la pertinence de la méthodologie et du bien fondé des solutions apportées. 1. Guide des professionnels du développement local

Territoires Centre Inffo 1997

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Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’humain qui est au centre de la démarche. Ces professionnels considèrent les projets par la voix


de ceux qui les vivent, et cherchent à construire les réponses dans le cadre d’une démarche participative. Ce n’est pas toujours vrai dans le cas du designer, mais dans la pratique que j’essaie de décrire ici, cette dimension est essentielle. Enfin, l’un comme l’autre travaillent dans la dimension du projet et doivent toujours anticiper les réponses pour travailler à la construction de solutions futures. La spécificité de l’agent de développement est qu’il est un acteur de terrain. En général, il vit sur le territoire pour lequel il travaille et est concerné directement par les projets qu’il met en place. Il sait monter des dossiers et solliciter les bons interlocuteurs du terrain. Il aura également une compréhension fine de la complexité des structures publiques, professionnelles ou associatives qu’il peut solliciter sur le territoire. Il sait également construire l’animation du projet et le porter jusqu’à son aboutissement. Il sait monter des financements et a des habilités dans la construction administrative des projets. Il est l’acteur de la continuité et suit le projet de l’idée à la construction. C’est un acteur dont le designer ne peut se passer pour porter l’innovation en termes de développement local. Le designer, tel que je l’imagine dans la construction de projets de services locaux, est certainement plus déconnecté du terrain et aura besoin de clarifier, d’analyser le contexte pour construire sa réflexion. Comme nous l’avons vu dans cette étude, son métier est d’apporter des méthodes différentes, en n’imaginant pas seulement une réponse nouvelle à une problématique, mais également un renouvellement d’une démarche déjà installée. Par son approche de « projection créative » évoquée précédemment, il permetrait à la structure d’être une véritable force de proposition de projet. Là où les agents de développement que j’ai rencontrés font surtout un travail de compréhension du territoire et d’identification des besoins, la priorité du designer est d’apporter de nouvelles réponses pour leur donner rapidement une tangibilité, bien avant leur concrétisation.

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Ces deux types de professionnels ont donc tout intérêt à associer leurs forces dans la construction des projets, Entre un regard extérieur et un regard pragmatique, entre une vision nouvelle et une connaissance fine du territoire, de nouvelles « équipes de projet innovation « peuvent se former pour permettre au pays de devenir une réelle force de proposition. De la même manière qu’un designer peut être «intégré» dans une entreprise, pourrait-t-il être salarié d’une structure de pays?

MATÉRIALISATION

CONCEPTION | SUIVI

PROJET

SUIVI DE LA CONTINUITÉ

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> Les opérateurs des services Les professionnels qui rendent les services disponibles sur un territoire sont évidemment à prendre en compte dans la proposition de nouveaux services concertés. Ces prestataires sont les salariés des institutions (la secrétaire de mairie, le cantonnier…), les salariés et bénévoles des différentes associations qui œuvrent à construire des réponses aux habitants (l’assistante sociale, les comédiens de la troupe locale, les amis du club des aînés ruraux…) et certains entrepreneurs et artisans impliqués dans les réponses professionnelles à ces besoins (l’aide ménagère, l’épicier ambulant, le facteur…) Dans les propositions faites par la nouvelle équipe d’innovation du pays, il sera nécessaire de bien intégrer le rôle de ces acteurs dans les réponses à apporter. En effet, si chacun n’est pas valorisé dans les réponses qu’il apporte déjà, il aura l’impression que les agents de développement et designers apportent une réponse qui va contre son action ou qu’ils font le travail à sa place. La collaboration avec ces opérateurs devra être étroite, et faite d’allers-retours les plus fréquents possibles pour construire des outils et des méthodologies partagés.

ASSOCIENT

AGENT DE DÉVELOPPEMENT

DESIGNER

MISE EN ŒUVRE

PROJET

OPÉRATEUR DE SERVICES

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> Les consultants Lors des différents entretiens, j’ai appris que les structures de pays font peu appel à des consultants. D’abord parce que cela coûte cher pour les petites entités. Cécile Chabrol m’expliquait qu’au pays du Trégor Goëlo par exemple, ils sollicitaient plutôt les étudiants et les universités. Il leur arrive de travailler avec des experts pour avoir un regard précis sur un élément défini mais sans leur commander d’étude complète. Ils vont également chercher des expertises parmi les entités propres au Département et à la Région. Ils ont fait appel par exemple à des experts de l’agence de développement économique des côtes d’Armor (Armorstat) qui détiennent des statistiques et des données régulièrement mises à jour. Comme elle me le précisait, « c’est dans la confrontation entre les données scientifiques d’un côté et la connaissance du territoire par les acteurs locaux d’un autre côté, que se construisent les problématiques les plus pertinentes ». Par contre leur expérience montre qu’il y a peu de consultants qui sont capables de leur proposer une démarche vraiment participative, parce que ce n’est pas dans leurs habitudes de fonctionnement. Selon elle : « les acteurs du développement ne veulent pas se faire expliquer l’avenir de leur territoire par des gens qui n’y ont jamais vécu ». Ils considèrent, et cela semble pertinent, que « l’expertise est aussi chez les gens qui y vivent. Elle ne suffit pas, mais il faut pouvoir confronter la vision des experts et la démarche participative ». J’ai eu ainsi plusieurs échos similaires où les agents de développement reprochaient aux cabinets de conseil de proposer, plus ou moins, toujours les mêmes prestations sans véritable apport pour eux, et ce à des coûts rédhibitoires. Ainsi il semble nécessaire d’aller chercher différentes expertises et de créer une concertation de différentes spécialités pour construire une bonne démarche d’innovation sur un territoire. La connaissance et l’évaluation pointues d’un domaine ne sont pertinentes qu’au regard de ce que les habitants ont à dire de leur territoire. La méthode de rencontre avec les habitants et la recherche de leurs usages est selon moi la façon la plus convaincante d’aller vers une meilleure acceptation de l’avis des consultants.

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Si un pays n’est pas en mesure de salarier un designer (pour différentes raisons possibles), le statut de consultant peut être le bon moyen de reconnaissance du designer par la structure de territoire. Le designer peut-il alors intervenir au sein d’un cabinet de conseil pour proposer une nouvelle offre plus centrée sur les besoins des habitants?

> Les habitants Dans la perspective d’apporter de nouveaux services à la population, les habitants sont les utilisateurs de ces services, ils doivent donc être au centre de la démarche. Certains services ne sont destinés qu’à une catégorie de cette population (crèche parentale, repas à domicile...). Il faut alors centrer la recherche sur ces utilisateurs, en les enrichissant d’avis extérieurs. Pour construire ou améliorer ces services, il est nécessaire d’entrer le plus possible en empathie avec les habitants et comprendre quels sont leurs besoins face à une problématique donnée. Pour les agents de développement, cette compréhension est sûrement plus évidente puisqu’ils font partie de ces habitants. Les designers, comme nous l’avons vu, mettent en place les outils de cette compréhension. L’équipe de projet doit donc interroger, solliciter, partager les réflexions à toutes les étapes du projet, afin d’apporter des réponses pertinentes et acceptables par les habitants.

SOLLICITENT PARTICIPATION

CONSTRUCTION

PROJET

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// quel niveau d’intervention ? La structure de pays peut faire appel à un designer à différents niveaux du projet, en fonction de son état d’avancement, de la compréhension du métier de designer, de ses choix d’orientations… Nous allons désormais présenter quels peuvent être ces niveaux d’intervention.

> Conception d’éléments d’un service. À un premier niveau de collaboration, le pays peut construire un cahier des charges et demander au designer de concevoir les éléments physiques d’un service mis en place. Ce type de collaboration se fait déjà ponctuellement. Par exemple si le pays veut mettre en place un service d’accueil pour les visiteurs, ou un service culturel pour valoriser certains éléments du patrimoine, l’équipe du projet va définir les lieux à valoriser et demander au designer de concevoir les éléments physiques de ce service (support de communication, identité visuelle, architecture d’information sur les panneaux etc…) Voici un exemple de signalétique réalisé par l’agence Altitudes Développement (Lyon) à Thiers1. Dans la même logique, le pays pourrait demander à un designer de concevoir l’identité visuelle du pays, l’aménagement intérieur d’une maison de l’emploi, un outil de communication interne, des emballages servant à la valorisation des produits locaux…

1/ www.altitudes-developpement.com/

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> Parcours La Vall茅e des Usines, Thiers, Puy-deD么me.

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> Exemple d’un service: le visio-guichet Le deuxième niveau d’intervention est de proposer au designer de concevoir un service pour le territoire. En fonction des axes définis dans la charte de développement, les agents de développement définissent la mise en place d’un service particulier. Par exemple, la structure de pays peut avoir déterminé que, pour favoriser l’accès à l’administration en milieu rural, il est pertinent de mettre en place des visio-guichets. Le principe du VisioGuichet est de permettre à une population située en zone rurale ou excentrée d’accéder aux services administratifs en lui évitant des déplacements dans les grandes agglomérations. C’est une réponse aux problématiques d’aménagement du territoire, de désertification des zones rurales et de qualité de services aux citoyens. Depuis la borne VisioGuichet, l’usager appelle l’une des administrations proposées. Une communication audiovisuelle s’établit avec le correspondant dans une agence. Le correspondant est lui, équipé d’un simple microordinateur (doté du matériel et des logiciels nécessaires). Ce contact peut constituer une simple demande d’information mais permettre également la réalisation d’une procédure administrative. En effet, le VisioGuichet rend possibl la saisie et l’impression de formulaires administratifs à distance grâce à un scanner et à une imprimante. L’usager peut ainsi récupérer au VisioGuichet un formulaire saisi et validé par l’agent distant. Les distances sont raccourcies car l’usager n’a pas à se déplacer dans la ville où sont installées les administrations, l’accessibilité est donc plus facile. Le pays peut choisir d’acheter un visio-guichet conçu par les ingénieurs de France Télécom : le point Visio Public.

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Malheureusement, cet outil n’a pas réellement fait l’objet d’une démarche de design. L’expérience a montré que ce service n’est véritablement efficace qu’avec la présence d’un médiateur. Les utilisateurs capables de se servir spontanément de cette machine ont souvent à leur domicile le matériel nécessaire pour ces échanges, et n’utiliseront pas la borne. Ceux qui, au contraire, n’ont pas l’habitude d’utiliser un ordinateur ne viendront pas, d’eux-mêmes, l’utiliser. L’autre limite est que certains utilisateurs sont réticents à se laisser filmer lorsqu’ils évoquent des problèmes relatifs à leur santé, ou à leur déclaration d’impôts… La machine ne met pas en confiance et peine parfois à rendre le service escompté, faute d’une expérience d’usage satisfaisante. En partant de ce constat, le pays pourrait choisir de faire appel à un designer pour concevoir un nouveau visioguichet. Voici l’exemple de la réponse proposée par Olivier Martin, de l’agence Ut Designers à Clermont-Ferrand. Dans cette réponse, Olivier Martin ne s’est pas seulement posé la question de la borne, mais il a travaillé également sur l’accessibilité du service. En concevant un véhicule avec ordinateur et connexion sans fil à Internet, l’utilisateur n’a plus besoin d’aller à la borne, c’est la borne qui vient à lui. Cela crée un emploi de médiateur et cela facilite les démarches administratives en mettant un lien humain entre l’utilisateur et la machine, ce qui annule les effets angoissants de la borne. De plus, pour des populations illettrées ou en difficulté avec des démar-

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ches administratives, ce mĂŠdiateur est un soutien prĂŠcieux.

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Comme nous l’avons vu dans la description du métier de designer, il a conçu les différents éléments du service: - d’abord les éléments physiques de ce service : l’aménagement du camion, l’ordinateur, les outils du conseiller… - ensuite les éléments d’information : le logiciel de correspondance, l’identité du service... - enfin les ressources humaines nécessaires à la mise en place du service : la création du poste de conseiller, les compétences qu’il doit avoir, sa formation etc… On voit bien dans cet exemple l’intérêt de faire appel à un designer qui requestionne la question du visio-guichet pour apporter une meilleure expérience du service par l’usager. Cette proposition est, pour l’instant, restée à l’état d’étude, mais grâce à ses outils de représentations, ce designer est à même de partager sa proposition avec des élus ou d’autres acteurs du territoire et ce sans avoir besoin de fabriquer immédiatement le dispositif. Ce projet est compréhensible en l’état et chacun des acteurs pourra exprimer son ressenti avant de commencer à construire le service. Dans la même logique, la création de service pour les pays peut répondre à différentes demandes : par exemple la volonté de mettre en place des services de covoiturage, de portage de repas à domicile, de maison de l’emploi etc… Pour tous ces sujets, le designer pourra faire des propositions et les rendre compréhensible rapidement.

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/// services pour la structure Pour l’instant, nous nous sommes surtout arrêtés à l’action que peut entreprendre un designer lorsqu’il accompagne des projets sur un pays. Parce que le parallèle entre projet sur un territoire et projet dans une entreprise semble le plus évident, il paraît logique de commencer par là. Si l’on considère le design comme une démarche globale, le designer peut-il proposer de concevoir des services innovant pour la structure elle même? La conception porterait alors sur une définition de nouveaux outils de dialogue, de concertation, de représentation… La structure peut avoir identifié des freins dans l’évaluation de ses réponses, dans le partage de ses données et pourrait choisir de travailler sur cette question avec une approche de design pour mettre en place d’autres outils expérimentaux et apporter un renouvellement dans la démarche. Le designer peut dans ce cas, organiser des réunions créatives ou des procédés de mise en commun des informations différents de l’habituel « power point ». Comme ce processus n’a encore jamais été initié, il reste de nombreuses questions ouvertes . Quelles solutions concrètes le designer pourra-t-il apporter pour produire de la concertation? Quelles facilités peuvent être apportées par le design?

CON ÇOIT

ÉVALUATION

OIT NÇ CO

ANIME

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COMITÉ DE PILO

PROJETS DU TERRITOIRE

E TAG


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//// cohésion de différents services La structure de pays pourrait, enfin, choisir d’impliquer le designer dès la phase d’analyse des besoins, et déterminer le cahier des charges avec lui. C’est cette approche qui va le plus loin dans la conception de services transversaux sur un territoire. Plutôt que de fournir un cahier des charges de services au designer, le pays pourrait travailler avec lui sur la définition même de ces services, dans une approche globale. Compte tenu des besoins en transport des habitants par exemple, cette « équipe de projet créative » pourrait déterminer que la solution de service n’est pas une réponse « type » comme peut l’être un « transport à la demande », mais une autre forme de réponse, plus transversale, à inventer, qui n’existe sur aucun autre territoire. L’important est que la structure se donne pour ambition de concevoir sa démarche de projet dans une volonté d’imagination, d’innovation et de créativité. Il reste ici encoire beaucoup de questions ouvertes. Comment peuvent se former ces « équipes créatives ». Dans ces différents exemples, j’ai présenté le designer comme un acteur extérieur à la structure du pays, travaillant avec le statut de «free lance» que nous avons évoqué dans la description du métier. Si l’on imagine qu’une collaboration pérenne se construise entre un designer et une structure de pays, serait-il judicieux qu’un designer devienne intégré à la structure de pays, comme cela se fait actuellement en entreprise? Quels sont les résultats que les décideurs peuvent escompter d’une démarche comme celle là? L’investissement pour le pays est-t-il intéressant ou vaut-il mieux que cette démarche s’applique à une échelle de territoire plus grande (un laboratoire de recherche à l’échelle de la Région par exemple)? Voici, pour terminer, le schéma ci-contre propose une synthèse de la démarche de designer telle que je l’imagine sur un projet :

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outils proposĂŠs


///// faire compagnie un projet de cohesion rurale À ce stade de la réflexion, je propose une nouvelle approche, mais je n’ai pas le recul de la pratique pour légitimer concrètement mon intervention. Je connais peu le développement local et, ne l’ayant jamais concrétisée jusqu’à présent, je ne peux qu’imaginer l’intervention du designer. Il me semble désormais nécessaire d’appliquer cette théorie à un projet concret et de faire l’expérience de ces intentions. Passer à l’action me permettra de me rendre compte de ce qui est erroné, de ce qui s’avère être exact, d’adapter et de faire évoluer ce positionnement naissant pour construire un véritable projet professionnel. Lors de mes rencontres avec des structures de pays, j’ai pu imaginer différents projets sur lesquels je me sentais capable d’apporter une valeur ajoutée propre à mon métier. Lorsque le pays de Rennes cherchait à accompagner un porteur de projet sur un service de recyclage des cagettes usagées, j’imaginais pouvoir proposer un ensemble de projets valorisant cette matière première avant recyclage. Lorsque les animateurs du pays du Trégör Goello me parlaient de l’objectif inscrit dans la charte de l’environnement du pays de mettre en place du covoiturage sur le pays, je concevais pouvoir proposer un service de covoiturage construit sur la base des besoins des populations concernées. Au pays de Combrailles, nous avons fait ensemble une liste de projets qui auraient tous pu être de potentiels projets associant un designer : de la proposition de microarchitectures de loisir, à la conception d’un kit du nouvel élu. Cette première étape m’a permis de me projeter dans les contextes possibles pour appliquer la réflexion et la démarche que j’affirme au travers de cette réflexion. Afin de mettre en œuvre cette expérimentation, j’ai finalement choisis le contexte du pays Nivernais Morvan et ce après avoir rencontré Fabien Bazin et Jean Sebastien Hallier, deux acteurs du développement local de ce territoire.

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La thématique que nous avons choisi ensemble d’aborder est transversale aux différents axes de la charte du pays et est centrée sur la problématique de « l’isolement ». Si cette difficulté caractérise tout territoire rural, elle est particulièrement criante au Pays Nivernais Morvan, zone forestière de moyenne montagne très enclavée. Pour conduire cette expérimentation, nous avons convenu de travailler à l’échelle d’un des cantons du pays, qui est également un territoire de projet : le canton de Lormes. Des réponses à cette problématique sont déjà mises en place par les acteurs locaux, je commançais donc mon approche en m’attardant sur ces questions : comment prendre en compte les services existant dans une réponse élargie ? Quels sont les problèmes concrets liés à l’isolement ? Comment les habitants luttent-ils contre ces difficultés au quotidien ? Quel peut être une réponse différente, innovante, ou transversale portée par le pays Nivernais Morvan? À partir d’une première phase de recherche, j’ai mis en place un dispositif intitulé « faire compagnie ». Il fera l’objet de mon projet de fin d’études. Mon objectif au travers de ce projet : développer un dispositif permettant, à partir de l’analyse du territoire de construire une cohérence de services sur le canton de Lormes. En rencontrant à la fois des acteurs travaillant à la lutte contre l’isolement ainsi que des personnes vivant cet isolement au quotidien, je tenterai de proposer une réponse locale, adaptée et transversale. J’ai imaginé que le projet puisse être porté par une structure privée (association, entreprise locale) bénéficiant de fonds publics pour le développement, ou par une structure publique. Je tenterai de laisser une place aussi bien aux acteurs économiques qu’aux acteurs sociaux, culturels ou publics, puisque tous d’une manière ou d’une autre travaillent au développement de leur territoire et peuvent apporter leur pierre à l’édifice de cette cohésion rurale.

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conclusion En considérant les projets de territoire sous la forme de services rendus, il est plus facile d’entrer dans une logique de l’usage et de l’expérience, plus intéressante pour l’usager que dans l’habituelle logique de l’offre. Le pays, en apportant des services pour répondre aux besoins de chacun dans une logique de cohésion territoriale est l’instance la mieux placée pour inventer, construire et développer des services en phase avec les attentes des habitants. Pour cela, le designer pourrait apporter son expertise, sa capacité à représenter et partager l’idée du projet, ses outils de pondération et de médiation pour construire, avec la structure de pays, de nouvelles réponses aux habitants. Par les différents schémas que j’ai construits, j’ai voulu présenter l’analyse et les réponses possibles à cette problématique. J’ai conscience que ces schémas ne seraient pas toujours adaptés car les choses ne sont jamais aussi simples. Il y a nécessairement des éléments à pondérer dans ces différentes présentations, et certaines questions restent ouvertes. Il reste maintenant à faire la démonstration de la pertinence de cette association « design-territoire ». J’espère pouvoir m’y consacrer dans les années à venir.

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Merci Jacques François Marchandise, pour ton suivi éclairé. Merci Stéphane Villard, pour ton regard aigu. Merci Adèle, sans toi rien ne serait possible.

Merci à vous, tous les gens que j’ai rencontrés , qui ont pris le temps de m’expliquer comment fonctionnent les pays : Annaïg Hache, l’équipe du Trégor Goëlo, Bruno Voyer, Gaëlle Cuerq Charlotte Charbonneau, Olivier Cavagna, Pascal Marmion, Christian Paul, Jean Sébastien Halliez, Fabien Bazin, Lionel Pasquier Stéphane Vincent et Marie Baduel.

Merci à vous, celles et ceux qui m’ont éclairé de leur conseils avisés, Adrien, Yoan, Xavier, Félix, Liz, Denis, Matthew, Julien, Mila, Goliath, Damien et Elise.

Merci à vous, celles qui patiemment ont relu ce mémoire Bernadette et Marion. Merci à vous, tous ceux qui de près ou de loin, m’ont encouragé et que j’ai oublié de citer ici.

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